- Alienor ! Viens vite ! Y'a eu un accident !
Il y a des mots qui vous tirent d'une sieste bien méritée d'un seul coup. Je n'ai pas encore sautée du canapé de mon bureau que déja, mon cerveau m'envoie une liste non exhaustive de tous les trucs horribles qui peuvent arriver sur le chantier. Un navire qui a percuté le dock en loupant une manœuvre ?! Un accident de pistopinceaux ?! L'explosion d'une cuve de résine ?! Un incendie ?! Pourvu qu'il n'y ait pas de blessés !
Bataillant pour finir d'enfiler ma veste, je manque une marche et me rattrape de justesse une seconde avant de dévaler l'escalier qui mène aux docks. Interpellant Sammy, le chef d'équipe qui vient de me réveiller en sursaut
- Un accident ?! Mais ou ? C'est l'atelier ? Les quais ?
- Non ! C'est plus bas !
Plus bas ? Comment ça plus bas ?
De mon point de vue surélevé je ne repère rien d'anormal sur l'atelier, ni sur les quais un peu plus loin. Si ! La bas. La bas ou des gens pointent la mer et les profondeurs du doigt, et ou j'aperçois des nageurs. Plus bas ?! Dans l'eau !
Je bondis sur la rambarde et plonge, droit dans l'eau dont la température agréable et fraiche achève de me réveiller, je suis bien plus rapide à la nage. Et maintenant ? Un accident, plus bas !
En quelques brasses je file jusqu’à l’extrémité du dock, quittant l'eau douceâtre et chargé qui entoure les racines des groove jusqu’à passer dans l'eau plus salée et plus froide qui surmonte les grands fonds obscurs des abysses. La, il y a du monde, des gens du chantier, et des corps, des corps humains qui flottent entre deux eux...
Et il y en a tellement.
- Ne restez pas la ! Il faut les ramener !
- Ils sont morts Aliénor, ça ne sert à rien.
- Ça ne change rien ! On ne va pas les laisser la ! Allez !
Il faut bien faire quelque chose ! Peut être que certains sont encore vivants ! Alors je montre l'exemple, plongeant vers le corps le plus proche, un jeune humain d'une douzaine d'années, un mousse peut être, à sa première traversée. Je l’attrape sous les épaules et le tire vers la surface. Son corps est froid, rigide, sa peau pale et glacée.. C'est la première fois que je vois un cadavre d'aussi prés. Pauvre garçon...
- Cherchez ! Il y en a peut être qui sont en vie !
- Aucune chance. Ils étaient déjà trop profond pour pouvoir rejoindre la surface en nageant.
- Mais qu'est ce qu'il s'est passé ?!
- Leur bulle à explosé...
- C'est rigoureusement impossible !
- Et pourtant c'est ce que j'ai vu !
- Et comment ça se fait hein ? Qu'est ce que vous faisiez dans l'eau !
- Je suis un homme poisson !
- Comme par hasard, il y a un accident de bulle et hop, un homme poisson juste à coté !
- ÇA SUFFIT !
Les corps sont étendus sur l'herbe du groove, il y en a plus de cent, étendus partout ou portent le regard, avec le même air terrifié sur le visage, les mêmes lèvres bleutés, le même regard voilé d'horreur. Mais déjà on préfère se disputer sur les causes de l'accident. Les hommes cherchent un coupable, et comme d'habitude, nous sommes tout indiqués pour ça...
- Ça suffit. Nous n'avons même pas enrobé ce navire, nous ne connaissions même pas ces gens. Pourquoi ? Pourquoi les aurions nous attaqué ?! Vous n'avez pas mieux a faire !?
L'homme qui nous accuse hausse les épaules, cachant son air gêné. Sur sa veste le logo des EEADS, le syndicat des Artisans Émérites Enrobeurs De Shabondy. Évidemment.
- Allez prévenir la marine, il faut que quelqu'un s'occupe de ces corps. Allez à l'atelier, ramenez de la toile pour les couvrir. Et préparez des feux pour chasser les charognards..
- ils sont déjà prévenus mam'zelle Alliénor, j'ai envoyé quelqu'un tout à l'heure.
- Loris, dit moi ce que tu as vu exactement.
- J'étais sous l'eau parce que je relevais mes pièges à langouste. Juste la, sur les dernières racines, c'est celle qu'elles préfèrent. ça fait quelques jours que je ne trouve plus rien dans mes nasses, alors j'étais en train d'arpenter pour essayer de comprendre, et c'est la que j'ai vu le bateau qui plongeait. Alors je me suis arrêté pour regarder.. Un bateau qui plonge, ça fait toujours quelque chose, vous voyez c'que j'veux dire hein mam'zelle Alliénor ?
- Bien sur Loris..
Voir une bulle s'enfoncer dans les ténébres jusqu'a disparaitre, petit ilot de lumière brillante dans un océan obscur, surtout pour nous autres, hommes poissons de la surface, si peu familier de nos cousins lointains de l'ile des hommes poissons, ça fait toujours quelque chose oui. Combien de fois ai je suivi un de nos navires jusqu’à cette zone ou le soleil n'arrive plus, avant de les laisser partir et disparaitre sans finir le voyage ?
- Je le regardais s'enfoncer, il a rejoint le courant, comme d'habitude, mais au moment ou la pression l'a saisie, la bulle à lâché. Comme ça, d'un seul coup. Plop. Comme une bulle de savon qu'on aurait percé avec une aiguille. Et l'eau les a happé aussi sec. Ils avaient aucune chance mam'zelle Aliénor. Aucune chance...
- C'est impossible ! Même quand on perce une bulle d'enrobage elle ne peut pas éclater comme ça ! Pas si prés de la surface !
Et cette fois l'homme du syndicat a raison, ce que raconte Loris est impossible. Impossible.
Et pourtant, les corps ne manquent pas.
- Je vais aller inspecter nos stocks de résine. Appelez moi quand la marine arrive, ne vous laissez pas emmener pour interrogatoire tout seuls et sans moi.
Il y a des mots qui vous tirent d'une sieste bien méritée d'un seul coup. Je n'ai pas encore sautée du canapé de mon bureau que déja, mon cerveau m'envoie une liste non exhaustive de tous les trucs horribles qui peuvent arriver sur le chantier. Un navire qui a percuté le dock en loupant une manœuvre ?! Un accident de pistopinceaux ?! L'explosion d'une cuve de résine ?! Un incendie ?! Pourvu qu'il n'y ait pas de blessés !
Bataillant pour finir d'enfiler ma veste, je manque une marche et me rattrape de justesse une seconde avant de dévaler l'escalier qui mène aux docks. Interpellant Sammy, le chef d'équipe qui vient de me réveiller en sursaut
- Un accident ?! Mais ou ? C'est l'atelier ? Les quais ?
- Non ! C'est plus bas !
Plus bas ? Comment ça plus bas ?
De mon point de vue surélevé je ne repère rien d'anormal sur l'atelier, ni sur les quais un peu plus loin. Si ! La bas. La bas ou des gens pointent la mer et les profondeurs du doigt, et ou j'aperçois des nageurs. Plus bas ?! Dans l'eau !
Je bondis sur la rambarde et plonge, droit dans l'eau dont la température agréable et fraiche achève de me réveiller, je suis bien plus rapide à la nage. Et maintenant ? Un accident, plus bas !
En quelques brasses je file jusqu’à l’extrémité du dock, quittant l'eau douceâtre et chargé qui entoure les racines des groove jusqu’à passer dans l'eau plus salée et plus froide qui surmonte les grands fonds obscurs des abysses. La, il y a du monde, des gens du chantier, et des corps, des corps humains qui flottent entre deux eux...
Et il y en a tellement.
- Ne restez pas la ! Il faut les ramener !
- Ils sont morts Aliénor, ça ne sert à rien.
- Ça ne change rien ! On ne va pas les laisser la ! Allez !
Il faut bien faire quelque chose ! Peut être que certains sont encore vivants ! Alors je montre l'exemple, plongeant vers le corps le plus proche, un jeune humain d'une douzaine d'années, un mousse peut être, à sa première traversée. Je l’attrape sous les épaules et le tire vers la surface. Son corps est froid, rigide, sa peau pale et glacée.. C'est la première fois que je vois un cadavre d'aussi prés. Pauvre garçon...
- Cherchez ! Il y en a peut être qui sont en vie !
- Aucune chance. Ils étaient déjà trop profond pour pouvoir rejoindre la surface en nageant.
- Mais qu'est ce qu'il s'est passé ?!
- Leur bulle à explosé...
[...]
- C'est rigoureusement impossible !
- Et pourtant c'est ce que j'ai vu !
- Et comment ça se fait hein ? Qu'est ce que vous faisiez dans l'eau !
- Je suis un homme poisson !
- Comme par hasard, il y a un accident de bulle et hop, un homme poisson juste à coté !
- ÇA SUFFIT !
Les corps sont étendus sur l'herbe du groove, il y en a plus de cent, étendus partout ou portent le regard, avec le même air terrifié sur le visage, les mêmes lèvres bleutés, le même regard voilé d'horreur. Mais déjà on préfère se disputer sur les causes de l'accident. Les hommes cherchent un coupable, et comme d'habitude, nous sommes tout indiqués pour ça...
- Ça suffit. Nous n'avons même pas enrobé ce navire, nous ne connaissions même pas ces gens. Pourquoi ? Pourquoi les aurions nous attaqué ?! Vous n'avez pas mieux a faire !?
L'homme qui nous accuse hausse les épaules, cachant son air gêné. Sur sa veste le logo des EEADS, le syndicat des Artisans Émérites Enrobeurs De Shabondy. Évidemment.
- Allez prévenir la marine, il faut que quelqu'un s'occupe de ces corps. Allez à l'atelier, ramenez de la toile pour les couvrir. Et préparez des feux pour chasser les charognards..
- ils sont déjà prévenus mam'zelle Alliénor, j'ai envoyé quelqu'un tout à l'heure.
- Loris, dit moi ce que tu as vu exactement.
- J'étais sous l'eau parce que je relevais mes pièges à langouste. Juste la, sur les dernières racines, c'est celle qu'elles préfèrent. ça fait quelques jours que je ne trouve plus rien dans mes nasses, alors j'étais en train d'arpenter pour essayer de comprendre, et c'est la que j'ai vu le bateau qui plongeait. Alors je me suis arrêté pour regarder.. Un bateau qui plonge, ça fait toujours quelque chose, vous voyez c'que j'veux dire hein mam'zelle Alliénor ?
- Bien sur Loris..
Voir une bulle s'enfoncer dans les ténébres jusqu'a disparaitre, petit ilot de lumière brillante dans un océan obscur, surtout pour nous autres, hommes poissons de la surface, si peu familier de nos cousins lointains de l'ile des hommes poissons, ça fait toujours quelque chose oui. Combien de fois ai je suivi un de nos navires jusqu’à cette zone ou le soleil n'arrive plus, avant de les laisser partir et disparaitre sans finir le voyage ?
- Je le regardais s'enfoncer, il a rejoint le courant, comme d'habitude, mais au moment ou la pression l'a saisie, la bulle à lâché. Comme ça, d'un seul coup. Plop. Comme une bulle de savon qu'on aurait percé avec une aiguille. Et l'eau les a happé aussi sec. Ils avaient aucune chance mam'zelle Aliénor. Aucune chance...
- C'est impossible ! Même quand on perce une bulle d'enrobage elle ne peut pas éclater comme ça ! Pas si prés de la surface !
Et cette fois l'homme du syndicat a raison, ce que raconte Loris est impossible. Impossible.
Et pourtant, les corps ne manquent pas.
- Je vais aller inspecter nos stocks de résine. Appelez moi quand la marine arrive, ne vous laissez pas emmener pour interrogatoire tout seuls et sans moi.