Zhihao pensait savoir ce qui l’attendait en rejoignant la branche de l’armée impériale assurant la garde de sa ville natale. Il ne se passait pas grand-chose d’excitant à Beigang : peu de pirates prenaient la peine d’attaquer ce port septentrional de Kanokuni, le maigre butin qu’ils en retireraient ne valant pas le risque encouru en bravant les remparts et l’ire potentielle de la Happo Navy. La ville était également laissée à l’écart des luttes dynastiques qui déchiraient régulièrement le pays, du fait de sa position excentrée ainsi que de sa faible importance stratégique par-rapport à d’autres ports plus grands. Aucun noble notable n’y avait son fief, et si l’endroit avait son lot de hors-la-loi, le crime organisé y était généralement de faible envergure.
Une bonne partie de sa famille servait ou avait servi dans ladite garde. Elle avait grandi en entendant les histoires de ses parents, grands-parents, oncles, tantes et cousins plus âgés, et avait bénéficié de leur entraînement depuis son plus jeune âge. Lorsqu’elle avait à son tour rejoint ses rangs il y a quelques mois, elle se croyait mieux informée et préparée que la plupart des nouvelles recrues, et ce même si elle ne comptait y passer que deux ou trois ans, le temps de gagner en expérience et d’obtenir une recommandation pour entrer à l’académie militaire.
Elle aurait sans doute pu obtenir plus rapidement les accolades nécessaires à ceux qui ne pouvaient pas compter sur un nom de famille prestigieux ou un compte en banque bien fourni pour intégrer cette illustre institution en demandant une affectation ailleurs dans le pays, ou même simplement dans une autre partie de la province, sauf que sa famille l’en avait dissuadée. Avec raison, puisque les tensions s’intensifiaient dans le reste de l’île, faisant planer le spectre d’une énième guerre civile, différente et potentiellement plus violente que les précédentes. Ce qui ne changeait pas, c’était que l’issue des guerres civiles était souvent imprévisible, et qu’au-delà du risque de mourir au combat, il ne faisait pas bon être du côté des perdants ; si les simples soldats échappaient normalement aux purges, la disgrâce d’une défaite restait mauvaise pour leur carrière.
Tout cela pour dire que l’anguille électrique croyait avoir une assez bonne idée de la façon dont se déroulerait son service. Ce qui prouvait qu’elle n’avait pas encore appris une leçon qui la servirait bien à l’avenir : il fallait toujours s’attendre à l’inattendu.
« Dépêchez-vous, tout le monde en rang ! Je ne veux pas voir un cheveu qui dépasse, et si votre équipement n’est pas absolument impeccable, je vous étriperai moi-même ! » tonitrua le sergent Bong, en tentant de mettre un peu d’ordre dans le chaos environnant. La raison de ce chaos ? Une visite-surprise du maréchal Feng Han en personne, la plus haute autorité militaire de la province. Un événement inédit de mémoire d’homme : le haut commandement ne se déplaçait jamais à Beigang, ils envoyaient toujours leurs laquais d’habitude !
« Plus vite, plus vite, plus vite ! » continua de hurler le sous-officier, alors que Zhihao terminait de rajuster sa tenue et prenait sa place parmi ses collègues. Une fois tout le monde aligné, un silence de mort se fit dans la caserne. Il fit plusieurs allers-retours devant ses troupes, soufflant comme un buffle et promenant un regard critique sur chaque soldat, à la recherche du plus petit défaut à punir. Ne semblant en trouver aucun, il inclina légèrement la tête avant de faire son rapport au lieutenant qui passait de section en section, lequel transmit l’information au capitaine, qui tentait désespérément de faire bonne figure en dépit de son anxiété flagrante.
L’officier épongea la sueur qui perlait sur son front à l’aide d’un mouchoir qu’il remisa aussitôt après, puis tourna son regard vers la porte principale, d’où une sentinelle lui fit signe que le grand ponte était sur le point d’arriver. Quelques instants interminables plus tard, la porte s’ouvrit et la voix du sergent retentit à nouveau, un « Gaaaaaarde à vous ! » rugissant provoquant un changement automatique dans la posture de ses hommes, maintenant tous aussi raides que des manches à balais.
Une bonne partie de sa famille servait ou avait servi dans ladite garde. Elle avait grandi en entendant les histoires de ses parents, grands-parents, oncles, tantes et cousins plus âgés, et avait bénéficié de leur entraînement depuis son plus jeune âge. Lorsqu’elle avait à son tour rejoint ses rangs il y a quelques mois, elle se croyait mieux informée et préparée que la plupart des nouvelles recrues, et ce même si elle ne comptait y passer que deux ou trois ans, le temps de gagner en expérience et d’obtenir une recommandation pour entrer à l’académie militaire.
Elle aurait sans doute pu obtenir plus rapidement les accolades nécessaires à ceux qui ne pouvaient pas compter sur un nom de famille prestigieux ou un compte en banque bien fourni pour intégrer cette illustre institution en demandant une affectation ailleurs dans le pays, ou même simplement dans une autre partie de la province, sauf que sa famille l’en avait dissuadée. Avec raison, puisque les tensions s’intensifiaient dans le reste de l’île, faisant planer le spectre d’une énième guerre civile, différente et potentiellement plus violente que les précédentes. Ce qui ne changeait pas, c’était que l’issue des guerres civiles était souvent imprévisible, et qu’au-delà du risque de mourir au combat, il ne faisait pas bon être du côté des perdants ; si les simples soldats échappaient normalement aux purges, la disgrâce d’une défaite restait mauvaise pour leur carrière.
Tout cela pour dire que l’anguille électrique croyait avoir une assez bonne idée de la façon dont se déroulerait son service. Ce qui prouvait qu’elle n’avait pas encore appris une leçon qui la servirait bien à l’avenir : il fallait toujours s’attendre à l’inattendu.
« Dépêchez-vous, tout le monde en rang ! Je ne veux pas voir un cheveu qui dépasse, et si votre équipement n’est pas absolument impeccable, je vous étriperai moi-même ! » tonitrua le sergent Bong, en tentant de mettre un peu d’ordre dans le chaos environnant. La raison de ce chaos ? Une visite-surprise du maréchal Feng Han en personne, la plus haute autorité militaire de la province. Un événement inédit de mémoire d’homme : le haut commandement ne se déplaçait jamais à Beigang, ils envoyaient toujours leurs laquais d’habitude !
« Plus vite, plus vite, plus vite ! » continua de hurler le sous-officier, alors que Zhihao terminait de rajuster sa tenue et prenait sa place parmi ses collègues. Une fois tout le monde aligné, un silence de mort se fit dans la caserne. Il fit plusieurs allers-retours devant ses troupes, soufflant comme un buffle et promenant un regard critique sur chaque soldat, à la recherche du plus petit défaut à punir. Ne semblant en trouver aucun, il inclina légèrement la tête avant de faire son rapport au lieutenant qui passait de section en section, lequel transmit l’information au capitaine, qui tentait désespérément de faire bonne figure en dépit de son anxiété flagrante.
L’officier épongea la sueur qui perlait sur son front à l’aide d’un mouchoir qu’il remisa aussitôt après, puis tourna son regard vers la porte principale, d’où une sentinelle lui fit signe que le grand ponte était sur le point d’arriver. Quelques instants interminables plus tard, la porte s’ouvrit et la voix du sergent retentit à nouveau, un « Gaaaaaarde à vous ! » rugissant provoquant un changement automatique dans la posture de ses hommes, maintenant tous aussi raides que des manches à balais.