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La leçon des pattes de lapins [suite à Bliss]

« Picky Island, une heure d’arrêt à quai ! Merci ! »

Les mains sur son veston et la trogne en poire, le professeur de superstition descendait parmi la foule depuis l’embarcadère. Il toisa un instant la poche intérieur de son costume, sa nouvelle arme ainsi que quatre fioles y valdinguaient. Une merveille de flingue fraichement commandée aux frais du gouvernement, elle est belle la vie de retraité. Jinx humait l’air frais que la tramontane impétueuse de South Blue soufflait jusqu’aux montagnes enneigées de Picky Island. Afin de donner un avant gout des reliefs de l’île aux passagers du bateau de transport, les hôtesses s’étaient empressées de donner un petit prospectus narrant les voluptés de son paysage.

« En posant les pieds sur la terre de Picky Island, vous jouirais d’un paysage à couper le souffle. Surplombant l’île de ses 2600 mètres et faisait du nez aux dieux, l’imposante Verge de Jones vous donnera des vertiges. Si vous aimez les longues balades à travers les pics rocheux, pensez à faire le plein de provisions et d’équipements dans la sympathique bourgade de Picky Town. Seul village de l’île, ses cent soixante âmes vous accueilleront avec une chaleur rare en ce monde. »


Les mains calleuses de notre homme chiffonnèrent le papelard avant de l’envoyer dans la première poubelle venue. Ce que les autres passagers firent dans le même élan, la dure loi des prospectus.


« Mon bon ami, il fait terriblement frisquet »


Donor grelotait comme un vieux à qui on n’a pas donné sa dose de tisane, il renifla bruyamment, propulsant une glaire fugitive au fond de ses cavités olfactives. Il lorgnait la fumée qui s’échappait des cheminées de la cité Pickyènne, esquivant les congères qui commençaient à se multiplier, il prit le large d’un groupe de touristes afin de plonger en plein cœur du centre. Une multitude de chaumières délabrées s’offrait à lui ainsi qu’une foule de villageois aux sourires démesurés. Le tas de badauds qu’il avait quitté précédemment étaient déjà sollicités de toutes parts par les commerçants locaux. Le vieux ne tarda pas à se faire aguicher par des vendeurs sympathiques, ce fut un bric à braque de souvenirs locaux qui passa sous son pif dégoulinant.


« Une jolie boule de neige en cristal étranger ? »


« … Ou bien une écharpe « I ♥ Picky » monsieur ? »


« Tout cela n’est rien, prenez donc un beignet de neiges chaudes toute droite sortie de la Verge de Jones ! »

Fronçant les sourcilles devant la pâtisserie d’où une neige miraculeusement fumante dégoulinait, Jinx renifla bruyamment puis racla sa gorge de la plus libérale des manières avant d’expédier un glaviot verdâtre sur les pavés blanchis par le froid. Ce n’était peut être pas d’une étouffante politesse, mais ca avait le mérite de laisser les commerçants dans l’attente d’une réponse. Réponse qui ne se fit pas prier car c’est une gros bonhomme à la bedaine imposante et à la moustache arabesque qui dispersa les vendeurs.

« Allons allons messieurs, ne voyez-vous pas que notre hôte meurt de froid ?’ »

Le bonhomme était, en plus de sa bonne condition physique, pourvu d’une large écharpe de soie signifiant son statut de maire ainsi qu’un haut-de-forme blanchâtre qui octroyait à sa tignasse grisonnante une parfaite mise en valeur. Sa veste de laine couleur neige et ses boots en poils de yaks rehaussaient d’un niveau encore la corpulence du politicien. Il tendit sa main gantée vers le vieux braquemart de l’éducation.

« Mr Valakut, maire de Picky Town et votre hôte pour vos vacances… Monsieur ? »

Tout en se raclant une nouvelle fois l’organe vocal, Jinx sortit un cigare de sa poche extérieure avant de se le fourrer dans le bec. Il fit mine de chercher dans ses poches quelques instants avant de se voir proposer une flamme par monsieur le maire. Après une large bouffée, il dérida enfin sa mine de pruneau et serra la main de son interlocuteur.

« Pfff…. Donor Jinx, patron de la firme « Legs Of Rabbits » et chercheur pour le gouvernement. »

Une chose qui est toujours intéressante lorsque ce bon vieux Donor nous offre une présentation de sa personne, c’est l’enfantillage dont il fait preuve pour mettre en avant sa condition sociale. Chez les anciens, être encore actif pour payer sa retraite, c’est classe. De toutes manières, ce n’est pas les jeunes qui travailleront pour cotiser leur fin de vie. Ca serait bien drôle qu’une société puisse fonctionner de cette manière d’ailleurs.

Toujours est-il que cette petite présentation devant le haut dignitaire des lieux fit son petit effet et Jinx se retrouva autour d’une jolie table en dentelles dans le petit salon de thé du coin.

« Un thé monsieur Donor ? »

« Ma foi jeune homme, pourquoi pas, une verveine. »

« Jeune homme ? Ahaha ! Vous me flatter monsieur Donor ! Je n’ai pas loin de soixante années maintenant, dont trente aux services de ma bourgade et de ses habitants ! »

« Vous êtes un homme dévoué mon cher ami. »

« Je vous en prie. Mais dîtes moi, que nous vaut la venue d’une gouvernemental sur notre paisible île ? C’est qu’il est de plus en plus rare de voir des marines au-delà des quelques navires qui escortent les bâtiments de tourismes maritimes. »

Bonne question. C’est d’ailleurs ce que l’auditorat de lecteurs assidus des leçons du professeur cherche à mettre en lumières. Un court aparté dans cet échange de politesses pour vous faire étendue de la quête. Cela fait maintenant une dizaine d’années que cette rumeur lui était parvenue aux esgourdes. En effet, dans la profession très fermée des profs de superstitions, des dires sur l’existence d’un vieillard se jouant des affres de la vie par une chance insolente tiennent lieux de légendes de couloirs. L’homme serait insensible aux traits des années notamment grâce à un cul de cocu à toutes épreuves. Après quelques recherches et querelles en salle des profs, lui et ses collègues avaient objecté que le supposé chanceux vivait sur l’île de Picky. Maintenant que Jinx était à son compte et retraité, il s’était mis dans la caboche qu’un homme de plus à ses cotés serait de bonne compagnie. Après moult réflexions, il était apparu que démanteler une rumeur était dans ses cordes et que seul un homme tenant lieu de mythe serait à la hauteur de la troupe d’anciens qu’il était désireux de mettre sur béquille.

« Eh bien, disons que je cherche quelqu’un, un homme, vieux, peut être…Hmmm. Cent années, il… »

« L’ermite ? Il semblerait que votre description corresponde à Garou, un vieil homme qui vit au sommet de la Verge, un individu terrifiant qui massacre nos enfants et égorge nos troupeaux. Si vous venez pour y mettre un terme, vous avez mon soutien monsieur Donor ! »

La verve du maire avait fait place nette dans les discussions animant le salon de thé. Voilà tout l’intérêt de prendre le temps de ne pas finir ses phrases, le maire venait de prendre le parti de son interlocuteur avant même que celui-ci ne témoigne ses motivations. La tasse en porcelaine s’entrechoqua avec le bois de la table, Jinx but goulûment sa gorgée de verveine et esquissa un sourire commercial.

« … Et votre crédit ? »


♦♦♦♦♦♦♦

Trente minutes plus tard, c’était un Donor chaudement vêtu qui arpentait la ruelle principale aux cotés du maire. Sa tignasse explosive s’était vue enfermée sous un bonnet de laine, une écharpe « I ♥ Picky » lui entourait le calumet et une doudoune grise triplait sa stature.

« Je me charge de vous trouver un traineau et une carte avec une approximation de son logis, mais les temps sont dures même pour nous, ne me demandez pas plus monsieur Donor. »

« Fort bien cher ami, fort bien. »

Jinx observait les touristes qu’il avait vu descendre en même temps que lui, les zouaves semblaient n’avoir déboursé un seul Berrys dans les commerces locaux. Ils reprenaient le chemin du port en pestant contre l’arnaque ventée par l’agence de voyage, puis c’est une troupe de jeunes gens en tenue de trappeurs qui déboulèrent, un peu plus loin, de la plus discrète des façons de la zone montagneuse. Balançant la fin de son cigare dans la neige, notre vieux toisa le dirlo.

« Ca marche pas fort les affaires hmmm ? Vous faites du braconnage pour arrondir les fins de mois ? »

« Du braconnage ? Seigneur non ! Les hommes font juste des tours de gardes dans le coin. Nous n’avons pas de marines pour assurer notre sécurité comme vous avez pu le constater. Concernant l’économie locale, il est vrai que nous connaissons une crise. Notre population n’est pas jeune, nous avons tous la trentaine par ici et le commerce avec les touristes nous prévoyait à tous une belle vie de famille. Malheureusement, cela fait beaucoup de temps que les gens se lassent de nos produits et que nos femmes sont parties avec les enfants. Mais vous connaissez tout cela fort bien, vous êtes aussi à votre compte monsieur Donor. »

Dans le même temps, un traineau tirait par un yak glissa vers les deux protagonistes, sous une couverture, quelques vivres dépassaient. Jinx prit place derrière les rennes et esquissa un large sourire à l’intention de son hôte.

« Je n’ai jamais était marié mon bon ami avec autre chose que les craies de l’enseignement. »

Le maire semblait quelque peu désappointé, mais ce moment de doutes ne dura pas longtemps, une carte de la région montagneuse lui vint en mains. Il tendit aussitôt le papelard givré au professeur.

« Tenez ! Suivez la carte jusqu’au point rouge, vous devrez passer par le Col des Bourses et la Crête de la Couronne Perlée, mais soyez prudent face aux dangers du hors pistes. »

« Rassurez-vous, je suis en veine ces temps-ci jeune homme ! »

D’un coup de poignet, Jinx fouetta le dos du yak et l’animal avança d’un pas sec. Après être tombé sur le cul et s’être fait assister pour se remettre debout, le prof était parti à l’assaut de la Verge de Jones par le Col des Bourses. Joyeux programme.

Un commerçant s’approcha du maire qui faisait le piquet, sur la place de son village, en regardant le chercheur s’éloigner.
« Que fait-on monsieur ? »

« Rien. Nous avons perdu un traineau, voilà tout. Des nouvelles ? »

« C’est pour bientôt.»

« Fort bien. »
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« C’est un fait mon bon ami, tu ne comprends rien à la psychologie du yak »

Le bestiau avançait en suivant les coups de rennes envoyaient sur ses flancs, mais s’arrêtait dès que Jinx lui proférait le moindre encouragement, puis repartait à la première insulte. Le genre de bête qui ne marchait pas à la flatterie, typiquement le type de personnel qu’il faudrait plus dans les bureaux des fonctionnaires de l’institution.

Après deux trois insultes bien placées sur la virilité du spécimen, Jinx continua d’arpenter les chemins enneigés des Bourses. Le vent glacial de la montagne véhiculait une multitude de gros flocons, le professeur ne ressemblait plus qu’à un braquemart des neiges avec son barda. Ses monocles ne lui permettaient plus de juger des distances et ses mains avaient troquées les douleurs de l’arthrose avec l’insensibilité des engelures.

D’une main, il déplia la carte sur la couverture de son chariot, il cherchait un point de repère pour valider sa position. Après un long moment de « je-balance-mon-haleine-sur-les-verres-de-mes-monocles » afin d’y dégager l’humidité sous forme solide qui s’y était amoncelée, Jinx aperçu une série de stalagmites géantes fossilisées « Le Pubis du Velu ». Il était sur la bonne voie.

Comble de l’action, son ventre se mit à gargouiller ce qui l’amena à lâcher un « T’es une bonne bête ». Le Yak se stoppa net et le conducteur se permit un petit aperçu des provisions généreusement octroyées par la communauté ce communes, an nombre d’une, de Picky Island. Dégageant la couverture, l’esquisse d’un rictus de déplaisir marqua profondément les pliures du visage du vieux.

« Des beignets de neiges fondus congelés… Foutue guigne ! »

Remettant sa fringale à plus tard, il reprit la route avec un « sale communiste » bien placé.

♦♦♦♦♦♦♦

La luminosité commençait à se faire de plus en plus timide, dans moins d’une heure la lune pointerait la pâleur de ses rondeurs. Le cortège avait pris toute l’après-midi pour franchir enfin le Col des Bourses. Le cap des 1500 mètres était derrière et une succession de caillasses formait la suite des opérations : la Crête de la Couronne Perlée.

« Humpf… C’est… Humpf… Bien mon beau… Humpf »

Le bestiau se stoppa net à la flatterie, à bout de souffle tout comme Jinx, le manque d’oxygène devenait de plus en plus probant. Après une rapide étude du lieu, il décida d’établir son bivouaque à l’abri du vent, sous la face Nord de la Crête.

Le vent commençait à gagner en puissance, les flocons s’épaissirent et le paysage montagneux vira en une sorte de tourte blanche où l’on y voyait pas plus loin qu’un poil de cul de yak.

« Ca vire mal mon bon ami »

La tempête gagnait en importance, la neige commençait à recouvrir le bonnet du prof, il descendit de son traîneau pour tenter une objection sur sa localisation, la carte en main et les monocles au museau. Une rafale le défaussa de son précieux bout de papiers, il eu à peine le temps d’esquisser un mouvement pour la rattraper que les flocons avaient déjà rendu la chose invisible à sa vision de presbytes. Chose saugrenue d’ailleurs qu’un presbyte se perde dans la Verge de Jones.

« Par le cul des saintes nonnes de dieu ! »

La bourde. Le juron de trop qui était parti comme le pucelage d’une catin, un meuglement étouffé par la tempête manifesta du départ de son yak parfaitement dressé aux insultes. Seul bémol, Jinx n’était plus à son bord.

Le prof marchait seul, perdu dans l’immensité de la montagne, sa doudoune grise ne lui tenait plus vraiment chaud et ses rides s’étaient figées comme des congères. Le tintement de ses fioles raisonnait contre son poitrail et le hurlement de son bide affamé alertait tout son organisme. Lorsque soudain il buta contre une surface poilue et blanche. Il porta ses mains à sa doudoune, glissa lamentablement ses doigts qui ne trouvèrent d’accroches le long de la doublure gelée, puis toisa le spécimen.

Un lapin géant à la musculature démesurée était posté bien droit devant notre homme, affublé de son plus méchant regard, Donor le dépiautait du regard. La truffe rosée du bouffeur de carottes reniflait l’odeur de maison de retraite frigorifiée qui se dégageait de l’étranger, puis il leva les pattes bien hautes. La bête devait bien faire dans les deux mètres cinquante et les quatre cents livres, un coup de pattes de lapins géants, ca doit faire son effet. Jinx colla sa main contre la surface poilue et lâcha une onde lumineuse dont il a le talent.

° Chat Noir °

Le félin traversa l’imposant rongeur et l’enseignant se contenta de regarder le résultat comme à son habitude. Le coup de latte fusa en pleine poire du vieux et le propulsa à une dizaine de mètres. Il se releva mollement en crachant une morve de sang congelée.

« Hmmm un coup de pot ? »

Alors qu’il se relevait, le vent ne soufflait plus dans son dos, il se retourna et c’est un nouveau convive aux oreilles géantes qui lui faisait face.

° Chat noir °

Une nouvelle onde frappa de plein fouet l’animal, nouveau coup de patte qui propulsa la carcasse de Jinx dans la neige de la Verge. Ses vertèbres craquèrent de la plus sinistre des façons, il se releva tout en portant une main à l’intérieur de son veston, arrachant la doudoune dans le même mouvement. Il dégaina son pistolet avec une munition de poisse hyperdosée dans le chargeur et envoya un bastos lumineux vers un nouvel arrivant. Trois félins noirs émergèrent du dos de sa cible, une attaque qui prévoyait en temps normal un châtiment terrible des affres de la guigne. Le lapin n’en fit même pas gare et envoya à son adversaire un coup de patte ascendant en plein menton. Donor décolla avant de s’écraser inconscient sur la couverture neigeuse de la Couronne Perlée.

Si le destin avait décidé d’en finir avec Jinx de cette manière, on aurait pu lancer une blague salace sur la manière dont il était mort comme un gland dans la Verge de Jones, mais il n’en sera pas ainsi.
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HMMMM ZZZzzzZZ HMMMM ROOON… GNEUH ?

Sortant d’une torpeur où les lapins géants étaient les rois du monde et les hommes cultivaient des carottes pour écrire sur les tableaux noirs de l’enseignement, Jinx s’éveilla mollement en frottant ses sourcils broussailleux. Une lumière vive lui agressait les pupilles, il était allongé sur un lit moelleux en poils de lapins et une odeur de tisane emplissait l’endroit. Des torches étaient allumées contre les parois de la cavité rocheuse, l’ombre des meubles en bois de sapin dansait sur les caillasses, un décor de bon gout et typiquement montagneux s’offrait à lui. Lui tournant le dos, face à un feu de cheminée deux ailes grisâtres et une auréole dépassaient d’un fauteuil massif. Donor se redressa doucement contre le sommier de son plumard, une douleur terrible lui tirailla le bas du dos, il grimaça et observa son corps. Sa peau fripée était recouverte de bandages et là où les bandes ne le recouvraient pas, on pouvait apercevoir de larges taches bleutées et jaunasse. Ces marques de coups se répétaient à plusieurs endroits de son anatomie, de grosses marques jaunes en forme de pattes de lapins toutes similaires les une aux autres, tel des jaunasses Brother.

Le patient resta assis sur le bord de son pieu, en caleçon de soie pure, les tifs en l’air et les monocles posaient sur son pif. Il plissait les yeux pour observer l’étrange chose qui reposait en ronflant bruyamment dans le fauteuil à cinq pieds de lui. Une sorte d’ange dont le dossier de l’assise ne lui dévoilait que les attributs ecclésiastiques, à savoir une auréole dorée et deux petites ailes aux plumes grises. Jinx se mit sur ses deux pattes après une grimace qu’on ne lui connaissait que trop bien. Il porta ses mains à ses reins et se pencha en arrière.

CRAAAAAAC

« Hum ? »

Le quidam se leva de son fauteuil en s’aidant d’un parapluie qui reposait sur ses genoux, il fit face à Donor.

La leçon des pattes de lapins [suite à Bliss] Sans_t10

« Je vous déconseille de trop bouger mon bon monsieur, vous z’avez les vertèbres et les reins en piteux z’état »

« Merci de votre sollicitude. »

Jinx était en caleçon, droit comme une virgule, face à un petit bonhomme sympathique à la barbe longue, au zozotement et aux arabesques angéliques. Le feu crépitait dans son âtre, les deux protagonistes se toisait du regard depuis maintenant une bonne minute, on aurait entendu un lapin voler.

« Une tisane ? »

« Ma foi, pourquoi pas »

Le petit vieux présenta une chaise près du feu à Donor et lui servit une tasse de décoction fumante. Après une gorgée ébouillantée que le professeur ne laissa pas paraitre, il entama la discussion.

« Drôle de bestiaux que ces mangeurs de carottes »

« En effet, ce sont des lapins géants des neiges et si vous voulez z’en savoir plus à leur sujet, je vous z’invite à me suivre dans leur terrier quand vous z’irez mieux. »

« Ce sera un sujet d’étude intéressant en effet. »

« Drôle de capacités dont vous z’avez fait preuve la nuit dernière monsieur… Monsieur ? »

« Jinx… Donor Jinx, j’en zappe la politesse excusez-moi. J’ai mangé le fruit des superstitions qui me permet de faire la poisse et la chance mes alliées, je suis moi-même professeur dans ce domaine et c’est ce qui m’a d’ailleurs mené à votre rencontre. Mais je reste étonné de vous avoir trouvé si loin de mon but, je n’ai pas passé la Crête de la Couronne Perlée ? »

« Un fruit qui donne des pouvoirs ? Eh bien voilà une chose atypique. La Crête ? Vous z’avez eu de la chance de tomber sur les lapins avant, c’est un gouffre dont personne ne réchappe. »

Donor resta un instant pensif, le maire l’aurait mené à une perte certaine de façon consciente ? Il n’en demeure pas moins que le petit père qui lui faisait conversation avait une putain de paire d’ailes.

« Je vois que vous possédez des membres peu communs ? »

« J’allais moi-même vous poser la question inverse. »

Temps de silence interminable et échange de regards hagards pour définir lequel des deux était le moins normal.

« Une autre tisane ? »

« Volontiers »

♦♦♦♦♦♦♦

Une quinzaine de langues ébouillantées plus tard, notre héros en caleçon et son hôte était pété comme des coins. La tisane tapait forte.

« Zahaha ! Mais mon bon Jinx, ce que je ne comprends pas, c’est en quoi je puis vous z’intéresser ? »

« Quel âge avez-vous cher ami ? »

« 91 ans pourquoi donc ? »

« … »

« Eh bien ? »

« Je vous pensez plus que centenaire mon ami »

« Zahahaha ! Mais pas du tout voyons ! Je suis ici que depuis une semaine et c’est étonnant que vous z’aillez déjà entendu parler de moi ! »

« … »

Jinx était… sceptique. Pour un homme de sa condition, le scepticisme n’était pas monnaie courante, mais son interlocuteur lui raconter des choses qui n’allaient pas dans le sens des rumeurs et tout le monde sait, enfin Donor, que les rumeurs sont toujours véridiques.

« Je crois que vous devriez aller refaire un petit somme mon bon Jinx, vous z’êtes encore bien mal en point. »

Donor acquiesça du menton, il se redressa avec difficulté, tituba jusqu’à sa couche, le bruit du sifflement du vent dans la grotte lui parvenait aux esgourdes. Il allongea sa carcasse sur la couverture, son hôte se mouvait vers lui avec un verre d’eau qu’il posa sur une petite commode près du lit.

« Merci mon bon ami »

« Garou… Lucky Garou. »

Jinx lui fit un large sourire puis retira son dentier et le mit dans le récipient. C’est beau les vieux.
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Un courant d’air frais fit frissonner la peau pleine de varices du professeur, il observait les torches qui dansaient sur les parois et les braises dans l’âtre. Il se releva plus vivement que la dernière fois et, après un rapide tour d’inspection, retrouva ses habits puis les mit. Son costume de satin était repassé et ses chaussures sèches. Les mains sur la doublure, il prit le chemin de la sortie pour retrouver Garou et en apprendre plus à son sujet. La soirée d’hier lui avait laissé un sacré mal de ciboulot et une pâteuse terrible, il ne sentait même plus ses dents. Putain.

Après avoir remit son dentier, Jinx reprit la route vers l’embouchure de la grotte et tomba nez à nez avec un monstros de lapinou. Peu fier de la dernière rencontre, il ne prit même pas la peine de tenter la moindre offensive, son pouvoir semblait aussi inefficace qu’un sevrage sexuel sur un champion de golf. Le lapin se baissa pour se poser sur ses quatre pattes et c’est avec plaisir que le professeur pu voir que son petit hôte s’y tenait sur une selle.

« Mon bon Garou, comment allez-vous ? »

« Vous z’êtes ? »

« … Enfin, je suis Donor Jinx, vous m’avez recueilli avant-hier soir alors que je m’étais fait mettre à l’amende par vos bouffeurs de carottes »

« Mon bon monsieur, cela n’est guère possible, je viens tout juste d’arriver ce matin pour mener un étude sur les lapins géants des neiges et vous z'êtes ici chez moi. »

« … »

Mains sur le veston et trogne en poire, il perdait un peu de son assurance face à un simple petit vieux à dos de lapin géant. Il n’empêche que l’individu avait le mérite de laisser quelque peu décontenancé.

« Enfin bon, si vous z’êtes là, ce n’est pas plus mal, j’ai besoin de bras dans le terrier. Montez monsieur Donor ! »

Jinx prit place sur la selle de son hôte et le lapin se redressa puis fit demi-tour vers le froid de la Verge. Le blizzard qui faisait rage dehors sifflait dans les oreilles du prof qui tenait fermement le manteau de tissu marron de Garou. Le chapeauté fit un quart de tour pour lui parler à l’oreille.

« Nous devons z’aider une femelle à mettre bas, j’espère que vous z’êtes pas impressionnable monsieur Donor ! »

« Ca ira sur ce point ! »

« Fort bien ! Accrochez-vous ! »

Le géant herbivore prit une impulsion formidable qui l’envoya, lui et ses passagers, à une dizaine de mètres de haut et une vingtaine de long. Jinx cru perdre l’usage de son cœur quelques instants, la réception dans la neige fit valser une nappe de froid immense, le second saut fut aussi rude pour le prof et il en fut ainsi pour la dizaine qui suivit. Au terme du voyage express, il mit semelle au sol et dégoupilla une bile de tisane, mains sur les genoux.

« C’est remuant comme transport, c’est déjà z’étonnant que vous n’ayez pas lâché prise monsieur Donor ! Ne perdons pas de temps, rentrons ! »

Le petit vieux se servait de son parapluie comme d’une canne pour avancer dans l’entrée d’un large tunnel creusait à même la neige. Jinx lui emboucha le chemin, essuyant sa salive avec le fameux petit mouchoir que les petits anciens trimballent tout le temps avec eux. A mesure que les deux quidams évoluaient dans la cavité, des lapins s’écartaient du passage devant Garou et se rapprochaient de Donor pour témoigner de leur hostilité, Jinx pressait le pas comme un gosse qui suit son père en craignant les pédophiles. Même si les violeurs avaient une gueule de peluches géantes et une carotte entre les pattes.
Soudain les deux hommes débouchèrent sur une large salle faiblement éclairée par une couche de glace épaisse qui servait de toit et d’où une faible luminosité percée. Là, sur un lit de branche de sapins et de neiges compactées, une énorme lapine agonisait de douleur. Elle reposait sur le dos et les dizaines de lapins qui étaient autour avaient les oreilles en bernes, ils dégageaient une tristesse et une inquiétude que Jinx n’aurait pu penser voir sur la trogne de ces monstres géants bouffeurs de chanvres.

« C’est grave monsieur Donor, si nous ne faisons rien, Ils z’y passeront tout deux, elle et son petit. »

« Je suis à votre écoute mon cher Garou. »

« Bien, faites moi chauffer de l’eau »

Il est marrant le sénile, faire chauffer de l’eau dans un paysage aussi glaciale, ca reviendrait à faire marcher un phoque sur une toile d’araignée. C’est le genre de truc difficile, surtout que Jinx était du genre à taxer du feu en permanence et de ne jamais en avoir sur lui. Après un léger temps de réflexion et voyant que Garou s’afférait déjà autour de la demoiselle, il prit son arme dans la poche intérieure de son veston et la chargea d’une fiole de chance surdosée. Les lapins regardaient de près ce qu’il faisait, près à lui bondir sur la gueule au premier coup de pute. Le prof retira ses monocles et les plaça à une dizaine de centimètres d’un petit tas de branches humides, avec un petit peu de pot le laser lumineux s’amplifierait à travers le carreau de ses verres et enflammerait les branchages de conifères.
Le coup partit, la patte des lapins par la même occasion, le rayon traversa les verres de Donor et s’amplifia avant de toucher le futur foyer. Trois trèfles se dispersèrent et une flamme en naquit. Coup de cul profitable. Par contre, l’allumeur était à une dizaine de mètre de là, la trace d’une patte sur la gueule, Garou lâcha un sourire.

« Monsieur Donor, vous z’êtes un drôle de bonhomme ! Pourquoi ne pas leur avoir simplement expliqué votre protocole, ils n’auraient pas z’été surpris ! Drôle de capacités dont vous jouissez z’en tout cas, prenez la gamelle sur la selle de Rabb pour chauffer la neige. »

« Kof Kof… Je vous avouerais que cela ne m’est pas venu à l’esprit de parler à des lapins… Kof Kof… »

Jinx s’exécuta et les deux compères s’afférèrent autour de la puissante maman aux oreilles majestueuses durant deux heures qui parurent interminables.

Au terme de ce délai, Garou se posa le cul sur le pommeau de son parapluie et se décoiffa de son chapeau de feutre. La mine attristée du praticien laissait transparaitre une tristesse terrible.

« J’ai bien peur que rien n’y fasse, elle est à bout de force et son petit ne se présente pas z’encore… Il faudrait un miracle. »

Donor posa sa main sur l’épaule du barbu et lâcha un large sourire.

« C’est dans mes cordes cela mon ami ! »

Jinx tendit ses deux mains vers la lapine géante, sous le regard curieux de Garou.


° Fer à Cheval °


Trois ondes lumineuses en forme de trèfles verts virevoltèrent vers la future maman avant de la traverser. Les lapins se jetèrent une nouvelle fois sur Jinx et l’envoyèrent valser dans un craquement osseux sinistre contre la paroi de glace. Le corps du prof tomba dans un bruit sourd et Garou ne pu empêcher les rongeurs de tabasser de leurs grosses pattes la carcasse encore bandée de Donor.

Un meuglement fendit le brouhaha de coups et les cris énergiques de Garou pour calmer la meute, puis un reniflement bruyant et un nouveau beuglement stoppèrent de façon définitive les pattes. Une petite boule de poils blanches baignait dans un liquide maternel, la mère à bout de souffle de nouveau sur ses pattes cajolait un nouveau congénère fraîchement né.

Les monstres s’éloignèrent de la dépouille de l’enseignant qui baignait dans une mare de sang et de bandages déchiquetés, ses cheveux étaient en bataille sur sa trogne et son dentier avait valsé dans un tas de poils de lapins. Garou porta sa main à son pou, Jinx ouvrit les yeux avec un petit sourire en coin.

« M’Oui… Kof Kof… M’Parler à des m’lapins devrait devenir une m’habitude… Kof Kof »

« Zahaha ! Vous z’êtes un vieil homme plein de talents monsieur Donor ! »


♦♦♦♦♦♦♦

Six jours plus tard, devant l’âtre de la cheminée.


« Zahahaha ! Vous z’avez vraiment fait ça Jinx ? Zahaha ! C’est une sacrée retraite la condition de chasseur de primes ! »

« Tout autant que celle de médecin zoologiste mon cher Garou ! Héhéhé »

Le deux compères se poilaient comme deux grands-mères qui font un tricot, tisane à la main et souvenirs dans la caboche. Jinx n’avait pu rentamer le dialogue quant au trou de mémoire que son nouvel ami avait pu manifester le matin du deuxième jour, mais les choses allant mieux en cette nuit de fin de semaine, il était inutile de relancer les questionnements. Après avoir passé ces quelques jours en sa compagnie, Donor avait pu se faire une opinion quant aux rumeurs par lesquelles le maire avait pu présenter Garou, le vieil homme était loin d’être une brute et un mangeur d’enfants. Il l’avait longuement questionné sur ses origines et ses motivations à être à Picky Island, il racontait qu’il ne savait plus trop ce qui l’avait amené ici, il était désireux d’en apprendre plus sur l’espèce des Lapins Géants des Neiges et que ses ailes étaient tout ce qu’il y avait de plus normal. Jinx n’avait toujours pas pu percer pourquoi ses pouvoirs ne marchaient que dans un seul sens avec l’espèce lapine et pourquoi son hôte était toujours aussi gaillard malgré son grand âge. Toujours est-il qu’il en avait vécu bien assez pour se faire à l’idée qu’un compagnon tel que Garou serait la porte ouverte à la richesse rapide et une porte fermée à l’hospice en solitaire.

« Mon bon Garou, cela fait maintenant une semaine que nous partageons la tisane ensemble. Je vous ai parlé de ma compagnie des chats noirs longuement chaque soir ainsi que de ma vie, mon cher ami, il est temps que je me lance… »

« Je suis tout ce qu’il y a de plus z’hétéro Jinx »

« Par le cul d’une sainte ! Ce n’est pas du tout le sujet ! »

« … Zahaha ! »

« … Bien… Garou, voulez-vous faire partie de ma compagnie ? Chasser les repris de justices pour s’assurer une retraite à la hauteur de notre âge et continuer l’aventure de la vie ? »

« … Votre offre, Jinx me fait un grand bien. Je suis malheureusement au regret de la refuser, j’ai trop z’à faire avec mes recherches, cela ne fait qu’une semaine que je suis là et je ne peux… »

« … A ce propos, les rumeurs vous concernant date d’une dizaine d’année, je ne pense pas que… »

« Jinx ! Bougre d’âne ! Ne remettons pas ce sujet sur le clapier ! Z’je vous l’ai déjà dit que cette histoire est saugrenue ! »

« Allons allons vieux gâteux, il est évident que vous n’avez plus toute votre tête et que… »

« Il z’uffit ! »

Sur ceux, Garou se leva de son assise et marcha avec son parapluie vers la sortie de son antre. Après avoir couvert son calumet de son chapeau de feutre, il se retourna vers Donor en s’attachant la barbe avec un morceau de ficelle.

« Jinx, demain je veux que vous quittiez la Verge de Jones »
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Les choses en étaient ainsi, Jinx était seul face à l’âtre flambant de la cheminée, il dégustait en silence les dernières gorgées de sa tisane, les flammes dansantes dans le reflet de ses monocles. Il était terriblement pensif, notamment sur les événements qui avaient rythmé cette semaine aux cotés d’un homme qu’il se figurait comme intime. Gageons que Donor était ce genre de personne à n’avoir eu que peu d’attaches aux cours de ses années d’enseignements, le fait de se lier d’intimité, en toute hétérosexualité, avec un autre petit vieux lui donnait un sourire féroce. Un chasseur de prime qui forme un équipage d’autres brigands de son acabit, ce n’est guère chose courante.

Jinx se leva du fauteuil dont il s’était fait habitude et s’empressa de rejoindre sa couche, la mine basse et les mains se tenant derrière son arrière-train. Son esprit turbinait tant qu’il buta contre son lit, une latte de bois en tomba, découvrant une petite cache. Jinx se pencha pour en saisir la tranche d’un ouvrage à la couverture grisâtre.


« Tiens Tiens… "Étude de Picky Island"»

Feuilletant les quelques pages griffonnées du bouquin, sa mine s’éclaircissait en regardant la première date.

Premier Jour d’étude, mois des grands froids, années 1613

Le gusse était donc bien là depuis dix années ! Mais pourquoi avoir menti sur ce point ? Donor faisait sa lecture à la lumière des torches, le livre ne comptait que sept pages manuscrites, le reste était vierge. Elles traitaient toutes des Lapins Géants des Neiges, l’ensemble des données étudiées composaient en majorité ce que les deux compères s’étaient exercés à découvrir durant la semaine.

« Par les poils d’un fer à cheval ! Pourquoi diable avons-nous travailler sur des données que ce vieux poilu possédait déjà ?! »

La dernière page manuscrite lui apporta une illumination qui le laissa sur les reins.

" Septième jour d’étude, mois des grands froids, année 1613,
Les Lapins Géants des Neiges sont une espèce complexe à étudier, cette première semaine m’amène à penser que pour pouvoir les approcher et me faire accepter, je dois dompter leur meneur. Je l’ai appelé Rabb, c’est un grand lapin d’une musculature bien supérieur à ses congénères, je vais tenter de lui mettre une selle ce soir. J’ai des doutes quant à mes chances, mais nuls doutes qu’après cela je serais l’un d’eux. "


« Mais c’est bien sur ! »

C’est alors qu’un courant d'air frais menaça de souffler les torches murales, Garou déboula à dos de Rabb.

« Jinx ! La mère et son petit ont disparus ! Il y a des traces z’de luttes et de pas, je crains le pire ! »

La bouche mi-close, Donor se contenta de poser l’ouvrage et se hissa sur la selle de Rabb avec l’illuminé aux ailes. Ils s’élancèrent tous les trois à travers un blizzard épais, on n’y voyait goutte ni même flocons à plus d’un mètre. Le froid se faisait de plus en plus intense et la nuit tombait aussi vite qu’une pisse de vache prête à mettre bas. Après une heure de recherche, Jinx se pencha vers Garou, les cheveux blanchis par la neige.

« IL VAUT MIEUX RENTRER, ON REPRENDRA LES RECHERCHES DEMAIN ! »

Garou serra un peu plus les rennes et finit par lâcher un signe d’approbation du museau, la mine pincée et la barbe givrée.

Après avoir retiré la selle à Rabb, Jinx fut inviter à rejoindre sa pièce pour se reposer, avant de partir, Garou qui remettait ses mitaines lui adressa une nouvelle fois ses directives.

« Cela ne change rien Jinx, demain, vous partirez. »

Le prof allait embrayer sur le pic de son hôte, mais il se ravisa, le zoologiste semblait suffisamment atteint par la perte de la femelle et son petit que Jinx pensa que ce n’était pas le meilleur moment. Il se contenta d’un signe de tête.

♦♦♦♦♦♦♦

Les torches méritaient d’être ravivées depuis une bonne heure quand Jinx quitta sa couche, il prit ses affaires et refit son lit avant de se diriger vers la sortie. Il tomba nez à nez avec Rabb et son conducteur.

« Je respecte vos choix mon ami, mais sachez que je pars en quête de la femelle et de son petit de mon côté »

« … Vous z’êtes ? »

« Hein ? Mais c’est moi Jinx ! Donor Jinx ! »

« Désolé monsieur, mais je viens d’arriver dans le coin et… »

« Non, non, vous divaguez comme je l’imaginais mon ami ! Vous êtes Lucky Garou agé de 101 ans, vous étudiez les Lapins Géants des Neiges depuis dix années sur cet île, la première semaine où vous êtes arrivé, vous vous êtes mis en tête de dompter le bestiau sur lequel vous trônez aujourd’hui. C’est durant cette tentative que vous avez dû perdre la mémoire à cause d’un coup de patte ce qui, croyez-moi, est plus que probable. Cela fait dix ans que vous revivez en permanence la même semaine, à la différence que le Lapin géant, vous l’avez déjà dompté foutre de dieu ! Et hier soir, une femelle et son petit ont été capturé et nous devons les retrouver ! DIDJU ! »

La tirade était puissant et sortit d’un trait, Jinx avait les yeux exorbités et le souffle coupé. Garou le regarda au pus profond des monocles, il tendit la pointe de son parapluie sur le front dégarni du prof et lâcha un large sourire.

« Vous z’êtes une sorte de fou local ? Zahaha allez, j’ai du travail moi »

Le lapin prit une impulsion impressionnante et partit en direction du terrier. Donor était sur le derche et pestait tous les saints du monde. Après une multitude de jurons, il prit son barda et entama une descente de la montagne, il retrouverait les deux bestiaux coûte que coûte et même s’il allait devoir demander de l’aide au village d’en bas. Le ciel était bien bleu, une journée radieuse, la température avoisinait les deux degrés et l’air qui emplissait ses poumons était plus simple à inhaler qu’il y a une semaine. Il était maintenant un montagnard de la pure espèce.

♦♦♦♦♦

Les cheminées fumantes de Picky Town lui montraient le chemin à suivre, il ne lui avait fallu qu’une demi-journée de marche et un cake aux figues pour en démordre avec la Verge de Jones et ses Bourses. Son petit ensemble de feutre était figé par la glace, mais les rides de sa peau, rougis par le froid, ne paraissaient plus autant atteint qu’il ya une semaine. Il s’était endurci le gaillard.

Déboulant dans le centre du petit village, les commerçants le regardèrent d’un mauvais œil, le maire était entrain d’aider à fixer l’enseigne d’une nouvelle boutique portant le nom de « Legs Of Rabbits ». Jinx grimaça durement, ça puait la concurrence et le plagiat. Le politicien se vit susurrer à l’oreille que l’étranger était de retour et après un regard noir, il reprit une mine sympathique, les bras en éventail et se tourna pour faire face au vieux.

« Mon très cher ami Donor ! On croyait vous avoir perdu ! Tuer par ce monstre ! »

« Laissez cela pour vos touristes voulez-vous, il n’ya qu’une seule enseigne « Legs Of Rabbits » et j’en suis le dirigeant »

« Ah ? Mais nous ne vous savions pas vivant mon très cher ami ! Nous allons y remédier »

Dans le même élan, une troupe de villageois s’étaient placés dans le dos du prof, la fin de la réplique du maire se solda par un geste de la main qui sonna le glas pour Jinx. Les dix hommes se lancèrent sur lui avant de le recouvrir de coups de lattes. D’autres villageois rejoignirent la mêlée et tout le monde en était de son coup de poings. Après une trentaine de secondes, le groupe se dispersa pour juger de l’état du vieux, ils riaient tous gras et se tapaient le bide de satisfaction. Puis les rires se muèrent en cri de terreur lorsqu’ils virent Jinx, Bien droit, les mains sur le veston et des équimoses sur tout le corps.

« Les Lapin de ce cher Garou tapaient bien plus fort messieurs. »


° 7 ans de malheurs ! °
Spoiler:


Trente félins partirent des paluches du prof, les chats noirs traversèrent chacun un agresseur, seul le maire parvint à esquiver celui qui lui était destiné. Après un court temps d’analyse de leurs blessures, les villageois lâchèrent un rire bruyant. Ca ne faisait pas mal du tout son truc.

« Allez les gars, on va l’étriper comme les lapins de l’autre débile ! »

« Je vous maudit tas de mauvais trèfles »

Soudain la neige d’une chaumière lâcha, une couche de trois mètre de neige tomba sur le coin du museau d’une troupe de dix hommes, un autre tira une balle vers Jinx, il manqua lamentablement sa cible et toucha le flanc d’un yak. Le bestiau chargea dans le tas, empalant la cuisse du tireur et rétamant six autres gusses au passage. Le vieux se lança dans le tas en balançant des coups de pieds dans les congères, les morceaux de glaces plantèrent nettes dans la peau des hommes, certain perdirent les yeux et d’autres eurent les veines coupées. Enfin, une glissade mémorable d’un gros lard, sur la surface gelée de la place, eu raison de l’articulation des cinq hommes qui se prirent le tas en plein genoux. Les autres renégats prirent soin de s’espacer du vieil homme. Le maire pestait sur ses hommes, il se réfugia dans la boutique à l’enseigne encore en berne.

Donor leva les mains au ciel et une énorme onde lumineuse noire se forma au-dessus de lui avant de s’élever comme un ballon vers le ciel.

° Sous l’Échelle ! °

Un mouvement de panique gagna la petite bourgade devant cet énorme maléfice qui avait eu raison en format mini d’une vingtaine d’homme de la plus bizarre des manières, Donor traversait la place vers la bicoque tout en esquivant les hommes qui s’agitaient autour de lui, un coup de poing fusa contre sa trogne, il ne broncha pas d’un pet de lapin, il lâcha un regard d’enseignant qui cloua son opposant sur place. Il continua son avancée et le chat noir géant explosa au bout de trente secondes en une multitude de chatons couleur nuit. Les félins traversèrent les maisons, habitants et yaks du village comme une pluie de charbons.

La suite fut un manège maudit dont le conducteur n’était autre que la poisse. Ce ne fut que cris et habitations qui tombaient en ruine, un yak chargea vers le clocher de l’église, la grosse cloche céda avant de s’écraser sur une charrette qui propulsa un tonneau de poudre dans les airs. Le tir d’une balle perdue fendit le bois du baril qui dispersa sa poudre à mesure qu’il finissait son vol. Les grains de poudres s’enflammèrent au contact d’une lanterne qui éclairait la grande rue avant de finalement embraser toute la ville. La façade de la boutique s’effondra et Jinx fit face au plus horrible des spectacles. Une devanture entière du magasin était consacrée à de géantes pattes de lapins amputées de leur propriétaire. Jinx tomba à genoux devant ce spectacle, un catalogue vola à ses genoux, le prix des pattes exposaient dans la boutique y figurait. Le maire lâcha un rire gras avant de prendre la parole.

« Eh bien monsieur Donor ? Vous semblez attristé ? Détruisez le village si bon vous semble, cela fait maintenant une paire d’année que nous capturons ses bêtes à ce vieil amnésique de Garou et ne comptez pas sur nous pour renoncer à ouvrir boutique maintenant que nous avons notre stock. Savez-vous qu’une patte de lapin se vend prés de mille Berrys pièce ? À votre avis, combien pouvons-nous tirer de pattes de Lapins géants ? Hahaha ! La chance mon ami, elle n’a pas de prix pour les touristes! Et vous, vous n’êtes pas prêt d’y gouter ! »

Le chien d’une arme raisonna contre le crâne de Jinx, un villageois en sang comptait bien l’envoyer au pays des déments. Notre héros gardait son regard plongé dans celui du maire, d’un geste rapide, il dégaina son pistolet et envoya un tir de poisse surdosée vers le politicien véreux. Pléonasme ?

Le rayon le traversa sans mal, il était resté droit comme une bougie, les yeux décomposés. L’origine de son étonnement venait de derrière Jinx, un lapin géant des neiges venait d’envoyer valser d’un coup de patte l’homme qui avait le prof en joue. Donor lança un regard par-dessus son épaule et esquissa un sourire en reconnaissant le poil blanc de Rabb.

« Jinx, désolé du retard mon ami »

Une vague de lapins géants déboula du ciel et investirent la grande place, les braconniers valdinguaient dans tous les sens, c’était le jour des carottes volantes. Le maire s’empressa de plier les gaules, mais un mauvais coup du sort s’en mêla. Un lapin se réceptionna pile sur sa tronche de Ps, Pas Sociable, l’écrasant comme une quiche d’ivrogne.

Garou descendit de sa selle et marcha lentement vers la boutique mortuaire, il resta là, longtemps sans dire un mot, jusqu’à ce que les bruits de combats cessent et que le troupeau se réunisse autour de leur vieil ami angélique. Jinx restait là, une main complaisante sur l’épaule de son ami, après un large soupir et une larme qu’il cacha avec difficulté devant la petite patte du lapin qu’il avait aidé à mettre au jour, il s’adressa à Garou.

« Mon bon ami, je dois vous dire que… »

« Non Jinx, c’est moi… Vous êtes le professeur Jinx Donor, retraité depuis et jeune chasseur de primes, vous z’êtes aussi le gérant de l’industrie de chance et de poix en fioles, « Legs Of Rabbits ». Si vous z’êtes ici, c’est pour faire de moi votre associé dans la compagne des chats noirs en ma qualité de médecin zoologiste et d’homme chanceux. C’est cela ? »

« A un détail près, ami et non pas associé mon cher Garou. Heureux de voir que vous avez retrouvé la mémoire. »

« Tout est encore un peu flou, mais un certain livre m’a quelque peu z’aidé… Je crois que tout est dit mon ami, ces lapins n’ont définitivement plus besoin de moi. Ils z’ont déjà perdu beaucoup. »

Garou tourna le dos à Jinx et s’éloigna quelque peu avec les curieux spécimens géants dont il s’était entiché. Les paroles qu’ils s’échangèrent restèrent inconnues même pour notre bon vieux professeur, mais ce n’est que lorsque la nuit tomba que le groupe de disloqua à travers la montagne dans des bonds fabuleux. Seul Rabb et Garou restèrent dans la moiteur de la soirée avant de rejoindre Jinx.

« Je voulais savoir mon ami, comment se fait-il que mes pouvoirs de poisses ne marchent pas sur ces lapins ? »

« C’est votre domaine les superstitions Jinx, non ? Je ne vous apprendrais rien z’en vous disant qu’il est ridicule de lancer une malédiction sur des porte-bonheurs géants ? »

« FOUTRE DE BORDEL DE CURÉS EN CLOQUES ! MAIS OUI ! »


MEUUUU

Sortant des décombres calcinés, le yak de Donor se mit à avancer en tirant un traineau de beignets de neiges fondues fumants. Ya pas à dire, tout les fonctionnaires devraient marcher aux insultes.
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