Des taxes, des taxes... toujours des taxes !
Hayato était bien embêté.
Suite à son arrivée sur Manshon, il avait réussi à contacter la pègre local. Un peu trop bien réussi, même... Suite à une bête erreur de sa part en refusant de payer une taxe abusive, il s'était vu conduit devant un capo qui lui avait laissé le choix : payer sa dette en or, ou en sang. Autant dire qu'il n'avait pas réfléchi plus de quelques instants pour choisir la première solution ! Ainsi donc, il se trouvait sur une petite embarcation, en présence de plusieurs gardes patibulaires appartenant à une famille mafieuse quelconque, sensément affiliée aux Tempiestas. Plus le temps passait, plus le bretteur se disait qu'il s'était fait rouler... néanmoins, le risque n'en valait pas la chandelle. Il n'était encore ni assez puissant, ni assez épaulé, ni assez fou pour tenter de défier Don Carbopizza, si jamais ses hôtes étaient effectivement ses sous-fifres. Aussi devait il faire le dos rond et présenter ses excuses en suant sang et eau pour le Don. Il n'était d'ailleurs pas le seul dans cette position. Plusieurs autres âmes errantes avaient été recrutées, de gré ou de force, afin de faire voyage vers Tanuki.
La grande île sauvage présentait des étendues verdoyantes à perte de vue. Alors que leur navires de bric et de broc fendait péniblement les flots de North Blue, les embruns salés lui fouettaient le visage, tandis qu'un vent frais finissait de le transir. Au loin, il pouvait voir d'innombrables taches blanches vadrouiller dans les plaines. De ce qu'il avait compris, il s'agissait de la seule richesse de l'ile : des moutons. Mais pas n'importe lesquels, apparemment ! Des moutons angora. Le nec plus ultra du mouton ! Une denrée aussi rare que précieuse dans le monde, aux multiples vertus si on en croyait les rumeurs. D'ailleurs, c'était aussi la raison pour laquelle il avait été envoyé sur cette île. Un ancien mafieux, à présent reconverti, avait réussi à obtenir le droit de quitter la famille sur ses deux pieds, et non pas les pieds devant. Néanmoins, comme tout se payait en ce bas monde, il y avait un prix à cette « liberté » retrouvée.
Une taxe. Et une salée.
Mensuellement, le Don lui envoyait une escouade pour se rappeler à ses bons souvenirs et lui soutirer une partie de ses revenus. Tout du moins, c'était l'histoire qui avait été avancée par ses tortionnaires. Sans doute était-ce une demi vérité, voire même une couverture pour les faire tremper dans une affaire plus louche encore ? Dans tous les cas, le vagabond n'avait pas vraiment le choix ! Il était pieds et poings liés, un couteau sous la gorge pour remplir sa mission... ou bien subir le courroux du chef des Tempiestas. Très peu pour lui. Il soupira discrètement, avant de jeter un coup d'oeil aux autres malheureux qui avaient subi le même sort que lui. En le comptant, ils étaient quatre « engagés » pour cette mission. Si on y ajoutait les cinq gros bras qui les encadraient, cela faisait tout de même beaucoup de monde pour un simple fermier en reconversion. Encore une fois, quelque chose ne tournait pas rond... Lentement, prenant bien garde de ne pas attirer l'attention de ses geôliers, Hayato se rapprocha de plusieurs recrues qui admiraient Tanuki. L'air de rien, il leur glissa :
- Cette île est rafraichissante, vous ne trouvez pas ? Cela change de l'effervescence de la ville.
Une première accroche anodine, afin de tâter le terrain glissant sur lequel il se trouvait. Le rafiot avançait de son mieux, tentant de s'amarrer à un ponton de bois vermoulu. Ce dernier avait, lui aussi, connu de meilleurs jours ! S'ils avaient mouillé dans le grand village portuaire, sans doute auraient ils trouvé un accueil plus rassurant. Au lieu de quoi, les hors la loi avaient choisi la discrétion et s'étaient aventurés dans une crique reculée de l'île. Tandis que l'équipage s'activait pour jeter des bouts et s'amarrer, le sabreur reprit la parole :
- Je m'appelle Hayato. Et vous ?
Avant de se lancer dans une mission curieuse, il préférait apprendre à connaître un tant soit peu ceux et celles avec qui il allait devoir coopérer. Pour le meilleur, et pour le pire. Deux d'entre eux répondirent rapidement. Le premier, un colosse de deux mètres, chauve comme un œuf et aux traits bruts de décoffrage, lança d'une voix caverneuse :
- Moi c'est John. Maintenant ta gueule. Plus vite on termine ce job, plus vite je me tire.
Il s'emmitoufla dans un manteau noir informe, avant de s'emmurer dans un silence pesant. À coté de lui, une jeune femme blonde aux traits guillerets pouffa en plaçant sa main devant sa bouche. Elle sortit un peigne de son long manteau gris, avant de le passer dans ses boucles d'or. Enfin, elle lança d'une voix de crécelle :
- J'm'appelle Jiji. Mais tout le monde s'en fout. Sinon, t'as un balais dans l'cul pour parler com' ça, ou bien ? On finit l'job et on s'tire. Vit' fait, bien fait.
Charmant. Hayato retint un soupir ostensible, avant de se tourner vers le dernier membre du groupe. Peut être aurait il plus de chance avec lui ?
