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L'esprit du chien. [officiers Ghosts]


Agent du Gouvernement: Notre incarcération n'a aucun sens Capitaine, détachez-moi.
Capitaine Hadoc:Quel effet cela vous fait-il ?
AG: Quel effet ? Je veux savoir de quoi vous parlez.
CH: Cette cellule, ces barreaux, cette cage. Quel effet cela vous fait-il d'être enfermé comme un animal ?
AG: Ce comportement est absolument déplacé. Vous répondrez de vos actes devant une Cours Martiale.
CH: Emprisonner des criminels n'est pas un crime, Monsieur. On me paie pour le faire.
AG: On vous paie aussi pour réfléchir, Capitaine. Nous sommes des agents du Gouvernement et vous le savez très bien.
CH: J'ai vu des insignes que vous transportiez, mais il n'y avait dans vos documents rien qui laisse à penser qu'ils ne soient pas oeuvres de faussaires.
AG: Ridicule! Nous sommes de vrais agents en mission.
CH: Dans ce cas présentez-moi les ordres de vos supérieurs. Je ne lirai pas le contenu, seulement la signature.
AG: Je ne dispose pas de ce document, pas ici.
CH: De simples insignes ne vous blanchissent pas compte tenu de ce que nous avons trouvé. Vous manquez de matière.
AG: Parce que notre navire a coulé, le faites-vous exprès ?
CH: Oui l'Arielle IV, vous en avez déjà parlé. Ce navire n'est pas ici, j'ai vérifié.
AG: Mais vous l'avez vus couler, vous nous avez même remonté à bord.
CH: J'ai vu son nom, mais il n'existe pas ici. Il officie sur un autre Blue. Si vraiment vous venez d'un navire, ce n'était pas celui que vous affirmez et tout porte à croire que vous l'avez lui aussi maquillé.
AG: Ce n'est pas possible, c'est un gag! Etes-vous un de ces férus de lois qui les appliquent comme un automate ? Vous manquez de manières.
CH: Je suis un Marine qui applique les lois et veille à sanctionner les délits.
AG: Plus pour longtemps...
CH: Me menacer ne fait qu'allonger la liste de charges retenues contre vous.
AG: Je ne vous menace pas, je vous mets en garde. Si vous ne nous libérez pas sur le champ, l'affaire ira en haut lieu chez qui de droit et vous serez finis, vous et tout votre équipage.
CH: Article 3 de la charte de la Marine: "Le capitaine est le seul maître à bord de son navire. Sa parole est loi, son verbe est foi." Cela signifie, au cas où cela vous échapperait, que mes hommes ne font que m'obéir et qu'on ne punit pas un subordonné qui fait son travail. Si vous étiez au Gouvernement, vous devriez le savoir. Gné hé
AG: D'accord, vous êtes un bon soldat obéissant à votre grade. Je vous présente mes excuses pour mon comportement.
CH: Les excuses ne changent rien aux charges.
AG: Oui...je commence à le savoir. Capitaine, je n'ai pas le temps d'attendre la procédure légale, nous gissons dans l'urgence. Je peux vous donner quelques informations pour vous prouver que je suis bien ce que je prétends être, mais juste un peu et vous devrez garder la plus grande discrétion.
CH: Je connais mes devoirs. Si vos informations prouvent que vous êtes bien un agent du Gouvernement, je les oublierai immédiatement et vous serez maître à bord.
AG: Bien, c'est entendu dans ce cas. L'Ariel IV est un navire du Gouvernement, il possède du granit marin pour passer d'un Blue à l'autre sans problème.
CH: Impossible à vérifier dans les temps qui vous semblent impartis.
AG: Je sais, mais ce n'est pas tout. Vous devez vraiment taire tout ce que je vous dirai, ce serait une atteinte à la sûreté de l'Etat.
CH: ...
AG: Bon, alors voilà, sommairement. Nous sommes une équipe scientifique mobile. Nous travaillons en mer pour effectuer des prélèvements de cobayes sans avoir besoin de passer commande, nous allons directement aux sources pour plus de rapidité dans nos recherches.
CH: Et donc vous arrivez à convaincre des homme-poissons de devenir cobayes volontaires ?
AG: Pas tout à fait. Ces animaux ont pour point commun d'avoir des réactions aux traitements très similaires à celle des hommes. En fait, certaines thèses tendent à penser que nous descendons du même ancêtre. La seule différence est que nous, nous avons évolué.
CH: Encore une chose évidente, du moins la dernière partie. Poursuivez.
AG: Nous...nous testons différents sérums sur eux. Des vaccins à des maladies pour le moment incurables.
CH: Vous faites ça à Calme Belt parce que cet endroit n'est pas soumis aux mêmes lois, du moins pas celles concernant l'équipement à bord. Injecter des maladies pour tenter de les contrer reste peut-être illégal, mais totalement permis par les vides juridiques qui ne traitent pas ce cas précis.
AG: Vous connaissez très bien la loi Capitaine, effectivement c'est ce que nous faisons. Nous ne sommes pas les seuls d'ailleurs, Calm Belt est un endroit tranquille que les pirates et la plupart des civils évitent. Nous testions de nouveaux traitements quand l'un de nos patients s'est retourné contre nous.
CH: Le requin marteau.
AG: Un sacré numéro celui-là. On évite de droguer les sujets pour ne pas risquer la moindre altération avec les traitements, mais nous leur donnons aussi le stricte minimum de nourriture pour les affaiblir au maximum. Son frère et son fils sont nettement plus dociles, il a piqué un coup de colère incontrôlable.
CH: Est-il infecté ?
AG: Non, lui non. Mais on fils oui ainsi que plusieurs sujets que vous avez repêchés. Ils sont une menace Capitaine. Ils ne paient pas de mine comme ça, mais les garder à bord sans surveillance spécial et traitement approprié est dangereux. C'est pour ça que vous devez nous libérer.
CH: Il me manque toujours la preuve.
AG: Regardez le matricule tatoué sur les animaux et transmettez les quatre derniers chiffres à n'importe quel service du Cipher Pol. Vous serez relégué à mon supérieur. Exposez-lui la situation et le danger des infectés. Il vous donnera votre preuve.



***


Il y a beaucoup de monde au bureau du Capitaine. Des chaises ont été aménagées pour permettre à tout le monde de prendre place, une par officier. Chacun d'eux a été demandé pour une réunion extraordinaire. Exception faite toutefois du Lieutenant Howell qui, suspect dans cette affaire, est tenu éloigné. Hadoc est calme; mais grave. C'est la première fois qu'il invite ses hommes à s'entretenir ainsi avec lui. Une décision lourde à prendre pour l'équipage devra l'éclairer sur le choix à faire. Aussi, pour une fois, la parole de chacun sera pleinement considérée, en dehors des hiérarchies. Quand les membres du conseil sont rassemblés, il prend la parole et expose l'entretien dans son entièreté, faisant peu de cas de la confidentialité de ce qui a été échangé. La confiance avant les lois, surtout quand elles concernent la carrière de tous les gradés.

Vous savez tout. J'ai laissé les médecins de bord étudier au mieux de leurs compétences cette éventuelle infection mystère dont le scientifique m'a parlé, mais je doute que nous ayons les moyens de trouver une quelconque anomalie. Notamment parce que cette histoire, si préparée soit-elle, ne goûte pas la vérité. J'ai joué mon rôle dé crédule pour recevoir un aximum d'informations et finalement ma seule certitude se base sur ce que je savais déjà: nos prisonniers sont bien des agents du Gouvernement. Je sais également que leurs expériences, qu'importe leur véritable nature, bafouent l'éthique et la raison pour laquelle j'ai choisi de porter l'uniforme. La Marine sert à défendre les faibles et à nous laisser gardiens de leur sécurité. Je n'ai vu qu'abus de pouvoir de la part de nos captifs et sais qu'ils sont appuyés par les autorités. Sans prétendre faire justice moi-même, dois-je pour autant laisser l'horreur se commettre quand j'ai les moyens d'interférer ? C'est totalement contre le code, contre mes principes et la sauvegarde de mon honneur. Mais je ne peux statuer seul. Par mon comportement, vous êtes tous en danger et l'article trois ne vaudra rien face aux raisons d'Etat. Je ne peux risquer de sacrifier vos carrières, vous êtes vous aussi les gens que j'ai décidé de protéger en luttant pour la dignité des plus faibles. C'est là la raison de votre présence.

Dès l'instant où je contacterai le Cipher Pol, mon pouvoir sera remis entre les mains de nos hôtes, nous perdrons toute légitimité dans nos actions et là agir contre la loi sera le meilleur moyen de perdre le bras de fer contre l'injustice. Je veux votre opinion sur la situation et savoir comment vous régleriez ce problème.

Nous avons des animaux cobayes, des âmes méprisées des gens de notre espèce. Nous avons aussi des esclaves homme-poissons qui n'ont plus que nous pour ne pas dépendre d'un pouvoir qui les a déjà condamné. Une recherche sur Mister T, le requin avec qui nous nous sommes battu, a abouti à la conclusion que c'était un simple civil, pas un criminel. Nous avons aussi la raison inconnue de leur capture et de ce que les scientifiques faisaient dessus. Le fils de T m'a parlé de choses qu'on lui a fait manger, les seules denrées de tout son voyage.

J'ai besoin de vous pour savoir où nous allons aller. Aidez-moi à prendre la meilleure décision.
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Le Capitaine et notre nouvelle Lieutenant sous l'eau et entre de bonnes mains, celles du Judge qui par un curieux hasard est encore sobre à cette heure aujourd'hui, je m'active de mon côté à faire de l'opération de secours auprès des naufragés une l'histoire ancienne. Ce qui revient à se hâter de laisser les autres se charger de tout. Les quelques ordres dispensés à mes subordonnés ont rapidement suffit et la prise en main de nos nouveaux locataires à bord ne nécessite finalement pas tant d'effort qu'il n'y parait à première vue. Un aller-retour par la cale plus tard, je reviens avec ma poche de tabac. Tandis que mes doigts s'activent à rouler une feuille, j'observe un peu plus en détail les rescapés; curiosité s'il en est, certains dans le lot fleurent bon autre chose que le simple civil. Difficile de dire quoi, mais une partie des gars dégagent une impression particulière, je miserais gros là dessus. Comme pour renforcer le malaise, le groupe dans son ensemble semble divisé en deux bandes distinctes. Quelque chose comme les humains d'un côté, les hommes poissons de l'autre. De quoi rendre perplexe l'intègre représentant de l'ordre que je suis.

Le Corbeau et Thomson notent eux aussi ce détail et m'en font part d'un simple regard; Junior, toujours débordant de bonne volonté, me demande s'il n'y a rien que nous puissions faire pour creuser la question. Je lui réponds dans un haussement d'épaules détaché, tout en tirant paisiblement sur ma tige de tabac.

Te bile pas, va, sûrement trois fois rien.

Le gamin est désappointé, c'est normal. Il est pas impossible qu'on vienne de repêcher une affaire majuscule, mais si on ne cherche pas à en savoir plus, on ne trouvera rien de suspect.

Quel enquêteur modèle, Caporal, me lâche Garnett dans un demi-sourire entendu une fois seuls.

Boah, comme si.

Le Corbeau est pas un bourreau de travail non plus dans son genre. Une exception dans cet équipage. Pour preuve, il s'adosse à côté de moi au gréement, bras croisés, et admire nos homologues sans participer.

C'est juste, on ne peut pas s'occuper de tous les dossiers épineux qui nous tombent entre les pattes de toute façon...Tiens, ça s'active, ils doivent remonter le Capitaine.

Et là, ça fait tilt. Au moment où je vois la silhouette massive de Hadoc remonter sur le pont. Il a dérouillé comme il faut sous l'eau, mais c'est pas ça le sujet. Il s'en sortira, l'homme est bâti d'un bois solide. Solide, mais surtout différent. Il va pas laisser filer, non. Pas lui. Et si des gars comme Le Corbeau ou moi suspectons quelque chose, cela va sans dire que lui aura flairé l'embrouille et déjà dans l'idée de déterrer le dossier complet. Une minute plus tard, un matelot s'oriente vers moi au pas de course pour me transmettre les nouvelles directives. Le couperet tombe, sans surprise. Boucler en cellule tout ce joli monde.

Hin, comme l'impression qu'on va devoir gérer celui-là au moins. Viens, on va faire visiter les geôles à nos invités.

J'écrase ma clope sous ma semelle et m'oriente vers les suspects, Garnett m'imite.

Messieurs, veuillez nous suivre sans résister. Chacune de vos mines détrempées va aller sécher en cellule, ordre du Capitaine.

La remarque est accueillie par un cortège de protestations pour certaines colorées. Mais les mines outrées, les doigts hostiles pointés sur nous et les menaces n'y changent rien. Pas vraiment le genre de truc qui m'effraie de toute façon, être radié de la marine. En dix minutes, tout ce beau monde se retrouve en cellule. Dans la foulée, on m'avertit que le Capitaine requiert ma présence au même titre que celle de tous les officiers du Passeur, pour une réunion d'urgence.

Trois fois rien, vraiment...

[...]

L'atmosphère est pesante dans le Bureau. Malgré tout le relativisme dont je me sais doter, impossible d'ignorer certains indices. L'heure est grave, le rapport dont chacun prend connaissance nous le confirme. On risquerait rien moins que nos têtes sur ce coup à jouer les redresseurs de torts, parait-il. Mais la cause est digne d'être défendue, selon Hadoc. Sa loyauté envers ses hommes lui interdit de miser nos carrières sans notre assentiment mais l'homme ne renie pas ses convictions pour autant. Son exposé en témoigne. Ma main au feu qu'il trouvera écho chez tous ceux présents dans cette pièce. La situation de ces malheureux est scandaleuse, nous avons là une occasion qui ne se représentera sans doute pas deux fois de dénoncer ces procédés iniques.

Certes, le risque est gros, mais c'est le prix à payer. Ceux pour lesquels la marine représente tout soutiendront leur Capitaine par sentiment de devoir et pour défendre des valeurs ici bafouées. De mon côté, suivre le mouvement ne me coute rien. Comme je vois les choses, si je ne fais pas carrière chez les Mouettes, j'irai trouver mon bonheur ailleurs. Mais à tout prendre, je dirais pas non à un prolongement de bail. Alors il faut déterminer la manière la plus subtile s'attaquer au problème. Un discret raclement de gorge annonce mon intervention qui suit sans tarder.

Je vous suis sur ce coup Capitaine. Et je ne serai sûrement pas le seul. Maintenant, il faut admettre que nos chances de faire éclater la vérité au grand jour sont très minces. Même si l'on réussit à rassembler des preuves accablantes, il est indispensable d'avoir le bon atout dans sa manche pour les valoriser. Trouver un moyen de faire parvenir notre rapport aux autorités suprêmes, ou peu s'en faut. Plus l'on visera haut, meilleures seront nos chances d'être entendus.

Cela suppose également de définir clairement nos ambitions dans cette affaire. Est-ce d'alerter les hautes strates de la Marine ? De rendre publiques ces informations ?
Pour être efficace, il faut savoir vers quoi l'on s'oriente.

Mais avant tout, la première main à remporter est celle du temps. Nous devons en gagner suffisamment pour nous donner la possibilité d'enquêter par nos propres moyens et sans avoir à rendre de compte à l'autorité du Cipher Pol. Sans ça, toute la bonne volonté du monde ne sera d'aucune utilité. Et sur ce point comme sur le précédent, il y a parmi nous un bureaucrate particulièrement acharné capable de faire des miracles.

Un regard dénué de tout vice vers le petit individu tassé sur sa chaise, deux places sur ma gauche. Ce serait bien la première fois que je me rangerais dans le même camp que mon insupportable Commandant. Bah, à situation désespérée, alliance improbable.

Si l'on s'accorde à rester dans le domaine très restreint du légal, bien entendu.

S'agirait pas de passer pour l'Officier du mois non plus.
    Ce soir, première affectation sur le Passeur. Il vient de débarquer, les mains dans les poches, son sac sur le dos, une clope au bec. Du Chance tout craché. Le navire paie pas de mine et ressemble à peu de choses près à tout ceux qu’il a croisé dans l’escadron de l’EMM. A peu de chose près. C’est dans les cales que ça se complique, et que le boulot du charpentier est important, d’ou son embauche. La loi de l’offre et de la demande. L’administration tenant en haute estime le capitaine Hadoc, qui pour le moment ne lui rendait pas gloire. En tout cas, certains naufragés le pensent sans doute : Ce sont des gouvernementaux à ce qui se murmure dans les couloirs. Cependant, Chance n’a pas tenu compte des radotages, le boulot qui l’attendait serait conséquent, et devrait se faire sur le long terme. Renforcer toutes les jonctions de la cale, pour qu’elles tiennent le coup et le poids des clients du geôlier. Rik Achilla. Un drôle de type, pas si réglementaire, pas si rigide que laisserait à penser l’équipage des Ghost Dog.
    La diversité étant plaisante, Chance ne pipe mot sur l’embauche, et continue son bonhomme de chemin dans le navire. Se sentant en osmose avec sa structure. Vivant à travers lui, et sentant presque l’écume et les vagues lui fouetter le visage. Passant une main presque affectueuse sur le bois, le Caporal en apprécie le grain, la texture, et la densité. Un bateau à l’image de celui qu’il dirige, et pour cela on peut le dire unique. Robuste mais efficace, presque tranchant. Le Passeur est un navire digne de ses talents, capable de prouesse qu’il ne ferait que mettre en exergue. Un sourire nait sur son visage, tandis que des bruits de pas se font entendre derrière lui. Une enseigne que l’on a envoyé au charbon, pour apprendre au nouveau –mais peu commode, qu’une réunion se tenait dans la cabine de Gharr Hadoc. Un jeune matelot tout frais sorti de la caserne, que l’on a mit là pour l’endurcir. La jeunesse est une force dont on ne peut se passer, l’apprentissage une revanche pour l'ancien gamins de South Blue.

    - Merci mon grand, retourne au sec maintenant, lui fait-il d’un mi sourire, allumant une cigarette de son éternel zippo.

    Passant de l’étrave au centre du navire, d’une bordée à l’autre, préparant son arrivé et sa présentation au reste de l’équipage –et de ses officiers, Chance tire une bouffé. Passe une main dans ses cheveux, se les essuie sur son débardeur. Il pointe a travers sa tenue de charpentier, qu’il a laissé ouverte et descendu au niveau des hanches. Attrapant simplement ses mitaines, il fonce à travers le bouchain et monte sur le pont, sous une pluie diluvienne. Le pont supérieur n’est plus loin. C’est détrempé qu’il arrive à la porte de son capitaine. Une nouvelle enseigne lui propose une serviette, avec laquelle il sèche ses cheveux, avant de la porter à sa nuque. Jetant sa cigarette à travers une trouée, il est prêt. Ca y’est. Il passe la porte.

    ***

    La cabine est propre et claire, des chaises on été avancées pour les officiers de bords. S’installant sur celle du fond, il en teste la solidité. Puis place un pied sur son genou, se grattant l’arrière du crâne. Sa concentration est trouble, opaque, la fatigue du voyage et du décalage horaire, et surtout une complète incrédulité. Il n’a pas vraiment sa place dans ce rassemblement, il ne connaît ni l’affaire ni le Capitaine, et ne sait rien de tout ceux qui l’entoure. Pourtant, Chance accepte. One-two remarque cette bonté si caractéristique de son supérieur. Si rare. Il a des qualités humaines, il a du bon sens, et il s’attaque à un gros morceau. Le caporal dévoile une rangée de crocs. Longues et prête à faire des dégâts. Un vieux sourire remonte à la surface, presque goguenard, mais surtout partant.

    - Attendez.

    S’élève une voix du fond de l’auditoire. Pas vindicative. Ni pour le moins autoritaire. On dirait plutôt une réflexion interne, ou d’un point de vue qui s’exprime par sa clarté et son évidence. Si évident. Basique.

    - Il me semble que la question qui se pose est aussi de savoir s’il s’agit réellement d’agents gouvernementaux non ? Ce serait déjà un minimum, en attendant et malgré toute la bonne foi de nos "hôtes"... Nous n’pouvons les héberger qu’à titre d’indésirables et d’indésirés.

    Sa main rencontre les quelques poiles parsemés le long de sa mâchoire. Son regard est sombre, perçant, ses puits obscure se joue de la lumière.

    - Ce navire, comment avez-vous dit qu’il s’appelle ?

    Si un charpentier peut se targuer d’une chose, c’est de reconnaître touts types de navires, de n’importe quel régiment, qu’il soit affilié à l’Amirauté ou au conseil des cinq. Et si One-Two aurait l’occasion d’apporter son coup de pattes, il le ferait : Ses paroles on pour but de rassurer le capitaine sur ses aspirations.



      Achilia me fait un compliment? Méfiance. Mais il a raison. Je suis très doué. Le plus doué qui soit. C'est moi. Gné hé hé. Cela dit. Comme il semble que nous soyons tous amené à nous exprimer, il est de mon devoir d'y aller de mon mot. Pourtant, de choix je ne vois pas.

      J'ai peur de ne pas bien comprendre ce que vous attendez de moi, Capitaine. Vous voulez savoir si je vais suivre un règlement qui a sauvegardé l'intégrité des navires, et par conséquent de la Marine, des siècles durant, ou si je vais le délaisser, pour une pseudo menace qui n'est mise sur aucune charte? Le choix est tout vu. Vous êtes le Capitaine. Votre verbe est foi. Votre parole est loi. Il n'y a rien à redire là-dessus. Et si quelqu'un sur ce navire voulait remettre cela en doute, je le ferais fusiller sur le champ.

      Hadoc me lance un regard serein. Mais clair.

      Mais ce genre de décision est, hélas, de votre ressort. Pour en revenir à notre sujet: j'ai beau avoir cherché, je me suis occupé lorsque vous étiez affairés ailleurs messieurs, je n'ai trouvé aucune trace de ces messieurs que nous avons mis au fer. N'ayant pas tous les dossiers nécessaires, j'ai bien entendu fait cela de tête. Mais s'ils avaient été affiliés d'une façon ou d'une autre à la marine ou, officiellement, au gouvernement, je l'aurais su. J'ai dès lors envoyé une mouette à John Vogon. s'il y a quelque chose à trouver, il le trouvera. Et cet homme ne répond qu'a moi. Rien à craindre de ce coté là donc.

      Un temps d'arrêt. Le silence est pesant. Est-ce le tournant de notre équipage? Qui sait. Mais Hadoc et ses états de service sont impeccable. L'homme, malgré ses doutes, est difficilement déboulonnable. Il a, de plus, su s'entourer. Même un homme comme Achilia peut avoir son utilité dans ce genre de situation. Parlant de ça. Bien que je répugne à emboiter son pas, il le faut. Donc, je me tourne vers le vil joueur.

      Vous parliez de gagner du temps. C'est en effet un luxe. Toujours. Dans toute situation. Je vais m'y atteler. Mais seulement si l'ordre émane de notre capitaine.

      Toujours impassible, Hadoc me fait mine de continuer.

      C'est en fait très simple. Je vais...

      Je pose ma mallette sur la table. L'ouvre. Pour en sortir de rudimentaires formulaires de bases.

      User du matériel de base. Les demandes simples ont l'avantage d'être vite traitées. Mais si on les couples, elles sont, de fait, vite mise en conflit. On peut rentabiliser ce conflit en multipliant les services responsables. Première chose donc: nous couvrir. Envoyer un réquisitoire de naufrage. Qui passera par le service administratif principale. Traitement classique à simple ratification. Ensuite: une demande d'ordre de mission couplée avec une demande de tutelle de l'amirauté plutôt que de nos supérieurs directs. ratification nécessaire: secrétariat du quartier générale, affaire urgente. Pour suivre, brouiller les pistes. Pour ce faire, un rapport d'avarie, cause indéterminée, antidaté bien entendu, concernant le passeur. Suivi, directement, d'un rapport complémentaire, mentionnant la cause de l'avarie. Trois mots: origine possiblement hostile. Cela passera par le service de sécurité. Service qui déteste le secrétariat général, des fainéants cela dit en passant. Il y passeront bien trois jours. Pour finir, pour cette première salve, par un scellé adressé au gouvernement, indiquant une possible attaque de révolutionnaire dans les eaux où nous mouillions il y a de cela une semaine. Ce ne sera pas un mensonge, les révolutionnaires sont partout.

      Je regarde, fier, l'assemblée. Elle est médusée. Quel talent, ce Trovahechnik ils doivent se dire. Gné hé hé.

      Tout cela nous permettra de masquer le seul vrai courrier de cette histoire, adressé à une personne de confiance et de compétence de votre connaissance capitaine. Je peux assurer la confidentialité de la missive par un envoi anodin de demande de vivre.

      Ce devrait nous procurer un écran total, comme je l'appelle. Et si problème il devrait y avoir, je remplirai un B 4. Mais je doute qu'il soit nécessaire d'en venir à de telle extrémités. Ce faisant je tends au maitre de navire les documents nécessaires, dûment rempli alors que j'exposais notre marche à suivre. Et secrètement, j'espère. J'espère qu'ils auront compris que la bureaucratie, c'est le pouvoir.


        Aucune objection, chacun suit la voie de la justice plutôt que de craindre les foudres du pouvoir. Hadoc est surpris et fier de constater que l'équipage est éclairé et fidèle, et donc parfaitement accompli. Le soutien de Rik était attendu plus que celui des autres encore. Placer des éléments conformes comme marginaux parmi ses gradés offre une meilleure diversification d'opinions et évite que tant de tête se mettent à ne penser que comme une seule. Achilia faisait partie de ceux qu'Hadoc pensait fortement prêt à suivre un système un rien parallèle pour aboutir à une chose juste au libre arbitre.

        Mais que Lou lui-même, opposé éternel du Caporal, se joigne lui aussi du côté de la ruse et de la magouille, c'est une véritable surprise pour le samouraï. il s'attendait à un Commandant opposé, faisant un cas minime des vies animales et versé du côté du Gouvernement. Le petit homme, inapte au mensonge et à l'hypocrisie, marque son alliance du côté d'un équipage plutôt que du pouvoir officiel. Une zone couverte de poussière de son lui veillerait peut-être à entretenir une certaine affection pour sa situation. Ou bien sa règle sur la parole du Capitaine est elle à ce point absolue qu'elle peut même défier le reste du monde ? Une autre théorie vient au Capitaine. Le Commandant doit traiter la "preuve" du prisonnier comme une donnée. La logique humaine voudrait qu'on vérifie d'abord ce fait, mais Lou place peut-être la parole d'un homme qui clame l'erreur judiciaire en-dessous des simples aspirations d'un supérieur hiérarchique. Si ce raisonnement est le bon, Trovahechnik est horrible, et c'est cette horreur qui rend salutaire la situation. Soit, puisque personne ne donne sa voie au profit des emprisonnés, l'équipage pourra agir de concert.


        Caporal Lowford, je doute qu'un homme enfermé offre une fausse preuve qu'un simple coup d'escargophone suffirait à infirmer ou confirmer. Par ailleurs le monde est vaste et fragmenté, le fait que l'Ariel IV ne vous dise rien ne prouve pas qu'il ne fait pas partie du Gouvernement.

        Mais puisqu'il existe un moyen de gagner du temps, nous allons l'employer. Je ne procéderai à la vérification qu'après m'être assuré d'envoyer rapports et demandes urgentes, conformément aux lois. Commandant Trovahechnik, vous avez le feu vert pour geler l'administration. Quand les vivres seront parvenues, lancez une procédure de quarantaine préventive. Puisque les rescapés sont dits malades, nous allons veiller à éviter toute propagation.

        Caporal Achilia, il faudrait de nouveaux papiers pour la famille des homme-poissons et aussi un tatoueur pour effacer les matricules des rescapés. Avez-vous ça dans vos contacts ? Les réfugiés pourront être retrouvés si on ne leur offre pas une couverture totale.

        De votre côté Caporal Lowford, il faudrait construire des enclos momentanés dans les zones vides du navire pour permettre aux hôtes de ne pas transformer le bâtiment en porcherie. J'aimerais que vous bricoliez de quoi réordonner le navire.


        Avant que tout ne se mette en place, Hadoc ajoute.


        Messieurs, je vous remercie pour aide, elle est précieuse. Mais comme l'a dit le Caporal Achilia, nous seront nous-mêmes victimes des autorités si nous ne faisons pas remonter cette affaire assez haut. Il nous faut en découvrir les zones d'ombre dans les prochaines heures pour éviter de commettre une lourde erreur en ébruitant cette histoire. Et si nous sommes bien confrontés à une vaste crapulerie, qu'importe si son auteur porte ou non le blason du Gouvernement, nous nous opposerons à lui. Quiconque possède un moyen d'aider à cette enquête pourra compter sur mon soutien.

        Et maintenant, que ceux qui savent ce qu'il leur reste à faire se mettent au travail. Protéger et sévir.


        HRP: Si vous voulez creuser un piste, je peux vous mp les résultats des recherches ou jouer les rescapés. Laissez parler l'enquêteur en vous. ^^
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        Les avis se succèdent. Pour la plus grande satisfaction de Hadoc, et la mienne, ils abondent tous dans un seul et unique sens. Celui de l'altruisme. Nous sommes quatre sur le coup, prêts à travailler de concert, en dépit du danger et des sacrifices que cela suppose pour défendre ces êtres opprimés. L'un de nous est un Caporal fraîchement embarqué sur le Passeur. Qui n'a pas bronché à l'instant de mettre en péril sa carrière. Mieux, il ne semblait pas avoir envisagé autre alternative que celle-ci, en s'exprimant. Intéressant. Ce sera assurément une entrée en matière dont il se souviendra.

        Après le nouveau venu, le brave Commandant Trovahechnik nous a proposés un aperçu des procédés qui veilleront à éloigner les possibles gêneurs. Et sans avoir tout suivi de l'insipide exposé administratif, nul doute que son action s'avèrera précieuse. Il y a quelque chose de malsain à défendre la même cause que lui mais force est d'admettre, le petit personnage s'y connait comme pas deux dans son domaine de prédilection.

        Nous sommes donc parés. Déjà bien aidé par nos trois interventions successives, le Capitaine dispense les remarques et autres directives. La tâche qui m'incombe me sied à merveille. Je me serais mal vu chargé de l'enquête sur l'identité de nos prisonniers. Il me faut du concret; je suis servi. Ne me reste plus qu'à passer à l'action. J'avise rapidement Hadoc, Trovahechnick et Lowford de mes prochaines actions, en quittant sans plus de cérémonie le bureau.


        J'ai déjà en tête le nom d'un faiseur de miracle ou deux qui pourraient nous sauver la mise sur ce coup; si le sort nous sourit, ils auront la possibilité de nous apporter leur aide. Indirectement bien entendu. Et je passe leur nom sous silence, ce serait bien mal récompenser leur action.

        J'ai gardé pas mal de relations dont certaines rapporteraient une coquette somme à qui les ramènerait au bureau de la marine le plus proche. Et dans le cas présent, leurs services se font ardemment désirer. L'avantage d'avoir nagé en eau trouble. De retour dans ma cale, plusieurs appels infructueux ne ternissent pas mon optimisme. Si beaucoup de contacts déclinent l'offre, j'ai toujours dans la manche un atout maître; l'homme de la situation. Convoité, respecté. On l'appelle pour les cas de force majeure. Old Snake. Une fripouille comme on n'en fait plus depuis des siècles. Le genre de vieux brigand à toujours avoir une coudée d'avance sur toi. Et quand tu t'en rends compte c'est trop tard. Autrement dit, dans l'univers du faux, il est un As. Dont je vais quérir les services.

        Le Den Den Mushi sonne, on décroche à la troisième tonalité.


        Greuf greuf... Moshi-moshi ?

        Old' ? C'est le Gambler.

        Yah-yah-yah, un souvenir du passé. Achilia...greuf greuf greuf...longtemps sans nouvelle.

        Comme tu dis. J'aurais besoin de ton savoir faire rapidement. Et de ta discrétion.

        Tu toques à la bonne porte. Marchandise ?

        Papiers pour six hommes-poissons : quatre adultes, deux jeunes.

        Yah-yah, jeune canaille...toujours le même; ravi de voir que les années ne te changent pas... Compte... greuf greuf greuf... comme c'est toi, je te fais un prix. 750 000 Berrys pièce. Je te livre où ?

        Je suis aux abords de Shimotsuki. Là-bas. Au plus vite. J'irai les récupérer.

        Shimotsuki...greuf greuf... Considère que c'est fait. Demain, aux premières lueurs du jour, un oiseau voyageur aura livré ton colis chez Akira Mito. Je suis en affaires avec ce monsieur, il me doit bien le service.

        Tu me sauves, merci l'ancien.

        Clock.

        Une première éclaircie. Le Corbeau débarque dans la cale. Peut-être même a t-il suivi ma conversation mais peu m'importe. Ce type n'irait moucharder à personne ce qu'il a pu entendre. Un regard curieux m'interroge néanmoins. Je lui distille quelques infos.

        Demande à ce qu'on mette à flot le canot, je vais partir à terre.

        Besoin d'une deuxième paire de bras ?

        Pas de refus.

        La seconde partie du plan sera plus hasardeuse. Trouver un tatoueur, difficile en pareilles circonstances. J'ai beau avoir mes adresses, Shimotsuki échappe soigneusement à mon rayon de connaissances. Mais le vieux Snake a parlé d'un contact à lui installé là-bas. Autrement dit un Yak'. Et quand il s'agit de brasser dans les affaires louches, ces gars ne sont jamais en reste. Si l'un d'eux est en bons termes avec ce satané brigand, je peux espérer obtenir satisfaction.

        Prestement, je traverse le Passeur pour aller informer Hadoc de mon excursion sur la terre ferme. Il n'y a pas une minute à perdre. Pour les négociations avec ces gens là, il faut s'armer de self-control, mais aussi de patience. Au plus tôt je rencontrerai leur boss, au mieux ce sera.

        En chemin, je croise un homme, que je ne peux identifier, la faute au soleil rasant qui m'aveugle. D'ici une heure, il fera nuit noire. Ma main en visière, j'identifie l'individu. C'est un rescapé. Je m'arrête, on se dévisage. D'un jeune âge, il me fixe pourtant d'un un air déjà grave; triste même. Il a dû en baver. J'y peux rien; le plus beau est à venir pour lui. Demain, il sera témoin d'un miracle; si tout se passe bien. Une lampée d'alcool vient réchauffer mon gosier. Je rebouchonne la fiole. Puis dépasse sans un mot le jeune homme-poisson.

        Junior me rejoint en courant presque, pour m'avertir que le Capitaine est à l'infirmerie. Sans doute à s'enquérir de l'état de santé de son valeureux adversaire. J'oriente ma marche vers le quartier des soins, sans plus prêter attention aux regards de matelots qui me dévisagent, surpris de me voir pour une fois aussi hâtif. Plus tard, les explications. De toute façon, je ne fraye que rarement avec la plupart d'entre eux. Un coup de poignet sec, je toque à la porte puis l'entrouvre dans la foulée. Je n'ai pas l'intention d'entrer, le temps presse. Hadoc est là, plusieurs matelots également. Et au milieu de tout ce beau monde, le combattant aquatique, lourdement blessé. Silencieux, le Commodore attend que je m'exprime.

        Nos affaires avancent, de mon côté. Je m'en vais à terre peaufiner les détails. Je serai de retour sur le Passeur demain.

        Inutile de lui dépeindre l'ensemble de mes actions. Je suis plein de ressources et Hadoc, non content d'apprécier, respecte ça chez moi. Tout est dit, je referme et m'oriente vers le pont principal, où le Corbeau m'attend. Je sens à nouveau peser sur moi le regard du jeune hybride. Il me fixe encore plus intensément que tout à l'heure, même. Serait-il ... ?

        On y va Caporal ?

        Ouaip, un instant.

        Je me retourne pour m'approcher de l'adolescent silencieux qui ne me quitte pas des yeux. Aucun son ne sort de sa bouche, mais dans ses yeux je crois déceler une pointe de reconnaissance. Dans un signe de tête en direction de l'infirmerie, je lance un " Va le voir " qui lui tire même un léger sourire.

        Caporal ?

        Yup, j'arrive, j'arrive.

        Le Corbeau embarque, je l'imite. Quand je me retourne vers le pont, l'enfant a disparu. Je souris.

        Allez-y les gars, lâchez du lest !

        L'équipage nous descend au niveau des flots. Shimotsuki nous attend.

          Je m'installe à mon bureau. Replace bien parfaitement tous ce qui ne l'est pas. Que ce soit droit. Net. Parallèle. J'inspire profondément, étend mes articulations. Tout est prêt. Je peux commencer.

          Prenant le classeur 12.5 sur l'étagère réglementaire, j'en tire les premiers formulaires qui me seront nécessaires. Mon autre main est déjà au travail: le stylo sort déjà de mon index. Disposé à faire son office. Je remplis d'abord quatre A.00. Formulaire standard concernant les Avaries, naufrages et collatéraux. Datés aux heures successives où nous avons: A. Repéré le bateau échoué. B. Évacuer ses occupants. C. Plongé (surtout Gharr Hadoc) chercher le pourquoi du naufrage. D. Fini l'inspection. Je ne précise nulle part que ce n'est pas de notre bateau que je parle. Cela me fait un pincement au coeur, mais les papiers n'en reste pas moins bien remplis. Avec honneur. Et décence. Ce n'est donc ni un sacrilège, ni un mensonge. Gné hé hé. Je suis si digne.

          Humectant le bout de ma plume, j'attaque l'ordre de mission, le fameux "ODM". Motif: Avarie à cause indéterminée. J'antidate. Collant ainsi avec l'heure du formulaire A.00.version C. Suit la deuxième salve: demande de tutelle de l'amirauté, un V.5.23. Sous le motif de la précédente avarie, mais actualisée: cause de l'avarie probablement hostile. Je l'antidate comme pour le A.00.version D. L' "ODM" est envoyé au secrétariat du quartier général, affaire urgente. J’omets néanmoins le cachet: Prioritaire. Cela ralentira considérablement les choses, permettant que ces formulaires soient traités en même temps que les quatre précédentes, les faisant ainsi entrer en conflit. Le V.5.23, parfaitement rempli, est envoyé au service de Sécurité. Les bases sont posées.

          Enfin, j'entreprends le plus périeux: le scellé au gouvernement. Je ne l'ai point mentionné aux autres "officiers" des Ghost Dog, lors de notre petite réunion mais... ce cas-ci sera plus difficile. Je vais en effet devoir prendre de très nombreuses précautions. Car on ne floue pas le Gouvernement Mondial comme cela. Enfin, si, maintenant que je n'y travaille plus, c'est plus aisé. Mais cela reste une opération à risques. Je commence donc. Je vérifie le journal de bord, auquel j'ai accès pour l'occasion. Bien. Position du navire? Hmm.. Il y a exactement une semaine, nous étions... ici. Voilà. Gné hé hé. C'est rempli. Numéro de référence... Facile pour le Commandant Trovahechnik. Menace de classe... nous mettrons "C-". Oui, c'est ce que nous mettrons. Pas trop haut, mais il reste question de révolutionnaires. Cela sous-entendra la présence d'un petit contingent. Une cellule d'une dizaine de personnes. Les petites cellules sont mobiles, le plus souvent. Il est donc normal qu'elles disparaissent, et que les dégâts qu'elles occasionnent soient faibles. Réparables. Parlant de ça. Autant couvrir ce point la aussi. De la main gauche, je remplis rapidement une demande de fournitures. Je les connais par cœur, cela me permet de rester concentré sur le scellé. Que j'achève. J'entre toutes les références demandées. Personne ne le fait jamais. Sauf moi. Eux disent qu'elles ne servent à rien. Ils ignorent juste leur vrai pouvoir, à savoir mettre le gratte-papier de base face à son incompétence. Hmm... Relecture. Voilà. C'est fait. Maintenant un cachet. Un sceau de cire. Voilà pour le scellé.

          Un coup d'oeil final sur la demande de fournitures: commandes de bois, d'enduit, et de tissus. On ne pourra que croire à cette avarie, et à sa réparation. Je regarde le sablier. Ouf. Cela m'aura pris plus de soixante-neuf secondes. Une sacré bagatelle, justifiée par la complexité de l'attaque administrative. Je n'ai pas à en rougir. Mais je dois vieillir, c'est sûr. Je suis plus lent qu'avant. Il ne reste plus qu'à tout envoyer. Mais pas en même temps. Les quatre premiers d'abord. Par intervalle d'une demi-heure. Le sixième ensuite. Suivi du septième. Enfin le cinquième.

          Le cœur léger, je me dirige vers les quartiers du Capitaine. Je suis sur le pont lorsqu'une vieille mouette malade vient se poser près de moi. La mouette de John Vogon. Elle me tend une note, dont je me saisis. Le sceau est intact. Je l'ouvre. Ce sont les informations sur nos hôtes... Je ne sais pas si elle vont plaire à Hadoc. Arrivé devant sa porte je toque, on me répond. J'entre. Le Capitaine est assis, les coudes sur son bureau.. On pourrait le croire calme, mais je décèle chez lui une once d'inquiétude. Ne vous inquiétez pas Capitaine, vous êtes en sécurité avec moi. Cela, je ne lui dit pas. Bien entendu.

          Capitaine, les formulaires ont été envoyés. L'administration sera en état de siège d'ici demain, première heure. J'ai aussi ces informations pour vous. Elles me viennent de John Vogon, je ne peux donc qu'en certifier l'authenticité.

          Je tend la note à Hadoc, qui l'ouvre.


          Spoiler:

            Le Gouvernement comme la Marine mondiale n’ont jamais portées le Caporal Lowford dans leurs cœurs. A chaque fois qu’il passe quelque part, ça termine par de la casse : Qu’elle soit administrative ou matérielle n’y change rien. C’est un fait immuable et immanquable, One Two est un élément perturbateur. Ce n’est même pas une histoire de comportement, simplement d’instinct et de réflexion ; Sous ses faux airs de flemmard à la manque, le Caporal sait faire preuve d’intelligence. Et parfois même un peu trop pour certains hauts gradés.
            C’est à vous dégouter de faire carrière. A quoi bon l’avancement si c’est pour au final faire du stationnaire ? Il avait laissé tomber toutes espérances. La seule chose qui comptait pour lui c’était de tirer ses années pour réintégrer la société. La norme et touts ses civils mal-pensants mais pourtant si bien nantis : Ils n’avaient pas à faire face à leurs consciences, eux. Pourtant tout s’était brusquement accéléré. Aujourd’hui chance est à lui de faire parti des Ghost Dog. Si peu de chose et pourtant cela change tout.

            Alors Lowford regarde intensément ces trois hommes. Il se pénètre de l’esprit de justice et d’équilibre de son capitaine – il l’a déjà accepté un peu malgré lui. Il survole le fatras administratif et protocolaire de Lou. Et plonge dans l’obscure plus value du Caporal Achilla – c’était d’ailleurs celui qui l’intrigue le plus, car ce monde ne lui est pas inconnu. Cette machine si bien huilée marche par la seule force d’un seul homme : Gharr Hadoc. Aujourd’hui Chance pense qu’il peut faire quelque chose d’utile de ses dix doigts.

            - Capitaine ?

            Sa voix est douce, presque molle. Les mèches blondes se superposent à son regard. Ses mains se tournent naturellement vers ses poches. Un mouvement convulsif les écarte. Il ne sait pas vraiment quoi en faire et les garde là, ballantes.

            - Arielle IV… Pas vraiment un nom réglementaire pas vrai ? Je veux dire, pour le gouvernement… Les suites, tout ça, ils n’aiment pas trop vous savez. C’est moins clinquant que le renouveau… Et les chefs ça aime le clinquant… Tout ce que je voulais dire, c’est que ça me semble louche. Quelque chose ne va pas…

            Il sort son paquet de cigarette et s’en bloque une sur les lèvres. Un vieux sourire du fond de son passé renait sur sa bouche. Son regard est intense.

            - Je connais toutes les architectures de navire de la marine – inclus le gouvernement, et même s’il existe quelques variantes ça reste sensiblement la même chose. Enfin et surtout, s’il s’agit d’une ‘contrefaçon’ qui ne sort pas de nos ateliers, je le saurais tout de suite… Même si ce ne sont que des petits morceaux.

            One-Two a déjà assez travaillé sur des répliques quasi-parfaites pour le savoir. Son « maître » se plaisait à refourguer ses navires sur le marché noir. Saluant le Capitaine et suivant le même chemin que ses collègues, il se met en route pour les cales. Droite-gauche-tout droit. Il descend d’un pont et se dirige au fond du navire par l’entrée des artistes.

            - SHIN ! TOK ! VOUS ME SORTEZ TOUT LE BOIS DISPO SUR CE NAVIRE ET EN VITESSE !

            On lui présente tout le stock disponible. Du vieux bois qui trainait au fond d’une remise depuis quelques mois. Il faut dire qu’ils n’ont jamais eu de charpentier correct à leurs bords. Attrapant clous et ustensiles, il effleure une planche. Du bois de chêne, robuste et polyvalent. De son couteau à bois il tape sur le grain, en fait sauter la poussière en nuages épars. Les deux hommes à ses ordres vont transporter le bois dans la cale disponible pendant qu’il prendrait les mesures.

            Un baraquement pour quinze suffirait bien pour six Hommes Poissons non ? Prenant toute le fond du compartiment, et s’étendant sur quinze pieds de long le logement était prêt. Essuyant la sueur qui perle à son front, Chance admire son œuvre. Il avait même réussit à dégotter des chutes pour faire des banquettes. Ne manquait plus que l’enduit pour que cela tienne – et cela tiendrait.

            Il avait besoin d’air et alla déambuler sur le pont. L’aurore pointait déjà le bout de son nez, édulcorant les nuages gris par d’habiles rayons de soleil. Sa cigarette fumait tranquillement et le sommeil frappait à sa porte, le rappelant à sa condition. Pourtant le caporal n’en avait pas fini. Se présentant à la porte du capitaine il entre après les trois coups réglementaires.

            - Capitaine, tout est prêt.
              Le Caporal Lowford vient de sortir. Hadoc regrette d'avoir peu de matière à lui fournir pour identifier le navire, à présent il est trop enfoncé sous les flots et le charpentier n'a eu pour précision que ce que le Capitaine a pu constater de ses propres yeux. De l'extérieur, le navire était marchand, mais de l'intérieur, il était agencé comme une cellule de recherches militaire. Impossible de déterminer pour lui de quand date ce type de construction, ni où elle a pu être assemblée. Si des charpentiers du Cipher Pol ont réaménagé un navire civil en militaire, aucun document ne doit en parler nulle part. Les Ghosts se battent contre des fantômes.

              Enfin seul, Hadoc compte, chronomètre. La Commandant a son bureau dans la pièce précédente, il sera le premier à avoir terminé sa tâche. Au bout d'à peine plus d'une minute, il frappe et entre. Gharr pensait qu'il mettrait 110 secondes, peut-être 115. Le petit homme efficace apporte les documents ainsi que les renseignements de Vogon. S'ils sont exactes, il faudrait des oeillères pour ne pas envisager que le projet Arielle existe toujours, ou qu'il a été repris. Le Gouvernement ? Une compagnie privée ? Un Tenryuubito ? L'employeur a du pouvoir et des ressources, et peu d'éthique. Le trio reste en lice pour être désigné coupable. Le document de Vogon est remis à Trovahechnhik. Il le détruira. Hadoc vérifie sommairement les nombreux papiers remplis, sans prendre la peine de se demander s'ils le sont parfaitement. Il réfléchit. Les demandes de fournitures, Lou a probablement rempli ça de sa seconde principale main. La prochaine fois, le Commodore en tiendra compte au moment de parier sur la performance du Quartier-Maître.

              Commandant Trovahechnik, j'aimerais votre avis sur un sujet. Que savez-vous du Lieutenant Howell ?

              Le subordonné offre confirmation d'une chose que Hadoc soupçonnait déjà. Lou est fort, mais ça, Hadoc ne le lui dit pas, bien entendu.

              Curieux qu'un agent débarque justement quand nous tombons sur cette affaire. J'aimerais savoir si elle fait partie de leur équipe ou les moindres liens qu'elle possède avec ces expériences, en plus d'avoir d'éventuelles informations sur son passé. J'entends par là les vraies informations, son dossier officiel a dû parvenir sur votre bureau et à moins que nous nous trompions tous les deux, il est factice. Je m'étonne qu'on nous pense assez bêtes pour trouver logique de nous contrôler quelques mois après votre venue. A moins qu'on se fiche de nos doutes.

              Vous avez carte blanche, Commandant.


              Sitôt ses ordres transmis, Gharr emboîte le pas de Lou pour quitter son bureau et se rendre à l'infirmerie. Chance est lancé dans ses travaux, les palettes de bois qui défilent dans les couloirs donnent l'impression d'être sur un chantier naval. Les choses s'organisent. A l'entrée de l'infirmerie, Gharr demande aux soldats si le Lieutenant Leanne est toujours dans la salle d'opération de Mister T. Négatif, aucune trace du Lieutenant. Gharr entre et interroge le Lieutenant-Colonel Soren sur l'état de l'homme Poisson. Chirurgie, Espoir, séquelles, foi envers le créateur, le Commodore filtre le médical du divin pour préciser le diagnostic. Mr T s'en sortira, mais il a définitivement perdu l'usage de la vue. Il faudra le signaler au Caporal Achilia, un homme poisson aveugle sera plus difficile à retrouver qu'un voyant. Ce handicap est un mal pour bien, et il était nécessaire.

              Cette odeur...

              Le colosse est très affaibli, mais conscient et toujours en colère. Cette hargne force le respect.

              Impossible de décliner mon identité sous l'eau. Gharr Hadoc, Commodore de la 407ème division de la marine. Vous êtes actuellement sur le Passeur en salle de repos.

              Mes yeux me brûlent.

              Voulez-vous un antidouleur ?

              Hé hé, on me demande si je veux la piquouse maintenant ? Allez vous faire foutre. Dites-moi plutôt ce que vous me voulez.

              Rien d'autre que garantir votre sécurité, ainsi que celle de votre famille.

              Mon fils est ici ?

              Et votre frère, oui. Votre révolte a permis aux passagers de trouver refuge sur notre bâtiment.

              Ah! Les humains, vous ne devez pas croire les humains!

              Les croire quand ils disent quoi, Mister T ? Qu'est-ce que vous avez contre eux ?

              Ce sont..des monstres. Mais difficile de vous en sentir convaincu, vous restez un humain vous aussi.

              Juste un homme, comme vous. Parlez-moi de ce qu'ils vous ont fait.

              Ma famille doit être en sécurité.

              Ils sont hors de danger, mais cette aide mérite un peu de votre coopération.

              J'ai votre parole ?


              Vaudrait-elle quelque chose ?

              Nous nous sommes battus, on ne ment pas à celui qui a été vaincu.


              Je ne suis pas convaincu d'avoir réellement remporté ce combat, mais oui, vous avez ma parole.

              Des noyades, ils m'ont noyé.


              Redites-moi ça.

              J'ai été noyé, ils m'ont coupé mon affinité avec l'océan. J'étais incapable de nager, incapable de flotter. Et ces enfoirés l'ont aussi fait à mon fils, comme à d'autres espèces.


              Je comprends votre colère, mais concentrez-vous sur eux. Comment vous on-t-il noyé ? Avez-vous consommé un fruit du démon ?

              Je suis un homme-poisson, pourquoi m'aurait-on maudit au prix d'un FDD ?

              Les humains dont vous parlez ont mentionné un virus qui vous a atteint et qu'il est possible de soigner grâce à la proximité morphologique de votre race avec les humains. Ils parlaient de se servir de vous pour trouver un remède.

              Ecoutez Hadoc, j'ai été assommé à chaque séance de torture. S'ils m'ont injecté des saloperies durant mon inconscience, j'ai aucun moyen de le savoir.

              ...Comment vous êtes-vous échappé ?

              Ca aussi j'en sais rien. Je me suis réveillé au dessus de leur bassin, comme d'habitude. Ils voulaient me noyer une fois de plus. Mais ça n'a pas marché cette fois, j'ai pu respirer.


              Et ça a suffi à vous permettre de vous enfuir ?

              Hu hu, vous connaissez la force des homme-poissons sous l'eau, on vaut un monstre marin. J'ai saisi cette unique opportunité pour détruire ma prison de verre et sauver les prisonniers. Les seuls soldats à bord n'ont pas tenu longtemps avec de l'eau plein les poumons.

              La porte s'ouvre, faisant apparaître le Caporal Achilia. Il salue vivement le Capitaine et l'informe de son projet. Gharr lui rappelle quelques règles à observer à Shimotsuki. Les gens n'aiment pas les étrangers ni l'indiscrétion, il faut garder ses bras le long du corps et fermer au maximum son visage quand on s'adresse à eux. ils respectent l'introversion, qu'ils qualifient de retenue. Mais surtout, aucune arme à feu sur place. C'est passible de mort, même pour des soldats.

              Et Caporal, n'oubliez pas de consulter le Lieutenant-Colonel pour mettre à jour les identités des rescapés. Les handicaps majeurs doivent figurer dessus.

              Rik repart et T interroge.

              Vous fournissez des faux papiers aux rescapés ?


              Seulement aux homme-poissons, les humains ont déjà les leurs.

              Mais alors, qui est handicapé Hadoc ? Ai-je blessé quelqu'un durant ma révolution ?

              Pas vous, moi. Durant notre combat. Vous ne vous rappelez de rien ?

              Mes yeux. Vous m'avez rendu aveugle ?

              Gharr répond par le silence, T, hurle de rage et balaye l'endroit où était Hadoc avant l'attaque. Cet emportement réveille son corps qui se fige de douleur. Les secondes passent et il se tort doucement dans son lit. Ses yeux ne peuvent plus pleurer.

              Laissez-moi seul.

              Après avoir acquiescé, Gharr prend la direction de la sortie. En ouvrant la porte, il croise un petit homme poisson avec de grands yeux. Il interroge le Commodore du regard, puis, voyant son père dans l'ouverture, passe outre la permission pour le rejoindre. Il les laisses ensemble.

              Revenu dans son bureau, le samouraï change ses bandages et s'allume une pipe en relisant le dossier officiel de Leanne et les renseignements sur les rescapés. Lawford ne met plus que quelques minutes à entrer pour annoncer qu'il a accompli sa mission.

              Merci Caporal. Puis-je vous demander un service ? Tomo, le fils de T, a subi des expériences traumatisantes et voilà qu'il découvre que son père est hospitalisé et aveugle. Je ne vous prends pas pour l'assistant social de l'équipage, mais vous avez la quasi exclusivité d'un visage qui peut mettre en confiance un enfant. Essayez d'apaiser les rescapés et veillez sur le gamin. Et s'il vous sentez quelqu'un prêt à vous faire confiance, demandez-lui un maximum de détails sur ce qu'il a vu.

              Avant de laisser Chance quitter le bureau, Gharr précise.

              Caporal! On m'avait prévenu au moment de vous accueillir que vous seriez un élément difficile. On m'avait également affirmé qu'à part les travaux manuels, vous ne vous distinguiez dans rien de bien notable. Infirmez la deuxième affirmation et ils auront faux sur toute la ligne.
              • https://www.onepiece-requiem.net/t1985-le-set-samourai
              • https://www.onepiece-requiem.net/t1888-le-capitaine-hadoc-a-emherge
              La barque progresse, silencieuse et légère sur les flots; à mesure que le soleil décline, au loin dans le ciel, chaque coup de rame nous rapproche de la terre ferme. Quand nous atteignons le village portuaire, l'astre flamboyant a complètement disparu. Guidé par le fanal allumé à cet effet, nous accostons. La traversée s'est faite sans un mot. Le Corbeau n'est pas de ceux qui vous forcent à parler; il a le bon sens de celui qui sait s'adapter à une situation. Un parfait coéquipier, étant donné les circonstances de notre visite ici.

              Nous avons à peine le temps de fouler le ponton qu'un marine local nous accueille. Il reconnait en nous de probables collègues en dépit de mon absence d'uniforme, grâce à celui du Corbeau, qui a même reboutonné son col de chemise et noué son foulard autour de son cou pour l'occasion. Sur cette île plus qu'ailleurs, le respect des codes, même vestimentaires, est important.

              Caporal Alizé, de la 9è division. Bienvenue à Shimotsuki messieurs. Je vous demanderais de bien vouloir me remettre toute arme à feu en votre possession. Elles vous seront restituées lors de votre départ.

              Nous nous exécutons, sans dire mot. Le sous-officier Alizé ne nous interroge pas sur notre identité. Il lui est impossible de deviner mon propre grade, et risquer d'importuner un supérieur serait déplacé. Tant mieux, j'ignore si le manège administratif que mène le Commandant Trovahecknik sur le Passeur autorise techniquement notre présence ici.

              Où se situe la plus grande ville de l'île, Caporal ?
              Honnoji ? Orientez vous vers la sortie Nord du port, et poursuivez sur environ une heure.
              Merci, Caporal, ce sera tout.

              L'exemplaire soldat s'efface. Nous remontons les quais et abandonnons derrière nous la caserne militaire. Devant nous, plantées à flanc des hauteurs de l'île, une myriade de petits points lumineux percent l'obscurité.

              Sans doute Honnoji.
              Yup. On y va ?
              On y va.

              Pour les yakuzas, il n'y a qu'un endroit stratégique si l'on veut réussir à s'implanter sur une île comme Shimotsuki. La ville. C'est là que nous trouverons la demeure de Akira, point de livraison des pièces d'identité. Et, également, un tatoueur enclin à enlever les marques d'esclaves des hommes-poissons. Du moins, c'est l'idée.

              Le trajet promet d'être long, ça me laisse le temps de briefer Le Corbeau sur la situation. La question de confiance ne se pose pas, un type pareil n'aurait aucun intérêt à trahir. Ni aucun autre Ghost Dogs. La loyauté est gravée dans les gênes de chacun d'eux. Au gré de notre marche, je dispense donc les détails sur le rôle que jouera mon collègue. Parfois, j'interromps le fil de mes propos lorsque nous croisons un habitant, pour ne pas troubler le silence de sa marche. Un signe de tête en guise de salut, visage sans expression. Ma condition de joueur se révèle ici être un avantage, la coutume endémique voulant que chacun affiche un air insensible.

              ...
              Et s'il n'y a pas de tatoueur ?
              Bah, on avisera au moment. Il parait que chaque personne ici est talentueuse dans un art donné, ce serait bien notre veine qu'on ne trouve personne capable d'ôter ces marques.
              Hmm. Ça ne sera pas gratuit, loin de là.
              On s'arrangera. On a de la ressource.
              Pour sûr.

              Enfin, nous arrivons en bordure de ville. D'abord, aller se présenter chez "Aniki" Akira. S'assurer que tout se passe sans accroc. Le Corbeau restera chez le trafiquant pour réceptionner le colis. Une fois en sa possession, il retournera au Passeur où il attendra mon appel. De mon côté je me chargerai du tatoueur. Sitôt l'artiste trouvé et l'entente avec lui conclue, mon Den Den Mushi passera confirmation à bord, et les homme-poissons que nous avons sauvés feront un pas de plus vers leur liberté. Leur dernier, si tout se passe comme prévu.

              Nous approchons. Une vingtaine de mètres devant nous, l'entrée de Honnoji. Gardée par deux samouraïs. Ici, même pénétrer dans une cité se mérite.

              Au moins, on va vite savoir.
              Hmm ?
              Si on a de la ressource.
              Hin, comme tu dis.

              Nos deux silhouettes découpent la nuit noire. Nous approchons des bretteurs. Derrière eux, une nouvelle vie pour six rescapés de l'intolérance.
                Les gardiens postés à l'entrée du village n'ont opposé aucune contrindication à notre visite; ils nous ont laissés passer dans un salut quasi-militaire. Du moment qu'ils se plient aux us et coutumes locales, les étrangers sont traités avec les égards qui sont dûs aux visiteurs respectueux. Certes, nos gueules de loustics dénotent un peu dans le décor, mais l'uniforme du Corbeau aide en beaucoup à gommer les réticences des gens que nous rencontrons. Et à aucun moment nous ne nous permettons de geste ou de remarque déplacés.

                Il ne nous aura guère fallu de temps pour identifier celle des habitations dont le propriétaire réponde au nom de Akira. Akira-aniki. Les Yakuzas sont craints, fort logiquement. Et leur demeure aime à rappeler que ce milieu est constitué de personnalités importantes, amatrices d'art et, bien entendu, fortunées. Celle de Akira ne déroge pas à la règle. De loin, déjà, on l'aperçoit. Elle trône, en bout de l'allée centrale du patelin, comme si elle rappelait qui est l'individu influent, ici. Un mur d'enceinte, doté de motifs décoratifs sculptés, dont ne dépasse que le toit pyramidal. D'un rouge sombre, impérial. Ces types ne sont peut-être pas toujours irréprochables, question moralité, mais il faut leur reconnaître un don pour la mise en scène et le grandiose.

                Notre arrivée n'est dans un premier temps pas jugée d'un très bon œil. Logique. Que viendraient faire ici deux marines, étrangers à la garnison du coin, sans y avoir été invité. Mais les premières réticences sont bien vite dissipées quand je mentionne le nom de ce vieux brigand de Old Snake. Les relations, dans la vie, c'est quand même précieux, quoi qu'on en dise. L'atmosphère change alors du tout au tout. On ne reçoit plus deux indésirables, mais deux partenaires d'affaires.

                L'hôte des lieux nous reçoit dans un salon décoré avec soin, et la touche d'originalité qui sied à sa fonction. Volubile, exubérant, il est le genre d'homme à savoir véhiculer une ambiance. Un claquement de doigts, un saké nous est servi. Un autre, pour qu'on laisse carrément la bouteille à disposition. Classe.

                Alors, comment deux marines en viennent-ils à user des services que peut prodiguer Old Snake ?
                Hin. Contrairement à ce qu'on dit, l'uniforme, c'est pas notre vie. On ne coupe pas les ponts avec les vieux amis quand bien même on filerait chez les Mouettes.
                Jya-ha-ha. Bien dit, Caporal. La Marine devrait comporter plus d'hommes comme vous.
                Héhé. Si seulement tout le monde pouvait être de cet avis.
                Jya-ha. Drôle, avec ça. J'aime l'humour, et les gens qui savent le manier. C'est une marque d'esprit.
                Merci. Et ... concernant notre affaire ?
                Oh, oui. Tayïn !

                Un des hommes de main qui nous ont introduits revient vers son boss. Avec un petit coffret, tout ce qu'il y a de plus banal. Mais dedans, notre Graal. Akira nous invite à contrôler le contenu. Le Corbeau ausculte quelques uns des faux-papiers. Avant de lâcher une moue admirative devant la qualité des spécimens. On les croirait authentiques.

                Un travail d'artiste.
                Comme toujours.
                Et voici, donc. De quoi remercier Old' pour son temps. Plus votre comission, bien entendu.

                De ma veste, l'enveloppe comportant le montant à payer pour le service transite vers Tayïn. Qui inspecte lui aussi le contenu rapidement, avant de lancer une approbation à Akira d'un hochement de tête. Tout est en ordre. Le Yakuza a même le bon-goût de ne pas se montrer curieux sur notre affaire. Une poignée de main franche, et un sourire entérinent la transaction. Pour les deux partis en présence, c'est un coup gagnant.

                Bien, laissons les affaires de côté maintenant. Fêtons à notre amitié ! Qu'on apporte ma réserve personnelle !

                La proposition est tentante. Mais il reste un détail à régler.

                Hm, j'aurais une question, si vous permettez ?
                Posez-là, très cher.
                Il me faudrait trouver un tatoueur de qualité, disponible sur cette île, au plus vite. Bien sûr, sa conscience professionnelle serait généreusement récompensée.
                Jya-ha-ha. Tout le monde peut trouver son bonheur ici. Il suffit de demander. ... Tayïn ! Fais mander Doob' l'ancêtre. Et qu'il vienne. Je ne prendrai pas non pour une réponse.

                L'homme de main s'efface.

                Vous avez l'art de savoir mener vos hommes.
                C'est indispensable, dans la profession. Et maintenant, buvons, messieurs.

                Un regard au Corbeau. Il a déjà une coupe de saké aux lèvres. Mah, y'a aucun mal à prendre un petit verre en attendant. On n'a pas grand chose d'autre à faire pour le moment. Et on n'est officiellement même pas en service, là. Ça a ses avantages, en fait.

                Santé.
                  Le pouvoir d'influence et de persuasion de notre hôte ne tarde pas à se révéler à nous; un laps de temps plus tard, une demi-heure peut-être, rythmée par des discussions dont la teneur ferait pâlir tout Officier respectueux des codes et autres règlements, le bras droit revient dans la pièce des réceptions, pour nous annoncer l'arrivée du tatoueur requis pour notre affaire. Doob l'ancien. Au détour de la conversation, Akira nous en a dressé un sommaire tableau. Suffisant pour attiser ma curiosité. L'homme fut, semble t-il, l'un des artistes les plus talentueux et polyvalents de son époque. Sculpteur, peintre, compositeur ... Il était un des grands noms de l'Art, et a revendiqué tout au long de son œuvre son optimisme dans la nature humaine. On l'associait d'ailleurs aux causes justes, à des valeurs d'humanité; ses divers ouvrages sont tant d'odes à la liberté. Et puis, un jour, il a décidé de se retirer du monde; pour lancer un appel à l'aide, disent certains, mais rien n'a jamais permis de le confirmer. Il est arrivé à Shimotsuki, et n'a plus jamais quitté l'île.

                  Autrement dit, sur le CV, ce mec en jette monstrueusement. J'étais assez curieux de voir la vedette se présenter à nous. Là, maintenant, j'suis un peu surpris, j'dois dire. Il est arrivé, petit, voûté, l'air fatigué, avec les cheveux en bataille et les yeux plissés de celui que l'on a tiré de son sommeil sans grand ménagement. À son surnom, on pouvait déjà se douter que le bonhomme n'était plus une jeunesse, mais à le voir progresser laborieusement, par petits pas saccadés, supporté par sa canne plus qu'il n'y prend appui dessus, la question se pose vraiment de savoir si l'ancêtre ne va pas tout bonnement calancher dans la nuit.

                  Une fois les introductions faites par Akira, nous abandonnons nos coupes d'alcool pour présenter nos remerciements d'avance à celui qui va rendre possible ce petit miracle. Pour une fois, ne lésinons pas sur les manières, surtout auprès d'un illustre artiste, qui s'avère également être une personne âgée que l'on a globalement forcée à venir sans lui laisser d'autre alternative. Mais le vieux Doob est remonté comme un coucou, tellement que ça m'en prend un peu de court.

                  Hé, gamins, allez droit au but, c'est déjà bien le diable que je sois levé !
                  Hum ... sûr, nous voulions juste ... exprimer notre gratitude envers vous, et... votre geste ...
                  Mon geste ? Si ça tenait qu'à moi, je serais encore en train de dormir tranquillement, morveux. Alors épargne moi ton baratin !
                  Ahem. Sûr. Bien entendu. Hm, voilà...

                  On lui explique la situation, son expression courroucée se dissipe comme par enchantement. On parle à l'altruiste désormais, plus au grincheux. Notre cause trouve écho dans la lueur de bonté de son regard. C'est inouï de tomber sur une perle pareille. Mais il faut bien ça, parfois. Quand on voit ce que le Gouvernement Mondial commandite, il faut s'accrocher à n'importe quelle parcelle d'humanité.

                  Akira ne bronche pas lui; il ne se sent pas vraiment concerné par les grandes causes, mais du moment qu'il y trouve son compte, il ne se plaint pas, en bon businessman. Le Corbeau discute des détails avec le vieux Doob', je m'occupe de passer l'appel au Passeur.

                  Le Den Den Mushi sonne, on décroche. Sans doute Hadoc.


                  Ici Achilia. Je vous confirme la réception des nouvelles identités. Nous avons aussi trouvé notre "tatoueur", vous pouvez faire venir les civils.

                  Malgré tout, je n'ai pas réussi à convaincre Doob de se rendre à bord. Il vit sa retraite ici, et entend bien la prolonger encore un peu. À l'escargophone, je reçois la réponse, positive.

                  Bien reçu, Caporal.

                  Le reste de la nuit sera nécessaire pour ôter ces marques avilissantes. La cicatrice restera, dans la mémoire de ceux qui ont enduré l'asservissement. Mais l'épreuve porte à sa fin; des lendemains meilleurs s'offrent à eux, désormais. Et tout ça, grâce à nous. Y'a du bon qui ressort, parfois, dans cette vie.

                  Mission accomplie.
                    hrp: Personne ne donnant probablement suite à l'enquête, je la boucle.

                    Les heures qui suivent les ordres donnés sont mises à profit par le Capitaine pour faire le point et préparer sa stratégie. Le temps qui passe apporte de nouvelles pièces au puzzle. Lawblood affirme qu'aucun symptôme viral ne semble affecter les rescapés, et qu'il continue à chercher des signes d'altération ponctuellement tout en éloignant Howell de l'infirmerie. La chose n'est pas si compliquée, la zone est sous quarantaine et il faut une autorisation signée de Trovahechnik et Hadoc pour être médecin traitant de la zone rouge. Ce qu'elle n'a pas, officiellement parce qu'il faut conserver des médecins compétents valides en cas de propagation de la contamination. Officieusement, personne ne lui fait confiance.

                    Du côté du Caporal, le rapport de Lawford a fait état d'une phobie aigüe et inconcevable de l'eau du petit Tomo, le fils de Mr T. Le navire échoué a pu en être la cause mais les homme-poissons savant parfaitement nager, leur évasion lors de l'arrivée des Ghost Dogs n'aurait dû poser aucun problème. La note de Vogon, l'informateur du Commandant Trovahechnik, laisse à penser que les expériences sur les fruits du démon n'ont pas été officieusement abandonnées. Pourquoi l'auraient-elles été ? Le Lieutenant -Colonel Lawblood est convoqué. Hadoc lui demande de donner un bain de force à chaque rescapé et de noter si l'un d'entre eux est incapable de se maintenir à la surface. Auquel cas il faudrait l'en sortir au plus tôt.

                    Le procédé prend du temps. Assez pour recevoir la confirmation du Caporal Achilia que les pièces d'identité sont prêtes et qu'il ne manque plus que la présence des esclaves pour permettre au tatoueur d'en effacer le passé. Hadoc prépare les métahumains à une expédition jusqu'à Shimotsuki quand Lawblood lui apporte enfin l'origine de l'infection dont ils sont victimes. Tous les homme-poissons coulent, sauf Mr T. Désirant envoyer les esclaves au tatoueurs en toute discrétion, Hadoc contacte par pigeon voyageur le Maître Chun, senseï de l'école secrète des poignards volants. Chun a pour tâche de s'assurer que personne ne témoignera de la venue d'étranger cette nuit. Chun fera ce qu'il faut, de son côté Kogaku escorte les homme-poissons jusqu'à cette ville qu'il connait. Pour demain première heure, quand l'administration sera plongée dans le chaos, les prisonniers seront libres. Les animaux, eux, seront relâchés dans différents endroits du monde, là où on sait qu'ils trouveront une nourriture adaptée à leur espèce. Quant aux agents du gouvernement, les Ghost Dogs n'en n'entendront plus parler après que Gharr se soit chargé de les reconduire sur une île déserte, avec la promesse de leur envoyer du monde pour leur servir de taxi jusqu'à une ville. Personne ne sait actuellement ce qui a convaincu les gouvernementaux de ne pas dénoncer l'entrave des Ghost Dogs, mais cela est une toute autre histoire. Bientôt le Passeur effacera toute trace de l'enclos et de la présence des cobayes. A une exception, toutefois. Gharr sentira, au milieu de la nuit suivante, des petits pas grimpant sur son futon. La lanterne éclairera le petit visage joufflu de poils blancs d'un jeune panda, visiblement tardif dans son choix d'échapper à la surveillance des humains. Il lui offrira à boire, un bout d'oreiller et le prénom de Plume.
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