Manoir d'Isigny - Goa - fin de journée
Pistacharles d'Isigny était assis dans l’un de ses fauteuils en velours rouge, le dos droit, les mains posées sur le registre des comptes familial. Les rayons de soleil couchant traversaient les grandes fenêtres en arcs, plongeant la pièce dans une lumière dorée qui contrastait avec l’austérité du lieu. Le silence régnait, seulement troublé par le froissement des pages lorsqu'il les tournait avec minutie, s’assurant que chaque berry était bien comptabilisé à sa place. Un coup sec résonna à la porte, brisant cette quiétude. Pistacharles, fronça les sourcils, ne daignant même pas lever les yeux.
Il détestait être dérangé. D'autant plus lorsqu'il était plongé dans ses finances du vendredi. Quelle joie cela lui procurait-il de compter ses sous
" - Monseigneur... " s'inclina l'homme en lui tendant l'enveloppe.
" - J’ai des nouvelles impo...
- Donnez-moi ça. "
Pistacharles lui arracha son dû des mains, impatient.
" - Évitez de perdre mon temps avec des discours inutiles. "
Pistacharles l'ouvrit d'un geste sec. Ses yeux marrons se plissèrent en parcourant les lignes du document, la colère montant progressivement en lui. Sa fille, Vaniléa, plongée dans le coma depuis cette mission classée confidentielle, avait été utilisée comme cobaye pour une expérience conduite par un certain Docteur Ambroise Charlotte à Nursery. C’était inacceptable. Le silence du manoir devint oppressant. Les flammes dans la cheminée vacillèrent, comme pour accompagner le trouble qui s'emparait de la pièce. Pistacharles serra le poing autour de la lettre, la déchirant violemment. Sa mâchoire se contracta, et une colère froide s'empara de lui. Quelques plumes poussèrent sur son corps, signe qu'il peinait à se contrôler.
" - Comment ont-ils osé toucher à ma fille sans m’en informer ? " murmura-t-il.
Ce n'était pas tant l'amour paternel qui s'exprimait, mais une atteinte à son autorité, à son nom, à son patrimoine.
" - Qui est ce Docteur Charcotte ? " demanda-t-il d’un ton tranchant.
" - Il s'agit d'un Médecin Général des Armées, Monseigneur. Un scientifique connu pour ses expériences... peu orthodoxes. Il est expert en biologie et en cybernétique. "
Pistacharles se leva brusquement, repoussant la chaise qui émit un grincement aigu. L'un de ses pieds venait de se changer en palme.
"- Ils ont utilisé la fille d'un noble comme un vulgaire sujet d’expérience sans même avoir la décence de m'en informer. Quel affront... Pour qui me prennent-ils ?! "
Vaniléa, bien qu’inconsciente, restait son bien, et personne n'avait le droit de disposer d’elle sans son accord (ou sans dédommagement). Une seule pensée l'obsédait désormais : récupérer son dû.
" - Vous savez ce qu'il vous reste à faire : préparez des hommes de confiance. " ordonna-t-il sans se retourner.
" - Je veux que tout soit prêt avant la fin de la journée. Ils partiront pour Nursery récupérer le corps de ma fille. "
L'informateur hésita un instant avant d’acquiescer.
" - Bien, Monseigneur. Souhaitez-vous qu’ils… enquêtent également sur ce Dr. Charcotte ?
- Non, pas pour l'instant. Evaluons déjà les dégâts avant d'agir davantage. Je ne veux pas que cette affaire s'ébruite. Que diraient les autres Nobles s'ils l'apprenaient ? Peut-être sont-ils déjà au courant... Quelle humiliation... "
Petit à petit, Pistacharles reprenait une apparence complètement humaine. L’informateur s’inclina et quitta précipitamment la pièce, laissant le Noble seul dans son bureau.
Ce n’était pas seulement une question de pouvoir ou d’autorité. C'était une question de contrôle, et Pistacharles ne supportait pas l'idée que quelque chose puisse lui échapper. En silence, il contempla les flammes, son esprit déjà tourné vers les prochaines étapes. Il ne connaissait pas encore l'ampleur de ce qui avait été fait à Vaniléa, mais une chose était sûre : ceux qui avaient osé toucher à sa propriété allaient devoir rendre des comptes.