Les yeux plus gros que le ventre.

Me voilà sur un bâtiment aux proportions gargantuesques. Le Big Lebowski le navire de l'équipage Giant Poing répond à toutes les questions que se posent les gens de taille normale comme moi sur les grément des géants. Et je ne vous fais pas languir d'avantage, la réponse à toutes ces interrogations et peu ou prou la même : tout y est plus grand! Cependant, je dois dire que l'impression d'être une petite souris n'est pas pour me déplaire. Je peux aller où je veux! Aucune porte fermée ne me résiste, car il me suffit de passer en dessous, ou dans le trou de la serrure! Sauf que, bien évidemment, ce sont les géants de Frost qui ne sont pas ravis de savoir que je me ballade à bord en toute liberté. Ainsi, très vite on me rappelle ma situation : je ne suis pas ici pour faire du tourisme. En effet, le Fléau n'apprécie guère que je n'en fasse qu'à ma tête et à décidé de me punir! Pour cette aventure, je suis séparée de mon équipage. Le but de la manœuvre est clair, m'isoler des secours potentiels. Ainsi, s'il m'arrive quoi que ce soit sur ChâteauGéant, personne ne viendra m'aider. Ca manque cruellement de subtilité, mais je dois avouer que c'est bien joué. En effet si on y réfléchit bien, si on réussit à prendre l'île à Gluttonny, Frost gagne un territoire et des alliés précieux. Et si on échoue, il perd une flotte encombrante et une "alliée" qui l'est tout autant. Car je ne me fais plus d'illusions, depuis qu'il m'a recruté dans son équipage, il m'envoie systématiquement au casse-pipe. Et comme j'ai la fâcheuse habitude de revenir en vie, je sens que ma résilience l'exaspère.

C'est donc assignée à résidence dans la maison de poupée de Brhimilda que je finis la traversée. J'aurais bien fait un commentaire sur le fait qu'elle était sans doute un peu grande pour jouer à ça, mais j'ai un peu peur qu'elle décide de m'habiller comme une de ses figurines. J'ai donc gardé mes sarcasmes pour moi et j'ai profité du confort de l'endroit qui est bien supérieur au standing de bien des hôtels d'Armada. C'est ainsi, après deux semaines de traversée peu exaltantes qu'on me sort enfin de ma prison dorée. Sur le pont du Duke (l'autre nom du Big Lebowski, et ne me demandez pas pourquoi, je ne vois pas le rapport non plus) je peux enfin voir notre destination.

La ville de ChâteauGéant et l'île ont fusionné pour n'être qu'une immense structure. Une cité-monde à la hauteur de ceux qui y habitent. Le vent frais souffle les brumes matinales qui s'accrochent aux tours et faisant de long filaments de coton blanc. Un pâle soleil brille et me dévoile l'architecture baroque des lieux. A titre personnel, je trouve qu'on est plus dans le style rococo, mais je crois qu'il faut laisser à chacun le plaisir d'apprécier l'endroit. Car la capitale des Mangemondes est fascinante! Rien que la façon dont elle est construite, l'abondance de flèches attire naturellement le regard vers le haut et avant même d'y avoir mis les pied, je me sens déjà ridiculement petite et insignifiante. Je me demande si c'est fait exprès. Après tout, les habitants ont une forte opinion d'eux-mêmes et de leur place dans la chaîne alimentaire, ce ne serait pas surprenant que la façon dont ils ont construit leur quartier général soit le reflet de leur suffisance.

Ceci dit, pour les avoir rencontré et même affronté à plusieurs reprises, ils n'usurpent en rien leur réputation! Baba D. Saul et Aaronys de la Food Chain ainsi qu'Ivar le Sanguinolent et sa clique m'avaient fait forte impression. Je suis ravie d'avoir avec moi des alliés de poids en l'équipage du Giant Poing. Parce que, quoi qu'on en dise, le meilleur moyen de lutter contre des géants, c'est d'en avoir aussi de son côté. Je relis l'article du journal relatant l'attaque de Reyson, apparemment, la moitié des indigènes auraient péri. Ce qui veut dire qu'ils doivent être tout au plus une centaine de Gargantuas dont au mieux la moitié seulement sont des combattants aguerris. La quarantaine de membres de l'équipage des géants voguant sous le pavillon des Sunset Pirates devrait faire l'affaire. D'autant plus que je suis là, moi aussi, et que je peux faire beaucoup de dégâts! Je suis surprise qu'on ne soit pas canardés pas les défenses de l'île, certainement que les Mangemondes sont en train de panser leurs plaies et ne s'occupent pas de scruter l'océan. Après tout, personne de sain d'esprit oserait s'en prendre à eux!

Du coup, je me pose beaucoup de questions sur ma santé mentale!

Au fur et à mesure que le navire des Giant Point se rapproche de ChâteauGéant, quelque chose me chiffonne. Je comprends bien que l'île à été sévèrement impactée par Reyson mais quand même! Laisser leur royaume sans surveillance, c'est limite de la négligence!  Et puis soudain, c'est là que je la vois, l'ombre qui traverse le ciel et commence à recouvrir le Big Lebowski. Les Mangemondes viennent de nous attaquer. Et je n'aurais jamais cru qu'ils se défendraient en balançant littéralement des bouts de leur île sur leurs assaillants! Je le le vois qu'au dernier moment, mais c'est littéralement un ziggourat qui plonge des cieux vers notre embarcation! Nom d'une biscotte, personne à bord ne semble avoir vu ce qu'il se passe à part moi! Immédiatement, j'utilise ma technique Slicer qui envoie un jet de poison de haute pression pour trancher le projectile en deux parties qui ont le bon goût de tomber de part et d'autre du Duke, soulevant d'immenses gerbes d'eau au passage. Mais ce n'est pas tout! Malgré sa taille imposante, le galion de géants tangue dangereusement et sur un navire aux proportions gargantuesques, je n'ai nulle part où m'accrocher, alors je passe par dessus bord comme une stupide matelot de première classe! Je suis tellement surprise que j'en oublie même que le geppou du rokushiki aurait pu me sortir de ce mauvais pas. Fort heureusement, une immense main secourable se saisit de moi. Il s'agit de Wallace Günt qui déploie de grands efforts pour ne pas me broyer entre ses phalanges.

"Merci." tonne-t-il de sa voix de stentor.

"C'est moi qui te remercie!" crié-je pour me faire entendre. "Sans ton aide, je finissais par le fond."

"Et sans la tienne, c'est nous tous qui coulions." rectifie le géant roux.

Je ne demande pas mon reste et je file m'accrocher à un cordage. Quant aux Giant Point, ils ont vite compris comment se protéger des assauts des Mangemondes. Ils ont mis en rangs serrés tous les leurs qui peuvent utiliser une lame d'air et ont ainsi contré tous les missiles balistiques envoyés depuis ChâteauGéant. Tant est si bien qu'après une demi heure et une bonne quinzaine d'ogives, le tir ennemi prend fin. Sont-ils à court de munitions? Est-on passés hors de portée? Ou bien ont-ils fini par comprendre que ça ne sert à rien de persister dans cette voie maintenant que nous avons la parade? Je ne saurais le dire, mais j'apprécie le calme retrouvé. C'est donc les sens aux aguets que nous voguons vers la partie Sud de l'île, plus propice à un débarquement. En effet, là-bas il y a une grande zone non bâtie. Une sorte d'immense plage de gros galets ronds où nous débarquons enfin. Tout ça pour voir poindre à l'orée de la cité une masse compacte de Mangemondes armés jusqu'aux dents! Et voilà que les Giant Point se mettent à sonner eux aussi la charge! La terre tremble sous les pas de ces colosses et en moins de temps qu'il ne faut pour dire Alabasta, le fracas des armes remplace les mots. Enfin pour peu qu'il n'y ait eu un jour une place pour le dialogue dans cette affaire.

Une centaine de Mangemondes contre une quarantaine de pirates géants. Le combat semble déséquilibré sur le papier. Mais à force de côtoyer Frost, j'ai appris une chose : ne pas sous-estimer le génie tactique de mon futur époux. Car oui, nous sommes en infériorité numérique, mais les Giant Point sont plus aguerris que les gargantuas du Dévoreur. Et surtout, ce sont des géants de pure souche et pas des dégénérés souffrant de maletaille. Et puis je suis là aussi, même si je n'ai pas encore trouvé l'opportunité d'intervenir pour le moment. Je suis stupéfaite de constater que la "bataille" se déroule exactement comme l'avait prédit le Fléau. Les colosses ennemis se font petit à petit repousser vers leur propre ville et si on continue sur cette voie, on va finir par les pousser à se battre dos au mur. C'est alors qu'ils devraient réaliser qu'ils sont au bord de l'extinction et se rendre. Malheureusement, ça, c'était sans compter la personnalité du nouveau maître des lieux.

Un géant plus grand que les autres, et revêtu d'une armure intégrale qui plus est. Druxar et l'ancien capitaine de la Garde qui est devenu roi à la force de ses poings. Le genre d'adversaire coriace qu'il ne vaut mieux pas affronter. Et pourtant, c'est lui qui nous fait face et qui refuse d'abdiquer! A la place il fait virevolter son immense chaine qui s'agite et s'enroule telle un serpent autour des pirates puis dans un éclair les foudroie! Nom d'une biscotte le bougre possède des aptitudes bien emmer … ennuyantes! Très vite, Halfdan Ketill décide que lui seul peut tenir tête à cette force de la nature! Et même si sa résistance naturelle à l'électricité l'aide a encaisser les coups, il faut se rendre à l'évidence, il n'est pas de taille! D'autant plus que, galvanisés par le succès de leur chef, les Mangemondes reprennent du poil de la bête et regagnent le terrain perdu. Cette fois-ci c'est à moi de prendre mes responsabilités. A cause ma taille insignifiante comparée aux géants, je peux m'élever dans les airs sans être vue et préparer mon coup. J'exhale alors une immense quantité de brume noire. Le Paralysing Breathe se répand sur le champ de bataille, mettant hors combat amis et ennemis. J'en suis navrée mais je n'ai pas le temps de finasser. Sauf que voilà, monsieur le géant en armure fait tournoyer sa chaine au dessus de sa tête et le vortex ainsi crée dispense mes toxines. Flûte! Celui-là s'annonce retors! Même si mon poison a pu neutraliser la moitié des combattants, tant que le chef restera debout, on ne pourra faire capituler les Mangemondes. Eh bien, qu'à cela ne tienne, je vais descendre me battre moi aussi!

Avec mon auguste présence sur le champ de bataille, le rapport de forces change radicalement. Et même si je m'évertue à ne pas utiliser mes toxines à des doses mortelles sur les Mangemondes, me contentant de les neutraliser, je sais pertinemment qu'a partir du moment où l'on se bat, ça sera encore plus difficile de rallier ces gloutons à notre cause si on gagne. Et je n'ose imaginer si on perd … Après une heure d'une bataille aussi sauvage qui violente, les locaux sont cette fois-ci littéralement dos au mur. La victoire est à portée de main. D'après les calculs de Frost, Druxar est un géant intelligent et pragmatique. Alors, je me demande, pourquoi ne capitule pas? Sa défaite est inéluctable, et pourtant … quelque chose cloche. Je déploie alors ma maitrise du haki de l'observation et mon sang ne fait qu'un tour.

L'ex corsaire Léonov Kutrosinsky à débarqué dans notre dos et je vois qu'il n'est pas seul. Je reconnais Aube et Crépuscule que j'ai eu le plaisir de croiser sur Nursery, au milieu d'autres têtes que je crois avoir vu sur des bounty poster. Je comprends immédiatement qu'on va se faire massacrer : on ne pourra jamais lutter sur les deux fronts. Je décide donc que le seul moyen de rester en vie est de se rendre. Mais je connais la réputation des Giant Point, ils préfèreront périr l'arme à la main que d'accepter une reddition. Alors, je force le destin et écrase mes "alliés" avec ma force de volonté. Le haki royal couche presque tous les pirates géants. Seuls restent debout Wallace Günt et Halfdan Ketill. Je profite de leur surprise pour étaler le rouquin d'un puissant uppercut.

"Trainée, tu nous trahis!" tonne le colossale capitaine.

"Je préfère rester en vie, désolée!"

Le lieutenant du Fléau n'a pas le temps de me répondre qu'il s'effondre au sol avec fracas. Druxar en a profité pour l'assomer. Quant à moi, seule au milieu des forces du Dévoreur, je lève les bras en l'air, les mains bien en évidence puis, je me mets à genoux avant de crier.

"Je me rends!"

Après tout, si ma mémoire est bonne, Léonov n'avait-il pas essayé de me recruter, en même temps que Red, lors du convoi sur Dead End? J'espère que je l'intéresse encore! Sinon c'est très mauvais pour mes abatis.

Il est encore plus dégoûtant vu de près, Léonov Kutoshinsky. Grand, massif, bedonnant, je ne peux pas dire qu'il tient plus du porc que de l'être humain sans faire offense aux cochons. Il y a dans ces yeux cette lueur carnassière de celui qui se croit enfin arrivé au sommet de la chaine alimentaire et qui me met fondamentalement mal à l'aise. J'ai fait le pari dangereux de me rendre plutôt que de l'affronter et, étrangement, je ne regrette pas ce choix. Pourtant, j'ai affronté Red, Teach, Frost et même vu combattre Kiyori … mais l'être en face de moi, je ne sais pas trop pourquoi, je pense qu'il vaut mieux pour moi que j'évite l'affrontement. Il ne s'agit pas vraiment de peur, j'ai suffisamment côtoyé d'Empereurs pour ne plus souiller mes dessous en leur présence, mais plus d'une sorte d'instinct de conservation. Chaque cellule de mon être me hurle de me tirer de là, cependant je sais très bien que je n'irai pas loin. Présentement entre le marteau et l'enclume, je n'ai que très peu de cartes à jouer et le Dévoreur le sait.

"Frost pensait pouvoir vous priver du soutien des Mangemondes. Ca fera mal à son égo de voir qu'il s'est planté. Mais le connaissant, il se voilera la face en se convainquant qu''il a confié cette mission à des incompétents. Mais nous savons tous les deux que son génie n'est pas aussi grand qu'il le croit."

C'est donc avec beaucoup d'honnêteté et un soupçon de flatterie que je répond à la question du Dévoreur. Cependant, ne sachant pas encore trop à quelle sauce il compte me manger, je ne m'abaisse pas encore à le supplier de me garder en vie. Même si je me doute bien que ce sera un passage obligé.

Je ne m'attendais pas à ça. Mes précédents séjours en captivité se résumaient plus à des geôles sordides, des séances de question et autres joyeusetés. Là, je n'ai le droit à aucune violence : bien au contraire! Je suis traitée avec beaucoup d'égards. Certes, je ne suis pas libre, le bracelet en granit marin à mon poignet droit et les dispositifs de surveillance sont là pour me le rappeler. Comme j'ai déjà eu bien pire, je profite du confort de l'endroit. Même si j'en fais très vite le tour! Je crois que j'aurais apprécié un peu de divertissement, comme de la compagnie, ou alors un peu de lecture. Là, je m'ennuie ferme entre les repas! Mais bon, je ne vais pas faire ma difficile, après tout, j'ai connu pire, bien pire …

Allez, comme ce n'est pas parfait, je ne mets que quatre étoile sur Taule-Advisor.

Je suis donc étalée sur le lit, à contempler la lueur blafarde de l'astre sélénite filtrer par la fenêtre quand soudain, il entre. La lumière vacillante de la chandelle le rend encore plus effrayant, mais je ne laisse rien paraître. A la place, je me relève le plus naturellement du monde, comme si j'avais toujours été ici, comme si cette chambre était mon "chez moi" et que c'était Léonov l'invité. Il m'invite alors dans son équipage de sa voix faussement mielleuse, et ce faisant dévoile enfin sa véritable intention. Mon fruit du démon. Je croise ses iris et je sais pourquoi il me met autant mal à l'aise. J'en ai vu des émotions dans les yeux des hommes, de la colère, de la peur de l'envie … il y en a même qui me déshabillent du regard. Mais lui c'est un autre niveau de convoitise : c'est comme si sa vision me disséquait. Malgré cela, je reste stoïque quelques instants, le temps de me préparer un plan de bataille.

"Navré mais nous ne pouvons être ensemble." minaudé-je. "Vous avez raison, Frost est un imbécile, mais cet idiot il m'a pris quelque chose. Et tant que c'est en sa possession, je ne peux rien faire contre lui. couiné-je de déception. "Cependant, si ce sont les capacités de mon fruit du démon qui vous intéressent, je suis prête à travailler discrètement pour vous. Tant que ça reste entre nous … " dis-je en m'approchant de lui.

Je fronce les sourcils, déjà que je n'apprécie pas le Dévoreur plus que ça, l'entendre se marrer de mes malheurs m'exaspère au plus haut point. Mais pour le moment, je ne suis pieds et poings liés! Et ce gros porc le sait et il en tire un plaisir jubilatoire. Grrr! Mais je suis une grande fille qui sait se tenir alors j'essaie de garder le visage le plus neutre possible. Déjà que l'Empereur vit un excellent moment, je ne souhaite pas le rendre extatique non plus! Alors je le laisse me tourner autour comme une grosse mouche à m.. , je le laisse aussi me dévisager, m'envisager, et toute autre insanité qui lui passe dans l'énorme melon qui lui sert de caboche. Et finalement, il s'arrête dans mon dos et pose ses deux grosses et grasses paluches sur mes épaules. Je sens la chaleur de son souffle dans la peau de mon cou et c'est un frisson glacé qui me parcours l'échine. Mais j'y vois aussi une ouverture.

"Si vous avez l'amabilité de me retirer cet horrible colifichet." me plains-je sans me retourner tout en agitant mon bras avec la menotte en granit marin au poignet. "Je pourrais vous faire une démonstration de mes talents." Cette fois, mon visage pivote doucement vers le sien, et je réprime difficilement le dégoût qu'il m'inspire. "J'ai pas mal de jolies toxines en catalogue, je suis certaine qu'il y en a une qui excitera votre curiosité." conclus-je.

Je ne sais qui sera le malheureux cobaye, si Léonov accepte ma proposition, mais je le plains déjà.

Je me démène pour ne pas me faire trainer comme une vulgaire esclave. Ce qui n'est pas facile car malgré son gabarit hors normes, Léonov se déplace vite. Il m'exhibe comme un jouet devant ses commandants, sui ne se font pas prier pour nous suivre dans cette ronde macabre. Je n'apprécie pas trop d'être ainsi traitée comme un phénomène foire, mais je n'ai pas mon mot à dire. J'ai bien conscience que je joue ma vie ici, alors je reste bien sage et j'attends de voir ce que le Dévoreur va exiger de moi. Et je constate que c'est du lourd! L'équipage du Giant Point est devant moi, enchaînés et prisonniers, je vois dans leurs yeux la haine qu'ils éprouvent envers Druxxar et ses géants, envers Kutroshinsky et ses lieutenants, et surtout, envers moi qui suis encore libre.

Je masse mon poignet en sentant mes pouvoirs revenir. Puis je m'étire en baillant. Enfin, je m'avance vers un des géants asservis et je déploie mes talents.

"Voici le poison lacrymogène." Dis-je en dispersant une brume bleue. Certains membres de la suite de l'Empereur se crispent. Alors j'utilise mon Ghastly Wind afin de maîtriser le gaz et de le maintenir sur le malheureux cobaye. "Pas mortel, mais terriblement efficace pour neutraliser des ennemis." Je jette un regard vers l'ex corsaire, mais il n'a pas l'air impressionné plus que ça. Je m'en doutais un peu, alors je tourne d'autres pages de mon catalogue. "Mon poison le plus basique, sous forme liquide ou gazeuse qui provoque des altérations légères comme des brûlures, des pertes d'équilibre et troubles de la vision." dis-je en faisant danser un liquide vert sur un autre colosse. Je continue ma présentation, tout en ignorant les cris de douleurs des malheureux qui doivent subir les effets néfastes de mes poisons. "Le rose, provoque des hallucinations, à faible dose il peut servir d'analgésique, mais il faut le manipuler avec précautions, car son utilisation entraine une accoutumance." J'entends Léonov bailler derrière moi. Pour l'instant, il ne dit rien, mais je comprends bien qu'il n'est pas du tout impressionné par ce que je lui montre. Alors je souffle un panache noir. "Ce poison est un puissant neurotoxique qui paralyse la cible." Puis j'envoie un spray orange sur le malheureux qui se dessèche à vue d'œil. "Celui-ci je l'ai conçu spécifiquement pour lutter contre Teach et ses serviteurs végétaux, mais comme on peut le voir, ça fonctionne très bien sur les autres formes de vie organiques." Et enfin, j'asperge le géant de mon poison rouge, et alors que le cobaye fond à vue d'œil et se transforme en une espèce une bouillie répugnante. "Et voilà mon poison dissolvant, oh, je vois que certains ici on le coeur pas très bien accroché."

En me tournant pour voir lequel de ses lieutenants venait de vomir, je croise le regard de l'Empereur, ses yeux pétillent de malice et son visage est déforme d'un rictus hideux.

"Shishishishishi! C'est intéressant Kamahlsson, très intéressant, mais ..."

Je sais ce qu'il va dire avant qu'il finisse sa phrase. Il sait que j'ai des choses encore plus dangereuses en stock, et c'est justement la raison pour laquelle je ne souhaite pas mettre ses toxines entre ses mains. Mais, je dois me faire une raison, entre mourir et donner ces armes à Kutroshinsky, ce n'est pas un choix entre la perte et le choléra. C'est privilégier ma vie au détriment de celles d'autrui.

" ... tu as mieux que ça en reserve, n'est-ce pas?"

J'opine du chef et je secrète une petite bille de poison translucide que je projette avec force sur un autre malheureux.

"Voici ma toxine la plus léthale, comme vous le voyez, les effets sont fulgurants."

Et cette fois, l'assistance est stupéfaite lorsque ma victime dodeline de la tête et finalement s'affale, morte. Un Mangemonde vient constater le décès et c'est la stupéfaction qui s'empare des rangs de l'Empereur. Ils réalisent enfin que je pourrais tuer un grand nombre d'entre eux avant même qu'ils ne puissent réagir et l'atmosphère se tend radicalement.

"Mais j'ai encore pire." Annoncé-je d'une voix de représentante commerciale. "La toxine asservissante."

Le liquide qui jaillit de ma main est blanc comme du lait et s'en va engluer un troisième cobaye qui se débat avec force, avant de soudain se calmer.

"Vous pouvez le libérer."

Le géant qui a constaté le décès de son congénère interroge le Dévoreur du regard. D'un signe de tête, le scientifique l'autorise à poursuivre l'expérience. Le colosse, enfin débarrassé de ses lourdes chaînes ne bouge pas.

"Maintenant, il n'obéit qu'à moi. Allez, viens." ordonné-je au géant.

Le gargantua se dresse et s'avance vers moi d'une démarche lourde un un brin pataude. Mon haki de l'observation me permet de sentir le stress monter parmi la suite de l'ex-Glutonny, et même parmi les Mangemondes. Sans doute se demandent-ils pourquoi je n'ai pas usé de ces deux horreurs contre eux. La réponse est simple, je m'y refuse, ce sont des armes horribles que je regrette d'avoir crée, mais aujourd'hui, elle pourront peut-être me sauver la vie.

Nom d'une biscotte, moi qui pensais monnayer mes services contre du poison, mon plan a trop bien marché. Argh! Car maintenant, Léonov ne peut plus se passer de moi! Les hommes, je vous jure!

"Ecoutez, Léonov, j'apprécie l'offre, mais je suis au regret de devoir la refuser." dis-je d'une voix sans émotions.

Je constate alors qu'il n'est même pas déçu. Il savait sans doute que je n'accepterai pas et va se servir de ce refus pour me soutirer d'autres "faveurs". A cette idée, je frémis : car je n'ai plus grand chose à offrir à part …

"Franck Shelley" m'exclamé-je avec un soupçon de soulagement coupable. "J'ai récupéré Frack Shelley sur Nursery, vous y aviez envoyé Aube et Crépuscule le chercher, mais c'est moi qui ai fini par récupérer le spécialise en cybernétisation." poursuis-je. "Si vous me laissez partir, il est à vous! Et je m'engage à vous livrer vingt tonneaux de poison asservissant par mois."

C'était un peu mon offre de ma dernière chance.

"Si vous voulez bien me prêter un den-den, je me ferais une joie d'appeler mon équipe et on vous apportera Shelley dans les délais les plus brefs." proposé-je de ma voix la plus avenante.

Un geste de la main du Dévoreur plus tard et un de ses laquais me donne un combiné. Sans attendre, je compose le numéro de la Lépreuse et je tombe sur ma  seconde. Héphillia est d'abord surprise par ma demande, mais très vite je sens un certain soulagement. Il faut bien dire qu'il n'y a pas grand chose d'exaltant à faire sur une île comme Libertalia pour un chercheur de la trempe de Franck Shelley. Et que ce dernier ne se comporte pas comme un invité modèle. En gros, si je comprends bien, tout le monde sera content de son départ.

Une fois la conversation terminée, je rend l'escargophone au sbire de Léonov et je me retourne vers l'Empereur.

"Voilà, mon équipage vous l'amènera sous dix jours." annoncé-je fièrement. "Je suppose que vous allez encore m'entraver et m'assigner à résidence pendant ce temps." poursuis-je en tandant les mains prête à ce qu'on me passe à nouveau les menottes. "Après tout, les hommes aiment enchaîner ce qu'ils ne peuvent contrôler.

Je tape là où ça fait mal, dans son orgueil de gros mâle. S'il m'entrave avec du granit marin à nouveau, il montrera à tout son équipage qu'il n'est pas en mesure de me tenir en laisse. Et dans le cas contraire, avec le pouvoir que je viens de déployer, il va se faire quelques cheveux blancs le temps que débarrasse le plancher. C'est pourquoi je ne suis pas surprise lorsqu'il revient vers moi, menottes en mains.

"Le fait même que j'ai le choix de te mettre sous les fers signifie dans un sens que je te contrôle. Garde tes jeux minables pour Frost, shishishishi !"

Moi je suis tout sourire, alors que le granit marin me prive d'une grand partie de ma force. Peut-être que ce gros porc pense ce qu'il dit, mais je sais que son équipage n'est pas dupe. Il m'enchaîne parce que je suis trop dangereuse pour lui.

"Il faudra quand même me les enlever si vous voulez que je vous remplisse vos cinquante tonneaux."

Encore une fois, je suis tout sourire, trop contente que moi, la simplette, lui fasse remarquer à lui, le génie, quelque chose qu'il n'a pas remarqué. Je sens dans son regard que mon impertinence l'agace. Je sais que s'il m'arrive quoi que ce soit, Frost ne le lui pardonnera pas. Surtout depuis qu'on est fiancés. Mais ça Léonov ne le sait pas encore. Il doit s'en douter, ceci dit, mais pour le moment, je suis l'invitée encombrante dont il souhaite se débarrasser. Mais comme l'ancien corsaire veut garder la face dans cette histoire, il ne m'épargne aucune mesquinerie.

Mes conditions de détention sont toujours aussi intrusives de mon intimité, mais je fais avec. De toutes façons, je n'ai pas vraiment la réputation d'une fille pudique. Je ne m'offusquerai donc pas de la présence de den-den vidéos dans les toilettes et les douches. Chaque jour, on me sortait et je devais remplir des tonneaux de poison asservissant. J'ignore ce qu'il va en faire, et j'ai bien peur de le regretter ensuite. Mais bon, je n'ai pas vraiment le choix. Durant les dix prochains jours, je me comporte en détenue modèle, quoiqu'un peu blasée du manque de distractions. Et, durant ce temps, je n'ai pas vu une seule fois mon hôte.

Et puis, le matin du onzième jour, mon équipe arrive enfin! Pas trop tot! On me sort de ma chambre, on me libère du granit marin, et on me fait attendre mes amis sur un quai. Cette histoire est bientôt finie! Ouf!

"J'apprécie le geste." réponds-je d'une voix monocorde.

Si j'ai bien appris une chose dans la vie, c'est de ne jamais refuser un cadeau. La vie ne m'en offre pas souvent, alors je ne vais pas faire la fine bouche. Faire manger un fruit du démon à mon poison? Je ne savais pas ça possible, mais je ne vais pas poser de question. Je suis donc le Dévoreur dans son laboratoire et je crée une immense boule de poison rouge vif.

"Du poison dissolvant, voilà une bien horrible idée, shishishishishi!" pouffe le gros homme. "Maintenant tu peux t'en aller, j'ai du travail."

Je ne sais pas si ma présence le perturbe, s'il ne veux pas que je le regarde faire, s'il m'a assez vue, ou si c'est un peu des trois à la fois, mais je ne me fais pas prier. L'Empereur distille autour de lui une aura malsaine que je suis ravie de quitter sans demander mon reste. J'attends donc sur la Lépreuse que le Dévoreur ait fini. Et je dois bien avouer que je n'ai pas eu à attendre longtemps. En effet, deux heures plus tard le revoilà avec :

"Un lézard géant!" m'exclamé-je ravie.

"Un Axolotl." me corrige le scientifique. "Maintenant, du balai, j'ai à faire!"

"Il est trop choupinou!" m'enthousiasmé-je. "Merci!"

Et le plus naturellement du monde, je lui exprime ma gratitude en lui sautant au cou et lui claquant un bisou bien sonore. Puis soudain je réalise ce que je viens de faire et je m'éloigne en essayant de récupérer un peu de la dignité que j'ai perdu en me comportant comme une gamine.

"Hum... à dans un mois, Léonov. Pour votre livraison de poison."