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Un gros poisson peut en cacher un encore plus gros!

Ce RP fait immédiatement suite à celui-ci: https://www.onepiece-requiem.net/t3365-le-festival-de-la-peche-ile-de-l-aboncance-an-1622.
Les légendes sont les mêmes.

Une dizaine de minutes s'est écoulée depuis que nous avons remontés la bête, Sergueï et moi, et bien que difficilement, je reprend progressivement mes forces. Assis dans le fond de l'embarcation, adossé à ce qu'il reste de charpente, je profite d'un repos que j'estime bien mérité. Archi, calé dans mon dos, sur le rebord, contribue à ma remise en forme par quelques massages bienfaisants, tentant même quelques approches amusantes auprès du vieil homme pour le soulager à son tour. Oisif, je laisse aller ma main dégantée au fil de l'eau, profitant de l'accalmie retrouvée de l'océan qui s'étend à perte de vue, pendant que ce qu'il reste de notre barque s'incline nettement sur son côté gauche, sous l'effet de l'animal qui pèse de tout son poids. Insouciant, je ne m'en préoccupe pas trop pour le moment, mais si nous souhaitons rapporter notre prise jusqu'à la plage, il conviendra de vite trouver une solution, avant que les lattes du bateau ne cèdent dans leur intégralité.
Je laisse paisiblement aller mon regard alentour. C'est étrange comme tout devient plus beau après avoir mis son intégrité physique en jeu. C'est curieux comme l'on peut être tenté de profiter à plein du moindre souffle d'air rafraîchissant, du moindre rayon de soleil réconfortant, du moindre grain de poussière virevoltant, de la moindre goutte d'eau qui vous saute au visage, ou encore de cette douce lumière que la condition de vivant nous permet d'apprécier à sa juste valeur.
Tantôt je tente une hasardeuse conversation avec Sergueï que j'essaie tant bien que mal de tutoyer, afin d'échanger nos ressenties vis à vis des actions précédentes, tantôt je me fends d'un simple sourire qui se veut apaisant et apaisé.
Laissant notre coque dériver tranquillement, nous sommes désormais à une distance raisonnable des côtes tandis que plus loin au large l'autre navire s'est au contraire un peu éloigné de nous. Mes paupières se closent peu à peu, m'entraînant dans un demi sommeil que j'aurais agréablement fait duré si ce qui ressemble au son d'un coup de feu ne m'avait pas fait sursauter la minute suivante.

Je rouvre brusquement les yeux, encore tout frissonnant et balaye une nouvelle fois les environs du regard. Devant, rien. Derrière, rien. A gauche, rien. Ne serait-ce donc que le fruit de mon imagination ? Non ! C'est finalement à droite que je comprend la nature du bruit précédent, juste là où se trouve le bateau de pêche. Une silhouette se dessine sur la rambarde du rafiot. Nous ne sommes pas assez près pour assurer l'identité de la personne, mais elle n'a pas l'air au mieux. Elle semble d'abord tituber, puis se retrouve à la mer l'instant d'après, probablement aidé par quelque chose ou quelqu'un tant la chute ne paraît pas naturelle, tandis que le navire active sa machinerie, apparemment prêt à mettre les voiles. Que se passe t-il ??? Quelqu'un, juste là, à une ou deux centaines de mètres de moi est en train de se noyer, et moi, comme un imbécile, je reste immobile, partagé entre les recommandations familiales et mon envie de plonger pour aller secourir l'autre. Je jette un œil sur ma main nue, un autre vers Sergueï, encore un pour la main palmée et...au diable. Je ne peux assurément pas laisser quelqu'un se noyer sous mes yeux! Tant pis pour les conséquences.


-Vous avez vu ça S...euh...t'as vu ça S...raahh non...Sergueï, je reviens dans pas longtemps...

Un plongeon plus tard, me voilà filant sous l'eau à une allure défiant les plus rapides habitants sous marins, grâce à une vitesse de pointe héritée du type de poisson que je représente. Sans me requinquer réellement, sentir l'eau pénétrer par tous les pores de ma peau me fait un bien fou. J'ai toujours aimé être sous l'eau, pouvoir me déplacer ainsi, librement, avec pour seules contraintes celles que je m'impose.
Malgré la fatigue, il ne me faut donc pas bien longtemps avant d'atteindre le corps qui doucement glisse jusqu'au fond de l'océan. Je le saisis par le bras et le remonte aussi vite que possible à la surface. Ma surprise n'est pas mince lorsque je découvre l'identité de l'homme que je tiens dans mes bras, agonisant mais toujours en vie. L'homme censé récupérer les poissons pêchés pour les distribuer au collectif des pêcheurs du sud et également donneur de récompenses et de points du concours de pêche, Mr Ping en personne, se trouve à présent à demi conscient dans l'eau, une balle clairement logée dans son épaule droite. Je tourne la tête vers Sergueï pour voir s'il m'a suivi autant que pour lui exprimer ma surprise, tandis qu'un cri aux allures familières retentit en direction du navire qui s'échappe.


-AAAAAAH !!! Putain, relâchez-moi bande de salopards où je vous arrache les couilles...
    Le repos, toi qui pinaillait et piaffait d'ennui il y a de ça quelques heures... Tu te retrouves maintenant en plein milieu d'une nonchalante sieste coupée de temps à autre par le minuscule homme poisson. C'est fou comme un corps si petit peut avoir autant d’énergies, tu n'oses imaginer à quel point il serait difficile à supporter s'il faisait ta taille. Heureusement pour toi, ça n'arrivera jamais.

    Roupillant comme un gosse contre la coque cabossée, tu te laisses aller dans une mi-conscience, encore épuisé de cette si longue pêche qui aura demandé l'utilisation de toute ta hargne. Le repos du guerrier que tu t'dis. Ce n'était pas un combat, mais tu l'as pris comme tel. C'est à l'image de ta vie que tu t'dis.

    Le blondinet te sort de temps à autre de tes pensées pour quelques discussions auxquelles tu réponds la plupart du temps par une phrase sans réelle consistance. La fatigue bouffe tes paupières qui se ferment d'elles même t’entraînant avec elles dans le doux écoulement des vagues et du sommeil. Aucun besoin de compter les moutons qui se mettent d'eux même à la file indienne, seul le tanguement des vagues et les quelques petites discussion avec le jeune blondinet viennent réveiller ton esprit de temps à autre.

    Mais celui ci est soudain mis à rude épreuve lorsque tu entends un coup de feu, ou tout du moins un bruit y ressemblant énormément. Alors tu lèves ta trogne, cambres ton pauvre corps de vieillard douloureux et tentes de comprendre d'où ça provenait. Peut être bien que tes pauvres oreilles ont confondu avec un pétard dû à la fête devant battre son plein sur l'île, mais la trogne inquiète du blondinet te fait comprendre que tu n'as pas dû te tromper. Ca y'est, le repos est déjà fini, à peine entamé qu'une autre crasse te tombe dessus. Tu laisserais bien filer, mais tu sens que l'jeunot ne doit pas être du genre à laisser la veuve et l'orphelin sans défense.

    Les six globes (quoi que quatre et demi vu la taille des deux derniers serait plus exacte) de la coque sont maint'nant tournées vers le rafiot voguant un peu plus loin. Malgré que tu sois trop loin pour voir de qui il s'agit, t'espères tout d'même que ce n'est ni une veuve ni un orphelin la victime du coup de feu. Mais le jeunot, lui, donne l'air de n'en avoir rien à faire. A croire qu'il aiderait même un lépreux... Forcément à ses yeux horrifiés tu comprends qu'il va agir. Et c'est c'qu'il fait.


    Vous avez vu ça S...euh...t'as vu ça S...raahh non...Sergueï, je reviens dans pas longtemps...

    Tu lui répondrais bien que tu n'as rien vu et que c'devait être une hallucination mais ça ne servirait pas à grand chose. Et puis t'en es tout d'même un peu heureux, qu'il se mette à agir. Ça t'montre qu'il s'assume un minimum le petiot et que lorsqu'il le faut, il sait arrêter de jouer à la sainte ni touche incapable de s’accepter comme il est. Il a même décidé de te faire un cours de natation, en bel et du forme. Comme un poisson dans l'eau que tu t'dis. San jeu d'mot. Quoi que...

    Pendant qu'il part à la rescousse du bougre s'étant fait amocher, toi tu décides d'admirer le spectacle tout en te rapprochant quand même de l'action, parce que tu l'aimes bien le petiot, et que ça serait bête qu'il ne lui arrive quelque chose. Alors tu prends la seule rame ayant résisté et tentes, tant bien que mal, de faire avancer la pauvre coque toute abîmée, fissurée, crottée et alourdie par le monstre gisant. Mais le jeunot est rapide, surtout dans son élément et tu le perds vite de vue.

    C'est au moment où il refait surface avec à ses bras le pantin rose que tu t'dis que c'est encore une histoire qui s'annonce mal. Mais si ce n'est que lui, qui n'est ni veuf ni orphelin, il reste peut être encore des chances pour que tu puisses voir une choppe de bière avant la fin de l'heure. Sauf qu'un malheur n'arrive jamais seul et des cris d'une voix que tu crois reconnaître viennent mettre à néant tes rêves de beuverie. Plein de grossièreté dans ses paroles, aucune once de sympathie, tu croirais t'entendre. Mais tu croirais surtout entendre la voix de l'amie d'Heïon...

    Mirant le jeunot, son visage te fait comprendre que tu n'as sûrement pas tort. Quant à la bestiolle, ce son famillier l'a rendu folle, et c'est à coup de gesticulations en tous sens que l'animal te pousse à buoger tes guibolles jusqu'au bateau.


    _Mais le vieux, tu vas te bouger un peu ! J'suis sur que c'est la voix de Maïna qu'on a entendu, et t'as vu ce qu'ils ont fait du pauvre monsieur Ping ! Bwouarf !

    _Mmmh, j't'ai déjà dit que tu causais trop l'insecte ? C'est l'heure d'ma sieste là …

    _Non mais tu ne vas pas laisser Heïon tout seul !

    _Bon ça va j'ai compris...

    Étant à portée de guibolle de l'autre coque, tu sautes sur le navire inconnu, affichant la bouille des mauvais jours. Quand tu veux d'l'action, tu t'ennuies, et quand tu veux t'reposer tu as d'l'action. Qu'est ce que la vie est mal-foutue parfois... Alors tu décides de la jouer simple, peut être même un peu trop et tu te mets à crier sans faire la moindre attention à un éventuel agresseur.

    _Bon c'est à qui que j'dois péter les dents pour pouvoir m'reposer ?
      Pendant quelques secondes, mon regard se hasarde avec surprise de gauche à droite puis de bas en haut, afin de déterminer la provenance exacte de la voix. Finalement, il se fige entre deux des barreaux composant la rampe de protection du navire de pêche qui me fait face. Pas de doute, cette voix, c'est bien celle de Maïna. Aux prises avec trois types aux mines patibulaire, elle se débat comme une diablesse pour desserrer l'étreinte de celui, derrière elle, qui la ceinture et tente de la maintenir immobile tandis que les deux autres s'évertuent à esquiver les gifles pour lui bloquer les bras. Pas du genre à se laisser faire, Maïna envoie un uppercut du pied en dessous de la ceinture du type de derrière qui retombe à genou en se tenant les parties génitales. Passablement agacés, les deux autres se rapprochent en faisant craquer leurs phalanges.

      La situation n'est pas des plus simples. Dans mes bras, monsieur Ping gît, à demi conscient, tandis qu'un peu plus loin, sur le pont du chalutier, Maïna se débat du mieux qu'elle peut. Si je décide de lui venir en aide, monsieur Ping risque d'y passer. En revanche, si je choisi d'accompagner au plus vite le blessé chez un médecin, le temps utilisé risque d'être fatal à mon amie de toujours. Tout en réfléchissant, je tourne la tête en quête d'une aide quelconque lorsque mes yeux se plantent sur la barque du concours. Sergueï, encouragé, ou peut être découragé plutôt, par les paroles d'Archi a eu la bonne idée de me rejoindre. Sans un mot il passe devant moi et dirige l'embarcation vers l'autre bateau dans le but de l'accoster, pendant qu'Archi profite de l'aubaine pour retrouver sa place sur mon épaule.

      Quelque chose gesticule maintenant contre moi. Toujours lové tel une jouvencelle enamourée, le blessé attire mon attention. Il semble souffrir terriblement et pas besoin d'avoir fait dix ans de médecine pour constater que la balle logée dans son épaule droite n'est pas prête au moindre effort pour soulager sa victime. L'homme me saisit la toge comme pour attirer mon oreille jusqu'à ses lèvres. Je me laisse entraîner pour l'entendre difficilement balbutier quelques mots.


      -...han han...salopards...jamais dû faire confiance...han han...sauvez moi...han han...le poisson...tout dans le poisson...han han...

      La phrase me paraît bien énigmatique, mais pas le temps de m'y attarder. Plus haut, Maïna remet ça.

      -N'essayez même pas de m'approcher espèces de sous merdes...

      Un nouveau coup de pointu juste à l'entre-jambe d'un des deux types de face qui se tord de douleur à son tour, puis une autre savate en direction du visage du second type, qui d'après les autres répond au nom de Rodic. Erreur dommageable, puisque ce dernier lui bloque le pied avant de la repousser, avant que, après avoir reprit des couleurs, celui qui la ceinturait au début ne la fasse trébucher en lui saisissant le pied d'appui. Le dénommé Rodic lui évite alors la chute en la rattrapant par la gorge, puis il vient coller son visage au sien.

      -Alors chérie, le chaton s'prend pour une tigresse...héhé...tout doux, t'inquiètes pas, on a c'qui faut pour te dompter...

      Ses deux compères se sont relevés et la maintiennent désormais par les bras, la laissant impuissante ou presque. Raclant le fond de sa gorge, elle balance au visage de son tortionnaire un crachat teinté de toute sa rage du moment. En gardant toujours son regard planté dans le sien, l'autre relâche son étreinte à la gorge pour s'essuyer la joue avant de lui attraper les cheveux. Il la respire un instant, recule, passe sa langue sur ses lèvres et d'un ton aussi sadique que méprisant.

      -Minou minou minou...

      BAF ! Après avoir pris son élan il frappe Maïna au visage, d'une gifle retentissante. Violent, le coup fait valser la tête de mon amie contre le bois du pont. Le choc est rude et Maïna semble groggy, bien que quelques tremblements incontrôlés me font comprendre qu'elle est encore consciente.

      J'ai envie de hurler, de sauter sur ce navire et de foncer droit devant pour m'acharner sur tout ce qui se met en travers de ma route. Ce sentiment, jamais je ne l'ai ressentie. Cette colère, elle ne me plaît pas. Cette rage, elle me met mal à l'aise. Comme si je perdais le contrôle et que tout pouvait arriver. Comme si tout ce que j'exècre de haine et de violence s'invitait en même temps pour m'inciter à la vengeance.
      Non, pas maintenant. Je dois reprendre mon calme et le contrôle de moi-même. Ça reste le moyen le plus sûr de venir en aide à Maïna. Je ne connais pas le nombre total de personnes sur ce raffiot, mais je dispose d'un avantage que je ne peux pas me permettre de sacrifier, car si je les vois, eux n'ont encore aucune information sur ma présence.


      -Bon, c'est à qui que j'dois péter les dents pour pouvoir m'reposer ?

      A n'en pas douter, Sergueï a décidé d'adopter une tactique relativement différente de la mienne. Pour la discrétion on repassera. Cependant il n'en est pas moins sur le navire, prêt à en découdre. Cette intervention aura entre autre le mérite de détourner un peu plus l'attention des ravisseurs qui relèvent la tête dans sa direction, à mon exact opposé.
      Vite, je dois déposer monsieur Ping quelque part sans me faire remarquer. Le barque du concours accrochée au bateau par le vieil homme fera l'affaire. Maintenant retour à mon point d'observation privilégié. Même si l'action ne m'a pris que peu de temps, les trois types sont déjà très proches de mon partenaire, tous trois armés d'un couteau de boucher. Rodic prend la parole.


      -Tod, occupe toi du chaton ! Assure toi qu'elle ne nous créé plus d'ennuis, mais vas y mollo, ne la tue pas, j'ai encore un peu envie de m'amuser avec elle. Lou, tu viens avec moi, on va s'faire le vioque tranquillement tous les deux ! Et au cas où il y aurait souci...

      Un regard complice à son coéquipier qui le lui rend par un sourire fourbe.

      Maïna reprend son souffle, à présent plantée à quatre pattes sur les planches, un filet de sang s'échappant doucement de sa bouche pour venir terminer sa course sur le sol, en se mélangeant aux larmes qu'elle ne peut retenir. Le prénommé Tod se penche au dessus d'elle, lui saisit les cheveux, tire sa tête un peu en arrière puis brandit son arme devant ses yeux inquiets.


      -Aller chaton, laisse moi donc t'arranger le sourire...mwahahahaha...

      Mon sang ne fait qu'un tour. Tout mon corps se met à frémir de colère. Archi s'agite entre mon épaule et le dessus de mon crâne. Son impatience accentue un peu plus la tension.

      -T'attends quoi pour réagir gamin ?!?

      -CA SUFFIT...LAISSEZ LA TRANQUILLE...

      Sans trop savoir où ça va me mener, je saisis la canne à pêche dans mon dos, pas celle du concours mais l'autre, que papa m'a fabriqué, munie de quatre ligne hameçonnée et d'une amovible. D'un mouvement habile et précis, je lance une des lignes en direction de Tod. Le fil s'enroule autour de son abdomen puis d'un mouvement sec et décidé.
      « Stay in peace »
      L'autre s'envole dans un arrondi qui l'entraîne droit vers la mer, la tête la première, alors que j'attends l'instant de l'impact pour libérer mon étreinte.
      Après confirmation que le gars est hors d'état de nuire pour au moins quelques instants, je m'accroche aux parois du chalutier pour accéder au pont. Tout en me dirigeant vers Maïna je redresse la tête pour apercevoir Rodic et Lou me lancer un regard noir en se ruant sur Sergueï. Derrière mon camarade, un nouveau venu s'invite dans la danse. Sans savoir si le vieil homme l'a remarqué, l'instinct parle le premier.


      -Sergueï...derrière...attention !
        Apparemment les guss du bateau pensent pouvoir t'botter les fesses avec de simples couteaux de boucher, ils n'ont pas l'air d'avoir compris à qui ils ont affaire. Ils pensent vraiment devoir affronter un vieillard édenté par les années ? Ah pour sûr oui. Encore une fois ces bougres n'ont fait attention qu'à l'apparence, et tu vas te faire un plaisir de leur montrer que malgré les printemps passés, tu as gardé un paquet de rage dans les poings.

        Les deux bandits s'approchent de toi, prêt à en découdre et à coller quelques cicatrices à ton corps déjà assez taillé par des combats passés. Toi, tu gardes les mains dans tes poches, l'air résigné par ce qu'il va se passer, mais le visage tout de même assez fermé pour qu'ils comprennent ton énervement. Les deux méchants, eux, gardent cet air sadique que tout bon méchant doit posséder, ce genre de regard qui t'a toujours donné une envie de meurtre. Mais cette fois, tu fais avec, s'ils veulent jouer au regard carnassier, tu sais y faire aussi dans ce domaine. Alors tu leurs rends un regard pour bien leur faire comprendre ton point de vue. Tu aurais dit « vous n'êtes que de minables petites crottes sans interêt » que ça n'aurait pas été plus clair.

        Le troisième larron de la foire quant à lui tente de s'amuser avec la fillette. Si tu ne te trompes pas, c'est à cause d'elle que tu te retrouves encore dans ce pétrin, et c'est elle que l'insecte t'a demandé de protéger. Alors tu t’exécutes, et tentes de partir l'aider lorsque tu vois une jolie corde entourer l'abdomen du pervers. Ça t'arrange bien cette histoire, parce qu'avec deux guss dans les pattes, tu as beau bomber le torse comme il faut, ça risque déjà d'être compliqué.

        C'est ce moment que choisissent les deux autres gosses pour entrer dans la danse sans fioriture, mais avec la volonté d'faire de la confiture sanguine. Un coup en avant, deux de travers, trois sur le côté, leurs lames volent en ta direction sans discontinuer et tu es obligé de virevolter en tous sens pour éviter de finir empalé.


        -Sergueï...derrière...attention !

        Forcément tu tiques et profites d'une demi seconde de répis pour tourner ta trogne. Bien joué que tu te dis, ça te permet de voir un autre larron entrer sur scène et d'éviter son coup de rasoir. N'ayant déjà plus beaucoup de cheveux, tu n'as vraiment pas besoin d'un autre rasage. Les trois adversaires font une pause, se marrant bien de te voir ainsi encerclé, pris au piège. Toi, tu serres les dents en te disant que ça va saigner bien comme il faut, et que quand tu en auras fini avec eux, tu t'feras un grand plaisir de déformer leur sale sourire jusqu'à ce qu'on ne puisse même plus les reconnaître.

        _Bon, pas que j'm'ennuies, mais c'est quand qu'on commence les choses sérieuses les gonzesses ? Faut arrêter d'refaire votre maquillage et y aller là. Je commences à m'ennuyer moi.

        Il n'y'a pas de raisons que tu sois le seul d'énervé ici, alors tu les provoques. C'est facile, très enfantin mais ça marche bien plus souvent que l'on ne le croit. Preuve en est faite lorsque le plus stupide fonce vers toi pour te faire taire, sans trop faire attention à sa garde. Son instrument de torture levé haut vers le ciel t'offre assez d'espace pour enfoncer ton poing dans son estomac. Pris de surprise, il se recule sous le choc et laisse les deux autres tenter de le venger.

        Le problème avec les lames, c'est que tu n'as rien sous la main pour parer et que tu ne peux donc qu'éviter. Mais toi, tu as toujours été à moitié fou, à moitié bête, tu n'as jamais rien eu à faire des risques pris, alors tu te décides à attaquer dans le lard, sans grâce ni sagesse. Lorsque l'un des guss tente encore une fois de te trancher en deux, tu frappes au même moment son bras pour arrêter son coup et profites de sa douleur pour le prendre par le col et t'en servir de bouclier humain contre l'autre. Forcément ça hésite du côté du dernier larron. Son compagnon se trouve maintenant entre vous deux et subit une multitude de coups de poings de toutes parts, histoire de réussir à l’assommer.
          La mise en garde est lancée et Sergueï se l'approprie pour éviter habilement le coup de couteau du type qui tente de le prendre à revers. Les coups pleuvent de toutes parts. Bien campé sur ses jambes mon comparse, esquive et réplique avec ardeur. Décidément, le vieux dispose de multiples ressources insoupçonnées. Ses déplacements font penser à ceux du boxeur rompu aux combats et bonifié par l'expérience acquise par des années à vivre à la dure. Un de ces trois adversaires est déjà sur le recul, sonné par le bourre pif qu'il vient d'encaisser, tandis qu'un second larron agrippé au col par une poigne de fer, se transforme rapidement en punching-ball pour vieillard en mal de défouloir. Sergueï se débrouille vraiment bien. Suffisamment bien pour me permettre de m’enquérir du bien être de Maïna pendant qu'Archi donne de la voix pour encourager le camarade.
          Posant un genou à terre, mon visage se voulant apaisant,je lui saisis la main en tournant son visage dans ma direction pour la rassurer. La gifle précédente a assurément laissé des traces. Son oreille gauche laisse s'échapper un filet de sang qui a pris le temps de maculer sa tignasse, tandis que la joue touchée et gonflée se pare d'un bleu foncé qui vire doucement vers le noir. Etourdie, le regard trouble, Maïna semble d'abord me distinguer sans réellement me voir. Puis finalement, après quelques secondes d'inertie, la mise au point se fait plus précise et un léger sourire en coin me renvoie le mien. Difficilement, elle tente d'articuler quelques mots.


          -He...Heïon...je..je t'ai retrouvé finalement...pour le concours...kuf kuf...t'as perdu tu sais...

          Un nouveau sourire puis ses yeux se voilent avant de se rouvrir la seconde suivante, beaucoup plus brusquement, fixés sur mes arrières. Ils s'écarquillent un peu plus encore jusqu'à devenir ronds d'inquiétude, alors qu'une lueur les traverse, reflétant une silhouette suspecte. Maïna tente encore de parler mais seul quelques sons inaudibles sortent de sa gorge. Plus de doute, quelque chose se trame dans mon dos, et sûrement rien de bien réjouissant. D'un réflexe conditionné, je roule sur ma droite tout en repoussant mon amie de l'autre côté. Tandis que ma roulade est stoppée par un matelas de poissons frais, probablement ceux du concours de pêche déposés ici par monsieur Ping, une lame vient se ficher pile à l'endroit où nous nous trouvions l'instant d'avant.

          Déjà ? Tod, que j'avais entraîné juste avant dans une petite danse subaquatique, est déjà de retour, plus énervé que jamais, trempé jusqu'aux os et écumant d'une rage clairement orientée sur ma personne. Tant mieux quelque part, il en oublie au moins Maïna. L'inconvénient c'est qu'au corps à corps ma canne à pêche ne m'est pas d'une grande utilité et que si je ne m'active pas rapidement, je risque de me retrouver dans une posture qui me désavantagera certainement. Son couteau est pour le moment profondément planté dans le bois du navire, marque de la violence engagée dans le coup précédent, mais il ne tardera pas à l'en extraire, et il vaudrait mieux que j'ai trouvé une idée d'ici là.
          Je tente maladroitement de me redresser mais mon pied dérape sur la pile de poisson, me renvoyant lourdement sur les fesses. Les poissons ! Voilà peut être la solution recherchée. Avant que l'autre ne réagisse, j'en saisi deux que j'envoie droit sur sa trogne avant de me relever et de me ruer sur lui, après avoir pris le temps de me munir de deux autres de ces poiscailles qui doivent bien peser un à deux kilos.

          La première rafale remplit son office en perturbant Tod qui lâche le manche de son arme et tente d'écarter du bras la friture qui obstrue son champ de vision. Le temps gagné par cette action est suffisant pour me retrouver sur lui, les bras écartés, un poisson au bout de chaque main. Avant qu'il ne puisse agir, je rassemble toute mon énergie et les deux bras, tels les cymbales de l'orchestre qui souhaitent clore la représentation avec netteté et précision, se referment violemment sur sa trombine ainsi prise en sandwich. Groggy, il s'affaisse jusqu'à s'étendre sur le sol en se tenant les tempes pendant qu'Archi, alerté par l'agitation, en profite pour accroître son mal être en lui sautant sur le crâne. Autour de lui, des morceaux de poissons explosés par la violence du choc s'éparpillent sur le pont. Parmi les restes, sortant de l'un des barbeau éventré, de minuscules formes sphériques et plastifiées attirent plus particulièrement mon attention. Que peut bien faire un morceau de plastique dans l'estomac d'un poisson? Je m'approche doucement, comme méfiant d'un objet non identifié qui pourrait avoir la mauvaise idée de me sauter dessus sans prévenir, et place l'une de ces choses dans la paume de ma main avant de dérouler le plastique. De là, une poudre blanche s'étale en un petit tas à l'aspect suspect. De quoi peut il bien s'agir? Sucre? Sel? Drogue? Ou n'importe quoi d'autres? Aux regards noirs que me jette au loin Rodic, toujours aux prises avec Sergueï, je parierais bien sur la troisième option, ce qui d'ailleurs corroborerait et rendrait d'autant plus compréhensibles les propos de Monsieur Ping tout à l'heure.

          De l'autre côté, bien que toujours consciente, Maïna n'est pas en état de se tenir debout. Je m'empresse donc de me rendre à son chevet la canne à la main et le poisson nettoyeur sur l'épaule, regard tourné vers Sergueï qui se trouve dos à moi, pour voir si je peux être d'une quelconque utilité. Le punching-ball en bouclier, il fait toujours face au dénommé Rodic, qui balance les coups sans se soucier de son camarade tout en hélant un prénom pas encore entendu jusqu'à présent. Il n'en faut pas plus pour apercevoir un cinquième adversaire s'extraire de la cabine de pilotage pour venir lui prêter main forte.


          -Et ben, c'est pas trop tôt Marco, on attendait plus que toi...brise moi les os de ce vieux con...

          Le nouvel arrivant est monstrueusement impressionnant. Il me dépasse de trois bonnes têtes et sa carrure quadruple la mienne. Le crâne rasé, torse nu, sa musculature laisse apparaître de nombreuses cicatrices, présentes pour rappeler qu'il n'en est sûrement pas à sa première joute. Avec assurance, il bombe le torse et se dirige vers Sergueï tous muscles dehors, les bras placés à la manière du catcheur qui veut attraper sa proie pour lui en faire voir de toutes les couleurs, pendant que Rodic continue son œuvre.

          -Archi, t'es prêt, il est temps de tester notre complicité...

          Droit comme un i, posant la nageoire contre sa tempe, façon salut militaire, Archi répond par l'affirmative avant de sauter au bout de la cinquième ligne bouche en avant, bien accroché à la ventouse. D'un mouvement du poignet et du bras, je fait tournoyer ma canne au dessus de ma tête avant de lancer le tout en direction de Rodic.

          * Spécial Archi *

          Ainsi placé, la ventouse toujours entre les nageoires, Archi fonce à vive allure vers l'adversaire jusqu'à ce que la rencontre ait lieu. Sa bouche englobe alors le nez de Rodic tandis que la ventouse se charge de bloquer l'appareil vocal, les deux voix respiratoires se retrouvant ainsi bouchées. Suffocant et surpris par l’incongruité de l'assaut, l'autre lâche son couteau en reculant de quelques pas, puis ne tarde pas à se débattre afin de trouver l'air nécessaire à sa survie. Ses mouvements sont d'abord maladroit, mais rapidement l'instinct de survie prend le dessus et les coups se mettent à pleuvoir sur un Archi courageux qui tient comme il peut. La torture subie par mon ami est insupportable et s'est finalement moi qui prend la décision de relâcher l'emprise, au moment même où l'opposant s'effondre sur le plancher, à demi conscient.

          Je ne tarde pas à ramener le poisson nettoyeur jusqu'à moi pour lui apporter mon aide. Son corps tuméfié se balance sans vie et l'inquiétude prend vite le pas sur le reste de la situation. Erreur d'inattention. Entre temps, Tod s'est relevé tant bien que mal, et bien que toujours sonné, il est encore assez gaillard pour m'envoyer un violent uppercut sur les côtes qui me fait retomber sur les genoux et lâcher ma canne à pêche.


          -Arggghhh...

          Il enchaîne par un coup de poing au visage qui m'allonge, avant de se diriger vers sa lame en se tenant toujours le crâne. Un coup d'oeil vers Maïna, un autre à Archi et le troisième pour Sergueï. Je dois me relever. Vite. Mes doigts se tétanisent sur le sol. Je tente de bouger mais l'autre a déjà récupérer son arme et s'approche. Je suis à sa merci. Maïna et Archi de même.

          -Argh...Maïna...Archi...SERGUEÏ...
            Le guss tenu par le col bac s'est assoupi depuis un moment. Vrai que t'as pas été super sympa avec ce pauvre gars, mais son pote non plus n'a pas été d'une grande gentillesse, alors faut croire qu'il méritait. Pour le moment, tu continues à le tenir de la main gauche, tout en tentant d'amener son collègue au plus près de la balustrade, histoire de le foutre à l'eau et de le bloquer un moment.
            Mais les choses ne se passent jamais comme prévu et le Rodic se défend bien. Rien à foutre que son pote soit entre vous deux, il balance ses coups comme s'il se trouvait en face d'un pounching-ball. Malgré ton bouclier, tu te rends bien compte que le guss en a sous la main et tu subis ses poings fracassant de toute tes forces. Tu tires la gueule là.
            Les combat ne se gagnent jamais comme souhaités et tu as fini par croire que chacun de tes adversaires d'un jour ne servaient qu'à t'emmerder durant ce court laps de temps.

            Mais au fil des années et des combats passés, tu as appris à te venger de ces crasses du destin. Tu as appris à saisir ta chance à pleine poigne et à ne plus lâcher, à étrangler le mince filet de chance de survie jusqu'à l'effriter entre tes doigts saignants.

            Tu pousses ton bouclier humain jusqu'à ce qu'il percute le Rodric. Tu pousses encore et encore jusqu'à ce que le forcené soit déstabilisé. Cette fois tu puises dans ton mince filet de réserve, tu uses du peu de rage qu'il te reste encore. Il a beau tenter de se défendre, de passer outre le punching-ball volant pour te frapper, tu résistes comme un damné et le fait trébucher. Lâchant le pauvre homme que tu tenais jusqu'alors de ton poing, tu fonces maintenant vers Rodric pour en faire du gruillère. Le gars tente bien de se relever rapidement, mais le pauvre n'a pas compris que c'était trop tard : tu lui as déjà saisis la jambe. Alors qu'il se prépare à soulever son corps, tes deux poings se serrent contre le pauvre tibia du guss. Tu sers ainsi de toutes tes forces dans un gros cris sortis du cœur. « Tappava tappava !!»  que tu gueules. « Ça va pas, ça va pas » qu'il te répond d'une voix angoissée. Le pauvre est tellement crispé par la douleur qu'il lui faut un moment pour réagir. Le temps qu'un grand « Crac » se fasse entendre et que tu relâches ta poigne.

            -Et ben, c'est pas trop tôt Marco, on attendait plus que toi...brise moi les os de ce vieux con...

            Tu retournes ta trogne histoire de voir ce qu'il se passe tandis que le Rodric continues de chialer comme si tu lui avais arraché sa jambe. Quand tes globes se fixent sur ton nouvel adversaire, tu comprends que tu n'as pas fini, et loin de là. Du muscle, du muscle et encore du muscle, tellement qu'on se demande si le gros Marco ne s'est pas bouffé des altères dès qu'il est sortis du ventre de sa mère. C'en est si impressionnant que même toi, t'en aurai presque peur.
            Mais non.
            T'es encore trop bête. Tu fonces encore dans le tas, dans le gras, dans le lard. Tu cours jusqu'au gars avant de sauter en l'air et d'enfoncer ton poings dans l'estomac bodybuildé du garçon. Et ça craque, haut et fort, mais ce n'est pas son ventre. C'est ton poing. Le Marco lui, n'a même pas bougé. Il te mire juste d'un air satisfait, comme toi lorsque tu écrases une mouche s'étant approché trop près de ton assiette. Il te mire sans bouger, parce que de toute façon ça ne sert à rien. Il va juste t'écraser maintenant. Toi, tu restes incrédule. Ce poings que tes globes regardent, il a écrasé tant et tant d'adversaire... Mais ce gars est tellement musclé que ton coup ne lui a procuré rien d'autre qu'une petite chatouille.

            Son corps si immense englobe tout ton champ de vision, ses bras font la taille de tes cuisses. Là, tu te demandes comment tu vas faire pour gagner ce foutu combat. C'en est tellement affligeant que tu n'as pas le temps de réagir lorsqu'il te saisit la jambe et commence à la balancer comme tu envoies valser tes chaussettes. Il te fait ainsi tourner au dessus de ta tête avec une facilité à faire pâlir le plus forcené des marines. Et puis il te balance, t'écrasant sur le sol du bateau.


            Tu mires le plancher, puis le cave. Très sympa la cave d'ailleurs. Tu gâches du bon vin puis tu finis ta courses un peu plus loin entre deux poiscailles à l'odeur douteuse. Si quelqu'un doutais du fait que tu puisses être encore plus énervé, ils risque bien d'être surpris.


            _Qu'ces foutus gars décident de kidnapper une femme, ça passe. Qu'ils se croient assez intelligents pour m'fracasser, ça peut aller. Qu'ils me fracassent, ça commence à m'ennuyer... Mais... Mais on ne gâche pas de la vignasse !!!!!


            Ce cris là, tous les gars posés dans les deux kilomètres ont dû l'entendre. La trogne encore ensanglantée, l'regard rageux de celui qui vient de se faire dérouiller, tu râges.

            _Cette fois, ça va saigner !!!!

            Sans te préoccuper du restes, tu sautes en l'air par le trou que tu as involontairement fait. Au milieu de ton vol, tu mires l'un des gars un couteau à la main juste à côté du gamin. Alors tu fonces vers lui. Le bodybuldé tente bien de te bloquer le passage mais tu l'évites en filant entre ses deux grosses jambes musclées sans y prêter plus attention. Alors que le garçon va planter le gosse, tu arrives dans son dos. C'est p't'être bien lâche ce que tu vas faire mais tu n'as pas le temps d'y réfléchir et torgnoles le dos du guss d'un gros coup de poing. Du poing pas encore cassé forcément. Cette fois c'est bien ton adversaire qui morfle. Déséquilibré par le coup, il lâche son arme tombant quelques mètres plus loin. Tu ne réfléchis pas plus et lorsqu'il se retourne, tu lui fais avaler ton poing par le globe oculaire. Forcément ça ne lui fait pas du bien et il s'effondre sous la violence du choc. Tu peux alors mirer le blondinet affalé contre la coque du bateau.

            _Eh gamin, ça va ? Que tu hurles aux oreilles de l'homme poisson, un peu inquiet quand même de le voir en si mauvais état. Faut vite qu'on s'sauve, le bodybuldé est trop balèze pour moi!

              Tod semble prendre un malin plaisir à laisser mijoter la sentence pour jouir au mieux du moment présent. Il place son couteau devant sa bouche avant de sortir une langue humide qui vient en caresser la lame. Les yeux exorbités de celui qui, gagné par la folie, se délecte de la moindre souffrance, il me regarde essayer de retrouver un tant soit peu de contenance, un sourire carnassier s'étirant sur toute la largeur de son visage ingrat. Plusieurs fois j'essaie de me redresser en prenant appui sur les mains puis les genoux. Rien n'y fait, la douleur est intense, sûrement quelques côtes fêlées, voire fracturées. Chaque tentative se solde par autant d'échecs, aussi bien dus à mon étourdissement qu'à un sol rendu glissant par le trop plein de poissons qui le jonchent.
              De son côté, Sergueï n'a pas l'air en meilleur posture. Son nouvel adversaire, bodybuildé à l'extrême, lui donne bien du fil à retordre et l'envoie valsé par le fond. Le vieil homme traverse le plancher et disparaît de mon champ de vision. Il faut croire que le destin est bien capricieux aujourd'hui.

              Tod tapote maintenant son arme contre sa main droite, tel un métronome accélérant sa cadence au fur et à mesure que la note finale se rapproche. Il saisit la lame, lance l'objet en l'air, le fait tourner sur un tour et demi, puis le rattrape par le manche, d'un geste brusque, prêt à planter la pointe dans une chaire accueillante. Tout en se pourléchant les babines, il s'avance désormais, un rire sourd mais sombre accompagnant sa marche.


              -Alors gamin, on commence par qui ? La d'moiselle ou l'poisson bizarre? A moins que...j'pourrais bien m'occuper de toi en premier mais tu n'pourrais pas admirer l'reste du travail, ce s'rait dommage tout d'même...mwahahahaha...

              Ces paroles me mettent hors de moi. Je tend un bras et mes doigts s'agrippent maladroitement à la rambarde la plus proche pour m'accompagner dans un redressement incertain avant que le coude ne prenne le relais, l'autre main sur les côtes touchées. Vautré dans cette position peu académique, je ne distingue que les pas de Tod qui se dirige vers ma position. Ma vue se trouble un peu plus et mon salut arrive finalement de l'arrière du bonhomme.

              -Qu'ces foutus gars décident de kidnapper une femme, ça passe. Qu'ils se croient assez intelligents pour m'fracasser, ça peut aller. Qu'ils me fracassent, ça commence à m'ennuyer... Mais... Mais on ne gâche pas de la vignasse !!!!!


              D'abord, un hurlement, puis voilà Sergueï qui s'envole, se faufile entre les jambes de Marco et vient flanquer une bonne raclée à mon assaillant avant de m'inviter à fuir.

              Fuir, voilà une idée séduisante. Finalement, je me remet debout à la faveur d'un mouvement de balancier hasardeux et cale le pauvre Archi encore évanoui contre ma poitrine. Maïna en fait autant, mais, à ma grande surprise, sa main ne fait que frôler la mienne au moment où je tente de la saisir pour filer d'ici. Alors que le dernier adversaire encore vaillant se rapproche dangereusement dans le dos de Sergueï, elle se précipite sur lui de côté, puis lui bondit au visage, toutes griffes dehors, avant de lui planter ses ongles dans les yeux et le cuir chevelu.


              -Espèce d'enfoiré, tu crois que j'ai oublié...

              Je n'ai jamais réussi à connaître la nature des griefs de Maïna, mais au regard de la violence des coups qui pleuvaient sur le crâne dégarni, ils devaient être importants.

              Elle s'acharne, encore et encore, aveuglée par une rage qui me fait peur. Jamais je ne l'ai vu comme ça. On la dirait possédée. L'autre s'est laissé surprendre et il continuera sa vie avec un œil en moins. La situation me met mal à l'aise. Des frissons me parcourent l'échine avant qu'une jeune fille volante totalement identifiée me ramène à la réalité. Marco s'est défait du fardeau d'une gifle lancée à l'aveugle qui a touché au but et mon amie s'écrase à nouveau sur le plancher, quelques mètres plus loin, pour y demeurer immobile. Armé d'un seul œil valide, d'une musculature toujours aussi impressionnante et d'une rage amplifiée, l'adversaire se rue à présent sur Sergueï.

              Je ne sais pas bien d'où je la puise, mais cette énergie de la dernière chance me permet de saisir ma canne à pêche. D'un mouvement sec et rapide j'envoie les cinq lignes droit sur le bodybuildé non sans avoir pris soin d'accroché à l'une d'elle un des poissons gavés de poudre blanche. Il faut croire que les années passées à pêcher en compagnie de papa m'auront servi à renforcer un poignet désormais capable de s'agiter presque instinctivement, même dans les situations les plus critiques.


              *Snake*

              Le tir fait mouche. Les filins de nylon renforcé ondulent sur le sol et font trébucher leur cible avant de consciencieusement s'enrouler autour de ses chevilles, de ses hanches, de son torse et de ses bras ainsi que de son cou, pendant que la ligne au bout de laquelle s'agite le poisson vient s'engouffrer dans son gosier, déversant la poudre dans son corps. Si ma vitalité actuelle ne me permet pas de serrer bien fort, l'attaque aura au moins le mérite de retenir l'adversaire dans cette position pendant quelques instants, peut être suffisamment pour permettre à Sergueï de finir le travail.

              L'autre se débat de toute son incroyable force. La drogue semble faire son effet même s'il n'est pas tout à fait celui escompté. Si à terme le gars sera probablement bon pour un mal de crâne persistant ou pire, pour le moment, la dose prescrite paraît l'exciter plus que de nature. Mes deux mains, mues par la volonté de ne pas lâcher prise, ripent le long de la tige jusqu'à s'ensanglanter peu à peu sous la pression. Mon corps tout entier se fait balader dans quelques soubresauts inhérents aux agitations du prisonnier. Tantôt il s'élève de quelques centimètres, tantôt il me fait passer pour une marionnette qui se serait émancipée de son manipulateur, et tantôt il rebondit lourdement sur la coque du rafiot. Je ne compte plus les sensations de lésions internes et je préfère orienter mon esprit vers des souvenirs plus heureux pour oublier la douleur. Soyons honnête, je ne contrôle plus grand chose à cet instant. Mais je tiens ! Et c'est bien là l'essentiel.
                Là, ton foutu orgueil te parle, te hurle même. C'est vrai qu'est ce que tu fous ?

                « Tu te laisses aller à trembler de peur devant les énormes muscles du gros Marco ? Depuis quand tu te permets de partir comme ça, la queue entre les jambes d'un combat ? C'est la vieillesse qui te rend aussi lâche ? Tu vas laisser un gosse comme Heïon te montrer l'exemple pendant que tu te cures les ongles ? C'est ça la vieillesse ? Avoir tellement peur de la mort qu'on se met à refuser le combat ? »

                Ton orgueil, quand il te parle, il ne fait pas dans le détail, et c'est fissa qu'il te remet les idées en place. Le pire dans l'histoire, c'est qu'il réussit bien, forcément il sait par quel bout te prendre, quel mot utiliser. Tu ne cherches même plus à lui résister, parce que tu sais bien que ce foutu orgueil, il t'a toujours mené par le bout du nez, comme un âne et sa carotte tu lui as toujours obéis sans jamais houspiller. Mais là, ce n'est pas pour lui que tu combattras, c'est pour ce beau gamin, qui n'a pas encore été bouffé par l'horreur humaine, qui croit encore en l'amitié et la beauté, qui a gardé sa naïveté d'enfant. Rien que pour ça, parce qu'il t'a prouvé que l'homme pouvait être autre chose qu'un être bouffé par la méchanceté et l'égoïsme, tu lui dois bien un coup de main.

                Le gosse ne met pas toute sa hargne dans ses coups, mais tout son amour pour la vie, ton son amitié pour la minette. Et ça, ça te fait un sacré coup au cœur. Ses doigts ont beau se tâcher de rouge, sa trogne se déformer par la fatigue et la douleur, il tient bon.

                La gamine elle, vient de perdre cette naïveté, si seulement elle l'avait encore. Ce que tu as vu, c'est le pâle reflet de tous les mauvais sentiments de ce bas monde. Lorsqu'elle a arraché l’œil du bodybuldé, c'était sa trogne qu'elle voulait déchiqueter, lorsqu'elle tambourinait ses gros muscles, c'était son cœur qu'elle voulait buriner. La haine avait déformé son joli minois déjà bien amoché et lorsqu'elle a volé, ses yeux se sont fermés dans une grimace mélangeant douleur et horreur.

                Toi, accroupis devant son corps mortifié tu lui caresses la joue en lui chuchotant des mots rassurant. Ton vieux cœur pourri a réussi à s'émouvoir. Tu ne te rappelles même plus quelle est la dernière fois que tu as été touché, la dernière fois que tu as voulu aider quelqu'un... juste pour l'aider. Mais ce beau jour où même un rabougri par les mauvais sentiments comme toi ressort ses grosses larmes de vieillard, alors ce jour là, l'homme qui s'oppose à lui ne connaîtra comme seul repos que la mort.

                « _Pauvre Marco, tu n'as pas bien choisis ton homme ».

                Lui, trop énervé par la douleur à son œil, ne se rend pas compte du fourré dans lequel il s'est mêlé. Il ne voit plus rien que le sang coulé, qu'un vieillard gâteux et un gamin un peu trop courageux.

                _ »Cette haine, que tu as envoyé à la trogne de la gamine, elle te la rend. »

                Il n'a sûrement pas encore compris mais tu as enfin trouvé la solution. Rien ne servirait de frapper encore et encore dans son ventre forgé et buriné de muscles. Tu frapperas là où ça sonne creux.
                Prenant ton élan, tu fonces vers l'homme trop occupé à tenter de se défaire des filets. Tu fonces puis tu sautes en hauteur dans un grand
                SKULL RAGE, enfonçant ta trogne dans la sienne. Le choc est rude, brutal, mais peut être bien que lorsqu'on combat pour autre chose que la haine, le destin est plus généreux. L'homme s'effondre dans un grand fracas tandis que tu tentes difficilement de retrouver ton équilibre.

                Tu crois bien que c'en est fini de la violence pour aujourd'hui.








                ...











                A la fin de cette histoire, on dit qu'un grand festin fut organisé, qu'un magnifique feu d'artifice couvrit de toute sa splendeur et de ses magnifiques couleurs le ciel noir d'été.

                Le tournoi avait été oublié depuis longtemps, il n'était plus question que de s'amuser. Les flux d'alcool, la douce odeur de grillades et les magnifiques sourires enjoués emplissaient l'île d'un bonheur inégalable.

                Certains hommes se rappellent encore avoir vu arriver un bateau où le jeune Heïon était allongé, enlaçant son amie Maïna. A côté d'eux, un vieillard lubrique semblait tenter de les faire rire, multipliant les pirouettes et les gesticulations en tout sens. Un énorme monstre marin gisait aussi sur la coque, la gueule en sang. On sut bien longtemps après ce qui se passa pour que ces hommes et femmes reviennent dans cet état. Mais ce soir là, alors que la fête battait son plein, personne ne posa de question. On leur tendit juste une choppe et une assiette rempli de cochon grillé et d'autres aliments. Le petit Heïon finit par se faire emporter dans la fête avec son amie et ce vieillard étrange dont personne n'aurait pu imaginer qu'il puisse s'entendre avec l'homme poisson.

                L'histoire ne nous dit malheureusement pas si les deux étranges personnages se revirent. Mais ce qu'elle ne sait pas c'est qu'aujourd'hui encore, alors que le vieillard se penche sur la balustrade de son grand navire révolutionnaire, ses pensées se tournent vers cet enfant qu'il sauva un jour d'été. Un sourire enfantin vient alors percer ses rides de vieil homme et nul autre que lui ne sait pourquoi, mais une petite larme vient couler le long de sa joue.
                  -SKULL RAGE

                  Cette fois ça sent la fin. A l'instant où le crâne de Sergueï vient s'écraser avec une violence inouïe contre celui de son vis à vis, Marco me gratifie d'une dernière réaction réflexe en tendant vers l'avant l'ensemble des muscles bodybuildés de ses bras. Résultat, malgré mes efforts pour garder les deux pieds bien encrés au sol, j'entame un vol plané désordonné et viens m'écraser une nouvelle fois contre la coque du navire. Mes mains, tétanisées autour de la canne à pêche qui me sert d'arme, se déplient avec l'incertitude de sensations devenues inexistantes ou tout du moins aléatoires, laissant peu à peu l'objet m'échapper. Curieusement, je ne ressens pourtant plus aucune résistance au bout de la ligne.
                  Etendu pour le compte, je laisse mon corps libre de trouver la position qu'il jugera la moins douloureuse ; sur le dos, une main reposant sur mes côtes comme pour empêcher une hypothétique migration de ces dernières, l'autre bras, tendu perpendiculairement au torse et toujours prolongé de la canne, les jambes à plat, légèrement arquées, face contre terre, les yeux fermés, une joue s'enfonçant dans le bois du plancher comme si elle souhaitait passer au travers, écrasée par tout le poids d'une tête que les cervicales ne soutiennent plus correctement. C'est étonnant comme le corps est capable de prendre les positions les plus aléatoires lorsqu'il cherche à se protéger de ses propres souffrances. Tant bien que mal, je réussis tout de même à ouvrir un œil curieux pour m'enquérir de la situation. La vision reste flou, mais quel soulagement lorsque j'aperçois l'adversaire au sol, immobile et à priori pas prêt de bouger à nouveau ! Comme pressenti, cette fois, ça sent la fin !

                  Sans pouvoir bouger la tête, je fais rouler mon œil dans son orbite, à la recherche de Maïna qui elle aussi est allongée sur le sol. Mon cœur se serre à nouveau en repensant à l'état dans lequel elle vient de se mettre. Pour la première fois mon amie m'a fait peur, sa réaction me fait frissonner. Les situations dans lesquelles nous évoluons au cours de notre vie seraient elles maîtresses de toute raison ? Régiraient elles finalement notre inconscient au delà de toute conscience ? Bref, voilà bien des atermoiements et autres questionnements en tous genres que mon état actuel ne me permet assurément pas. Le vieux Sergueï bien qu’essoufflé par le combat tient encore debout et commence à dépecer un à un les poissons du rafiot pour y extraire les mêmes sachets en plastiques trouvés précédemment. J'essaye de lui sourire comme je peux malgré la douleur provoqué par l'étirement de mes zygomatiques.

                  C'est à cet instant que deux bateaux de la marine du coin pointent le bout de leur nez. En sortent quelques matelots qui raflent l'ensemble des stupéfiants ainsi étalés sur le pont. Après quelques remerciements pour notre intervention, ils nous expliquent en effet qu'un réseau de trafiquants avait prit le parti de profiter du festival de la pêche pour dissimuler une quantité non négligeable de drogue à l'intérieur des poissons pêchés par les concurrents pour la faire voyager discrètement sur l'ensemble des blues et la redistribuer ensuite en toute quiétude. Quant à monsieur Ping, sain et sauf mais désormais menotté, était censé être grassement rémunéré pour la transaction mais c'était fait doublé par les malfaiteurs.
                  Escortés par les marines qui nous prodiguent dans le même temps des premiers soins salvateurs, nous retournons en direction de la plage, le radeau contenant notre petit monstre marin à notre suite.
                  Nous sommes accueillis Maïna, Archi et moi par le reste de la famille Morgus, maman nous gratifiant d'un discours moralisateur tout en pleurant à chaudes larmes, tandis que Sergueï reste un peu à l'écart du petit groupe qui s'est formé.

                  Quelques heures plus tard, la fête bat son plein, la danse, les chants et les rires ont repris leurs droits sur l'île de l'abondance. Quand à moi, ne pouvant pas bouger à ma guise, je reste en retrait, souriant au spectacle qui se joue devant moi. Si cette aventure finira probablement par se noyer dans la masse de celles à venir, il ne fait en revanche aucun doute que jamais je n'oublierai cette rencontre avec le vieux Sergueï et qui sait peut être nos chemins se croiseront ils à nouveau dans le futur.