De Pacifista à Revofista

Si la mer était agitée, aucun nuage ne venait assombrir l’horizon. Cela devait être dû aux merveilleux capacités climatique de la Cavalière Trisha qui leur assurait un temps clément bien que le vent cherchait à les malmener. Et heureusement qu’ils ne devaient pas essuyer une terrible pluie battante, car le moral des troupes était déjà au plus bas. Jaya s’était terminé, l’île était perdue et malgré les efforts des révolutionnaires pour protéger l’endroit de la folie d’une dragon céleste, cela n’avait pas été suffisant pour assurer leur victoire. Sur l’ensemble de bateau s’étendait des hommes et des femmes de l’Armée Révolutionnaire et des civils de Jaya. Beaucoup de blessés, et surtout, une tristesse planante. Mais si beaucoup pleuraient encore la mort et la disparition de leur père, fils ou ami, certains révolutionnaires s'étaient déjà lancé dans les projets suivants pensant avant tout à la prochaine revanche.

Regroupés autour d’un tas de ferraille, America, Paul et tout un tas de soldats de la section développement détaillaient l’engin qu’ils avaient ardemment fait grimper sur le navire pendant l’évacuation. Un engin complètement amorphe, et à la forme d’un pacifistas de première génération que la marine avait envoyé par vague pour détruire les premières lignes révolutionnaires.

- “Je ne sens rien !” clamait America de sa voix robotique.

Cela faisait un moment qu’il essayait de rentrer en contact avec la machine sans qu’elle ne lui réponde. Dans son système interne, le phrase “no signal” s’affichait au milieu de son centre visuel encore et encore sans qu’il ne la comprenne. Elle était suivie d’un bipement sonore qu’il avait fini par associer à l’échec.

Il approchait sa truffe de pacifista, reniflant de son odorat de chien pour sentir le métal chaud et l’odeur âcre de la fumée des affrontements. Il recula alors la tête.

- “Il est tout cassé !”

Un constat simple que tous avaient déjà du se faire dans le groupe de scientifique de l’AR mais que le chien avait besoin d'extérioriser comme un enfant incapable de se taire. Et s’il avait envie de le réparer lui-même, il n’avait malheureusement pas les bras pour se débrouiller seul.

- S'il n'était pas tout cassé il serait en train de nous tirer dessus.

Et clairement, on a d'autres choses à gérer qu'un nouvel affrontement avec un cyborg de combat dans l'espace clos et confiné d'un navire rempli de révolutionnaires.

Laissant America terminer son inspection, je m'approche a mon tour de la carcasse du robot. Une belle prise c'est sur, s'il y a bien une chose qui marque la toute puissance militaire du Gouvernement mondial, en plus de ses cuirassés et de leur Buster Call, c'est bien cette armée de cyborgs armée de lasers, dont la puissance destructrice fait même relativiser celle de la marine. Et ça fait un moment, que, comme beaucoup, je me demande ce qu'on trouverait dedans si on creuse un peu.

- Bon, si on veut le réactiver on va commencer par lui ôter ses crocs.
- Il n'a pas de crocs !
- Ses armes, on va lui enlever ses armes pour le rendre inoffensif au cas ou on arriverait pas à le reprogrammer.

Bon, le pacifista est un modéle classique, son armement est donc essentiellement constitué des armes laser dans ses paumes. Sur la table, la carcasse à déja un bras de moins, arraché par un boulet, et il n'en reste donc qu'un a découper. Je me demande pourquoi le GM semble si attaché a produire des cyborgs a l'effigie du légendaire Kuma ? Pour se moquer de nous ? Par simplicité ? Flemme ? Alors qu'avec quatre bras on aurait deux fois plus de lasers ! Mais peut étre des problémes d'alimentation.

- Tournevis ?
- Tournevis !

Une fois décollé la peau synthétique et les plaques de blindage de l'épaule, il nous est facile d'accéder aux articulations du bras, et a partir de la, grâce aux merveilleux principes du levier et du palan, arracher le bras du monstre n'est qu'un jeu d'enfant.

Hum... Je me demande si on pourrait transformer ce bras en canon laser portatif.

Et si Paul aurait très bien pu se débrouiller pour retirer son deuxième bras au pacifista, America souhaitait tout de même participer. Se plaçant à l’opposé de son collègue, il réarrageait sa machinerie dans un crissement mécanique avant de faire apparaître, entre ses deux scapulas, un bras robotique coiffé d’un tournevis plat. A son tour, il se mettait alors à tourner les visses, les laissant tomber les une après les autres sur le pont du bateau avant qu'enfin, le bras ne semblait chuter à son tour sur le plancher dans un fracas qui attira l’attention de tous les révolutionnaires environnants.

- “Chuuut.” avait sifflé l’un des médecins improvisés qui essayaient tant bien que mal de venir en aide aux blessés de Jaya.

Le chien avait abattu ses oreilles en arrière avant d’afficher une triste mine. Il n’aimait pas se faire reprendre, ni même reproché quoi que ce soit. D’un pas en arrière, sa patte cybernétique vint taper contre le laser arraché.

Contact avec un élément assimilable. Lancement de l’association.

Son système avait résonné d’une voix incompréhensible dans l’esprit du cyborg avant que, tout naturellement, le corps mécanique d’America se tordait dans un ballet robotique tout en récupérant au sol le bras du pacifista. Rapidement, ce qui était précédemment le laser de l’ennemi devenait le sien. Et cela, sans qu’il n’ait compris le comment du pourquoi.

Pwe

Un large laser fila vers la mer et vint exploser des rochers au fond de l’eau dans une détonation effrayante. L’arme ornant maintenant le dos du chien venait de se déclencher seule, sous l’excitation de l’instant ou la malaise de ne pas comprendre ce qui lui arrivait.

- “Chuuuuuuuut !” répétait le révolutionnaire qui avait suivit du regard le tire partir en priant pour que cela ne touche personne sur le bateau.

Son regard se faisait grave et l’angoisse montait dans America bien plus vite d’un coup. Les oreilles se fondant dans ses plaques de métal et la queue rentrée entre ses pattes arrières témoignaient de son mal être alors que son système interne lui envoyé un nouveau signal.

Abandon de l’assimilation.

Les liens s’étant fait entre lui et le canon laser se retirait rapidement, laissant à nouveau l’objet retomber au sol dans un fracas qui ne manquait pas de tirer une nouvelle grimace au révolutionnaire pas content.

- “Paul ! Il n’a plus de croc !”

America avait fini par arrêter de porter d’attention aux autres révolutionnaires l’entourant et poussait du museau le bras vers son collègue pour qu’il le dépose proche de l’autre sur la table non loin.

- Hé mais ?! America ! Tu te rends compte de ce que tu as fait !
- Pardon Paul !
- Mais non ! C'est génial ! tu as réussi à absorber et a utiliser le laser ! Comme ça ! Tu es le meilleur chien cyborg du monde !

Moi qui pensait qu'adapter des trucs venant du gouvernement mondial était une douce utopie et que simplement comprendre et contourner les probables protocoles de sécurité nous prendrait des mois, voila que le pouvoir d'America permet d'outrepasser tout ça sans aucune difficulté !

C'est à se demander a quoi ont servis mes études s'il suffit d'un fruit pour me rendre aussi dépassé qu'un jeune mécano découvrant pour la première fois un moteur de cuirassé... Enfin, moi au moins je comprends ce que je fais ! Pas sur qu'on puisse en dire autant d'America, même si lui fait bien mieux.

- Il faut a tout prix réessayer et comprendre comment tu fais pour que tu puisses le refaire ! D'accord mon chien ? On essaye ?

Et pour éviter de découper à grands coups de laser le navire sur lequel nous nous trouvons, j'entreprends de démonter l'extrémité de l'arme pour en ôter quelques une des lentilles de concentration, sans elles, nous devrions pouvoir tester la pratique et la maitrise du tir tout en délivrant des salves de laser d'une puissance bien plus réduite que celles des pacifistas.

Je me demande s'il y a moyen d'utiliser les bouées de sauvetage come cible ? De toute façon personne n'a prévu de couler non ? Alors on en a pas besoin d'autant...

Essayer oui, mais essayer quoi ?

America était un peu perdu. Il sentait l'incitation de Paul à faire, ou refaire quelque chose, mais lui même ne savait pas comment il avait réussis la première fois. Alors il trépignait d'excitation, sentant la pression monter devant les demandes de son maitre. Il secouait la queue, puis aboyait. Il tournait sur lui même, s'inclinait vers l'avant, cherchant ce qui rendrait l'humain satisfait. Mais Paul continuait simplement de lui parler du robot, alors America venait poser une patte sur le bras arraché avant de le pousser vers son maitre avec son front, rentrant la truffe entre ses pattes.

Contact avec un élément assimilable. Lancement de l’association.

La voix résonnait à nouveau dans l'esprit d'America, le surprenant suffisamment pour qu'il redresse la tête en vitesse, le bras maintenant greffé sur le haut de son crâne, pile entre les oreilles. La lourdeur de l'objet forçait le chien à abaisser le cou dans une panique qui montait et qui se distinguait dans son regard. Penchant à droite, puis à gauche, l'animal n'arrivait pas à maintenir l'équilibre perturbé par le corps inconnu qu'il avait assimilé. Et si la première fois, le canon s'était retrouvé à un emplacement suffisamment solide pour le maintenir en place, cette fois, il était dans un endroit bien moins pratique.

America tombait au sol dans un couinement effrayé, il essayait avec ses pattes d'arracher le système mécanique qui lui coiffé le haut du crâne alors que ses haut-parleurs criaient :

- "Au secours Paul ! Il veut me manger la tête !"

Et les battements de ses pattes le faisaient tourner sur lui même, bien que couché sur le flanc. Dans l'énervement, l'angoisse et 'excitation, le canon se déclenchait à intervalle irrégulier, tapissant le bois du bateau d'impact cramoisie. Le calme avait cessé, et tous les révolutionnaires entourant le duo avait fini par se retrancher sur les ponts supérieurs ou dans la calle du bâtiment.

- Ne vous inquiétez pas ! C'est un test ! La situation est sous contrôle !

Mais non, pas du tout ! C'est la panique ! Mais la ou simple laborantin en serait déjà a hurler et a tourner en rond au hasard et en se cognant contre les paillasses comme un vulgaire poulet décapité, un vrai scientifique sait garder la tête froide et la main sure en toutes circonstances ! Comme on dit dans le métier, la Science est ton amie, mais elle peut te tuer !

Et ce n'est certainement pas en paniquant qu'on arrive a régler quoi que ce soit !

Déjà il semble clair que le postulat de base est erroné. Le pouvoir conféré par les fruits n'est pas du tout un processus instinctif qu'on connait et maitrise dés qu'on l'a mangé, comme un nouveau né sait respirer. Il est clair qu'America ne comprend pas grand chose a ce qui lui arrive et qu'il a besoin d'aide. Mais comment lui expliquer ça ?

D'abord, le calmer !

- COUCHÉ AMERICA !

Un ordre brutal, mais nécessaire, le chien réagit instinctivement et se fige, juste assez longtemps pour que je plonge et le saisisse a bras le corps dans une étreinte aussi rassurante que possible, et qui devrait au moins limiter la casse.

- Tout va bien le chien, je suis la... Du calme. C'est bien, bon chien, bon chien.. Tu veux une croquette ?

Je tire d'une poche de ma blouse une de ces croquettes au saumon dont America raffole. Et celui ci finit par se calmer juste assez pour que je puisse me pencher sur le probléme qui lui sort de la tête et me pend sous le nez.

Hum, clairement, le pouvoir d'America semble agglomérer toutes les pièces cybernétiques qu'il touche, ce n'est donc pas lui qui choisit ? Pourtant tout a l'heure il a réussit à s'en défaire, c'est donc qu'il doit avoir un semblant de contrôle la dessus. Et une sorte amalgamation ? En tout cas, hormis l'emplacement absurde, le bras du pacifista est maintenant greffé sur America aussi solidement qu'une prothèse que j'aurais posé moi même il y a des années. C'est stupéfiant !

- America ? Maintenant donne le bras !

Peut être qu'en le poussant a considérer tout ça comme normal je pourrais le pousser a voir ces parties rajoutés comme des choses qu'il peut manipuler normalement ? Déjà il faudrait arriver a voir si je peux le faire lâcher prise.

- Allez mon chien, donne ! Lâche le bras

Les yeux d'America observaient autour de lui devant la demande de Paul. Il n'avait rien dans la bouche, donc il n'avait rien à donner. Si le chien voulait faire preuve de bonne volonté, son fruit était encore trop récent pour qu'il en comprenne toutes les subtilités. Le ton rassurant de son maitre avait suffit à le calmer, maintenant, il devait lâcher.

Dans un geste étrange pour le chien, lui provoquant un certain malaise, America mimé la passation d'un objet imaginaire, articulant sa mâchoire de façon exagéré comme s'il déglutissait quelque chose dans les mains de Paul.

Abandon de l’assimilation.

Après le signal retentissant dans la tête de l'animal, le bras canon se désolidarisait du haut de son crane pour venir tomber dans les mains du scientifique. L'expression de se dernier changea pour de l'attente calme à des étoiles de satisfaction. Et si le chien n'avait toujours pas bien compris la situation, il se laissait porter par cette élan de joie que dégageait l'humain. Il battait la queue à nouveau.

- "Bravo America, tu as réussis ! Tu es un bon chien !"
- "Je suis un bon chien !"

L'animal se félicitait aisément alors que la victoire et l'arme désamorcée semblait calmer les foules de révolutionnaires et de blessés paniquaient. Doucement, ils revenaient sur le pont d'expérimentation en faisant bien attention à ne pas se tenir dans la ligne de mire du canon.

- "Encore Paul ! Je veux essayer sur le gros sans crocs maintenant !"

Dans des bonds de joie, America venait se tourner vers le Pacifistas ko pour y coller le haut de son front en en faisant le tour. Il s'était concentré pour recommencer l'assimilation mais son système ne cessait de biper le même message d'alerte.

Erreur, taille de l'objet trop important pour l'assimilation.

Et le canidé avait beau avoir fait plusieurs tours que rien ne semblait se passer. Il finit par redresser la tête avant de tourner son regard vers Paul et de clamer ce que tous avaient déjà compris :

- "Ca ne marche pas !"