Brumes marines, figure de proue qui émerge sans un bruit. Point de vue qui se rapproche au-dessus des flots encore endormis. La Psyché avance au ralenti comme un vaisseau fantôme. Personne à bord à première vue, mais quand on s’est assez rapproché on distingue enfin les silhouettes grises des pirates qui courent sur le pont dans le brouillard. Silence total entre les hommes. Contrairement aux trois équipages morts à Kamabaka, ils savent ce qu’ils font, n’ont pas besoin de mots pour assurer la manœuvre. Et tant mieux. Ce sont les fidèles, ceux dont Crimson Betty s’est assurée les services dès les premières heures, depuis avant Grand Line pour la plupart. Ils savent qu’elle dort encore et qu’on ne réveille pas la capitaine avant qu’elle se soit levée d’elle-même sans une bonne raison. Et pour l’instant, purée de pois exceptée, il n’y a pas de bonne raison. Alors autant ne pas crier. Le cap est défini, le logpose rechargé indique la route à Maykeul Queul le barreur et à la mascotte de l’équipage, le mouton Degrèphe, assoupi à ses pieds.
Second Peace Island, tous l’ont attendu avec patience.
Et soudain la voilà. Un coup de sabre et le rideau de vapeur d’eau est coupé. Depuis la poupe on commence à apercevoir l’avant du navire. Depuis le pont on commence à apercevoir la hune. Et tout là-haut, l’homme qui veillait dans le froid humide peut crier : Terre ! Terre ! Et devant tout l’équipage sorti pour l’occasion, à l’horizon s’expose le spectacle qu’ils espéraient tous. Leur imagination n’est pas déçue, la vue est vraiment magnifique. L’île céleste tout là-haut, là-haut, géante, gigantesque, infinie. Et en bas le port artificiel créé pour l’endroit, d’où partent les navires de ravitaillement. L’un d’eux est justement en train de s’envoler. Des voix s’élèvent, des cris joyeux. De pirates sanguinaires, ils sont redevenus enfants de deux ans devant la perspective d’une friandise. En guise de sucreries, aujourd’hui : la promesse des trésors anciens de l’île des archéologues.
Fini de baver, messieurs ! Parés à la manœuvre !
Betty semble d’excellente humeur aujourd’hui. Et pourquoi ne le serait-elle pas. Comme ses hommes, elle aime beaucoup les trésors. Plus qu’eux, peut-être. Alors en être si proche et ne pas être en joie… non, ça ne collerait pas. Avec à la main un pot de miel dans lequel elle se sert régulièrement, elle surveille depuis le bastingage du château arrière son équipe s’agiter devant elle. Et son prisonnier attaché à ses côtés. Elle lui propose du sucre liquide mais depuis une semaine qu’il subit la chose il commence à s’en lasser. Il y a une certaine familiarité dans le propos du lieutenant-colonel Tahgel quand il la supplie de varier le menu, qui laisse interrogateur sur les rapports entretenus entre les deux personnages depuis le départ de l’île Okama.
Roh, allez m’dame Crimson, fais péter les cahouètes !
Mais elle ne répond même pas. Le vaisseau est prêt, place au spectacle. Chèfe d’orchestre improvisée, elle dégaine et frappe du plat du sabre sur la muraille de bois. Tac, tac, tac, un, deux, trois, commençons ! Oh, hisse, oh, hisse, dix hommes en bas s’acharnent sur deux rouets que le prisonnier n’avait pas encore remarqués. Il faut dire qu’il n’est pas beaucoup sorti depuis qu’on la jeté en cale puis remonté dans une cabine fermée à clef. Et, muet lui aussi, il observe. Chaque tour entraîne un peu plus un mécanisme invisible, et deux ailes se déploient soudain de chaque bord du galion. Un bruit derrière suggère que des rectrices sont aussi apparues. Et puis un énorme claquement suivi d’un silence lourd comme l’air. Tous se regardent, tous attendent que la magie s’opère. Au-dessus d’eux leur capitaine agite encore un peu son arme.
Et le miracle se produit. Psyché prend son envol tandis que les ailes déployées de Crimson Betty s’agitent sous les effets de l’extase qu’elle ressent. Et devenue papillon à nouveau, elle volette entre les mâts de son navire métamorphosé pendant que, sur le pont principal, ses hommes entonnent une chanson pour saluer la clairvoyance de celle qui les a guidée jusqu’ici. Une de ces chansons de marins qui vous retournent la sensiblerie jusqu’au dedans de vous-même, un chœur puissant comme seuls eux savent en mener. Des mouvements graves dont les paroles ne sont pas importantes. D’abord chuchotements, marmonné, le chant devient puissantes phrases qui semblent concourir à l’élévation du bateau.
Resté seul aux côtés du navigateur dont il se méfie, Tahar reste admiratif. Il n’est plus la poule au milieu des renards, mais le spectateur attentif d’un rare opéra. Un opéra sévèrement burné. Il pourrait fuir, mais avec ses mains et jambes entravées, mieux vaut au contraire qu’il ne s’approche pas trop du bord du plateau. Une chute lui serait fatale, non parce qu’il ne survivrait pas au choc, mais parce qu’il ne pourrait pas nager et coulerait à pic. Une fin qui n’entre pas dans ses projets.
Impressionnant, hein ? Hihi. Content qu’on t’ait gardé en vie pour voir ça ?
Et voilà, le moment de grâce est terminé. Betty la volage, la papillonneuse, la frivole est revenue à sa personnalité coutumière, a repris forme humaine, et le toise des dessous de son éternel chapeau rouge. Elle est mignonne, la capitaine des Sphinx Tête de Mort. Mignonne et attirante, et encore plus sous sa forme hybride, curieusement. Mignonne et dangereuse car imprévisible, presque autant que lui. C’est pour ça qu’elle l’a gardé en vie d’après ce qu’elle lui a dit, d’ailleurs. Parce qu’il a volé contre toute logique, contre toute sagesse militaire, pour atterrir sur un pont de navire pirate où il n’avait aucune chance de vaincre. Et probablement aussi parce qu’il lui a raconté un bobard comme lui seul sait en faire à propos du trésor de Sad Hill, enterré sous une pierre dont il connaîtrait la localisation exacte sur Second Peace Island. Une histoire de taverne racontée par le commandant Bill Carson, croisé sur West Blue des années auparavant. Une histoire mâtinée de savante improvisation. Une histoire qui incite à garder en vie le captif qui vous la raconte, au cas où, par hasard, elle serait éventuellement peut-être en partie vraie. Et si au final elle ne l’est pas, vraie, tant pis pour le menteur.
Capitaine, où est-ce qu’on accoste ?
Probablement là où il n’y a personne, monsieur le maître d’équipage. Crimson ordonne de faire le grand tour avant de se rapprocher de la terre pour ne pas être repéré. Il s’agit d’éviter les filets de la Rua Anrior, dont toutes les histoires rapportent la puissance, jusqu’à avoir mis la main sur un trésor digne qu’on se batte pour lui.
Second Peace Island, tous l’ont attendu avec patience.
Et soudain la voilà. Un coup de sabre et le rideau de vapeur d’eau est coupé. Depuis la poupe on commence à apercevoir l’avant du navire. Depuis le pont on commence à apercevoir la hune. Et tout là-haut, l’homme qui veillait dans le froid humide peut crier : Terre ! Terre ! Et devant tout l’équipage sorti pour l’occasion, à l’horizon s’expose le spectacle qu’ils espéraient tous. Leur imagination n’est pas déçue, la vue est vraiment magnifique. L’île céleste tout là-haut, là-haut, géante, gigantesque, infinie. Et en bas le port artificiel créé pour l’endroit, d’où partent les navires de ravitaillement. L’un d’eux est justement en train de s’envoler. Des voix s’élèvent, des cris joyeux. De pirates sanguinaires, ils sont redevenus enfants de deux ans devant la perspective d’une friandise. En guise de sucreries, aujourd’hui : la promesse des trésors anciens de l’île des archéologues.
Fini de baver, messieurs ! Parés à la manœuvre !
Betty semble d’excellente humeur aujourd’hui. Et pourquoi ne le serait-elle pas. Comme ses hommes, elle aime beaucoup les trésors. Plus qu’eux, peut-être. Alors en être si proche et ne pas être en joie… non, ça ne collerait pas. Avec à la main un pot de miel dans lequel elle se sert régulièrement, elle surveille depuis le bastingage du château arrière son équipe s’agiter devant elle. Et son prisonnier attaché à ses côtés. Elle lui propose du sucre liquide mais depuis une semaine qu’il subit la chose il commence à s’en lasser. Il y a une certaine familiarité dans le propos du lieutenant-colonel Tahgel quand il la supplie de varier le menu, qui laisse interrogateur sur les rapports entretenus entre les deux personnages depuis le départ de l’île Okama.
Roh, allez m’dame Crimson, fais péter les cahouètes !
Mais elle ne répond même pas. Le vaisseau est prêt, place au spectacle. Chèfe d’orchestre improvisée, elle dégaine et frappe du plat du sabre sur la muraille de bois. Tac, tac, tac, un, deux, trois, commençons ! Oh, hisse, oh, hisse, dix hommes en bas s’acharnent sur deux rouets que le prisonnier n’avait pas encore remarqués. Il faut dire qu’il n’est pas beaucoup sorti depuis qu’on la jeté en cale puis remonté dans une cabine fermée à clef. Et, muet lui aussi, il observe. Chaque tour entraîne un peu plus un mécanisme invisible, et deux ailes se déploient soudain de chaque bord du galion. Un bruit derrière suggère que des rectrices sont aussi apparues. Et puis un énorme claquement suivi d’un silence lourd comme l’air. Tous se regardent, tous attendent que la magie s’opère. Au-dessus d’eux leur capitaine agite encore un peu son arme.
Et le miracle se produit. Psyché prend son envol tandis que les ailes déployées de Crimson Betty s’agitent sous les effets de l’extase qu’elle ressent. Et devenue papillon à nouveau, elle volette entre les mâts de son navire métamorphosé pendant que, sur le pont principal, ses hommes entonnent une chanson pour saluer la clairvoyance de celle qui les a guidée jusqu’ici. Une de ces chansons de marins qui vous retournent la sensiblerie jusqu’au dedans de vous-même, un chœur puissant comme seuls eux savent en mener. Des mouvements graves dont les paroles ne sont pas importantes. D’abord chuchotements, marmonné, le chant devient puissantes phrases qui semblent concourir à l’élévation du bateau.
Resté seul aux côtés du navigateur dont il se méfie, Tahar reste admiratif. Il n’est plus la poule au milieu des renards, mais le spectateur attentif d’un rare opéra. Un opéra sévèrement burné. Il pourrait fuir, mais avec ses mains et jambes entravées, mieux vaut au contraire qu’il ne s’approche pas trop du bord du plateau. Une chute lui serait fatale, non parce qu’il ne survivrait pas au choc, mais parce qu’il ne pourrait pas nager et coulerait à pic. Une fin qui n’entre pas dans ses projets.
Impressionnant, hein ? Hihi. Content qu’on t’ait gardé en vie pour voir ça ?
Et voilà, le moment de grâce est terminé. Betty la volage, la papillonneuse, la frivole est revenue à sa personnalité coutumière, a repris forme humaine, et le toise des dessous de son éternel chapeau rouge. Elle est mignonne, la capitaine des Sphinx Tête de Mort. Mignonne et attirante, et encore plus sous sa forme hybride, curieusement. Mignonne et dangereuse car imprévisible, presque autant que lui. C’est pour ça qu’elle l’a gardé en vie d’après ce qu’elle lui a dit, d’ailleurs. Parce qu’il a volé contre toute logique, contre toute sagesse militaire, pour atterrir sur un pont de navire pirate où il n’avait aucune chance de vaincre. Et probablement aussi parce qu’il lui a raconté un bobard comme lui seul sait en faire à propos du trésor de Sad Hill, enterré sous une pierre dont il connaîtrait la localisation exacte sur Second Peace Island. Une histoire de taverne racontée par le commandant Bill Carson, croisé sur West Blue des années auparavant. Une histoire mâtinée de savante improvisation. Une histoire qui incite à garder en vie le captif qui vous la raconte, au cas où, par hasard, elle serait éventuellement peut-être en partie vraie. Et si au final elle ne l’est pas, vraie, tant pis pour le menteur.
Capitaine, où est-ce qu’on accoste ?
Probablement là où il n’y a personne, monsieur le maître d’équipage. Crimson ordonne de faire le grand tour avant de se rapprocher de la terre pour ne pas être repéré. Il s’agit d’éviter les filets de la Rua Anrior, dont toutes les histoires rapportent la puissance, jusqu’à avoir mis la main sur un trésor digne qu’on se batte pour lui.
Dernière édition par Tahar Tahgel le Ven 29 Aoû 2014 - 18:58, édité 2 fois