Kage, le sombre héritage des Daiki

Le chemin jusqu’au donjon semblait plus long que d’habitude, chaque pas résonnait dans les couloirs vides, entre les murs froids de pierre. Il faisait sombre, comme si la maison elle-même se préparait à quelque chose de solennel. Je me demandais pourquoi mon père, Akashi Daiki, m’avait convoqué. Après tout, c’était supposé être mon jour de congé, et il n’y avait aucun contrat en cours. Habituellement, nos journées de repos étaient respectées, surtout après un travail accompli. Alors pourquoi cette convocation soudaine ? Je ne pouvais m’empêcher de me sentir inquiet. Mon père n’était pas du genre à agir sans raison.

En arrivant devant la grande porte en bois menant au donjon, je pris une profonde inspiration avant de l’ouvrir. L’air à l’intérieur était encore plus froid que je ne l’aurais imaginé, chargé d'une gravité que je n'arrivais pas encore à définir. Là, au centre de la pièce, se tenait mon père. Droit, comme toujours, son dos tourné vers moi, il regardait par une petite fenêtre aux barreaux d’acier. Le silence était lourd, presque oppressant.

"Haiko", dit-il finalement, sa voix grave et posée, sans même daigner se retourner. "C’est un jour important pour toi."

J’étais encore plus intrigué. Je restais là, immobile, cherchant à lire entre les lignes. Qu’avait-il en tête ? Chez nous, la notion de "journée importante" n’était jamais anodine, et ce n’était certainement pas une invitation à une quelconque célébration. Mon père avait cet art de distiller l’importance dans les moindres détails, et cette simple phrase me fit comprendre que quelque chose de majeur se préparait. Mon esprit commença à chercher des réponses : un test ? Une nouvelle mission d’assassinat d’envergure ? Ou bien… autre chose.

Mon père resta silencieux un moment après sa déclaration. Son regard était toujours tourné vers la petite fenêtre, mais il finit par se tourner lentement vers moi. Je pouvais voir dans ses yeux cette lueur familière, un mélange de fierté et d’attente. "Haiko", dit-il en un soupir, "tu es mon plus jeune fils." Ses mots flottaient dans l'air lourd de la pièce, et je restais silencieux, essayant de comprendre où il voulait en venir.

"Je ne compte plus avoir d’autres enfants", ajouta-t-il, son ton plus ferme cette fois. "Et cela signifie que certaines traditions familiales vont bientôt te revenir." Il se dirigea vers un coffre massif posé dans un coin de la pièce. En l’ouvrant, je vis immédiatement ce qui y était soigneusement rangé : Kage.

Ce katana, je le connaissais bien. Je l’avais déjà vu plusieurs fois, lors des entraînements de mon père ou lorsqu'il l'avait brandi pour certaines missions plus personnelles. Sa lame était d’un noir profond, presque surnaturel, et il dégageait une aura de mystère. Mon regard se fixa instinctivement dessus, comme attiré par une force invisible.

"Tu reconnais Kage", dit Akashi avec un léger sourire. "Lorsque je mourrai, ce katana te reviendra. C’est ainsi que cela fonctionne dans la famille Daiki, depuis plus de cinq cents ans. Chaque génération transmet Kage à son successeur. Et toi, Haiko, tu es celui qui portera ce fardeau."

Ses paroles résonnèrent en moi, mélangeant un sentiment de fierté et de responsabilité. Mon père, en me désignant comme l’héritier de ce katana, ne faisait pas que me transmettre une arme, il me léguait un symbole, un héritage chargé d’histoire et de devoirs.

Il referma le coffre avec précaution et, d’un geste vif, se dirigea vers la porte. "Suis-moi", me dit-il brusquement, brisant le silence de la pièce. "Nous allons dehors, dans la cour d’entraînement. Il est temps de te préparer."

Mon père me guida vers la cour principale d'entraînement. Le soleil baignait le sol de ses rayons, et je pouvais sentir la chaleur des pierres sous mes pieds. Une fois au centre de la cour, il tira Kage de son fourreau d'un geste fluide, et le katana brilla sous la lumière, d'un noir profond et intimidant.

"Kage n'est pas une simple lame", commença Akashi d'une voix grave. "Ce katana est imprégné du pouvoir du Doku Doku no Mi. Il porte en lui le poison sous toutes ses formes. Et lorsqu'il est activé pour un véritable combat, sa lame devient d'un violet sombre, comme un avertissement avant le désastre." Il marqua une pause, ses yeux scrutant la lame qu'il tenait fermement dans sa main. "Le simple fait de toucher cette lame empoisonne son adversaire. Même un coup superficiel peut être fatal."

Je restais silencieux, absorbé par ses paroles et par la puissance qui semblait émaner de la lame. Mon père leva Kage et, d’un mouvement rapide, il trancha l'air. Une onde d’air se propagea avec une vitesse fulgurante, prenant une teinte violette en se déplaçant. L’onde d'air semblait vivante, traînant derrière elle des particules empoisonnées. Elle s’écrasa contre un vieux mannequin d’entraînement, le bois se désagrégeant presque instantanément sous l'effet du poison.

"Ces lames d'air empoisonnées", reprit-il, "ne sont pas seulement des attaques physiques. Elles infectent tout sur leur passage. Peu importe si tu les esquives ou si tu es à distance, tu n’échapperas pas au poison."

Je ne pouvais détourner mon regard de cette démonstration de puissance. Jamais je n’avais vu une telle technique. C'était terrifiant et fascinant à la fois.

"Mais Kage est bien plus qu’une arme", continua Akashi, les yeux rivés sur la lame. "Pour une raison que même moi j’ignore, elle ne répond qu’aux membres directs du clan Daiki. Si quelqu’un d’autre essaye de la manier, Kage devient inerte. Elle ne coupe plus, ne tranche plus, et même son équilibre semble changer. C’est comme si les esprits de nos ancêtres veillaient à ce qu’elle reste entre des mains légitimes."

Je restais bouche bée devant tant de mystères et de pouvoir concentrés dans une seule arme. Kage n’était pas seulement un katana, c’était un héritage, un lien entre le passé et l’avenir de notre famille.

Après avoir démontré les capacités redoutables de Kage, mon père et moi sommes retournés au dojo, un silence pesant nous accompagnant. Je pouvais encore sentir l’aura de Kage, même rangé dans son fourreau, comme si l’arme elle-même imprégnait l’atmosphère de son énergie sinistre. Une fois à l'intérieur, Akashi se tourna vers moi, son visage grave, et je compris qu'il avait quelque chose d’encore plus important à dire.

"Il y a une dernière chose que tu dois savoir, Haiko", commença-t-il d'une voix lourde de sens. "Kage n'est pas une simple épée héritée. Elle porte une malédiction."

Je fronçai les sourcils. Une malédiction ? Mon père n’avait jamais mentionné cela auparavant.

"Kage est mondialement réputée, pas seulement pour sa qualité exceptionnelle, mais pour l'entité mystérieuse qu'elle renferme", continua-t-il. "Chaque porteur de cette lame est confronté à une présence sombre, une sorte de fantôme qui réside dans l’arme. Personne d’autre que le porteur ne peut le voir, et il murmure souvent des choses... énigmatiques, parfois troublantes. C’est un compagnon silencieux, toujours là, imprégnant ton esprit d’une conscience constante de la mort et des ténèbres."

Je restai sans voix. Cela expliquait tant de choses. Les moments où j'avais surpris mon père parler seul, les silences prolongés, comme s'il écoutait quelque chose ou quelqu'un d'invisible.

"Cette entité, cette ombre, fait partie de l'héritage de Kage", ajouta-t-il. "Elle est insaisissable, tout comme le poison qui coule dans la lame. Cette arme symbolise la dualité entre la lumière et l’ombre, la vie et la mort. Mais tu dois être prêt à la porter, car elle ne se contente pas d’être une simple arme. C’est un fardeau que seuls les Daiki peuvent supporter."

Je déglutis difficilement. Je comprenais mieux pourquoi Kage était autant respectée que crainte. Ce n’était pas seulement une arme, c’était une épreuve, un lien avec les ténèbres que chaque porteur devait assumer.

Mon père posa une main sur mon épaule. "Lorsque mon heure viendra, Kage sera tienne. Mais sache que c’est aussi ton devoir d’enseigner tout cela au futur détenteur de l’arme, tout comme je le fais avec toi aujourd'hui. Mais cela arrivera, je l'espère, dans un futur lointain."

Je hochai lentement la tête. Tout ce que je venais d’apprendre me donnait le vertige. Cette arme, Kage, n'était pas seulement un outil de combat, mais un symbole du poids et de la responsabilité que chaque membre de notre clan devait porter.