Présentation de Cheng Soao

Royaume de Wanokuni - Mer des brumes

Le soleil déclinait lentement à l'horizon, baignant le pays de Wano d'une lumière dorée. Les cerisiers en fleurs bordant le grand lac scintillaient sous les derniers rayons du jour, leurs pétales roses se mêlant aux vagues douces de la brise. Le lac du Rhum s'étendait à perte de vue, une mer d'argent tranquille, immobile. Au bord de cette étendue paisible, Cheng se tenait immobile, ses yeux turquoise fixés sur l'eau calme.

À vingt ans, Cheng avait un physique qui contrastait avec la sérénité du paysage. Sa silhouette élancée et musclée évoquait celle d'un félin prêt à bondir, chaque muscle tendu sous sa peau hâlée par le soleil. Ses cheveux bleus, en pointe vers le ciel comme s'ils défiaient la gravité, ajoutaient une touche de sauvagerie. Leurs pointes étaient plus claires, d'un bleu presque blanc. Son visage, aux traits acérés, dégageait un sérieux rare. Son kimono, bien que fidèle aux traditions de Wano, était ajusté à sa manière. Le tissu bleu foncé, décoré de motifs d'étoiles argentées, soulignait son torse sculpté. Les manches étaient retroussées, révélant des avant-bras noueux, marqués par les longues journées d'entraînement. Sur son bras droit, un tatouage s’étalait de l’épaule jusqu’au milieu du biceps, représentant une large étoile.
Mais ce qui frappait le plus chez Cheng, c'était son regard. Il y avait dans ces prunelles une urgence, l'urgence de la jeunesse pressée de grandir et de surpasser ceux qui l'entourent.

Le jeune homme prit une grande inspiration, l'air frais du lac embrumé emplit ses poumons. Ce pays, cette île isolée dans la Mer des Brumes, avait quelque chose de mystique. Il s'y sentait chez lui, chaque chose était à sa place, des pierres chauffées par le soleil aux arbres noircis par la foudre. Troublant cette séance de méditation, un vieillard vint à sa rencontre.

" - Vous étiez donc ici, jeune maître. Votre mère vous attend pour souper.
- J'arrive. "

Royaume de Wanokuni - Dans l'une des planques de Sing Soao

La lumière des lanternes en papier projetait des ombres sur les murs de la petite salle, illuminant de reflets dorés les plats disposés avec soin sur la table basse. Sing Soao, la redoutable reine des pirates des brumes, observait son fils du coin de l'œil tout en mangeant en silence. Devant elle, Cheng peinait à contenir l'orage intérieur qui menaçait de l'emporter.

Le jeune homme avait toujours été un garçon volontaire, se dit-elle en silence. Dès son plus jeune âge, il avait montré une détermination féroce, une volonté de prouver qu'il était digne d’être son fils. Mais cette même volonté le rendait parfois aveugle, incapable de voir les pièges que l'impatience tendait à ceux qui la laissaient les gouverner. Elle percevait la tension dans ses muscles, le tremblement à peine perceptible de ses mains lorsqu'il saisissait ses baguettes.

" - Tu sembles contrarié. " dit-elle enfin, brisant le silence d'une voix posée.

Cheng releva la tête, les yeux brillants de défi.

" - Pourquoi me retiens-tu ici, mère ? Chaque jour que je passe à attendre, c’est un jour de perdu ! Je pourrais être là-bas, sur les mers, prouvant ma valeur, bâtissant ma propre légende ! "

Sing Soao posa lentement ses baguettes, les yeux toujours fixés sur son fils. Elle voyait en lui cette ambition dévorante, cette soif de grandeur qui avait autrefois brûlé en elle avec la même intensité. Mais elle voyait aussi ses failles, ces faiblesses qui le rendaient encore vulnérable. Il est loyal, pensa-t-elle, mais cette loyauté pourrait bien devenir un fardeau s'il ne parvient pas à la tempérer avec de la sagesse.

" - La mer est impitoyable. " dit-elle enfin, la voix aussi froide que le tranchant d’une lame.

" - Ce n'est pas la force brute qui te mènera loin, Cheng. Ta force doit être maîtrisée, contrôlée. Sinon, elle ne te servira qu’à creuser ta propre tombe. "

Cheng serra les poings, son regard se durcissant sous le poids des paroles de sa mère.

" - Je ne veux pas être simplement fort. Ça c'est le rêve du premier crétin venu ! " cracha-t-il avec une ardeur difficile à contenir.

Le jeune homme reconnaissait l'autorité et respectaient ceux qui le dépassaient. C'est pour cette raison, et uniquement celle-ci, que son poing n'avait pas encore brisé la table en deux.

" - Moi ce que je veux, c'est te surpasser. Mais comment pourrais-je y parvenir en restant ici, à attendre ta permission ?! "

Sing Soao sentit une pointe d'amusement froid naître en elle. Ce désir de la surpasser, cette ambition démesurée... C'était là une qualité qu'elle respectait, mais aussi un danger qu'il ne comprenait pas encore. Elle n'afficha cependant rien de ces pensées. Son visage resta de marbre, imperturbable.

" - Ambitionner de me surpasser est un objectif noble. " répondit-elle, ses mots mesurés et glacials.

" - Mais si tu te laisses gouverner par ton impatience, tu n’iras pas loin. Tu dois apprendre à attendre le bon moment, à transformer ta colère en une arme et non en une chaîne. Je ne suis pas arrivée où j'en suis aujourd'hui en écoutant le moindre de mes caprices. "

Cheng baissa les yeux, mordu par la frustration. Il est si motivé, se dit-elle, et c’est précisément ce qui le rend parfois si dangereux pour lui-même. Elle voyait en lui une étincelle de sa propre jeunesse, ce feu indompté. Il faut bien avouer qu'hormis la couleur de ses cheveux, le jeune homme ne tenait pas grand chose de son père. Ce qui n'est pas plus mal... pensa-t-elle.

" - Ton temps viendra. " ajouta-t-elle après un moment de silence.

Cheng le savait, il s'agissait là d'une fin de non-recevoir. La discussion était close, et personne n'était assez fou pour aller à l'encontre de la volonté de Sing, pas même son fils.

Royaume de Wanokuni - Dans l'une des planques de Sing Soao

La nuit avait étendu son voile sombre sur l’île du pays de Wano. Cheng, le cœur battant à tout rompre, s’affairait à préparer son sac avec concentration. Il avait pris sa décision : il partirait ce soir. Puisque sa mère refusait de lui donner l'autorisation de partir... il la prendrait de force.

Il sortit les objets personnels qu'il avait soigneusement choisis. Une vieille dague, héritée d’un coffre poussiéreux. La lame, marquée par les traces de nombreuses querelles, représentait non seulement les premières batailles qu'il avait menées pour prouver sa valeur, mais aussi les moqueries et les insultes des autres enfants, qui le traitaient de bâtard et le regardaient avec mépris. Cheng rangea ensuite un vieux manteau en laine, usé mais robuste. Ce manteau lui rappelait les jours froids où il se retrouvait seul dans l’obscurité des nuits d’hiver, cherchant à échapper aux regards méprisants. Chaque couture et chaque patch dans le tissu évoquaient les souvenirs d'une enfance où il avait appris à se débrouiller sans soutien, où il avait construit sa résilience dans l'ombre d'une mère absente.

" - Brrr... "

Il pouvait ressentir encore ce froid aujourd'hui. Le jeune homme attrapa également un petit coffre contenant des lettres et des documents personnels. Cheng se souvint avec amertume des invitations aux anniversaires et aux fêtes auxquelles il avait été convié, non pas par véritable amitié mais par calcul. Des enfants, prétendument amicaux, l'avaient entouré en quête de liens avec lui et sa mère, attirés par leur influence et leur pouvoir. Ces événements, qu'il aurait dû vivre comme des célébrations joyeuses, étaient devenus des moments de douleur poignante. Pour un enfant, ces relations superficielles étaient un rappel cruel de son isolement, des rencontres orchestrées pour obtenir des avantages plutôt que pour partager une véritable affection. Chaque sourire forcé et chaque poignée de main intéressée ajoutant à la douleur d'être perçu comme un simple moyen plutôt qu'une personne véritablement aimée.

" - Terminé... "

Alors qu’il se glissait hors de la maison sous le couvert de la nuit, il n’avait pas conscience que la silhouette de sa mère, immobile dans l'ombre, l’observait attentivement. Sing Soao, drapée dans son manteau de majesté, se tenait là, observant son fils s’éloigner avec une froideur implacable. Ses yeux, généralement si impassibles, brillaient d'une lueur fière. Elle avait attendu ce moment avec une patience glaciale, préparée à cette épreuve depuis longtemps. Si elle n’avait jamais permis qu'il parte, c’était pour mieux le laisser se libérer lui-même de ses chaînes. Ce n'était pas à elle de l'autoriser à partir, mais bien à lui de conquérir ce droit.

" - Au revoir, mon fils. "

Cheng, les épaules raides, sentit un frisson lui parcourir l’échine. Alors qu'il se retournait en direction de son foyer, Sing avait déjà disparu. Cheng se fondit alors dans les ténèbres, seul.