Le coup de la canne à pêche il l'avait lu dans un livre. Contrairement à la croyance populaire Yuji est en effet capable de lire, c'est juste qu'il a encore des problèmes avec les mots ayant trop de syllabes. Le bon côté étant qu'il avait alors tout le temps de comprendre le concept que l'auteur voulait transmettre au lecteur. Le seul hic c'est quand le bouquin le héros étant censé avoir un décors coopératif, qui met des tonneaux explosifs où il faut, des passages secrets quand c'est urgent de déguerpir et, le cas échant, des prises solides et sûres pour un hameçonnage désespéré tout en finesse. Etant donné que le principal défaut de la réalité c'est de ne pas être un livre le plan ne marcha donc pas vraiment comme prévu. C'était pas loin. On voyait l'idée. Mais la fin a été franchement cochonnée. Au mieux de se sortir sain et sauf du troupeau de marinstodontes en chasse, de manière classe et gracieuse, il a eu une prise. Le Marine savait peu de chose sur la pêche, cependant il était un peu prêt sûr que le plus gros truc qu'on puisse attraper avec un hameçon c'est une carpe de 3 kilos. Il fut donc totalement désarçonné, dans tous les sens du terme, lorsque un humain de 72 kilos transforma ses membres en ressorts à l'autre bout du fil. Celui-ci se tendit en un centième de seconde, tellement rapidement qu'il fallut à la physique un certain temps pour comprendre ce qui venait de se passer. Juste assez de temps, en fait, pour que le visage de Yuji se déforme de manière à faire comprendre au public que ça prochaine syllabe aurait été "heing ?".
La syllabe ne dépassa pas le stade de l'intention en gestation.
La physique reprit les choses en mains.
Et le Lieutenant-Colonel prit la voie des airs. Là point de réflexion: sa bouche passa directement sur "Haaaaaaa !!!!" comme une grande. La dernière chose qu'il vit ce fut le ciel (bleu), l'horizon (bleu clair), puis le sol (gris patchwork). Ho et aussi que sa ligne venait de casser. Mais qu'est-ce que ça pouvait bien changer hein ?
Miiiiiiiiiiiiiiiyaaaaaaaaaaaaaaaaaaaard !
Yuji s'écrasa. Il avait déjà pas mal d'expérience en matière d'atterrissage violent. Celui-ci faisait indéniablement partie de la catégorie "toit en tuile - sol en bois - divers choses entre ces deux points". Catégorie très large il est vrai. Il y avait toutefois une nouveauté: les débris avaient des poils. Gigotaient. Lançaient des "ook" et des "eeek" à tout va. Le plâtre fait jamais ça. Ni les briques. Une fois que le nuage de poussière se fut dissipé il vit sur quoi il avait atterrit. Dans une cage. Contenant des sacs à pommes de terre recouverts d'une étrange fourrure rousse. Le Marine prit une poignée de poils en main. Bien accrochés les bougres. On dirait des vrais. Maintenant l'utilité de la chose lui paraissait douteuse, pour ce qu'il en savait els patates il fallait plutôt les laisser au froid pour qu'elles se conservent mieux, comme tous les aliments. Un sac à fourrure est un non-sens. En fait, c'est rigolo, ils ressemblaient à une version plus longue de...Yuji arrêta de bouger. Il ne sentait plus Boota dans sa poche. Puis il vit sa taupe. Bon dieu il avait stressé pendant un instant. Il soupira de soulagement: elle se perdait si vite cette petite bête. Sauf que...elle tentait visiblement d'échapper à la poigne de fer d'un des sacs. Le propriétaire de la taupe plissa les yeux, intrigué. Puis les sacs se levèrent. Ils avaient des têtes bizarres, avec des machoires pleines de dent qui n'ont jamais entendu parler d'"uniformisation", des trèèès longs bras et des pattes aux doigts préhensibles. Une personne normale aurait épeler, ne serait-ce que mentalement, le mot singe. Un expert aurait même utilisé le terme plus précis d'orang-outang.
Le chef de la 2e Division de North Blue, lui, se contenta de foncer dans le tas. Généralement, lorsqu'un animal prenait sa taupe à pleine main, il n'avait qu'une seule idée en tête. Et de fait, ce fut un singe faisant pendre la petite bestiole en dessous de sa bouche qui reçut plusieurs tonnes de déterminations outrées en pleine poire.
Bah les pattes ! L'est à moi !
Les primates ne furent pas du même avis. Il s'en suivit une lutte aussi intense que chaotique, typique d'une vingtaines de mains et environ le même nombre de pieds qui essayaient d'attraper la même proie tout en mettant des bâtons dans les roues des autres. Les belligérants finirent même par se monter les uns sur les autres et formèrent une sorte de pyramide de l'évolution avec, aussi étonnant que cela puisse paraître, Yuji qui arrivait plus ou moins à rester au dessus. Il donna un bon coup d'poing dans la figure du dernier barreau de l'évolution qui voulait bouloter son animal de compagnie, puis sauta en bas de l'improbable édifice simiesque. Lequel, dénotant la volonté de tous ses composants de poursuivre la lutte, s'écrasa finalement au sol dans un fracas qui défonça la porte de la cage. Le Marine en profita pour prendre la poudre d'escampette. Il sortit en trombe du magasin animalier à moitié démolit et ne s'arrêta que de l'autre côté de la rue, dans ce qui fut un magasin de dessous féminins. Ce détail passa largement au dessus de la tête du Lieutenant-colonel, qui reprit son souffle contre un mur qui ne tenait plus que par le crépi. Puis il comprit tout de même que quelque chose n'allait pas. Une chute. Deux bâtiments détruits. Y avait comme qui dirait un problème mathématique. Et quand Yuji était perplexe il faisait comme tout le monde: il se renseignait:
Reeuh...Reuuuh...miyard ils étaient teigneux ceux-là, ralala. Heuuuuu héhooo. Toc toc toc. Il s'est passé quoi chez vous ? Vous avez aussi eu un problème de canne à pêche ? Une priorité refit surface dans l'esprit de Yuji. Et zauriez pas croisé un type avec des cheveux bleus genre très press...
La caisse sembla se téléporter juste devant le visage du Marine. En gardant toutefois la vitesse d'une météorite entrant dans l'atmosphère terrestre. Elle explosa littéralement sous l'impact et l'Excavateur fut projeté plusieurs mètres en arrière, et se récptionna douloureusement sur le postérieur. Lorsqu'il rouvrit les yeux il n'était plus le même. Le Yuji-d'Avant ne portait pas de petits souliers blancs, une robe noire à froufrou et une perruque blonde qui avait dûe être à la mode le siècle dernier. Il avait aussi un plumot en main. Dans son esprit innocent il prit l'ensemble pour un déguisement d'autruche. Si vous êtes "ce" genre de personne vous auriez reconnu une tenue de servante (aussi dit "maid") au premier coup d'oeil. Il faut croire que le magasin faisait aussi dans ce qu'on appel pudiquement les "activités récréatives". Il fit plusieurs tours sur lui-même. Comme toute personne dont les goûts vestimentaires se limitaient à ce que leur choisissait leur mère il conclut que ça rentrait dans la catégorie "sympa". N'empêche qu'il sentait des courant d'air à des endroits charnus de son individu, la faute à une jupe trop courte, ce qui lui permit d'ajouter la sous-catégorie "pas pratique" à sa description. Il avait déjà entendu parler des gens qui se baladaient avec des jupes, la plupart étant inexplicablement roux, et il se dit alors que ce choix peu ergonomique devait venir d'un manque de tissu disponible.
Après quelques secondes passées à détailler le Nouveau Yuji il remarqua (enfin) Hayato qui avait fait le choix douteux d'utiliser un soutien gorge comme serre-tête et une petite culotte comme mouchoire. C'est à peu près à ce moment, tandis que les deux protagonistes se remettaient de la surprise de voir son adversaire dans une tenue aussi grotesque, que la cavalerie arriva. Et elle passa aussi par une longue séance de "what the fuck ???". Les dix soldats de l'île essayent de catégoriser les deux fauteurs de troubles qu'ils avaient devant leurs yeux. Peine perdu, le manuel ne prévoit rien à propos des jupes et des petites culottes. Le petit gros avec une barbe de trois jours était visiblement les chefs. Tout le monde sait que plus on est chef et plus on est petit est gros. C'est une sorte d'adaptation hiérarchique. Quant au type à côté de lui, auquel il manquait des dents et une partie de l'acuité mentale, il était quasiement marqué "caporal" sur son front. A bien y réfléchir, en faisant preuve d'une certaine largesse d'esprit, on pouvait décrire ça comme...
- Flagrant délit d'atteinte à la pudeur publique ! J'y crois pas. Je savais que sur Grand Line certaines îles avaient des moeurs bizarres mais là c'est le ponpon. Jeff reprend toi bon sang, on en voit des vertes et des pas mures dans ce métier, et comme tu vois y a pire que les pirates. Sacrebleu il devient tout blanc ce stagiaire. Emmène le un peu plus loin Fred, c'est beaucoup pour une première journée.
- Oui sergent
- Quant à vous deux les exhibitionnistes on met les mimines en l'air. Destruction de biens privés. Vol à l'étalage. Insultes occulaires à un agent en service. Tentative de résistance à une arrêstation.
- Mais...on a encore rien résisté du tout nous !
- C'est pour gagner du temps. Les gens résistent toujours quand on leur donne des coups d'pieds dans les endroits tendre. Procédure règlementaire et tout m'voyez. Maintenant toi la branquignole tu pose - douuucement- ce dessous féminin. Et toi là, sa copine...
- J'vous d'mande pardon ?
- ... tu as quelque chose en dessus de cette tenue au moins ?
La réponse allait d'elle-même.
- Ben y a moi en dessus des vêtements, déjà
- Fait pas la maline
Le pragmatisme, le sarcasme et la stupidité crasse arrivent parfois en même temps à un carrefour mental, aucun ne voulait laisser la priorité à l'autre, et le résultat est bien souvent une réflexion philosophique digne d'un Gibon à lunette:
- Sinon, techniquement, j'pense que je suis tout nu sous mes vêtements. Si j'puis dire.
- Sang dieu c'est la cerise sur le paquebot ! Je regrette déjà d'avoir posé cette question. Bon, vous m'embarquez tout ça et vous les mettez dans des cellules séparées. On sait jamais comment ces deux bargeots pourraient interagir. Et toi toi qu'est-ce que j'ai dit à propos de la culotte nom de dieu ???
- J'vous d'mande pardon ?
- Pas à toi que je parlais
- C'est quoi "interraction" ?
- Casse pas la tête vu qu'y en aura pas. Isolement, ça vous fera du bien j'ai l'impression.
- HA BEN NON ALORS !
D'un bon il fut à côté des pirates et on entendit un claquement métalique. Les menottes cliquetiquèrent alors que Raito secouait stupidement son bras pour vérifier la réalité de ce qui venait de se passer. Un bon Marine a toujours une pair de menottes sous la main. En plus d'un éléments important du processus d'arrestation elles étaient une excellente base pour des blagues retorses lorsqu'on s'ennuyait. Dans le cas présent elles servaient à marquer la propriété du Marine.
Celui là il est à moi. J'ai eu assez de mal à mettre la main dessus didju !
Curieusement il ne lui vint jamais à l'esprit de se présenter, ce qui lui aurait évité bien des ennuis par la suite. Dans son esprit c'étaient d'abord aux nouveaux venus de se présenter. Na.