La bataille faisait rage dans la salle des fêtes : les pirates, encouragés par l’arrivée de renforts, se battaient avec une ardeur renouvelée ; les chasseurs de primes, d’abord surpris, reprenaient du poil de la bête.
Ange payait les conséquences de sa déclaration : s’il avait réussi, semblait-il, à motiver ses camarades, il s’était aussi désigné aux yeux de ses ennemis comme le chef à abattre. Ainsi, au lieu de rester tranquillement à tirer au pistolet dans un coin de la pièce, le dos contre un mur pour s’échapper en cas de problème, il se retrouvait à combattre plusieurs chasseurs qui en avaient après sa tête. Soudain, alors qu’il repoussait comme il le pouvait ses adversaires avec ses dagues, Den euh… ‘Pa apparut derrière lui, et lui offrit une solution inattendue pour échapper à ses ennemis.
- Chef, avec tout le respect que j'ai pour vous ... vous voyiez les otages là-bas ?- Hein ? Euh oui, mais ils sont à l’autre bout de la salle. Hééé ! Mais… qu’est-ce que tu fais ?! Lâche-moi !!Sans écouter les protestations de son supérieur, l’homme vêtu de gris le souleva à bout de bras et le projeta dans les airs.
-Bonne chance monsieur !***
Après un vol plané qui n’avait d’angélique que le nom, le cambrioleur atterrit violemment sur un homme dont, parce qu’il avait à la fois une tête de forban et un chapeau de cow boy, il ne réussit pas à déterminer s’il était un des truands ou un habitant de la ville.
Aouch ! Heureusement que ce bonhomme était la pour amortir ma chute : sans lui, j’étais bon pour une belle bosse.
Il faut voir le bon côté des choses : tu as échappé aux autres. Et puisque tu y es, autant délivrer les otages. Après s’être relevé et massé sa poitrine douloureuse à cause de son atterrissage, le voleur s’approcha du pirate le plus proche, qui malgré la pagaille continuait de ronfler.
Ah, zut, il a des menottes. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire ?...
Tu peux commencer par le réveiller, et il t’aidera à relever tout le monde. Ensuite, tu chercheras les clés, et même si tu ne les trouves pas on pourra toujours… eh, attention !Alors que le sauvage, sans se préoccuper de se qui se passait autour de lui, s’était arrêté pour réfléchir, les chasseurs de primes restés à côté des prisonniers, après s’être remis de leur étonnement de voir ainsi un homme tomber du plafond, avaient conclu qu’il s’agissait très probablement d’un pirate et s’étaient décidés à l’éliminer. L’un d’eux s’était alors rapproché et lui avait décoché un grand coup de sabre. N’ayant pas le temps de parer, le voleur se jeta à terre. La, au lieu de s’affaler durement sur le plancher, il fusionna avec et se transforma en porte -ou plutôt en trappe- à la grande surprise de ses adversaires. Sitôt l’attaque passée, il annula sa transformation et reprit sa forme normale tout en revenant à sa position de départ, comme projeté par un ressort.
Un, deux, trois,… hum, ils sont quatre autour de moi. Quoi qu’on puisse en dire, je crois qu’ils me surestiment largement !
Alors tu devrais en profiter : prends un air méchant, lance une réplique incisive, et lance-toi dans l’attaque en poussant un cri de guerre terrifiant !
Hein ?! Mais c’est moi qui suis terrifié ! Ils sont quatre !!
C’est peut-être aussi toi qui te sous-estimes. Allez, au boulot feignasse !Ange s’exécuta : d’abord, un sourire, ça rend toujours bien les sourires. Même si on est en situation désastreuse, ça décontenance l’ennemi de voir son adversaire sur de lui, ou même se moquant de ses ennuis. Ensuite, une phrase bien : le voleur commença par tourner sa langue dans sa bouche pour ne pas dire de sottise, mais il ne se souvenait plus si on disait « tourne sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler », ou « tournes dix fois ta langue dans ta bouche… ». Il eut alors la malheureuse initiative de la tourner sept fois, puis de commencer à parler tout en la tournant les trois fois restantes :
- Ble Blai Blou découper en petits morceaux ! Tu peux ajouter un rire sadique, pour faire meilleur effet.
Oh oui, bonne idée !- Mouahaha !Non, ça c’est le rire du méchant qui est content de lui et qui nargue le gentil !
Hum, on réessaie alors.- Nyahaha !C’est déjà mieux.- Ho ho ho !Non, non, stop, c’est bon, tu peux arrêter !Quoiqu’intrigués, les chasseurs de primes n’en menaient pas large. Déjà, leur adversaire avait évité le coup de sabre mais ils étaient incapables de dire comment. Ensuite, il s’était mis à les regarder avec un grand sourire gourmand. D’ailleurs, ses dents limées en pointe, comme c’était la coutume dans sa tribu, ne le rendaient pas moins menaçant. Après cela, il avait déclaré une phrase qu’ils n’avaient pas bien comprise mais qui ne les avait pas plus mis en confiance, puis s’était lancé dans une série de rires qui les avait renforcés dans l’idée qu’ils s’apprêtaient à affronter un type sadique. Maintenant, aucun des hommes qui entouraient le sauvage n’avait envie d’être le premier à attaquer.
Profitant de leur hésitation, Ange pourra un hurlement à mi-chemin entre la terreur et la crise de nerfs, et se jeta sur le premier venu ; ce n’est qu’une fois au contact qu’il se rendit compte qu’il avait oublié de dégainer ses dagues…
Poussé par son élan, l’albinos culbuta son adversaire et les deux hommes tombèrent à la renverse. Une fois par terre, chacun essaya de se débarrasser de l’autre en le repoussant à coup de pieds et de poings. A la fois par frayeur et pour amortir sa chute, le chasseur de primes avait laissé tomber ses armes –un très beau colt et un couteau avec le nom de sa petite amie gravé sur le manche. Avec un petit cœur autour. Le nom de sa petite amie, c’est Vanessa. Il a un peu dérapé sur le second « a » en le gravant-, si bien que le sauvage et le chasseur de pirates de battaient tous les deux à main nues, ce qui redonnait l’avantage à Ange qui pouvait compter sur des ongles longs comme de petites griffes et ses dents. Grattant, griffant, mordant, il finit par avoir raison de son adversaire qui se laissa choir sur le plancher, épuisé. Le cambrioleur se releva, se lécha des doigts car il ne supportait pas d’avoir des saletés sous les ongles, puis tira ses dagues et, sentant qu'on attendait un commentaire de sa part, dit dit :
- Bon, -euh- à qui le tour maintenant ?Ça serait tout de même dommage qu’ils te répondent tous en même temps "à moi !".
Houlala, j’aurais mieux fait de rester par terre, et de m’échapper en me transformant en trappe !Par bonheur, personne ne répondit. Les trois adversaires restant s’étaient mis en position défensive, et leurs visages affichaient une concentration intense : visiblement, ils n’en menaient pas large. Reprenant l’initiative, Ange se rua sur le Wiskey Peakien (ou Peakois, ou bien Peakais,…), qui se trouvait à sa gauche et lui assena un méchant coup de dague au visage.
***
Le second de l’équipage était venu à bout des trois chasseurs de primes avec une facilité qui le surprenait beaucoup. Après que son dernier ennemi se soit écroulé en gémissant, il était resté plusieurs secondes à regarder ses mains serrant encore ses armes, comme si elles appartenaient à quelqu’un d’autre.
…
Aargh…
…
Wouhou, mais je suis plutôt bon en fait ! Ou alors ils étaient nuls… ?
Je me doute bien que maintenant tu vas me dire que tu as bien le droit de te reposer, et donc de t’échapper, mais il reste encore plein de monde et nous ne sommes pas vraiment en bonne posture.
Ah, zut, j’espérais pouvoir filer en douce. Bon, alors je dois faire quoi ?
Si tu es venu ici, enfin si ShiPa’Eru… hum, si le doc’ t’as envoyé ici, c’est pour libérer nos prisonniers alors fais-le !Essayer d’enlever les menottes à tous les Truands prisonniers, et qui, alcool aidant, dormaient toujours, prit plusieurs bonnes minutes : d’abord, Ange essaya de forcer sur les menottes, mais elles tenaient bon. Ensuite, il tenta d’en forcer la serrure avec une de ses dagues pour les ouvrir mais ça ne marchait pas. Enfin, il voulut transformer ses mains en petites portes sur les poignets des menottes pour les ouvrir, mais c’était trop complexe pour lui.
Tant pis, colle-leur des baffes pour les réveiller, ces poivrots ! Et une fois qu’ils seront debout, on filera par une porte dérobée.C’est ce qu’il fit, et cela se révéla efficace : bientôt, les pirates saouls émergèrent de leur torpeur et, la tête lourde, essayèrent de comprendre ce qui se passait.
- Hum hum ! Bon, on ne va pas réussir à les sortir de la venez avec moi, on va prendre une porte dérobée ! Vite, suivez-moi.Mais oui, bien sûr, on préviendra les autres, ceux qui sont encore en train de se battre... une fois qu'on sera à l'abri !
Tu n'as pas honte ?! Tu es leur second quand même.
Hé, je ne suis pas fort comme Satoshi, moi !Profitant de la diversion qu’offraient Shimeru, Juusei, et les quelques membres d’équipage en état qui continuaient à combattre, Ange entraina ses camarades toujours menottés contre un mur s’y adossa, puis sentit l’impression maintenant plus familière qu’on l’écrasait dans un moule à crêpes , et, transformé en porte, pivota sur le côté, offrant une issue sur l’extérieur à ceux qui le suivaient.
- Vite, dépêchez-vous, on va se réfugier au bateau ! Pressez-vous, je ne tiens pas à être encore ici quand ils s’apercevront de notre fuite.- Hé, regardez, les prisonniers s’échappent !Ah, trop tard…