OPA hostile - partie 5

Les préparatifs avaient duré plusieurs heures mais, enfin, les écrans géants et les Den Den projecteurs étaient en place, un peu partout sur l'ile. Tout Carcinomia était en ébulition. Après tout, l'ile avait connu maintes tentatives de renverser les puissants clans locaux. Maints échecs. Maintes déroutes sanglantes ! Aussi, lorsque les rumeurs filtrèrent au travers de la Favela et du Roc... les esprits s'embrasèrent, aussi surement qu'une trainée de poudre. Deux noms revenaient régulièrement, comme des rumeurs sourdes, des idées captées au vol : Suisou Hayato et l'empereur pirate « capitaine Red ». Si n'importe qui avait déjà eu vent du fameux pirate, le premier nom était inconnu pour la plupart.

La population locale ne savait à quel saint se vouer. Une grand mère faisait étal de son savoir ancestral, affirmant qu'Hayato était un géant de plusieurs mètres de haut ! Un coursier, lui, rétorquait qu'il avait vu des minks s'égorger en pleine rue et qu'il devait être un véritable lion. Des enfants jouaient au pirate, pensant déjà intégrer la flotte d'un empereur. Les commerçants, eux, avaient déjà eu vent de la réputation du jeune homme et, étonnamment, il ne ressemblait pas à un criminel ! Aussi, qu'il mette la main sur l'île les laissait songeurs. Car, si on en croyait les informations récurrentes... après de sanglants combats, le clan Suisou, aidé par des pirates, avait réduit au silence tant Foster Red qu'X-Bronze ! Un exploit sans précédent. En particulier si on savait que les deux clans avaient été annihilés dans la même journée !


- Maman ! lança soudain un enfant en tirant la jupe de sa mère. Regarde, ça commence !


Les escargo-projecteurs ouvrirent grand leurs yeux et les toiles s'illuminèrent, sous les regards avides de la plèbe. Sur tout Carcinomia, la même image se grava dans les rétines : la forteresse du Roc, en piteux état, devant laquelle se tenait un petit comité. Nombreux reconnurent les chefs des clans Avast et Omega, mais également le descendant des Darkness, le patriarche de la famille Valthane, ainsi que plusieurs têtes connues des Enigmatiques. En revanche, un petit groupe hétéroclite leur était parfaitement inconnu. Tous portaient un drapé bleu, frappé d'un kamon inconnu. En y regardant de plus près, un drapeau blanc flottait derrière l'assemblée, avec la même vague bleue inversée dessinée. Enfin, un homme en kimono bleu s'avança vers le pupitre et le micro. Comme un seul homme, l'ile entière retint son souffle, les yeux écarquillés. Ce n'était ni un mink, ni un géant, ou encore moins un pirate...

C'était un samourai !





Hayato se tenait devant une foule immense. Les clans Avast, Omega, Darkness ainsi que l'équipage de Lamia et ses propres hommes... Tous se tenaient devant lui. Ils avaient aménagé le parvis de la forteresse en estrade de fortune, tandis que les marches et le reste du Roc avaient été investies par les curieux. La voix de son père résonna dans sa tête, lorsqu'il s'avança vers le pupitre : « Un véritable leader se reconnaît à de nombreuses qualités, mon fils. Mais la plus fantastique d'entre elles, est de savoir gagner le cœur des Hommes. ». Lorsqu'il se plaça enfin devant le micro, il posa ses mains tannées sur le pupitre, avant de se racler la gorge. Il devait marquer les esprits, happer leur attention dès les premières secondes... L'épéiste regarda le Den Den Camera droit dans les yeux, avant de se lancer :


- Peuple de Carcinomia ! Nous sommes le clan Suisou et, avec vous, nous venons faire prospérer cette île. Je ne vous endormirai pas avec de longs palabres, aussi je serai clair et concis. Foster Red et X-Bronze sont tombés de nos mains, après qu'ils aient détruit le clan Wave. Les clans Avast, Omega et Darkness, la famille Valthane et les Enigmatiques nous ont rejoins. Comme vous l'avez déjà compris, nous revendiquons Carcinomia, et entendons bien la réformer pour la rendre meilleure.


Il laissa un instant l'île saisir la portée de ses paroles. Pendant ce temps, Hayato planta son regard d'airain dans ceux de plusieurs soldats, sans animosité aucune. Comme toujours, son aura de sérénité émanait de tous les pores de sa peau. La foule baignait dans une douce torpeur, comme apaisée par sa simple présence. Ses mots pouvaient choquer, mais le message de fond semblait tout autre. Il ne s'agissait nullement d'une déclaration de guerre, ou de l'avènement d'une tyrannie. N'importe quel spectateur aurait pu le comprendre d'instinct. Cet homme n'était pas venu détruire... mais amener paix et prospérité.


- Je ne vous énumérerai pas, aujourd'hui, tous les projets que nous souhaitons porter. Cependant, sachez que votre vie va changer, dès aujourd'hui. J'en veux pour preuve les principales modifications, effectives dès à présent...


Conscient d'avoir capté toute l'attention des habitants, Hayato leva son index :


- Premièrement, nous abolissons l'esclavage sur cet île, séance tenante. Vous qui, ce matin, vous êtes levés esclaves, réduits à un rang inférieur à celui d'être humain... Ce soir, vous vous coucherez libre. Moi vivant, vous avez ma parole que, sur cette île, plus jamais vous ne subirez pareille destinée.


Sans leur laisser le temps de réagir, l'épéiste leva ensuite le majeur :


- Deuxièmement, à compter de ce jour, Carcinomia devient une méritocratie. Peu importe votre extraction, peu importe votre origine et vos convictions, si vous souhaitez vous élever... donnez vous en les moyens, et vous serez récompensés. Votre loyauté et vos capacités seront vos plus grands atouts. Pour cette raison, les technologies, le savoir faire, la main d'oeuvre et les ressources du clan Suisou serviront à toute l'île, et non à une poignée d'élus. Travaillez dur, aidez-vous les uns les autres et, ensemble, visons de plus hauts sommets.


Les plus vifs d'esprits le comprendraient sans mal. Par cette simple déclaration, Hayato venait d'annoncer que les technologies de tous les clans sous ses ordres seraient diffusées dans toute l'île. Ce qui signifiait, évidemment, qu'il en allait ainsi pour l'expertise des clans Avast et Omega. Comme les négociations préalables l'avaient clairement dicté, le sabreur tenait sa parole : il les aiderait mais, en échange, ils devraient hisser toute l'île avec eux.


- Troisièmement, tout homme, femme et enfant présent ici même est libre de choisir son futur. Nous souhaitons révéler le potentiel de toute l'île, mais demandons votre loyauté indéfectible en retour. Aussi, vous avez quarante huit heures pour vous décider. Rester sur Carcinomia, et jurer allégeance au clan Suisou, ou bien la quitter sans vous retourner. J'espère que nous pourrons profiter des années à venir, afin d'atteindre ensemble des sommets inégalés.


Après un bref instant, Hayato baissa la main et s'appuya derechef sur le pupitre, avant de terminer avec un sourire :


- Comme je vous l'avais promis, je serais bref. Aussi, pour ce soir, je vous invite à féter la réunification de tous les clans sous une seule et même banière. Ce soir, vous pouvez rire, boire, manger et vous amuser jusqu'au petit matin. Les affaires sérieuses ne commenceront que demain.


Avec un ultime salut le chef du clan Suisou s'inclina respectueusement devant le Den Den projecteur, ainsi que la plèbe qui s'étalaient à perte de vue. Peu à peu, des échos de joie résonnèrent sur tout le Roc. En tendant l'oreille, les vivats semblaient gagner tout Carcinomia. Après des années de guerres intestines et de tensions entre les différents clans, apprendre qu'ils allaient connaître une ère de paix et de prospérité avait de quoi en égayer plus d'un ! Lorsque l'énorme gastéropode ferma les yeux, et que les transmissions furent coupés, Hayato se tourna vers un petit groupe de soldats du clan Darkness.


- J'aimerais que vous alliez vous assurer que les esclaves soient bien relâchés, et qu'ils se joignent à la fête. Assurez également la sécurité des habitants, durant les festivités improvisées. Prenez autant d'hommes qu'il le faut, mais ne faites aucun mal aux civils.
- Je... l'un d'entre yeux glissa un regard vers Willian Darkness, l'air déboussolé.


Lorsque l'héritier du clan lui confirma l'ordre, d'un simple hochement de tête, le soldat s'inclina et emmena avec lui plusieurs escouades. Avec un autre sourire, Hayato se tourna vers ses nouveaux alliés et leur adressa un salut respectueux.


- Si vous voulez bien me suivre, nous avons encore un peu de travail. Les réjouissances attendront.


Ainsi, il guida tout ce beau monde jusqu'à une grande salle de réunion de la forteresse. Ils avaient encore beaucoup à discuter ! Derrière eux, les hommes commençaient déjà à danser et à relâcher la pression, après la bataille sanglante qui venait d'être livrée. Sans aucun doute, certains entretenaient encore une certaine animosité à leur égard... mais, avec le temps, ils comprendraient et se rallieraient à eux. Ou bien, d'ici deux jours, ils disparaitront de la surface de Carcinomia.

Un sourire étira lentement le visage d'Hayato, jusqu'à lui en faire plisser les yeux. Cette phrase... combien de fois son père lui avait-il demandé de la lui susurrer ? Il en avait perdu le compte depuis bien longtemps. Que Lamia la lui murmure, à son tour, lui fit presque monter les larmes aux yeux. Pourtant, il ne s'agissait nullement d'un sanglot, de panique ou de peur. La joie l'envahit tout entier. Il le savait ; quelque part, Jinro-san souriait, lui aussi. Une autre phrase lui vint alors, celle que son frère adoptif, Yanagi, devait rappeler sans cesse à leur père :


- « Cela aussi passera », répondit-il avec un sourire.


Selon la légende, un ancien empereur avait fait graver l'intérieur d'une de ses bagues avec cette citation, devenue célèbre depuis. Elle demeurait valable, dans les bons ou les mauvais moments. Cette simple phrase permettait de prendre du recul, de garder la tête froide et de relativiser en toute situation. Il remercia Lamia d'un signe de tête, comprenant aisément qu'elle ne souhaitait en rien le froisser, mais bel et bien l'aider. De même, il hocha sobrement la tête suite à sa remarque concernant les Enigmatiques. Effectivement, il était idéaliste, voire stupide, de penser que tous les habitants accepteront de revenir sur leurs acquis. Après tout, lorsque l'on s'était habitué à un privilège, l'égalité ressemblait presque à une punition, voire à une injustice. Il sourit à cette pensée, juste avant d'arriver au niveau de Jomiar.


- Vous allez vous faire des ennemis plus vite que prévu, jeune homme, lui chuchota l'assassin d'un ton neutre.
- J'espère, maitre Jomiar, que vous n'en ferez par parti, lui répondit Hayato sur le ton de la plaisanterie.


Ce à quoi l'assassin répondit d'un sourire imperceptible, et d'un rire de nez aussi subtil qu'une brise d'été. Quelques instants plus tard, les chefs de clans, Kong, Lamia, Pablo et Hayato se retrouvaient dans une salle de réunion. Tous les autres membres du clan Suisou avaient gagné le droit de se reposer après cette journée harassante. De son côté, Kong préférait assister à la réunion et, si elle avait été sur pieds, l'épéiste était prêt à parier qu'une certaine kunoichi aurait été de la partie également. À peine furent ils tous assis, que la voix du faux Anthony Green éclata :


- OI ! C'était quoi cette histoire là ? Depuis quand on avait parler de mettre en commun les technologies et de libérer les esclaves ? J'espère...
- Mon dieu ce que tu peux être lent d'esprit... le coupa Barnaby White, avec un soupir théâtral. Quel genre de crétin ne sait pas écouter et lire entre les lignes ? Il nous avait annoncé qu'il cherchait à tirer le meilleur partie de l'île et à révéler tout son potentiel... à quel moment ça a pu t'échapper ?


Un bruit, à l'autre bout d'un escargophone, semblait indiquer que le vrai Anthony Green abondait dans le sens de son collègue d'Avast. Le kagemusha se renfrogna, croisa les bras, puis entreprit de bouder. Le chef du secteur « Jungle » reprit la parole, en plantant son regard dans celui d'Hayato :


- En revanche, il n'avait jamais été question de libérer les esclaves... Il faudra penser à nous compenser, pour les pertes.
- Sur le court terme, je peux concevoir que vous conceviez cette décision comme une « perte ». Néanmoins, nous voulons redynamiser l'île et créer un état d'émulation permanent sur le long terme. Ainsi, il me semble qu'entretenir un rêve accessible par le dépassement de soi est bien plus efficace, tant psychologiquement qu'économiquement, que l'asservissement pur et dur.
- Un discours optimiste... grinça Barnaby .
- Un  choix éthique, en adéquation avec des valeurs assumées, répliqua calmement Hayato.


Avant que la discussion ne s'envenime, il leva les mains en signe d'apaisement :


- Pour autant, comme je l'ai dit, je conçois que vous viviez ce choix comme une perte à compenser dans un premier temps. En guise de bonne foi, nous avons déjà prévu de vous aider à passer le cap, tant financièrement qu'humainement.
- Et avec quel argent, au juste ? pointa du doigt le faux Anthony Green.
- Les caisses des clans Burn et Wave, répliqua Kong d'un air évident. Leurs Berries vont nous servir à reconstruire l'ile, à soutenir les transformations nécessaires des infrastructures, et à vous aider à vous financer.


Comme pas une personne ne trouva à y redire, Hayato reprit d'une voix sereine :


- Nous avons beaucoup à discuter, à mettre à plat et à programmer. Mais, je le sais, vous attendez certainement des garanties et des gestes, pour vous assurer que vous avez fait le bon choix. Rappelez-vous que nous travaillons de concert, pour le plus grand bien de toute l'île. Nos intérêts, à tous, sont alignés avec ceux de Carcinomia, à présent. Plus l'île grandira, plus nous prospérerons. Nous chamailler est contre productif.
- C'est pour cela que nous sommes là, intervint Talkan-san. Le partage des avantages conférés par Carcinomia devrait être réalisé de manière pragmatique. Je rejoins Hayato, le but est de nous entre aider, en utilisant nos forces pour compenser les faiblesses des autres. Nous ne voudrions pas revivre la tragédie de Manshon... à force de nous quereller ?


L'idée de se voir attaquer avec un Buster Call avait de quoi refroidir. Ainsi, les esprits se calmèrent et la discussion prit un tour plus mercantile :


- J'aurais besoin de financement, pour améliorer nos recherches biologiques, avança promptement Barnaby. Ainsi que des fameux South Bird dont vous avez parlé, pour parfaire notre système de distribution.
- Le patron aurait besoin d'aide pécuniaire pour ses projets d'ingénierie, traduit l'envoyé d'Anthony Green. Il dit également qu'il aurait besoin de spécialistes pour toucher à la cybernétique, et à la jonction entre l'ingénierie et la médecine.... le docteur... euh...
- Le Docteur Otto Walsz ? proposa Hayato.


Un bruit d'assentiment retentit, à l'autre bout du combiné.


- Fort bien. Je crois savoir ce que vous souhaitez, Talkan-san ?
- Cela n'a pas changé. Un accès privilégié au port pour favoriser nos exports d'armement et l'import de minerai et de bois.
- On s'emmerde pas... ironisa le faux Anthony Green.
- Quant à vous, Jomiar ? reprit Hayato en ignorant la remarque.
- Nous voulons favoriser notre recrutement de jeunes initiés. Il me semble que vous avez libéré des centaines d'âmes en perdition...


Un instant, un dilemme moral secoua Hayato. Lamia devait sans aucun doute le regarder avec insistance... pourtant, s'il savait devoir abonder dans le sens des Enigmatiques, il ne pouvait renier ses valeurs. Il attrapa son menton, réfléchit à une tournure adaptée, puis finit par reprendre la parole d'une voix calme :


- La demande est juste, mais je me sens obligé de vous poser une question. Souhaitez vous user de coercition, pour les forcer à vous rejoindre ? Ou simplement les approcher et leur en offrir l'opportunité ?
- Vous ne connaissez pas encore totalement les Enigmatiques, Hayato. Aussi, je vous pardonne la question. Notre clan suit un code de conduite strict : les initiés doivent être consentants. L'entrainement est bien trop éprouvant pour espérer former correctement un apprenti autrement.
- En ce cas, nous faciliterons avec plaisir votre recrutement. Et vous, Willian ?
- Pour le moment, j'ai besoin d'aide pour resouder le clan Darkness et reconstruire le Roc. Je pense que je vais devoir faire face à des dissidences, malgré mon statut et les méthodes d'X-Bronze...
- Je ne pense pas que je sois le meilleur atout, pour ressouder un clan dont j'ai coupé la tête. Je ferai de mon mieux, mais peut être Talkan-san et Jomiar pourraient nous y aider également ?

Les deux hommes acquiescèrent de bonne grâce, prêt à de nouveau intriguer pour le bien du clan Darkness et de Carcinomia. Enfin, Hayato se tourna vers Lamia.


- Et vous, Lamia ? Comment puis-je vous remercier pour votre aide ? J'imagine que vous et le capitaine Red espérez bien quelque chose de notre collaboration ? De même, notre ami Pablo Moltisanti Benedetto nous a grandement aidé. J'imagine que ce n'est pas seulement par bonté de cœur ?


Il n'était pas dupe, si le mafieux, la flibustière et son équipage avaient tant donné de leurs personnes, ils espéraient une juste récompense également. En ce monde, tout se payait.

La réponse de Lamia arracha un sourire mesquin au faux Anthony Green. Apparemment, il n'était pas tout à fait du même avis concernant l'esclavage et l'unification de l'île. Cependant, il n'était pas assez fou pour s'opposer ouvertement à Lamia... et encore moins à un empereur. Le reste de l'assemblée se contenta de tourner des regards inquisiteurs et curieux vers le principal intéressé. Ce dernier se gratta la barbe un instant, avant de répondre calmement :


- Aucun pacte de sang en vue, je vous rassure. J'avais déjà prévu de demander au capitaine Red un partenariat commercial, je suis ravi que vous abondiez également dans ce sens, Lamia. Compte tenu de son aide, il mes emble être un juste retour de lui proposer nos avancées en « accès anticipé », si j'ose dire. Quant à me mettre sous sa protection... je préfère décliner la proposition. Après tout, mes ambitions vont bien au delà de Carcinomia. Dans un avenir pas si lointain, j'aimerais arriver à protéger cette île, ainsi que bien d'autres, grâce à mon seul nom. Me mettre d'emblée dans le bon état d'esprit me semble nécessaire, pour toucher du doigt ce but. J'espère que vous n'y verrez aucune goujaterie de ma part, cela dit.


De son coté, l'émissaire des Tempiesta restait étonnamment silencieux. Il se contenait de tirer sur sa cigarette, tout en tendant une oreille attentive. Ses yeux furetaient, à droite et à gauche, afin de capter le maximum d'information. D'instinct, Hayato se représenta cet homme comme un serpent à l'affut... mais peut être avait-il tort. Après tout, il était l'allié de Lamia ! L'épéiste se tourna donc vers le mafieux et reprit la parole :


- La barge du clan Wave me semble être un bon début. Si je ne peux vous laisser un sous-marin, je peux néanmoins vous garantir des allers-retours à titre gracieux, pour toute la durée de votre vie. Cela devrait vous permettre d'éviter des frais... astronomiques.


Enfin, le bretteur sourit devant la demande de Lamia :


- Un cadeau, hein ? Ma foi, j'y réfléchirai et je t'enverrai un présent à la hauteur de ton aide précieuse, Lamia.


Hayato reprit enfin un air sérieux, avant de se racler la gorge. Un collègue de son père lui avait un jour annoncé que les leaders « mangeaient en dernier ». Une façon étonnante d'expliquer que, selon lui, les hommes d'honneurs se devaient de veiller à ce que chacun trouve son compte, avant de pouvoir tirer les fruits de son labeur. Ainsi, ses collaborateurs se sentaient respectés et, bien sûr, souhaitaient renouveler de futures opérations ! Ainsi, le chef du clan Suisou annonça sobrement :


- Je suis heureux de vous savoir tous contentés. Mes chers confrères et partenaires, je tiens à vous remercier pour toute l'aide que vous nous avez apporté, ces derniers jours. Je m'échinerai à vous fournir ce que vous avez demandé, et bien plus encore. De notre coté, le clan Suisou émet également des souhaits en faveur de la population locale.


Kong s'avança et lui tendit une antisèche, gribouillée de notes et d'estimations de dépenses, ainsi que d'innombrables annotations et informations indispensables. Hayato reprit la parole, après avoir remercié son bras droit :


- Comme nous l'avons promis au peuple de Carcinomia, nous aimerions faciliter l'accès aux technologies et aux savoirs des différents clans ici présent. Ainsi, nous souhaitons financer et créer un hôpital, ainsi qu'un centre de cybernétique. Anthony, Barnaby, je pense que vous serez les plus à même de cogérer ce centre de soins. De même, Talkan-san, je pense que votre expertise en armement sera appréciable pour certains sujets de pointes.


Après une brève concertation, les trois hommes semblèrent partants pour ce projet ambitieux. S'ils ne pourraient pas forcément mettre la main à la pate eux-mêmes, ils avaient des agents en qui ils avaient confiance pour prêter main forte à ce nouvel hopital.


- Tout comme nous en avons parlé, la famille Valthane obtiendra un accès privilégié au port. Nous partagerons les frais de reconstruction avec vous, afin de faciliter la reprise des échanges commerciaux. De votre coté, Talkan-san, j'aimerais que vous fassiez de votre priorité l'armement de nos futurs alliés et, bien sûr, de la future milice de Carcinomia.
- Cela me semble équitable.
- Je me permets d'intervenir, déclara soudain Jomiar. Les Enigmatiques ne sont pas une milice, pas plus qu'ils n'ont vocation à se lancer dans une guerre, ouverte ou non. J'espère que vous en êtes bien conscient, Hayato ?
- Je comptais plutôt proposer aux esclaves affranchis, ainsi qu'aux volontaires de tous les clans, de participer à la sécurisation de leur ile. Cependant, il arrivera fréquemment que je doive m'absenter. Par exemple, pour réaliser des contrats qui nécessitent ma présence. En ces cas, j'aurais aimé vous demander de participer à la défense de l'île, en ultime recours, Jomiar ?
- Je ne suis pas un guerrier, Hayato. Mes disciples et moi-même sommes des assassins, notre but est bien plus profond et strict que de nous entretuer avec vos ennemis...


Après un silence gênant, le maître assassin soupira, avant de finalement hocher la tête :


- J'ai cru entrevoir certaines fortes têtes, en pleine discussion avec votre allié Mink, tout à l'heure. J'imagine que vous comptez leur laisser la lourde tache de défendre Carcinomia ?
- Tout à fait.
- Mais, si d'aventures ils se trouvaient débordés... il serait sot de laisser un ennemi atteindre nos murs, en laissant mourir nos alliés. En ces cas précis, uniquement, les Enigmatiques pourrons vous aider, si cela n'enfreint pas notre code de conduite.
- Je vous en remercie, Jomiar.


Après un rapide tour de table, tous les intervenants semblaient pleinement satisfait... Cependant, Hayato n'en avait pas terminé.


- Nous avons effectivement tout intérêt à nous serrer les coudes pour protéger notre patrie. Aussi, pour ce faire, le clan Suisou a besoin d'une base et d'une demeure. J'entends donc réquisitionner la Favela et la reconstruire pour la sortir de l'état de bouge. De même, le clan Suisou réquisitionne les navires des clans tombés, à savoir le voilier et le sous marin du clan Wave, ainsi que le sous marin du clan Burn, et le sous marin personnel d'X-Bronze. J'espère que vous n'y voyez pas d'inconvénient ?


Comme aucun d'entre eux ne protestait, l'épéiste inclina la tête en guise de remerciement. Enfin, il termina par le point le plus épineux :


- Pour finir, en tant qu'administrateur de l'île, le clan Suisou entend prendre le commandement de Carcinomia, mais également lever un droit de taxe sur les revenus de tous les citoyens. Le but ne serait, évidemment pas, de nous enrichir. Par cet impôt, nous cherchons plutôt à diriger les flux de trésorerie en priorité vers le développement de tous les projets soutenant l'avancement de l'île.


Cette fois-ci, plusieurs mines se crispèrent de nouveau. S'ils semblaient tous s'y attendre, ils n'en firent pas moins la grimace. En revanche, Kong et Hayato s'étaient attendu à un débat houleux pour annuler cette décision, purement et simplement. Pourtant, les négociations tournèrent immédiatement sur le montant de la taxe, et non pas sur son existence propre. Après de longues minutes de négociation, les chefs de clans convinrent de réaliser un barème ultérieurement, afin de les contenter tous. Alors, Kong distribua des coupes de saké à chaque participant, avant de retourner derrière Hayato, qu'il servit en dernier. Tous ensemble, ils levèrent leurs coupes et l'ex-vagabond clama :


- Pour Carcinomia.
- Pour Carcinomia, répondirent en choeur ses nouveaux alliés.


Les chefs de clans prirent alors congé, afin d'aller annoncer à leurs troupes les résultats de la réunion.

- Je m'étais attendu à plus de résistance, lui confia Kong à peine étaient-ils sortis.
- Moi aussi, avoua Hayato.
- Bah ! On aura l'occasion de savoir si on s'est trompé bien assez tôt, déclara le moine d'un ton peu enjoué.


De son coté, Hayato se tourna vers Lamia et Pablo :


- Je vous remercie une nouvelle fois, et j'espère que nous saurons être dignes de la confiance que vous avez placée en nous. Je vais aller rencontrer les défenseurs de Carcinomia. Vous êtes libres de vous joindre à moi ou de participer aux festivités, comme bon vous semble. Sachez que vous êtes nos invités, aussi longtemps qu'il vous plaira.


Ce faisant, Hayato se leva et s'étira. Bien plus habitué aux grands espaces qu'aux pièces de réunion, il allait devoir acheter des sièges confortables à l'avenir ! Cependant, il s'agissait là d'un souci bien mineur, par rapport à l'ampleur du chantier qui s'annonçait pour lui. Pourtant, ce fut avec un mince sourire au bord des lèvres qu'Hayato marcha en direction des cinq combattants qui l'attendaient, dans une autre pièce. Tous se levèrent lorsqu'il entra.



- Mes amis, je vous en prie, rasseyez-vous. Nous ne serons pas longs, je l'espère.

Les cinq anciens prisonniers politiques se reposaient dans un petit salon. Ils s'étaient tous réunis de leur plein gré, après une discussion avec Zack et Kong, afin de leur expliquer la situation. Le duo les avait libérés des geôles du clan Darkness, après une ronde d'inspection approfondie. Aussi, les évadés se sentaient redevables envers le clan Suisou pour leur libération. Par ailleurs, une personne en particulier avait un passif bien plus puissant et récent avec eux. Tamiko, la sœur de Matsuri, se remettait de ses blessures. Les clan Avast et Omega avaient dépêché des médecins et des apothicaires, afin de lui créer des onguents censés minimiser les dommages des brulures infligées par Foster Red. La jeune femme, malgré ses multiples bandages et sa robe d'hôpital, irradiait d'élégance.

À ses cotés, une jeune femme piétinait comme un lion en cage. Les yeux puissants de Lizzy, épéiste de talent, furetaient en tous sens. Elle se rongeait les ongles et tapait du pied dès qu'elle s'arrêtait de bouger. Après avoir remis une mèche de cheveux noir de jais derrière son oreille, elle maugréa de sa voix grave, avant de reprendre ses cent pas. Le clan Darkness l'avait mis au fer, après une tentative ratée de destituer X-Bronze en combat singulier.


- Tu pourrais te calmer deux secondes, Lizzy ? lui lança un homme aux airs étonnant.
- C'est trop long... j'ai besoin d'action, merde ! grogna l'intéressée.


L'homme soupira, avant de se replonger dans son livre. Entièrement enrubanné, Kindspur avait un style inimitable : à mi chemin entre la momie et le gentleman. Une posture droite et solennelle, un ton calme et avenant en toute situation, l'homme étrange avait fait parler de lui sur Carcinomia pour ses talents de botaniste. Le clan Darkness avait tenté de le recruter mais, devant son refus, avait fini par le capturer et le garder au chaud... afin de tenter de le faire changer d'avis.


- Sha Sha Sha ! Vous êtes tous sacrément rigolos, vous savez ? lança une petite voix fluette.


L'homme requin ressemblait presque à une peluche, avec un sourire niais et des yeux rieurs. Kindspur lui lança un sourire amical, tandis que Lizzy lui décocha un regard noir. Elle voulut répondre, mais finit par grogner et retourner à sa ronde. Le gyojin avait revêtu un costume de circonstance, aux tons bleus et avec une chemise blanche. Après tout, il avait entendu dire que c'était la coutume, chez les humains, lors des cérémonies officielles ! L'homme poisson avait été incarcéré après avoir fouiné un peu trop près des ports du clan Wave. Il avait été échangé au clan Darkness contre des otages, les assassins espérant le « dresser ». En vain. Il était, par bien des cotés, incapable de tant de méchanceté.


- Bon, tu veux pas t'asseoir, Lizzy ? Tu me donnes le tournis là... Mes genoux sont libres, si tu veux ?
- Va chier, le beau parleur, lança par réflexe l'intéressée.


Marko passa une main dans sa chevelure de velours, avant de sourire pour révéler ses dents étincelantes. Chemise à fleurs ouverte sur une musculature fine et dessinée, short de bain, tongs et lunettes de soleil... On aurait dit un maître nageur sorti d'une mauvaise série. Pourtant, il s'agissait d'un ingénieur que le clan Darkness avait volé au clan Avast, en catimini, avant de leur demander une forte rançon... que le clan Avast avait refusé de payer. Dès lors, le beau gosse avait décidé de changer d'allégeance.

Soudain, la porte s'ouvrit sur un homme en kimono bleu, suivi de près par une femme en armure et un moine en toge orangée. Immédiatement, les cinq fortes têtes se levèrent et s'inclinèrent. Hayato leur sourit, avant de les inviter à se rasseoir.


- Ne soyez pas si formels, je vous l'ai déjà dit... lança Kong. Regardez à quoi ressemble notre chef ! Vous croyez qu'il fait attention à ce genre de choses ?
- Merci, Kong...
- J't'en prie, okashira, répliqua le moine avec un sourire espiègle. On pourra discuter de tes nouveaux vêtements une autre fois, du coup ?
- Asseyez-vous, je vous en prie, l'ignora le bretteur. Par où commencer...


Lorsque les cinq ex-prisonniers furent confortablement installés, Kong reprit la parole d'une voix pleine d'entrain :


- Bien ! Les négociations avec les clan Darkness, Avast, Omega ainsi qu'avec la famille Valthane et les Enigmatiques se sont terriblement bien déroulées. Du coup, je vais vous faire un résumé : notre clan a pris les rênes de Carcinomia, mais nous avons des ambitions bien plus grande. Ainsi, nous serons fréquemment amené à parcourir le monde pour étendre notre sphère d'influence...
- Et c'est là que nous entrons en jeu ! répondit immédiatement Lizzy. Ok. On commence quand ?
- Doucement, doucement... la tempéra Kindspur. Nous vous sommes fortement reconnaissants de nous avoir tirés des griffes du clan Darkness...
- Vous nous avez sauvées, ma sœur et moi, considérez nous comme vos alliées dévouées.
- … Vous avez été prompts à occire vos ennemis, mais si cela est nécessaire, c'est insuffisant pour administrer une île toute entière...
- Sha Sha ! Vous avez l'air gentils. Vous voulez être mes copains ?
- … Néanmoins nous avons besoin de plus amples explications concernant vos buts, vos valeurs, vos fameuses « ambitions »...
- Juste pour être sûr, c'est quoi votre politique concernant la drague au boulot ?
- … Sans compter sur vos attentes nous concernant, ainsi que nos devoirs et nos prérogatives...
- Kindspur, fais pas ta timide, là !


Après un bref raclement de gorge, le botaniste jeta un coup d'oeil à chacun des quatre autres collègues qui le regardaient avec insistance. Avec un sourire, Hayato le tira de ce guêpier.


- Nous souhaitons gouverner en établissant une méritocratie, en aidant le peuple de Carcinomia et non en l'exploitant. Notre clan suit une ligne de conduite honorable, malgré nos activités qui peuvent être considérées comme « louche », par la marine et le gouvernement mondial. Vous ne vous engagerez pas avec des malfrats ou des barbares, mais avec une famille soudée, respectueuse et ambitieuse.
- … Ma foi...
- Il est d'accord ! l'interrompit Lizzy. Alors ! C'est quoi notre première mission ?
- Nous aider à unifier et sécuriser Carcinomia, ainsi qu'à la reconstruire tant figurativement qu'au sens propre.
- Oh la peignée de boulot... mais ça me plait.


Rapidement, la discussion dériva sur les aventures de chacun, ainsi que leurs capacités et leurs attributions futures. Naturellement, Kindspur choisit de défendre la Jungle. Marko, cyniquement, choisit de chapoter Virus. Sharky, en toute logique, récupéra le secteur de l'ex Palafite et des courants marins. Tamiko préféra rester du coté du Roc. Lizzy s'arrogea le droit de sécuriser la Favela. Bien vite, Hayato sentit son corps se rappeler douloureusement à sa raison. Il avait bataillé toute la journée, après une semaine d'intrigues politiques et d'intenses entrainements. L'épéiste était lessivé, blessé et avait besoin de repos. Kong le repéra sans mal et distribua, de nouveau, des coupes de Saké pour sceller leur pacte. Enfin, le nouveau chef de Carcinomia s'éclipsa, après avoir remercié ses nouveaux gardiens. Il avait besoin d'un lit, d'un bain et d'un bon repas... pas forcément dans cet ordre là ! Pourtant, ses pas le menèrent à l'infirmerie, afin d'y retrouver Matsuri. Le reste de son clan était également au chevet de la Kunoichi. Cette dernière avait repris des couleurs, grâce aux bons soins de Medusa et Tartys. Rassuré, Hayato s'assit sur un tabouret qu'on lui tira, avant de prendre la main de la jeune femme.


- Chose promise, chose due, Matsuri. Vous êtes libres, ta sœur et toi.


Les yeux pleins de larmes, la jeune femme inclina la tête et gratifia tout le clan Suisou d'un sourire resplendissant. Rougui fit jouer ses muscles comme un bodybuilder, tandis qu'Adonis se lançait dans le récit épique de ses rondes sur le port. Tartys se contenta de hocher la tête d'un air entendu, tandis que Medusa les houspillait en leur demandant de se calmer : ils étaient dans une infirmerie, pas dans un réfectoire ! Dash sortit un carnet et, fidèle à elle-même, ramena la petite troupe sur un sujet plus sérieux et bassement pragmatique :


- Sinon... j'ai eu le temps d'aller visiter les caisses des clans Burn et Wave, pour ceux que ça intéresse ?
- Graou ! Y'en a une qui perd pas le nord !
- Déformation professionnelle, se défendit l'ex-chasseuse de primes. Du coup... on en cause ?
- On t'écoute, Dash, ricana Hayato.


La jeune femme se racla la gorge d'un air théatral, avant d'énumérer ses trouvailles :


- Je vous passe les marchandises, les Berrys, les bijoux et les trésors revendables pour renflouer les caisses du clan, c'est toujours sympathique mais ininteressant car trop banal. Par contre... les petits filous avaient des choses plus exotiques !


Elle tourna la page de son calepin avant de continuer :


- Le clan Wave possédait un journal de navigation fourni, avec beaucoup di'ndications sur North Blue, son climat, ses courants marins... bref, une mine d'or de navigation. Le clan Burn avait une cache bien remplie, notamment un listing de tous les acheteurs et fournisseurs réguliers d'esclaves. Mais c'est pas tout. J'y ai également trouvé ça.


Elle déposa dans la main tannée d'Hayato deux objets aux allures fragiles. Le premier ressemblait à une montre, ou plutôt une boussole avec une aiguille. Le second avait la forme d'un sablier, dotée d'une aiguille également. Sur le socle était gravé un nom :


- "Lynbrook" ? releva Hayato. Je n'en ai jamais entendu parler. Et vous autres ?


Comme personne ne semblait au courant, Dash se tourna vers Lamia.


- Personne ne connait, alors qu'on a silloné les Blues de fond en comble. Mon petit doigt me dit que notre flibustière de Grand Line, elle, saura de quoi il en retourne ? D'ailleurs, j'ai toujours été curieuse... comment on fait la fête, sur la route de tous les périls ?


Tous les regards se tournèrent vers Lamia. Certains attendaient, avides, des explications concernant ces deux objets insolites. D'autres, en revanches, espéraient des surprises exotiques pour la manière de fêter une victoire de la part d'une pirate renommée !

À mesure que Lamia leur révélait ce que « Lynbrook » signifiait, Hayato voyait le sourire de Kong s'élargir. Pour être tout à fait juste, il sentait son propre visage s'étirer, et ses yeux se plisser tout autant que ceux du moine. Présenté ainsi, l'île ressemblait au cauchemar de tout être doué de raison. Mais pour un clan de criminels montants, il s'agissait d'un point d'intérêt hautement prioritaire ! Qui disait rassemblement de guildes et de hors-la-lois, disait opportunités ! Opportunités, et conflits potentiels, cela allait de soit. Car, encore une fois, tout se payait en ce monde. Lorsque la flibustière eut terminé de leur expliquer les différences entre un Log Pose et un Eternal Pose, l'épéiste hocha la tête, satisfait.


- Merci, Lamia. À nouveau, ton expérience et ton aide nous auront été précieuses ! Plus j'y réfléchis, et plus je me dis que j'aurais du mal à trouver un cadeau suffisant pour te prouver notre gratitude... mais je tacherai de réussir, sois en certaine !


Avec un sourire radieux, le chef du clan Suisou lui lança :


- Malgré toute ton expérience, je pense que tu n'as pas saisi que Dash souhaitait t'inviter à te joindre à nous pour fêter notre victoire ! C'est le début d'une longue aventure pour nous, et nous n'y serions sans doute pas arrivé sans toi et ton équipage. Alors...




- SANTE ! cria à tue tête Adonis.


Sans plus attendre, le navigateur éclata d'un rire tonitruant, avant de sortir une flasque et de s'en verser une rasade dans le gosier.


- On est toujours dans une infirmerie, banane ! Allez faire la fête ailleurs, j'ai du... EH ! Lachez moi bande de tronche de cakes !


Sans se concerter, tant Adonis que Rougui avaient attrapé Medusa pour la forcer à les suivre. Sous les quolibets de la médecin, les deux fortes têtes menèrent le reste du groupe jusqu'à un salon privé. La salle disposait de multiples banquètes, de tables chargées de victuailles et d'alcool, ainsi que de fauteuils confortables. Rougui avait personnellement trié et cuisiné les ingrédients pendant les préparatifs du discours, tandis que Tartys montait la garde depuis. Déjà, les deux têtes brulées se lançaient dans des chants entrainants, tout se saisissant de verres d'alcool. Ils les fourrèrent dans les mains de tous, avant de lever leurs verres bien haut.


- À nous ! C'était bien fun ! Faudra remettre ça !
- Attendez que j'vous raconte ce qu'il s'est passé de l'autre coté de l'ile, vous en croirez pas vos oreilles, mes petits poulets !
- J'ai du travail alors...
- RESTE LA ET BOIS, TOI !


De force, les deux zouaves enfournèrent un verre entier de saké dans le gosier de la médecin, qui toussa,  s'empourpra et les menaça d'un poing levé... avant de discrètement se resservir. Zack et Kong soupirèrent, avant d'échanger un regard... puis d'éclater de rire à leur tour. Tartys finit par se dérider et sourire, Dash à discrètement évaluer quelques bibelots qui trainaient... Lentement, les esprits se détendirent et les corps se laissèrent aller. D'un pas serein, Hayato attrapa deux verres qu'il remplit de saké, avant d'en tendre un à Lamia :


- Apparemment, l'important ce n'est pas où... mais avec qui. Pourquoi attendre Armada, alors que nous sommes tous déjà là ? Santé, Lamia ! Et que nos aventures continuent encore.


Le bretteur trinqua avec chacun de ses amis, un sourire radieux illuminant son visage buriné par les voyages. Il en avait fait du chemin, depuis cette petite île de West Blue qu'était Las Camp. Mais la voie qui s'ouvrait face à lui était bien plus longue et sinueuse encore, il le savait. Il lui fallait transformer l'île, rallier et unifier les poches de résistance, trouver des alliances à travers les Blues et explorer Grand Line, en commençant par cette fameuse « Lynbrook »... Sans oublier qu'il devait tenir ses promesses aux différentes familles de Carcinomia, mais également les enjoindre à tenir paroles, elles-aussi ! Bien entendu, toutes ses activités devenant clandestines, il lui faudrait dans un futur plus ou moins lointain composer avec la marine, le Cipher Pol, les chasseurs de primes, les assassins et autres criminels concurrents... Pour ainsi dire, son clan avait du pain sur la planche ! Aussi, il prit la claire résolution de profiter du moment présent ! Il leva son verre une nouvelle fois, et laissa son rire se joindre à ceux de ses frères et sœurs d'armes.

Aujourd'hui, le clan Suisou renaissait de ses cendres.

Aujourd'hui, Carcinomia entamait un virage vers un avenir plus radieux.

Aujourd'hui, il le sentait, Jinro-san commençait à retrouver le sourire dans l'au delà.