Le 15 février 1624.
Les jours passaient, mais ne se ressemblaient plus... Non pas que le barde ait changé grand chose à son mode de vie habituel; simplement, voilà, il s'était accolé un ange en guise de compagnon. Ça n'avait l'air de rien, comme ça. Mais il fallait bien dire que, dès ses premiers jours sur le plancher des vaches, ce dernier avait trouvé le moyen de se rendre coupable du meurtre d'une chanteuse à la mode (ou peut-être d'un chanteur... visiblement, il y avait eu quelques problèmes de clarté là-dessus), ainsi que d'une belle brochette de ses admirateurs.
Certes, la demoiselle (ou le damoiseau) était primé(e).
Mais les subtilités du métier avaient échappé au malheureux assassin, qui s'était vu contraint de la boucler, afin d'éviter de se coller la marine à dos... D'autant plus qu'à l'époque, il ne possédait pas encore de licence. Son action avait donc été non seulement inqualifiable (d'après Sören), mais en plus, tout à fait illégale (d'après le Code Civil de la marine revisité par L. Trovahechnik, art. 19. 46 B, alinéa 4).
Depuis plus d'un mois qu'ils faisaient route ensemble, Sören et James s'étaient mis d'accord pour faire pot commun, et créer un équipage. Seulement, ils n'étaient pas des criminels. Pas moyen de subtiliser discrètement un navire, comme l'aurait fait n'importe quel forban à leur place. Afin de gagner une belle somme le plus rapidement possible, les deux chasseurs s'étaient lancés sur la piste d'une capitaine pirate qui sévissait sur East Blue. La prime leur avait semblé honorable, et le barde s'était fortement intéressé au personnage... du fait des rumeurs qui prétendaient qu'elle voyageait avec un chat.
Aller, quoi ! Une amie des chats, qui avait réussi à en persuader un de l'accompagner sur les mers ne pouvait pas être quelqu'un de bien méchant. Il y aurait peut-être même moyen de négocier.
Comme toujours, lorsqu'il s'agissait de félins, le chasseur s'était montré d'une grande naïveté.
En plus de cela, l'ange avait l'air de tenir au fait d'aller réclamer son permis de chasse sur cette mer... Mieux valait ne pas trop chercher à comprendre, là non plus.
Pendant les difficiles semaines qu'ils avaient passées sur ses traces, après avoir réussi à rejoindre East Blue grâce aux services pas franchement gratuits d'un navire marchand, ils n'avaient fait qu'entendre des échos inquiétants. Sur l'île de Syrup, un homme s'était même mis à hurler une série de mises en garde et de conseils où le mot «abandonnez !» figurait en chaque début de phrase.
D'après un de ses voisins, il avait été en contact direct avec la fugitive. Aussi, malgré la porte qui s'était refermé devant eux, les deux chasseurs s'étaient montrés... plus qu'insistants.
Il y eut donc des gonds fracassés à coups de batte, une réception musclée à grands renforts de bouteilles lancées au petit bonheur, quelques injures bien placées, un miaulement, et un grand coup de poing de la part de James, malgré les imprécations désespérées de son comparse.
Finalement, les deux parties avaient pu s'expliquer autour d'un brandy, boisson fétiche du malheureux témoin, en cas de coup dur.
-Comment j'étais sensé savoir qu'vous étiez des chasseurs de primes ? Hein ?
-On te l'a expliqué, connard, mais t'étais trop occupé à gueuler pour nous entendre.
-Bon. Et sinon, t'as des choses à nous dire, pour Natalia Sirquiz ?
Le pauvre type avait pris soin d'avaler une longue et grave lampée de brandy, avant de répondre.
-Les gens la sous-estiment, mais c'est une terreur, par chez-nous. Mon frère en a fait les frais, sur la côte. Il est boucher, et le bonne femme lui a torpillé son stock de viande. Elle a aussi récupéré une grosse quantité de mou, qu'il destinait habituellement à des clients qui avaient des chats... Et puis, après, elle a fait un passage dans la ville. Elle était suivie par trois gars, qui avaient un coup la tête à la place des fesses, un coup les bras dans les jambes... Des contorsionnistes ? Ouai, c'est ça. Mais ils étaient flippants.
-Et... C'est tout ?
-Ben... Oui. Pourquoi ?
Fulminants, les chasseurs avaient posé brutalement leur verre vide sur la table, avant de bondir sur leurs pieds.
-Et tu as gueulé comme un porc pour ça ?!
-Ah ! Désolé, mais j'ai eu la frousse de ma vie ! Vous croyez quoi ? Il se passe jamais rien, par ici ! Et puis, et puis... Et puis de toutes façons, laissez moi tranquille !
-Mon gars, elle est partie où ?
Bien plus serein que son compagnon, Sören (ah, ah ! Jeu de mots !) avait posé une main conciliante sur l'épaule du témoin, le forçant ainsi à se rassoir.
-Je... Je ne suis pas sensé avoir entendu quoi que ce soit, d'accord ?
-T'en fais pas, elle saura rien, on arriv'ra comme des mouches dans la soupe.
-Bon... Et bien... J'ai entendu quelque chose à propos de l'île d'Orange. Une histoire de coup dur, de besoin de se refaire en douceur, dans un coin tranquille... mais j'en sais pas plus !
Comme il avait été impossible de tirer quelque chose de plus précis du témoin, les deux chasseurs l'avaient laissé réparer sa porte en paix, pendant qu'ils prenaient la direction du port. Il y eut quelques jours d'attente, avant qu'un petit brocanteur accepte de les prendre à son bord.
La traversée se déroula sans heurts, si l'on faisait abstraction des caprices digestifs de James. Visiblement, la navigation au pays des nuages ne comportait ni roulis, ni tangage. Au grand malheur de l'ange, qui ne parvenait pas à garder en lui le contenu d'un repas plus de quelques heures...
L'arrivée au port d'Orange fut donc une libération, malgré l'humeur gaillarde du brocanteur, qui paraissait bien convaincu de faire d'excellentes affaires sur l'île. Sören le salua chaleureusement, tandis que son compagnon prenait le chemin d'une taverne, dont les lumières brillaient dans la nuit tombante. Son mal de mer passé, la faim devait avoir repris le dessus.
Les jours passaient, mais ne se ressemblaient plus... Non pas que le barde ait changé grand chose à son mode de vie habituel; simplement, voilà, il s'était accolé un ange en guise de compagnon. Ça n'avait l'air de rien, comme ça. Mais il fallait bien dire que, dès ses premiers jours sur le plancher des vaches, ce dernier avait trouvé le moyen de se rendre coupable du meurtre d'une chanteuse à la mode (ou peut-être d'un chanteur... visiblement, il y avait eu quelques problèmes de clarté là-dessus), ainsi que d'une belle brochette de ses admirateurs.
Certes, la demoiselle (ou le damoiseau) était primé(e).
Mais les subtilités du métier avaient échappé au malheureux assassin, qui s'était vu contraint de la boucler, afin d'éviter de se coller la marine à dos... D'autant plus qu'à l'époque, il ne possédait pas encore de licence. Son action avait donc été non seulement inqualifiable (d'après Sören), mais en plus, tout à fait illégale (d'après le Code Civil de la marine revisité par L. Trovahechnik, art. 19. 46 B, alinéa 4).
Depuis plus d'un mois qu'ils faisaient route ensemble, Sören et James s'étaient mis d'accord pour faire pot commun, et créer un équipage. Seulement, ils n'étaient pas des criminels. Pas moyen de subtiliser discrètement un navire, comme l'aurait fait n'importe quel forban à leur place. Afin de gagner une belle somme le plus rapidement possible, les deux chasseurs s'étaient lancés sur la piste d'une capitaine pirate qui sévissait sur East Blue. La prime leur avait semblé honorable, et le barde s'était fortement intéressé au personnage... du fait des rumeurs qui prétendaient qu'elle voyageait avec un chat.
Aller, quoi ! Une amie des chats, qui avait réussi à en persuader un de l'accompagner sur les mers ne pouvait pas être quelqu'un de bien méchant. Il y aurait peut-être même moyen de négocier.
Comme toujours, lorsqu'il s'agissait de félins, le chasseur s'était montré d'une grande naïveté.
En plus de cela, l'ange avait l'air de tenir au fait d'aller réclamer son permis de chasse sur cette mer... Mieux valait ne pas trop chercher à comprendre, là non plus.
Pendant les difficiles semaines qu'ils avaient passées sur ses traces, après avoir réussi à rejoindre East Blue grâce aux services pas franchement gratuits d'un navire marchand, ils n'avaient fait qu'entendre des échos inquiétants. Sur l'île de Syrup, un homme s'était même mis à hurler une série de mises en garde et de conseils où le mot «abandonnez !» figurait en chaque début de phrase.
D'après un de ses voisins, il avait été en contact direct avec la fugitive. Aussi, malgré la porte qui s'était refermé devant eux, les deux chasseurs s'étaient montrés... plus qu'insistants.
Il y eut donc des gonds fracassés à coups de batte, une réception musclée à grands renforts de bouteilles lancées au petit bonheur, quelques injures bien placées, un miaulement, et un grand coup de poing de la part de James, malgré les imprécations désespérées de son comparse.
Finalement, les deux parties avaient pu s'expliquer autour d'un brandy, boisson fétiche du malheureux témoin, en cas de coup dur.
-Comment j'étais sensé savoir qu'vous étiez des chasseurs de primes ? Hein ?
-On te l'a expliqué, connard, mais t'étais trop occupé à gueuler pour nous entendre.
-Bon. Et sinon, t'as des choses à nous dire, pour Natalia Sirquiz ?
Le pauvre type avait pris soin d'avaler une longue et grave lampée de brandy, avant de répondre.
-Les gens la sous-estiment, mais c'est une terreur, par chez-nous. Mon frère en a fait les frais, sur la côte. Il est boucher, et le bonne femme lui a torpillé son stock de viande. Elle a aussi récupéré une grosse quantité de mou, qu'il destinait habituellement à des clients qui avaient des chats... Et puis, après, elle a fait un passage dans la ville. Elle était suivie par trois gars, qui avaient un coup la tête à la place des fesses, un coup les bras dans les jambes... Des contorsionnistes ? Ouai, c'est ça. Mais ils étaient flippants.
-Et... C'est tout ?
-Ben... Oui. Pourquoi ?
Fulminants, les chasseurs avaient posé brutalement leur verre vide sur la table, avant de bondir sur leurs pieds.
-Et tu as gueulé comme un porc pour ça ?!
-Ah ! Désolé, mais j'ai eu la frousse de ma vie ! Vous croyez quoi ? Il se passe jamais rien, par ici ! Et puis, et puis... Et puis de toutes façons, laissez moi tranquille !
-Mon gars, elle est partie où ?
Bien plus serein que son compagnon, Sören (ah, ah ! Jeu de mots !) avait posé une main conciliante sur l'épaule du témoin, le forçant ainsi à se rassoir.
-Je... Je ne suis pas sensé avoir entendu quoi que ce soit, d'accord ?
-T'en fais pas, elle saura rien, on arriv'ra comme des mouches dans la soupe.
-Bon... Et bien... J'ai entendu quelque chose à propos de l'île d'Orange. Une histoire de coup dur, de besoin de se refaire en douceur, dans un coin tranquille... mais j'en sais pas plus !
Comme il avait été impossible de tirer quelque chose de plus précis du témoin, les deux chasseurs l'avaient laissé réparer sa porte en paix, pendant qu'ils prenaient la direction du port. Il y eut quelques jours d'attente, avant qu'un petit brocanteur accepte de les prendre à son bord.
La traversée se déroula sans heurts, si l'on faisait abstraction des caprices digestifs de James. Visiblement, la navigation au pays des nuages ne comportait ni roulis, ni tangage. Au grand malheur de l'ange, qui ne parvenait pas à garder en lui le contenu d'un repas plus de quelques heures...
L'arrivée au port d'Orange fut donc une libération, malgré l'humeur gaillarde du brocanteur, qui paraissait bien convaincu de faire d'excellentes affaires sur l'île. Sören le salua chaleureusement, tandis que son compagnon prenait le chemin d'une taverne, dont les lumières brillaient dans la nuit tombante. Son mal de mer passé, la faim devait avoir repris le dessus.