Monsieur le Directeur, faites-moi une place au soleil

Un nouveau jour banal se profile pour la jeune mais expérimentée agente du gouvernement, Capulina Dubal. Elle est installé sur son bureau dans l'open space du pôle numero 4, attendant sans conviction sa prochaine affectation. Jouant avec une petite araignée entre ses doigts au dessus d'un fatras de papiers et de dossiers etalés, son expression témoigne d'un certain épuisement. Son apprêtement est plus simple et moins rigoureux qu'à l'accoutumée. Sa robe moins serré, ses cheveux plus long sans aucun brossage. Même un de ses lacets de ses bottes est défait sans qu'elle n'en ait cure. La dénommé Agent Tarentule s'attendait une énième fois à, au moins, un peu de reconnaissance, voire une promotion après sa dernière mission d'ampleur sur Whiperia. Mais il n'en est rien. Son rapport a été accueilli comme toutes ses missions les plus banales. Le verrou que les coordinateurs lui imposent semble insurmontable. Pour la seconde fois de son existence, Capulina doute de sa lutte.

Ignorant le bruit alentours, essuyant quelques regards intrigués de la voir aussi calme, la plus insupportable des nombreux blondes du Cipher Pol paraît se laisser aller à ses pensées. Son denden de bureau sonne subitement.  Levant lentement ses yeux, elle le laisse sonner quelques instants avant qu'une main paresseuse ne vienne décrocher le combiné. D'une voix nonchalante, elle se présente.

“Agent Tarentule, libre et disposé pour… n'importe quel bazar où vous m'enverrez.
-Mademoiselle. Ici le Directeur Davis. Vous allez bien?”

La blonde sursaute en entendant le timbre de voix chaleureux du Directeur. La nature empathique de celui-ci a remarqué l'état de cette agente en un rien de temps. L'agent Tarentule ne s'attendait pas à un tel appel. Se redressant sur le coup, elle monte d'une octave.

“Oh ! Monsieur le Directeur. Je vais bien. Je me suis juste un peu relâché… vous savez, j'ai enchaîner les missions en ce moment.
-En effet, Agent Tarentule. Et c'est à ce sujet, entre autre, que j'aimerais vous convoquer dans mon bureau. Nous pourrions avoir une discussion qui vous revigorera, j'en suis persuadé.
-J'arrive de ce pas, monsieur le Directeur !
-Bien, voilà l'enthousiasme que l'on aime entendre. À toute suite.”

L'appel prend fin. L'agent Tarentule prend une profonde inspiration. Redressant la tête, un grand sourire illumine à nouveau son visage. Les yeux brillants, le moment tant attendu se profile enfin. Elle ne peut contenir son excitation. Agitant les mains, Capulina sautille de joie sans se soucier de ce qui l'entoure.

“Hiiiiiiiiiii !”

Après ce cri d'enthousiasme, elle aggripe un elastique et baguette pour se faire rapidement un chignon. Elle fait son lacet et se refagote pour avoir l'air plus présentable avant de marcher en vitesse vers le bureau du Directeur du CP4, le chaleureux Korn Davis. Les collègues présents la regardent avec des regards décontenancés par ce changement d'humeur soudain. Voilà qui ne va pas aidé à sa réputation déjà très controversé.

Devant la porte, Capulina a dû mal à contenir sa joie. Son cœur battant la chamade, elle se sent si proche d'une grande étape dans son existence. Ce n'est pas la première fois qu'elle rencontre le Directeur en tête. La dernière fois, c'était pour l'affaire des Pah avec l'agent Grin, mais son ton était tout autre. Au lieu d'être dans l'inquiétude, son supérieur paraît clairement de très bonne humeur, et bien plus que d'habitude. Korn Davis à toujours cette image du Directeur agréable et à l'écoute des autres. Une humanité qui peut parfois être vu comme du laxisme pour la blonde. Cependant, Capulina le respect pour tous ces accomplissements au sein du Cipher Pol. Ce n'est ni une légende, ni un héros, mais son exemplarité et la stabilité de ses résultats en fait un modèle. La jeune femme vérifie une instant la bonne tenue de sa robe et réajuste ses gants. Elle toque trois fois avec une de ses phalange. Elle ouvre doucement et prudemment la porte. Elle voit son Directeur sourire.

“Installez-vous donc, Mademoiselle. Je sais que vous appréciez le thé. Appréciez le pendant nos échanges.”

L'agent Tarentule entre en refermant la porte derrière elle. Elle effectue une révérence des plus respectueuses avant de s'assoir sans que son sourire ne bouge d'iota. D'un air faussement innocent, la blonde s'empresse d'entendre son supérieur venir au fait.

“De quoi s'agit-il, monsieur le Directeur ?”

Elle approche la tasse de thé à sa bouge pour s'empêcher de laisser trop de mots s'échapper. Korn Davis scrute le dossier de l'agent Tarentule en commençant.

“Eh bien, Agent Tarentule. Votre zèle sur Whiperia a impressionné l’administration pénitentiaire. Rares sont les agents aussi scrupuleux à leur égard.
-Vous m'envoyez ravi. Il faut dire qu'avec la destruction d'Impel Down et Jotunheim. Le pénitencier a plus l'habitude d'être maltraité. Hihi !
-C'est juste.”

A la grande surprise de Capulina, le Directeur ne surenchérit pas sur l'état des Prisons du GM qui ont plus l'air d'appat à pirate qu'autre chose dans cette sombre décennie.

“Quoiqu'il en soit, la mandataire de cette mission est très satisfait. Elle m'a même demandé que l'on vous mûte pour réitérer votre duo avec l'Agent Chang'e. Mes bons éléments attirent bien des convoitises. Ahah !
-Oh ! Je ne suis pas certaine de vouloir côtoyer une Soeur de la Lune de si tôt. La réponse aurait sûrement déçu la Directrice du CP3.
-Cela tombe, je ne comptais pas céder à ses avances.”

Le Directeur ne semble pas non plus s'intéresser au commentaire de l'Agent Tarentule sur ses religieuses qui infestent le CP et dont la double loyauté questionne. Korn dépose le dossier pour siroter son café avant de reprendre.

“J'ai reçu une nouvelle agréable. Vous êtes la première à le savoir. On m'accorde une retraite très intéressante dans l'organe politique, et j'aimerais préparer ma succession. Et c'est en y réfléchissant que j'ai remarqué que votre dossier constrate beaucoup avec votre poste actuel. Des chefs d'équipe ont moins d'accomplissement que vous. J'apprécie votre rigueur et votre enthousiasme mises au service du Gouvernement Mondial. Je pense sincèrement que vous avez le talent et l'énergie de devenir un pilier pour notre Institution. “

Ces mots sont d'un grisant pour la femme qui toujours cherchait la reconnaissance de ses supérieurs, n'ayant rien reçu de sa propre mère. Elle tremble pour contenir toutes ses émotions joyeuses. Enfin, le moment tend attendu depuis dix longues années. Alcéa, ta jubilation s'arrêtera bientôt, car la Tarentule va enfin grimper au sommet.

“Cependant…”

Le sourir de Capulina s'éffondre. Une part d'elle avait conscience que ce ne serait pas aussi aisé.

“Votre réputation rend frileux n'importe qui à vous accorder le moindre crédit dans nos bureaux. Vos médailles sont classifiés autant que vos défauts sont mise en valeur. Si les Administrateurs ne sont pas séduit, je ne peux malheureusement pas vous permettre de porter la responsabilité de notre pôle.”

Ses mains tenant la tasse se serrent. Sa tête se baisse légèrement.

“Si je puis me permettre, quels sont ses défauts dont les coordinateurs se targuent de m'accuser ?”

Monsieur Davis jette un œil sur le dossier. Il pose sa tasse sur la table. L'homme a conscience que cela n'échantera pas Capulina, mais il doit la préparer à toute l'image qui circule sur elle dans les bureaux des coordinateurs.

“L'incident de votre esclandre dans le hall d'entrée au départ de l'ex-agent Alaaric.
-J'ai subit une agression sexuelle.
-Je vous crois. Malheureusement, personne ne l'a vu sous cet angle. Ensuite, votre filature du Corsaire a été jugé inefficace.”

Ses yeux s'écarquillent en un instant. Elle tente malgré tout de ne pas élèver la voix malgré la colère.

“Inefficace? Mais comment aurais-je pu prévoir leur fuite? J'ai donné toutes les informations possibles en y risquant ma vie. J'ai même proposé au service de me laisser monter un dossier sur tous les Corsaires. Personne ne m'a donné de retour.
-Le service Analyse vous a jugé hors-course sur ce sujet, à mon grand détriment. Pour eux, ce qu'ils estiment être un échec, vous rend inapte à juger le cas des Corsaires.
-C'est ainsi que l'on laisse le Corsaire Envy se la couler douce dans son île de gamins pendant qu'une Sainte se fait trucider sur Grandline !
-Calmez vous, mademoiselle. Je vous prie. Nous avons tous été peiné par cette tragédie. Changeons de sujet. Votre initiative de mission a aussi été mal vue par un des administrateurs, malgré qu'il vous ait octroyé son aval.”

La blonde laisse sa tasse sur la table. Ses poings se serrent et sa tête se secoue de droite à gauche en total désaveu avec les propos du Directeur.

“Ce que j'ai fait aux alliés de Red à Myriapolis, me le reproche-t-on aussi? Pour ma part, je me demande justement pourquoi personne n'emboite le pas. Red, n'est-il pas l'empereur le plus virulent du monde? Qu'est-ce que l'on attend pour réagir ?
-Votre postulat est osé, mademoiselle. Red n'est pas si virulent que cela. Il remporte des victoires minimes.
-Minimes? Pouvez-vous me dire en quoi MarineFord est insignifiante ? Un amiral est mort au combat et l'amirale en chef a dû ployer l'échine.
-C'est triste, mais ce n'était qu'une base historique sans importance.
-Et la bataille de Jaya, ce n'est rien du tout? Oh, et ces lieutenants sont peut-être tout aussi insignifiant. Reyson n'a rien d'insaisissable. Izya n'a rien de dangereuse. Clotho ne déborde en rien sur les Blues.
-Cela se discute. Je suis certain que le Conseil des Étoiles à des planifications.”

Forcément, l'excuse parfaite, celle qui met tout le monde d'accord. Les fameux plans du Conseil ne sont évoqués que pour remettre gentiment les gens à leur place. L'agent Tarentule en a bien conscience. Ravalant ses ressentiments, elle attend d'autres jugements comme un condamné attend le coup de fouet.

“J'ai compris. Ce n'est pas les affaires de notre pôle dans tous les cas. Va-t-on aussi me reprocher de faire mon boulot?
-Absolument pas. Je vous ai dit avoir déceler un talent en vous. Simplement, le diamant brute a besoin d'être quelque peu taillé. Vous avez mené à bien l'affaire du Vice-Amiral Shoga, par exemple.
-Quel a été le verdict? Je n'ai pas eu le plaisir de me renseigner.
-Un blâme sur son dossier.
-Un blâme ?! Il répond et accepte des rendez-vous de criminels mondiaux. Ce mink puant vient d'avouer sans frémir devant moi qu'il resterait loyale à un pirate dont il n'a aucun lien de parenté. Il vient d'être nommé Vice-Amiral, et tout ce qu'il mérite pour avoir agit comme un marine corrompu, c'est un blâme ? A quoi sert notre travail ?
-Mademoiselle. Je comprends votre agacement, mais l'Amirauté fait corps pour témoigner d'une certaine clémence.
-Ce n'est plus de la clémence à ce stade là, mais de la stupidité. Qu'en est-il de l'intégrité de notre Gouvernement ?!
-Agent Tarentule, je vous en prie.
-Tout comme le recrutement de clowns et de magiciens hypnotiseurs, d'ailleurs. Imaginez-vous seulement ce que l'on peut paraître ridicule avec de tel agent dans nos rangs. Puisque vous me parliez d'Alaaric. Parlons en de ses accomplissements. Il n'arrive même pas à tenir une couverture en ma compagnie. Les mauvais éléments bafouent la diligence et le mérite du Cipher Pol, mais personne ne semble vouloir réagir.
-Je n'ai malheureusement pas d'éléments pour approfondir le sujet. Mais, finalement, Agent Tarentule…”

Korn Davis lâche un soupir avant de prononcer le cruel bilan sans changer sa tonalité. Comme une conclusion cinglante en réponse à toute la rancœur de Capulina.

Un silence pesant envahit la pièce. Les poings de l'Agent Tarentule froissent le jupon de sa robe noir. Son sang bout. Le haut de son visage rougit. Elle sent une rage l'envahir. Se pinçant ses lèvres, ses yeux se gorgent de larmes. Ébranlée dans ses propres croyances, Capulina reste sans voix. Quelle est sa place dans l'univers si plus rien n'a d'intérêt? Korn Davis se redresse quelque peu mal à l'aise par la réaction de son agente. Il a peut-être bien trop témoigner du fond de sa pensée. Cependant, il est convaincu que cette femme sera parfaite pour défendre les valeurs du Pôle numéro 4. Elle a juste besoin de changer de perspective.

“Mademoiselle Dubal, n'en faites pas une formalité. J'ai conscience que les évènements ne vont pas forcément dans votre sens. Vous avez une vision innovante sur les choses. Je pense faire le bon choix en vous offrant une chance d'acquérir mon poste. Cependant, vous devriez intégrer le service Analyse de l'intérieur pour pouvoir palier à cette mauvaise réputation. Je suis certain que, si vous faites l'effort, vous êtes capables de progresser au sein du service et vous taillez une toute nouvelle image. Si vous y parvenez, ce poste sera naturellement pour vous.”

Des larmes coulent lorsque le visage de la blonde esquisse un sourire frôlant la frénésie.

“Gnihi… Hihihi.”

Son ton monte avec tout le dédain et le dégoût qui va avec. Elle perd totalement pied, prenant le Directeur de court.

“Je vois. Vous voulez me faire devenir comme eux ! Émettre un avis sur tout, même s'ils en savent rien. Faire semblant de s'interesser aux sujets qui les indifférent. S'attacher au protocole actuel coûte que coûte même s'il ne sera jamais appliqué ailleurs. Vaciller au gré du vent d'un sens ou de l'autre. Regarder seulement là où il y a du bruit pour s'en plaindre. Caresser ceux qui pleurent, dégoûter ceux qui font les efforts. Aplanir le monde et les agents avec lassitude et suffisance.
-C'est un mal nécessaire que vous comprendrez parmi eux.”

Soudain, Capulina se lève, frappant le plat de ses mains sur le bureau. La triste colère de l'agent Tarentule s'embrase. Son regard sombre et larmoyant perce son supérieur sans honte. Tout ce qui a fondé sa volonté s'effondre comme un château de cartes. Les fondations de son admiration brisé, il n'y plus rien pour retenir sa profonde déception.

“Je refuse !”

Il y avait une petite fille dans son for intérieur, elle ne rêvait que de faire partie de l'élite portant le Cipher Pol qui l'a recueilli plus haut que jamais. Cette petite fille s'est cassée comme un jouet pour enfant délaissé sous une pile de déchets. Son rire est dégoulinant d'amertume et d'ironie.

“Ah, vous devez me pensez capricieuse, n'est-ce pas? Hihi. Est-ce que cela m'enchantait de devoir charcuter le dossier de Myriapolis ? Toutes ces logiques plates qui n'ont aucune saveur, je me dois de m'y plier. Qu'est-ce que c’est gratifiant de savoir qu'un marine peut se sortir de n'importe quel suspicion de trahison par un blâme? Aucun acte ne mérite les conséquences adéquates en fin de compte. Même le meurtre de Lance Yanaka sera un détail de ma carrière car les Dragons-célestes se vantent de pouvoir avoir n'importe quelle Supernova en esclave. Apparemment, c'est banal. Je me demande où il les pioche si ce n'est pas à un haut lieu de la Piraterie. Cela doit apparaître comme ça en un claquement de doigts dans le Nouveau Monde. On arrive même pas à attrapper une princesse d'Hinu Town et son chevalier blanc, qui n'était qu'un chasseur de prime de bas étage.
-Enfin, mademoiselle…
-Et ce quotidien éreintant qui n'annonce qu'un futur tout aussi pénible. Est-ce que cela me fait plaisir de devoir rediscuter de chacun de mes rapports? Tiens donc, quelques choses coincent sur la politique que j'ai mené. Ah bon? Ce n'était pas comme cela depuis le début. Oh, vous en discutez? Et cela parvient à une décision ? Pas de suite. Génial. Hihihi ! C'est donc reparti pour un tour.”

Ce discours criant de sarcasme ajouté à son visage ravagé par les sanglots laisse le Directeur pantois. Celui-ci n'ose plus en rajouter craignant que cela ne prolonge son état. La respiration de la jeune femme se calme. Sa posture défiante au départ s'affaisse doucement. La blonde se ressort. Sans un mot, Capulina sort un mouchoir en tissu noir de l'une de ses poches. Essuyant ses larmes, son sourire inquiétant n'est plus. Il ne reste qu'une expression lasse.

“Je suis si fatiguée. Fatiguée de toutes ces tentatives de rendre au Gouvernement mon plus fervent dévouement. Mon salut aurait peut-être été de mourir dans les honneurs comme mon frère.
-Ne dites pas de telles choses…
-Car je n'aurais plus à supporter le ridicule qui empeste les environs depuis le début de ma carrière. Vous savez que, même notre Pôle, se fait doubler.
-De quoi parlez-vous?
-Ne faites pas comme si cette information vous ait manquante. Le Commodore John Constantine, nous avons beaucoup de rumeurs sur des agissements douteux et, maintenant, des témoignages. Mais, il faut croire que l'on préfère faire porter le chapeau à un bon samaritain plutôt que d'assumer que l'on est inefficace. De toute façon, il s'en serait sorti avec un blâme.
-Vous étes dures. Il a des contacts avec les Dragons Célestes tout de même. Nos ressources sont utilisées dans d'autres fronts importants. Certains passent les mailles du filet.
-Ah les fameux contacts. Le Cp7 se fait, ainsi, doubler par un marin de son rang. Rassurant. Bref, le Cipher Pol ne semble être qu'un faire-valoir agissant sporadiquement sur les choses les moins essentiels. Parlons, donc, des ressources du Gouvernement gaspillées pour des petites victoires sans influence. On doit bien s'amuser à Goa, ce pot de pue qui nous suit, aujourd'hui. Et le Buster Call d'Aeden, quel grand succès ! Imaginez une seule seconde si il l'avait utilisé sur une cible prioritaire.
-Je l'entend.
-Mais non, tout le monde s'en contrefiche qu'une île flottante terrorise Grandline depuis des années. Après tout, la Route de tous les périls ne mène qu'à la Capitale de notre puissance,  ce n'est pas si important. Nous réagirons lorsque chaque capitaine Libre Pirate aura fonder son propre royaume.
-Vous vous emballez, mademoiselle.
-Je pense simplement que nous créons les instruments de notre propre perte. MAIS CELA N'INTÉRESSE QUE MOI ! Que la moitié des grandes pontes de la Piraterie soient des membres de notre Gouvernement qui ont trahi notre cause, on pourrait croire que la trahison est récompensée.
-Mademoiselle Dubal…”

Korn Davis est bien trop compatissant pour taper du poing sur la table. L'air dépité par cette scène, il la laisse, pourtant, finir.

“À quoi bon prendre du recul sur ce monde. Que tout le monde fasse ce qu'il l'entend jusqu'à l'effondrement. Je ne veux plus m'en préoccuper.”

Monsieur Davis fixe ainsi Capulina qui paraît s'être calmé. Ses yeux rougis par ses pleures précédents, ses mains encore tremblantes froissent le mouchoir et un regard vide contemple la noirceur de ce bout de tissu.

“Je dois avouer que je suis surpris d'une telle réaction de votre part. Vous devez être à cran ces jours-ci. Laissez vous le temps de réfléchir.
-Ce ne sera pas nécessaire. D'autres ne gêneraient pas, alors pourquoi pas moi? J'ai ouvert les yeux à présent. Dix ans de mon existence, c'est déjà largement assez. Ma décision est prise.”

Le Directeur constate à grande peine que tout son plan de succession s'effondre de lui-même. Dubitatif, il pousse pour savoir ce qui passe par la tête de l'agent Tarentule, à présent.

“Qu'est ce que vous insinuez?”

Redressant la tête avec un mince sourire, sa voix fait écho à toute la morosité, l'amertume et la fatigue émotionnelle qu'elle ressent après avoir craqué devant son supérieur.

“Je vous prie, Monsieur le Directeur. Faites-moi, aussi, une place au soleil.”

Korn Davis hausse les sourcils un instant. Il craint avoir bien saisi où l'agent Tarentule veut en venir.

“Vous voulez dire…
-Je me languis de vivre aussi légèrement que le monde ordinaire. Si l'élite n'a plus de sens et ne désire pas en avoir, l'Excellence n'est probablement plus faite pour moi. Je souhaite aussi préparer une bonne retraite que cette partie de ma vie ne soit pas qu'un monumental échec. Pouvez-vous me faire cette faveur pour mes loyaux services?
-Une minute, Mademoiselle Dubal. Vous qui répétez vouloir depasser tous vos rivaux. Je vous offre la chance d'une vie. Celle qui concrétisera tous vos efforts.
-Oh, et je vous en remercie. Néanmoins, ne faites vous pas preuve d'égoïsme en fuyant là où vous encouragez d'autres à rester.”

Le Directeur délie son regard de celui de son interlocutrice, pensif.

“Vu sous cet angle…
-Le point de vue des autres n’est pas toujours cerner facilement, monsieur le Directeur.
- Certes.”

Il lâche un soupir de dépit. Consultant ses fiches, il ouvre un dossier concernant la Blue qu'il aura à “gérer” dans un futur proche. Scrutant les papiers d'East Blue, Korn Davis n'est pas contre l'idée de la placer sous sa coupe. Il l'a pris en pitié et ses compétences pourraient lui être utiles à l'avenir.

“J'ai entendu dire qu'un poste de Gouverneur à Logue Town serait à pourvoir. En vérité, c'est celui que je visais par le passé. Je vais voir ce que je peux faire pour vous. Continuez votre excellent travail, cela aidera à votre candidature.
-Je vous en suis reconnaissante.”

La jeune femme se lève de manière faiblarde, comme si ses jambes portaient elles aussi le poids de sa peine. Monsieur Davis en est sensible. Selon lui, il vaut mieux la laisser rentrer chez elle.

“Mademoiselle Dubal.
-Oui?
-Prenez ce jour pour congé.
-Merci pour votre confiance. Mes excuses de ne pas avoir été à la hauteur de vos attentes, Monsieur le Directeur.”

D'une révérence fragile et maladroite, Capulina quitte le bureau de Korn Davis en silence. Son pas plus lent, elle atteint le sien sans un regard envers ses collègues. La femme rassemble ses affaires dans sa malette avec des gestes peu assurés, absents de toute conviction. D'un soupire, elle referme sa mallette noire, puis quitte le Qg du Cipher Pol.

Sur son chemin monotone, elle achète une pastèque entière. Rentrant dans son appartement miteux et exigus, Capulina défait ses bottes pour les laisser traîner et lâche sa malette en désordre. Sur le plan de travail, elle y pose le gros fruit. Levant sa main, elle abat de sa tranche, dans un élan de colère. Non seulement, grâce à sa maîtrise du Rokushiki, le fruit se scinde en deux, mais l'entièreté du meuble subit le même sort. Une partie s'écroule sur son côté, tandis que l'autre est maintenue par le mur juxtaposé.
Armée d'une cuillère, la blonde ramasse la moitié de la pastèque tombée au sol. S'affalant sur son lit grinçant, elle creuse la chaire du fruit tout en essuyant ses larmes.

“Je suis tellement pitoyable…”