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[Flash After: dans deux semaines] Ho ! Un type, coiffé avec une serpillère ! Pv Ange

Hrp, parce qu'on ne peut pas faire n'importe quoi sans s'expliquer:

Ceci est un "flash-after". Comme son nom l'indique, c'est le contraire d'un flash-back, c'est à dire que c'est un rp qui se passe dans le futur par rapport au moment où il est joué.

Ce n'est pas tellement qu'avec Ange, on a décidé de ne rien faire comme les autres. C'est plutôt que, voulant faire un rp en commun, on ne pouvait pas réellement faire un rp au "temps présent", puisque Ange est sur GL et puisque je ne suis pas encore réellement promu; et vu la relative jeunesse de nos perso, on ne pouvait pas faire de FB (les combats de hochets, ça va 5 min).

Du coup: le FA se déroule 2 semaines après les évènements de Wiskey Peak qui implique les KY. Nous avons sensiblement les mêmes dorikis que dans le temps présent; et les récompenses qui découleraient du rp pourraient ne nous être données qu'après le passage des KY à Drum (si on termine le rp avant, bien sûr, et si il est corrigé avant). En fait, c'est juste un rp "anticipé".

Bien sûr, si on se fait jeter, on comprendra parfaitement !




Moi en tenue d'hiver. La classe, non ?:



Avec une douceur feutrée, les flocons tombaient paresseusement en une chorégraphie anarchique (ou alors, vachement bien réglée), sur le tapis blanc immaculé de la neige. Le blanc recouvrait les arbres, la terre, les montagnes, les maisons, les gens. Quand viendrait le printemps, le pays se transformerait; mais pour l’instant, le ciel était d’un blanc laiteux, le sol d’un blanc lumineux, réverbérant les rayons du soleil. Ce dernier, d’or blanc, semblait comme éteint; il tentait de caresser de ses raies débiles le sol le plus déshérité de toute la création (mais blanc, de toute façon). Le pays entier était colorié de dégradés de blanc, comme un tableau peint par un dieu qui n’aurait plus de couleurs, et qui aurait décidé qu’après tout, il avait la flemme et qu’il n’irait pas en rechercher, tant pis, il faut pas abuser non plus !




Yudhisthira arpentait d’un pas rapide la rue principale de la ville principale de l’île de Drum. Ou île des cerisiers, il n’avait pas trop bien capté et personne n’avait été en mesure de lui dire la différence. Une ile, quoi. Il avait débarqué la veille d’un navire de la Marine. Non pas qu’il y ait tenu (à priori, un héros, ça peut aussi bien se déplacer en radeau), mais il avait vu dans les rapports de mission du Cipher Pol, que quand un CP veut effectuer une mission, et surtout une mission secrète, il commence par débarquer avec pompe d’un vaisseau de fonction spécialement affrété pour l’occasion, afin que tout le monde sache bien qu’il est là. C’est ce qu’avait fait Yudhisthira, pour ne pas déroger à la coutume. Il sentait que maintenant, les gens avaient tendance à se retourner sur son passage, mais il mettait ça sur le compte de sa prestance héroïque et de sa tenue spéciale neige tout à fait classe.
C’est vrai qu’elle était bien, sa tenue, à Yudhisthira. Tout à fait semi-divine et adaptée au froid. Bon, c’est vrai, le col de fourrure ne servait pas à grand-chose, mais il faisait joli. Il semblait aussi au héros qu’avec son bonnet sur la tête, il avait l’air d’un parfais crétin ; mais comme à tous les coups, il allait s’envoler au premier combat, il ne s’inquiétait pas de trop : tout le monde pourrait admirer les cheveux comme il faut.



Pourtant, l’objectif de Yudhisthira nécessitait, selon son chef qui lui avait donné, doigté et discrétion. A en croire les renseignements qu’avait eus le CP, lui avait-on précisé, un navire pirate commandé par Satoshi Noryaki se déplaçait sur la Route de Tous les Périls en laissant sur son passage mort, destruction et, inexplicablement, des épines de cactus. Les forces de la Marine avaient déjà eu affaire à cet équipage appelé KY, Truands, ou les Talons d’Or, selon le moment. En tout cas, ils semblaient changer d’île aussi aisément que de nom…

La Marine refusait de coopérer avec le CP, ce qui est toujours un signe de bonne santé : dans un gouvernement, tant que les différents rouages de l’administration ne sont pas forcés de travailler ensemble, c’est que tout va bien. C’est à partir du moment où chaque organisme d’un Etat ne peut plus se permettre de garder jalousement ses petits privilèges qu’on peut estimer que c’est la catastrophe. Faisant partie d’un Gouvernement Mondial où tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, donc, La Marine avait pu se payer le luxe de ne transmettre aucune information au CP à ce sujet. Ou alors, ces informations étaient contenues dans la dernière lettre de la Marine que le chef du CP5 avait mis à la benne sans la lire, parce que selon lui : « A tous les coups, c’est encore ce glandu de Feiyang qui veut se plaindre ! ».
Quoiqu’il en soit, le Gouvernement voulait en savoir plus sur les agissements de ces pirates. Il avait chargé le CP 5 de récolter des informations sur eux, de manière suffisamment discrète pour qu’ils ne se doutent de rien, et suffisamment énergique pour qu’il puisse, par exemple, chopper un membre de l’équipage pirate dans un coin pour le, heu… persuader que ce serait une bonne idée pour lui d’avoir une conversation approfondie avec les interrogateurs du Cipher Pol.

...


L’avantage avec un pays enneigé comme Drum, c’est que tous les habitants se ressemblent : engoncés dans leurs fourrures, ils avaient tous la mine peu éclairée, assombrie encore par la barbe fournie du bûcheron professionnel sortant de sa cahute après trois mois de survie dans une forêt boréale. Parmi eux, les pirates, habituellement habillés de chemises légères, grands chapeaux, et buvant comme si c’était le dernier jour en faisant un maximum de bruits et de dégâts, devaient être faciles à repérer…

D’ailleurs c’est bien connu, un héros ne cherche jamais. Ou plutôt si, il cherche, mais à ce moment il y a toujours une ellipse salutaire qui fait passer le lecteur, directement du moment où le personnage principal d’une histoire décide de chercher, à celui où il trouve. Donc en fait, rien ne permettait d’être sûr que le héros cherche vraiment pendant le temps de l’ellipse : pour ce qu’on en sait, il peut tout aussi bien avoir bu un demi, fait deux ou trois parties de billards, qu’il a gagnées, bien sûr, puisque c’est un héros, et avoir déposé le gamin à l’école, juste avant de revenir à temps pour reprendre le fil de l’histoire, au moment où il trouve ce qu’il cherchait. Parce que oui, un héros trouve toujours ce qu’il cherche. Ca devait être une règle établie par le dieu des Narrations, des Scénarii et des Transitions foireuses.



Fort de ces considérations, Yudhisthira commença sa quête héroïque du Méchant avec confiance. Avisant un habitant de Drum, qui au vu du peu de barbe qu’il portait, devait être une habitante de Drum (mais c’était vraiment la seule différence) :

« Bonjour, mon brave ! Auriez-vous vu des types se balader en chemise de dentelle, avec un baudrier et de grands chapeaux, s’il vous plaît ? » Fit il à la personne ébahie…

...


Trois heures plus tard…

...

Dans l’ensemble, Tatashe Tonkimono était un type pas compliqué. Pas assez intelligent pour faire un médecin, même potable, dans une île où soigner les gens était une spécialité, et pas assez baraqué pour aller chasser le lapin des neiges, il avait opté pour une troisième voie : il tenait le Musée Royal de Médecine et d’Histoire, parce qu’à Drum les deux se confondent. Bien que n’ayant jamais rédigé une ordonnance ni manié le bistouri, il portait en permanence une blouse et un masque de chirurgie, parce que ça fait plus sérieux, et aussi parce que c’était un avantage appréciable dans un bâtiment dont le chauffage était en panne.

Oui, Tatashe Tonkimono était un homme simple. Il était très fier de son installation ; mais malgré les collections de scalpel, les rayonnages de blouses, les vitrines de béchers et son scanner IRM dernière génération, les habitants de Drum estimaient d’une manière générale que s’ils voulaient voir des stéthoscopes, autant aller directement chez le médecin. De plus, l’île de Drum attirait peu de touristes ; aussi, à part le voyage scolaire des étudiants en médecine de 2e année, il ne voyait d’ordinaire pas grand monde. C’est pourquoi ça avait été un mini-évènement quand il avait vu entrer dans son musée un type assez jeune, les cheveux blonds cachés par un bonnet bizarre, et habillé d’un kimono gris. Ce dernier lui avait posé une question au sujet de dentelles, et il l’avait réorienté vers la section « Infirmières et doctoresses ». Apparemment ce n’était pas si urgent, puisque le jeune homme avait tourné dans les collections, sans se diriger vers la section indiquée ; il semblait s’intéresser à tout ce qu’il voyait, en particulier les instruments ayant appartenu à des médecins célèbres, et il avait l’air de ne plus rien chercher du tout depuis à peu près deux heures et demie (le héros de base, si il est persévérant, n’est pas connu pour sa patience, ni pour avoir beaucoup de suite dans les idées).



Le cœur de Tatashe Tonkimono faillit s’arrêter quand il vit un deuxième touriste rentrer le regard hagard dans son musée. Même si celui-là n’avait pas le profil du chaland moyen qui visite habituellement les lieux.



Yudhisthira jeta un regard circulaire autour de lui. Le temps standard d’une ellipse devait être dépassé, et normalement… Ah, voilà.

Un peu plus loin, dans la section « Docteurs fous », un homme était en train d’essayer de faire entrer dans une de ses poches le Caducée-matraque en or de Tetare le Dingo. Yudhisthira sourit, de l’air de celui qui voit ses efforts récompensés. Bon, ce gars-là devait être un pirate au rabais : d’abord, c’était un sauvage. La première impression d’idiotie béate que donnait son visage ne plaidait pas en sa faveur : il avait la tête de celui qu’on a insulté, une fois, dans la cour de récré quand il était petit, et qui ne s’en est toujours pas remis. La deuxième impression aurait peut-être pu arranger les choses, mais personne ne peut avoir l’air intelligent en se baladant avec un plat de spaghettis renversés sur la tête. Une troisième impression critiquerait des vêtements qui auraient été de meilleure qualité si ils avaient été taillés dans un sac poubelle, mais heureusement pour l’indigène, personne ne se risquait jamais au-delà de la deuxième impression.

En fait, la seule chose qui faisait de lui un pirate, c’est qu’il était en train de voler un truc en or…
Ah oui, et le fait que son nom soit écrit en rouge en-dessous de sa tête aide pas mal, aussi.



Un héros n’hésite jamais, il sait toujours quoi faire. Avec une assurance qui ferait passer Luffy pour quelqu’un d’indécis, Yudhisthira s’avança vers l’homme, et lui lança :

« Salut ! Je cherche un méchant, est-ce que c’est t… Heu… mais au fait, toi comprendre moi ? »



    [ Mes dernières tentatives de rp avec Yudhisthira (j'ai même pas c/c son nom !!) se sont terminées par la fermeture des deux précédents forums auxquels nous avons été inscrits: vous êtes prévenus ! A croire qu'il porte une malédiction... ]


    Moi en tenue d’hiver : vous pensiez que j’avais une dégaine de clochard ? Maintenant seulement, c’est justifié.
    Spoiler:


    En apercevant toute la neige, en arrivant sur l’île des cerisiers, Ange n’avait pas perdu son temps en bêtes considérations, allégories et métaphores. Qu’importe qu’elle soit le fait d’un dieu maladroit, d’un amateur de poésie ou simplement de la malchance qui voulait que deux îles voisines soient l’une Drum couverte de neige, et l’autre Arlabasta la désertique. Il avait simplement pensé : « ah zut, il neige, il va faire froid dehors : je vais ressortir mon manteau en fourrure ». Et sur cette considération qui n’avait rien de poétique mais qui au moins était sensée, il avait exhumé de son coffre un vieux manteau de fourrure volé quelques années plus tôt, et qui depuis prenait la poussière pour n’avoir été que très peu utilisé depuis son départ de North Blue. Au vu de la température extérieure, il avait aussi pris des gants qui ne lui appartenaient pas et qui trainaient dans la salle commune de l’équipage, mais qui ne manqueraient probablement à personne puisque de toute façon ils étaient moches. Ainsi équipé contre le grand froid, il quitta le navire et partit à l’aventure.

    ***

    Contrairement à celles du reste du monde, la taverne de la ville était remplie de gens désespérément honnêtes : on y trouvait principalement les bûcherons, et les chasseurs. Dans la vie de tous les jours à Drum, les bûcherons vendaient du bois aux chasseurs pour qu’ils se chauffent, et les chasseurs vendaient de la nourriture pour nourrir les bûcherons. Il y avait aussi quelques gardes du royaume qui étaient perdants sur toute la ligne puisqu’ils étaient clients des deux précédentes catégories, et un ou deux médecins qui eux avaient pour clients les trois précédentes.
    Après quelques questions subtiles (« dis moi, le garde, on te paie à surveiller quoi ? Et quels bâtiments as-tu peur qu’on cambriole ? »), le voleur apprît que les seuls lieux dignes de sa visite étaient l’épicerie du coin, l’entrepôt à nourriture, et le musée royal de médecine et d’histoire. Puisqu’il doutait qu’à part de la viande de lapin géant et éventuellement la caisse du magasin, il n’y aurait pas grand-chose à voler dans les deux premiers bâtiments, il décida de découvrir ce que pouvait bien être un musée.

    Le musée royal de médecine et d’histoire de Drum du royaume des Cerisiers était un grand bâtiment poussiéreux, recouvert de neige et de stalactites, et dont les hautes fenêtres d’un style qui avait du être moderne à l’époque de leur fabrication et qui avait commencé à faire vieillot presque aussitôt après, ne devaient pas être astiquées très souvent. Compte tenu du peu de traces de pas dans la neige qui se rendaient vers l’entrée, ce n’était pas un lieu à succès. Avant d’entreprendre une manœuvre hasardeuse de cambriolage, Ange voulait en découvrir un peu plus sur sa future cible, et puisqu’un panneau devant la porte indiquait « entrée libre », il entra.
    L’intérieur était un peu moins froid que l’extérieur, mais tout juste, et il régnait une odeur de vide. En voyant entre son second client de la journée, et même si celui-là ressemblait plus à un sans-abri à la recherche d’un endroit ou se mettre au chaud qu’à un passionné de médecine, Tatashé Taveste, ou Tonpull, ou un nom comme ça, enfin l’homme qui tenait le rôle de conservateur, gardien, et caissier du musée manqua la crise cardiaque. Remarquant la réaction de l’homme, et l’interprétant mal, le pirate se crût découvert.

    Ah zut, il m’a repéré ! Il sait que je suis un voleur avant même que j’aie commencé quelque chose,… il à vraiment l’œil ce type !
    Si tout le monde était comme lui, tu serais bon pour la retraite ! Mais en attendant, il n’a encore aucune preuve contre toi alors essaies de jouer aux innocents, puis ressors discrètement.


    - Euh… mais non monsieur, ce n’est pas ce que vous croyez ! J…je me suis trompé de porte ! Voila ! Je voulais juste –hum- aller à la taverne.

    Et voilà, c’était trop beau pour être vrai, se dit le pauvre Tatashé Tarobedechambre. Il était vrai que le nouveau venu avait le chic d’un amateur d’alcool et d’herbes illicites, mais il avait bien le droit de rêver ! Puisque le destin avait mis cet homme sur sa route, il allait essayer de le retenir, et de lui faire decouvrir l’éducation ! Il n’avait peut-être pas l’air d’une flèche, mais à lui au moins, et contrairement au jeune homme qui tournait depuis plusieurs heures devant les vitrines comme s’il attendait que quelque chose lui tombe sous le nez, il pourrait peut être faire comprendre qu’un scanner et un IRM n’ont strictement rien à voir !!

    - Attendez monsieur ! Ce n’est peut-être pas un hasard si vous vous êtes trompé d’endroit…
    Hein ? Il me croit ?!
    … c’est peut-être le bon moment pour développer votre culture générale : nous avons réuni ici toute l’histoire du pays et de sa médecine, avec des centaines d’objets anciens d’une valeur inestimable, et de très beaux panneaux explicatifs ! Et je peux aussi vous fournir un dépliant pour accompagner votre visite, et même vous guider ! L’entrée est gratuite, et la visite guidée ne coûte que cinquante berrys…
    - Ahem, désolé monsieur, je n’ai pas d’argent… oui, c’est ça, j’allais à la taverne mais je n’ai pas d’argent… au revoir monsieur !

    Ah, il y avait un truc : il en a après mon argent. Je ne vais tout de même pas payer pour cambrioler, maintenant !
    Tu n’as encore rien écouté, crétin ! Mais il a parlé d’objets de valeur, et je crois qu’une petite visite en cachette s’impose.


    Ainsi, à peine ressorti, l’albinos fit le tour du bâtiment, et, son fruit des portes aidant, Ange Del Flo fut l’une des premières personnes à pénétrer en cachette dans un lieu culturel libre d’accès.

    ***

    Un musée, c’était donc une espèce de magasin poussiéreux ou l’on paie avant de faire ses achats, et ou l’on entrepose dans des vitrines des objets de toutes sortes et de toutes tailles, allant du bouton de chemise à l’énorme machine, avec à côté de petites étiquettes qui n’affichaient pas des prix –ce qui aurait pourtant beaucoup aidé le voleur dans son choix-, mais des légendes telles que : « piercing du docteur Kurena », « scie à amputer du Dr Raïde, le médecin gentleman », ou alors « première panacée en solution, telle qu’elle à été réalisée par le célèbre Dr Attraper », et « Masque chirurgical, IXème siècle.
    Ange prévoyait de se fondre parmi les visiteurs, tout en espérant que personne ne lui demande de montrer son billet d’entrée, mais cela risquait d’être difficile puisqu’il ne semblait y avoir personne d’autre que lui à visiter le musée. Qu’à cela ne tienne, personne ne le dérangerait ! Tout en jetant très souvent des coups d’œil autour de lui, comme s’il redoutait d’être surveillé par un éventuel garde tapis dans un coin, prêt à bondir sur tout contrevenant (ça existe, si, si !) le cambrioleur se changeait en porte pour pénétrer dans les vitrines, et y prenait les objets qui pouvait valoir de l’argent. N’y connaissant rien, ni en histoire, ni en médecine, il se fiait aux dates et aux descriptifs des objets, estimant que le « bistouri du célébrissime chirurgien Amrahd (1115/1168) avait surement plus de valeur que la « version originale de la psychanalyse pour les débutants et les idiots », écrite par le seulement réputé « Pr Olf, le psychiatre fou (1230/1269)» qui était moins vieux de presque un siècle.

    Au détour d’un couloir, il finit par croiser un jeune homme au profil de statue antique. Une convention veut que lorsqu’un gentil et un méchant se croisent, la musique s’arrête ou à l’opposé devient dramatique, et il y a un zoom de la caméra sur la tête de chacun des deux personnages, ainsi qu’un léger ralentissement au moment ou ils pressent l’un à côté de l’autre. La, rien ne se fit, tout d’abord parce que pour Ange ce type paraissait être un visiteur comme un autre (d’ailleurs il se fondait bien dans le décor, et aurait presque pu avoir sa place au rayon « médecine antique »), mais aussi parce que Yushridachamcham, Yukshir… enfin le héros dont le nom avait du dégouter plus d’un professeur de faire l’appel en classe, était perdu dans les nuages en attendant la fin de son ellipse –c’est ça, des nuages semblables à des machins en coton sortis du matelas du dieu du sommeil, ou un truc de ce goût la.

    ***

    Le voleur avait déjà bien avancé sa collecte de babioles, et il venait de subtiliser une espèce de sceptre en or qui faisait des difficultés à entrer dans sa veste lorsque Yushkri… lorsque le héros blond vint à sa rencontre :

    - Salut ! Je cherche un méchant, est-ce que c’est t… Heu… mais au fait, toi comprendre moi ?

    C'est quoi ce type... ?
    Aucune idée, mais vu sa manière de s'exprimer, il doit lui manquer une ou deux cases...


    Pour la première fois, le sauvage dévisagea avec son habituel air épanoui le seul autre visiteur du musée. Tout comme lui, il avait gardé sa tenue d’hiver pour visiter le bâtiment. Son espèce de robe de chambre, comme en portent les épéistes qui se la jouent, mais en fourrée, était… oh, allons-y, gris serpillère. Quel que soit l’angle de vue, ses lunettes de soleil étincelaient ; parfois, lorsqu’il parlait, une petite étoile brillait aussi sur ses dents. En dehors de ça, rien d’intéressant à première vue.
    Ah si, il avait un bonnet très mignon, assorti à son sous-pull. Ange en était presque jaloux.

    Je fais quoi, je l’ignore ?
    Débarrasse-t-en, il te gène.
    Le temps de te composer un sourire innocent… écartes bien les lèvres, remonte-les vers le haut,… resserres légèrement les dents,… écarquilles un peu les yeux, et voilà !


    - Bonjour. Oui, c’est m… Hum,… désolé mon gars, je n’ai pas compris ce que tu as dit.
    Ah, mais il parle peut-être le « djeun’ », comme les gamins des ruelles...
    - Donc, euh… je veux dire… ouais…’che, j’ai rien pigé à ce que… enfin à s’que… t’as dit… tu –euh- « piges », comme ça ?
    Je me sens ridicule à parler ce langage.
    On s’en fiche, fais-le partir !

    - Et puis d’abord, il faut que tu me laisses, je suis en train de travailler ! Et non, je ne vole pas, je –ahem-… je nettoie les vitrines ! Oui, tout à fait, en pleine journée,… et je mets des objets dans mes poches, parfaitement ! C’est parce que -euh- ce sont des objets rituels de ma tribu, et que –hum- je dois les y ramener. Non, je ne suis pas un cambrioleur, absolument pas !


    • https://www.onepiece-requiem.net/t2862-fiche-d-ange-del-flo
    • https://www.onepiece-requiem.net/t2799-ange-del-flo


    hrp: Mais non, mais non...



    Et zut, ils semblaient se connaître. En tout cas, ils en donnaient l’impression. Tatashe Tonkimono, quelle que soit la façon dont on puisse écorcher son nom, était déçu. Il était passé une fois dans le couloir avec un plumeau, pour avoir une bonne excuse pour regarder ce qu’ils faisaient. Mais ses visiteurs paraissaient avoir perdu tout intérêt pour les collections et se contentaient de se fixer en se balançant mentalement des vannes.



    Yudhisthira était perplexe. Oui, même les héros sont parfois perplexes. Effectivement, une convention voulait que quand un méchant et un gentil se croisent, il y ait un gros plan sur eux, ainsi qu’un ralenti, pour bien montrer que c’était un moment de tension. Mais là, non. C’est sûrement qu’en fait, ça marchait seulement avec les méchants vraiment importants.

    Quoi qu’il en soit, la réaction du gars avait été bizarre. Il avait commencé par le regarder. Puis, il s’était composé une tête d’ahuri, mais comme si il avait eu besoin de donner les ordres à ses muscles, un à un. Après avoir baragouiné dans un sabir de sauvage, de manière incohérente. A propos de nettoyage de vitrine pour faire plaisir à la tribu. A propos d’objets rituels à cambrioler en plein jour… Yudhsthira n’avait pas écouté.

    Parce que c’est important de savoir ça quand on s’adresse à un héros : de toute façon, il ne vous écoute pas : il est bien trop occupé à préparer sa prochaine réplique classe, à vérifier que son brushing n’est pas défait (surtout quand il y a un bonnet dessus) et à s’assurer que la caméra le prend bien sous l’angle qui lui est le plus favorable. Parfois, il fait quand même l’effort de regarder dans la bonne direction, mais pas toujours. D’ailleurs, sous les lunettes de soleil, pas moyen de savoir.



    Quand Tatashe Tokimono passa pour la deuxième fois dans l’allée, avec un balai espagnol et un seau, ce qu’il vit le surprit au plus haut point : le sauvage qui avait des cheveux avec lesquels on aurait pu jouer à la corde à sauter semblait fixer un point dans le vague ; ses yeux scintillaient dangereusement. Quant à l’autre, il paraissait… Oui, il se regardait lui-même. Peut-être qu’il ne voyait jamais personne d’autre.

    Pour autant qu’en savait Yudhisthira, la rencontre avec le méchant n’aurait pas dû se passer comme ça. En général, un héros évite de trop parler, parce qu’il a la classe, jusqu’au moment où il ouvre la bouche. Il sort des répliques pleines d’allant et de verve de temps en temps, mais souvent c’est des répliques stéréotypées. Il arrive aux héros de dire des choses intelligentes, mais la plupart du temps, c’est un coup de chance. Il faut reconnaître que les héros ont beaucoup, beaucoup de chance ; mais mieux vaut ne pas tenter le sort, on ne sait jamais. C’est pourquoi quand un héros rencontre un méchant, ce dernier fait toujours un petit discours d’au moins 5 min sur pourquoi il veut détruire le monde, sur son enfance maltraitée, sur comment il va détruire le monde, sur des concepts philosophiques abstraits, sur quand il va détruire le monde (en général dans les 24 prochaines heures, comme par hasard) et sur « je te dis tout ça parce que tu ne pourras pas t’échapper ». Ensuite, ils se battent,* et tout le monde y trouve son compte : le méchant a la seule occasion de l’histoire pour montrer à quel point il est méchant, et le héros a l’opportunité de se mettre en valeur, ainsi que d’émailler le discours du méchant d’intervention pertinentes, comme « quelle perfidie ! » ou « tu ne t’en tireras pas comme ça ! ». Comme ça, il participe à la conversation, mais sans trop se mouiller. Un héros bien entraîné réussira même à placer ses interventions au bon moment.

    Mais là, le sauvage ne paraissait pas très prolixe. C’était ennuyeux, parce que normalement, après son discours, le méchant attaquait toujours le héros ; or, celui-là n’avait pas l’air d’avoir très envie de le faire. Yudhisthira savait que la balle était dans son camp, mais il ne pouvait quand même pas lancer le combat lui-même : le principe d’un combat héroïque, c’est de poutrer le méchant, et de clamer ensuite qu’il l’avait bien mérité. Légitime défense. Il se décida alors…




    Tatashe Tonkimono, passant innocemment dans sa combinaison protégeant des radiations pour aller nettoyer le Scanner IRM, faillit avoir une deuxième attaque cardiaque : il arriva à temps pour voir Yudhisthira faire un grand pas en avant, pointer le doigt en avant d’un geste héroïquement théâtral vers Tête-de-nœuds, un léger sourire en coin, et s’écrier d’un ton dramatique (ou dharmatique, merci Minos) :

    « Toi ! Tu ne t’en tireras pas comme ça ! »







    * Le héros gagne, bien sûr, et le méchant s’enfuit pour revenir dans l’histoire suivante. A chaque fois. C’est à se demander comment les héros de certaines histoire à succès peuvent encore avoir l’air surpris quand ils disent : « quoi ? encore lui ? ». Bien sûr que c’est encore lui, c’était évident depuis la fin de l’épisode d’avant. Mais bon, hein, pas de spoil….


      Mince, mince, mince, il ne me croit pas non plus ! Décidément, entre ce gars et le caissier, je dois être tombé sur les deux génies de l’île…
      A moins que tu ne sois seulement un mauvais menteur…
      Mais non ! Enfin bon, je fais quoi, moi ?


      Le jeune homme ne ressemblait pas à un soldat de la garde de Drum, ni à un agent de la marine. D’ailleurs, à le voir, la seule mission qu’on imaginait lui confier aurait été "servir de modèle à une séance photo pour la couverture de magazines".

      Il a des lunettes de soleil : c’est forcément un touriste ! Ils en ont toujours.
      Ah ? Ça ne l’empêche pas de vouloir me capturer en tout cas. Euh… je pourrais peut-être lui dire que… que je me suis trompé de porte, et que je croyais être dans ma maison ? Ou alors je lui dis que le vrai voleur c’est le conservateur, et que moi je suis venu tout récupérer. Sinon, je peux aussi clamer en ricanant : « haha, oui, je compte tout prendre ! Et avec cette caducée-matraque, je vais pouvoir détruire le monde ! Mouahaha ! » Mh, ça rend bien je trouve.
      Peut-être, mais ça ne va pas t’aider à te sortir de la. Plutôt que de l’occuper en excuses idiotes qu’il risque de ne même pas écouter, tu ferais mieux de t’en débarrasser et de filer !


      ***

      La tension était à son comble : on avait un gros plan sur la pose héroïque de Yukisdhra… de l’agent du CP5, cadré sur sa tête, son sourire digne d’une publicité pour une marque de dentifrice, et son doigt pointé en avant. En fond sonore, un cœur de voix graves accompagné de battements de tambour enchainait les "dom" "dom" "dom" "dom" en crescendo. Tandis que Yhudi… que son adversaire vérifiait en regardant son reflet dans la vitrine d’en face qu’il avait levé le bras assez haut, et que les mèches qui dépassaient de son bonnet était toujours bien agencées, le voleur tira de sa veste son pistolet et tira, sans vraiment prendre la peine de viser. Ce n’était pas utile, puisque de toute manière on aura beau arroser un héros de munitions, il est pratiquement impossible de le toucher, et dans me meilleur des cas on lui fera une petite éraflure qui disparaitra dès la scène suivante.

      *Bang*

      Gros plan sur la munition : à peine sortie du canon du pistolet, elle fonce en tournoyant –elle est filmée ici au ralenti-, frôle Yudhihidra… le héros dont les nombre de fautes d’orthographes faites à propos de son nom doit atteindre ou atteindra bientôt des records, puis passe juste au dessus de la tête de Tatashé Tonimper, le conservateur –qui lui en revanche avait une haute probabilité de se faire toucher, étant un civil innocent impliqué par hasard-, et s’encastre dans la vitrine qui protégeait le scanner-IRM qu’elle fait voler en éclats.
      En tant qu’aberration physique et médicale (a-t-on idée de mélanger deux machines qui n’ont rien à voir et ne peuvent pas aller ensemble pour des raisons de taille, d’utilité et de fonctionnement, et qui en plus coûtent les yeux de la tête ?!), la machine avait toute sa place dans le musée au rayon « savants fous ». Déjà, le fait que le gérant du musée ait besoin d’une combinaison anti radiations pour le nettoyait laissait croire que la partie scanner, qui était la seule à délivrer des rayons, fonctionnait en permanence. Mais dans ce cas, la partie IRM avait de fortes chances d’être elle aussi en activité, et contrairement au scanner, elle n’irradie pas mais fonctionne entre autres comme un gros aimant… autant dire que maintenant la vitre brisée, plus rien n’empêchait le pauvre Tatashé Tonptitgilet et sa grosse combinaison plombée d’être attirés à grande vitesse contre la machine et de s’y écraser violemment, enfonçant la coque et massacrant l’intérieur. Sachant qu’il faudrait une force 100 fois supérieur à son poids pour l’en arracher, le conservateur avait vraiment de quoi s’affoler.

      Sans même prendre le temps de voir s’il avait fait mouche, le cambrioleur avait fait volte-face et était parti en courant dans la direction opposée. Parce qu’il sentait que l’on attendait ça de lui, il avait crié un :

      - Tu ne m’attraperas pas, hahaha !

      Et aussi, parce qu’il sentait qu’il risquait de décevoir son auditoire en en restant la, il ajouta :

      - D’ailleurs, ce n’est pas moi le voleur, c’est –euh- un type qui est déjà parti ! Si, si, moi je suis un… un agent du gouvernement.

      Tout en criant, il avait essayé de traverser une vitrine pour rejoindre le couloir d’à côté. C’était une bonne idée en soi, car son poursuivant, lui, aurait été forcé de faire un détour par le bout du couloir pour le suivre, mais dans la précipitation Ange oublia de se changer en porte… En la heurtant, il fracassa la paroi et s’étala au milieu des objets anciens dans une pluie de morceaux de verre.
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      Bang !

      La balle partit à vitesse grand E (à cause du ralenti) vers Yudhisthira. C’est le problème de la plupart des armes à feu face aux héros. Oui, elles les ratent tout le temps, mais en même temps il suffit de ne pas faire de ralenti à chaque fois, et ils n’auraient pas le temps de voir la balle venir ! Quoi qu’il en soit, le héros esquiva la balle avec une facilité qui le déconcerta lui-même. Bon, elle n’avait pas fait voler le bonnet de sa tête comme elle aurait dû si elle avait été lancée par un méchant compétant, mais l’intention y était. On allait pouvoir passer aux choses sérieuses.



      Le premier réflexe de Yudhisthira avait été de courir après le truand. C’est l’instinct des héros, de courir après les vilains. C’est comme un bâton qui se lancerait tout seul et qui crierait au chien : « tu me rapporteras pas ! ». Pareil. C’était d’autant plus tentant que de toute façon, le pirate ne pouvait pas aller bien loin : à tous les coups, il allait se retrouver coincé à la première poignée de porte venue à cause de ses dreads !
      Mais là, quelque chose le retint. Une impression d’avoir laissé un truc en cours, la petite intuition qui fait que le bon geste est réalisé au bon moment, la certitude que quelque chose clochait, qu’un détail avait été… Oublié…

      Le conservateur !

      Parce que plus encore que d’attraper les méchants, le réflexe du héros de base est de sauver les gentils, c’est-à-dire les personnes qui font partie du décor jusqu’au moment où ça tourne mal pour eux. Ce n’est pas de l’altruisme : le demi-dieu de base cherche la reconnaissance, c’est presque vital pour lui (plus que de manger et dormir, en tout cas), et il ferait n’importe quoi pour entendre dans sa journée : « Vous m’avez sauvée ! Vous êtes mon héros ! ». Bien sûr, quand c’est une gentille, c’est encore mieux. Mais on ne peut pas tout avoir.



      Le pauvre homme avait l’air aspiré par la machine. Il faisait des gestes désespérés à la fois pour se libérer, et pour attirer l’attention. D’un bond, Yudhisthira fut sur lui et essaya de le tirer, mais peine perdue. Visiblement, l’attraction était trop forte. N’ayant aucune envie de s’exposer plus que nécessaire, le héros autoproclamé ressorti et commença à regarder autour de lui pour voir comment il pouvait libérer Tatashe Tonkimono…

      Les héros ne réfléchissent pas longtemps, c’est bien connu. Les seuls héros qui réfléchissent vraiment, on les range dans la sous-catégorie « détectives et inspecteurs », celle dont en général, on arrête l’histoire à la moitié, parce que c’est trop barbant. Yudhisthira, dans la plus pure tradition héroïque, posa son regard sur le Caducée-matraque que le résultat d’un croisement entre un humain et un balai espagnol avait oublié dans sa précipitation. Il le saisit, et, d’un geste assuré, le balança à toute force vers la machine. L’objet, attiré par le scanner-IRM, percuta avec violence la vitre, traversa la paroi de la prétendue incohérence physico-médicale, et alla se ficher –le dieu du suspense, du hasard et es dés pipés devait être dans le coup- dans le bloc d’alimentation, qui fut broyé sous le choc.

      Avec un grand sourire façon « ne craignez rien je suis là », Yudhisthira aida le conservateur à se relever. Mais ce dernier n’avait pas l’air si content d’avoir été sauvé :

      « Attention ! Vous avez tout bousillé, le scanner va … »

      Les héros sont entraînés à ce genre de de situation. Ils savent qu’à un moment ou à un autre de l’histoire, quelque chose doit exploser, et c’est pourquoi ils sont au taquet : alors que les personnages de l’histoire en sont encore à dire : « Attention, ça va … ! », le héros, lui, a déjà compris qu’il a intérêt à aller très loin de sa position actuelle. Ce qui, au passage, est important, parce qu’en général, les personnages ne peuvent achever leur phrase et disent « sauteeeeer !!! » en même temps que l’explosion se produit. On a rarement le temps de demander de répéter.

      Mais, matériellement et parce que sinon c’est pas drôle, le héros n’a jamais le temps d’aller très loin… En l’occurrence, Yudhsthira avait à peine eu le temps d’attraper Tatashe Tonkimono sous les bras et de se mettre à courir vers la sortie, que, dans un magnifique ralenti (puisque c’est le moment des ralentis), le scanner-IRM comprit enfin qu’il ne pouvait pas garder son état par trop instable, et qu’il se décida à sauter avec une grâce et un à-propos qui ne peuvent relever que de l’effort conjugué de trois équipes d’effets spéciaux bossant jour et nuit pendant une semaine.

      Avec lenteur (en fait, rapidement, mais c’est un ralenti), la déflagration souffla les vitrines aux alentours et se mit à la poursuite du héros et du malheureux conservateur en dévastant tout sur son passage.


      ...


      Houseketa Mimamoto consulta rapidement sa montre : après une visite rapide à Shishi Chetashure, le malade imaginaire, il avait encore trois consultations à faire avant de donner un cours à la faculté de médecine. Il s’agissait de ne pas traîner. Par un curieux hasard, les médecins ont toujours un emploi du temps saturé, quelle que soit la branche dans laquelle ils exercent ; souvent, il faut des mois pour obtenir un simple rendez-vous. L’île de Drum, bien qu’un bon quart de ses habitants soient docteurs, ne faisait pas exception. Houseketa Mimamoto, qui disposait d’une réputation de bon médecin, était lui aussi dans ce cas. Parce que sur l’île, la concurrence était rude et avoir une réputation de bon médecin ne suffisait pas. Une majeure partie des médecins étaient bons ; il s’agissait donc pour eux de montrer qu’ils n’étaient pas seulement compétents, mais aussi qu’ils étaient rapides et surtout, ponctuels. Sinon, le malade n’avait qu’à aller chez le concurrent, il savait qu’il ne perdait rien au change. A Drum, la réputation d’un praticien ne se construisait pas sur sa capacité à écrire très mal des ordonnances très efficaces, mais à visiter le plus grand nombre de malades possible le plus rapidement possible. Et le moindre retard dans les consultations pouvait avoir des effets désastreux.

      Dommage pour Houseketa Mimamoto. Le ciel lui tomba sur la tête.

      L’explosion avait semé des blocs de pierre et des instruments médicaux suspects un peu partout. La poussière emplissait les lieux et faisait tousser les passants. Yudhisthira se releva prudemment, épousseta les manches de son kimono intact, et fit le point. A première vue, il avait atterri sur un bonhomme en blouse blanche, qui arborait une superbe montre au poignet. Le conservateur, lui, avait terminé sa course, comme il se doit, au sommet d’un lampadaire. Sa combinaison antiradiation était complètement déchirée, mais c’est sûrement grâce à elle qu’il n’avait que des brûlures superficielles. Yudhisthira sourit. Encore un petit veinard qui le remercierait plus tard. Lui-même, en tant que héros, n’avait pas souffert excessivement. Une légère douleur au bras devrait se dissiper rapidement, et son visage portait les légères traces de noir qui sont le marqueur obligé d’un héros venant d’échapper à une explosion. Un bon point, le souffle de la détonation et le rapide vol plané qui avait suivi avait fait s’envoler son bonnet.
      Il n’en était pas de même du musée : il ne restait pas pierre sur pierre du bâtiment, et tout autour continuait de pleuvoir des objets mutilés, lesquels chutaient sur les maisons autour, dans la rue, sur les passants. Un troupeau de piétons se rassemblait d’ailleurs à l’endroit de l’explosion, attirés par une curiosité maladive et une envie irrésistible de ne rien rater pour pouvoir raconter ensuite au plus de monde possible : « tu sais ce qui m’est arrivé aujourd’hui ? ».

      Le demi-dieu s’éloigna lentement de la foule. Autant l’éviter pour l’instant. Si elle voulait le porter en triomphe ensuite, s’était son affaire. Pour l’instant, il avait un type à courser. Ce dernier avait dû profiter du ralenti et de l’explosion pour se carapater. Grimpant au sommet du toit d’une maison de manière aussi efficace que gracieuse grâce à ses techniques du rokushishi, il put en effet l’apercevoir dévalant une petite ruelle comme si il disputait un cent mètres.

      Dévalant le mur, Yudhisthira se mit à courir à son tour pour le prendre en chasse. Il ne savait rien de sa puissance réelle; il n'était même pas certain que ce type soit réellement important, ni si il pouvait ou non rameuter des collègues qui lui causeraient de sérieux problèmes. Mais un héros ne peut jamais avoir de problèmes. Enfin... pas des sérieux...





      D'accord, en tout cas, pas souvent.
        Alors oui, c'est moche d'avoir juste mis le lien, ça aurait été carrément plus classe de faire autrement, mais je n'ai pas réussi à comprendre comment mettre juste la musique sans la vidéo, et elle n'était pas sur deezer. Bah, comme ça on peut faire karaoké en même temps ! Et ce n'est pas très grave, il suffit d'imaginer qu'il y a la tête de Yudhisthira à la place de l'écran, ou de ne pas le regarder tout en lisant !!

        Spoiler:

        Le cambrioleur avait tout juste atteint le mur du fond lorsqu’il fut soufflé parl’explosio,. Sans qu’il comprenne ce qui lui arrivait, la déflagration le projeta à travers le mur qui volait en éclats, au milieu d’une pluie de verre, de vieux objets et de petites étiquettes numérotées. Parce qu’il avait le dos tourné, il ne vît pas Yudhihist… Yududu… le héros aux lunettes de soleil, courant au ralenti, le conservateur pourtant beaucoup plus lourd que lui sous le bras, avec en fond un décor apocalyptique. Les vitrines explosaient sur son passage au fur et à mesure qu’il les dépassait, et le feu de l’explosion, qui le talonnait de près faisait très attention à ne pas le rattraper. Soudain, la musique se fit plus intense, la lumière devint aveuglante et Yiud…Yusdi… l’agent du Cipher Pol, ainsi que l’homme qu’il venait de sauver furent emportés par le nuage rouge et orange de l’explosion.

        La, vous pouvez couper la musique héroïque de fond.

        Les alentours du musée n’étaient pas excessivement fréquentés : habituellement, il était traité comme un simple élément du paysage, et on ne s’en approchait pas sans bonne raison. Le maire de la ville était très content de dire : "on a plusieurs commerces, un téléphérique, des bâtiments pittoresques, et même un musée !" mais ça s’arrêtait la. L’édifice –ou du moins ce qu’il en restait- n’avais jamais eu autant de succès depuis le jour de son inauguration qu’aujourd’hui : un troupeau de badauds s’entassait en cercle, à une distance respective, autour des décombres, et chacun donnait son avis sur les causes de l’explosion. Ejecté dans un coin de rue, couvert de neige et de traces de brûlures, Ange prît le temps de retrouver ses esprits, compta le nombre de bras et de jambes qui lui restaient, s’assura que sa tête était toujours sur ses épaules, puis ramassa son bonnet parce qu’il ne voulait pas s’enrhumer et se releva. Voyant que personne ne faisait attention à lui, avec une démarche la plus naturelle possible, il se dirigea vers la ruelle la plus proche, s’y engouffra et détala.

        Mouahaha, j’ai réussi ! Le pauvre gars : je ne sais pas qui s’était, mais avec un peu de chance il a été pulvérisé par l’explosion !
        Tu aurais pu rester et de lui faire porter le chapeau ; tu aurais même pu passer pour un héros en ayant sauvé quelques objets du musée de la destruction, ceux que tu as pris.
        Hum, oui, mais après je n’aurais pas pu les revendre. Et je suis sûr qu’ils auraient trouvé le moyen de m’accuser quand même, en me disant que ces objets n’avaient rien à faire dans mes poches. Ah, quels ingrats ces gens !
        De toute façon, tu as une tête de coupable…


        ***

        S’il avait été un peu plus au courant des conventions relatives aux poursuites, le pirate aurait su qu’il était inutile de se presser : le méchant aura beau avoir plusieurs bonnes minutes d’avance et filer à pleine vitesse, le héros le rattrapera toujours rapidement. Ce n’est que dès le moment ou les deux protagonistes se trouvent côte à côte –ou l’un légèrement derrière l’autre-, que le gentil retrouve une allure normale, et qu’ils peuvent commencer à faire des manœuvres dangereuses sur leurs véhicules (leurs motos, ou leurs voitures, parfois leurs chevaux, ou leurs canots à moteur) pour éjecter l’autre de la route, s’envoyer des projectiles, et pourquoi pas quelques commentaires. Généralement, c’est le méchant qui, juste après avoir fait une remarque méchante, éclaté de rire, ou fait un coup bas, est accidenté. Ange n’en savait rien, mais c’était peut-être aussi parce qu’il ne se considérait pas comme un méchant qu’il ne s’en inquiétait pas. D’ailleurs, l’autre ne ressemblait pas non plus à un héros selon les critères du sauvage, qui les imaginait grands et musclés, le torse nu et portant un pagne, avec des peintures de guerre sur la poitrine, des plumes dans les cheveux, et portant une lance resplendissante. Ainsi, en voyant arriver Yukidhistra, Yudihidirha… enfin son ennemi, il s’arrêta brusquement, fit une tête digne de paraitre dans le top 50 des figures les plus ahuries, et bifurqua en catastrophe dans une ruelle de traverse tout en poussant un :

        - Guaaaah !

        Raaah, mais comment m’a-t-il retrouvé celui-là ?!
        Aucune idée, mais tants pis : cours, tout en lui tirant dessus.
        Mais avec quoi ?! Je n’ai pas rechargé mon pistolet !
        Décidemment, tu n’es bon à rien ! Tant pis, tu dois bien avoir quelques trucs dans les poches qui ne sont pas indispensables. Evite juste de jeter quelque chose de valeur.
        Sinon, je peux aussi m’arrêter, lui coller rapidement quelques baffe,s et le balancer dans une poubelle, comme ça on sera débarrassés.
        Surtout pas ! Il ne manquerait plus qu’une bagarre pour rameuter toute la population de la ville, qui est d’ailleurs déjà réunie autour du musée.


        De toute manière, Ange n’était pas un grand amateur de combat, préférant de loin les coups dans le dos, mais surtout la fuite. Tout en continuant à courir à pleine vitesse, le sauvage passa la main dans sa veste, chercha un peu, et en tira une éprouvette en verre de la taille d’une grosse carotte, qui contenait un liquide violet. L’étiquette, si elle n’était pas restée dans les ruines du musée, lui aurait indiqué qu’il s’agissait de la "Panacée en solution du Dr Antony Antony Attraper". S’il avait pris l’étiquette, il aurait aussi appris que le produit n’avais jamais pu être utilisé en raison de sa fâcheuse propriété d’exploser au contact de l’air. Ne sachant rien de tout cela, et sans ralentir sa course, le voleur se retourna, fit un sourire moqueur à son poursuivant, et lui envoya le tube de verre Au passage, il ne manqua pas d’apprécier les boucles coiffées avec une attention presque millimétrique malgré le fait qu’elles aient été recouvertes d’un bonnet et subies une explosion, de –euh- Yuhidhirma,… Yudawapaouah –hum- Daharma, ses lunettes de soleil qui étincelaient malgré le contre-jour, et son visage soigneusement marqué par de la cendre, qui contrastait d’ailleurs avec son kimono et sa chevelure impeccables. Enfin, Ange ne s’y attarda pas trop longtemps à cause du mur placé juste devant lui.

        ***

        De l’autre côté d’un des murs, dans l’une des maisons, Tapahémé Sonriolai –ou en tout cas un gars avec un nom ressemblant-, chasseur de lapins géants de son état, attendait patiemment la visite de son médecin en dégustant un café. –Mais si, vous le connaissez : Tapahémé Sonriolé, le fils de Jaiadoré Sonriolé, un excellent cracheur de noyaux de cerises, et adepte des soirées à musique trop forte qui empêche les voisins de dormir. Lui-même ! Et dont le grand père était un combattant réputé à son époque qui broyait ses adversaires d’une main, tout en faisant le « v » de victoire avec l’autre, et qui s’était rendu célèbre en tuant le fameux Ahdésoléjesaipuoujai Mimamoto, lors d’un duel épique sur le mont des ours randonneurs, qui dura deux jours et une nuit même –sans compter les pauses chocolat chaud- ; c’est ça, on parle du même-. Quand le docteur Mimamoto arriverait, Tapahémé (qui, le temps de finir de se faire présenter a probablement déjà fini son café ; ah non, il se ressert) jetterait précipitamment sa tasse dans l’évier avant de s’enfouir sous ses couvertures, puis inviterait le praticien à entrer d’une voix faible, et assurerait avec un air misérable qu’il tenait à peine sur ses jambes, mais tant qu’il n’était pas la autant profiter agréablement de sa dispense de travail !

        S’il s’attendait, donc, à ce que l’on vienne frapper à sa porte, Mr Sonriolai (pas celui qui faisait "v" avec ça main, celui qui est chasseur de lapins carnivores ; mais enfin, vous suivez ?!) n’était pas préparé au grand "Baoum" qui précéda l’écroulement de toute la façade ouest de sa maison. Un large cercle de neige fondue et de pavé noirci décorait la rue, et apparemment le mur du voisin d’en face avait subi le même traitement que celui de notre Tapahémé. Le chasseur, ne sachant que faire, resta un moment bouche bée, puis après réflexion décida de jeter sa tasse dans l’évier, de s’enfouir sous ses couvertures, et de faire comme si de rien était.

        ***

        Pouahaha, il détonne ce médicament ! J’ai eu beau me changer en porte au dernier moment, j’ai été emporté par l’explosion en même temps que le mur !
        Hum, tu as encore ton bras gauche, tes deux jambes… ah, et ton bras droit est la aussi. Bon, si tu as ta tête, je te propose de profiter de la diversion pour te cacher dans un coin en attendant que ton poursuivant s’en aille.
        Oh oui, bonne idée !


        Se relevant rapidement, le cambrioleur s’appuya contre le mur encore intact le plus proche, et celui-ci fut en un instant gratifié d’une magnifique porte dotée d’un grand sourire pointu de –euh- cheveux ressemblant à de vieux cordages, mais reliés entre eux, ainsi que d’un manteau de fourrure pour femme.
        L’ignorance est un défaut, mais comment Ange pouvait-il réaliser l’étendue de sa bêtise en se transformant devant la seule personne assez farfelue pour faire ajouter à sa fiche de technique une attaque contre les portes ?!
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        Les héros sont des professionnels de la course-poursuite. Ils préfèrent quand elle a lieu sur un véhicule quelconque, notamment parce qu’ils peuvent en sauter au dernier moment alors qu’il est en flammes et qu’il va s’écraser au fond d’un ravin ; mais ils aiment aussi particulièrement courser une personne, à bord d’un véhicule qu’ils ne savent pas conduire et qu’ils n’ont jamais vu auparavant. De toute façon, comme un grand nombre de méchants sont plutôt d’âge mûr et assez gras, ou au moins bedonnants, ces derniers préfèrent s’enfuir en véhicule, et rares sont les héros qui décident de les poursuivre à pied : on ne résiste jamais à l’envie d’emboutir une ou deux bagnoles !
        C’est pourquoi, à côté de ça, tenter de battre un méchant à la course à pieds fait rarement monter l’adrénaline des demi-dieux.
        Pourtant, le sauvage, dont les techniques de vol pouvaient sembler par ailleurs un peu aléatoires, paraissait très prometteur : il progressait avec une foulée souple, allongée, dénotant d’une longue habitude de la course (sûrement pour chasser les gazelles). Bien qu’il criait un peu trop, sa gestion du souffle avait l’air à toute épreuve : on aurait dit qu’il pourrait courir pendant… Jusqu’à ce qu’on arrête de le poursuivre, parce qu’il ne faut pas exagérer, non plus. Oui, il faisait de grands gestes désordonnés des bras, lesquels partaient dans tous les sens ; mais c’était peut-être une technique secrète pour le faire aller plus vite. En tout cas, sa manière de se retourner comme monté sur un ressort, de crier, de déterminer si sa tête était parmi les plus stupides puis de repartir à pleine vitesse et de bifurquer à angle droit sans pour autant ralentir sa course était proprement spectaculaire. Visiblement, se carapater, c’était son domaine de compétence !

        Yudhisthira déboucha dans la ruelle avec un temps de retard. Sans prêter attention à la fiole mauve qui tournoyait pour aller s’écraser derrière lui, parce qu’il savait qu’elle n’allait pas le toucher, il entama un sprint héroïques digne des plus grands vainqueurs des Jeux de Marie-Joie. La progression était aisée. Le vent, au lieu de le ralentir, semblait le favoriser, et, avec un peu de chance, allait donner à ses cheveux un côté « décoiffé », « négligé », qu’il faut avoir à la fin d’une course-poursuite pour montrer qu’on ne s’est pas ménagé. Puis, pour la deuxième fois en moins de 10 minutes, le monde entier explosa autour de lui.




        La neige s’était remise à tomber. Doucement. Elle tentait de tout recouvrir, comme pour faire oublier les instants violents qui venaient de se produire. La couche de flocons avait un côté reposant ; les flocons étaient des plumes que le dieu du Sommeil, du Repos et des Oreillers faisait pleuvoir sur le monde pour lui rendre ses forces. Quiconque observait la scène ne pouvait s’empêcher de se sentir apaisé. Sauf bien sûr les incultes qui, eux, quand ils voient tomber de la neige, se disent seulement « zut ! Il va encore faire froid ! ». En général, ce sont aussi eux qui sont les premiers à laisser leurs traces de pas dans la couche neigeuse par ailleurs immaculée.




        Un tas de gravats bougea. Puis, il s’éleva dans un grand nuage de poussière, pour libérer Yudhisthira Dharma. Inexplicablement, l’explosion avait d’abord projeté deux madriers par terre, en parallèle. Lui-même avait volé entre les deux, et le souffle avait plaqué une porte, exactement sur les deux madriers, par pur hasard. De sorte que quand tout un pan de la maison d’à côté était tombé, le héros était protégé. Le demi-dieu s’épousseta. Il ne s’estimait pas spécialement chanceux. Non, ce genre de choses, pour un héros, c’est normal.

        Par contre, il ne voyait aucune trace de celui qu’il poursuivait. Pas dans la rue. Pas sous les décombres. Pas éparpillé partout sur les toits. Non seulement il s’en était sorti, mais en plus il avait pu se défiler. Il avait de la chance, ce gars-là. Du bol. Il avait… Yudhisthira n’était pas très bon en expressions. Il avait … Une expression en rapport avec le corps… Il avait… Le héros décida de s’inspirer de l’anatomie du sauvage : Ce gars-là, il a la tête bordée de nouilles !

        Les héros ne restent pas souvent indécis. Si le pirate n’était pas dans la rue, c’est qu’il avait dû entrer dans l’une des maisons. Celle d’à côté béait et on voyait l’intérieur ravagé : la table avait volé, il n’y avait aucune trace de chaises (ou alors, l’occupant mangeait par terre), des bibelots jonchaient le sol comme si on s’était amusé à les semer. En fait, toute la pièce donnait l’impression qu’elle faisait une répétition pour être fin prête pour la Fin du Monde. Seule, trônant au fond d’un évier apparemment intact, une tasse restait miraculeusement épargnée. Il devait exister un dieu des Tasses de café usagées. Un dieu spécialiste en protection des lits aussi, alors : dans un coin de la pièce, le lit de Tapahémé Sonriolai n’avait rien non plus. Son propriétaire, assis dessus et bien emmitouflé dans ses couvertures, observait sa maison d’un air hagard, une bouilloire sur la tête, la bouche grande ouverte retenant du bout des lèvres un thermomètre.
        A ce sujet, il est bon préciser que Tapahémé Sonriolai est le fils de Kiashoure Sonriolai, et non pas celui de Jaihadoré Sonriolé, le cracheur de noyaux de cerises : comme n’importe qui peut le savoir s’il prend la peine de se renseigner un minimum, ce dernier est un homonyme qui n’a rien à voir dans l’histoire !

        « Bonjour, fit Yudhisthira, vous n’auriez pas vu un… type passer par ici ? Air hagard, sourire de demeuré, dents de scie, cheveux en corde à sauter ? »
        « Ma… ma maison ! Que s’est-il passé ? »


        Voyant qu’il n’avait pas de temps à perdre ici, Yudhisthira leva le pouce avec un grand sourire en direction de l’homme, qui lui renvoya un timide signe de la main. Puis il fit le point : de toute la rue, il ne restait qu’une seule maison qu’il n’avait pas visitée ; en tout cas, il y avait un mur avec une porte qui ne semblait pas avoir subi de dégâts.
        Elle était bizarre, cette porte : on avait l’impression qu’on lui avait taggué une tête dessus, puis qu’on avait rajouté des morceaux de ficelle pour… ben, pour une étrange coutume locale ? Accessoirement, cette porte, elle était fermée.


        Aucune porte ne reste fermée très longtemps devant un héros : en plus d’avoir tendance à enfoncer des portes ouvertes, ces derniers ont le don pour s’introduire là où on ne veut en général pas les voir aller, quelle que soit la manière (les héros ne sont pas connus pour faire dans la dentelle). Par réflexe héroïque, Yudhisthira avait tendance à ne jamais ouvrir les portes : il balançait un grand coup de latte dedans, pour faire une entrée dynamique. Avec le temps, elles avaient appris à le connaître et à s’ouvrir automatiquement à son arrivée. Mais visiblement, pas celle-là.
        Le demi-dieu prit son élan, sauta un pied en avant et percuta la porte de plein fouet, en criant, parce que ça fait bien de hurler à pleins poumons le nom de sa technique quand on la fait, même si le nom en question est ridicule :

        « Heroic entry ! »

        Mais il avait visiblement mal calculé son élan : la porte, dont les gonds devaient être mauvais, fut arrachée du linteau. Emportée par le coup, elle traversa en trombe une pièce qui devait être une salle à manger, s’encastra avec fracas dans le mur du fond et le traversa, lui aussi. Le tout sous le regard étonné et vaguement énervé des habitants du lieu.


        « Porte » et héros se retrouvèrent donc de l’autre côté de la maison, dans une nouvelle ruelle enneigée. Le demi-dieu, un peu sonné, eu à peine le temps de réagir : la ruelle était en pente, et la porte… glissait ! Yudhisthira se rétablit, plaçant ses pieds sur le morceau de bois à la manière d’un snow-board. Même si, bien sûr, il n’en avait jamais fait. Et puis, le dieu des Sports d’hiver, des Tire-fesses et des Fractures-le-premier-jour était assez coulant sur le matériel employé.
        Etendant le bras gauche pour maintenir son équilibre, poussant du pied pour accélérer, redressant ses lunettes de soleil de la main droite et décochant un sourire Colgate à qui voulait bien le recevoir, le héros et sa porte commencèrent à dévaler la rue à une vitesse, qui, s’il existait un permis pour diriger une « snow-door », lui aurait sûrement fait sauter d’un coup. Les passants qui voyaient le danger n’avaient que le temps de se jeter à terre ou à travers les fenêtres des bâtiments aux alentours pour esquiver ; un gamin sauta dans un tonneau, que, manque de chance, la porte percuta de plein fouet sans s’arrêter dans sa lancée. Le demi-dieu sourit : jusque-là, tout allait bien.

        En bas de la rue s’étalait une intersection. Au moment où il allait passer, toujours à pleine vitesse, un chariot fit irruption devant, coupant la route au héros ; sans se démonter, ce dernier dévia un peu sa route et percuta un rocher qui trainait. Alors que normalement, c’est strictement impossible, le choc fit que la porte et Yudhisthira, qui respectait plus souvent les lois narratives que les lois physiques, partirent en vol plané, pour passer juste au-dessus du chariot, avec un grand « Yeeeeeeehaaaaaaaa !» de circonstance. Pas assez haut, toutefois, comme le prouva le désagréable petit bruit de verre brisé qui accompagna le jeune demi-dieu et son véhicule un instant, juste avant qu’il n’atterrisse et ne recommence à glisser. Se retournant, Yudhisthira eut le temps de voir le chariot disparaître au loin. Sur son côté était inscrit, en lettre de plus en plus petites : « Nami Toutakote, matériel de laboratoire : éprouvettes, pipettes, bécher »…


        Sans ralentir, Yudhisthira et sa porte débouchèrent sur la Grande Place du Marché. Des camelots vendaient de la viande de lapin des neiges aux médecins. Des pharmaciens proposaient des produits miracles aux badauds qui circulaient lentement, en foule, à travers leurs étals. Le tout dans un joyeux brouhaha.
        Ils ne voyaient pas le héros et sa porte qui filaient avec célérité vers eux ; comme un missile, cette dernière fila à travers la place, reversant marchandises et passant, pour achever sa course en percutant avec fracas le seul vendeur de fruits et légumes à des kilomètres à la ronde. Le tout dans un grand concours de cris, de tomates écrasées et de concombres volants.

        Yudhisthira, lui, avait sauté à l’entrée sur la place. Suspendu un instant dans les airs, le temps de faire un salto, il retomba sur ses pieds, les jambes légèrement fléchies ; il garda une seconde la pose héroïque, sans faire attention aux gens qui commençaient à se rapprocher de lui, ni à ceux qui entouraient la porte à quelque distance de là. Puis se mit en devoir de rechercher son pirate.


        Etrangement, il avait l’impression que pendant tout ce temps, il n’avait jamais été très loin de lui...


          Le violent coup de pied de Yuhrdri… Yudiki,… Yudhidruc projeta l’homme-porte à travers les pièces encore intactes de la maison. Emporté par la puissance du coup, il passa à travers le mur du fond et s’écrasa durement sur le pavé de la rue. Ne prêtant plus attention à son adversaire, Ange ne pensait plus qu’à son ventre qui lui donnait l’impression d’avoir été explosé, et malgré la douleur il se félicita de n’avoir que légèrement mangé avant de sortir en ville (il s’agit d’ailleurs d’une bonne habitude des gens malhonnêtes : avouez que c’est plus dur d’échapper à la police quand on a dans le ventre un énorme poulet rôti, une double assiettée de pâtes, un gros gâteau à la crème et une bouteille de bon vin ; d’ailleurs, quand on a les moyens de manger un tel repas, on se fait rarement cambrioleur).

          Tout agonisant qu’il était, le voleur s’était à peine rendu compte de la présence du demi-héros qui, le prenant toujours pour une porte, était resté sur lui. Il ne commença à se poser des questions que lorsqu’il se sentit partir à grande vitesse sur la pente de la rue.
          Passons les péripéties sur la descente à grande vitesse, la frayeur des passants, les cris de désaxé poussés par le demi… -ah non, ce n’était pas héros, c’était dieu !-, par le demi-dieu, donc, qui ont déjà été racontées, et dont la différence de point de vue apporterait seulement les "Waaaaaaaaaaah !" de terreur poussés par Ange, en particulier au moment du choc avec le chariot, et rendons-nous directement au magnifique dérapage suivi du cash contre les étals du marché qui s’écroulèrent comme des dominos au milieu des cris de panique.

          ***

          Lorsque le snow-dooreur et son transport avaient atterris sur la Grand-Place, un attroupement s’était formé autour du héros, qui souriait d’un ait très satisfait, et de son étrange véhicule. Personne n’avait pu résister à la curiosité de voir ce qui s’était passé, au plaisir se s’entasser avec les autres badauds pour commenter l’incident. Ou pourrait citer toute une ribambelle de villageois aux noms Asiatisés, expliquer pour chacun leur profession, les raisons de leur présence ici, ce qu’ils en pensaient, et ce qu’ils comptaient manger en rentrant chez eux, mais ce serait pris à juste titre pour une moquerie.
          Aucun passant –ou alors personne sauf une toute petite minorité très bien cachée- ne fit le rapprochement entre cet incident et ce qui venait d’arriver au musée, mais les deux évènements s’étaient suivis à une vitesse rapprochée, et pour ameuter tous les curieux réunis sur le marché il aurait fallu aller plus vite que la porte des neiges et son cavalier.

          L’arrivée des deux adversaires avait causé une bonne pagaille, et c’est au milieu d’un amas de paniers renversés, de caisses brisées, de fruits et légumes importés à grands frais des îles voisines, et de steaks de lapin éparpillés qu’Ange reprît ses esprits.

          Aaargh, que m’est-il arrivééé ?!
          Je… j’ai l’impression que tu as dévalé toute une partie de la ville en glissant sur de dos.
          Sur le dos ? Ah, je comprends mieux pourquoi j’ai aussi mal, mais ça n’explique pas mes douleurs au ventre. J’ai bien envie de rester allongé ici et de me faire oublier : j’ai eu mon quota d’émotions pour aujourd’hui.
          Ça ne va pas être possible : tu as repris ton apparence normale, et les gens te regardent bizarrement. Tu risques de les étonner à rester allongé ici, et il ne faudrait pas qu’ils découvrent que tu as les poches pleines d’objets volés.
          Bah, de toute manière la plupart d’entre eux n’ont probablement jamais mis les pieds dans le musée municipal, alors je serais surpris qu’ils soient capables de reconnaitre des objets en provenant.
          Oui, mais tu oublies une chose : ton adversaire peut très bien te dénoncer, et de toute manière, entre lui et toi, ils n’hésiteront pas une seconde avant de t’accuser.


          Pour la troisième fois, le cambrioleur se releva en gémissant. Cherchant Yudhihistra… euh…Yuluidhira,… enfin son ennemi du regard, il finit par le reconnaitre, lui et son kimono impeccable malgré toutes les péripéties qu’il venait de subir, et ses cheveux à peine décoiffés qui donnaient l’impression d’un ensemble savamment calculé ; Ange ne put s’empêcher de penser que s’il avait été à sa place, avec les mêmes cheveux, ceux-ci auraient été à la fois emmêlés et parsemés d’épis. Sans remettre en cause le dieu des coiffures, des coiffeurs, et des lotions anti-calvities (non, il n’existe pas ?), l’albinos se dit qu’il y en avait toujours pour les mêmes. Cela dit, il compensait peut-être cela par une insouciance qui tirait sur la bêtise. En effet, le pseudo-justicier lui tournait le dos et souriait à la foule tout en prenant la pose, comme s’il s’attendait à faire la une du journal local et à être porté en triomphe pour avoir saccagé une partie de la ville.

          A aucun moment au cours des derniers évènements le héros aux lunettes de soleil n’avait fait preuve d’une quelconque aptitude au combat. D’ailleurs, en y réfléchissant, tout ce qu’il avait fait se résumait à détruire tout ce qui se trouvait autour de lui –bon, d’accord, il l’avait un peu aidé- tout en s’en tirant de justesse avec un grand sourire étincelant. Finalement, il lui faisait de plus en plus penser à… oui, c’est ça, à un crétin de touriste qui se ramène avec ses gros sabots (ou en l’occurrence ses après-skis fourrés), et met la pagaille ou il va sans rien comprendre. En ce moment, il ne semblait faire ni attention au sauvage, ni au brouhaha émis par la foule, mais probablement seulement à savoir s’il devait ouvrir la bouche ou garder les dents serrées pour mieux mettre en valeur son sourire. C’était une occasion en or : le voleur dégaina une de ses dagues, et, grâce à son aptitude à de déplacer silencieusement, il se rapprocha sans faire le moindre bruit, ni craquement dans la neige -oui, c’est vrai, c’était d’autant plus facile qu’un troupeau de badauds braillait en cercle autour des deux hommes, mais quand même !-, et arrivé juste derrière son adversaire, et étendit son bras pour le frapper dans le dos.
          C’est à ce moment, d’une part car un héros ne peut pas être sévèrement blessé aussi facilement, surtout à un stade aussi peu avancé de l’histoire, mais aussi parce qu’il y a toujours dans une foule un crétin pour s’exclamer lorsqu’il ferait mieux de se taire :

          - Oh regardez, la planche s’est relevée ! Il s’approche de l’autre par derrière, et… oh, mais ils sont super moches ses cheveux !!

          L’auteur de cette remarque était une certain Atumi Teshosur (enfin il pourrait tout aussi bien se nommer Taita Sprandéclac, ou Jeudmo Ratté), commis à l’épicerie du coin, et qui… mais en fait, on s’en fiche, non ?
          Comprenant qu’il pouvait dire adieu à son effet de surprise, le possesseur des cheveux moches en question recula, et dégaina son pistolet qu’il pointa vers son adversaire. Il l’avait peut-être raté la première fois, mais cette fois-ci il n’y avait pas de machine infernale à abimer et sa cible était toute proche : avec large un sourire, il appuya sur la gâchette, mais celle-ci ne lui répondit que par le « clic » caractéristique des armes à court de munitions. Forcément, il possédait un pistolet à un coup et n’avait pas pris la peine de le recharger. Le sourire ridicule du sauvage s’effaça pour laisser place à une grimace.

          Raaah, mais tu es irrécupérable mon pauvre ! Même pas capable de faire attention à ton matériel !
          Hé, j’étais bien trop occupé à m’échapper !
          Oui, parce que non seulement tu oublies de recharger, mais en plus tu n’es même pas capable de cambrioler un bâtiment quasiment vide sans te faire pourchasser.
          Ahem, oui,… mais… mais après tout, toi non plus tu n’y as pas pensé : a aucun moment tu ne m’as pas rappelé que je devais remettre des munitions dans mon pistolet !
          Vraiment ? Hum, passons. L’autre a largement eu le temps de se mettre en garde, et avec tes bêtises… enfin avec tout ça, il va peut-être même attaquer le premier !
          Alors je fais quoi ?
          Tu pourrais… lui jeter des fruits à la figure, par exemple ! Il y en a plein qui trainent par terre.


          Puisqu’il n’était plus à un contact avec le sol près, Ange rangea son pistolet et se roula sur le sol, de manière à éviter une éventuelle attaque de son ennemi –l’héroic entry, en plus d’avoir laissé une belle trace de semelle sur sa veste, l’avait traumatisé- et se redressa avec deux belles pommes dans la main.

          - Tiens, prends-ça !!

          ***

          A l'extérieur du cercle des spectateurs, un autre personnage du nom de, euh… eh bien… il a une tête à s’appeler Taka Dirksaipatafaut (en fait non, comme tous les habitants de l’île, un nom à l’européenne lui irait bien mieux mais on n’est pas dans un manga Japonais pour rien !), sergent dans la garde de l’île, et chevauchant fièrement son fidèle frou-frou, le lapin des neiges apprivoisé, observait la scène avec intérêt, prêt à intervenir dès que les deux larrons auraient accumulés suffisamment de délits pour être passibles d’un bon passage à tabac suivi de quelques mois de prison. Pour patienter, il mangeait un poireau.
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          S’il subsistait encore un doute (mais les héros ne doutent jamais de rien, et surtout pas d’eux-mêmes), il venait de s’envoler : seul un méchant, un vrai, attaquerait un héros dans le dos. Lâchement. Avec un couteau qui, visiblement, était conçu pour ce genre de tâches déplaisantes. Si le gars avait pu, il aurait certainement essayé de l’abattre de loin, avec une sarbacane, ou en mettant un serpent dans son lit, pendant son sommeil. Seul un méchant peut procéder ainsi.

          Mais seul un méchant crétin essaierait d’approcher par derrière, un gars qui est le point de mire de toute une foule ; si Atumi Teshorur n’avait pas réagi, n’importe qui d’autre l’aurait fait à sa place. C’était un principe de base que l’on apprenait au CP, et toute personne un peu cultivée connaissait la légende de Gaara Tezami, le meurtrier théoricien qui avait élaboré l’idée que les gens ne voient que ce qu’ils croient possible, et rejettent le reste dans un coin de leur cerveau en prétendant que c’est une hallucination. Ainsi, pour lui, un assassin suffisamment audacieux pourrait se glisser dans une foule, tuer quelqu’un devant tout le monde et s’en repartir tranquillement, sous prétexte que personne ne croirait possible qu’un homme ose en tuer un autre en plein jour, au vu et au su de tous. Comme tout le monde penserait avoir mal vu, les gens ne tenteraient pas de s’opposer à la fuite du meurtrier. La diffusion à grande échelle de la thèse de Gaara Tezami dans le milieu de la pègre avait provoqué une chute soudaine de la criminalité de près de 80 % suite à une multiplication des arrestations sur les places publiques. Et Tezami avait lui-même trouvé la mort lors de la Réunion des Assassins et Terroristes Endurcis, tué à grands coups de tronçonneuse au milieu d’une foule qui assura par la suite qu’il y avait trop de monde pour qu’elle puisse se rendre compte de quoi que ce soit.
          A la suite de quoi, les anciens du Milieu disaient aux plus jeunes qui affichaient une trop grande confiance en leurs copains : « Attention ! Gaara Tezami ! »



          C’est en voyant qu’il n’était plus le centre de l’attention que Yudhisthira s’était retourné, pour se retrouver face à son méchant. La bouche tordue d’un rictus et les cheveux en bataille, le sauvage avait l’air sympathique comme une porte de prison. Mais alors, version porte-à-tifs. C’était compréhensible : la trace de pas qui marquait son torse indiquait qu’on lui avait marché dessus, et dans ce cas, n’importe qui serait sorti de ses gonds. En tout cas, une chose était claire : en se rendant sur le marché, le Yudhisthira avait d’une certaine manière… Frappé à la bonne porte.


          Poussé par son instinct, le héros fonça dans la direction du pirate et de son pistolet. Il ne marqua un temps d’arrêt que quand le monde devint un doigt pressant une gâchette. Parce que c’est ce qui arrive souvent aux héros : quand ils voient un pistolet braqué sur eux, la plupart du temps ils se jettent dessus. Très souvent, comme dans le cas présent, un simple « clic » sanctionne leur tendance héroïco-suicidaire. Et quand, ensuite, on leur demande : « Mais comment tu as fait pour savoir qu’il n’avait plus de balles ? », ils répondent, d’un ton suffisant : « Bah, facile ! J’ai compté le nombre de tirs, et je savais qu’il n’avait à la base que 5 balles dans son six-coups ! ». En fait, c’est juste du bol. Pour l’occasion, Yudhisthira adressa une rapide prière de remerciement au dieu de la Chance, des Premiers prix au Loto et des Héros, puis, véritable incarnation de la justice, il se précipita sur le draideux pour lui infliger le terrible châtiment qu’il méritait.

          Ce dernier esquiva, preuve que la justice n’est pas si terrible que ça. Le demi-dieu se rétabli, juste au moment où une pomme traversa l’espace pour finir son trajet en frappant durement la tête d’une vendeuse de légumes qui se tenait juste en retrait par rapport à lui. Par crainte de voir inséré dans le rp un nouveau personnage dont le nom serait bâclé en guise de sarcasme, il ne sera pas dit qu’elle s’appelle Tetumi Tebijuû.




          Yudhisthira pointa alors un doigt vengeur, consulta un petit recueil intitulé « 100 répliques classes pour toutes les occasions » et, dans une grande envolée lyrique :

          « Lâche ! Si tu penses t’en sortir en combattant de loin ! »

          Il avait à peine terminé sa phrase qu’un nouveau projectile le heurta au niveau de l’épaule, celle qui avait déjà souffert de la première explosion. Retenant une grimace de douleur (car les héros souffrent toujours, mais se débrouillent pour montrer qu’ils s’efforcent de le cacher. Ca met en valeur leur courage), il renvoya le fruit vers son adversaire, tandis que la foule refluait prudemment pour laisser un large espace vide autour de lui. Puis, il se précipita vers l’étal d’un vendeur de pastèques des neiges. A la différence des pommes, qui selon ce que le héros avait pu en juger au toucher, étaient farineuses et mal adaptées au climat, les pastèques des neiges, qui ne comprenaient pas pourquoi il n’y aurait que des cerises à Drum, avaient trouvé un moyen de se fondre dans l’écosystème de l’île : au lieu de pousser au ras du sol comme une pastèque normale, elles étaient soutenues juste au-dessus de la neige par de petites tiges solides. De cette manière, elles pouvaient profiter de la réverbération du soleil faiblard sur le sol pour murir, et avaient des quantités d’eau illimitées. Bien sûr, elles ne disposaient que de peu de sels minéraux, mais c’est ce qui les rendaient plus légères et donc supportables par les tiges.

          Le héros esquiva un nouveau projectile et observa un instant sa barricade. Sur l’étal avaient été placés des cageots entiers de pastèques, alignés, entassés, formant une véritable muraille. Tant que le pirate se contentait de lancer des pommes, l’endroit, à condition de rester derrière, serait presque imprenable, à condition d’éviter les tirs en cloche, dont l’un venait justement d’achever sa course derrière lui. Mais les héros ne sont pas connus pour rester sagement à l’abri. Il fallait qu’il agisse. Les héros ne sont pas non plus connus pour faire dans la dentelle : sans le moindre soupçon d’hésitation, préférant ne pas attendre que le voleur ait eu la bonne idée de faire le tour, il retira la cale qui maintenait l’étal en place, et le souleva de toutes ses forces. La pile de pastèques vacilla un peu, puis s’affaissa complètement : dans un roulement de tonnerre, les fruits bondirent, roulèrent, sautèrent sur les badauds qui s’enfuyaient en courant et en criant, s’écrasaient avec un bruit visqueux sur les tables, brisant les verres, tâchant les vêtements, renversant tout. Dans ce chaos de fruits, une pastèque en particulier, jaillit joyeusement du haut de la pile, rebondit sur une tête, et alla frapper à toute vitesse la porte de l’enclos à lapins des neiges sauvages, la laissant grande ouverte. Le premier à vouloir sortir fut étendu raide par un fruit vrombissant, mais les autres, prudemment, s’enfuirent de leur enclos pour se diriger vers la montagne la plus proche, en semant la terreur sur leur passage.
          Avec l’assurance de celui qui est sûr qu’il vivra l’Apocalypse en tant que simple observateur extérieur, Yudhisthira commença à marcher à grands pas à travers le désordre, observant une tête ici, relevant un homme assommé là, pour retrouver son pirate. Il regardait particulièrement sous les charriots et les tables, car, commençant à percer la psychologie de son opposant, il était sûr que c’est le premier endroit où il irait se cacher. Il n’avait aucun remord de faire tout ce gâchis avec la nourriture : le dieu des Arbres, des Fruits et des Noyaux aimait qu’on se serve de ce qu’il produisait, sans préciser comment il fallait le faire. Tiens, là-bas, ce serait pas le pirate ? Ah non, juste une méduse posée sur un sac poubelle.



          Prudemment posté à une entrée de la place, Taka Dirksaipatafaut, alias Jean-Nérien Nassiré pour la version européenne, observait la scène avec un intérêt croissant. Il prit son crayon, son carnet réglementaire intitulé « Crimes et délits », parcouru les cases en murmurant et fit une autre croix, juste en-dessous des deux premières. Puis, avec une satisfaction évidente, il tendit le carnet à Frou-Frou, avant de se replonger dans le spectacle de la Grand-Place. Quand il récupéra une nouvelle fois le carnet, il y jeta un coup d’oeuil rapide et sourit : un rond appliqué avait pris place juste à côté de la deuxième croix ; si Frou-Frou continuait de jouer aussi mal, Taka allait finir par la gagner, cette partie de morpion !  


            Ayant plus l’impression de jouer à une partie de massacre (vous savez, le jeu ou l’on essaie de dégommer des têtes ou des conserves à coup de balles) que de participer à un combat acharné entre deux adversaires, Ange s’amusait comme un petit fou à essayer d’atteindre son adversaire avec des pommes. Il commença à nettement moins rigoler quand les centaines de pastèques des neiges alignées sur des étals entre lui et Yudquelquechose-le-héros se mirent à dégringoler dans sa direction à grande vitesse.

            Les fruits semèrent aussi la panique parmi la foule déjà peu rassurée, qui se dispersa en hurlant. C’était probablement la pire solution, mais aussi celle que choisit toujours une masse de gens qui se disent chacun dans leur tête "argh, il est temps que je file", et rapidement on vit les pastèques percuter par dizaines les villageois qui se bousculaient, renversaient les tables, les caisses, les petits enfants qui restaient à pleurer dans leur coin, et l’incontournable mère serrant son bébé tout en fermant les yeux (n’ayant personne pour la sauver, celle-là se prit un projectile dans le dos). Si l’on en était resté la, il était fort probable que la situation se serait calmée, mais c’était sans conter une pastèque un peu plus vicieuse que les autres qui alla se jeter contre l’enclos des lapins sauvages. Ah, ils n’avaient pas l’air très impressionnants ces animaux-la tels qu’ils étaient, grosses boules de fourrure sagement entassées derrière leur barrière, et leur nom et ce qu’il évoque ne joue pas en leur faveur, et ce n’est que quand on les voit détaler en courant que l’on se souvient que chacune de ces bêtes mesure plusieurs mètres de haut, pèse plusieurs tonnes de muscles, possède des griffes de chasseur d’humain et la force de trente soldats armés ; la, on a nettement moins envie de rigoler. Voyant la liberté qui s’offrait à eux, les terribles animaux carnivores se précipitèrent hors de leur prison, et se jetèrent parmi la foule et des projectiles qui faisaient toujours un massacre.
            Au milieu de cette masse d’êtres vivants, animaux et végétaux, qui fusaient dans tous les sens en hurlant, grognant, et, euh… splatchant, le cambrioleur essayait tant bien que mal de se trouver à la fois une cachette et un abri.

            ***

            Un peu plus haut en ville, aux alentours des ruines du musée ou une foule toujours dense était toujours massée, la nouvelle se répandit qu’il y avait un spectacle beaucoup plus intéressant que les décombres fumants d’un lieu ou personne n’allait jamais à voir au niveau de la place du marché. Aussitôt avertie, la foule de curieux parcourut la distance qui la séparait de la grande place, et se massa dans les rues adjacentes pour profiter de la scène sans risquer de s’y retrouver impliqué. Ainsi, lorsque les nombreuses personnes encore présentes sur place tentèrent de fuir, elles se retrouvèrent empêchées par un mur de spectateurs qui bloquait les seuls passages entre les maisons, et qui ne pouvait ni ne voulait reculer, formant ainsi une arène ou couraient pastèque folles, lapins géants carnivores, villageois affolés, mais aussi un jeune héros à la recherche de son méchant. Celui-ci regardait autour de lui avec son œil vif, et probablement la certitude que le cambrioleur lui tomberait dessus par hasard. A peine Yurluthuthu eut-il croisé le sac poubelle orné d’une méduse que celle-ci émergea de sa cachette. Si la poubelle en était bien une, la méduse, en revanche, était en réalité la partie supérieure du crâne d’Ange, seule partie de son corps qui dépassait de la seule cachette qu’il avait trouvé.

            Ouf, il ne ma pas vu !
            Eh bien maintenant, il n’y a plus personne pour lui dire que je vais lui planter ma lame dans le dos.
            Tu es sûr que je ne devais pas plutôt fuir ? Il y a plein d’attroupements un peu partout, je pourrais facilement m’y mêler, et passer à travers un mur quand personne ne me regardera.


            Reprenant son arme, et se recoiffant de son bonnet qui était tombé dans le fond du sac et qui y aurait tout à fait eu sa place, le pirate marcha dans le sillage de son ennemi sur quelques pas, puis prit son élan, s’élança, et porta un violent coup d’estoc dirigé vers le bas de la nuque du héros blond bien coiffé. Au même moment, une grosse pastèque, après avoir atterri sur le crâne de, euh, d'un marchand de légumes dont le nom importe peu, puis rebondit sur le large ventre d’un lapin des neiges, passa en trombe entre les deux protagonistes et, avec le ralenti typique des scènes délicates et peu évidentes à réaliser sans effets spéciaux, vint s’encastrer dans la dague du sauvage, qu’elle emporta avec elle pour finir sa course un peu plus loin sur le pavé neigeux.

            Le voleur, bien embêté, se retrouva désarmé face à Yuhsektamisa Dhilemwa, enfin l’agent du Cp, qui n’avait pas pu manquer d’entendre son « aoutch, saleté de pastèque !! » de douleur, et qui ne manquerait pas de rayer un point de destin de sa feuille de personnage avant de se retourner et, éventuellement, de lui casser la figure.

            - Je, euh… ce n’est pas ce que tu crois ! J… -hum- j’étais en train de me couper une tranche de pastèque, la, tranquillement, quand j’ai eu une crampe et –euh- je l’ai laissée tomber par terre.

            ***

            - Gyaaaaah !!!

            Après s’être laissé malmener par l’agent Dramara –ou Dhramram, à moins que ça ne soit Dhrabadabada, ou Dh-vous-pouvez-m’épeler-votre-nom-s’il-vous-plait-? -, Ange avait pris le parti de détaler en poussant des hurlements, une méthode qui, si elle ne faisait pas toujours ses preuves, avait en tout cas un très bon effet psychologique : le cri détend les nerfs et évacue le stress du fuyard, personne ne remet en question le fait que l’on s’échappe, et généralement les gens s’écartent pour vous laisser passer. Le « généralement » ne concerne pas les obstacles, et certains êtres vivants tels que les humains riches et célèbres, les chimères arbre-éléphant –si, si, ça existe ; enfin surement-, et bien évidemment les lapins carnivores géants de l’île des cerisiers, comme celui qui venait de se planter dans le passage du cambrioleur.

            Aïeuh ! Saleté de, de…
            - Oups, désolé monsieur le lapin géant avec de grosses griffes et un air menaçant, je suis confus de vous avoir bousculé.
            - Groar ?
            Zut zut zut zut zut, je fais quoi ?!
            Eh bien tu as le choix entre un lapin qui va peut-être te manger, et surement t’aplatir la tête, et un humain qui va juste essayer de te mettre en prison.
            Mh, le lapin est trop gros pour que je lui passe entre les pattes, alors je suis sensé le combattre ?
            Tout a fait.
            Hé, hé, et si je jetais une carotte sur le gars qui me poursuit ? Comme ça, le lapin lui sauterait dessus, et…
            Super, sauf que je te rappelle que les lapins sont carnivores, et que tu n’as pas de carotte sous la main !

            - Groumpf !
            - Argh…
            - Tut tut tut, du calme, Frou-frou, on ne grogne pas après les gens comme ça, même si tu es vexé d’avoir perdu.

            ***

            Du haut de sa terrible monture, le garde Taka Diktan Narien Nassiré –ou un nom comme ça- ne craignait pas grand-chose. En fait, la seule vraie menace qu’il aurait pu redouter, c’était … le groupe de lapins qui allait tenter de forcer le mur de spectateurs, dont Taka faisait maintenant partie, pour retourner vers les montagnes. Palissant à la vue de ces bolides poilus, le garde donna des ordres à sa monture d’une voix paniquée, mais celle-ci, tétanisée, ne bougea pas d’un pouce. Un peu plus habitué à ce genre de situations, le cambrioleur ne se posa pas de questions et prit ses jambes à son cou. Il fila sur le côté, se cola contre le mur le plus proche, et, utilisant son pouvoir, rentra dans l’une des maisons qui bordaient la place pour se mettre à l’abri, et dont les habitants profitaient du spectacle depuis le premier étage.

            A travers le mur, il put entendre le vacarme provoqué par une horde de lapins bousculant une foule de badauds et imaginer le résultat. Au milieu de tous les cris, il put distinguer clairement :

            - A moi, à la gaaaarde !
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            "Aoutch, saleté de pastèque ! »

            Avec un à-propos et une précision millimétrée, le fruit venait de sauver le héros d’une grave blessure. En comptant la pastèque qui avait libéré les lapins, c’était la deuxième qui, à la suite d’un parcours acrobatique, arrivait au bon endroit au bon moment, et de la bonne manière. A croire qu’elles étaient téléguidées !

            Un moment de flou suivit. Une de ces ellipses salutaires qui couvrent d’un voile pudique une scène de combat, et qui est en général représentée par un gros nuage duquel sortent des pieds, des poings, des têtes et en l’occurrence ici, des pastèques aussi. C’est le genre de combat où personne ne sait vraiment où il est ni sur quoi il tape, mais ça se termine invariablement par la fuite d’un des protagonistes, hurlant, courant, levant les bras au ciel. Yudhisthira (avec un « h » après le « d » et le « t », s’il vous plaît. C’est quand même pas compliqué !) tenait le rôle de celui qui courait derrière avec un temps de retard, arborant le classique cocard qui disparaîtrait dès la phrase suivante, par faute d’inattention du type chargé des descriptions ; le demi-dieu autoproclamé allait se jeter à nouveau sur son adversaire, quand un nouveau cri l’arrêta :

            « A moi, à la gaaaarde ! »

            A ce moment précis, des colonnes de soldats coururent se jeter dans la place. Ils ne manifestaient pas la moindre surprise ni la plus petite hésitation, comme s’ils étaient restés cachés dans un coin depuis le début en attendant que quelqu’un, n’importe qui, se mette à crier : « à la garde ! » pour se pointer. Comme si leur seul but dans l’existence (ce qui d’une certaine manière était le cas), c’était de débouler d’on ne sait où avec tambours, trompettes et hallebardes pour se faire poutrer par le héros de service. Après tout, c’est le job principal d’un garde !

            Malgré sa règle spéciale « insouciance héroïque » qui le faisait bénéficier d’un point de destin gratuit par tour, Yudhisthira D-H-A-R-M-A comprit vite que les soldats ne venaient pas pour le féliciter. En général, les gardes ne sont pas les grands amis des héros ; quand un garde voit un héros, où qu’ils soient, il cherche à l’arrêter. C’est vrai aussi que trois fois sur deux, le héros est là où il ne devrait pas être. Mais ce qui est exceptionnel, c’est que justement, sauf quand le héros est vachement bien déguisé (grâce à un personnage secondaire : il n’a pas eu l’idée tout seul), le garde sait tout de suite que c’est lui. C’est sûrement grâce à une mutation génétique développée après des siècles d’inimitié ancestrale.
            Deux problèmes se posaient au jeune héros : premièrement, il ne pouvait pas se permettre de dézinguer tous les gardes, ça prendrait trop de temps. Et deuxièmement, tous ces gardes ne lui avaient fait aucun mal. Ils ne rentraient pas dans la catégorie « armoire à glace servant à obéir (mal) au méchant » ; il ne pouvait donc pas les attaquer comme ça. A voir, donc. Et, heu… deuxièmement et demi, il fallait quand même qu’il réussisse à trouver son pirate. Lui ou un autre, d’ailleurs.



            Un coup d’estoc porté par un garde avec sa hallebarde tira le héros de ses considérations existentielles. Il eut juste le temps de faire un saut en arrière pour esquiver, se perchant ainsi sur un tonneau. Un deuxième coup violent de l’arme d’hast le délogea de son abri en le fracassant, répandant de la bière d’orge partout dans la neige. Il bondit alors vers une pile de tonneaux simplement retenus par une corde qui s’efforçait désespérément de se donner l’air d’un objet du décor qui n’aurait rien à voir avec l’histoire dans les secondes à venir, sans y parvenir tellement s’était évident. En effet, de son arme maniée comme une faux, le garde de Drum coupa la corde qui retenait les tonneaux. Son visage se leva vers l’ombre qui le gagnait, et ses yeux et sa bouche s’agrandirent démesurément, avant de disparaître dans un concert de craquements sinistres, de morceaux de bois et de bière de mauvaise qualité. Yudhisthira atterrit non loin de là, ayant pleinement conscience d’avoir accompli un acte héroïque et gardant la pose quelques instants, au cas où il viendrait l’envie à quelqu’un de lui appliquer quelques épithètes homériques.

            Ce n’était sûrement pas le cas d’un second garde qui l’aperçu de loin. Le garde prit son élan, et se précipita vers lui la hallebarde en avant pour l’embrocher. Mais le héros l’esquiva magnifiquement d’un retrait du corps tout à fait maîtrisé. L’homme continua un instant sur sa lancée, mais il fut vite arrêté par son arme qui se planta. Dans de la matière vive. A… Avec des poils blancs ! Le garde regarda d’un air horrifié la tête de Flocon, le lapin des neiges sauvage, se tourner lentement vers lui, le visage rempli de haine. Déjà pas particulièrement sympathique à la base, le fait d’avoir été assommé par une pastèque au tout début de l’action l’avait passablement énervé ; une hallebarde plantée dans le fondement n’allait sûrement pas améliorer son humeur !

            Yudhisthira n’eut pas le temps de jouir du spectacle : deux hommes d’armes qui foncèrent sur lui à ce moment pour le prendre en tenailles. Le héros n’eut que le temps de sauter à nouveau pour attraper le rebord d’une fenêtre et se hisser, exploit salué en-dessous de lui par le bruit de deux casseroles qu’on entrechoque violemment. En se redressant, il se retrouva face à deux enfants qui regardaient le spectacle de la place avec délectation, leur mère, qui, elle regardait ses enfants avec réprobation, et … le père, qui le tromblon à la main, fixait Yudhisthira avec tous les mots en –ion qui impliquent un carnage imminent. Le héros choisit de composer :

            « Monsieur ! Je suis à la recherche d’un dangereux méchant ! Il faut que je l’attrape, croyez-moi ! Vous devez me faire confiance ! »

            Parce que c’est évident, n’importe qui est prêt à croire un type qui vient d’être responsable de la mise à mal de quatre gardes, qui passe par sa fenêtre du premier étage, décoiffé, le visage maculé de suie, et avec à l’oeuil un coc… Ah ben non, il n’y est plus. Ce fut la femme qui brisa le silence :

            « Laisse-le,Watu ! Un jeune homme avec un kimono aussi bien tenu et un si gentil sourire ne peut pas mentir ! Ecoute ce qu’il dit ! »

            Watu Oukile était dans l’ensemble un bon mari, mis à part sa propension à laisser sa femme Shepa faire le ménage, la cuisine et la vaisselle. La preuve, il sortait les poubelles le Samedi soir. En tout cas, si elle faisait confiance à ce gars, il n’allait pas y redire. Juste le tenir à l’oeuil, au cas où. Il s’adressa au jeune héros :

            « Ok. Alors, il est où, ton fameux méchant ? »

            « Heu… Ca dépend. Est-ce qu’il y a des choses précieuses chez vous ? »


            Yudhisthira Dharma (et non pas Yudi s’tira d’Arma. Même pas la peine d’y penser !) suivit son nouvel allié dans le salon de la maison, un étage plus bas. Un salon douillet, sans prétention et décoré de centaines de têtes de lapins des neiges, d’ours randonneurs et d’hippopotames poilus, trophées accumulés au cours des générations. Là, le héros eut un moment d’hésitation. Il semblait que son méchant soit assez bon en camouflage. Où pouvait –il être ? Ca se trouve, même pas dans cette maison ! Du regard, il fit le tour de la pièce et son attention fut attirée par une lampe posée sur un guéridon. L’abat-jour, assortit à la nappe, était pourvu de fines chainettes de perles qui formaient chacune une ellipse. Du centre de l’abat-jour dépassait un globe de verre. Yudhisthira ne s’y serait pas arrêté, mais il ne pouvait s’empêcher de penser que le tout était… de très mauvais goût. Non seulement le meuble et la lampe étaient absolument horribles en eux-mêmes, mais ils gâchaient tout le salon rien que par leur présence.

            Le demi-dieu autoproclamé prit donc son élan, couru à travers la pièce et flanqua un coup de latte magistral au bibelot. Le tout dans un grand bruit de verre et un hurlement d’agonie:

            « Nooooooooon ! La lampe de Tatie Chesé ! Sauvage ! »



            ***


            Jean-Nérien Nassiréksépatafaut, du haut de son toujours fidèle Frou-Frou, laissa percer sur son visage un sourire de contentement : les lapins des neiges avaient réintégré leur enclos, et, mis à part un garde tabassé à mort par le plus méchant d’entre eux, il n’y avait pas de victimes à déplorer. Maintenant, il pouvait se concentrer… sur l’autre problème. Il reprit son carnet réglementaire sur les « Crimes et délits », chercha une page, galéra pour la déchiffrer à cause des grilles de morpions qui parsemaient tout l’ouvrage (lui : 1674, Froufrou : 1650. La semaine dernière avait été déterminante), puis il le referma avec un soupir. Peut-on estimer que quelqu’un rentre par effraction chez un particulier, si il ne passe pas par la porte, ne fractionne par de fenêtre, ne se glisse pas dans la cheminée et ne casse par le mur ?

            Bon, de toute façon ça n’allait pas changer grand-chose : les deux gus commençaient à lui courir sérieusement sur le haricot. Ils étaient entrés dans la même maison, et ça allait barder pour eux ! Il avisa le maréchal des logis-chef Tonsha Ronronnera, un peu plus loin, perché sur Frileux. Il hurla :

            « Ronronnera ! Faites-moi cerner cette maison ! »




              Les gardes se tenaient prêts, accroupis contre les murs de la maison, comme si des tireurs embusqués pouvaient les canarder à tout moment, ce qui était assez peu probable mais il fallait respecter les protocoles d’attaque ! La tension était à son comble. Sur un geste de son chef, un des hommes se leva, prît son élan, et se jeta l’épaule en avant contre la porte de la maison qui se fracassa sous le choc. Le garde voulut se réceptionner sur le sol, mais le manque d’habitude et surtout le poids de son armure le cloua par terre. Sans se préoccuper du sort de leur camarade, les autres soldats de Drum lui emboitèrent le pas, et firent irruption dans le hall d’entrée, le dos vouté, la hallebarde pointée vert l’avant pour faire "commando', et longeant les cloisons. S’exprimant par signes, le maréchal des logis chef Ronronnera (alias Marc Assin pour la version Européenne) ordonna à ses hommes de se répartir par groupes de deux ou trois et de passer au peigne fin chaque pièce de la maison. Lui-même resterait devant la porte, pour faire office de "boss du niveau" (ou au moins de "sous-boss") si jamais les deux délinquants essayaient de sortir par la.

              ***


              Malgré toute la bonne volonté des gardes pour se faire discrets, le bruit de leurs grosses bottes cloutées dans l’escalier et le 'clang clang' de leurs armes qui s’entrechoquent aurait même réveillé un homme faisant semblant de dormir. Reposant le très beau service à thé en porcelaine qu’il s’apprêtait à voler –avec l’espoir qu’il tiendrait dans ses poches-, le cabrioleur n’eut pas à réfléchir très longtemps.

              Oh ! Vu le bruit, on dirait que des gens avec des piles de casserole dans les bras sont en train de courir partout dans la maison…
              Ce sont des grades, abruti : files d’ici, et en vitesse !


              Puisqu’il avait déjà mis la main sur une partie du contenu de la maison susceptible d’être revendu à bon prix, a savoir un bougeoir argenté, une pipe en ivoire, un vieux sabre de collection accroché au dessus de la cheminée, des plats en porcelaine, un petit miroir bien encadré et plusieurs pots de confiture en cas de faim ; le tout tenait, on ne sait par quel miracle, caché sous sa veste. Abandonnant le reste, le voleur s’éloigna sur la pointe des pieds, et essaya de se mettre au courant de la situation : il était au rez-de-chaussée, et après un coup d’œil à la fenêtre, il sut que la maison était cernée. La mine patibulaire de Frou-Frou, Fleur, Frimousse, Flocon, et Filou, les cinq lapins des neiges apprivoisés de la garde de la ville, décourageaient d’aller dehors, et les armes pointues portées par leurs cavaliers n’incitaient pas non plus à aller dans ce sens. Le gardes étant désormais partout dans la maison, il ne pouvait plus s’y déplacer sans prendre de risques, mais il ne pouvait pas non plus rester ou il état, car ce n’était probablement qu’une question de temps avant qu’on ne le découvre.

              Mince alors ! Je vais ou ? Je fais quoi ?!
              Hum, tu pourrais peut-être mettre le feu à la maison, comme ça ils auraient autre chose à penser que t’arrêter.
              Pas fou non ?! Je n’ai pas envie de griller à l’intérieur ! Et si, à la place je sortais, les bras écartés, la bouche grande ouverte, et en hurlant ? Peut-être qu’ils seraient tellement surpris qu’avant qu’ils ne se rendent compte de quoi que ce soit je serais loin !
              Il n’y a que toi qui es assez bête pour se faire avoir par un truc pareil ! Non, tu n’as qu’à essayer de fuir par le toit. Et histoire de ne pas prendre de risque, plutôt que de prendre l’escalier tu vas passer à travers le plancher.


              Passant de la réflexion à l’action, le voleur chercha un point d’appui à escalader : le buffet, contre le mur, paraissait tout indiqué.

              ***


              Sam et Eugène, deux des gardes envoyés appréhender… hum… Yudhisthira Danltas et Ange, participaient avec zèle aux fouilles de la maison. Après avoir renversé méthodiquement tous les meubles, bibelots et tapis du palier, ils venaient de pénétrer dans la chambre à coucher quand Sam sentit le sol s’élever sous ses pieds. Un coup d’œil vers ses chaussures lui indiqua qu’il avait effectivement dépassé en hauteur la surface du plancher, et qu’il se trouvait actuellement sur une espèce de trappe en trompe-l’œil représentant un humain assez moche. Avant d’avoir eu le temps de prendre la moindre décision, le soldat fut projeté au sol, et Ange, annulant sa transformation, reprit une forme normale dans la pièce.

              Ah zut, il y avait du monde.
              Pour rester discret, tu repasseras…


              Eugène, le second grade, jouissait d’un esprit assez vif par rapport à la moyenne. Sans perdre de temps en formalité et questions stupides telles que : « Hein ?! Sam, qu’est-ce qui t’arrives ?! », ou « Mais… qui êtes vous, et que faites-vous ici ?! », il reconnut à son signalement l’un des deux hommes recherchés –le bonhomme blanc avec un manteau de fourrure et dont la tête est le chainon manquant entre le requin et la méduse-. Ainsi, sans même se soucier d’inviter le délinquant à se rendre, ce qu’il ne ferait de toute façon probablement pas, ou bien de foncer tête baissée et d’attendre d’être à terre, le visage en sang, et un couteau sous la gorge pour penser à appeler de l’aide, ce que ferait tout garde digne de ce nom, il cria :

              - A l’étage ! J’en tiens un !
              - Hé, mais non, je ne suis pas un voleur ! Je suis… le propriétaire, voilà. C’est ma maison ici. Hum !

              En temps normal, le soldat aurait du avoir un petit moment d’hésitation, et surtout le désir de répliquer, au moins pour lui dire qu’il ne le croyait pas et qu’il était aussi crédible qu’un collégien pris sur le fait, une cigarette allumée dans la main, la bouche empestant le tabac, et qui prétend que non, il ne fumait pas, mais qu’il tenait la clope de son copain parti aux toilettes. La, non. Le première classe Eugène était un tel sagouin, dénué du moindre respect envers les conventions, qu’il ne donna aucun signe d’avoir entendu la réponse de son adversaire ; il pointa sa hallebarde en avant, et s’avança vers le pirate en donnant de petits coups d’estoc, pour forcer son adversaire à reculer contre le mur. Sans se faire prier, Ange joua la comédie et se colla contre la cloison. A peine sentit-il son contact contre son dos qu’il utilisa le pouvoir du fruit des portes pour passer à travers.

              ***


              Hohoho ! Et maintenant, je file ?
              Hors de question, il faut que tu retournes le prendre par surprise ! D’ailleurs, il y a aussi du monde dans la pièce ou tu te trouves maintenant.
              Ah ? Oui, mais je pourrais peut-être faire comme si je ne les avais pas vu ? Ou leur dire « alors, vous le trouvez, le voleur ? Moi, j’ai cherché partout sans en trouver la trace ! »… Non ?
              Non !


              Madame Oukile, restée à l’étage en compagnie de ses enfants, n’était plus à une frayeur près. Cependant, elle ne put manquer de pousser un cri de frayeur en voyant un drôle de personnage apparaitre devant elle, comme s’il avait traversé le mur.

              - Euh… excusez-moi monsieur, mais qui êtes vous au juste ?! Je sais bien que tout le monde entre ici comme dans un moulin depuis peu, mais c’est tout de même ma maison ici !
              - Moi ? Je… -hum- Je suis un… un héros ! Tout à fait, un héros qui… qui poursuit le voleur !! Le sauvage agrémenta la déclaration d’un sourire "cannibalesque". Ahem, vous l’avez peut-être vu, il s’agit d’un jeune homme paré d’un élégant vêtement gris, avec un visage de statue antique lui donne un air de… de personnage super classe comme on en voit dans les histoires, des cheveux blonds comme les blés -enfin sauf que les blés ne sont pas bouclés-, un air tellement sympathique que j’en ai honte de le traiter de voleur à ma place, et des lunettes de soleil. A moins que ça ne soient des lunettes de neige ? Je ne m’étais pas posé la question… Bref, vous ne l’auriez pas vu ?

              Certains ont une tête, voir une aura, qui inspire confiance. D’autres non. Pour d’autres encore, c’est même l’effet inverse :

              - Non mais… vous me prenez pour qui ?! Soldats, soldaaats ! Il y a un intrus ici, il nous menace !
              - Hein ?! Mais c’est faux, je n’ai même pas sorti mes dagues ! Espèce de menteuse !!

              Eh bien tu aurais mieux fait de les sortir, bougre d’âne ! Alors maintenant tais-toi et cours !

              ***


              Quelques minutes plut tôt, deux gardes (qui se nomment probablement, mais sans certitude Judas Nanasse et Edmond Cucé-Dupoulet, ce qui après tout est toujours mieux que de s’appeler Tabu Dusaké et Sachi Mité Lekridukorbo comme ils auraient été nommés s’ils avaient eu la malchance d’être décrits par une prétendue demi-divinité à lunettes noires) pénétrèrent dans le salon. Après s’être émerveillés pendant quelques seconde sur les rangées de têtes empaillées de mammifères géants qui ornaient tout le pourtour de la pièce, et qui attestaient des talents de chasseur de la lignée Oukile, Judas et Edmond (ou Tabu et Sachi) ne purent ignorer la scène qui se déroulait sous leurs yeux. Un jeune homme à l’air avenant –leurs neurones leurs rappelleraient tout à l’heure, une fois l’action finie, qu’il s’agissait d’une de leurs cibles-, se tenait souriant, quoique son sourire tirait sur une légère grimace, en face d’un homme proche de la quarantaine muni d’un tromblon ; lui ne souriait pas du tout. L’homme semblait même bouillir de rage, et on voyait presque la fumée sortir de sa tête. Au sol, gisaient les restes d’une œuvre d’art d’une grande valeur sentimentale que même Ange n’avait pas voulu voler.

              - Malheureux, cette lampe est dans ma famille depuis des générations ! Tu avais raison en disant que tu n’étais pas un voleur : tu es pire, tu es un hooligan !!

              Sans laisser à Yu…Yudhi,… Dra…Darmachmlm, enfin celui qui faute d’avoir un nom prononçable se fait appeler Alix, le temps de se justifier, le propriétaire de la maison épaula son arme et tira.
              Pan !
              Les deux gardes hésitaient : d’un côté, le civil qui, quoiqu’étant armé, semblait être la personne la plus susceptible d’avoir besoin d’être défendue. D’ailleurs, ses pantoufles, sa calvitie naissante et son air sympatique quand il n’était pas furieux jouaient en sa faveur. Cependant, l’autre avait un air qui inspirait confiance, et lui au moins n’était pas armé. Estimant que quoi qu’ils fassent, n’étant que des soldats, ils n’auraient pas à répondre de leurs actes, mais aussi parce que sans le savoir ils suivaient leur instinct inné de soldats lambda (probablement aussi suivant une théorie sans doute énoncée par un illustre inconnu au nom ridicule, dont d’autres se feront le plaisir de résumer la vie, selon laquelle les gardes en ont toujours après le héros) Edmond et Judas décidèrent de prendre le parti de Mr Ouklie.

              ***

              Un toit à demi recouvert de neige, battu par le vent. Un large plan sur un homme acculé contre le bord, courbé et reprenant son souffle, les dagues tachées de sang, faisant face à un homme dont les barrettes dorées sur les manches le désignent comme un gradé, épaulé par deus gardes au visage anonyme. Un fond sonore riche en battements de tambours et en cœur de voix graves confère toute sa splendeur à la scène. (Les voix, elles répètent en continu « Dom, dom dom ! », ce qui en temps normal ferait parfaitement ridicule, mais la, ça rend bien).

              - Hahaha, tu ne peux plus nous échapper !

              Ange était bien embêté. Il avait réussi, après avoir bousculé quelques gardes, monté sur une table, s’être accroché les cheveux à la lampe, avoir renversé plusieurs bougies encore allumées, monté sur une chaise préalablement hissée sur la table, s’être accroché au plafond, avoir donné un coup de pied à un homme qui venait d’entrer dans la pièce, et avoir traversé le plafond, à se hisser dans le grenier. Cependant, à peine avait-il eu le temps de reprendre son souffle qu’une horde de soldats venaient le rejoindre, le passage par l’escalier était beaucoup plus rapide et simple que celui à travers le plancher. Après les palabres d’usage, une mêlée brutale et interdite aux moins de 16 ans s’en était suivie, au cours de laquelle plusieurs gardes étaient tombés en poussant des cris peu convaincants de cascadeurs au rabais, et le sauvage, s’escrimant avec Tonsha Ronronnera lui-même, avait peu à peu rejoint le toit, sur lequel doit se terminer tout combat épique digne de ce nom (quand maison il y a, sinon n’importe quel lieu dangereux ou en altitude fait l’affaire) !

              De part son grade, le maréchal des logis-chef Ronronnera avait eu le choix, au lieu de la hallebarde conventionnelle, entre une hallebarde de taille réduite et une épée. Il avait porté son dévolu sur la hallebarde a manche court, mais en avait pris plusieurs. Ainsi, par le plus grand des hasards et sans désir de ressemblance avec un homme dont le nom ressemble de plus ou moins loin à Ronronnera, Tonsha se battait avec une petite hallebarde dans chaque main, et une troisième dans la bouche. Son style de combat était dévastateur, mais manquait de classe, en particulier dans les dialogues (par exemple, il n’avait pas réellement dit "Hahaha, tu ne peux plus nous échapper !", mais "HhHhHh, Tch n’Pch plch nchh ‘chppch !").

              La situation était critique, mais c’est toujours dans ce genre de moments que les héros interviennent.
              Ange espérait juste que ce n’était pas lui le héros, auquel cas il devrait se débrouiller lui-même. Cela dit, il serait encore plus embêté s’il se révélait que le méchant, c’était lui et non pas son adversaire !
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              Dans l’ensemble, Judas Nanasse et Edmond Cucé-Dupoulet étaient des gardes modèles. Encore jeunes, ils s’étaient engagés dans la garde parce qu’on leur avait assuré que s’était un boulot propre, comparé à bûcheron, pas trop fatigant, comparé à chasseur de lapin des neiges et pas compliqué, comparé à médecin. De plus, la place de conservateur du musée était déjà prise. Après des années de service, ils avaient appris les ficelles du métier : trouver une position confortable quand on est de garde, et ne pas poser trop de questions aux types qui ont l’air suspect. Ah, et puis toujours se ranger du côté de celui qui semble le plus fort. Au moins, ça évite de se faire dézinguer le temps que les renforts arrivent.

              Yudhisthira, qui habituellement planait dans le ciel azuré de la certitude que tout objet lancé vers lui et risquant de le blesser finissait invariablement par le manquer, était en train de réviser radicalement ses positons. D’habitude, il faut le dire, rien ne le menaçait d’aussi près et à moins d’un mètre, les chevrotines que le tromblon de M. Oukilé allaient tirer ne pouvaient pas le rater. Le problème c’est qu’à cette distance, elles pouvaient facilement faire de la charpie de héros, le kimono non compris. C’était d’ailleurs ça à porter à l’actif des soldats Nanasse et Cucé-Dupoulet : en se rangeant du côté du propriétaire de la maison, ils n’auraient pas trop à se fouler pour mettre fin à l’altercation. En définitive, quand un héros se trouve dans une situation aussi tendue, une seule chose peut le sauver : ses réflexes héroïques de félin, sans lesquels il ne serait pas un héros.

              Une musique oppressée entretient un début de suspense autour de la scène : il va se passer quelque chose ! Un zoom de caméra centre sur le doigt de M. Oukilé, qui presse lentement, très lentement la détente, pour porter le suspense à son comble ; et Pan ! Dans un coup de tonnerre qui fait sursauter toutes les petites natures qui s’étaient laissé prendre à l’intensité de l’action, les chevrotines sont propulsées à toute allure vers le demi-dieu. Mais comment va-t-il réussir à survire ?

              Dans un réflexe héroïque dicté seulement par son instinct de baroudeur de compet’, Yudhisthira plonge en arrière, à la Matrix ; mais il a mal calculé son coup, et son bras droit vient frapper le petit guéridon qui soutenait la lampe détruite de Tatie Chesé. Le large plat en métal de mauvais goût, qui servait de plateau entre le guéridon lui-même et la lampe, propulsé par le choc, part en vol plané, et passe devant le héros en tournoyant sur lui-même, juste au moment où les chevrotines allaient le déchiqueter. La moitié est arrêtée par le plat dans un grand bruit métallique, tandis que bon nombre de plomb, déviés, partent en sifflant dans toutes les directions, brisant les verres, détruisant les cadres, s’enfonçant dans les armoires. Un des morceaux de plomb plus vicieux que les autres, était parti directement à la verticale ; comme s’il cherchait son chemin, il alla ricocher sur le lustre, fit un bref passage sur la poignée de porte d’une armoire massive et multiséculaire, rebondit sur un de ses collègues, pour finir par provoquer un joli trou dans le plâtre, tranchant net au passage la corde qui retenait un des trophées de chasse. L’objet, qui n’était plus retenu par rien, chuta lentement… sur la tête de Watu Oukile. Ce dernier, complètement aveuglé par la tête de lapin commença à courir dans tous les sens, en faisant de grands moulinets avec les bras, sans réussir à s’en débarrasser ; finalement, il passa par la porte en beuglant pour aller semer la terreur ailleurs dans la maison.

              Yudhisthira se releva, lentement. Il avait la vague sensation d’avoir accompli, une fois de plus, une action d’éclat qui resterait à coup sûr dans les annales, mais seulement si quelqu’un avait suffisamment compris ce qui c’était passé pour pouvoir le marquer quelque part. Il jeta un rapide regard circulaire sur la pièce ravagée, à la recherche des deux gardes. L’un, Judas Nanasse sans doute, avait été blessé par un morceau de chevrotine à la main, et il faisait le mort sur un tapis. L’autre, qui devait donc être Edmond Cucé-Dupoulet, s’était, d’après la provenance des claquements de dents, réfugié sous une table basse et paraissait décidé à passer là les 10 prochaines années, le temps de se calmer. Yudhisthira soupira. En même temps, il ne fallait pas en attendre beaucoup plus de PNJ avec des noms pareils. Quand on se trimballe une appellation comme ça, on ne risque pas de devenir le grand méchant du rp ; en quelque sorte, un PNJ qui fait face au héros est condamné dès le début. Mais un personnage secondaire qui s’appelle Edmond Cucé-Dupoulet (ou Sachi-Mité Lekridukorbo, mais c’est pas beaucoup mieux) ne devrait même pas pouvoir passer le casting ! Comme quoi, le monde est très dur pour les pnj. Mais il l’est un peu moins quand ils sont nommés par des personnes un minimum compétentes, même si elles portent des lunettes de soleil.
              Laissant de côté ses réflexions existentielles, Yudhisthira sourit, comme pour faire croire que chaque instant qui avait précédé avait toujours été en son entier contrôle. Puis, il sortit de la pièce d’un pas de conquérant.



              ***



              C’était un moment où la maison fourmillait de gardes qui manœuvraient dans le chaos le plus complet. Le caporal Tenu Soutonabi, qui avait quitté sa monture, Fanfreluche, pour aller coordonner les opérations à l’intérieur de la maison, était complètement débordé. Plusieurs gardes manquaient à l’appel, on avait signalé l’un des suspects à plusieurs endroits à la fois, comme si il passait à travers les planchers, et comble de malheur, l’escouade de Ame Sekisa avait reporté un début d’incendie au deuxième étage ; une partie des gardes s’employaient à le maîtriser, mais il avait gagné du terrain et menaçait de détruire la demeure si on n’y faisait rien. Tout un secteur de la maison était déjà sinistré.
              Tenu Soutonabi était lui-même monté au deuxième étage. Il était plongé dans ses réflexions, et sentait pointer le mal de crâne, quand il sentit une présence derrière lui. Elle ne cherchait pas particulièrement à se cacher. Le caporal tira son épée et se retourna, face à un jeune homme qui lui décocha un sourire radieux. Le soldat eu un moment d’hésitation. Très certainement, ce jeune homme avait ses raisons d’être ici. Sinon, il aurait un comportement suspect. ‘Pis, il ne se baladerait pas en kimono, au vu et au su de tous. ‘Pis, il avait tellement l’air d’un héros en train d’accomplir une quête glorieuse et impossible pour le commun des mortels… ‘Pis… Mais depuis quand je pense ce genre de choses, moi ?

              Yudhisthira, trop confiant, n’avait pas vu le coup venir. Il n’évita l’estoc du caporal que d’un rapide retrait du corps. Puis il sourit. Le sourire qu’a le héros quand il va bientôt vaincre un garde. Pas un sourire méchant, non, les héros sont incapables d’avoir des sourires méchants, c’est très mauvais pour leur image. Plutôt le sourire de celui qui sait d’avance qu’il va vaincre, et qui est persuadé que c’est juste. Parce que les héros ont une conception radicale de la justice : elle est toujours de leur côté. Un héros se doit d’être juste ; par conséquent pour Yudhishtira, ce que fait un héros est toujours juste, sinon il ne serait pas un héros. Et donc, puisque le héros prend part à un combat juste (puisque c’est lui qui y participe, et que tout ce qu’il fait est juste), il gagne forcément, parce que sinon, hé ben… il n’y aurait pas de justice, tout simplement. Ce ne serait pas juste que les justes perdent face aux injustes. Mais c’était sans compter sans la duplicité des gardes. Tenu Soutonabi, avec une pointe de remords, comme si ce qu’il allait faire n’était pas tout à fait correct, se mit à crier :

              « A moi ! Gardes ! »

              Cet appel eu deux conséquences : tous les gardes, présents aux deuxième étage accoururent vers l’endroit où il avait entendu le cri ; voyant le demi-dieu, ils se lancèrent à sa poursuite. Mais ce faisant, ils ne luttaient plus contre l’incendie qui se propageait avec l’entrain de celui qui sait qu’il est l’un des éléments cruciaux de la scène centrale de ce rp.



              Voyant la soldatesque foncer vers lui, Yudhisthira opéra un repli stratégique vers l’escalier où il était monté. Arrivé sur le palier, une mauvaise surprise l’attendait : les gardes du second étage n’étaient pas les seuls à avoir entendu l’appel : ceux du premier aussi, et ils étaient tous à se demander si c’était vraiment une bonne idée de monter, quand ils virent le jeune héros. A ce moment, sans hésiter, ils se mirent à grimper quatre à quatre les marches. Yudhisthira eu un moment d’arrêt ; quand un héros est encerclé par ses ennemis, dans un escalier à l’intérieur d’une maison en feu, en général, il y a… Ah, voilà.

              D’un bond, il fut sur la rambarde. Puis, s’en servant de point d’appui, il se propulsa vers le lustre qui pendait au-dessus de l’escalier. C’était un vieux lustre archaïque, qui avait appartenu au grand-père maternel de Mme Oukilé, Yamamoto Kapûsaru (ça intéresse au moins quelqu’un… Non ?), et qui, tout de métal, était suspendu au plafond par une solide chaîne en fer. Mme Oukilé avait insisté pour le placer là, et malgré toutes les protestations de la famille, en particulier de M. Oukilé qui s’y cognait la tête à chaque fois qu’il montait au 2e étage, elle se refusait ne serait-ce qu’à raccourcir la chaîne. Le demi-dieu autoproclamé s’accrocha donc à ce lustre, et d’un long balancement, il parcourut toute la cage d’escalier, percutant de ses pieds un pauvre garde qui n’avait pas eu assez de réflexes pour se jeter au sol au bon moment. Ce dernier perdit l’équilibre et tomba en arrière, bousculant ses collègues qui étaient derrière lui, comme un jeu de domino, mais dans lequel on aurait mis des casseroles et des boîtes de conserve en équilibre.
              Arrivé au bout de sa course, le héros voltigeur s’appuya de ses deux pieds contre le mur pour repartir en sens inverse avec une forte accélération. Grisé par la vitesse, tout autour de lui devint flou, vaguement vert. Il sentait qu’il manquait quelque chose, que tout le monde attendait de lui, et que si il ne le faisait pas, l’action, qui ne durait que depuis quelques fractions de secondes, resterait suspendue, au ralenti, jusqu’à ce qu’il trouve… Alors, suivant une de ses impulsions héroïques, il prit son inspiration et hurla à plein poumons :

              « Hoooo Hoyoyoyoooo !!! »

              … Et il lâcha le lustre, pour foncer, tel un boulet de canon, vers l’escouade qui l’attendait toujours sur le palier, commandée par le caporal Soutonabi.



              ***


              Yudhisthira se releva lentement. Ca n’avait peut-être pas été une si bonne idée, finalement. Il avait mis ko tous les gardes, mais il s’en sortait avec de nombreuses contusions, suite à sa chute. Son kimono était miraculeusement intact, mais il sentait tous ses muscles l’élancer. Peut-être que finalement, faire le zouave sur un lustre, c’était réservé à une certaine catégorie de héros à laquelle il n’appartenait pas ?

              Le demi-dieu allait repartir, quand il sentit qu’on le tirait par la manche. Baissant les yeux, il vit un petit garçon, sûrement le fils Oukilé, qui la lui tenait fermement, en lui imprimant de légers à-coups.

              « Monsieur, monsieur, il faut absolument que vous veniez m’aider ! Ma sœur est prisonnière ! C’est à cause du feu : elle était dans sa chambre, au troisième étage, et tout s’est enflammé autour d’elle ! Elle allait sortir par la porte, mais à cause du feu et de la chaleur en-dessous, le plancher s’est complètement effondré ! Elle est bloquée sur son lit, qui n’est retenu que parce qu’en tombant, un drap s’est accroché par miracle à la fenêtre ! Venez vite ! Si elle tombe, ce sera directement dans les flammes ! »

              Yudhisthira soupira. Une fois de plus, la volonté du Démiurge, qui voulait que chaque évènement ait une cause précise et rationnelle, était battue en brèche par des petits malins qui pensaient pouvoir inventer des situations impossibles à l’aide de raccommodages scénaristiques douteux. En plus, il était gêné. Bien sûr, un héros aide toujours qui lui demande de l’aide, même si c’est de mauvaise grâce. C’est bon pour son image. Mais bon, c’est pas comme si il avait un dangereux pirate à courser ! Il allait s’assurer que des gardes viennent au secours de la gamine, puis il repartirait sans perdre de temps. De toute façon, une convention passée des années auparavant entre Ukiwa l’Allumé et le dieu du Feu, des Etincelles, des Enfers et des Barbecues géants statuait que ce dernier avait le droit de cramer autant de maisons qu’il voulait, mais l’habituel retardataire qui n’avait pas eu le temps de vider les lieux à temps devait être sauvé au dernier moment pas les pompiers. Alors, bon… Ce fut à ce moment que l’enfant ajouta :

              « Vous savez, ma grande sœur, pour moi, c’est comme une princesse ! Elle a dit que je devais la sauver, que je devais vous demander, et que je devais vous dire que s’était une quête ! »

              Le héros se figea et fit volte-face, d’un bloc :

              « … UNE… QUOI ?! »



              Les flammes grondaient avec une fureur infernale. La chaleur était proprement intenable, et Hitadi Oukile commençait à craindre que les flammes, qui léchaient les pieds du lit avec une persistance démoniaque, lui faisaient craindre qu’elles ne finissent pas mettre le feu au drap, à moins le morceau de tissu qui retenait ne casse avant. Hitadi ne put réprimer un hoquet de terreur folle : mourir à 17 ans, s’était trop tôt ! Elle qui s’ouvrait à peine au monde, mourir de la manière la plus atroce qui soit ! A cette pensée, elle se mit à sangloter doucement.

              Ce fut à ce moment qu’un pan du mur, en dessous, fut désintégré, pour laisser place au demi-dieu. Il progressait parmi les flammes, comme si elles n’avaient pas de prise sur lui. Les forces diaboliques de la fournaise se dressaient tout autour de lui, comme autant de remparts ignés montant jusqu’au ciel. Elles grondaient, menaçaient, semblaient prêtes à l’engloutir dans un déferlement de lumière destructrice. Mais rien ne semblait pouvoir faire obstacle à l’homme qui se tenait là. L’incendie lui-même ne paraissait pas le préoccuper, et vraiment il ne l’atteignait pas. Le déferlement bondissait sur lui, mais au dernier moment, il se rétractait, comme si c’était les flammes qui étaient brûlées au contact de cette figure héroïque. Arrivé au milieu de la pièce, l’homme exceptionnel, auréolé de sa gloire, sauta sur une armoire presque entièrement calcinée ; avant qu’elle ne cède sous le poids de tant de valeur, le demi-dieu bondit, s’agrippa à une poutre noircie (tout ce qui restait du plancher) et, d’un rétablissement exécuté avec une souplesse inouïe, il poursuivit son ascension. Hitadi Oukilé était en transe devant son sauveur. Avec quelle aisance il se déplaçait ! Avec quelle grâce il montait peu à peu vers elle, risquant sa vie pour la mener en lieu sûr ! Quel héroïsme ce cœur intrépide déployait, pour une personne qu’il ne connaissait même pas ! Mêmes les gardes, plus loin, sur le palier, avaient stoppé toute activité pour le regarder avec admiration ! Elle décréta que dès qu’elle l’avait vu passer la fenêtre qui donnait sur la place du marché, elle était tombée amoureuse de lui. Et même si cet amour lui avait été interdit par ses parents, elle avait été prête à aller jusqu’au bout ! Cependant, le profond soupir d’extase qu’elle poussa à ce moment-là ne fut toutefois pas assez fort pour couvrir le petit bruit désagréable du drap qui se déchire. Lentement, mais sûrement, le lit bascula et entama sa descente vers les enfers…

              Ce fut alors que dans un élan que la plus hyperbolique des métaphores ne pourrait décrire, de crainte d’attenter par son insuffisance à la splendeur du moment, Yudhisthira cueillit la jeune fille dans ses bras juste avant que le lit ne disparaisse dans l’incendie. Ce fut trop pour Hitadi : quand elle sentit qu’elle était dans les bras du héros, elle céda à un vieux réflexe et s’évanouit.

              Yudhisthira atterrit sur le plancher du troisième étage. Elle était saine et sauve : quête accomplie ! Il ne devait sûrement pas attendre de récompense de la part du gamin, mais il se sentit très nettement gagner un ou deux points de renommée. Il fourra son fardeau dans les bras d’un des gardes qui observaient la scène, et il escalada l’escalier du grenier en s’époussetant. Car ce qui est le pire, du point de vue d’un héros, ce n’est pas les flammes, ça, il peut les éviter. Non, ce qui est le pire et ce à quoi personne ne pense jamais, c’est à toutes les tonnes de suie noirâtre et sale qui se colle à quiconque lutte contre un incendie !


              ***


              Le maréchal des logis-chef Monmarcassin Ronronnera (Ou un truc comme ça. Il paraît) exultait. Des heures d’entraînement pour pouvoir enfin porter un coup sans s’emmêler dans ses trois armes ! Des moqueries à n’en plus finir endurées avec un stoïcisme à en faire vomir de jalousie un moine zen ! Des luxures de mâchoires innombrables ! Ni sa bouche, ni sa dentition, ne seraient plus jamais les mêmes. On l’appelait «Chef Grande-Gueule », et c’était pas seulement à cause de sa tendance à la ramener. Mais aujourd’hui, enfin, tout ça payait ! Le zoulou en face de lui faisait pâle figure, il en aurait bientôt terminé avec lui ! En plus, il combattait tout en haut de la maison, exposé aux regards de toute la population et de son sergent, celui dont personne n’était jamais vraiment sûr du nom : avec un peu de chance, il réussirait à se faire mousser, et pourrait même passer brigadier !

              Il s’apprêtait à décocher à son adversaire une technique secrète (comme si quelqu’un allait la copier !), quand une voix impérieuse l’arrêta :

              « Hé, toi ! Celui-là, c’est mon adversaire ! Trouve-t’en un autre ! »

              Perché sur une cheminée proche, les bras croisés sur la poitrine, Yudhisthira surplombait le combat avec une mise en scène digne des plus grands cinéastes. Le soleil l’éclairait de dos, lui donnant une stature plus impressionnante, même si du coup, c’était moins facile de faire briller son sourire de vainqueur charismatique (mais il y arrivait quand même). Le tout était à peine gâché par de grandes trainées noires qui lui maculaient le visage.

              Puis, sans se rendre compte qu’il allait causer par sa simple présence un grave problème identitaire à Ange, il se précipita sur le maréchal des logis-chef pour tenter de passer au-dessus de sa garde et lui assener une puissante droite héroïque. Mais Ange aurait sûrement des problèmes bien plus importants à traiter. Comme par exemple, déjà que c’est dangereux de combattre sur un toit, ça l’est d’autant plus de combattre sur le toit d’une maison en flammes - à plus forte raison quand, finalement on est peut-être le méchant de l’histoire !
                Bien que très rapide, la scène réussit à durer de longues secondes grâce à la merveilleuse techniques du ralenti, devenue presque indispensable à tout acte de combat important digne de ce nom. Le héros s’était élancé, et ses pieds se détachaient entement du sol tandis que son poing se projetait en direction du maréchal des logis chef. Celui-ci, contraint de détourner son attention de son premier adversaire se mit en position pour contre attaquer. Après avoir lâché une réplique qui en jette pour ne pas paraitre en reste : «hvfff gfthh mh mff hfflbfffrd, hh th l’hsf !» (Viens goûter à mes hallebardes, si tu l’oses !) (C’est dur de parler avec une arme dans la bouche), le garde de Drum s’élança à travers le ralenti avec la ferme intention de trancher son adversaire puis de revenir à son premier combat. Durant d’interminables secondes, les deux adversaires parcoururent l’espace qui les séparait ; le mouvement se ralentit encore plus lorsqu’ils se croisèrent, puis chacun poursuivit sa trajectoire, l’un tournant de dos à l’autre. Les combattants atterrirent chacun à l’endroit ou se trouvait leur adversaire l’instant d’avant (ou une bonne trentaine de secondes si l’on considère le ralenti), mais aucun d’eux n’osait bouger. L’un comme l’autre savait très bien que le premier qui se retournerait et dirait « haha, je t’ai eu » se verrait l’instant d’après découpé par larges traits ensanglantés. Soudain, et contre toute attente (enfin…), ce fut Marc Assin-Ronronnera qui prit la parole le premier :

                - Mffff ! Vhf N’hf crmpfh mh lh mvhchfr!! (Ahhh ! J’ai une crampe à la mâchoire !!)

                Et il s’écroula dans une gerbe de sang.

                Sans prendre la peine de se demander pourquoi le Maréchal des logis avait autant saigné alors que Yudhastara Dmhara,… Yhurdraaargbl Dhraashpsut l’avait frappé à coup de poing, Ange se prépara à affronter une nouvelle fois son poursuivant. A cause de la suie qui le recouvrait, et le contre jour n’aidant en rien, le héros en kimono ressemblait à une ombre noire ; il faisait penser à… à un méchant. Seulement, ce n’était pas possible : un type avec un air aussi avenant, pourvu d’une chance si insolente, qui s’était arrangé pour ne frapper directement aucun soldat tant qu’il pouvait l’éviter, et qui avait passé les deux dernières heures à le courser sous prétexte qu’il avait dérobé quelques objets dans un musée qui n’était maintenant plus qu’un champ de cendres, ne pouvait être qu’un gentil ! Ou alors un collègue jaloux…
                Quoi qu’il en soit, le cambrioleur, fort des histoires qu’on lui avait racontées à propos de gentils et de vilains, savait qu’il n’avait que deux solutions : soit être le héros, auquel cas il était certain de survivre puisqu’un héros, à moins d’avoir subi un baquet de flash back dramatiques au cours d’un combat épique contre son méchant d’ennemi, peut survivre aux pires blessures. L’inconvénient, c’était que ce rôle semblait déjà pris. Il lui restait alors à devenir le gros vilain de l’histoire, le pire ennemi du héros, celui que l’on revoit une histoire sur deux (quand ce n’est pas à chaque épisode), mais pour qui l’on s’exclame toujours : « oh, encore toi ?! » comme si on ce n’était pas évident.

                Hum, il a battu le bonhomme avec ses trois hallebardes juste comme ça, en un coup. Et c’était super classe en plus. Je l’avais pris pour une quiche, mais j’ai de plus en plus l’impression qu’il est plus fort que moi... Je pense que je devrais fuir.
                Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, c’est ce que tu fais depuis le début. Au final, tout ça ne t’as valu que des bleus, des bosses, et un marque en forme de semelle sur le manteau ! Règle lui son compte une bonne fois pour toutes, et n’en parlons plus !
                M…mais… c’est lui le héros, je vais me faire massacrer !
                Pas si TU deviens LE méchant de l’histoire ! Tu t’assurerais une place de choix pour chacun des évènements importants, et surtout la certitude de t’en tirer à chaque fois pour réapparaitre la fois d’après !
                Euh… tu sais, ça, c’est ce qui se passe dans les histoires qu’on raconte dans les livres, ou à la taverne, mais la…
                Depuis quand es-tu réaliste ? Planqué, va ! Le cadre est parfait : l’apogée d’une course poursuite, avec un combat qui s’éternise, une musique épique, on est sur un toit des gardes tout autour, au dessus d’une maison qui brûle, et…
                Une maison qui brûle ?!

                Gyaaaaaaaah !!!
                Bon, du calme !
                Mais…mais on va rôtir !
                Justement, abruti, c’est pour ça que je te propose d’endosser le rôle du méchant ! De toute façon, c’est ça ou on te surnommera le « steak bien à point de Sakura ». Tu vas voir, c’est facile : pour commencer, tu rigoles un bon coup, avec un air méprisant, et tu lui balances un discours qui en jette.
                Un air méprisant ? C’est que j’ai plutôt l’habitude d’avoir l’ai méprisé, moi…
                Bref !


                - Hum hum ! Euh… Gyahahaha ! Mouahahaha ! Mouaha…keuf, keuf ! Hahaha !
                Hum, c’était pas mal, hein ?
                Non, mais continues.

                - Hum, euh… ho ho ho, tu n’es pas si nul que ça pour avoir réussi me suivre jusqu’à ce toit, jeune héros ! Hélas pour toi, ton parcours s’arrête ici, parce que je suis plus fort, plus méchant, et que j’ai des dents pointues ! Grâce à…au…aux objets que j’ai dérobé tout à l’heure au musée, je deviendrai surpuissant…euh… en particulier grâce au piercing du docteur Kuhena –tu le vois, la ?-, avec lequel je vais…
                Je vais faire quoi, déjà ?
                Il y a « détruire le monde », c’est un grand classique, mais ça marche.
                Oh oui, super !

                - …je vais… détruire le monde !
                Non, noon, chuut ! J’ai dit ça comme ça, c’était une idée en l’air, mais c’est ridicule de détruire le monde ! Bah oui, parce que tu feras quoi ensuite, une fois que tu retrouveras tout seul comme un crétin sur un mondé dévasté ?!
                Ah oui… mais de toute façon, c’est juste un mensonge, hein ?

                - … hum, enfin je…je vais… je vais conquérir le monde !! Voilà !! Avec les –hum- précieux objets que j’ai ramassé, je deviendrai immensément riche –et puissant, grâce au piercing,… non ?-, et avec tous mes sous j’en ramasserai encore plus, et…et finalement, je possèderai tout l’or du monde ! Mouahahaha !
                C’est nul.
                De toute manière, un méchant qui n’en veut pas un monde entier, ce n’est pas un vrai méchant.


                Sur cette déclaration, le gros-méchant-le-l’histoire autoproclamé pointa ses dagues en direction de Yudh… oh et puis zut, du crétin en kimono qui n’a pas été capable de se choisir un nom normal, juste histoire d’embêter un maximum de personnes, et prît l’air gourmand de celui qui voit en son adversaire son plat préféré. Le pirate allait s’élancer, et le membre du Cp allait sans doute faire de même, quand un craquement sinistre retentit. Dans un bruit de fin du monde (le budget pour les effets sonores était décidément bien rempli), le toit de la maison s’écroula, laissant place à un immense brasier, dévorant ce qui était auparavant la maison des Oukile.

                ***

                Dans un pays ou la neige tombe toute l’année et recouvre en permanence tout ce qui émerge du sol, l’utilité d’entretenir un corps de pompier était assez contestable. Il y à déjà plusieurs siècles, lors d’une période difficile ou il semblait que l’on n’arriverait pas à boucler le budget, le roi de l’époque avait décidé de dissoudre le corps des sapeurs-pompiers de Drum, dont les fonctions avait été alors attribuées aux gardes de l’île, quand ceux-ci n’auraient rien de mieux à faire. Les gardes avaient aussi hérité des vieilles pompes à incendie, qui n’avaient jamais été remplacées depuis, et qui n’avait plus resservi depuis le terrible incendie qui avait fait suite de la fête du printemps de 1538.
                Les gardes de la ville encore en état se trouvaient bien embêtés, puisqu’ils étaient tiraillés entre leur devoir d’arrêter les deux criminels en train de mettre la pagaille, et leur obligation d’éteindre le brasier. Se dressant sur son fidèle Frou-Frou, le sergent chef au nom qui change à chaque fois qu’on le nomme prit la direction des opérations :

                - Joe, William, Jack, Avrell, foncez à la caserne, et ramenez moi les pompes ! Trucmuche, va faire sonner les cloches de la ville : il faut que chaque habitant valide vienne nous aider à contenir le feu ! Les autres, maintenez un cordon de sécurité, et organiser les chaines humaines depuis le puits. Moi, je m’occupe de nos deux bandits…
                (TaDAmmm… (musique qui fait bien) (quand je vous dit qu’on a les moyens !)).

                Après un grand nombre de «oui chef !» et de «bien chef !», les soldats s’exécutèrent.

                ***

                Au même moment, sur les toits, le combat faisait rage : les deux adversaires sautaient, frappaient esquivaient, se jetaient, faute de mobilier à proximité, des tuiles, et couraient d’un toit à l’autre pour échapper à l’incendie qui commençait à se propager sur les maisons voisines. Car une fois la première maison ravagée, les flammes, bien décidées à profiter de l’occasion, s’étaient attaquées aux maisons voisines.
                Chacun essayait d’amener l’autre à tomber dans le vide, ou dans les flammes, puisque tous deux savaient très bien que les attaques normales avaient toutes les chances d’être inefficaces, un combattant, un vrai, étant capable de se relever même couvert de blessures, après avoir encaissé plusieurs enchainements sensés être mortels, et de reprendre le combat tout en se reprenant de nouveaux coups.

                A un moment, le sauvage, exaspéré par la résistance de son adversaire, dégaina son pistolet, et utilisa ce qu’il considérait comme son attaque ultime qu’il n’utilisait qu’en dernier recours : le tir de munitions. Après tout, une arme capable de délivrer des projectiles pouvant traverser les armures et les boucliers, était selon toute vraisemblance bien plus dangereuse qu’un couteau ou un simple coup de pied. Sautant sur la crête du toit, Ange visa avec application et appuya sur la détente. C’était un piètre tireur, capable de manquer un éléphant dans un couloir (quoiqu’en y réfléchissant bien, sans matériel adapté il est de toute façon très dur de tuer un éléphant en un seul coup, même sans un couloir, aussi vaut-il sans doute mieux le manquer et prendre ses jambes à son cou plutôt que de subir le courroux d’un éléphant blessé en furie!). La balle frôla la manche du kimono gris, qu’un heureux coup de vent écarta au dernier moment, le laissant indemne, et les deux hommes se relancèrent dans la bagarre.

                ***

                Les gardes changés en pompier faisaient de leur mieux pour lutter contre le feu. Déjà quatre maisons étaient consumées par les flammes, et l’incendie gagnait en intensité ! Tandis que les cloches sonnaient à la volée, les soldats avaient amené les trois pompes à incendies stockées dans un veux hangar de la caserne : il s’agissait de grosses citernes rouillées montées sur de vieux chariots, et équipées d’un système de pompe à deux bras qui amenait l’eau dans la lance à incendie ; il fallait alimenter les citernes en permanence à l’aide de seaux d’eau apportés par les villageois qui faisaient une chaine depuis le puits. Même une fois débarrassés des toiles d’araignées, les engins étaient sortis péniblement de leur retraite et avançaient en grinçant. L’un des chariots avait perdu une roue avant d’arriver sur la place, et on avait du le porter ; la pompe du second s’était détachée alors que les hommes commençaient à l’actionner. Quant au troisième, sa citerne déjà vétuste avait été perforée par une balle perdue venue d’on ne sait ou.

                Le maire de la ville en personne était la, et il assistait à la scène en tournant nerveusement son chapeau entre ses mains. Lorsque l’une des maisons dont toutes les poutres avaient été entièrement consumées par les flammes, s’effondra, il laissa échapper un gémissement.

                - Monsieur le maire ! Monsieur le maire !!

                Un des gardes, le caporal Soutonabi, s’était approché. A cause de la série de bosses qui ornaient sa tête, traces de son affrontement contre Yu… nom-stupide-et-imprononçable, il ne pouvait plus enfiler son casque et gardait la tête nue, ornée d’un très beau bandage.

                - Monsieur le maire, le sergent chef Dirksaiapatfaut a dit que le seul moyen de stopper l’incendie, ce serait d’abattre les maisons aux alentours pour l’empêcher de se propager.
                - Abattre les mais… Mais vous n’y pensez pas ?! Je ne peux tout de même pas…

                Le « Craaaac, Sbadam, boum, brouloum ! » d’une nouvelle habitation qui s’effondrait, coupa le maire dans sa déclaration.

                - Je… roh, eh bien allez-y, mais vite ! Et arrêtez-moi les responsables de ce désastre !! Je les veux morts ou vifs !!!

                ***

                Poussé par un coup de pied de son ennemi (sans doute héroïque, mais l’effet restait le même ; oh, avouons-le, il était tout de même un peu plus classe que s’il avait été fait par n’importe qui d’autre), Ange recula de plusieurs pas, et manqua de tomber du toit. Tout en battant des bras pour rétablir son équilibre, il se félicita alors d’avoir volé au le musée la «blouse d’étudiant du Dr Hogback, le chirurgien de génie», qui, roulée en boule sous son manteau, avait amorti le coup. En revanche, la «collection de seringues télescopiques (IXème siècle) », avaient rendu l’âme lorsque le pirate avait été heurté au bras par une tuile. Alors qu’il bondissait en avant pour frapper de ses dagues, une violente secousse projeta les deux adversaires à terre, déversant au passage une pluie de morceaux de toit dans la rue.

                Hééé ! Ils abattent la maison ! Mais ils sont complètement fous, elle ne brûle pourtant pas !
                Ils font peut-être ça pour te faire tomber… ou alors ils la trouvaient moche, et ils profitent de l’occasion pour la détruire… qu’importe, il ne faut pas rester la !


                Le cambrioleur prît son élan, et sauta en direction du toit du bâtiment voisin, qui était pratiquement mitoyen. A côté de lui, Yudhu… Drahma… (enfin un nom avec un Y, et beaucoup de h, de a et de r), faisait de même. Endossant pleinement son rôle de méchant de l’histoire, Ange, alors qu’il était encore dans les airs, pointa la tuile qu’il tenait dans la main (comme par hasard, sans doute grâce à un instinct de fourbe développé à force de tenir tête à un héros en faisant des actions que lui-même est trop noble pour faire), et la lança en direction du blond.

                Après son atterrissage sur le toit, le sauvage resta quelques instants à genoux pour reprendre son souffle. S’il était globalement indemne, sa peau était maculée de boue et de cendre. Des brindilles à demi calcinées s’emmêlaient dans ses cheveux, et son manteau, taché de sang et roussi par endroits, était trempé par la neige fondue. Yudhisthira Dharma, (roh pis’ zut, j’abandonne, son nom est trop compliqué à écrire !), à côté de lui, n’était pas en meilleur état. Ce qui frappait en le regardant, c’était la propreté impeccable de son kimono fourré comparé au reste de son corps, comme s’il en avait changé juste après avoir sauté su toit. C’était comme si sa tête, ses cheveux, ses mains et ses chaussures avaient joué le rôle d’éponges à saleté pour préserver l’éclat du vêtement gris. Son visage et ses boucles maculées de cendre le faisaient ressembler à un Africain ; son front était barré par une fine cicatrice qui déversait un flot de sang sur son visage, mais dont il ne garderait plus aucune trace dès qu’il retirerait le bandage auquel il aurait le droit, une fois sa mission terminée. Alors que, après maintes interruptions, la lutte était sur le point de reprendre, une ombre enveloppa le toit du bâtiment. Dans un choc violent, Taka Dirksaipatafaut, monté sur son fidèle Frou-Frou le lapin des neiges, atterrit sur le toit.

                ***

                Vue d’ensemble sur la scène…. Un peu plus à gauche, pour ne pas couper Ange qui tente de se faire oublier. Quelques flocons de neige tombent pour montrer qu’on est sur une île hivernale. Une légère brise fait onduler le kimono gris, et la fourrure du lapin. Il règne un silence glacial. La caméra se rapproche peu à peu, tout en pivotant pour laisser voir les expressions des trois combattants : le sergent chef Taka, courroucé mais fier de son entrée, et désireux de se défouler sur les deux vandales, Ange haletant, les cheveux en bataille, et Yu le héros, un peu interloqué par autant de résistance, mais qui s’empresse de sourire quand la caméra le montre de face. Soudain, on entend un craquement, qui s’amplifie, et…

                Craaaac !
                Aaaaaaargh !

                ***

                Il est juste de dire que les rares clients de la taverne « l’ours randonneur éméché » qui n’étaient pas sortis assister au spectacle de le place centrale en proie aux flammes, furent drôlement surpris lorsque le toit leur tomba sur la tête. Sous le poids combiné de Frou-Frou, de son cavalier, et de son armure, celui-ci, déjà fragilisé par le choc de leur arrivée fracassante, n’avait tout simplement pas résisté au début du combat. Les poutres avaient lâché, et s’étaient effondrées sur le premier, puis le second étage, avant d’atterrir au rez-de-chaussée.
                Parmi les consommateurs se trouvait, ahuri sur sa chaise, Ducan le pirate, qui profitait de la première escale de l’équipage depuis longtemps dans un endroit civilisé pour dépenser son argent durement gagné (tiens, voilà au moins une personne dans toute cette histoire qui a un nom normal ! Peut-être la seule. Ah, non. Normalement, ça devrait s’écrire Duncan et pas Ducan). Bref, cet homme, un petit moustachu au front dégarni d’une quarantaine d’années, et qui ne quittait jamais son inséparable bonnet kaki, avait assisté à la scène avec un effarement encore plus marqué lorsqu’il avait reconnu le second de l’équipage des Truands, de SON équipage, au milieu des individus descendus en même temps que le toit. A sa vue, il se leva et lui fit de grands signes de la main :

                - Ange ! Eh, Ange ! Youhou !

                Oh, mais je le connais, lui !
                Hm, c’est un canonnier de l’équipage. Il se nomme De…Décan, je crois. Enfin un nom qui ressemble.
                Il m’appelle, ce n’est pas très malin de sa part, il va s’attirer des ennuis.
                Puisqu’il est la, autant s’en servir ! On ne sera pas trop de deux pour se débarrasser du gars avec son gros lapin.


                - Hé, Du...De…, enfin hé, content de te voir. Viens par la !

                Spoiler:

                A côté du comptoir, un tas de décombres se souleva, laissant apparaitre un lapin des neiges furibond et couvert de poussière, et son cavalier jeté à terre. Ange ne doutait pas que, tout comme le garde, son poursuivant aux allures héroïques avait survécu, et il fallait trouver le moyen de s’en débarrasser, sous peine de l’avoir à ses trousses jusqu’au restant de ses jours, comme un charcutier poursuit le chien qui lui a volé un chapelet de saucisses.

                - Hé, le moustachu ! Pousse-toi d’ici, sinon mon lapin et moi allons te déchiqueter en même temps que le zazou à côté de toi !
                - Hors de question, je ne te laisserai pas toucher à mon camarade !
                - Tant pis : Frou-Frou, attaques !
                C’est beau l’esprit de camaraderie ! Dire qu’il y a des gens comme ça !

                Le lapin géant fonça tête baissée sur les deux Truands. Ceux-ci dégainèrent leurs pistolets, -enfin Ducan sortit les siens en Ange lui en emprunta- et tirèrent une salve en direction de l’animal. D’un pas de côté, Frou-Frou évita les tirs, et les deux pirates durent se jeter en arrière pour éviter le coup de patte dévastateur du lapin, qui creusa de profondes fissures dans le parquet.

                Il est rapide pour une grosse boule de fourure. Et contrairement à toi, il n’a pas passé ses deux dernières heures à courir et à combattre !
                Et je fais quoiiii ?! J’ai pas envie de me faire déchiqueteeer !
                Mh, ton camarade est là pour t’aider, alors à vous deux, vous pourriez peut-être…
                Decamp ? Il est encore plus nul que moi !
                Ducamp…enfin, je suis sûr qu’il y a un « u » dans son nom. Il a dit qu’il était prêt à se sacrifier pour toi, non ?
                Euh… je ne crois pas. Enfin, ce n’est pas ce qu’il a vraiment dit, si ?
                Mais si ! …


                Cherchant son camarade du regard, Ange le vit qui détalait en courant devant le lapin, tandis que Yudhi-en-kimono-gris s’escrimait contre Taka Nérien Nassire… enfin le sergent chef. Le voleur s’appuya contre un mur, et appela :

                - Bon bah euh… Du’, viens par la !
                - Aaaaah ! J’arrive, Ange !
                - Hum, j’ai honte de moi, mais… tu vois les deux types là bas ?
                - Pouf, han ! Tes deux poursuivants ? Ceux qui se combattent ?
                Tout en parlant, Ducan continuait de courir en tournant en rond pour échapper à Frou-Frou.
                - Oui, c’est ça. Bon, écoutes, tu vas t’approcher d’eux, et faire diversion pendant que j’agis, ok ?
                - Hein, -han, han- mais c’est super dangereux, non ?
                - Enfin, tu ne fais pas confiance ? Je suis le second de Satoshi, tout de même !
                - Alors… d’accord, mais fais vite, hein ! Gyaaah !

                Prenant son courage, et ses pistolets à pleine main, le pirate s’élança en direction des deux combattants, toujours talonné par le monstre de fourrure blanche. Sans demander son reste, après avoir vérifié que plus personne ne faisait attention à lui à l’exception d’un ou deux clients à l’air hagard sur leurs chaises au milieu des décombres de la taverne, le cambrioleur, toujours appuyé contre le mur, se changea en porte et se retrouva en un rien de temps de l’autre côté de la cloison.


                L’incendie de la Grand-Place requérant tous les hommes disponibles, le sauvage ne croisa presque personne, et surtout aucun garde. Plutôt que de s’éloigner d’un pas nonchalant et en prenant un air innocent, il prit le parti de mettre un maximum d’écart entre lui et ses poursuivants, et déguerpit en courant, les bras écartés et se retenant de hurler. Il ne s’arrêta pour reprendre son souffle qu’à la sortie de la ville, et se dépêcha de rejoindre ses camarades sur le Lady Million, laissant le pauvre Ducan à son sort. Il fallait l’avouer, il avait un peu honte de lui, mais cela ne l’empêcherait pas de dormir cette nuit. Si l’on s’inquiétait à propos du moustachu, il prétendrait que celui-ci lui avait demandé de transmettre ses adieux à l’équipage, parce qu’il avait décidé de devenir chasseur de lapins géants, et ça passerait tout seul ! De toute manière, puisqu’il ne faisait pas partie des membres importants de l’équipage, et qu’il n’en était pas le plus apprécié, il y avait peu de chances que l’on s’inquiète réellement de son sort.

                ***

                Après des heures de lutte acharnée, les habitants de la ville finiront par maîtriser et éteindre le feu, sauvant ainsi quatre tas de cendre, trois tas de décombres, et le maréchal des logis chef Ronronnera, survivant miraculé de l’incendie.

                Après de nombreux débats au conseil municipal, il sera décidé que les ruines du musée allaient être déblayées, et qu’à son ancien emplacement serait érigé un complexe immobilier. Tatashe Tonkimono, le conservateur du musée réduit au chômage technique, serait nommé concierge.

                Durant les années qui suivront, un peu partout dans la ville, on trouverait ces deux affiches placardées sur les murs :
                Spoiler:



                Yud…truc, à toi l’honneur du générique de fin, et de la chanson « I am a poor… lonesone hero, … ».
                • https://www.onepiece-requiem.net/t2862-fiche-d-ange-del-flo
                • https://www.onepiece-requiem.net/t2799-ange-del-flo


                Yudhisthira avait été un peu vexé de voir que le combat avec l’un des boss du niveau avait commencé sans lui. Même si il n’était pas tout à fait sûr que ça en soit un. Le système de classification binaire du héros, qui comptait deux catégories de personnes (les gentils et les méchants) et deux sous catégories dans chaque (les personnages secondaires, à sauver ou tabasser, et les « héros », à tabasser aussi ou à aider), vacillait sur ses bases peu solides. Selon la conception manichéenne de notre héros, il aurait dû s’allier avec le garde aux trois hallebardes, ou bien le combattre, lui et le méchant qu’il coursait, lequel avait tiré une telle tête d’ahuri quand il était apparu que le demi-dieu le soupçonnait de passer des heures à s’entraîner devant sa glace. En fait, le garde ne rentrait pas dans la catégorie « héros à aider », mais pas vraiment dans celle de « héros à tabasser ».


                Ce fut le caporal qui mit fin à l’indécision de Yudhisthira, en l’incitant à l’attaquer. Un héros ne reste jamais longtemps à tergiverser, et, rejetant ses problèmes d’étiquetage du monde pour la prochaine fois où il y serait confronté, il se jeta contre son nouvel opposant avec toute la fougue d’une semi-divinité qui est persuadée de sa victoire. Après un premier passage d’armes, le caporal s’écroula, une fontaine de sang giclant de chacune de ses coupures (mais pas trop non plus : vu son âge, Yudhisthira est encore un héros dont les aventures peuvent être suivies par des enfants). Pas plus qu’Ange, le héros ne savait comment il avait réussi à faire saigner le garde seulement à mains nues. Personne ne les regardait, mais si le combat avait eu des observateurs, ces derniers n’auraient pas manqué de s’extasier et de lui inventer une nouvelle technique secrète ultime encore inconnue, ou une prédisposition pour le « finger gun »…


                Quoi qu’il en soit réellement, l’héroïque agent du CP s’était retourné contre son pirate ; comme à son habitude, ce dernier jetait de petits regards rapides et inquiets dans toutes les directions à travers ses mèches, comme si ce qu’il voyait l’affolait et le déroutait. Il semblait murmurer quelque chose, se parler à lui-même, et selon l’évolution de la discussion, son visage changeait d’expression derrière ses longs draids filasses, paraissant de plus en plus décidé, en passant par catastrophé, réfléchi, horrifié, calculateur et pour finir, il présenta un mélange original combinant la terreur la plus totale à la certitude la plus sûre de ce qu’il devait faire. Pendant le court espace d’un instant fugitif, le héros eu envie de lui offrir un poisson cru (sinon ça les abime) tout en lui racontant l’énoncé d’une quête consistant à aller balancer de la joaillerie dans un volcan.



                Mais l’autre semblait avoir atteint un point de décision : il commença par s’échauffer la voix dans un grincement interminable au cours duquel il manqua de s’étouffer, puis il se lança dans un long monologue qu’il avait dû peaufiner juste avant. Yudhisthira, malgré sa jeunesse, avait vu des hommes, des méchants, faire vibrer la foule en déclamant leurs intentions ; ces gens pouvaient faire frissonner n’importe qui par leur machiavélisme, et leur immoralité provoquait la révolte, le dégoût - et en même temps l’attirance la plus inconditionnelle. Mais personne ne pouvait rivaliser d’horreur avec son opposant ; personne n’irait plus bas dans les tréfonds de la basse humaine, personne ne grimperait plus haut sur les sommets de la mégalomanie. De l’avis du héros, par ce simple discours, le pirate avait atteint le fond de la folie humaine, pourtant abyssale, et avait encore creusé quelques bon mètres en plus : Quoi ? Détruire le monde pour mieux le conquérir, le conquérir pour ensuite mieux le piller ? Quelle infamie ! Comment pouvait-on avoir cette idée ? Il devait bien être le seul (en fait, tous les méchants un peu sérieux en veulent au monde. Ils devraient créer une association, ils seraient bien plus efficaces) ! Et en plus, il avait tout planifié, avec cet immonde artefact qui devait être le fameux piercing du Dr. Kurenaï ! Dans une pose non plus héroïque, mais épique, voire dramatique, Yudhisthira, les pans de son kimono flottant dans le vent, interpella l’horrible méchant :

                « Tes intentions ont été mises à jour, Ange ! Tes plans sont dévoilés, et tu ne t’en tireras pas comme ça ! Tu vas payer pour tous tes crimes ! »

                Yudhisthira n’était pas sûr du tout du nom de son adversaire, et il avait balancé « Ange » au hasard. Mais il était certain d’avoir reçu de l’aide du dieu des Conférences, de le Rhétorique et des Répliques Classes Balancées au Bon Moment. En effet, ce dernier s’était fait une spécialité de souffler à l’oreille de l’orateur le nom de son interlocuteur même s’il ne le connait pas (et même si ce dernier ne le connaît pas non plus) pour accentuer l’effet dramatique du discours. Etrangement cependant, si le dieu n’aura aucun mal à aider les personnes s’adressant à des Salmanazar, des Tukulti-Telepinu ou à des Ssasikar, il se refusera totalement à aider un homme parlant à Bob, ou à Joey. Question de standing, paraît-il…

                Ayant parlé, le demi-dieu se jeta, terrible, sur son adversaire, en n’écoutant que son courage. Les héros ont du courage à revendre, en particulier car il ne leur vient même pas à l’esprit qu’ils pourraient perdre. Et c’est d’ailleurs souvent pour cela qu’ils gagnent (dans la version officielle. En fait, c’est juste parce c’est eux les héros de l’histoire). Et tandis qu’en dessous d’eux les habitants du cru s’évertuaient à remanier la topographie du terrain en détruisant leurs propres logements, les deux vandales échangeaient des coups, héroïques pour le héros, en traître pour le pirate. Ca ne marchait pas toujours, les coups en traître, mais qu’importe : après tout, c’était l’intention qui comptait.



                ***



                Sur fond de grincement de pompes, les deux adversaires s’observèrent à nouveaux. En bas, grâce à la prompte intervention des gardes et à celle plus discutable des antiques lances à eau, l’incendie diminuait en intensité. Yudhisthira et Ange s’étaient éloignés des flammes, et le froid commençait à se faire plus mordant. Soudain, le héros se lança en avant pour lancer un coup de pied formidable à son adversaire, un de ces coups de pieds héroïques flamboyants de classe que seuls les ignares ou les sauvages de savent pas reconnaître. Le zoulou, un instant déséquilibré, se redressa, prit son élan et sauta au-dessus du vide pour atterrir sur un toit proche. C’était une grave erreur que de tenter de rejoindre un adversaire en sautant vers une position qu’il occupe déjà, et Yudhisthira le savait. Aussi, il sauta en même temps que le pirate, pour ne pas lui laisser le temps de faire le point à son arrivée. Cependant, il devait avoir prévu le coup, puisque se retournant à peine, d’un geste imprécis mais efficace, il lança la tuile qu’il avait à la main contre le demi-dieu. Le projectile lancé avec force frappa le héros en pleine tête, lui coupa l’élan. Celui-ci, au lieu de se retrouver sur le toit à un bon mètre du bord comme il l’avait prévu, se retrouva à planer dans le vide, le sol en bas montant à toute vitesse à sa rencontre, comme un ami cher qu’on a pas vu depuis très longtemps et qui tient absolument à vous serrer le plus vite possible dans ses bras...


                On prétend que quand on va mourir, en particulier quand on fait une chute mortelle, toute sa vie défile devant soi. C’est peut-être dû à la vitesse. Ce n’est pas vrai pour les héros ; un héros qui tombe ne se souvient que d’un épisode de sa vie, un seul, celui où son ami/mentor/professeur voire père lui apprend exactement quoi faire pour survivre à ce type de situation. Pratique, non ? Malheureusement pour Yudhisthira, il n’avait aucun souvenir de ce genre en stock. C’est ça, aussi, d’être un héros trop jeune. Aussi se contenta-il de fendre l’air tout en observant la rue blanche, en bas, se rapprocher dangereusement.


                Cependant, un héros a toujours des atouts en réserve, ou plutôt beaucoup de chance, même si il ne l’avouera jamais. En effet, un mince fil, souple et solide, était accroché entre les deux bâtiments au-dessus de la rue. Il avait autrefois servi à Mme Oukile pour accrocher son linge, en pensant ainsi qu’il sècherait plus rapidement ; mais elle s’était vite aperçu que c’était une mauvaise idée, puisque que de toute façon, il neigeait tout le temps. Elle avait laissé tomber l’idée, mais le fil était resté. C’est lui qui intercepta la course du héros ; le fil se tendit, s’étira à cause du poids semi-divin ; les attaches grincèrent, la corde gémit à en tirer des larmes à une plaque d’égout. Puis, dans un bruit de corde d'arc qui se détend, la corde à linge reprit sa place première, catapultant au passage Yudhisthira qui fila comme une flèche vers le ciel. Le héros se réceptionna durement sur le toit, avant de se replacer avec un sourire éclatant face à son adversaire qui regardait toute la scène de son habituel air d’ahuri.


                Mais pour, une fois, l’air ahuri était justifié : le sergent-chef C’est-quoi-en-fait-son-vrai-nom avait décidé de mettre un terme au combat, et il venait d’apparaître sur le toit, tout fier de son deux ex machina théâtral. Le menton pointé en avant, la hallebarde menaçante, il fit toutefois une drôle de tête quand le toit commença à craquer et quand Frou-Frou et lui descendirent de trois étages en quelques secondes.


                ***


                Il est faux de dire, malgré ce que certains veulent faire croire, que les clients du bar en-dessous furent surpris de l’arrivée des trois combattants. En fait, la plupart étaient assommés depuis un bout de temps, et pas seulement à cause des poutres. Ceux qui étaient restés dans le bouiboui devaient être de toute façon sérieusement atteints à la base, puisque tout bon badaud ou tout bon pilier de bar va voir ce qui se passe dehors quand il y a quelque chose d’intéressant à voir. Seul, le gérant de « l’ours éméché », Kihahu Setide était encore debout au moment de l’atterrissage du héros, du garde et du dingo. Mais il était justement lui-même trop éméché pour s’en inquiéter. En fait, il en était juste à se demander pourquoi, s’ils voulaient un verre, ils n’étaient pas passés par la porte, tout simplement.


                Yudhisthira émergea lentement des décombres pour s’apercevoir que le combat avait repris sans lui. Preuve que les héros eux-mêmes ont leurs limites, surtout après un rp de 15 posts. La pièce avait beaucoup souffert de la chute des trois personnages. A croire qu’il était bouffé par les termites, ou qu’il avait été saboté exprès. Des morceaux de poutres traînaient un peu partout, des éclats de verre jonchaient le sol, la réserve de liqueurs était saccagée. Seuls, dans un recoin, une table, une chaise, un verre et une bouteille restaient intacts. Au milieu de la pièce, le garde et son lapin luttaient contre le pirate. Ce dernier, étrangement, n’était pas seul : un autre gus, l’air aussi éveillé que lui, tirait à ses côtés dans la direction du lapin qui esquivait et répliquait d’un coup de patte dévastateur. Yudhisthira se demandait comment un type comme le sauvage pouvait avoir des amis, mais visiblement c’était possible. Si c’était un pirate, il était peut-être lui aussi un membre de l’équipage des Truands ?


                Mais pas le temps de se poser ce genre de question. Voyant que le lapin et son cavalier étaient occupés ailleurs, le héros attrapa une chaise et la lança dans sa direction. Puis, profitant de la diversion, il courut vers la bête pour lui assener un formidable coup de poing. Mais c’était sans compter la rapidité de réaction de Frou-Frou. Ce dernier esquiva la chaise avec la grâce d’une danseuse étoile, et son cavalier cueillit le héros d’un grand coup de hallebarde. Vite, le demi-dieu se plaqua à terre. La lame vrombit au-dessus de lui, sans le toucher. Yudhisthira fit une roulade, se releva, pris appui sur le comptoir du bar pour sauter sur le sergent-chef. Le garde, voyant son adversaire trop près de lui, planta son arme d’hast dans le sol avec idée de la récupérer si besoin, et il sortit son épée. D’un long et ample mouvement, il porta un coup de taille à son adversaire qui venait d’atterrir sur la tête de son lapin. Mais cette fois, le héros s’y attendait et il fut plus rapide. D’une main, il arrêta la course de l’épée en bloquant la main qui la tenait ; et de l’autre, il envoya un poing magistralement héroïque s’écraser sur la mâchoire du sergent-chef. Celui-dont-personne-ne-retient-jamais-le-nom laissa échapper un « Ourg ! », de ce genre de « Ourg ! » qui disent clairement que le coup de poing qu’on s’est pris aurait pu assommer un bœuf, mais que malgré tout, on s’en tire seulement avec un « Ourg ! », tellement on est costaud. Un « Ourg » qui équivaut à un « Même pas mal. Tape plus fort, lavette ! ». Secouant rapidement la tête pour faire passer l’engourdissement, il répliqua par un large mouvement du bras pour déloger le jeune héros de sa monture.


                Puis lui-même descendit de son lapin, pour enchaîner les moulinets face au héros. Yudhisthira parait la pluie de coup et se défendait en lui balançant régulièrement ce qui lui tombait sous la main. Ce n’était pas dur, puisque la plupart des objets de la salle avaient été réduits en morceaux plus petits et plus maniables. Tout en envoyant une série de bouteilles d’eau-de-vie parfum cerise de premier choix au sergent-chef qui s’appliquait à les repousser en se servant de sa lame comme d’une batte de base-ball, Yudhisthira jeta un coup d’oeuil rapide pour voir ce que faisaient le pirate et son ami. A priori, le lapin avait jeté son dévolu sur le nouveau venu, et ce dernier courait en rond dans toute la pièce en criant et en levant les bras, comme seuls savent le faire les pnj. Le héros para un estoc furieux d’un repli du corps, répliqua par le lancer d’un service de choppes en bois sur un plateau, et concentra à nouveau son attention sur les flibustiers : l’un courait toujours, mais l’autre, celui qui voulait détruire le monde, était… Mais il était où, lui ? Quoi ? Il tentait de s’échapper ?


                C’est toujours quand le monde est en danger que des héros se révèlent, et Yudhisthira sentait que c’était le moment. S’il avait eu une petite baisse de régime, ce moment était passé. Tout en lui le montrait : son attitude de vainqueur, sa prestance héroïque, l’aura de charisme qui émanait de lui ; sa chevelure, auparavant en désordre à cause des péripéties du combat, était maintenant coiffée comme si il venait de passer une heure à se peigner. Son visage avenant n’était plus maculé de suie, et sa blessure au front avait disparu par un miracle scénaristique habilement introduit ; le tout était rehaussé un sourire des plus photogéniques. Et au cas où un lecteur crétin n’aurait pas compris que l’instant qui allait suivre allait être héroïque, la musique de combat tendue et dramatique avait laissé place à un air percutant et indéniablement majestueux.


                Bandant toutes ses forces, dans un élan qui restera un passage obligé pour tous les aèdes voulant écrire une épopée, il partit comme une flèche en plantant là le sergent qui devait avoir de sérieux problèmes de schizophrénie, vu le nombre de noms différents qu’on lui attribuait ; il bondit sur Ducan le Pirate, tacla le lapin au passage, d’un tacle qui deviendra légendaire et portera le nom de « Tacle Yudhisthira ». Ce dernier, surpris, chuta sur l’homme qu’il poursuivait. Profitant du fait que la route était libre, le héros fonça vers son adversaire qui, étrangement, avait entrepris de se transformer en porte. En l’espace d’une fraction de seconde, Le demi-dieu fit appel au Dieu des Coups de Forces, des Actions épiques et des Attaques Suicides pour qu’il lui vienne en aide. Puis, il attrapa un pied de table qu’il envoya tournoyer contre le sauvage. Profitant du trouble causé, Yudhisthira prit appui sur une chaise restée intacte pour les seuls besoins de la narration, et fondit sur son ennemi en un admirable vol plané.


                Cependant, Frou-Frou avait les réflexes rapides. Il n’avait pas apprécié se faire percuter, et avec une célérité supersonique, de celles qu’on ne trouve que dans les scènes de combat des mangas, il avait couru se placer sur le trajet du héros. Ce dernier aperçu un mouvement brusque du coin de l’oeuil, mais il décida de jouer le tout pour le tout. Il tendit la main en avant, la refermant sur la poche du brigand, au moment où un formidable coup de patte l’envoya valdinguer contre une cloison de bois qu’il traversa dans un fracas épouvantable. L’homme aux dents pointues, surpris, passa le mur sans demander son reste. Le héros, quand à lui, se retrouva, de l’autre côté de la cloison qu’il avait traversée de manière douloureuse, allongé sur un sol humide, entouré de grosses barriques. Alors que le reste du monde se brouillait dans le noir, il leva sa main droite à hauteur de ses yeux. Entre ses doigts, brillait une petite pièce de métal : le piercing du dr. Kurenaï, qu’Ange voulait user à des fins maléfiques et délétères. Yudhisthira sourit : le monde venait une fois de plus d’être sauvé par un héros valeureux. Sans qu’il le sache, bien sûr. Et avant même d’avoir été en danger. Mais quand même, et c’est important, au dernier moment. La plupart des actions héroïques se font au dernier moment. Sinon, il y aurait pas de suspense



                ***



                « Allez Frou-Frou ! Viens ici ! »

                Le sergent-chef aurait dû être contrarié. Ses deux proies avaient été plus résistantes que prévu et il ne savait pas où elles étaient passées, même si il doutait qu’elles aient survécu. Mais lui-même, n’étant plus au sommet de sa forme comme au temps de sa jeunesse pourtant pas si lointaine, était sérieusement fatigué. Il s’assit à la dernière place, celle qui était restée intacte, et se servit dans un verre rescapé une rasade d’une bouteille inexplicablement épargnée. Puis, après un moment, il ressortit superviser l’extinction de l’incendie, en ruminant le combat, et en se demandant s’il ne devrait pas tenter d’apprendre les échecs à son lapin. Parce que le morpion, hein, ça va cinq minutes.

                Quelques instants plus tard, Ducan, qui avait fait le mort pendant tout ce temps, se releva. Affronter un lapin des neiges et un garde seul n’entrait pas dans ses compétences, et il avait jugé plus sage de se faire oublier. Il se redressa lentement et prudemment, tout en faisant le point de la situation.

                « Bon, maintenant, rejoindre le navire du captaine Satoshi sans se faire voir… »

                Subitement, une sensation de présence le fit se retourner. A temps pour voir le jeune homme en kimono de tout à l’heure le fixer. En souriant. Mais pas de l’habituel sourire charismatique capable de soulever les foules ou de faire s’évanouir les filles. Non. Il le regardait plutôt avec le sourire du carnivore qui vient de régler la question du petit-déjeuner…



                ***


                Avec une douceur feutrée, la neige tombait en trombes sur le sol, recouvrant et apaisant tout. Les habitants de Drum, au fond, sont plutôt placides, et traversent la vie avec bonhomie, sans se soucier des petits incidents naturels. Parce que quoi qu'il arrive, la neige finit toujours par tout recouvrir. Et que ça ne sert à rien de ressasser les évènements du passé. Alors on oublie. Même les marins de ce navire qui déploie ses voiles pour quitter le port n'osent pas se héler ou chanter en travaillant comme ils en ont l'habitude, par respect pour le travail de cette matière froide et humide qui a entrepris de soigner, avec plus d'efficacité que la meilleure des panacées, le pays meurtri par de profondes blessures.


                ***


                Yudhisthira regardait avec une certaine nostalgie le rivage de Drum s’éloigner au loin. Un héros regrette toujours un peu les lieux où il a risqué sa peau. Trop de souvenirs y sont attachés, trop de sensations intenses… Le demi-dieu se promit d’y retourner passer ses vacances, certain d’être accueilli comme un libérateur. Après tout, il avait lutté contre un pirate et avec Ducan ligoté à fond de cale, il pouvait estimer que sa mission avait été un succès. D’ailleurs, n’avait-il pas sauvé le monde, dans la foulée ? En y repensant, la semi-divinité porta la main à sa poche, pour en extraire le piercing si menaçant pour le destin de la planète. Il eut un sourire : quoi que tentent les méchants, la Justice triomphe toujours ! D'un geste auguste, il jeta le plus loin qu’il put le bijou qui décrivit une courte parabole avant de s’enfoncer dans la mer glacée avec un plouf! disproportionné par rapport à la taille de l'objet. Le héros ne doutait pas que couler ce dangereux arefact ne réglait pas du tout la question, et que ce genre d’objet finissait toujours par être retrouvé et utilisé à mauvais escient. Mais il ne doutait pas non plus qu’à ce moment-là, un héros passerait dans le coin pour rétablir la situation. Puis il s’appuya, le dos sur le bastingage. Et repensa aux évènements récents…






                … Avec la douce sensation du devoir accompli avec panache lors d’une mission sans bavures.