Été 1612. Sur une île reculée de South Blue, un bataillon de la marine sillonne les rues d'une petite bourgade...
Lieutenant, on pourrait s'en tenir là pour aujourd'hui non ?
Le ton dans la voix de Cripel en dit long sur son degré quasi nul de motivation. Le gringalet Caporal semble se faire le porte-parole de l'ensemble des gars qui me suivent bon gré mal gré, col de chemise déboutonné, sous un soleil de plomb, agressif. Sur ce lopin de terre de South Blue, la chaleur est écrasante, il est vrai; propre à rendre une après-midi de patrouille éreintante. Mais plus que la température, c'est la mission insipide dont notre détachement à été chargé qui sape la volonté des troupes. Contrôle de routine dans la zone de l'île de l'Abondance, pour dissuader les criminels en tout genre de s'y aventurer. Même mon Commandant n'a pu caché son scepticisme lorsqu'il m'a confié cette tâche. Mais il n'a pas fait de vague, bien évidemment. Trop rompu aux absurdités de la hiérarchie, trop faux-cul pour réagir. Des yeux ronds d'étonnement contenu, un tampon, un long soupir et c'est tout. Démerde toi Lieutenant, et bon voyage.
On obéit aux ordres, Caporal...
Ma lassitude tranche avec la teneur de mes propos. Mon regard dans le vague aussi. Personne n'est dupe. Ce voyage au fin fond de South Blue, dans la zone réputée la plus calme du Blue, pour un motif incongru qui plus est, me laisse amer. On essaye d'écarter la troupe du Lieutenant Trinita des dossiers brûlants, voilà la vérité. Trop peur qu'il fasse tomber une tête connue avec son envahissante intégrité. Trop bouillonnant, trop hors normes. Politicard de mes deux... Pas grave, arrivera bien le jour où je serai suffisamment haut dans la pyramide pour faire le ménage. En attendant, je courbe l'échine. Et je retiens.
Les citadins nous regardent étrangement; peu habitués à voir défiler un petit cortège de Mouettes, je suppose. Surtout dans un non respect flagrant des codes vestimentaires de la marine, pour la plupart. Je pourrais essayer de sauver les apparences mais à quoi bon; ça reviendrait à renvoyer une fausse image de notre corps d'armée pas si irréprochable qu'il le proclame. On est là, perdu au milieu de nulle part alors qu'on serait utile ailleurs. Difficile d'en retirer un moindre motif de satisfaction. Seuls les tires-au-flanc y trouveraient leur compte, et ceux de cette espèce se tiennent loin de ma section. Cela dit, pester contre les huiles ne résoudra rien, tâchons de trouver un motif d'intérêt dans notre venue.
Bien les gars, quartier libre jusqu'à ce soir huit heures. Puis rassemblement au navire.
La nouvelle est accueillie avec plaisir. Mes subordonnés sont tous de braves gars, vaillants, et fins limiers talentueux avec ça, mais les circonstances auraient de quoi éroder la détermination des plus volontaires. La petite vingtaine d'hommes se disperse rapidement vers les boutiques et échoppes locales. Le 2nde classe Kester me propose de venir me désaltérer en compagnie de certains à la taverne la plus proche, je décline sobrement. La bière aurait l'âcre goût du dépit. À la place, je préfère battre la ville, ausculter avec minutie le tableau dans son ensemble pour en déceler les éventuelles imperfections. Mais je ne récolte pas l'ombre d'un indice en une longue heure à arpenter les quartiers et questionner ses citadins. L'île de l'Abondance regorge sans doute de tout, sauf de crimes. Un petit bout de paradis sur terre. Un véritable enfer pour moi.
En désespoir de cause, je me surprends à flâner vers la zone des ports, où un équipage est en train d'accoster, sous les regards curieux de nombreux badauds qui se pressent sur le quai. Surprenant sans le vouloir une conversation entre plusieurs d'entre eux, j'apprends l'identité particulière des nouveaux arrivants; de jeunes pensionnaires d'un centre de redressement venus participer à la rénovation d'un édifice local. Original. Par défaut, j'observe ces adolescents, dont certains ont sans doute presque mon âge, descendre en file indienne sous l'œil attentif de leurs accompagnateurs.
Attentif ? Pas tant que ça. L'un des délinquants, parmi les derniers à débarquer, se dérobe à leur vigilance un instant et fait mine de s'échapper, se fendant un passage à travers la foule à grand renfort de cris et de battements de bras. J'en souris. C'est pas bien méchant, et ça fait un peu de divertissement. Enfin. Pour ne rien gâcher, les mines outrées des habitants engoncés dans leur petit monde trop parfait sont aussi risibles que le reste. Cela serait distrayant en tout point si le jeune forcené ne commençait pas à distribuer les claques de gauche de droite. Allons bon. Et pas un adulte pour le calmer. On préfère s'écarter. Drôle de coin.
Sauf que, dans le lot un fait front; ou reste figé peut-être bien. Un drôle d'enfant silencieux. Son impassibilité en impose. La scène semble se figer une poignée de secondes, comme si l'air paisible de l'enfant apprivoisait la colère de son ainé. Et puis, l'instant d'après, le charme se brise, il le dépasse sans un regard. Sacré môme. Je le fixe un temps, avant de reporter mon attention sur le fuyard." Il va s'échapper " crie quelqu'un dans la foule.
Mais non, mais non...
Cinq pas d'élan, un saut. Une ombre survole le jeune qui en reste coi. Une main agrippe sa nuque et le plaque de force au sol. Le numéro impressionne plus qu'il ne séduit. Je redresse mon captif sans douceur, et me retourne vers l'adulte en charge.
Il est à vous je crois. Lieutenant Trinita. Il parait que vous venez retaper la vieille Chapelle du coin. Mes hommes et moi sommes pratiquement au chômage technique, on serait ravi d'aider.
Il y aura peut-être finalement du bon, dans ce voyage.
Lieutenant, on pourrait s'en tenir là pour aujourd'hui non ?
Le ton dans la voix de Cripel en dit long sur son degré quasi nul de motivation. Le gringalet Caporal semble se faire le porte-parole de l'ensemble des gars qui me suivent bon gré mal gré, col de chemise déboutonné, sous un soleil de plomb, agressif. Sur ce lopin de terre de South Blue, la chaleur est écrasante, il est vrai; propre à rendre une après-midi de patrouille éreintante. Mais plus que la température, c'est la mission insipide dont notre détachement à été chargé qui sape la volonté des troupes. Contrôle de routine dans la zone de l'île de l'Abondance, pour dissuader les criminels en tout genre de s'y aventurer. Même mon Commandant n'a pu caché son scepticisme lorsqu'il m'a confié cette tâche. Mais il n'a pas fait de vague, bien évidemment. Trop rompu aux absurdités de la hiérarchie, trop faux-cul pour réagir. Des yeux ronds d'étonnement contenu, un tampon, un long soupir et c'est tout. Démerde toi Lieutenant, et bon voyage.
On obéit aux ordres, Caporal...
Ma lassitude tranche avec la teneur de mes propos. Mon regard dans le vague aussi. Personne n'est dupe. Ce voyage au fin fond de South Blue, dans la zone réputée la plus calme du Blue, pour un motif incongru qui plus est, me laisse amer. On essaye d'écarter la troupe du Lieutenant Trinita des dossiers brûlants, voilà la vérité. Trop peur qu'il fasse tomber une tête connue avec son envahissante intégrité. Trop bouillonnant, trop hors normes. Politicard de mes deux... Pas grave, arrivera bien le jour où je serai suffisamment haut dans la pyramide pour faire le ménage. En attendant, je courbe l'échine. Et je retiens.
Les citadins nous regardent étrangement; peu habitués à voir défiler un petit cortège de Mouettes, je suppose. Surtout dans un non respect flagrant des codes vestimentaires de la marine, pour la plupart. Je pourrais essayer de sauver les apparences mais à quoi bon; ça reviendrait à renvoyer une fausse image de notre corps d'armée pas si irréprochable qu'il le proclame. On est là, perdu au milieu de nulle part alors qu'on serait utile ailleurs. Difficile d'en retirer un moindre motif de satisfaction. Seuls les tires-au-flanc y trouveraient leur compte, et ceux de cette espèce se tiennent loin de ma section. Cela dit, pester contre les huiles ne résoudra rien, tâchons de trouver un motif d'intérêt dans notre venue.
Bien les gars, quartier libre jusqu'à ce soir huit heures. Puis rassemblement au navire.
La nouvelle est accueillie avec plaisir. Mes subordonnés sont tous de braves gars, vaillants, et fins limiers talentueux avec ça, mais les circonstances auraient de quoi éroder la détermination des plus volontaires. La petite vingtaine d'hommes se disperse rapidement vers les boutiques et échoppes locales. Le 2nde classe Kester me propose de venir me désaltérer en compagnie de certains à la taverne la plus proche, je décline sobrement. La bière aurait l'âcre goût du dépit. À la place, je préfère battre la ville, ausculter avec minutie le tableau dans son ensemble pour en déceler les éventuelles imperfections. Mais je ne récolte pas l'ombre d'un indice en une longue heure à arpenter les quartiers et questionner ses citadins. L'île de l'Abondance regorge sans doute de tout, sauf de crimes. Un petit bout de paradis sur terre. Un véritable enfer pour moi.
En désespoir de cause, je me surprends à flâner vers la zone des ports, où un équipage est en train d'accoster, sous les regards curieux de nombreux badauds qui se pressent sur le quai. Surprenant sans le vouloir une conversation entre plusieurs d'entre eux, j'apprends l'identité particulière des nouveaux arrivants; de jeunes pensionnaires d'un centre de redressement venus participer à la rénovation d'un édifice local. Original. Par défaut, j'observe ces adolescents, dont certains ont sans doute presque mon âge, descendre en file indienne sous l'œil attentif de leurs accompagnateurs.
Attentif ? Pas tant que ça. L'un des délinquants, parmi les derniers à débarquer, se dérobe à leur vigilance un instant et fait mine de s'échapper, se fendant un passage à travers la foule à grand renfort de cris et de battements de bras. J'en souris. C'est pas bien méchant, et ça fait un peu de divertissement. Enfin. Pour ne rien gâcher, les mines outrées des habitants engoncés dans leur petit monde trop parfait sont aussi risibles que le reste. Cela serait distrayant en tout point si le jeune forcené ne commençait pas à distribuer les claques de gauche de droite. Allons bon. Et pas un adulte pour le calmer. On préfère s'écarter. Drôle de coin.
Sauf que, dans le lot un fait front; ou reste figé peut-être bien. Un drôle d'enfant silencieux. Son impassibilité en impose. La scène semble se figer une poignée de secondes, comme si l'air paisible de l'enfant apprivoisait la colère de son ainé. Et puis, l'instant d'après, le charme se brise, il le dépasse sans un regard. Sacré môme. Je le fixe un temps, avant de reporter mon attention sur le fuyard." Il va s'échapper " crie quelqu'un dans la foule.
Mais non, mais non...
Cinq pas d'élan, un saut. Une ombre survole le jeune qui en reste coi. Une main agrippe sa nuque et le plaque de force au sol. Le numéro impressionne plus qu'il ne séduit. Je redresse mon captif sans douceur, et me retourne vers l'adulte en charge.
Il est à vous je crois. Lieutenant Trinita. Il parait que vous venez retaper la vieille Chapelle du coin. Mes hommes et moi sommes pratiquement au chômage technique, on serait ravi d'aider.
Il y aura peut-être finalement du bon, dans ce voyage.
Dernière édition par Trinita le Mer 14 Déc 2011 - 21:55, édité 1 fois