L’ambiance était tendue au sein de l’équipage de Charles. L’escadron s’apprêtait à réaliser une périlleuse attaque. L’abordage est une science qui ne se maitrise pas aisément. Mais l’escadron bleu était réputé pour ces capacités à éteindre toute menace sur un navire par le seul biais d’un abordage propre et efficace. Cette fois-ci les marins agissaient pourtant en aveugle et cela empêchait toute prévisibilité dans l’attaque.
Le ciel était clair et le vent faible, la météo semblait venir en aide aux marins qui profitaient uniquement des courants pour encercler plus rapidement le voilier. Les pirates n’avaient plus tiré depuis leur sortie du cimetière d’épaves. Manifestement ils n’avaient plus de munitions ou tout du moins avait abandonné l’idée de couler l’escadron bleu à longue distance.
Les trois navires de la marine respectaient le plan préétabli et avait commencé leur manœuvre d’encerclement. La situation semblait de plus en plus complexe pour les pirates. Après une bonne demi-heure de manœuvre complexe les navires de la marine ainsi que le navire de Charles avait encerclé presque complètement l’ennemi. Tous les regards étaient braqués sur la furie de South Blue qui semblait ne plus avoir d’échappatoire. Alors que Charles s’apprêtait à donner l’ordre d’approche, le navire pirate releva les voiles. Le leader de l’escadron considéra ce signe de faiblesse comme la chance qu’il devait saisir. Il ordonna donc l’attaque, l’anonyme devait s’approcher de sa cible pour permettre aux hommes d’aborder.
Les visages étaient fermés, chacun semblaient vouloir vérifier chaque seconde ses armes comme si celles-ci risquaient de disparaitre si elles n’étaient pas constamment surveillées. Le bretteur avait déjà sorti son épée de son fourreau et tapotait frénétiquement le bastingage signe d’impatience fort. Franck était monté dans les gréements avec quelques hommes et vérifiait son fusil avec toute sa rigueur habituelle. Les hommes qui étaient avec lui l’imitaient avec conviction, les tireurs semblaient prêts à en découdre. Sur le pont le reste de l’escadron s’était équipé en conséquence. Les hommes avaient tous une épée en main, certains avait préféré relégué l’arme blanche au fourreau pour tenir en main un pistolet et un coutelas. Quelques marins portaient également de lourdes planches destinées à faciliter l’abordage. On pouvait enfin repérer des hommes portant grappin et corde se diriger vers les gréements pour aborder par le haut du navire.
Charles savait qu’il n’était plus question de grands discours, il n’y avait plus qu’à attendre. Le navire avançait inexorablement vers sa destination finale. L’attaque allait se mettre en place dans les plus brefs délais. Encore quelques minutes d’attente et le voilier pirate allait être rejoint par l’Anonyme. A cet instant la seule interrogation du bretteur était de savoir quel type d’équipage il allait rencontrer. Une question lourde de conséquence puisque l’équipage adverse était la composante clé pour envisager une victoire ou une défaite. Malheureusement pour les marins d’élite la réponse ne s’obtiendrait qu’a un moment où celle-ci deviendrai obsolète...
Le vent commença à se lever accélérant la vitesse de l’Anonyme. On pouvait déjà distinguer les silhouettes des pirates et entendre leurs cris menaçants. L’escadron répondit à ces grognements par ces propres cris. Les marins s'haranguer mutuellement tout en brandissant haut leurs armes. La situation commençait à se préciser, l’adrénaline montait en flèche et les adversaires se faisaient de plus en plus précis.
Enfin... Après des heures de traque, la bataille débuta ! Tout se passa très rapidement. L’Anonyme se porta à la hauteur du voilier ennemi. Les cris raisonnaient maintenant en tous sens, impossible d’en définir la provenance tellement ceux-ci étaient omniprésents. On distingua néanmoins un cri se détachant clairement des autres et se répercutant dans les bouches des pirates. « FEU ! » Charles écarquilla les yeux lorsqu’il vit sortir de la coque les bouches de six canons pointées vers son propre navire. En quelques instants les six canons firent exploser leurs charges et des boulets sortirent de leurs réceptacles pour venir s’enfoncer avec puissance dans la coque de l’Anonyme. On vit plusieurs marins chuter des gréements suite à ces explosions.
Charles hurla à la mort et s’élança par-dessus le bastingage pour venir prendre place sur le pont adverse. Les deux navires étaient suffisamment proches pour permettre de sauter directement de l’un à l’autre. Les marins suivirent leur chef certains sautant directement, d’autres usant des grappins ou des planches. L’épéiste se retrouva donc le premier sur le navire adverse et il s’élança directement sur un adversaire. Il lui trancha rapidement le torse et le laissa s’effondrer sur le sol. Alors qu’il s’apprêtait à s’élancer vers un autre adverse il prit conscience de la qualité de ces adversaires.
Le bruit était assourdissant et tous avaient presque trouvés un adversaire. Les combats étaient acharnés mais Charles perdit quelques secondes à examiner ces adversaires qu’il pourchassait depuis plusieurs heures. L’équipage ne devait pas être bien plus nombreux que le sien et il était composé exclusivement d’hommes à la musculature imposante. Tous arboraient des cicatrices profondes et des colliers où étaient retenues des médailles de la marine. Il était clairement évident que les pirates de cet équipage étaient des durs à cuir, ce qui expliquait en partie leurs capacités à dérober du granit marin, une des ressources les plus précieuses de la marine.
L’épéiste trouva rapidement son véritable adversaire, un homme qui se tenait un peu en retrait et bordait une barbe noire très garnies. Il devait avoisiner les deux mètres et portait une épée d’une taille impressionnante. Il portait également un manteau de la marine constellé de sang de telle sorte qu’on eut presque dit que le blanc avait complètement laissé place au rouge. Alors que Charles contemplait celui qui ne pouvait être que le capitaine du navire, celui-ci trouva également le regard du leader de l’escadron bleu. Sans attendre il laissa apparaitre un large sourire et sauta tout bonnement en direction du bretteur borgne. La massive épée du pirate trouva la lame de Charles qui ne pouvait plus reculé.
Un combat entre les chefs venait de se lancer. Autour d’eux les crépitements des balles se faisaient encore entendre et les lames s’entrechoquaient partout sur le pont du navire. Les hommes s’affaissaient régulièrement et il était impossible de définir qui prenait le dessus sur qui.
Pour l’heure Charles ne pouvait que se battre contre le premier des pirates. Il échangeait coup pour coup en respectant précautionneusement son propre style à l’épée. Il était assez facile de prévoir les attaques de l’énorme capitaine pirate mais le pont du navire était petit et largement occupée. Charles ne pouvait donc que parer et dévier du mieux possible les attaques de son ennemi. La différence de poids jouait en défaveur du soldat de la marine qui dans un si petit espace ne pouvait pas donner de véritable amplitude à ses mouvements. Les assauts répétés du pirate semblait pouvoir faire rompre les planches sous les pieds d’Higan.
Franck qui était sur les gréements de l’anonyme contemplait la scène avec bien plus de sang froid. Il constatait la perte progressive de ces frères d’armes. Il ne pouvait pourtant les épaulés plus que ce qu’il ne faisait déjà. Régulièrement il ajustait un tir et abattait un ennemi. En bas une quarantaine d’hommes s’affrontaient et le pont du voilier était si petit que tirer des hauteurs étaient presque impossible. Le tireur d’élite avait d’ailleurs fait descendre les autres tireurs, il était impossible pour eux d’ajuster proprement un tir dans cette mêlée. Le plan d’abordage de l’escadron se trouvait mis à mal par la petitesse du pont et la grande corpulence de l’équipage adverse. Franck porta alors son attention sur une partie du navire où se trouvait Charles, manifestement le combat était plus serré que d’accoutumée. Il était en effet rare de voir un épéiste tenir tête au capitaine de l’escadron bleu... Cette scène ne put qu’aggraver le sentiment d’impuissance du numéro 2 de l’équipage.
Les coups du capitaine pirate devenaient maintenant dangereusement proches du visage de Charles qui peinait de plus en plus à faire reculer son adversaire. Pourtant le bretteur à l’œil unique n’avait pas dit son dernier mot et était parvenu à taillader le tronc de son adversaire mais celui-ci semblait indifférent à toute forme d’attaque à l’épée... Alors que tout espoir était perdu l’œil expert de Charles découvrit une faille dans la garde de son adversaire alors que celui-ci s’apprêtait à réaliser une nouvelle attaque verticale. Sans plus attendre il se fendit afin d’atteindre au cœur son adversaire mais l’épée massive du pirate vint à la rencontre de la rapière du Charles et trancha complètement la lame de telle sorte que le leader bleu se retrouvait maintenant avec une garde d’épée en main...
Son regard resta néanmoins emprunt de sérieux et il ne put s’empêcher de lâcher quelques mots dans le brouhaha.
| «Je n’ai perdu que du fait de la piètre qualité de mon épée, loue ta chance d’être encore en vie.» | |
Charles était maintenant à la merci de son ennemi qui sans un mot afficha le même sourire large et dédaigneux qu’au début du combat. Il fit basculer sa massive épée au dessus de son épaule et l’abattit en direction du crâne de Charles. Le bretteur était bien décidé à ne pas esquiver ce coup qu’il considérait comme sa punition pour ne pas avoir vaincu son adversaire.
Franck, le tireur d’élite, contemplait la scène depuis les gréements de l’anonyme. Il vit la destruction de l’épée de son chef et écarquilla les yeux en voyant l’épée du capitaine pirate se lever vers le ciel. L’homme ne put s’empêcher de crier.
-«NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON !!!!!!!!!!!!!!!!»
La voix de Franck semblait couvrir le brouhaha de la bataille mais rien n’empêchait la lame du pirate de descendre de plus en plus vers le crâne de sa victime. Charles pour sa part conservait un regard mauvais à l’adresse de son adversaire. Les secondes semblèrent des heures tandis que la lame s’approchait inexorablement du bretteur borgne.
Puis... Soudain... Alors que tout espoir semblait avoir quitté Charles, un incroyable nombre de détonations s’éleva dans les airs. Le bretteur, goguenard, regardait le capitaine adverse qui semblait ne plus bouger. Après quelques secondes d’immobilisme total des deux capitaines, le plus massif des deux s’effondra sur le sol. Sur son dos, de nombreux impacts de balles étaient présents. Charles, Franck, les membres de l’escadron bleu et les pirates de la furie de South Blue portèrent tous leurs regards vers la mer où ils découvrirent la raison de ces détonations.
Deux des trois navires de la marine s’étaient approchés du voilier pirate alors que l’abordage avait lieu. Une cinquantaine de marines étaient maintenant présent le long des bastingages et avait fait feu en l’air et sur le capitaine ennemi qui était en retrait par rapport au groupe. Tous les hommes lâchèrent leurs armes alors que les soldats de la marine investissaient le navire pirate.
Un Officier de la marine monta sur le pont. Cet homme ne se présenta pas mais s’approcha de Charles pour lui parler.
-«Nous avons reçu votre missive et sommes venus comme vous avez pu le constater. Nous avons également respectés votre plan mais j’ai pris la liberté de me diriger vers la zone de combat dès que j’ai constaté que le voilier avait relevé ses voiles...
Sans nous vous seriez probablement mort mon ami... Ces hommes étaient loin d’être des pirates de bas étage. Néanmoins la réussite de cette attaque n’aurait pu avoir lieu sans votre sacrifice. Je vous remercie.»
Sans attendre de réponse d’un Charles hagard, l’officier de la marine prit la direction de la soute du navire tandis que ces hommes faisaient prisonniers les pirates encore en vie. Le granit marin fut récupéré et en prime la marine découvrit un butin d’approximativement un million de berry. Le tout fut évidemment emporté par la marine normale.
Franck avait rejoint son capitaine pour lui livrer son rapport de la bataille, il avait le teint pâle et les lèvres frémissantes. Charles attendit son rapport avec anxiété bien qu’il avait lui-même tiré ses propres estimations en contemplant les cadavres jonchant le sol.
-«Sergent Chef Higan, nous déplorons une perte d’environ 15 hommes et l’anonyme a été sévèrement touché lors de la bordée. Néanmoins nous ne souffrons d’aucune avarie et nous pourrons rejoindre aisément le QG de South Blue pour les réparations. Un des officiers à également accepté de nous confier le commandement de quelques uns de ces hommes afin qu’ils nous aident à manœuvre notre navire jusqu’au port du QG...»
Charles entendit le rapport et remercia de la tête son caporal qui avait certainement livré un effort considérable pour paraitre distant vis à vis de la situation de l'escadron. Le bretteur tenait encore en main la poignée de son épée qu’il regarda avec pitié. Cette défaite semblait cristallisée dans cette épée brisée... Certes en tant que bretteur, Charles devait aussi s’intéresser à son équipement, mais les meitous n’étaient pas des armes faciles d’accès, même pour le leader de l’escadron bleu...
De plus, avec les pertes qu’il venait de déplorer, l’obtention d’une telle arme n’était pas encore d’actualité...