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Le Corsaire est une ordure.


"Une mission facile, sans risque, tout en douceur."

Voilà ce que cet empaffé du QG m'avait écrit à la fin de sa missive. J'vous jure que j'lui aurais bien arraché les yeux si y avait pas eu tant d'témoins attroupés autour de nous. Vous pensez bien... "Le Commandant Toji va se faire pourrir !"... pffff, ces idiots n'avaient eu que cette phrase là en bouche... Du coup, y avait comme par hasard une sacrée foule devant l'bureau du colonel Markal, tous aussi attentifs que possible aux joyeusetés qui allaient s'y dérouler. Pourtant, c'était bien la première fois que j'mettais les pieds dans cette base ; et pour cause j'en avait nullement envie ! Toujours est-il que ma réputation de terreur despotique m'avait précédé, ainsi qu'un fort sentiment équivalent à : J'espère que ce sale poisson égocentrique va morfler comme jamais. Charmante ambiance dans la marine j'vous l'fais pas dire. Enfin, c'est pas comme si j'y pas étranger non plus huhuhu.

J'me retrouvais donc debout au garde-à-vous devant ce parfais abruti, tâchant au mieux de faire la sourde oreille aux persiflages dans mon dos, que visiblement le colonel n'avait pas l'intention d’empêcher. Quel connard j'vous jure... Mais vous m'direz, "Pourquoi l'Toji il reste comme ça à encaisser le guano, le tout sans moufté ? C'est pas son genre." Et j'vous dirai "Ben ouais, mais là j'avais pas l'choix.". Faut bien comprendre qu'à l'époque mon taux de réussite aux missions frôlait le sans faute, mais mes hauts-faits n'étaient pas encore suffisamment nombreux pour me protéger. Du coup, je n'étais pas encore aussi indispensable que de nos jours, et ma place sur une sellette était d'autant plus inconfortable. Les arènes m'ont laissé de bons souvenirs en tête et de joyeux trophées dans le salon, mais si j'pouvais éviter d'y retourner... Et là j'dois dire que ma côte était au plus bas... Quelques mois plus tôt avait lieu l’affaire de la banque du Royaume de Goa, laquelle s'était conclue officiellement par un échec cuisant de ma part. Jusque là ça passe... le tout c'est qu'avec mon tact habituel face au protocole et aux emmerdeurs, j'avais envoyé chier les convocations aux débriefings, prétextant missions et problèmes de transmission pour envoyer sur les roses tous ceux qui voulaient me réprimander en direct. J'vous dit pas comme ils ont su apprécier le geste héhéhé. Perso jm'en battais la couenne, allant d'île en île avec mes Sea Wolfs dans de superbes traques aux pirates, repartant à chaque fois suffisamment vite pour ne pas être localisé par mes supérieurs revanchards. Tout cela a très bien marché quelques mois, la belle vie tout ça tout ça...



Sauf qu'à un moment on a gaffé. Une boulette comme une autre, du genre gueule de bois trop longue associée à une erreur de la part d'un sous-of' dans le codage de nos transmissions ; et hop on était aussitôt repéré et une estafette venait en personne nous tirer du lit pour un rendez-vous avec ce charlot de Markal. J'avais eu beau courir, mes responsabilités m'avaient rattrapé. Plus question de s'faire la malle, il allait falloir serrer des dents et encaisser comme un homme... Au final ça s'est d'ailleurs pas trop mal passé, jusqu'à cette fameuse missive. J'vous épargne les bla-blas, sermons et autres regards courroucés, vu qu'ils sont passés au dessus de ma gueule de terreur comme de l'eau sur le crâne d'une anguille chauve. Surtout qu'au bout d'un moment j'ai fini pas faire les gros yeux en silence, genre "j'ai compris alors me fais plus chier" et que du coup les réprimandes se sont pas mal écourtées. De toutes façon l'affaire traînait depuis trop longtemps et mes nouvelles captures atténuaient le scandale. Mais je n'pouvais cependant pas m'en sortir indemne, histoire de marquer le coup quoi. Alors le colonel a été chargé de m'trouver une mission bien merdique pour m'passer l'envie de prendre les gens pour des cons... de celles qu'on souhaiterait pas à son pire ennemi.
L'enfoiré il n'y est pas allé avec le dos d'la cuillère ! Mais pas l'genre de mission suicide non non... celles là j'les adore ! Non, plutôt de la trempe des missions chiantes au possible, sans gloire ni honneur... le lisier du job de Marine... me faire ça à moi quoi ! "Vous tombez bien" qu'il a osé me sortir, "une mission vient juste de m'être annoncé, elle est faite pour vous." Tin' rien que d'y penser ça m'fout les glandes ! Quel gâchis que d'envoyer un formidable potentiel comme moi dans des missions de... nettoyage.

Alors j'vous arrête de-suite si vous vous imaginez que le "nettoyage" équivalait à buter des types en silence et à effacer les preuves... car c'était pas un brin ça. Entendez plutôt nettoyage dans son sens le plus simple du terme... Serpillière et seau en mains quoi ! Pffff... Pour résumer, j'étais envoyé en urgence avec un petit contingent de mes hommes, dans la demeure d'un seigneur local, tout en apparence et en snobisme. Une grande fête religieuse battait ce soir là son plein, emplissant le demeure de tout le gratin local. Sauf qu'un invité venait de faire des siennes en tapissant une des 52 chambres du sang d'une des servantes. Charmante ambiance j'vous laisse imaginez. L'affaire avait été cachée, camouflée, histoire de pas troubler leur Lëon de fin d'année. Ahah j'dois y aller arrêter le coupable ?! que j'me dis... Mon cul oui ! J'suis envoyé effacer les preuves du meurtre et brûler toute trace du carnage ! Des poursuites ? Aucune ! Le meurtrier ? Ah... c'est là que j'comprends mieux, sans pour autant que ça m'fasse avaler la pilule. Croyez moi ou pas, ce con de noble n'avait pas trouver mieux comme comble du snobisme que d'inviter l'esthète mondialement renommé Vadish Brahamizu, aussi nommé : Greed, Capitaine corsaire, anciennement primé à 200 Millions de Berrys ! Dans l'genre imprudent ça s'pose là.

Forcement Greed s'est fait un malin plaisir de taquiner la bourgeoise, puis de pourrir la soirée de braves marines comme nous en lâchant ses pulsions sur une servante dans un coin. Le mec est peinard j'vous laisse imaginez ! Aucune charge contre lui, car de un ça jetterait le déshonneur sur son hôte, et de deux qui prendrait le risque de courroucer un allier du gouvernement pour une simple servante ?! Le Gouv' aurait bien trop à perdre en mettant sur la touche un de ses précieux corsaires. Alors du coup, on envie bibi torcher sa merde avant que l'affaire n'éclabousse tout c'beau monde. Enfoirée d'amirauté ! Enfoirés de nobles ! Et surtout enfoiré de Corsaire égoïste !

J'sens qu'la soirée va être merdique... mais alors merdique à un point...


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Moins d'une heure plus tard, je me trouve donc sur place,entrant en catimini par la porte de service, sous les regards apeurés des rares serviteurs qui ne sont pas occupés à satisfaire les absurdes lubies de ces festivités de Lëon. A mes côtés, j’ai deux de mes fidèles sea wolfs, tirant des gueules de six pieds d’long et traînant des pieds comme des gniards punis à grands coups de travaux d’intérêt publics. Mon statut d’officier m’oblige à un minimum d’entrain et de motivation, mais on n’peut pas en dire de même pour les deux marins que j’ai choisi. Le premier n’est autre que l’abruti qui a mal codé nos transmissions, responsable donc de notre découverte. Ça lui apprendra à être plus méticuleux dans son taff à ct’endouille. L’autre ?... Bah il s’est permis de m’taxer 1000 berrys la nuit dernière au tarot... Mais qu’on ne m’traite pas de rancunier ou de mauvais joueur, ça n’a rien à voir !

Nous voilà donc arpentant les couloirs les plus excentrés de l’immense bâtisse, sous l’œil suspicieux d’un majordome soucieux qu’on ne fasse pas plus de dégâts que ce que l’on est venu « réparer ». Faut bien dire qu’entre les deux boudeurs et ma gueule fulminante on forme un joyeux trio... de vrai boutes en train j’vous l’fais pas dire. Le pire, c’est qu’à quelques pièces de là, la fête bat son plein, de nombreux éclats de rire et rythmes endiablés perçant les murs pourtant épais. Pendant qu’il y en a qui s’marrent, d’autre épongent... pfff y aurait d’quoi s’manger une couille... le pire, c’est que cette enflure de Greed est peut-être encore sur place, profitant de la sauterie en toute impunité.



Après quelques minutes de marche et de grommellements, nous arrivons finalement à la fameuse pièce à la tapisserie douteuse, bien gardée par deux larbins soucieux que tout ceci reste bien secret. Un signe du majordome nous introduit alors dans le salon, avant de nous enfermer dedans avec lui. Tant de précautions... Nous avons alors sous les yeux une pièce dont le luxe et l’argenterie tiendrait au chaud un petit village perdu pendant au moins un an... Dorures, tapis épais, toiles de maître et comptoirs en marbre, tout y est. Le tout dans une humilité absolue bien entendu.

« Bon... on s’met au boulot ?... alors elle est tapissée où votre collègue ? »
demande-je au majordome sans aucun égard pour lui et la victime.

Après une moue tout à fait expressive, il me montrera du bout du doigt un boudoir dans un coin, dont on a tiré le paravent pour cacher le drame. Un cou d’œil derrière plus tard, il n’en faudra pas plus pour être convaincu que Greed est un taré fini. La scène arrachera même un sifflement admiratif à l’un de mes hommes, c’est pour dire.

- Pauvre Katia... » se lamentera pour sa part le majordome, la larme à l’œil.

- Oui bon ben on va pas larmoyer dix plombes non plus. Allez hop, Franz tu m’aides à transporter la viande froide pendant que Joachim nettoie l’merdier... Prends les pieds et fais bien gaffe à ne pas laisser tomber des tripes partout. »



Après quelques secondes de préparation, me voilà les deux bras du cadavre dans les palmures, en train de me dépêcher de l’transporter vers la sortie, afin de déplacer le corps dans une pièce moins exposée aux festivités. Visiblement il faut faire vite, le timing est serré... Roooh putain, c’est galère de n’pas en foutre partout sur notre passage... on aurait mieux fait de l’envelopper dans un truc, genre tapis épais quoi. Bon trop tard, on f’ra sans... Sauf que dame chance a visiblement décidé de nous faire la gueule ce soir... à peine le majordome nous précédant ouvre-t-il la porte qu’il la referme aussitôt, pâle comme un cul d’albinos ! Chier, la fête s’est déplacée et certains invités sont à l’angle du couloir ! Impossible donc de passer avec la macab’ sous l’bras l’air de rien, ces gens là se froissant pour un rien ! Va falloir attendre qu’ils se taillent tant pis... Comme ça impossible ?! On est pas pressé non ? Si, qu’il me fait le majordome ! La salle doit être nickel pour dans une demi heure, vu qu’un inviter l’a réservé pour son after ! Rooooh putaiiiiin ! Le pire c’est que les dix connards dans l’couloir peuvent très bien partir dans deux minutes, tout comme y rester pendant deux heures. Du coup pas question d’attendre, faudra trouver une solution.

- Patron, on peut pas attendre ? »
- Nan on va dépasser sur le timing. »
- Vous êtes sûr ? Ça dépend... »
- Ça dépend ?! Ben forcement ça dépend ça dépasse ! Réfléchis un peu bordel !»



Alors moi quand on m’presse, je trouve des idées. Mais comme j’suis pas tip-top motivé pour le job, ben j’hésite pas à faire au plus pressé et à trouver des solutions un poil extrêmes. Faudra pas v’nir se plaindre, j’aime pas travailler dans ces conditions là. Un coup d’œil sur un coffre à linge et l’idée est donc toute trouvée. Il faut alors pas beaucoup plus de temps pour balancer mes instructions.

- Franz, vires moi tout l’bordel qu’il y a dans cette malle, on va la foutre dedans ! »
- Mais elle rentrera jamais ! » tente –horrifié- de me convaincre le majordome.
- T’inquiète pépère qu’elle va rentrer ta copine. Fais moi confiance pour ça. »


Ni une ni deux, je jette la dénommé Katia derrière le paravent, avant de m’y engouffrer tout en me rel’vant les manches. Il va voir les miracles qu’on peut faire avec trente centimètres de lame bien aiguisée l’bonhomme ! A la première giclure en ombre chinoise le gars s’horrifie ! A la deuxième il pince les lèvres pour ne pas vomir, quant à la troisième il est blanc cassé. Faut dire qu’avec les bruitages, l’imaginaire est presque pire que la scène réelle. Quelle p’tite nature j’vous jure ! Moi pour ma part j’ai les mains dans la bidoche, Joachim m’aidant à tenir les membres au fur et à mesure que j’les dépiaute. Au beau travail d’équipe à la hauteur de notre boulot habituel : efficace bien qu’un peu sale. Du coup, à ce rythme là on avance à une bonne cadence, en tout cas suffisamment pour avoir le temps de nettoyer ensuite le merdier. Et puis soudainement c’est la catastrophe !

« Aaaaaarh ! » Que j’crie derrière mon paravent !

Le majordome affolé me voit sortir précipitamment, mon poignard king size en main et du sang jusqu’aux racines des ch’veux. Le pauvre s’imagine toutes les pires complications du monde, dans une situation qui échappe déjà pas mal à son influence. Clignant frénétiquement d’un œil, j’ai de plus l’air bien mal au point !

- Karl viens m’aider bordel ! J’ai du sang dans l’œil ! Putain d’giclure !
Salope de Katia d’mes trois couilles !
Crache-je au mépris du majordome choqué par mon irrespect des morts !

- C’est pas d’veine chef, vous avez ripé sur une artère... me souffle un Joachim désolé par le drame.



Le temps de m’essuyer la tronche avec le gilet emprunté au serviteur présent , nous revoilà en course. Putain mais ils pourraient les habiller mieux leurs loustics ici ! Qu’il est moche son gilet... on dirait une vieille serpillière pleine de trous. Bordeaux et gris, vous parlez d’un choix d’couleur !... Bon aller, c’est pas tout ça mais il me reste encore deux ou trois articulations à disloquer, sans compter la tête... Fervents admirateur d’la charcut’rie et d’la viande froide, tonton Toji est d’retour dans la partie ! Remarquez, c’est dans ces moments là qu’on fait pas mal de découvertes. A force de regarder à l'intérieur les gens, on fini par apprendre des trucs intéressants. Comme par exemple la plausible raison du pétage de plomb du Corsaire.

- Ben merde patron... votre servante... c’est un trav’.
- Katia un trav’ ? Bah c’est Greed qui a dû être le plus surpris. Mwouahahahah !
- Ahahahahah !
- Ahahaha !


Comme quoi finalement, on peut toujours s’marrer en bossant...
Suffit juste d’avoir l’humour un peu noirâtre sur les bords, huhuhu.




Dernière édition par Toji Arashibourei le Mar 10 Jan 2012 - 22:46, édité 2 fois
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Au final, il nous faudra pas plus de dix minutes pour démanteler notre très chère Katya, empaquetage du cadeau et nettoyage des restes en prime ! Joyeux Lëon à tous ! Y a pas à dire, dans notre branche on sait être efficace quand on veut. Pour un peu j’serais presque fier de moi et d’mes deux loups ; bien que le taff ait été une corvée dès le départ, c’est toujours bon d’savoir qu’on a géré comme des rois. Faudrait juste que le QG s’imagine pas qu’on va en faire une réorientation professionnel, là ça s’rait un poil abuser d’ma bonté. Surtout que l’autre empaffé de Mavrak m’a sorti comme une fleur que c’était un job normalement réservé aux agents du Cipher Pole, mais que ma présence sur les lieux m’offrait cette « magnifique opportunité de prouver ma vraie valeur »... connard !


J’me retourne donc un sourire satisfait aux lèvres vers mes deux hommes, contents eux aussi d’avoir abattu la besogne. Un coup d’œil sur ma montre plus tard, je me rends compte qu’au niveau du timing on est bon, même si c’est de pas beaucoup. Le temps que Joachim passe un dernier coup d’chiffon sur le paravent et on est bons. Franz et moi agrippons au même moment les poignées de la malle sanguinolente, histoire de prendre la poudre d’escampette aussi vite que possible. Pfff... c’était sans compter monsieur le majordome à l’estomac fragile, qui nous baptise juste au dernier instant le tapis du salon d’une jolie gerbe... et ne pensez pas à des fleurs. Non mais quel charlot ! Juste quand on allait se tirer ! Ni une ni deux j’le préviens dans l’blanc des yeux que j’suis pas d’humeur à refaire le boulot, et que c’est lui qui va s’retaper tout ça. Encore livide mais bien conscient de la menace que je représente, le gars se remémore ce que j’ai fais de sa collègue trav’ avant de prendre bien en compte mes exigences.

- Vous inquiétez pas monsieur... je vais appeler ma femme qui va nous aid... glups, qui va m’aidez dans les temps.


Quasi-instantanément, la porte s’ouvre, pour laisser entrer comme par magie une soubrette aux allures de clochardes. Niveau timing j’en reste sur le cul, la magie du mariage ? Allez savoir... En fait jm’en fous de ces conn’ries ! Pas qu’ça à glander !

- Zézètte. qu’elle se présente dans un salut crispé.
- Zézètte ?... perso je reste dubitatif...cette histoire recommence à m’pomper l’air.
- Voui M’sieur Marine. Fille de Dupond m’sieur Marine.
- C’est ç’laaaaa oui...
- Mais en fait, pour être exact j’ai maintenant pour nom Hyx m’sieur Marine...
- C’est ç’laaaa oui...
- Comme mon mari ici présent m’sieur Marine...
- Zézètte, épouse : Hyx ?
- Voui m’sieur Marine.
- ...
- ...
- ...
- Nan mais qu’est-ce que j’en ai à foutre !
Nettoyez moi cette piaule de votre saloperie digestive et aidez moi à m’débarrasser de ce satané trav’ !
Non mais oh ! Fini les conn’ries !



Ni une ni deux, le couple Hyx s’active frénétiquement à la tâche, sachant au plus profond d’eux même qu’en tassant un peu j’pourrais facilement trouver d’la place pour deux guignols de plus dans la malle. Faut bien dire qu’ils ont su m’pomper ma bonne humeur sur le retour en un temps record. Même mes deux sea wolfs se font petits derrière moi, histoire d’être sûrs de n’pas s’prendre une balle perdue. Deux minutes plus tard tout ce p’tit monde sera prêt et docile, attendant sur l’pas d’la porte le signal du départ pour la grande migration d’la barbaque. La consigne est simple : vite, discrètement, loin. On s’trouve un bout d’mer et hop ! La Katia ira rejoindre mes copains les poissons et nous notre plumard. Bien cachée dans sa malle, même en kit elle ne devrait pas attirer l’attention des fêtards que l’on pourrait croiser, sauf à la limite si l’on tombe nez à nez avec un curieux...



J’ouvre la porte en grand, donnant le signal du départ...
Un curieux me scrute alors de pied en cape, nez à nez.

- Chier...

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Bon, j'me résume la situation dans ma tête en une fraction de seconde, ce qui correspond à peu près au temps qu'il me faut pour faire un trait d'esprit digne des plus grands locuteurs :

- Chier...


Pour ce qui est d'la moïse où on se trouve moi et la bande de glandus qui est sensée m'aider, on peut grosso modo résumer ça comme ça : J'ai un cadavre en pièces détachées dans un coffre que je tiens, et qu'on hésitera pas à me mettre sur le dos pour sauver le véritable coupable. Sachant que j'y suis "presque" pour rien ça me f'rait mal ! Ensuite j'ai des gars à mes côtés aussi fins qu'un membre de la légion quand il a pas eu son kilo de viande quotidien... question d'irrigation du cerveau je crois, enfin bref... Donc pour ce qui est de paraitre naturels, vous imaginez bien que ça s'rait trop leur demander. Ce que mes Sea Wolfs gagnent en poker-face, les deux larbins le font en transparence. J'parirais qu'ils se voient déjà sur l'échafaud. Et pour finir -car à l'inverse des génocides on garde le meilleur pour le dessert- y a le mec qui est en face de nous. Le simple fait qu'il ne fasse pas partie de la maisonnée le classe direct dans la catégorie des bourges à ne surtout pas baffer, sinon ça s'rait trop simple et on aurait pas les roubignioles qui démangeraient autant. Donc pour faire simple, on est dans des sables mouvants versions cal'çon de dysentérique, avec deux corniauds qui battent des jambes pour bien accélérer la descente, sans compter l'anaconda chicos qui va s'faire un plaisir et un devoir de nous appuyer sur la tête.


Bon ok, pour une fraction de seconde ça fait beaucoup de réflexion... mais quand on a le cul dans les ronces on réfléchit plus vite, simple question d'survie ! Alors moi j'gamberge à vitesse grand V, cherchant l'inspiration pour devancer la silhouette qui nous dévisage. Sauf qu'il y a un détail qui m'chiffonne dans son profil, le genre de détail qui vous court-circuite les méninges et n'vous aide pas vraiment... Du coup je perds l'initiative et j'me fait prendre de vitesse... Pour faire simple je reste con. Ce mec, je l'connais. Ou plutôt, ce mec, tout le monde le connait... Grand, d'une stature imposante et débordant d'un charisme que ça en devient presque agressif... L'homme est affublé de la tenue de soirée la plus extravagante mais pourtant la plus belle qu'il m'ai été donnée de contempler, tout mon salaire n'en payerait même pas les boutons... Et ses yeux qui vous percent comme des poignards... Froids, métalliques, mais derrière lesquels on perçoit une intelligence retorse ainsi qu'une insatiable cupidité, presque palpable... Greed ! Capitaine corsaire et ancien pirate parmi les plus puissants de toutes les mers ! A moins de deux mètres de nous se tient la cause de tous nos malheurs de ce soir ; et celui-ci nous scrute sans ménagement.



Paralysé par la surprise de sa présence et -je l'avoue avec difficulté- par l'horrible impression de puissance qu'il dégage, j'en reste figé, la bouche mi-ouverte mi-fermée, le coffre à la main et l'esprit vide. J'en reviens tout simplement pas ! Ce fumier nous balance ses crasses, puis il nous fait rappliquer pour nettoyer ses petites affaires, pour finalement réserver à nouveau la même piaule pour ses petits plaisirs. Nan mais il nous prendrait pas pour ses bonniches ?! La gars pousse la blague jusqu'à s'permettre de revenir en toute impunité sur les lieux du crime, limite pour nous rejouer la scène une seconde fois ! Si ça ce n'est pas narguer la marine, jm'y connais pas !


J'fulmine, j'enrage ! Y la pression qui monte, monte, monte... Mes mains commencent à trembloter, mon pou s'accélère... putain c'est tout juste si j'décole pas le papier peint à côté d'moi rien qu'avec mes pulsions d'homicide ! Surtout que ce n'est pas la première fois que je me retrouve face aux extravagances de c'mec... Une première fois déjà il a eu l'occasion de m'monter en bourrique, c'était y a un bail mais j'espère lui avoir laissé au moins l'souvenir de notre entrevue, car pour ma part ça m'est bien rester en travers de la...*Glups !

Lentement, Greed passent ses multiples yeux vers nous, le coffre que nous tenons, la pièce... je vois alors son regard s'éveiller d'une étincelle de déduction... Chier ! Ce gars est un malin ! Un des pires ! Aucune chance qu'il n'ai pas compris, surtout au vu de son implication dans l'affaire. On aurait pu tomber plus mal si ça avait été un clampin étranger à notre bordel, mais je n'aime pas la tournure que la situation va prendre... Il relève ainsi la tête vers moi, plongeant son regard déroutant dans le miens... Ravalant difficilement ma salive, j'ai alors le plus de mal à ne serait-ce qu'éviter de baisser les yeux... Raaaah ! Que tu ne bouges pas Toji soit ! Mais reste fier bordel ! Ne bats pas en retraite, reste fi*... Toujours immobile, comme paralysé, je le vois alors se rapprocher de moi avant de m'écarter négligemment du revers de la main. L'horrible sourire suffisant qu'il arbore alors va rester à jamais gravé dans ma mémoire... Un sourire de pure mesquinerie. Derrière moi tout le monde s'écarte à son tour, le laissant pénétrer dans la pièce comme s'il s'agissait de son fief. Nul ne s'est imaginé une seule seconde lui refuser ce droit. Une telle sensation de domination ? Une telle frustration face à un être ? Je n'pensais jamais avoir à l'endurer !... Toujours est-il que notre homme passe à côté de moi, m'oubliant presque à l'instant où je ne lui fait plus face. Au dernier moment, il s'arrête cependant, marquant le pas avant de rentrer. Un de ses quatre visages me faisant alors toujours face, il s'adresse à moi, mais sans pour autant prendre la peine de se retourner, comme si je n'en valais pas la peine.

- Pour le petit personnel. Qu'il me susurre comme une provocation en me glissant un buillet de 10 000 berrys dans la poche de mon uniforme.



J'en reste con tandis qu'il pénétrera dans la suite, nous claquant la porte au nez sans une dernière pensée. Tout le monde se regarde... tout le monde me regarde... quant à moi je ne peux décrocher mes yeux de cette porte fermée qu'on a osé me claquer au nez... Jamais au grand jamais on ne m'a traiter comme ça. et plus jamais on ne sera amené à le refaire. La frustration se transforme progressivement en colère, puis en rage, avant de finalement se métamorphoser en le plus virulent sentiment de haine que je n'ai jamais ressenti. Vous voulez savoir pourquoi ? Tout simplement car ce jours là, je n'ai pas pu réagir... quelque chose m'a paralysé au moment où j'aurais pu, où j'aurais réagir ! La peur... la peur face à un être d'une puissance qu'il me faudrait longtemps pour égaler... Un sentiment dont je ne pensais avoir à connaitre qu'un seul côté du bâton...


Mais le pire, oh oui le pire... le pire c'est qu'à aucun moment je n'ai pu lire dans son regard le moindre signe me disant qu'il m'avait reconnu. Pour lui, je n'en vaux même pas la peine.



[Le reste de l'opération ne sera que pure formalisé... Mais cette haine viscérale qui finit ici de croitre envers Greed le corsaire aura bien des répercutions dans le futur.]
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