"Une mission facile, sans risque, tout en douceur."
Voilà ce que cet empaffé du QG m'avait écrit à la fin de sa missive. J'vous jure que j'lui aurais bien arraché les yeux si y avait pas eu tant d'témoins attroupés autour de nous. Vous pensez bien... "Le Commandant Toji va se faire pourrir !"... pffff, ces idiots n'avaient eu que cette phrase là en bouche... Du coup, y avait comme par hasard une sacrée foule devant l'bureau du colonel Markal, tous aussi attentifs que possible aux joyeusetés qui allaient s'y dérouler. Pourtant, c'était bien la première fois que j'mettais les pieds dans cette base ; et pour cause j'en avait nullement envie ! Toujours est-il que ma réputation de terreur despotique m'avait précédé, ainsi qu'un fort sentiment équivalent à : J'espère que ce sale poisson égocentrique va morfler comme jamais. Charmante ambiance dans la marine j'vous l'fais pas dire. Enfin, c'est pas comme si j'y pas étranger non plus huhuhu.
J'me retrouvais donc debout au garde-à-vous devant ce parfais abruti, tâchant au mieux de faire la sourde oreille aux persiflages dans mon dos, que visiblement le colonel n'avait pas l'intention d’empêcher. Quel connard j'vous jure... Mais vous m'direz, "Pourquoi l'Toji il reste comme ça à encaisser le guano, le tout sans moufté ? C'est pas son genre." Et j'vous dirai "Ben ouais, mais là j'avais pas l'choix.". Faut bien comprendre qu'à l'époque mon taux de réussite aux missions frôlait le sans faute, mais mes hauts-faits n'étaient pas encore suffisamment nombreux pour me protéger. Du coup, je n'étais pas encore aussi indispensable que de nos jours, et ma place sur une sellette était d'autant plus inconfortable. Les arènes m'ont laissé de bons souvenirs en tête et de joyeux trophées dans le salon, mais si j'pouvais éviter d'y retourner... Et là j'dois dire que ma côte était au plus bas... Quelques mois plus tôt avait lieu l’affaire de la banque du Royaume de Goa, laquelle s'était conclue officiellement par un échec cuisant de ma part. Jusque là ça passe... le tout c'est qu'avec mon tact habituel face au protocole et aux emmerdeurs, j'avais envoyé chier les convocations aux débriefings, prétextant missions et problèmes de transmission pour envoyer sur les roses tous ceux qui voulaient me réprimander en direct. J'vous dit pas comme ils ont su apprécier le geste héhéhé. Perso jm'en battais la couenne, allant d'île en île avec mes Sea Wolfs dans de superbes traques aux pirates, repartant à chaque fois suffisamment vite pour ne pas être localisé par mes supérieurs revanchards. Tout cela a très bien marché quelques mois, la belle vie tout ça tout ça...
Sauf qu'à un moment on a gaffé. Une boulette comme une autre, du genre gueule de bois trop longue associée à une erreur de la part d'un sous-of' dans le codage de nos transmissions ; et hop on était aussitôt repéré et une estafette venait en personne nous tirer du lit pour un rendez-vous avec ce charlot de Markal. J'avais eu beau courir, mes responsabilités m'avaient rattrapé. Plus question de s'faire la malle, il allait falloir serrer des dents et encaisser comme un homme... Au final ça s'est d'ailleurs pas trop mal passé, jusqu'à cette fameuse missive. J'vous épargne les bla-blas, sermons et autres regards courroucés, vu qu'ils sont passés au dessus de ma gueule de terreur comme de l'eau sur le crâne d'une anguille chauve. Surtout qu'au bout d'un moment j'ai fini pas faire les gros yeux en silence, genre "j'ai compris alors me fais plus chier" et que du coup les réprimandes se sont pas mal écourtées. De toutes façon l'affaire traînait depuis trop longtemps et mes nouvelles captures atténuaient le scandale. Mais je n'pouvais cependant pas m'en sortir indemne, histoire de marquer le coup quoi. Alors le colonel a été chargé de m'trouver une mission bien merdique pour m'passer l'envie de prendre les gens pour des cons... de celles qu'on souhaiterait pas à son pire ennemi.
L'enfoiré il n'y est pas allé avec le dos d'la cuillère ! Mais pas l'genre de mission suicide non non... celles là j'les adore ! Non, plutôt de la trempe des missions chiantes au possible, sans gloire ni honneur... le lisier du job de Marine... me faire ça à moi quoi ! "Vous tombez bien" qu'il a osé me sortir, "une mission vient juste de m'être annoncé, elle est faite pour vous." Tin' rien que d'y penser ça m'fout les glandes ! Quel gâchis que d'envoyer un formidable potentiel comme moi dans des missions de... nettoyage.
Alors j'vous arrête de-suite si vous vous imaginez que le "nettoyage" équivalait à buter des types en silence et à effacer les preuves... car c'était pas un brin ça. Entendez plutôt nettoyage dans son sens le plus simple du terme... Serpillière et seau en mains quoi ! Pffff... Pour résumer, j'étais envoyé en urgence avec un petit contingent de mes hommes, dans la demeure d'un seigneur local, tout en apparence et en snobisme. Une grande fête religieuse battait ce soir là son plein, emplissant le demeure de tout le gratin local. Sauf qu'un invité venait de faire des siennes en tapissant une des 52 chambres du sang d'une des servantes. Charmante ambiance j'vous laisse imaginez. L'affaire avait été cachée, camouflée, histoire de pas troubler leur Lëon de fin d'année. Ahah j'dois y aller arrêter le coupable ?! que j'me dis... Mon cul oui ! J'suis envoyé effacer les preuves du meurtre et brûler toute trace du carnage ! Des poursuites ? Aucune ! Le meurtrier ? Ah... c'est là que j'comprends mieux, sans pour autant que ça m'fasse avaler la pilule. Croyez moi ou pas, ce con de noble n'avait pas trouver mieux comme comble du snobisme que d'inviter l'esthète mondialement renommé Vadish Brahamizu, aussi nommé : Greed, Capitaine corsaire, anciennement primé à 200 Millions de Berrys ! Dans l'genre imprudent ça s'pose là.
Forcement Greed s'est fait un malin plaisir de taquiner la bourgeoise, puis de pourrir la soirée de braves marines comme nous en lâchant ses pulsions sur une servante dans un coin. Le mec est peinard j'vous laisse imaginez ! Aucune charge contre lui, car de un ça jetterait le déshonneur sur son hôte, et de deux qui prendrait le risque de courroucer un allier du gouvernement pour une simple servante ?! Le Gouv' aurait bien trop à perdre en mettant sur la touche un de ses précieux corsaires. Alors du coup, on envie bibi torcher sa merde avant que l'affaire n'éclabousse tout c'beau monde. Enfoirée d'amirauté ! Enfoirés de nobles ! Et surtout enfoiré de Corsaire égoïste !
J'sens qu'la soirée va être merdique... mais alors merdique à un point...