Un appel de courtoisie

L'épéiste se reposait dans un salon du Roc. Après la dure bataille pour prendre la forteresse du clan Darkness, sa famille et lui avaient pris leurs quartiers dans le bastion de leurs anciens ennemis, devenus de nouveaux alliés. Si les tensions tendaient à disparaitre, elles demeuraient encore un rien palpable. Pourtant, le bretteur gardait la foi: bientôt, ils se rangeraient derrière son drapeau. En attendant, Hayato se faisait un devoir de joindre ses contacts à travers le monde pour les tenir au courant. Développer un empire commercial nécessitait d'entretenir ses relations, en plus de fourbir ses armes et de développer ses compétences... Le prochain sur la liste était un de ses très vieux amis. Un sourire étira son visage, en se remémorant les conditions de leur première rencontre. Il composa le numéro sur le Den Den Mushi et attendit quelques sonneries. Lorsque son interlocuteur décrocha, à l'autre bout du fil, le bretteur déclara:


- Bonjour Feng, c'est Hayato. J'espère que je ne tombe pas mal ? Je vous appelais pour vous tenir au courant, car ma vie a connu de grandes modifications depuis notre dernière discussion.


Après un bref instant, le chef du clan Suisou reprit:


- J'ai enfin fondé une nouvelle famille, en reprenant le nom de mon père. Nous avons élu domicile sur North Blue, dans une petite île charmante au potentiel certain. Si l'envie vous en dit, je serai ravi de vous la faire visiter !


Après tout ce que le natif de Kano Kuni avait fait pour lui, l'inviter et en faire un invité d'honneur était la moindre des choses ! D'ailleurs, il n'avait pas eu de ses nouvelles depuis un certain temps.


- Mais et vous, Feng ? Quelles sont les nouvelles ?

Un appel de courtoisie

Au beau milieu des flots.
Non loin d'une île de West Blue trop petit pour être intéressante.

Un navire voguait tranquillement en plein milieu d'une nuit de pleine lune. Seul sur le pont, un homme veillait, en habits de soie, couvé par le regard de son majordome trop peu discret en retrait, dans l'ombre des matures. L'équipage dormait à poings fermés et le nouveau capitaine passait un peu de temps à digérer son changement de statut. Capitaine pirate. Ha. S'il avait cru cela un jour. Comme pour le sortir de ses pensées, le denden mushi de Feng venait de sonner pour lui rappeler une voix sortie de son esprit depuis trop longtemps. Hayato. Le jeune sabreur. Un espoir comme il en avait trop peu vu sur les Blues. Un ami même. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas eu de nouvelles de sa part et, bîentot, un maigre sourire apparût sur les lèvres du sévère Han. Le monde changeait si vite. Trop heureux d'entendre le jeune homme après les évènements récents, Feng fut au départ avare en mot, préférant prendre le temps d'apprécier chaque information à sa juste valeur. Il semblait donc que le Suisou ait reformé l'héritage paternel en élisant domicile sur une île de North. Il n'avait plus la presse depuis longtemps et, dans la cohue récente, il ne s'était que peu tenu à l'écoute du monde mais Peng lui avait mentionné des "évènements susceptibles de l'intéresser". Sans doute avait-il voulu lui parler de cela.

« Toutes mes félicitations cher ami. Je suis pour le moins ravi d'entendre toutes ces nouvelles même si cela n'a sans doute pas du être des plus faciles. Rassures-toi, je viendrai bien évidemment te visiter dès que possible. »

Pour autant, un léger soupçon de nuages vint planer sur la conversation quelques instants. Juste quelques instants. Le temps que Feng se jette à l'eau et décide d'admettre sa situation. La vérité était peu reluisante mais rien ne l'empêcherait de la dire. Il avait perdu statut, gloire et honneur. Pourquoi ? A cause de la bêtise des hommes. Mais avait-il réellement perdu tant que cela ? En sentant le bois gîter sur les vagues et en humant les embruns, libre, il n'en était plus vraiment certain.

- Je suis devenu pirate à vrai dire. Et j'ai pris la mer. Comme tu le sais, la situation à Kanokuni a quelque peu changé et j'ai été écarté des rouages du pouvoir actuel. Pour le moment dirons-nous. Rien de bien mauvais mais il va me falloir un temps de... réflexion avant de remettre les pieds sur l'île. D'autant plus que la Révolution commence à s'enraciner. Le monde continue de tourner et les étoiles de courir le ciel. Tu as sans doute beaucoup de questions je me trompe ?

Dès les premiers échanges, Hayato sentit que quelque chose n'allait pas. Feng avait beau être son ainé d'au moins une décennie, une amitié sincère avait peu à peu lié les deux hommes, depuis presque dix ans à présent. Aussi, lorsque la nouvelle tomba tel un couperet, le bretteur resta sans voix. Le patriarche de la famille Han, figure respectée de Kano Kuni... devenu pirate ? C'était tellement inconcevable, que le sabreur cligna des yeux plusieurs fois, cherchant ses mots. L'oreille bien ouverte, il engrangea le maximum d'informations avant de se racler la gorge.


- Et bien... si je m'attendais. Les questions se bousculent, évidemment. Pour autant, seulement deux me semblent importantes.


La mine grave, Hayato fut submergé de souvenirs. Il revoyait la diligence avec laquelle on traitait Feng, les serviteurs, les palais luxueux, les robes de soie et les honneur... Pirate ? Il en avait connu quelques uns et, évidemment, la vie qu'il menait semblait aux antipodes de l'ancienne existence de Feng.


- La première : comment vas-tu, mon ami ?


Enfin, avec un fin sourire, l'ex vagabond se remémora la main tendue par Feng, des années auparavant, alors qu'il était au plus bas. Le destin avait un humour particulier. Ainsi, l'épéiste reprit la parole d'un ton sérieux :


- La deuxième... que puis-je faire pour t'aider ?


Ils le savaient tout deux, l'épéiste n'était pas le genre d'homme à parler en l'air, pas plus qu'il n'était de ceux à se sentir obligé de quoi que ce fut. S'il proposait son aide, c'était en toute connaissance de cause. Le maitre de Carcinomia avait une dette envers Feng, et il entendait bien lui prouver qu'il n'était pas un ingrat.