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Sur les traces d'un premier gibier...

Le 15 février 1624.

Les jours passaient, mais ne se ressemblaient plus... Non pas que le barde ait changé grand chose à son mode de vie habituel; simplement, voilà, il s'était accolé un ange en guise de compagnon. Ça n'avait l'air de rien, comme ça. Mais il fallait bien dire que, dès ses premiers jours sur le plancher des vaches, ce dernier avait trouvé le moyen de se rendre coupable du meurtre d'une chanteuse à la mode (ou peut-être d'un chanteur... visiblement, il y avait eu quelques problèmes de clarté là-dessus), ainsi que d'une belle brochette de ses admirateurs.
Certes, la demoiselle (ou le damoiseau) était primé(e).
Mais les subtilités du métier avaient échappé au malheureux assassin, qui s'était vu contraint de la boucler, afin d'éviter de se coller la marine à dos... D'autant plus qu'à l'époque, il ne possédait pas encore de licence. Son action avait donc été non seulement inqualifiable (d'après Sören), mais en plus, tout à fait illégale (d'après le Code Civil de la marine revisité par L. Trovahechnik, art. 19. 46 B, alinéa 4).

Depuis plus d'un mois qu'ils faisaient route ensemble, Sören et James s'étaient mis d'accord pour faire pot commun, et créer un équipage. Seulement, ils n'étaient pas des criminels. Pas moyen de subtiliser discrètement un navire, comme l'aurait fait n'importe quel forban à leur place. Afin de gagner une belle somme le plus rapidement possible, les deux chasseurs s'étaient lancés sur la piste d'une capitaine pirate qui sévissait sur East Blue. La prime leur avait semblé honorable, et le barde s'était fortement intéressé au personnage... du fait des rumeurs qui prétendaient qu'elle voyageait avec un chat.
Aller, quoi ! Une amie des chats, qui avait réussi à en persuader un de l'accompagner sur les mers ne pouvait pas être quelqu'un de bien méchant. Il y aurait peut-être même moyen de négocier.
Comme toujours, lorsqu'il s'agissait de félins, le chasseur s'était montré d'une grande naïveté.
En plus de cela, l'ange avait l'air de tenir au fait d'aller réclamer son permis de chasse sur cette mer... Mieux valait ne pas trop chercher à comprendre, là non plus.

Pendant les difficiles semaines qu'ils avaient passées sur ses traces, après avoir réussi à rejoindre East Blue grâce aux services pas franchement gratuits d'un navire marchand, ils n'avaient fait qu'entendre des échos inquiétants. Sur l'île de Syrup, un homme s'était même mis à hurler une série de mises en garde et de conseils où le mot «abandonnez !» figurait en chaque début de phrase.
D'après un de ses voisins, il avait été en contact direct avec la fugitive. Aussi, malgré la porte qui s'était refermé devant eux, les deux chasseurs s'étaient montrés... plus qu'insistants.
Il y eut donc des gonds fracassés à coups de batte, une réception musclée à grands renforts de bouteilles lancées au petit bonheur, quelques injures bien placées, un miaulement, et un grand coup de poing de la part de James, malgré les imprécations désespérées de son comparse.
Finalement, les deux parties avaient pu s'expliquer autour d'un brandy, boisson fétiche du malheureux témoin, en cas de coup dur.


-Comment j'étais sensé savoir qu'vous étiez des chasseurs de primes ? Hein ?
-On te l'a expliqué, connard, mais t'étais trop occupé à gueuler pour nous entendre.
-Bon. Et sinon, t'as des choses à nous dire, pour Natalia Sirquiz ?

Le pauvre type avait pris soin d'avaler une longue et grave lampée de brandy, avant de répondre.

-Les gens la sous-estiment, mais c'est une terreur, par chez-nous. Mon frère en a fait les frais, sur la côte. Il est boucher, et le bonne femme lui a torpillé son stock de viande. Elle a aussi récupéré une grosse quantité de mou, qu'il destinait habituellement à des clients qui avaient des chats... Et puis, après, elle a fait un passage dans la ville. Elle était suivie par trois gars, qui avaient un coup la tête à la place des fesses, un coup les bras dans les jambes... Des contorsionnistes ? Ouai, c'est ça. Mais ils étaient flippants.
-Et... C'est tout ?
-Ben... Oui. Pourquoi ?

Fulminants, les chasseurs avaient posé brutalement leur verre vide sur la table, avant de bondir sur leurs pieds.

-Et tu as gueulé comme un porc pour ça ?!
-Ah ! Désolé, mais j'ai eu la frousse de ma vie ! Vous croyez quoi ? Il se passe jamais rien, par ici ! Et puis, et puis... Et puis de toutes façons, laissez moi tranquille !
-Mon gars, elle est partie où ?

Bien plus serein que son compagnon, Sören (ah, ah ! Jeu de mots !) avait posé une main conciliante sur l'épaule du témoin, le forçant ainsi à se rassoir.

-Je... Je ne suis pas sensé avoir entendu quoi que ce soit, d'accord ?
-T'en fais pas, elle saura rien, on arriv'ra comme des mouches dans la soupe.
-Bon... Et bien... J'ai entendu quelque chose à propos de l'île d'Orange. Une histoire de coup dur, de besoin de se refaire en douceur, dans un coin tranquille... mais j'en sais pas plus !

Comme il avait été impossible de tirer quelque chose de plus précis du témoin, les deux chasseurs l'avaient laissé réparer sa porte en paix, pendant qu'ils prenaient la direction du port. Il y eut quelques jours d'attente, avant qu'un petit brocanteur accepte de les prendre à son bord.
La traversée se déroula sans heurts, si l'on faisait abstraction des caprices digestifs de James. Visiblement, la navigation au pays des nuages ne comportait ni roulis, ni tangage. Au grand malheur de l'ange, qui ne parvenait pas à garder en lui le contenu d'un repas plus de quelques heures...

L'arrivée au port d'Orange fut donc une libération, malgré l'humeur gaillarde du brocanteur, qui paraissait bien convaincu de faire d'excellentes affaires sur l'île. Sören le salua chaleureusement, tandis que son compagnon prenait le chemin d'une taverne, dont les lumières brillaient dans la nuit tombante. Son mal de mer passé, la faim devait avoir repris le dessus.

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Journal de bord : 15 février 1624
J’en ai marre... Nan, franchement... N’y aurait-il pas un humain qui sache faire avancer un navire sans qu’il tangue sans arrêt ? La mer est une chose insupportable, on part à droit, on part à gauche, on monte, on descend... Si j’en avais la force, j’irais exploser la tête de ce navigateur de malheur, mais à force de vomir tripes et boyaux, on finit sans aucune énergie. Je passais mon temps à geindre, affalé sur les planches, comme un vulgaire pochard ayant bu trop de vin de mauvaise qualité. Oula ! Pourquoi je parle de ça, moi ? Ne pensons pas au vin, ni à aucun alcool, ni à quoi que ce soit qui fasse un trajet bouche-estomac. Je m’efforçais de ne penser qu’à notre destination. Orange ! Maintenant que j’avais obtenu mes papiers de chasseur de prime, j’étais pressé de capturer mon premier pirate.

-Sören !... On est bientôt arrivé ? Burp !

Cela faisait au moins vingt fois que je lui posais la question, mais chaque fois, sa réponse était différente. Un fois « Oui », une fois « Non », une fois « Crève en silence ! », une fois « Miaou ! ». Tu parles d’un soutien ! Qu’est ce qui m’avait pris de le prendre avec moi dans ma dream team ? Ouais, il était marrant et puis il avait cette bestiole que j’aimais bien. Un chat qu’il appelait ça. Lui au moins, il venait me soutenir dans cette épreuve et vibrait contre mon corps. Ca passait pas l’envie de gerber mais c’était agréable. Sören, lui, semblait totalement insensible à cette malédiction qui s’était abattu sur moi. Enfin, on finit par arriver à destination et je pus ramper hors de cette embarcation de malheur !

On était venu sur l’île d’Orange car c’était là qu’avait pour habitude de traîner Natalia Sirquiz. Cette pirate avait une prime sur sa tête très alléchante et comme c’était une fille, je n’avais pas pu m’empêcher de vouloir la traquer. Autant commencer par une cible facile, et les filles, c’est nul, tout le monde le sait. Qui n’est pas capable de battre une fille, franchement ? Alors si en plus, c’est bien payé, il n’y avait pas à hésiter. On avait croisé des gens qui en avaient eu peur amis bon... Disons que leurs témoignages n’étaient pas vraiment exhaustifs. C’était sur une île appelée Syrup. Un mec criait partout comme si cette femme était le mal absolu, mais tout ce qu’il avait trouvé à nous dire pour illustrer ses propos, c’était qu’elle se baladait avec trois contorsionnistes. Ha, il m’avait énervé celui-là !! Un sourire me revient rien qu’en repensant au bon coup que je lui ai mis dans la gueule ! Peut-être qu’il criera que James Fermal est un vrai monstre au prochain touriste qui passera sur Syrup ! Hahaha ! Ce serait génial !

-Bon, on dégage, j’ai faim !

Après avoir fait un geste obscène au propriétaire du bateau qui nous avait emmenés, pour un prix exorbitant en plus, je me mis à chercher un endroit ou grailler ! A force de tout faire sortir, fallait bien que ça rentre au bout d’un moment. J’avais la dalle, quoi ! J’aurais pu avaler n’importe quoi, tous ce qui se mangeait. De toute façon, avec les spécialités locales, je ne savais pas ce que je mangeais une fois sur deux. On finissait par s’habituer à l’idée d’ignorer ce qu’on avalait. Tiens, là, ce bouiboui fera très bien l’affaire. Un petit geste à Sören pour qu’il me suive et j’entrai dans ce qui ressemble à une taverne. J’ouvris la porte d’un geste sec en criant :

-Deux portions de bouffe pour grands affamés ! Et que ça saute !

Tous les regards se tournèrent vers moi, dans un silence de mort. Personne ne bougeait, personne ne parlait. Une ambiance à en faire pâlir une agence de pompes funèbres. Ce n’est qu’alors que je remarquai que tous les clients étaient ligotés. Certains mêmes avaient perdus connaissance. Ça sentait pas bon cette histoire. Je fis un pas en arrière et retint Sören du bras qui venait d’arriver à ma hauteur. Hors de question d’entrer là dedans.

-Sören ! N’entre pas là dedans. Je sais pas ce qu’il se passe ici mais je sens qu’on va mettre des plombes à se faire servir. Trouvons un autre établissement où manger !
    Il n'y avait pas à dire, James avait du flair, pour un nouveau venu dans le métier. Il avait réussi à trouver du premier coup une auberge où quelque chose de louche se passait, sur une île où séjournait une femme tout aussi louche. Coup de chapeau.
    Sauf que le pauvre bougre n'avait pas l'air de comprendre, et venait de signifier très clairement l'intention qu'il avait d'aller chercher sa pitance autre part. Sans afficher son impatience, Sören l'attrapa par le bout d'une aile, tandis qu'il faisait volte-face, et le ramena à lui brusquement.


    -Hop, hop. On est pas venu sur c't'île pour goûter les bons services et les spécialités locales, mais pour ce genre d'problèmes. Alors on rentre, on s'occupe du responsable, et on cassera la croûte après. T'es un chasseur, ou pas, James ?

    Comme Sören avait frappé au coeur, en plein dans son orgueil qu'il avait surdimensionné, son compagnon resta figé sur place. Lui avait fait quelques pas dans l'établissement, affichant un air assuré. L'assistance était silencieuse. Tout semblait suer la peur, du plancher jusqu'aux murs en passant par le comptoir. Une femme s'y était installée, et buvait un verre de sherry à petites gorgées. Un chat noir, l'air méchant comme une teigne, était assis à ses côtés, et observait le barde avec une étrange curiosité. Celui-ci lui rendit son regard, et aussitôt, il sentit le félin s'adoucir, comme si une entente tacite s'était faite entre eux d'entrée de jeu. Il savait qu'il exerçait sur les chats une grande fascination, fascination qui avait sa réciprocité. Et le fait de savoir que l'un d'entre eux suivait une pirate cruelle n'était pas pour lui plaire. En apercevant un filin noir que l'animal portait attaché au cou en guise de laisse, le chasseur serra les poings. La capture de Natalia Sirquiz ne ferait peut-être pas des heureux que du côté des humains.
    Autour d'elle, trois étranges personnages étouffaient des rires, penchés sur le comptoir, une choppe à la main et couverts des pieds à la tête de vêtements bariolés.
    Sören et James continuaient leur progression dans la taverne, sous les regards affolés des victimes de la pirate. Soudainement, le barde s'arrêta, et posa besace et bouzouki contre un mur, avant de plonger la main dans son manteau. Il s'empara d'un avis de recherche qu'il avait gardé sur lui, et l'afficha aux yeux de tous.


    -Natalia Sirquiz, une prime de 10 millions d'berrys, et un crime de plus, hein ? J'suis désolé de t'dire ça, mais on est pas v'nus parler tambouille...

    Une profonde supplication toute droit sortie de l'estomac creux du pauvre James résonna longuement dans la salle, comme pour infirmer ce qui venait d'être dit. Malgré la situation, Sören prit le parti d'en rire, pendant que la pirate se levait, sans lâcher son verre...

    [Hrp : petit post bien court, et sans grand intérêt, mais c'est surtout pour permettre au modo pnj de se lancer sur Nathalia. Je pense que ça va être à lui, là.]
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      Natalia est une femme à la beauté rien moins que spectrale. Elle est trés mince, grande, et drapée dans une robe fourreau noir et moulante qui accentue encore la paleur de sa peau et la noirceur de ses cheveux. Seule touche de couleur dans sa tenue un rouge à lévre carmin qui semble changer ses lèvres en blessure ouverte...Brrr... Pas vraiment le genre de filles qu'on aimerait croiser par hasard dans une ruelle sombre. Pour l'heure elle vous regarde entrer en tirant une bouffée du très long porte cigarette qu'elle tient négligemment à la main...
      Elle ne porte aucune arme visible bien que ses faux ongles soient assez long pour servir de rasoir mais le regard qu'elle vous lance suffirait à stopper sur place un homme normal à dix mètres.
      Heureusement que ce genre d'attaques laisse James parfaitement indifférent...

      Derrière le bar les trois comparses font nettement plus bouffons que leur patronne, surement toujours cette recherche de contraste. Leurs habits bouffants et bigarrés rendent assez difficile une évaluation facile de leurs capacités physiques mais ils semblent tous rentrer dans la catégorie foire, deux d'entre eux au moins sont suffisamment petits pour être des nains, et le troisième au contraire est si grand et si maigre qu'il doit pencher la tête sur le coté pour ne pas toucher le plafond.

      -Natalia Sirquiz, une prime de 10 millions d'berrys, et un crime de plus, hein ? J'suis désolé de t'dire ça, mais on est pas v'nus parler tambouille...

      -Oh...Des mignons chasseur de primes qui viennent arrêter la trop trop méchante dame noire.... Avec un ange et un joli chaton...Trop chou...

      En actrice de talent elle maitrise sa voix à la perfection et la tonalité moqueuse qu'elle emploie vous cingle aussi surement qu'un coup de fouet... Sourire narquois au visage elle souffle dans votre direction un nuage de fumée qui ressemble étrangement à une tête de mort, puis écrase négligemment sa clope sur les mains offertes du barman ligoté au comptoir qui retient à grand peine un gémissement de douleur en tournant vers vous un regard suppliant.

      -Qu'est que tu en penses toi Raspoutine ? Tu crois qu'il faut les prendre au sérieux ?

      Sa main descend sur le chat et lui tapote sèchement la tête... Le chat se dresse immédiatement sur le comptoir en posture de défi, queue dressée, poils hérissés et vous crache un feulement méchant au visage, c'est une bestiole énorme, un matou noir comme une aile de corbeau et qui a du en voir de dur avant d'en arriver au vu de la cicatrice qui lui zébre un de ses yeux, et de son oreille à moitié coupée.. Le genre de chat assez coriace pour ne pas reculer même devant un chien. étrangement il semble obéir à Natalia comme un animal bien dressé plutôt que comme un chat. Et il cesse de cracher dés que Natalia lui tape une deuxième fois le sommet du crane.


      Raspoutine:

      -Vous avez entendu Raspoutine les enfants ? Abimez donc le monsieur au chat pendant que je m'occupe de ce délicieux petit ange...

      Alors que j’allais foutre le camp de ce bouiboui crado, Sören insista pour entrer, m’attrapant par l’aile. Il savait que je déteste ça ! C’est sensible une aile! Je fis immédiatement demi-tour en me recoiffant les plumes. J’avais la pointe de l’aile toute froissée à cause de cette brute. Qu’est ce qu’il y avait de si intéressant à faire ici ? Des gens assis, sans bouger, sans parler... Tu parles d’une ambiance de merde ! Bon, d’accord, il y avait une fille plutôt bien roulé dans le fond mais moi j’avais faim, j’avais pas envie d’autre chose ! Sören semblait pourtant très motivé et s’avança pendant que je m’affairais sur les finitions de mes belles petites plumes. Je me doutais de sa motivation, la demoiselle avait un chat. Et un chat maltraité visiblement parce qu’il était couvert de cicatrices et retenu par une corde.

      Personnellement, j’en avais rien à foutre, mais j’allais pas laissé mon compagnon se lancer dans une quête solitaire. Je remarquais alors trois types, franchement moches, qui n’étaient pas ligotés comme les autres. Ils s’amusaient à se tordre les bras dans tous les sens, ce qui leur donnait l’air débile, en plus. Comme si leur physique ne suffisait pas. L’idée qu’il y aurait au moins quelqu’un à qui je pourrais botter le cul me fit sourire. Parce que, honnêtement, la « quête de libération du chat maltraité par une demoiselle » par James et Sören, ça avait aucune chance de rentrer dans la légende ! Soudain, Sören s’arrêta et fit face à la dame en noir. Après réflexion, elle était plus effrayante qu’attirante et il aurait fallut me payer cher pour que je la suive dans une chambre. M’enfin, une femelle restait une femelle et ne pouvait pas faire grand-chose à un mâle, et encore moins à un ange !

      -Natalia Sirquiz, une prime de 10 millions d'berrys, et un crime de plus, hein ? J'suis désolé de t'dire ça, mais on est pas v'nus parler tambouille...

      Haaaaaa ! Mais c’était-elle ? Je fixais tour à tour l’avais de recherche que le barde avait sortie et la femme à quelques centimètres de moi. Ouais, ca correspondait plutôt bien à la description d’elle et de son équipage. Une grande capitaine flippante, habillée en noir, avec un chat crasseux et trois trous d’balle qui la suivent partout. J’avais tellement faim que j’avais totalement oublié qu’on était venus ici pour la pourchasser, et éventuellement, l’arrêter. Cette faim se fit d’ailleurs entendre dans toute la taverne. Je fus obligé de me plier légèrement tellement le gargouillis était intense.

      -Hargh ! J’ai trop faim pour leur exploser la tronche là ! Viens Sören ! On va manger et on les arrête après... J’en peux plus, moi...

      Mais Nathalia s’était levé et semblait très hostile ! Sa voix était calme et posée, mais cela sonnait comme un fouet glacial qui vous cisaille les oreilles. C’était tellement désagréable que je me demandais s’il ne s’agissait pas d’un pouvoir magique. Pour être franc, je n’écoutais pas ce qu’elle racontait, c’était simplement le timbre de sa voix qui me dérangeait. J’étais trop occupé à imaginer des brochettes de viandes dégoulinantes de sauces et de graisses... Avec juste une pointe de paprika et de... Ouh putain ! Perdu dans mes pensées, je ne faisais pas attention à ce qui se passait autour de moi et ce fut par un réflexe sortit d’on ne sait où que j’évitai un coup à la tête. Nathalia venait d’essayer de me griffer le visage avec ses ongles plus aiguisés que les griffes de Morgan ! Haha ! Heureusement que je n’ai aucune valeur morale, sinon j’aurais hésité à frapper une femme. Mais... ba là, non ! Je fis un saut en arrière pour éviter une nouvelle attaque et en profita pour balancer mon pied au niveau de son visage mais elle l’évita en se penchant en arrière à un point que je n’imaginais pas possible. Hyper souple !!! Je commençais à reconsidérer les points positifs et négatifs de la demoiselle tout en sortant ma batte de mon dos.

      -Dommage, tu dois être de bonne compagnie, mais quand je t’aurais démolit la gueule, tu n’auras plus beaucoup de prétendants !

      Mes coups pleuvaient, j’efforçais d’oublier ma faim en restant concentré sur elle et sur mes attaques, mais elle parvenait à tout esquiver, en prenant toujours des positions absurdes et à la limite du possible. Ses articulations semblaient pouvoir pivoter à 360° sans problèmes. Difficile donc de prévoir ses mouvements et d’atteindre la cible. Je regarda rapidement Sören. Le pauvre ! Il devait combattre trois garçons en même temps, alors que moi j’avais juste une gonzesse à calmer.

      -Fais gaffe Sören, ils ont l’air d’être ultra souples. En tout cas elle, elle est trop chiante à toucher !
        Drôle de bestiole... Depuis des années, c'était sans doute l'un des premiers cas que le barde voyait demeurer insensible face à lui. En règle générale, dès lors qu'il se trouvait à portée de vue, les chats accouraient et se mettaient à lui coller aux bottes dans un concert de miaulements stridents. Mais là, rien de tout cela. Le matou, en grand seigneur, demeurait assis, très fier, ses yeux sournois fixés sur la scène. Il donnait vraiment l'impression d'observer en silence, comme une sentinelle.
        Une telle majesté contrastait salement avec les trois énergumènes qui s'avançaient lentement en direction de leur victime désignée en la personne de Sören, avec laquelle ils semblaient bien décidés à en découdre.

        Tous étaient contorsionnistes, et avaient l'air de se faire un plaisir extravagant à le démontrer à chaque pas. L'un des petits s'avançait prestement, les pieds repliés derrière les oreilles, en courant sur les doigts de ses mains, telle une grosse araignée répugnante et bigarrée; l'autre exécutait des sauts de puce, le corps enroulé autour d'une seule jambe (la seconde tournoyant dangereusement, à une vitesse qui laissait présager le pire); le dernier, enfin, le grand, bondissait comme un crapaud, en réalisant à chaque saut plusieurs tours sur lui-même.

        Nathalia s'en était pris à James. Veinard. Lui, au moins, avait droit à la méchante caractérielle typique des milieux du crime, tandis que de son côté, le malheureux barde se payait les trois phénomènes de foire évadés de la section psychiatrique de la prison la plus proche. Imprévisibles, et difficiles à cerner.

        En tous les cas, nul besoin n'était de faire dans la dentelle, sur ce coup. Pas à trois contre un, et pas contre des pirates résolument violents. Les serpes en main, Sören attendit le premier choc du contact, qui ne se fit pas attendre longtemps. En ricanant comme des diables, les contorsionnistes frappèrent comme un seul homme : un coup de pied latéral lancé à-travers son visage, le petit qui s'était jeté dans son ventre, et le grand qui, d'un bond prodigieux, était passé dans son dos pour le poignarder vilement.

        Contre tout cela, Morgan blottit au fond de sa capuche, le chasseur se baissa prestement, parant le coup de couteau du revers de sa serpe. D'un geste brutal du poignet, il coinça l'arme dans le creux de la sienne, et l'arracha des mains de son propriétaire.


        -Nous sommes des chasseurs,
        Amis de la justice,
        Ses artisans sans peur
        Qui marchent sans milice !


        L'air passablement déconcertés, les pirates éclatèrent d'un rire mauvais, pendant que Sören se dégageait et reprenait son élan. Il frappa de droite et de gauche, esquivant sans cesse, au corps à corps. Bien vite, il dut reconnaître son manque d'efficacité, du à son étouffement. Il allait vraiment falloir attendre une faille propice pour en mettre un hors de combat, et d'urgence ! Sans quoi l'issue du combat risquerait d'être douteuse... Et il n'était absolument pas question de laisser James seul dans ce monde cruel. Eh. Ça ne se voyait pas forcément, mais le sens des responsabilités régnait du côté des Hurlevent.

        -Tiens l'coup, grand ! Et met l'paquet, qu'tu sois pas réexpédié au ciel plus tôt qu'prévu ! Ah ah ! Tiens, pour toi :

        Un ange tombé des nues,
        Sur un champ de bataille
        Vaut mieux qu'un mort qui pue
        Sous un grand tas d'entrailles !


        Toujours, Sören improvisait des vers de plus ou moins mauvais goût, en combat. Il en tirait du courage, et l'ironie lui permettait de supporter douleur et violence. En plus de cela, bien souvent, ses adversaires s'agaçaient de cette manie, et en perdaient toute concentration. Sauf que visiblement, les bouffons étaient du genre à apprécier cet humour, et attaquaient de plus belle, avec sans cesse davantage de sournoiserie...
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          Natalia est peut être chiante à toucher mais elle ne sembles pas vraiment dangereuse, comme prévue ce n'est qu'une femelle, et à part mettre des coups de griffes comme le chat de Soren, elle ne peut assurément pas te faire grand chose. Juste t’empêcher de manger tranquille jusqu'a ce que tu arrives enfin à lui coller ta batte quelque part pour la calmer.

          La dame en noir en arrive probablement au mêmes conclusions puisque elle se glisse hors de portée, interposant entre vous une table que tu t'empresses de fendre en deux d'un coup de batte avant de t'avancer droit vers l’empêcheuse de manger peinard.

          -Lento assai !

          Et tu es complétement surpris quand les deux moitiées de tables se referment soudainement sur toi comme une grosse mâchoire surgissant du plancher et tentant de te bloquer entre les deux plateaux, et quand les tiroirs logés dessous jaillissent pour te frapper douloureusement les tibias.

          Et pendant que tu te débats contre ce meuble bizarre, Natalia continue de reculer en tripotant au passage les chaises et les bancs les plus proches, et dés qu'elle les relâche ils se mettent en marche vers toi en se dandinant...

          -Pauvre petit ange... J'ai mangé le fruit de la vie, même les meubles m'obéissent...(elle à le sourire que pourrait avoir un chat devant une souris prise au piège) et bientôt, tu m'obéiras comme eux !

          (...)

          Coté Soren, c'est à la fois plus et moins compliqué. Il ne fait aucun doute qu'en combat loyal l’avantage irait au chasseur de primes, mais à trois contre un l'issue est moins certaine. D'autant que les adversaires sont pour le moins incongrus, et que les techniques de poésie déstabilisante ne semble pas les atteindre. Peut être à cause des hop hop hop dont ils ponctuent chacun de leurs mouvements.

          Voyant que les bonds de chat de Soren semblent suffire à le rendre intouchable, les trois clowns changent de technique...Le plus grand déploie son costume façon cape ou drap en patchwork et les deux autres disparaissent derriére lui, préparant un coup fourré qui ne se fait pas attendre.

          -Canon dislocation !

          Et pendant que le plus grand te fonce dessus en tentant de te poignarder avec ce qui ressemble vachement à une paire d'aiguilles à tricoter, les deux autres surgissent en tournant par dessus sa tête pour te retomber dessus comme si on venait de les catapulter. Ils sont repliés en format boule et tiennent des lames partout ou c'est possible, à la mains aux coudes, entre les genoux, entre les dents. C'est un peu comme si on te balançait dessus des boules de flipper hérissés de piquants...

          Gare au choc !
          Ça commençait franchement à être long. Le combat n’avançait pas. Elle m’attaquait. Je l’esquivais. Je l’attaquais. Elle m’esquivait. Bref, c’était chiant ! Et mon estomac n’arrangeait pas les choses. J’avais tellement faim que je commençais à regarder le chat d’une manière qui ne me ressemblait pas. Si seulement elle pouvait me laisser deux secondes de répit, je pourrais peut-être lui en placer une bonne en pleine tronche, mais ses coups de griffes pleuvaient encore plus vite que mes coups de battes. Du coup, je devais rester sur la défensive en permanence. Mes attaques servaient plus à la faire reculer qu’à lui faire mal car je savais parfaitement qu’elle allait encore se tordre comme un chewing-gum mâché et que cela ne servirait à rien. Mais cela m’étonnait toujours. Une idée me traversa l’esprit. Une expression humaine disait « avoir la tête dans le cul ». Assurément, cette femme était capable de passer de la métaphore à la réalité. Et s’il fallait l’y aider, j’étais partant.

          Plus le temps passait, plus ma faim grandissait et plus j’étais pressé d’en finir avec ce combat ridicule. Certes, il y avait une jolie prime à la clef, mais j’aurais volontiers abandonné cette récompense contre une bonne assiette bien remplie. Le combat était si lassant et répétitif que mon corps avait commencé à réagir tout seul. J’étais en mode automatique et cherchais un moyen de briser cette boucle. Soudain, elle se stoppa et fit un bond en arrière. Moi, à moitié perdu dans mes pensées, je continuais à frapper dans le vide. Je réagis quelques secondes plus tard en la voyant se cacher derrière une table. Un bon coup dessus et celle-ci se brisa.

          -Espère pas t’en tirer en te cachant après m’avoir fait autant chier ! Viens là !
          -Lento assai !

          Un violent coup sur les tibias m’arracha un cri de douleur. Les deux morceaux de la table s’étaient relevés et me serraient comme un étau. Les tiroirs bougeaient et me frappaient à chaque fois. Ca faisait un mal de chien cette connerie ! C’était de la sorcellerie ! Comment une table pouvait-elle bouger toute seule ? La dame en noir s’éloignait de moi et je voyais des chaises et des bancs bouger tout seul, en s’approchant de moi. Elle m’expliqua qu’elle avait manger un fruit lui permettant de faire bouger les objets.

          -Ouais, c’est ça, bien sûr. Fous-toi de ma gueule en plus. Il doit-y avoir des fils accrochés quelques part...

          Un fruit qui donne des pouvoirs magiques... Qu’est ce qu’il faut pas entendre ! J’en ai déjà mangé des fruits depuis que je suis arrivé sur le monde d’en bas et ça m’a jamais fait bouger les meubles ! Son outrecuidance m’énerva et je me mis à forcer avec mes bras pour repousser la table qui m’oppressait. Mais avant ça.... deux secondes. Voilà, une fois mes jambes repliées sous mes fesses pour ne plus me les faire éclater par les tiroirs, je pouvais commencer à pousser. Mais elle serrait fort cette connerie. Après moult efforts, je parvins à bloquer mes coudes, puis mes mains. Une fois en position, c’était bien plus facile. Je poussai d’un coup sec et réussit à me sortir du piège. Mais les deux morceaux de table continuait à avancer vers moi, suivit d’une armée de sièges. Avec ma batte, j’explosai les deux morceaux de tables et commençai à avancer en repoussant les chaises comme je le pouvais. La table continuait à ramper, mais avec un seul pied par morceau, elle ne pouvait plus faire grand-chose.

          -Admettons que tout ce merdier soit vivant. Moi aussi je suis vivant, et toi aussi. Ça m’a jamais empêché de frapper et de gagner.

          Je pris une chaise qui me fonçait dessus par le dossier et l’envoya sur cette peste. Vivante ou pas, elle était soumise aux lois de la physique comme tout le monde. Elle allait donc lui arriver en pleine gueule, hahaha !
            Sören était un artiste de rue. Il aimait proposer un spectacle original et poétique. A l'occasion, il lui arrivait de se mesurer à d'autres troubadours, acteurs ou montreurs de marionnettes, et dans le métier, il pensait avoir vu de tout.
            Mais rien que ce début de combat prenait l'allure du pire concours de foire auquel il n'ait jamais participé. Sans compter que la dernière attaque venait de le mettre dans une drôle de situation. En face, le grand qui frappait sans discontinuer, deux aiguilles à tricoter géantes entre les mains (le barde n'osait imaginer ce qui se passerait s'il se laisser attraper dans le mouvement, qui évoquait le point de croix !), et au dessus, ses deux copains qui s'étaient transformés en broyeuses, et qui lui tombaient dessus comme une grêle tranchante.
            Pas le choix. Reculer ne servirait à rien, surtout que le mur était proche. Il ne restait qu'à rentrer dans le peu de lard que présentait le géant, en déviant l'un de ses coups dont la régularité était si traître...


            -Style du Lèche-Bottes : La cuve est séductrice !

            D'un mouvement courbe de la serpe, le chasseur cueillit l'une des aiguilles au vol, et, épousant le geste de son adversaire, il poussa l'arme à se retourner contre son propriétaire. Celui-ci retint un cri hystérique, tandis que l'aiguille revenait vers lui, mais ses réflexes d'acrobate jouèrent en sa faveur. Raté !
            Cependant, Sören n'attendait pas grand chose d'une telle offensive. Ce qui comptait à ses yeux, c'était avant tout de briser le mouvement et la garde ennemie, pour pouvoir se jeter dans ses jambes à temps...


            -Style du Lèche-Bottes : Pot-de-colle !

            Sans lâcher son adversaire d'une semelle, le barde se jeta brusquement dans ses jambes. Serpes en avant, il s'empara des chevilles, qu'il tira vers lui tandis que son poids imposait un mouvement contradictoire. La chute était inévitable, mais, l'infortune étant décidément de la partie, le contorsionniste tomba en arrière, laissant Sören à la merci de ses deux comparses.
            Il n'était plus temps d'esquiver, l'impact allait bel et bien avoir lieu...
            Serrant les dents, le barde s'efforça de sourire. Ne jamais perdre la face pendant une bataille, il s'agissait là des ficelles du métier.


            -Un jeune chat pris au piège
            Aura toujours neuf vies
            Le don du sortilège
            Qui voit clair dans la n...


            Toujours insensibles aux vers moqueurs de leur adversaire, les deux contorsionnistes venaient de lui tomber droit dessus, toutes griffes dehors. Sören avait mis autant de bonne volonté que possible à contrer les attaques, mais il n'avait pu empêcher un certain nombre de dagues de lui cisailler la chair. Et correctement. Un mal de chien, que ça faisait, rien de bon pour un ami des chats !
            Il encaissait vaillamment, lorsqu'un miaulement terrible se fit entendre. Raspoutine ? Non ! C'était Morgan, qui venait d'attraper un mauvais coup !
            Une tempête passa en un éclair derrière les yeux du fils Hurlevent. Une panique angoissée, qui se répandit dans tous ses membres comme une traînée de poudre brûlante.
            Deux éclairs zébrèrent la vue des nains qui s'acharnaient. Réunissant toutes ses forces dans une seule attaque, le chasseur venait de les repousser avec une violence terrible. Des traînées sanglantes apparurent sur les vêtements bigarrés des pirates, qui se mirent à rire frénétiquement.
            Mais le grand s'était visiblement assommé, en cognant la tête sur le coin d'une table qui venait de partir en dansant. Sören ne se rendit pas même compte de l'étrangeté de la chose tant il était occupé à essayer de deviner l'état de son chat. Mais celui-ci se hissa rapidement sur son épaule. Ce n'était rien, une simple égratignure... Le bout de la lame n'avait fait qu'érafler.
            Mais un accord tacite se fit entre le jeune homme et l'animal, qui s'échappa par une fenêtre ouverte pour aller trouver refuge sur le toit, en attendant que le danger ne soit passé.
            Soulagé, mais légèrement renfrogné malgré tout, le chasseur resserra sa prise autour du manche de ses serpes. Ce fut seulement à ce moment qu'il remarque qu'un étonnant ballet avait lieu dans la taverne. Tous les objets avaient l'air d'être devenus fous. Un escabeau courrait après James, tandis qu'un pot de peinture s'acharnait à monter les échelons pour exécuter une attaque plongeante... Une balayette mal contrôlée vint s'écraser contre le mur. Les tables faisaient cogner leurs pieds contre le sol, dans un tonnerre assourdissant. Un... fruit du démon ? Ce ne pouvait qu'être cela... Restait à savoir si James en connaissait l'existence.
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              Bam, la chaise lancée de main de maitre traverse le bar pour frapper la miss en pleine poire et elle disparait derriére le bar dans un cri aigu et un froissement de jupons et de dentelles. Mais pas très longtemps. Et le cri de fureur qu'elle pousse en se relevant ferait fuir une troupe de chats errants...

              -Maudit ange! Tu m'as cassé le nez, tu vas me le payer !

              Complétement en furie derriére son nez en sang la harpie se redresse en hurlant de rage et balance pèle mêle sur James tout ce qui lui tombe sous la main, couteaux de cuisine, verres, bouteilles, plateaux, et elle vise plutôt bien.

              Heureusement que la réception d'objets à la batte est un art dans lequel l'ange est passé maitre...

              -Ah c'est comme ça ! Fantasya !


              Elle lève les bras au ciel en agitant les doigts et soudain tout s'anime dans le bar. Une pluie d'assiettes volantes filent droit sur vous, des tonneaux sautent joyeusement de leur logements pour rouler vers vous en écrasant les meubles plus petits, les balais sortent de leur placard et entreprennent de vous cerner en sautillant d'un air menaçant pendant que les rideaux se mettent à claquer en essayant de vous attraper pour vous étrangler. Tout ce qui un instant plus tôt n'était que meubles inanimés semblent soudain se mettre en branle pour obéir à l'horrible mégère.

              Et comme si ça ne suffisait pas de se mettre le décor à dos, le reste de la bande attaque de plus belle, galvanisée par le cri de leur maitresse.

              -Prise du pantin !

              Surgissant de sous une table en mouvement l'un des nains saute sur le dos de Soren et s'enroule littéralement autour de ses membres, tentant de lui emprisonner bras et jambes pour permettre à son compagnon de frapper pendant que son chapeau soudain vivant tente de lui couvrir les yeux et que les fils de sa guitare s'enroulent autour de son cou.

              -Toi aussi sale bête, bats toi !

              Attrapant le gros matou par la peau du cou Natalia le balance droit sur James qui n'a pas le cœur de lui mettre un coup de batte et se retrouve immédiatement au prise avec un matou d'au moins dix kilos qui lui lacère le crane et les épaules à coups de griffes en feulant comme un démon...
              La chaise lui atterrit en plein dans la tronche et elle fit une vrille avant de s’écraser comme une vieille bouse derrière le bar. Haha ! Quel sniper je fais ! C’était trop drôle de l’entendre crier de douleur en se tenant le pif ! Elles qui faisait sa belle, charismatique et tout le tralala, elle avait vraiment l’air con avec sa narine qui pissait le sang. D’ailleurs, étant doué d’une certaine capacité pour analyser lorsque les gens ne me portent pas dans leur cœur, je sentis une certaine animosité de cette demoiselle à mon encontre. Peut-être était-ce dans le regard, dans l’attitude, ou encore dans le fait qu’elle se mit à me balancer à la gueule une multitude d’objets contondants qu’elle s’amusait à rendre vivant.

              C’était vraiment bizarre cette faculté qu’elle avait. Mais je ne comprenais toujours pas l’intérêt. Repoussant les objets à coups de battes, je vis que Sören avait du mal à s’en sortir un petit gnome s’étant attaché à lui et le maintenant ligoté avec son propre corps. Je me mit à frapper tous les objets que Nathalia me lançait dans sa direction.

              -Sören, attention, tourne toi !

              Une paire de ciseau alla se planter en direction du dos de l’agresseur juste avant que je m’éclate littéralement la tronche par terre. Grognant, je relevais la tête et vit un banc vibrer comme s’il se foutait de ma gueule. Il venait de me faire un croche-patte ! Enervé, je brisai le meuble d’un coup de batte avant de me redresser.

              -Ah c'est comme ça ! Fantasya !

              Encore plus énervée qu’avant, la capitaine pirate venait de donner vie à la totalité des objets qui se trouvaient dans le bar. Beaucoup des otages furent jetés à terre lorsque leurs chaises se mirent à avancer en se dandinant d’un pied à l’autre. Ligotés et bâillonnés, ces idiots ne pouvaient qu’assister à la scène, impuissants. Vraiment, inutiles ces humains ! C’était une vision d’apocalypse ! Les chaises qui s’avançaient, les lustres qui attendaient qu’on passe en dessous pour se décrocher, les ustensiles de cuisines qui sautillaient dans tous les sens, les fenêtres qui claquaient si on approchait... Je pouvais pas faire un pas sans que quelques chose me cogne ou ne tente de me couper ! Heureusement que je pouvais renvoyer vers cette pétasse une grosse majorité des objets qui avaient le malheur de décoller du sol. Attrapant une bouteille de rhum au vol, je bus une grande lampée pour me redonner de l’énergie et oublier la douleur des nombreux coups que j’avais reçus, notamment au niveau des jambes.

              Mais je n’avais pas prévu que le goulot allait se refermer sur ma lèvre et me pincer avec une poigne extraordinaire. Sautillant de douleur, je ne pus retenir un cri.

              -Aïe ! Aïe ! Sö’en ‘ai ‘al !! Ai’e ‘oi !!

              Sans hésiter, je pris ma batte et l’abattit violemment sur la bouteille qui se brisa en mille morceaux. Je fus soulagé, mais je venais de me mettre un méchant coup dans la tête. La lèvre enflée et légèrement sonné, je me mis à balancer des coups de battes tout autour de moi. Après avoir renvoyé en direction de Nathalia l’équivalent d’un buffet à vaisselle dans la tronche, brisé une grande partie du mobilier et arraché les rideaux qui s’entortillaient autour de mes jambes pour me faire tomber, j’étais un tantinet énervé. Ces rideaux étaient chiants ! Je les déchirais, les deux morceaux se renouaient autour de mes chevilles. Je dus recommencer une bonne dizaine de fois jusqu’à ce que les morceaux soient trop petits pour faire le tour. Alors que je me relevais, je vis une grosse masse violette me foncer droit dessus. C’était le chat méchant qui nous regardait depuis le début.

              Je m’apprêtais à faire un home-run avec le félin quand je me dis que le troubadour qui me servait de compagnon ne me pardonnerait jamais de faire exploser un chat en vol. Dommage, ca aurait pu être vachement fun. Je mis ma batte en travers pour me protéger et l’énorme matou s’y agrippa, toutes griffes dehors.

              -Il ‘e ‘ousille ‘a ‘atte, ce con !

              J’avais encore du mal à parler à cause de la douleur, mais l’intention y était ! Je pris une balle de base-ball et l’enfonça dans la bouche du chat qui mordit violemment dedans. Sauf qu’une balle de base-ball, ça se dégonfle pas. Il resta coincé ainsi et se mit à se débattre sur lui-même pour tenter de retirer l’objet qui le gênait. C’est con, un chat, en fait ! En tout cas celui-là l’était.

              Attrapant ma cartouchière, je repérais la pirate qui s’était reculé au maximum pour laisser les objets faire le boulot à sa place. Ma technique préférée... Attrapant les balles une par une et les frappant avec ma précision légendaire, je fis pleuvoir une véritable pluie de balle à toute vitesse dans l’angle où se trouvait cette peste. Les balles la frappaient ou rebondissaient partout dans un bordel incommensurable. Mon bordel de balles associés au bordel des meubles, je crois bien que c’était ce qu’on peut appeler un bien beau bordel !!

              -It’s raining 'en !!!!

              Lorsque je n’eus plus de balles à envoyer, j’en récupérai une dizaine qui avaient roulés sur le sol et je jetai un œil vers Sören pour voir s’il s’en sortait.
                Ce chat... Forcé de se battre... Sören était bien obligé, à présent, de deviner d'où provenaient toutes ses balafres et cicatrices qui émergeaient à-travers son pelage hérissé et pelé. Il était utilisé à des fins violentes par sa maîtresse. Cette vision le mit dans une rage noire, une sombre colère qu'il n'éprouvait que lorsque l'on s'avisait de toucher à ses amis miaulant et ronronnant. Il allait vaincre, non seulement pour la prime, pour lui et pour James, mais aussi et surtout pour l'énorme matou. Il le prendrait à son bord, il lui ferait oublier Nathalia. Oui, c'était un serment. Prononcé devant l'autel du grand Belzébuth, seigneur et maître de tous les chats errants. Il ne faillirait pas, c'était une certitude, une résolution des plus fermes. Parfaitement.

                Mais c'était sans compter ladite Nathalia, qui, avec ses pouvoirs étranges, venait de s'en prendre à lui. Tandis qu'il profitait d'un bref moment de répit, son chapeau s'était mis à le trahir. Son fidèle chapeau, qu'il avait trainé depuis le temps qu'il faisait les vendanges ! Aveuglé par ses larges bords, il n'avait pas pu voir venir l'un des nains qui l'immobilisa de toute la force de son corps. Jambes et bras écartés, le barde constituait une cible offerte pour le géant qui se précipitait à présent sur lui en ricanant. Sordide. Et puis...


                -Uh...

                Les cordes du bouzouki ! Elles s'étaient détachées, et étranglaient à présent celui qui les avait tant et tant faites résonner ! Comment se sortir d'une situation aussi périlleuse ? Sören n'avait jamais été un grand gaillard, capable de rivaliser en terme de force. Il était acculé. Et le grand qui se rapprochait, avec ses aiguilles à tricoter...

                -J... Ja... urgh !

                Pas fier, le barde essayait d'appeler son partenaire à la rescousse. Mais avec les cordes qui lui compressaient la gorge, rien de moins simple ! Cependant, cela n'empêcha pas deux balles de base-ball bien placées d'aller se ficher respectivement dans la tempe gauche du grand gaillard, et dans les côtes du nain. Deux coups de maître, parfaitement bien alignés...

                … Sauf que, à en juger du regard étonné de James, celui-ci n'avait pas même remarqué l'effet salvateur qu'avaient eu ses projectiles. Sans doute s'agissait-il de tirs perdus. D'ailleurs, le sol était jonché de balles, sans doute sa meilleure stratégie... Ah... Un coup de chance, donc.
                Le gros chat de Nathalia se débattait d'ailleurs avec l'une desdites balles, l'air malheureux comme les pierres, lorsque le chasseur rencontra son regard.

                Drôle d'ambiance, un vrai carnaval, dans cette confrontation. D'un côté, Sören, qui s'estimait ami des chats autant qu'il l'était des humains ; de l'autre, Raspoutine, vieux matou aigri qui avait appris à haïr l'humanité à-travers la personnalité autoritaire et castratrice de sa maîtresse. Gros félin rusé et vil, qui avait tourné sa haine en violence, sans pouvoir la diriger vers celle qui le persécutait véritablement.
                Il y avait quelque chose qui le tourmentait : l'humain qui le regardait le faisait avec une étincelle dans les yeux. Quelque chose de bon, de doux et de paisible avait l'air d'émaner de lui. Quelque chose qui faisait trembler les os du pauvre Raspoutine, et qui réveillait en lui un vieux cœur de félin, bien caché. Un cœur qui avait l'habitude et l'amour de la liberté, de l'indépendance, et de la chasse menée sans haine. Un cœur qui se situait à l'exacte inverse de tout ce que Nathalia lui avait lentement et cruellement inculqué.

                Mais les réalités du moment rappelèrent vite le chasseur à ses obligations. Remerciant sa bonne fortune, il se débattit encore un peu avec son chapeau et son bouzouki, qu'il finit par jeter dehors (non sans avoir du se mesurer à une fenêtre particulièrement farouche), en essayant de limiter les dégâts. Mais ses trois adversaires s'étaient remis, et engageaient contre lui une nouvelle attaque combinée. Coincé contre le mur, attaqué lâchement par la fenêtre vaincue qui pendait sur ses gonds (sans parler des clous des lattes de parquet qui s'étaient mises à se détacher pour venir lui perforer le cuir), il n'en menait pas large. Les saltimbanques étaient certes blessés, mais moins que lui-même ne l'était. Il fallait en finir au plus vite, sans quoi les choses tourneraient pour de bon en sa défaveur.
                Trois attaques plongeantes furent dirigées contre lui, menaçant de le perforer en triangle. Aucune porte de sortie, impossible de s'enfuir. Exactement comme dans la chanson du chat acculé...
                Il fallait faire un choix. Les mains vides, sans armes, Sören prit une impulsion, souffla, et bondit comme un dément.


                -Style du Lèche-Bottes : Double Fermentation !

                Les poignards de l'un des nains lui lacérèrent le torse, mais il avait esquivé les deux autres... Et surtout, ses deux mains étaient venues se loger à la base de celles de ses adversaires. Avec force, il avait accentué leurs mouvement, de manière à ce qu'ils perdent le contrôle de leurs armes, et s'empalent mutuellement.
                Pour la première fois depuis le début du combat, ils cessèrent de rire comme des bossus.

                Le nain s'en tira plutôt bien. Les aiguilles le prirent dans leur jeu dans un bref instant, mais il ne reçut que quelques nouvelles estafilades. Le géant n'eut pas sa chance. Le poignard de son compagnon vint se loger dans le gras de son épaule, entre la clavicule et la poitrine. Jusqu'à la garde. Il poussa un cri et recula, tandis que Sören se relevait tant bien que mal. Avaient-ils visé trop haut, avec James ? Il était vrai qu'il n'avait guère eu de chance avec sa première technique, qui aurait pu être fatale. Qu'importait, il venait de se trouver un compagnon qui lui permettait d'espérer accomplir un jour son tour du monde. Pour cela, il ferait de son mieux et jusqu'au bout.

                Montrant les dents, n'ayant plus guère le cœur à faire de la poésie (ce qui s'était de toute manière montré inutile), le barde brandit de nouveau ses serpes, se préparant à un ultime effort.

                Il attaqua, para, fut projeté au sol, esquiva en roulant tandis qu'une chaise lui tendait un guet-append. Très vite, il se retrouva dominé, affaibli par ses blessures. Quand soudain...


                -MEEEOOOOOWW !!

                Une énorme masse poilue vint s'écraser sur le crâne du nain qui s'apprêtait à achever sa cible. De deux coups de griffe experts, elle lui creva les yeux. Ses crocs acérés vinrent lui arracher une oreille. Sören venait d'être sauvé par Raspoutine. Il avait finalement choisi son camp. Les yeux jaunes, le félin observa un bref instant le nouvel allié qui s'était choisi, avant de feuler avec force. De son côté, le barde reprit courage. Provocateur, il jeta un regard fier à Nathalia qui ne revenait pas de ce qu'elle venait de voir. Le nez cassé, privé de son chat domestiques et sacrément amochée par James, elle commençait à perdre de sa superbe... et, comme tout chasseur le savait, la victoire n'est plus si loin, lorsque l'ennemi perd courage.

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                  La pluie de balles de baseball a au moins le mérite de faire replonger votre ennemie derriére le bar, ce qui semble réduire légèrement la combattivité des meubles, pas beaucoup mais c'est toujours ça de pris. Et puis, vu les ricochets des tirs et les cris du douleur qui émanent du comptoir, il semble que vous aussi vous marquez des points.

                  Cela dit, ce n'est pas encore le moment de crier victoire. James est en train de tendre la main vers une des balles quand il remarque qu'au lieu de rouler au sol comme elles sont censées le faire celles ci rebondissent férocement sur le sol. Pas le temps de retirer le bras que la couture de la plus proche révèle une bouche pleine de petites dents pointues et qu'elle mord violemment le pouce de l'ange, immédiatement suivie par ses copines qui sautent chacune sur un doigt et semblent fermement décidés à attaquer la main jusqu'à l'os...

                  Coté trio la situation se décante, le géant s'effondre en gémissant de façon outrageusement exagérée, le nain tente de se débarrasser du chat et fonce tête la première sur un mur ou il s’assomme net, et se voyant seul contre Soren le dernier s’essaie immédiatement à la technique popularisée par des générations d’opossum et s'effondre avec un grand couic, faisant le mort...

                  Pas le temps de te pencher sur son cas qu'une autre urgence saute au yeux de l'amateur de chats. Au sol le matou semble avoir fort à faire avec son collier. Collier qui semble étre en train de se resserrer lentement autour de sa gorge pour l'étrangler. Avec une maitresse qui manipule et rend vivant les objets, il n'est pas difficile de deviner comment elle peut se faire obéir...

                  Pas mal du tout le petit vigneron ! Pour un humain, il savait se défendre ! Il venait de se libérer des trois connards qui lui tournaient autour depuis le début. Et puis, pas de la plus douce manière qui soit, en plus. J’avais vraiment bien fait de le prendre avec moi. Je voulus prendre une dernière balle sur le sol, bien décidé à achever la grognasse qui gémissait derrière le bar. Cela faisait un moment qu’elle y était et les meubles commençaient à légèrement ralentir. Elle avait du manger sévèrement. Je sais même pas pourquoi je doute, c’est moi qui avait tiré, bien évidement qu’elle s’était faite rétamé. Mais je sentis soudain une violente douleur dans le pouce. Je relevai ma main d’un geste vif, mais ça n’y changeait malheureusement rien. Je cherchais partout ce qui m’avais fait aussi mal et compris seulement après quelques secondes que la raison de ma douleur au pouce était toujours.... ba sur mon pouce.

                  Mon doigt était enfoncé à mi hauteur à l’intérieur de la balle de base-ball qui se resserrait comme si elle me mordait. Ha non ! Qu’elle fasse joujou avec des chaises et des balais, c’était normal ! C’était une femme ! Mais il était hors de question qu’elle touche à mes affaires, surtout mon équipement de base-ball ! Je vis alors toutes les balles que je tenais à la main se réveiller et me mordre les doigts. Ca faisait un mal de chien ! Je me mis à secouer la main avec force mais ces saletés s’accrochaient férocement. Si je tirais, je risquais de m’arracher la peau et a chair de tous les doigts. Ma main droite pouvait encore servir. Mais si je ne faisais rien, elles finiraient par me les couper.

                  °°Arracher ou couper ? Telle est la question...°°

                  Trêves de conneries, si je voulais sauver mes doigts, il fallait que je me bouge le cul. Et pour ça, il fallait que je force l’autre sorcière à arrêter son truc ! Je me mis à avancer en tapant un peu partout pour essayer d’assommer les balles. Mais bon, elles rebondissent, elles s’en foutent. Moi par contre, je commençais à me niquer le poignet à force de cogner contre tout ce qui passe. J’arrivais à bout de souffle au niveau du comptoir. C’est que ça fatigue de devoir sauter toutes les deux secondes par-dessus une chaise ou une table qui te fonce dessus comme un taureau pas content !

                  Je me mis debout sur le comptoir et vit Nahalia qui s’était allongé derrière, bien à l’abri sous les tiroirs qui s’étaient ouverts pour la protéger des balles. Mais si je suis là, ca sert à rien héhé ! D’un coup de talon, j’essaye de briser le tiroir dans un élan de rage, mais celui-ci se referme au dernier moment et je me retrouve à moitié suspendu dans le vide, mon pied coincé dans le tiroir du bas. En me tordant en arrière, je parvins tout de même à voir mon agresseuse. Ca se dit agresseuse ? Bof, on s’en fout ! Je saisis ma batte fermement et voulut lui donner un grand coup sur le crâne, mais ma batte se déforma et toucha le sol à coté.

                  -Ha non, tu vas pas me lâcher, toi aussi ! Je croyais que t’étais mon amie ! Où va-t-on si on ne peut même plus faire confiance à sa batte?!?!

                  Je me rendis alors compte que cette femme avait le pouvoir de donner la vie aux objets, mais aussi de les transformer en parfaits connards ! Même vivante, jamais ma batte et mes balles ne se seraient retournés contre moi ! On avait vécu tellement de choses ensemble. L’émotion me submergea et je sentis une montée de violence prête à exploser se répandre dans tout mon être. Je me mis à serrer les poings si forts que les balles se mirent à couiner au bout de mes doigts. Près quelques secondes, le tissu se déchira et les balles tombèrent au sol, éventrées. J’attrapai l’utilisatrice de cette magie démoniaque par le cou et la remonta à mon niveau.

                  Nous étions tout les deux l’un en face de l’autre, à quelques centimètres du sol. Je serrai son cou avec une force poussée par la colère. Inutile de lui dire ce qu’elle devait faire. Stopper immédiatement son sort et nous suivre bien gentiment ou succomber d’asphyxie dans les dix prochaines secondes. Cela semblait évident...
                    La garce ! Elle n'allait donc pas abandonner, malgré la défaite clairement affichée de ses trois compagnons ? Il fallait qu'elle se venge sur le traître, sur le pauvre Raspoutine qui haletait tristement, la gorge prise dans l'étau cruel de son collier. Le maudit collier dont il avait tenté, par sa rébellion, de se débarrasser. Le voilà qui se faisait de nouveau sentir, une dernière fois, comme pour rappeler le matou à ses devoirs.

                    Le sang de Sören ne fit qu'un tour. Ignorant délibérément le danger que pouvait représenter le nain qui faisait le mort, il empoigna le collier et tenta de le déchirer par sa seule force. Maintenant qu'il avait vu le pouvoir de Nathalia, il ne voulait pas prendre le risque d'avoir recours à ses serpes. Que des balles de base-ball se rebellent, passe encore, mais des outils tranchants...


                    -Aller, bordel... Aller !

                    Mais le collier résistait la pression que le barde lui imposait. La sueur au front, il ne vit pas le nain se relever, et s'approcher en ricanant imperceptiblement, son couteau à la main.

                    -Aller... merde, quoi !

                    Prenant un malin plaisir à savourer l'instant de sa fourberie, le saltimbanque leva son arme en se léchant les lèvres, comme s'il s'apprêtait à faire un bon repas. Sanguinolent, le repas.

                    -Oh...

                    James ayant agis promptement pour forcer Nathalia à lâcher l'affaire, le collier venait de céder dans un bruissement de cuir déchiré. Satisfait, le barde allait caresser son nouveau compagnon, lorsque celui-ci crachota et feula de plus belle, en bondissant derrière son épaule...
                    … Pour atterrir sur le nain, qui connu le même sort que son congénère. Yeux crevés, visage en loques, couvert de postillons félins, il s'effondra de nouveau en regrettant fortement de ne pas avoir gardé sa posture d'opossum, si judicieusement adoptée quelques instants plus tôt.

                    Alors, le chasseur pu rejoindre son compagnon, qui n'avait pas lâché Nathalia, visiblement trop furieux pour comprendre que celle-ci était proche de la syncope.


                    -Eh, James... Tu dis quoi si j'te raconte qu'on a un nouveau à bord ?
                    -Mrrr... rrrrh... rrrh...

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                    Mes mains étaient presque jointes quand Sören me fit sursauter. Mes mains lâchèrent le cou de l’autre conasse et je vis qu’il ne faisait plus que quelques centimètres de diamètre. On pouvait voir la marque de toutes mes phalanges sur sa peau qui était devenue violette. Son corps tomba comme un sac sur le sol et sa tête rebondit ce qui me fit sourire. Je me retournai d’un air triomphant vers mon compagnon pour lui faire savoir qu’on avait réussit et que la prime était à nous. Mais ce que je vis me fis beaucoup moins sourire. L’autre chat tout crasseux de l’autre là, était lové dans ses bras, tout content.

                    -Ôte moi un doute là, tu n’a quand même pas l’intention d’amener cette sale bête avec nous quand même ? C’est un ennemi ! Je suis sur qu’on gagnera plus si on le livre avec sa maîtresse ! Et puis, il pue presque autant que toi !

                    Le chat se mit à se racler la gorge comme un fêtard avec la voix cassée. C’était bizarre, il devait vraiment être mal en point pour faire un tel bruit. Il miaula ensuite de manière super aiguë, comme Morgan n’avait encore jamais fait à mon encontre. On aurait presque dit un angelot en train de pleurer. Bizarre... Je poussai un soupir de résignation en voyant les yeux humides et la lèvre tremblotante de Sören. Il éprouvait vraiment une affection débordante pour ces bestioles à poil long. Je dois bien admettre que même moi je commençais à m’attacher à Morgan, mais là, cette masse recouverte de crasse et de cicatrice, il était franchement moche, en plus d’être méchant.

                    -Bon d’accord... Mais tu t’en occupe tout seul, moi je le laisse à la première occasion, hein ?

                    Je jetai un regard noir au matou qui me le rendit au centuple. Bon, c’est pas le tout, mais on avait une chef pirate et trois bouffons à emmener à la Marine ! Comment faire pour l’emmener jusqu’à là-bas ? Qu’on la ligote, qu’on lui accroche les mains, ou qu’on la foute dans un sac, elle pouvait rendre les objets vivants et s’enfuir très facilement. J’eus soudain une idée lumineuse ! Une idée de plan génial que seul l’être supérieur que j’étais aurait pu mettre au point. Une idée angélique quoi !

                    -Je sais, je vais la porter et lui foutre une grosse avoine dés qu’elle ouvrira les yeux. Comme ça elle se rendormira sans faire la maline ! Toi, tu te charges des trois autres. Eux, on peut les ligoter sans problème.

                    Et comme ça, moi je porte la femme svelte et toi tu portes les trois gaillards, héhé. Mais ça, je ne l’ai pas dit, un professionnel ne dévoile pas toutes ses techniques du premier abord. L’important, c’était le résultat, ils allaient se faire un bon gros paquet de pognon ! Je pris la sorcière, toujours dans les vapes et hop, direction la sortie ! Il y avait des marines partout ici, ce serait pas compliqué de les livrer. Mais il fallait faire vite... très vite même.

                    -BOUGE-TOI, SOREN !! J’AI FAIMMMMMMMMM !!!!!!
                      Héhé, sacré James. Il ne pouvait rien lui refuser, de toutes manières. Jusque là, n'avait-il pas été l'un des seuls humains à pouvoir supporter sa compagnie plus de dix minutes ? Si, certainement ! Et pour réussir l'exploit, le bon Dieu le savait, il fallait porter en soi une bonne dose de folie et d'abnégation !
                      Mais, tandis que le barde se baissait pour prendre ce qu'il prenait pour son nouvel ami dans ses bras, celui-ci feula méchamment, et manque de l'éborgner à son tour. Bondissant sur la fenêtre qui avait cessé de se débattre, il crachota, et disparut dans la nature.

                      L'ange, qui portait une Nathalia qui avait tout perdu de sa superbe sur son épaule, afficha un sourire satisfait face au dépit du barde qui venait de retrouver Morgan, son chapeau et son bouzouki (salement amoché). C'est qu'il s'y était déjà attaché, au Raspoutine ! Il lui avait sauvé la vie, en plus. Et puis, il y avait quelque chose d'étrange dans le fait qu'un chat le quitte aussi vite ! Avait-il perdu son pouvoir de fascination, qui attiraient tant les félins ? Il ne le pensait pas, pourtant. Il n'y avait aucune raison pour qu'un tel malheur advienne si soudainement. A moins que les anges ne soient dotés d'un pouvoir magique de dissipation du charisme... Mais la théorie était bien trop tordue pour qu'un être doué de bon sens y adhère. Et Sören était de ceux-là.


                      -'Rête de t'marrer, James, ou j'demande au prochain navigateur du prochain navire de t'bizuter au propre, 'vec une conduite du genre bien dégueulasse ! Tangage, roulis, et tout c'qui y r'semble ! Tu vois ? Hein ? Bon.

                      Légèrement bougon, Sören se chargea des deux nains (incroyablement lourds pour leur taille !) et du géant (qui, à l'inverse, était un poids plume). Peinant sous la charge, il fit l'effort de se souvenir du temps où il était porteur aux vendanges, aux charges parfois supérieures à cent kilos qu'il avait du supporter. Abnégation, encore et toujours. Il ne s'en trouva que plus fort, malgré ses blessures et la fatigue de la bataille. Autant James avait été relativement préservé, grâce à son style de combat qui lui permettait de rester à distance de ses adversaires, autant lui-même avait-il sévèrement douillé. Restait à espérer qu'ils tomberaient sur un responsable marine compatissant, qui accepterait de commettre une petite entorse au règlement pour leur prodiguer les premiers soins.

                      * * *

                      La marine locale était des plus discrète, c'était le cas de le dire. Si les clients du bar, fraichement délivrés, s'étaient empressés de renseigner les chasseurs en leur recommandant chaleureusement de revenir se restaurer une fois leur prime empochée, ceux-ci avaient en revanche eu bien de la peine à distinguer les militaires des civils. Une fois la chose effectuée avec succès, il avait fallu résoudre le problème du transfert (il n'y avait guère de prison susceptible d'héberger une détentrice de fruit du démon sur l'île). Pendant que la discussion durait dans un bureau aux allures de capharnaüm enfumé, que James s'irritait et que Sören soupirait encore après Raspoutine, Nathalia avait relevé une paupière. Personne ne songeant à l'assommer, elle avait repéré près de la porte un pantin déguisé en fermier, qui avait du autrefois faire figure d'épouvantail. Un horrible frisson lui parcourant les épaules, elle lui donna vie, discrètement.

                      Tournant la tête de droite et de gauche, la poupée s'empara du sabre du lieutenant, qui trainait dans un tonneau posé à l'entrée de la pièce. Sans un bruit, elle s'approcha de Sören à une vitesse fulgurante et brandit son arme. Les boutons qui lui servaient d'yeux avaient quelque chose de terrifiants, froidement mécaniques. Une machine à tuer, dirigée par une folle, qui laissa échapper un rire hystérique.
                      La lame allait s'abattre, lorsque...


                      -FSHHHHHH !! … Gnap !

                      Bondissant de dessous le bureau, Raspoutine avait fait son grand retour. Trois coups de griffe, deux coups de crocs, le pantin se retrouvait haché en petits morceaux. Le rire de Nathalia s'étrangla, tandis que James lui administrait son coup de batte rituel.
                      Étonné et ravi à la fois, Sören observa l'énorme matou, qui lui jetait un regard de défi.

                      Visiblement, celui-ci n'appréciait pas le fait d'avoir des dettes envers quelqu'un. Par son action, il venait d'imposer, en quelque sorte, son contrat : « je te suivrais et je protégerais tes arrières, bonhomme. Mais surtout, ne me pose pas de limites, et ne me prend jamais pour « ton chat ». Je suis un électron libre, je ferais toujours bande à part. »

                      Soulagé et heureux, malgré Morgan qui se roulait en boule contre son cou, visiblement terrifié, Sören ramassa sa part de la prime en souriant.


                      -Vu qu'vous avez pas d'granit, 'faudra l'assommer en boucle en attendant. Bon courage, lieut'nant, prenez soin d'vous !

                      Libérés, les chasseurs s'en retournèrent à la taverne, équipés d'une trousse de premier secours offerte sous le manteau par la marine qui, sur Orange, n'en trouvait que rarement l'utilité.
                      L'estomac de James gargouillait de plus belle, mais il affichait un sourire heureux. A présent, il pouvait se considérer comme un véritable chasseur. C'était bien certain, Grand Line devenait un rêve réalisable !
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