« Laissez passer ! Poussez-vouuuus ! Gniaaaaaaaaa ! »
Course effrénée dans la ville de Logue Town, un colis sous le bras. Ça sentait les ennuis à plein nez, et y’avait des raisons pour ça. Mais faut croire que je faisais toujours aussi bien les choses pour m’attirer des problèmes. Un aimant, un vrai. Un pot de miel posé au soleil en plein été, de quoi vous attirez toutes les abeilles à des kilomètres à la ronde. C’était mon talent. Un don certain que très peu m’enviait. J’avais la guigne, et ça commençait à se faire savoir.
C’était des ennuis, mais des petits ennuis pour le coup. Pas traqué par une bande de mafioso des bas quartiers de Shell Town, ni par un gros benêt prêteur sur gage. Non, ce jour-là, j’avais fait soft. Pas comme d’habitude. Même si d’habitude, je ne provoquai pas autant de grabuge, et je n’allai pas au-devant des problèmes volontairement. Mais ce jour-là, j’en avais décidé autrement. J’avais pris les choses en main, comme on dit. J’avais aussi foncé tête baissée dans un nid de frelons, sans même me soucier de ce qui pourrait m’arriver. Difficile de dire « j’vais m’en sortir avec une pirouette » avec trois gus à vos trousses qui ont l’intention de vous faire la peau parce que vous avez trop ouvert votre gueule et que ce n’était pas le bon jour pour le faire.
Je n’avais jamais su me taire lorsqu’il le fallait. Et aucune crasse de la vie ne m’avait permis d’en tirer une leçon. Têtue, la donzelle, hein ?
Bref, comme je disais, cette fois-ci, ce n’était pas du gros poisson que j’avais pêché, mais de la petite frappe qui se sentait plus. Du genre qui se la joue « gros dur » en bande, mais qui individuellement se fait latter les fesses par une demoiselle comme moi. Pour résumer : un petit désaccord de rien du tout avec les caïds de l’île pour en arriver à se faire courser dans toute la cité. Si je minimisai énormément le début de notre conflit, c’était parce que j’avais autre chose à penser. Comme, par exemple, éviter de me manger l’autre trapu avec ses baguettes sous le bras.
Logue Town, c’était une chic ville quand on avait le temps de la visiter. J’avais fait escale la veille pour récupérer une pièce importante que je devais monter sur Bee. Mais pas de bol, elle n’était plus en vente à mon arrivé. Et qu’à cela ne tienne, j’avais vaguement décidé de la subtiliser à quelqu’un qui ne la méritait pas et qui n’en aurait pas vraiment besoin. Autrement dit : les caïds à mes trousses. Simplement, ils ne s’étaient pas laissé faire, et ça allait être ma fête. Prise sur le fait, ils m’étaient tous les trois tombés sur le coin de la figure, mais j’avais réussi à m’enfuir. Fuite, prise de jambes à mon cou, tout le tintouin pour me subtiliser à eux. Mais ils avaient de l’endurance et la volonté de m’éclater la tronche, à croire que l’arme que je tenais sous le bras avait toute son importance.
« Reviens ici, morveuse !
- Ouais, on va t’faire la peau ! »
Comme je vous disais... C’n’était vraiment pas de chance. Sur le fond, j’avais mal agit : voler, c’est nul. Mais vous commencez aussi à connaitre ma passion pour mon ami, ainsi que cette volonté que j’avais à vouloir sans arrêt l’améliorer. Cette pièce à laquelle je tenais, avait de quoi faire flamber n’importe quoi. Ouais, un mécanisme à lance-flamme. Une petite merveille de technologie. Qui me valait bien des peines. L’outil était plutôt léger et compact, de quoi se transporter facilement. Niveau endurance, il ne durait que quelques minutes, au vu du réservoir à essence qui était vraiment minuscule. Mais ce n’était pas le genre de chose qui arrêtait une fille comme moi. Une fille qui savait se servir d’un tournevis.
« POUSSEZ-VOUS ! »
Ouf, manqué de peu, c’lui là. Le gars que j’avais failli me prendre de plein fouet se retrouva les quatre fers en l’air, percuté à la suite par les caïds qui me collaient aux basques. Le moment pour moi de filer, et de prendre la première qui s’annonçait à ma droite. Je pensais me subtiliser pour de bon, mais me retrouvai face à un cul-de-sac. Le temps pour les gus de se remettre debout et de reprendre leurs routes, j’étais faite comme un rat dans un piège à rat. A ma gauche, un mur. A ma droite, un autre mur. Derrière moi, les briques. Au-dessus ? Une échelle de secours qui montait droit dans un immeuble.
Hop, je bondis.
Pas le temps de réfléchir à une autre issue : Bee était loin encore une fois, et je n’avais pas l’intention de me laisser mettre en pièce. Ils râlèrent, se remirent d’aplomb, tentèrent de m’arrêter, mais je fus plus rapide. Paf, je m’engouffrai dans la première fenêtre ouverte. Un couple se trouvait là, probablement de ceux illégitimes qui se cachaient pour s’aimer. Un salut rapide, et je sortis par la porte en l’ouvrant à la volée. Toujours sur mes talons : les trois caïds. Mais j’avais pris de la distance, de quoi monter quelques étages et de les semer.
Je me retrouvais dans un long couloir qui donnait sur plusieurs portes. Je filai un grand coup d’épaule dans la première pour l’ouvrir. Je devais me trouver aux troisièmes étages d’un hôtel et la chambre dans laquelle je venais de débarquer était habitée par un vieux monsieur, étonné de me voir ici.
« Oups… Désolée. »
Je le regardai, lui fis un beau sourire gêné et fis demi-tour. Mais les bruits dans les escaliers me firent revenir très rapidement sur mes pas : ils montaient. Je fermai la porte derrière moi et m’approchai de la fenêtre. Trop haute pour sauter. Je l’ouvris et regardai. La vue donnait sur la place principale de Logue Town, plutôt blindée pour l’heure. Quelques décorations ornaient la rue d’un bout à l’autre, accroché à de long fil. L’un d’eux était pendu au mur de ma fenêtre.
« Vous n’allez tout de même pas faire ça ? Me fit le vieil homme avec un air surpris.
- Pas comme si j’avais l’choix, répondis-je calmement. J’vous emprunte ça. »
Je m’emparai d’une ceinture posée sur le meuble et mis le ruban qui tenait le colis fermé dans ma bouche. Je grimpai ensuite sur le rebord de la fenêtre, passai la ceinture autour du fil et regardai en bas. C’était haut, et j’allai mal finir avec ces bêtises. Mais le lien descendait au premier étage de l’immeuble en face, ce qui réduirait ma chute. Une chance de pouvoir m’en sortir. Je n’avais jamais fait de tyrolienne. C’était le moment ou jamais. Surtout lorsque la porte fut enfoncée de nouveau et que les trois gus surgirent pour m’arrêter.
« RENDS-NOUS CA !
- Héhé. »
N’écoutant que mon courage (ou ma bêtise ?), je bondis dans le vide, tenant fermement la ceinture que j’avais préalablement enroulé autour de mes poignets pour une meilleure prise. Le fil s’affaissa sous mon poids, pas assez pour me faire m’écraser. Je n’étais pas bien lourde et je glissai le long, me rapprochant du centre de la place. Quelques personnes qui m’avaient vu faire levèrent un doigt vers moi pour me désigner, les autres me fixaient, surpris. Kicétéencorkecetfollelà, qu’ils devaient se demander. Un crac sonore retentit, suivit d’un fffziou qui me poussa à m’inquiéter. Relevant les yeux, le câble avait craqué. Et dans quelques secondes, j’allai m’écraser quelque part sur la place principale de Logue Town.
De la bouillie de Lilou, qu’j’vous dis.
Impossible de faire machine arrière, j’avais au moins l’espoir d’atterrir sur quelqu’un qui me ferait rebondir, ou amortirait ma chute. Mon deuxième souhait fut exaucé. Pas comme je l’espérai. J’étais à près de trois mètres du sol, décidai de lâcher la ceinture pour me préparer à m’écraser convenablement. Je tombai alors sur un gus qui faisait sa taille, son poids, et qui amorti en effet ma chute.
Ce fut violent, bref, intense. Un genre de déjà-vu, non ?
Il bascula en arrière sous le choc, roulant sur quelques mètres. Moi, je m’étais accrochée à son cou en espérant de pas mourir. Je n’étais pas morte. Un peu sonnée, miraculeusement en vie. Combien de côtes cassées ? Impossible de compter pour l’instant, je ne voulais même pas y penser. Et puis, je me relevai précipitamment, pas le temps de rester ici plus longtemps :
« Merci gars. J’te laaaisse, hei- »
Ce que je ne compris pas, c’est la pression qui s’exerça sur mes épaules l’instant d’après, suivis par une force au niveau de mon cou qui m’immobilisa. Je fus tirée violemment en arrière, puis plaquée au sol sans autre forme de procès. Deux hommes me tenaient le bras, les épaules et la tête. La joue contre la roche froide, je ne savais plus quoi penser. Pas la peine d’espérer articuler quoique ce soit, si ce n’est un petit couinement de surprise. Ce que je distinguai de mes agresseurs ? Un pantalon bleu et un haut blanc. Ce qu’ils étaient ?
« Colonel ?! Comment allez-vous ?! Colonel, répondez-moi !
- Mé laichez-moaaaaaa !
- Nous la tenons, elle ne s’échappera pas !
- Probablement une terroriste !
- Kwah ?!!! Chui pach terrorichteuh ! »
Et c’était qui ce putain de colonel ? Ah, merde. Je n’arrivai rien à voir, comme ils étaient agglutinés autour de lui. C’était bien ma veine de tomber sur un représentant de la marine. Et le gars qui me tenait le bras n’y allait pas de main morte. J’avais super mal !
« Vouch allez le cacher !!
- La ferme !
- Colonel Fenyang, ça va aller ? »
Boarf, qu’ils étaient vilains. En tout cas, beau merdier. Et puis, Fenyang… Fenyang, ça me disait bien quelque chose. Probablement un gus à qui j’avais eu à faire, mais sa tête me revenait pas sur le coup (quand on a une mémoire de poisson rouge).
Chouette Lilou, cette fois, t’as fait fort ma grande.
Dernière édition par Lilou B. Jacob le Ven 30 Mar 2012 - 15:33, édité 1 fois