La Bonne, la Brute et la Truande, part 1 [Solo 1615]

Tahar ! Z’êtes où crénom ?!

Ma’am ?

Ah quand même ! Z’étiez où ? Ca fait deux heures qu’jvous cherche partout, v’savez ?

Héhé, jvous manquais à c’point, Ma’aïe ! Maieuh, pourquoi ?

Montez donc sur vot’ trente-et-un, on a d’la visite.

Céléno est coquette, Céléno est rousse, Céléno aime les tricornes. La journée commence donc sur les chapeaux d’une rousse pour le malheureux Tahar. Enfin… "sous" ledit chapeau serait plus juste, m’voyez. Et puis, bon, jdis "le malheureux" mais en fait il s’amuse bien notre lieutenant-colonel. Ca fait, mh, ouais, disons huit bons mois qu’il a quitté le pont de son Tambour, toujours d’attaque depuis 1607 malgré les crasses par lesquelles il est passé, pour sa cabine sur le Vagabond, et en fait il le regrette pas. Certes, il est passé Second et c’est lui qui du coup se coltine tout le boulot administratif à bord de l’immense frégate, mais en fait ça se fait plutôt bien. Et pourtant c’est de Tahar qu’on parle. Tahar quoi. "The" Tahar. Le genre de gars qu’on voit plutôt au front qu’en train d’accepter de se farcir la moindre paperasse, fût-ce à temps plus que partiel. Vous vous demandez comment le miracle se fait ? C’est très simple, et ce à deux niveaux :

Petit a, primo, premièrement : le niveau inférieur. Les subordonnés de Céléno savent qu’à la moindre merde de leur part, ils font le repas du soir des poissons ou servent de bouclier humain à la prochaine bataille. Du coup, tout roule sur des roulettes pendant les traversées, jamais un incident à déplorer. Jamais un rapport imprévu à rédiger pour notre gugusse, donc. Petit b, deuzio, deuxièmement : le niveau supérieur. Contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer, le surnom de "Harpie" vient d’eux. Ils sont parfaitement au courant qu’à la moindre admonestation qu’ils pourraient avoir la velléité d’éventuellement peut-être un jour faire adresser par colis postal à la capitaine, les quatre enfers s’ouvriront sous leurs pieds. Ce, non seulement parce qu’elle a quelques relations bien placées, mais aussi et surtout parce qu’il n’est pas besoin d’être un expert en psychologie pour comprendre en l’ayant rencontrée une fois que sa vocation du bon côté de la loi n’est qu’un hasard. Et qu’au moindre accroc c’est sans regret qu’elle passera du côté obscur après vous avoir tranché la gorge.

Et accessoirement elle a des avantages physiques qui font qu’on oublie facilement les idées qui pourraient conduire à ne plus la revoir. Quoique malsain, son maquillage rouge sous les yeux –dont on dit qu’après un abordage il est fait de vrai sang humain–, c’est par exemple assez sex. Tout ça pour dire en tout cas que, petit b, donc, ses supérieurs ne l’emmerdent pour aucun manquement à la procédure qui reste à un niveau acceptable d’illégalité, ce qui permet à Tahar de se la couler douce en bâclant sans remord les quelques rapports obligatoires qu’il doit quand même se taper de temps en temps : comptes-rendus de missions, demandes d’envoi de nouvelles recrues, etc. Bref, pourquoi on parlait de ça déjà ? … Ah ouais, le mézigue (jdis "mézigue" parce que, au cas où z’auriez pas compris, Tahar, ben c’est moi (malgré la troisième personne, ouais, c’est fou)), il se fait bien à ses attributions de Second de la Céléno. Pourquoi j’en étais arrivé à ça, par contre, je sais plus.

Pas grave, passons donc au visiteur. Quand Tahar sort de sa cabine sur son trente-et-un comme on le lui a demandé –de fait, pas vraiment transformé par rapport à d’habitude–, il tombe sur un homme à la fois gras, musclé, petit, grand, laid, quelconque. Un transformiste, un mec pas net. En fait il s’agit d’un sous-amiral, le sous-amiral Machin. Non mais c’est vraiment son nom, m’regardez pas comme ça. Et qu’est-ce qu’y veut l’amiral ? Envoyer l’équipage en mission, z’y croyez à ça ?! Hn ! …Bon, okay, c’est pas vraiment indécent en fait. Mais déranger l’amirauté pour ça, avouez que c’est quand même une perte de moyens considérable. Avec la crise et tout, c’est ce genre de trucs qui donnent envie de croire que pas remplacer un fonctionnaire sur deux est La solution. Tellement y en a, on les envoie jouer aux messagers pour donner des ordres alors qu’un Den Den suffirait ? Ha ! Bref, si ça se trouve j’ai mal compris en plus. Il a pas vraiment une tête d’amiral le gars. Ptêt qu’il est juste, justement, le messager du sous-amiral Machin. Mais j’ai dit "bref" alors breffons. Apparemment, c’est eux les plus proches de la cible. Qui c’est la cible ? 'tendez, jvous la fais comme il dit le gars :

Crimson Betty. Pas b’soin de la présenter. Un mouchard envoyé contre la coque de son navire quelques minutes avant de mourir par un caporal en manque d’héroïsme lors de son arrivée sur Kuraigna… Ce mouchard laisserait à penser qu’elle se dirige actuellement vers Kamabaka, l’île différente. Votre mission si vous l’acceptez est de la retrouver et de mettre fin par tous moyens nécessaires à sa carrière sanglante de pirate. Et si vous acceptez pas, c’est la même. Bonne chance.

Et sbrouf ! Nuage de fumée, roulements de tambour, et le mec a disparu. Juste là où il était deux secondes avant, un Eternal Pose, sans nul doute braqué vers Kamabaka. Classe non ? Un peu trop même, ça gâche le truc. Les deux héros haussent les épaules devant cette sortie clichée et, sur un signe de tête de Céléno, Tahar va gueuler le branle-bas. Ca s’agite dans les brancards, ça remonte l’ancre, ça gonfle les voiles et ça file vers le large.

Et pendant ce temps, à Veracruz :

Un homme derrière un comptoir sale : ¿ Algo más, señora ?

Une femme devant le comptoir sale : Es todo, gracias. ¿ Cuánto le debo ?

L’homme : 13,95 dólares.

Que la puissance du Narnak s’abatte sur toi, hérétique ! Hahahaa !
En faites pas trop quand même, Tahar. Z’êtes pas l’nouveau messie non plus…
Héhé, vous seriez quoi vous si c’était l’cas, Ma’am ? La Sainte Vierge ?
Ah, maraud ! R’venez ici Tahar, rev’nez qu’jvous montre qui est qui ! Laissez-moi passer vous autres ! Laissez-moi le… Hm, c’est pour quoi, Sergent !?
Euh, ils chargent à nouveau, Ma’am.
Mhf. Bon, r’formez les rangs. C’est leur dernière offensive.
Oui, Ma’am. REFORMEZ LES RANGS !!

Ca commence sec pour la première partie du voyage. A peine débarqué dans une baie apparemment sans histoire de Kamabaka, l’équipage de la Harpie se fait attaquer par une horde Okama. Horde façon la Horde Sauvage, m’voyez ? Sauf que là les étalons se prennent pour des juments et que les mille cavaliers de l’apocalypse cachent leur barbe sous trois livres de mascara étalé à la truelle. Ca surprend quand on s’y attend pas. Cela dit, accessoirement, en face, c’est pas non plus le vrai Jak Boregart et ses problèmes de presbytie qui les reçoivent, mais une troupe de militaires surentraînés qui craignent moins la Faucheuse, surtout quand elle se prend pour un mec, que leur propre capitaine. Et, encore plus accessoirement, il reste sur le flanc bâbord du Vagabond un maître artilleur et vingt-huit pièces chargées jusqu’à la gueule, braqués comme un seul homme vers la plage déjà rougie par la première attaque. Ce qui doit s’ensuivre s’ensuit, et ce sans suies : c’est un massacre. Si vous voulez un tableau, jvous conseille Anton Hoffmann ou Edouard Detaille.

STOOOOOOP

Alors qu’on se rapproche du last man standing du côté des cavaliers… cavalières ? l’un, l’une ? d’entre eux, elles ? s’approche. Prothèses capillaires, chapeau melon, fond de teint qui part en sucette, arc-en-ciel ambulant. Mais démarche d’un être à trois jambes. Et sacré coffre mine de rien, puisque tout le monde s’est interrompu en l’entendant beugler. On va dire que contre toute apparence c’est un homme, pour la lisibilité du récit. D’acc ? D’acc.

Hm. Excusez-moi d’interrompre ainsi la fête, mais… qui êtes-vous, en fait, monstres ?
C’toi l’monstre, m’sieur-da-Suffit Tahar. Capitaine Céléno, Marine Mondiale.
Ah.
Oui.
Bon.
Oui ? Accouchez crévindieu !
Ahum. En fait il semble qu’il y ait eu méprise. Par le plus grand des hasards, consentiriez-vous à nous épargner ?
Z’avez tiré les premiers, v’savez ?
…
Je sais bien qu’vous aimez qu’on vous laisse tranquilles dans votre coin, et croyez-moi si jpouvais éviter d’être ici j’y serais pas, quoi qu’vous fassiez dans notre dos et peu importe avec qui vous l’faites. Mais depuis quand on attaque sans demander qui, quoi et pourquoi ? C’est nous qui f’sons ça, d’habitude !
Certes, et vous m’en voyez navré. C’est que, en fait… Bon. Comme je disais, hein, il y a eu méprise.
Oui, vous l’avez déjà dit, ça.
Ahum, certes, certes. Donc, il se trouve que nous sommes actuellement attaqués par
Crimson Betty ?
Euh, oui. Mais comment le savez-vous ?
Mh… Oui, c’est pas comme si c’était notre boulot d’avoir des yeux et oreilles partout…
Chut Tahar. N’sommes là pour elle.
Ah. La méprise est d’autant plus dommage alors. Hm.
Pouvez l’dire. Les mouettes bleues sur les voiles sont pas assez grosses ptêtre ? Et les pavillons, z’avez r’gardé les pavillons ? Non mais quand même, un peu d’sérieux voyons…
T-Toutes mes confuses madame.
Ouais, ouais, c’est ça… Bon, et elle est où en c’moment la Betty ?
Au-Au mouillage de l’autre côté de notre île. Ses hommes viennent de terminer un premier raid, et c’est pour cette raison que nous pensions… Enfin, vous voyez… On a cru… Vous êtiez avec eux et vous nous preniez en étau…
Euh, Ma’am, je crois qu’il vient de parler d’un plan à trois, là… Je peux le tuer pour racolage passif ?
Bouclez-la Tahar. …ça ira pour cette fois. Z’avez entendu les gars !? On remballe ! Allez h-
Mais madame, vous y allez seule ? Enfin, je veux dire, seule avec votre équipage ?
Ca vous pose un problème peut-être ? La démonstration a pas suffi ?
N-Non, non. Ahem, si, si en fait. Et, euh, bon courage.
Mmouaiis, allez, adieu hein. Pour c’te fois on a un ennemi commun donc jvous laisse en vie, pouvez être utiles. Mais si on s’recroise un jour ça risque d’être différent.
…

Et hop, les infos obtenues, tout ce petit monde repart à bord sans même un regard pour les trépassés déguisés. Seuls, les corps des marins de l’équipage sont rapatriés sur le pont pour pouvoir être remis à la mer avec les honneurs plus tard. L’ancre remonte, les voiles descendent et claquent au vent, et le Vagabond s’en va au large. Là, l’énorme navire fait une nouvelle pause et, une fois n’est pas coutume, une Céléno solennelle clame les louanges de ses onze soldats disparus avant que les draps blancs dans lesquels on a enveloppé leurs dépouilles ne glissent à la mer. Lestés de plomb, ils coulent bien vite et la petite armée reprend en silence sa route vers la bataille suivante. Bataille qui promet. Selon les dernières informations en date, Betty la Rouge a acquis deux nouveaux navires depuis son arrivée sur Grand Line : sa flotte se monte donc désormais à quatre vaisseaux. Heureusement, il est fort peu probable que leur puissance représente un réel danger pour une frégate de guerre menée par un chef tel que la Harpie. Du gaillard arrière, celle-ci et son aide de camp scrutent le large de leurs longues-vues, surveillant l’irruption dans leurs champs visuels respectifs du premier mât ennemi au détour de la prochaine crique.

L’enjeu ? Le premier qui crie sa découverte a le privilège de mener l’attaque.

Vous êtes outrés ? Vous pouvez car, certes, c’est loin d’être très orthodoxe. Cela dit, je ne sais pas si vous l’avez remarqué ou non mais Céléno vient quand même d’épargner sans équivoque une vingtaine de personnes d’obédience anti-gouvernementale assez bien relayée par la rumeur… Dans le genre pas très orthodoxe, on peut dire qu’elle est plus vraiment à ça près, donc. De toute façon aucun des deux éléments ne figurera dans un quelconque rapport, et personne n’ira vérifier un rapport sur une mission menée à Kamabaka. Personne. Alors profitons.

… Haha, trouvés ! A moi, Ma’am !

Trouvés, donc, les forbans le sont. Le mât aperçu ? Celui du plus gros vaisseau de la flotte ennemie, un beau galion bien profilé, bien armé, bien habité. A vue de longue, il doit peser à lui tout seul dans les deux cent, deux cent cinquante hommes. Ca fait du peuple, oui. Presque autant que l’armée de Céléno. Et, tous serrés les uns aux autres comme des fourmis, ils ont l’air peu amène de ceux qui veulent tuer pour les beaux yeux de leur capitaine. Preuve s’il en était besoin que Crimson Betty est bel(le) et bien un nom de plus en plus populaire dans les douze univers… Un nom à stopper. Enfin, tout va bien : du côté du Vagabond, on est aussi tout dévoué à la capitaine. AuX capitaineS, puisque aujourd’hui Tahar retrouve donc la casquette de meneur qui lui avait été retirée à son arrivée sur la frégate. Une chose est sûre : ça ne va pas faire dans la dentelle. Et ce d’autant plus que les trois vaisseaux qui gravitent autour du gros ne facilitent pas la tâche et exigent une action d’éclat pour les mettre hors d’état de nuire avant d’avoir le temps de riposter. Et qui dit action d’éclat dit rapidité, puissance et feux d’artifice… Que des éléments qui laissent aux hommes à penser qu’ils vont en voir de toutes les couleurs.

Les couleurs, Captainparintérim Tahar les annonce bien clairement à ses hommespourl’occasion, à mesure que la frégate fend les eaux de toute la vitesse de ses immenses voiles.

Okay les gars. Vous voyez comme l’gros vaisseau vous fait d’l’œil ? Ouais ? Ben on l’garde pour le dessert : d’abord on s’fait l’menu plancton, et ensuite seulement on dégomme la baleine.
Euh, chef, c’est quoi du plancton chef ?
Ton père, moussaillon.
…Bosco, tu nous fait foncer sur l’vaisseau maître, et à la dernière minute tu fais virer les gars vers l’plus p’tit des deux chebecs. Là, c’ui-là. Le plus tard possible, hein, t’as bien compris ? La Betty flair’ra sans doute l’arnaque mais les autres glands d’vraient rien avoir le temps d’voir venir. Sergent Boum, toutes les pièces armées et prêtes à faire feu à mon ordre. Des deux côtés oui.
Z’êtes bien sûr d’c’que vous faites, Tahar ?
Ouaip Ma’am, j’joue tapis avec une fille dont jconnais pas l’niveau au poker.
… Soit. Si vous m’coulez mon navire jvous tue moi-même avant la noyade, z’entendez ?
Aye-aye Captain. Mais avant ça jvous conseille de vous accrocher, ça va swinguer.

Et voilà le Tahar qui esquisse un pas de danse sur le gaillard arrière pour illustrer. Complètement déplacé mais ça fait marrer la cheftaine alors le principal est fait. La tactique est simple. A fond à fond à fond, graviers, éperon qui déchire la pauvre coque de noix qui verra rien venir, et…

3, 2, 1, FEUUUUU !!!!

sur le deuxième chebec à tribord et la goélette à bâbord. Tout est allé comme sur des roulettes, les méchant y ont vu que du… mh, que du feu, le jeu de mots est involontaire. Mais ça flambe bien n’empêche. Entre les boulets explosifs et les simples bolides qui transforment la coque des deux bâtiments en gruyère en deux secondes top chrono, c’est l’apocalypse en avance sur cette région du globe. Non mais vous imaginez ? Cinquante-six putains de bouches de fonte qui crachent leur venin en même temps, vous vous rendez compte du carnage ? Sur la côte ils se rendent compte. Depuis la ville Okama d’où s’échappent fumées noires et fumées grises après l’assaut du matin, on entend les cris d’admiration devant la beauté du feu d’artifice. A moins que ce ne soit l’imagination du Tahar ou bien les tympans complètement vrillés de l’ensemble des participants au spectacle. Une sorte d’acouphène collectif. Cette impression d’entendre des cloches ou un sifflet là où y en a pas.

Devant, le plus petit des trois bateaux satellites s’est littéralement cassé en deux. C’est loin d’être net comme brisure, y a des échardes longues comme un homme des deux côtés, mais le renfort de métal brut à l’étrave de la frégate a coupé la coque comme du pain blanc. Certains des pirates se sont empalés dessus, d’autres se noient sous la quille du Vagabond implacable. Les derniers sont fusillés avec méthode et discipline par les soldats, de même que ceux qui ont survécu sur les deux autres navires en train de sombrer. C’est une hécatombe. Pas une once de résistance de leur part, le virage savamment opéré par le maître de manœuvre a été un brillant succès.

Brillant, il y a autre chose qui l’est : les canons du navire de Crimson Betty, rutilant au soleil. A mesure que la défunte goélette s’enfonce dans les eaux, la Psyché apparaît en effet par derrière le brouillard de guerre, qui fond sur le flanc du chasseur soudain devenu proie, et le moins qu’on puisse dire et qu’elle n’a pas l’air contente. Pas tout à fait parallèle au vaisseau de guerre et un peu en retrait, le galion pirate fleure la soif de destruction. Tahar et Céléno lancent dans le même élan la manœuvre défensive mais il est trop tard. Pieds sur le beaupré, main gauche sur une amure de foc et sabre tendu vers eux dans la main droite, la Reine Rouge ordonne le tir d’une voix à la fois rageuse et doucereuse. Assez proche pour que colonel et lieutenant-colonel restés à la poupe puissent l’apercevoir, la démone brune sourit à pleine dents sous son chapeau rouge. Peu importe pour elle le désastre à peine passé, peu importent pour elle ceux de ses anciens hommes qui l’appellent à l’aide depuis la mer : comme un écho à son cri, la salve part, toute concentrée sur le tableau arrière. Dix-sept boulets partent, dix au moins font mouche. Deux explosent au contact. La cabine de Céléno n’est plus qu’un vide béant au-dessus des flots mais heureusement ce sont les seuls dégâts importants. Les seuls…

Ah la salope !

C’est la Harpie qui vient de crier ainsi, après avoir récupéré son équilibre et s’être précipitée près du bastingage pour examiner d’en haut les dégâts. Sa cabine, nom d’un chien, SA cabine !

OYOHOHOHOOOOOOO

Et pendant ce temps-là… Tahar se prend pour Lord Greystoke, le vice-amiral dont la légende dit qu’il a vécu plusieurs décennies dans les jungles humides de l’Ilot Flottant sur North Blue. Suspendu dans les airs, relié par une écoute à l’artimon miraculeusement épargné des boulets, le voilà qui se balance, se balance, et hop s’envole vers la misaine du navire pirate. L’atterrissage ne se fait pas en douceur, oh ça non. En même temps, quand on aborde tout seul, on devrait s’en douter. Certes. Le colonel Tahgel se débrouille plutôt bien cela dit. Même passé l’effet de surprise, il arrive à tenir seul la dizaine de sabreurs qui l’assaillent. Quand Crimson Betty elle-même s’approche enfin, néanmoins, les choses se gâtent. Qu’est-ce donc qui apparaît dans son dos et masque la scène à la colonel rouquine ? Des ailes !? Des ailes de papillon !

Tahar ! Espèce de lâche ! C’moi qui doit vous tuer, pas elle ! Raah ! Virez d’bord ! Rattrapez-moi cette canaille vous autres ! Hardi !

"Rattraper", oui, car la Psyché vient comme par perversité de changer de cap et se dirige droit vers le large, sans plus un regard pour Kamabaka ou la frégate. Il n’y aura pas de deuxième assaut sur l’île, la suite de GrandLine est plus important pour Betty. Eh oui… elle ne se rapprochait pas du Vagabond pour l’aborder : elle s’en rapprochait pour le canarder avant de disparaître. Céléno aurait dû voir la chose, peut-être Taharzan l’avait-il vue et peut-être est-ce pour ça qu’il a plongé dans la gueule de l’ennemi. La teigne ! Virez, virez donc et engagez la poursuite, crétins !

Ma’am, voie d’eau à bâbord, Ma’am !
Ahhhh !!

Le deuxième classe qui vient de reporter la nouvelle se fait tout petit, hésite même à fuir mais a la jugeote de penser qu’il est peut-être préférable de ne pas montrer le dos à sa supérieure en ce moment de frustration. Il l’ignore mais l’affaire lui sauve la vie : à l’instant où il aurait tourné les talons elle l’aurait taxé de fuite et l’aurait envoyé par dessus bord pour se calmer les nerfs. En attendant… pas le choix, la poursuite attendra. Mais Tahar le paiera de sa vie. Et s’il est déjà mort quand elle rattrapera cette maudite pirate, elle trouvera bien un moyen pour le tuer encore. Le bateau, SON bateau, n’est pas coulé mais c’est tout comme. Ahh !