Cela faisait maintenant plusieurs heures que nous avions repris la mer, Hayase, Heliamphora et moi-même. Bien que je n’avais rien contre mes coéquipières, je m’excusai rapidement pour me retrouver seule dans la pièce calme qui m’avait été attribuée. J’étais exténuée, et pourtant mon esprit continuait de cogiter. Je réfléchissais en boucle à ce qui s’était passé à bord du sous-marin, à cette caisse donc le fond semblait prendre vie après que je l’ai touché. Mes bras et mes jambes étaient lourds et zébrés de courbatures, mais je ne pouvais m’empêcher de penser inlassablement. Ainsi, à mon rythme, j’errai dans la chambre et je tentai diverses manipulations, sur tout type de matière. J’avais beau tirer sur du tissu ou frapper dans du métal, seuls un bruit résonnant contre les quatre murs s’en dégageait.
De toute évidence, seul le bois devait fonctionner, cela restait le seul élément sur lequel le pouvoir s’était manifesté, et également le seul que je n‘avais pas encore essayé pour ce soir. Je fouillai dans mon sac et je saisis un pinceau parmi les fournitures de peinture que j’avais pu m’acheter lors de notre séjour à Water Seven. J’allais faire au mieux pour ne pas le détruire, lui qui n’avait même pas encore eu la chance de parcourir la moindre toile. Je m’allongeais sur le lit moelleux et je me hâtai. Alors que je prolongeais le contact avec l’outil, je pouvais observer, en zoomant grâce à mes prothèses, la surface du pinceau frémir. Les fibres du bois commençaient à se mouvoir, tel un serpent sortant d’une longue hibernation. Je contemplais avec émerveillement le veinage du bois se réagencer, alors que le morceau de bois commençait à se courber, jusqu’à former un anneau aux courbes maladroites. Mes pieds frétillaient d’excitation alors que je prenais peu à peu conscience du pouvoir qui évoluait en moi.
Pour ne pas avoir à mettre mon récent achat à la poubelle, je me concentrai au mieux pour le démêler et lui rendre sa forme d’origine. Le cercle en bois se déliait progressivement, retrouvant peu à peu sa forme élancée bien qu’une fois la transformation achevée je constatai avec ennui que ce dernier était légèrement plus fin et long qu’au début. Un détail invisible aux yeux d’un néophyte, mais la prise en main s’en retrouvait bousculée, presque gâchée pour quelqu’un ayant mon expertise. Voilà que je me retrouvai avec un pinceau hors des normes, il fallait arranger la situation. Avec de brefs contacts, j’effleurais le pinceau, qui s'effilochait en fines lamelles de bois. Il était temps de recoudre tout ça ! Disposant petit à petit les tranches autour du pinceau, de manière à en gonfler l’épaisseur, je réalisais au mieux des greffes successives, les fibres du bois s’enlaçant et fusionnant progressivement. Encore une fois, le résultat était grossier, la surface du pinceau ondulait légèrement suite aux différents ajouts de matière, quelle prise de tête !
Je répétais l’opération, jusqu’à ce que le résultat me convienne et propose une expérience similaire à un vrai pinceau. Cette fois, j’étais vraiment à bout de force et je sombrai rapidement dans un sommeil imposé par mes limites physiques.
Les murmures du bois
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