Posté Mar 3 Avr 2012 - 1:44 par Rafaelo
Pétillant à souhait. C'était là un défi comme il les aimait. Elle avait la verve vive et dégageait cette désagréable impression de dévisager un félin droit dans les yeux. Comme si en chaque instant, les deux prédateurs se jaugeaient, crachaient l'un et l'autre leur paroles en espérant avancer et gagner leur part de terrain. Une lutte sans merci, un jeu impitoyable. À tel point que tout ce qui semblait s'immiscer entre les deux joueurs risquait d'en prendre pour son grade. Et en plus de ça, elle osait recourir à de viles tactiques mettant à agiter devant Rafael le morceau de viande dans lequel il espérait se tailler une part. Un frisson parcourut son échine, mais nul n'aurait su dire s'il s'agissait de cette vision ou de la main de la jolie blonde qui descendait le long de son bras, le caressant du bout des ongles. Il n'y avait presque pas de désir, seul le plaisir de la chasse. Et si les deux femmes qui entouraient son corps étaient affables, elles ne présentaient pas de défi à ses yeux. Capturer une bête sans lutter n'était pas dans ses habitudes. Il aimait la difficulté, il aimait que la proie se montre habile afin qu'il puisse mettre ses compétences à l'épreuve, afin que la traque garde toujours la même saveur. Et encore une fois, elle l'appela par ce surnom qu'il abhorrait. Elle devait le sentir car il en perdait le sourire à chaque fois. C'était pareil au son d'une craie grinçant sur un tableau noir, comme le traiter en gentilhomme aussi mièvre et bedonnante qu'une dinde aux alentours des repas de famille. Il inspira longuement, tâchant de ne pas montrer à quel point il avait envie de croquer dans le fruit qui lui faisait face et de se concentrer sur les aspects du jeu. Lui qui espérait du simple bon temps, sans se préoccuper un instant des hommes qu'il devait traquer, de la mort qu'il devrait administrer, il trouvait là un plaisir insoupçonné qui dépassait le simple besoin qu'il avait de se détendre. Bien qu'il voyait une majorité de ses missions comme un jeu, ce n'était pas la même donne, ni la même récompense. C'était à la fois stimulant et irritant. Un terrain qu'il avait l'habitude d'emprunter mais pas dans les mêmes conditions. De coutume, il arrivait toujours à faire gober telle ou telle histoire, qu'elles soient incroyables ou non il arrivait en général à ses fins. Mais là, y avait-il une réelle fin à cette confrontation ?
Alors qu'il commençait à se questionner sur le sens de ce divertissement, la douce Rachel prit à nouveau la parole, tandis que l'assassin tâchait de se concentrer sur ses lèvres plutôt que sur ses mains qui se baladaient le long de son corps. Il n'était pas un de ces adolescents se contentant de mirer d'un air affamé la pièce qui leur faisait face. Relever les yeux ne lui coûtait presque pas d'efforts, si ce n'était de réfréner ses instincts de mâle. Et lorsqu'on était assassin, il était important de faire abstraction de ses émotions ou de toute autre manifestation de sa psyché. Ses épaules se raidirent alors qu'il contenait le fourmillement qui lui creusait les tripes. Peu importe que cela soit visible ou pas, il ne lâcherait pas le regard de la jeune femme. Et alors qu'il affirmait sa résolution, les paroles de Rachel firent mouche. Aussi acide et sournoise que la langue d'un serpent, elle frappa là où la faiblesse de Rafael résidait. S'il se montrait inébranlable et semblait faire fi des attaques de la jolie fleur, ses deux protégées étaient enragées. Et il suffisait d'une étincelle pour mettre le feu au poudre, une étincelle qui manquait cependant de charme. Une seconde il voulut s'opposer à ce qu'elle se lève mais l'idée de s'imposer par la force lui sembla ridicule. Du coin de l'oeil, il la vit se lever, prévisible comme elle l'était. La blonde se raidit tout autant mais ne se leva pas, non sans adresser un regard lourd de colère à Rachel. Mais alors que la situation allait tourner au règlement de compte à la féminine, la voix de l'impudente provocatrice tonna dans la salle, cinglante et sans condition. Aussi tôt, l'assassin riva sur elle un regard vidé de toute convoitise, un instant il la considéra autrement que comme un trophée. Il n'aimait pas ce ton, il n'aimait pas cette attitude. Puis il se rappela qu'il n'était que dans un bain, à affronter une bagarre de jeunes femmes. Il ne fallait pas oublier qu'elles étaient parfois bien plus dures que cela, et ce n'était pas à cause d'une quelconque tension qu'il devait la condamner. Mais l'ordre avait fusé avec une telle précision et une telle ferveur qu'il en était resté stupéfait. Rafael plissa les yeux, risquant son combat à alterner du regard entre les deux brunettes. La sienne ne s'était pas rassise, mais l'autre l'avait réduite au silence. La température montait, désirait-elle voir s'il désamorcerait la situation ? Bien qu'il eut soudain une forte envie de les voir se battre pour lui, il reconsidéra la chose quelques secondes.
"De tels mots ne devraient pas sortir d'une si jolie bouche." répondit l'assassin, sur un ton beaucoup moins enjoué qu'auparavant.
Ses yeux pétillaient, mais sa voix ne laissaient aucun doute sur le fait qu'il désapprouvait ces dires. Non pas parce que Rachel accusait ses deux conquêtes, mais parce qu'elle mettait en doute sa compétence à trouver mieux. Mais ça, ce n'était pas si évident à comprendre. Il les avait tellement enjôlées qu'elles n'auraient pu penser ainsi. La jeune femme qui lui faisait face, par contre, c'était une autre paire de manches. Il caressa du bout des doigts le creux des reins de la brune et frôla la nuque de son autre compagne.
"J'ai sans l'ombre d'un doute manqué de manières. Si c'est là la façon que vous avez de me le faire remarquer." ironisa-t-il "Voici Bethany, charmante serveuse de l'établissement, et voici Félicia, une des plus jolies masseuses, sinon la plus belle."
Ce faisant, il désigna tour à tour la brune et la blonde, afin de montrer à son interlocutrice qu'elle ne l'aurait pas à ce petit jeu. Ne venait-il pas de dire qu'il avait trouvé ce qu'il y avait de mieux en ces lieux ? Et que, bien entendu, elles n'avaient pas vocation à courir le trottoir ? Insistant légèrement, il ramena Bethany à ses côtés, non sans qu'elle ne fusille Rachel du regard. Ses deux amies restèrent muettes à son compliment, les oreilles bourdonnant toujours de l'insulte faite par la troisième paire de ... chromosomes X leur faisant face.
"Excusez mon manquement, mes chères. Quant à vous, Rachel, quel bon vent vous amène dans de si prestigieux locaux ?" demanda-t-il, engageant volontairement la discussion sur une nouvelle pente.
Car s'il ne désamorçait pas ainsi les choses, cela risquait fort de finir en griffures et chamailleries. Même si le spectacle serait plaisant à contempler, ce serait lui le grand perdant là dedans. Car il y perdrait massages et consommations à l'oeil. Et oui, l'ire du femme était toujours à redouter et ce quelque soit la situation. Une leçon qu'il avait durement appris durant ses premières années de jeu. Ne jamais se tromper de nom, jamais.