Autant en emporte le vent

Rain leva les yeux vers le ciel et plaça sa main pour protéger ses rétines du soleil. La matinée avait été plutôt froide, malgré l’absence totale de nuage. Les rayons frappaient le sol, les plantes et les gens, mais ne semblaient pas y apporter la moindre chaleur. L’été avait déserté, laissant place à l’automne qui apportait avec lui son lot de pluie et de vent. Malgré son arrivé toute récente, les feuilles des arbres avaient déjà commencé à jaunir et certaines finissaient leurs vies au sol, attendant d’être grignotés par des insectes. Le jeune homme aimait cette saison, n’étant pas friand des grosses chaleurs, et adorait sortir pour sentir le vent lui caresser le visage et jouer avec les mèches de ses cheveux. Il se sentait détendu et cherchait une occupation qui ne lui prendrait pas la tête. Ses petits moments de détente n’étaient pas nombreux et il devait en profiter au maximum avant que le froid et la pluie ne l’en empêchent.
Debout, sur le bord de la falaise, il observait la ville qui se dessinait sous ses yeux, loin en contrebas. Tanuki était une île simple et absolument magnifique pour ce qui est du paysage. Des montagnes, des plaines à perte de vue.... Et pas de pirates ! Ça c’était vraiment génial. La 412eme division de la Marine avait posée sa base il y a des années de ça, et comme l’île ne possédait pas de réelles ressources qui pourraient intéresser des personnes mal intentionnées, très peu d’attaques de pirate avait été enregistrée depuis de nombreuses années. Au Nord de la ville, se trouvait une plaine masquée au reste du monde par son emplacement. Pour l’atteindre, il fallait grimper la falaise pour rejoindre le plateau sur lequel se trouvait Rain. Un petit coin tranquille où il ne risquait pas de se faire embêter par qui que ce soit. Il aimait bien venir ici pour se concentrer, faire le point, prendre du recul, ce genre de conneries de femmelettes. Mais il n’aimait pas que ça se sache et aurait préféré mourir plutôt que cela arrive aux oreilles de qui que ce soit. Aux yeux de tous, il était viril, sûr de lui et un peu déjanté.

Mais aujourd’hui, tout allait bien, il n’avait rien à penser et avait décidé de s’entraîner. Certes, il le faisait déjà avec les autres Marines, mais il s’agissait là de l’entraînement militaire de base, consistant à frapper plus fort et plus souvent. Rien à voir avec SA façon de se battre. Outre ses armes qu’il maniait avec une grande dextérité, il avait l’habitude d’utiliser toutes sortes de produits chimiques pour l’aider à prendre le dessus sur des adversaires apparemment de niveau égal voire supérieur. Il ôta sa chemise et profita quelques instants de la caresse de la brise sur son torse avant de se mettre au travail. Il avait créé des mannequins pour s’entraîner à viser, à la frappe et aux déplacements de combats. Il adorait s’entraîner, cela lui permettait d’évacuer le stress de son travail, de se défouler quand quelque chose n’allait pas ou tout simplement de se dépenser pour la forme physique. Il frappait, lançait des pierres, ne voulant gâcher son réel matériel, et tournait autour comme un serpent. Certains jours, il révisait les coups que son maître lui avait appris autrefois lorsqu’il apprenait les arcanes de Dragon Soul. Après six heures d’entraînement intensif uniquement interrompues par une pause pipi, il s’assit contre le tronc d’un arbre en s’essuyant le front. Il attrapa sa serviette et se frictionna rapidement pour ne pas attraper froid. Quelque chose le dérangeait.


°°Même si je m’améliore au combat, je suis totalement démuni en ce qui concerne les combats à distance. J’ai mes bombes, mais bon, ça coute cher, je peux pas me permettre d’en balancer à tout va.°°

Il replia ses jambes sous son menton et se mit à réfléchir. Il était doué pour inventer des gadgets qui lui permettaient de réaliser ce qu’il voulait sans faire de réels efforts. Il avait inventé un gratte-dos automatique, un autocuiseur d’œuf à la coque qui se stoppait exactement au bon moment, un encrier qui se remplissait tout seul grâce aux vases communiquant... Il devrait pouvoir trouver quelque chose pour atteindre une cible éloignée. Il savait qu’il pouvait tout simplement s’acheter une arme à feu ou une arbalète, mais ces armes avaient pour vocation de tuer, et cela n’était pas dans ses motivations. Certes, il avait déjà abattu des cibles dans le feu de l’action, voire même s’acharner longuement sur les cadavres de ses ennemis, mais, lorsqu’il était lucide, il préférait blesser et livrer aux autorités plutôt que de tuer. C’était bien plus gratifiant pour sa carrière et bien moins lourd à porter pour sa conscience. Le sang sur ses mains était une chose à laquelle il préférait ne pas penser. Il ne le niait pas, mais n’en parlait pas. Cela arrangeait tout le monde à commencer par lui. Après quelques minutes de réflexion, il s’endormit.

Son rêve était flou, il marchait, un objet serré entre les mains le long d’un couloir qui semblait ne jamais devoir finir. Il avançait mais était repoussé par une force invisible. Quelque part, à la fois partout et nulle part, il entendait la voix de son ancien maître.


-Tu n’es pas assez fort pour la convoiter. Le chemin qui mène à la luminescence est long et difficile.

Au même moment, le fond du couloir se mit à briller d’une lumière blanche aveuglante qui força Rain à plisser les yeux tout en tentant de lutter contre la force qui l’éloignait. Ses rétines finirent par s’habituer à la lumière et une forme se dessina lentement en contraste. Il cru tout d’abord à une figurine en forme de dragon crachant des flammes. Mais plus les contours se précisaient, plus il prenait conscience de ce qu’il avait devant les yeux. C’était elle, l’arme qu’il recherchait depuis la seconde où il en avait appris l’existence. Hiryuu no Iraki ! Le sabre qui permettait d’atteindre l’apothéose de l’arcane de Dragon Soul. Il tendit le bras en avant et sentit un grand souffle sur son visage.

-Pas encore Rain. Tu n’es pas prêt pour ça. Tu dois t’endurcir et connaître les expériences de la vie. Sinon, son pouvoir pourrait te conduire à ta propre perte.

Le vent augmenta en intensité et Rain dut faire quelques pas en arrière, quand soudain, il sentit quelque chose lui picoter le visage. C’était douloureux et ne semblait pas vouloir s’arrêter. L’intensité augmentait, encore et encore jusqu’à devenir vraiment insoutenable. Il lâcha ce qu’il tenait entre les mains et tenta en vain de faire un pas vers l’arme. Il finit par perdre ses appuis et fut soulevé par le zéphire.

-Tu perds ce que tu possèdes pour tenter d’obtenir ce que tu n’es pas prêt à recevoir....

Il s’éveilla en sursaut. La voix de son maître résonnait encore à ses oreilles et il avait la désagréable impression qu’il n’était pas encore totalement sortit du rêve. Le vent s’était levé et son visage était couvert de poussière. Un tas de poussière, situé à quelques mètres de lui était répandu par le vent et lui fouettait réellement la figure. Il sursauta et sentit la petite pointe de folie monter en lui, chaque fois que l’énergie créatrice prenait le contrôle de son esprit. Il sauta sur ses pieds et se mit à réfléchir intensément. Le vent pouvait porter des matériaux légers à une distance bien plus importante que la portée d’un sabre. Des plans se mirent à se dessiner devant ses yeux et des rouages qui coinçaient jusque là se mirent à tourner frénétiquement. Il sautilla pour se concentrer et grimpa à un arbre.

°°Si je mets une valve là et un piston par là.... Alors en exerçant une force là....La différence de pression....Différentiel...Potentiel...°°

Quelqu’un qui passait par là aurait surement eu un mouvement de recul en voyant cet homme, pendu la tête en bas, les pieds entremêlés dans les branches en train de murmurer des bribes de phrases sans queue ni tête, les yeux clos. Et pourtant, il n’était pas fou. Pas complètement du moins. Il réfléchissait à quelque chose d’innovant et de très pratique. Il déplia ses jambes pour se laisser tomber et atterrit sur ses pieds. Sans même prendre le temps de rassembler ses affaires, il attrapa sa chemise et dévala la pente qui lui permettait de descendre du plateau sans avoir à escalader la falaise. Il avait une idée toute fraîche en tête et rien ni personne ne pourrait lui faire penser à autre chose tant qu’il ne l’aurait pas réalisé.

Il arriva sur la place centrale du village. Il avait besoin de matériel et en grande quantité. Non pas que l’objet auquel il pensait était très volumineux, il devait pouvoir s’en servir durant ses combats, mais il savait par expérience qu’on ne parvenait jamais à créer ce que l’on voulait du premier coup. Il fallait prévoir les pertes et vu son excitation, elles allaient être nombreuses. Il avait entendu dire qu’une armurerie avait ouvert il y a quelque temps dans la rue principale. Il se dit qu’il pourrait toujours y aller s’il ne trouvait pas ce qu’il cherchait, mais préférait éviter car acheter des armes pour les faire fondre et réutiliser lui reviendrait beaucoup plus cher. Il valait mieux acheter des matériaux bruts. Il marcha quelques temps d’un pas rapide, demandant aux badauds qu’il croisait s’ils pouvaient le renseigner. En général, le petit insigne « Marins » sur sa chemise motivait les gens à ne pas le contrarier et à fournir ce qu’ils savaient et avec le sourire s’il vous plait! Il finit par trouver ce qu’il cherchait, un vendeur de matériel en gros. Ses clients étaient en majorité des chefs de chantiers ou des charpentiers. La surprise se dessina donc sur son visage lorsqu’il entendit la petite commande que Rain lui passa. Cela ne suffirait même pas à construire une barque individuelle. Le Marine lui tira la langue et commença à sortir ses billets lorsqu’il entendit la somme demandée.


-Soixante-quinze milles berrys ??!! Pour ça ?! Vautour, vous ne l’emporterez pas au paradis !

De mauvaise grâce, il paya et emporta son matériel. Le vendeur, dans son dos, compta lentement la liasse de billets en ricanant, des « B » barrés dans les yeux. Il avait sentit que le Marine était pressé et ne voulait pas perdre de temps à négocier. Il en avait donc profité pour lui demandé trois fois le prix normal.

Une fois retourné sur son petit plateau, il déposa tout le matériel en vrac, s’assit en tailleur et ferma les yeux pour visualiser les plans qu’il avait dors et déjà créé mentalement. Le travail commença alors. Cela n’avait en vérité rien de compliqué, il fallait juste savoir où l’on allait et ne pas se précipiter. Il n’y avait rien de plus énervant que d’avoir l’objet finit entre les mains et que celui-ci ne fonctionne pas à cause d’une vis mal serrée ou d’un boulon manquant. Méthodique, précis, et efficace. Motivé, Rain travaillait vite et après un doigt écrasé, deux plaques tordues, douze échardes et un ressort dans l’œil, il se leva pour faire une pause. Il avait bien fait de prévoir large, créer un objet sans aucune côte et sans aucune mesure était un travail fastidieux où l’on travaillait à tâtons, gâchant donc du matériel. Mais ça avançait gentiment. Après une pause-pipi, il se remit au boulot.

Le soleil disparaît entre deux pics montagneux quand Rain se releva avec un sourire extraordinaire sur le visage. Il tenait dans ses mains sa toute nouvelle invention et son excitation fut à son comble. L’objet ressemblait à une grosse boîte possédant une poignée sur sa partie droite et une manivelle sur sa partie gauche. Sur la face qui pointait devant le marine, une grande tête de dragon qu’il s’était fait chier à sculpter et modeler dans une plaque de fer. Et enfin de l’autre coté, juste devant le ventre de son créateur, un réservoir à ciel ouvert dans lequel on pouvait glisser ce que l’on voulait. Sans perdre une seconde, il voulut essayer, se baissa et ramassa des petits cailloux qu’il fit tomber dans le réservoir. Il attrapa la poignée et se mit à tourner la manivelle. Un sifflement se fit entendre, montant très rapidement dans les aiguës, et les cailloux furent expulser dans un grand souffle. Ils volèrent et allèrent s’écraser à une dizaine de mètres. Pas vraiment un sniper mais ce n’était pas son utilité. Ce qui était génial, c’est que tout les cailloux avaient été expulsé en même temps, la zone touché par le tir était donc plus grande. Pas besoin de s’ennuyer à viser.


-Qu’est ce que je peux mettre d’autre là dedans ?

Il alla chercher sa gourde et la versa avant de se remettre à tourner. Tournant d’abord lentement puis de plus en plus vite, il put voir le changement de débit et de distance de jet en fonction de la vitesse de la manivelle. La machine fonctionnait parfaitement avec les solides et les liquides. Il allait pouvoir toucher un adversaire hors de portée sans avoir à entrer dans sa zone d’attaque. En combat, ca pouvait déterminer la victoire ou la défaite. Sautillant de joie, il rangea délicatement la machine dans son sac et dévala le sentier pour aller se payer une bonne peinte de rhum à la taverne du coin. Baa...oui, c’est Rain quand même !