>> Test RP[size=11]
Tu as fait un pari avec un de tes amis : réussir à dévaliser une petite usine de bonbon [lieu au choix]. Il ne te reste que deux jours pour agir si tu veux gagner ton pari ! Bonne chance.Les oreilles saignent. Depuis dix minutes maintenant, l’alarme sonne sans discontinuer, réveillant jusqu’aux macchabées dans leurs tombes. Pour les vivants, c’est un cauchemar répété encore et encore frappant leurs tympans avec des envies sadiques. Si la situation n’était pas des plus urgentes, Rose serait probablement en train de se couvrir les oreilles des mains. Mais pour mieux comprendre la situation, il faut remonter le temps, prêt d’un mois plus tôt.
À cette époque, la petite Stark n’est sur Akayama Island que depuis peu de temps. Quelques jours où elle a arpenté la ville, profitant de ses derniers deniers. Sa bourse fond à une vitesse folle et son inquiétude croisse exponentiellement. Bien vite, elle se vit forcer de trouver de nouvelle source de revenus et malheureusement, on ne confie que rarement du travail à une jeune fille de dix-sept ans. Elle avait déjà arrêté toute mondanité, économisant jusqu’à la dernière pièce de bronze mais vint le jour ou il fallait choisir entre manger et se loger. Puis vint le jour ou même manger fut difficile.
C’est là que commence réellement l’origine de cette situation si particulière. L’idée de mendier lui étant juste insupportable, elle se décida à voler. Après tout, elle voulait devenir pirate non ? Jusqu’à maintenant, elle n’avait fait que tremper ses doigts de pieds dans l’étendue de possibilité devant elle. N’osant s’aventurer trop profondément dans l’illégalité. Elle avait repéré un marchand de fruits près du port. L’agitation excessive due aux marins laissait régulièrement des ouvertures pour des mains agiles. Rose l’observa de longues minutes, n’osant pas se lancer jusqu’à ce que son ventre la pousse à agir. Elle rabattit sa capuche sur sa tête alors qu’elle sortait de sa petite ruelle, ombre parmi les passants. Le dos légèrement courbé pour profiter d’une pénombre sécurisante, elle gardait pourtant son regard directement sur sa cible. Elle passa sur le trottoir de droite que pour mieux traverser avec la foule au croisement suivant. La jeune fille garda le même rythme sur un pas qu’elle voulait calme mais qui dépassait légèrement son camouflage vivant. Lorsqu’elle ne fut plus qu’à quelques mètres du stand à pignon sur rue, elle fixant un point imaginaire devant elle, espérant ainsi montrer un détachement pour les fruits si attirants. Pas une fois elle ne les regarda et ce ne fut que lorsqu’elle dépassa l’ensemble d’un petit pas que sa main surgit de son manteau. Preste comme le vent, elle sentit la surface granulée d’une orange sous ses doigts et dans un sourire fier, elle ramena l’objet de désir en lieu sûr.
Malheureusement tout le monde n’est pas un génie du vol à l’étalage. Lorsqu’elle déroba le fruit, l’orange du dessus roula dans l’espace vide avant de s’écraser sur la chaussée. S’ensuit une avalanche d’agrume en tous genre alertant définitivement l’attention de leurs propriétaires. Un voleur expérimenté ne se serait pas affolé pour si peu, se contentant de marcher calmement, calquant son attitude sur celle de ses voisins chaland. Une jeune fille de bonne famille elle, se sentit envahie par la peur et prit ses jambes à son cou.
-Au voleur !!
Le cri qui l’effrayait tant ne tarda pas à retentir, n’aboutissant qu’a l’apeuré d’autant plus et la faire accélérer. Elle ne suivait plus du tout son plan initial, s’orientant au petit bonheur la chance. Alors qu’elle courait à en perdre haleine, Rose était en larmes. D’un coup, elle se voyait déjà enfermée, ramené chez ses parents voire même exécutée. Tous ses beaux rêves s’écroulaient comme les agrumes plus tôt. Elle ne voyait même plus où elle allait désormais, le monde n’étant plus que des couleurs floues. C’est ainsi qu’elle percuta quelque chose de mou. Un bras la retint de tomber à la renverse, la claquant contre sa chemise. La petite Stark y sentait la sueur ainsi que l’odeur du cuir. Sa terreur grandit encore plus mais le bras restait si ferme qu’elle ne pouvait bouger, ne serait-ce que tourner la tête.
-Tais-toi et restes-là pour l’instant. L’agitation va bientôt se calmer.
La lourde voix dit vrai. Quelques instants plus tard, le capharnaüm s’arrêta. À ce moment-là, il la libéra. « Il » car c’était un homme. Gros mais pas fait que de graisses. Elle l’avait bien senti tandis qu’il la plaquait contre lui. Sous son habillage pataud, des muscles étaient bien présents. Se dégageant quelque peu, Rose put observer son tout récent ange gardien. De longs cheveux bouclés chevauchaient son crâne avant de tomber sur ses épaules. Il possédait un sourire ravissant dans deux joues rose et ses yeux verts brillaient d’intelligence. Malgré son surpoid, il était vraiment beau pensa-t-elle. Voyant qu’elle le dévisageait, son sourire s’agrandit encore. Il lui intima de le suivre tandis qu’il s’enfonçant dans une autre ruelle, marchant entre les détritus. Durant toute leur petite marche, la jeune fille ne put dire un mot. Trop hébétée après les récents événements, elle se laissa guider, simple marionnette de son sauveur. Le jeune homme finit par l’emmener dans un coin délabré du port : les vieux docks. Un incendie en avait ravagé la majeure partie et devant l’ampleur des dégâts, la ville avait juste laissé les choses à l’abandon. L’homme blond s’assit sur un muret, coupant un morceau de viande séché avec ses dents. Il en tendit l’autre bout à Rose tout en prenant la parole.
-Tiens, ça te donnera une meilleure constance. On a l’impression que tu vas t’écrouler d’une minute à l’autre.
Il avait raison. La Stark était blanche comme un linge et maintenant qu’elle reprenait plus conscience de son propre corps, elle sentait ses jambes tremblées d’épuisement. Elle s’assit pour ne pas tomber devant l’inconnu, pointe d’orgueil mal placé puis après réticence, mâchouilla le cadeau qu’on lui fit. Le jeune homme avait attendu qu’elle accepte son offre avant de continuer et dès que ce fut fait, sa voix résonna de nouveau. On aurait dit entendre des rochers s’entrechoquer au fond de sa gorge. S’il l’avait voulu, il aurait pu se faire entendre sans effort d’une personne située à l’autre bout du quai, dix mètres plus loin.
-Eh bien… ce n’est pas le meilleur vol que j’ai vu. Je t’ai repéré si facilement, je m’étonne encore d’avoir été le seul. Tu peux t’estimer chanceuse petite.
Il ne lui avait pas demandé son nom, ni ne s’était présenté. Tout dans son attitude corporelle laissait entendre qu’il ne comptait pas s’éterniser plus que nécessaire. Rose ne cessait de l’observer, intrigué et à la fois effrayé. Il lui renvoya un coup d’œil surpris qu’elle prit pour une invitation à parler.
-Merci… je crois. Je m’appelle Rose.
L’inconnu hésita visiblement mal à l’aise puis après quelques secondes d’incertitude livra son nom.
-Enoch. Salut. C’est parce que tu étais trop nerveuse. Tu allais trop vite dans tes mouvements.
Visiblement il possédait une certaine expérience du vol à l’étalage, voire du vol tout cours. Malgré cela ou probablement à cause de cela, il dégageait un charisme fou sur la jeune fille. Deux semaines avant les événements désastreux de la nuit de pleine lune, Rose prenait sans le savoir pour la première fois contact avec « Les Anges ».
oooOOOOooo
Ces fameux anges étaient un regroupement de vermine en tous genres. Ils s’appelaient ainsi car ils arrivaient à effectuer leurs forfaits sans laisser de trace, comme s’ils pouvaient traverser mur et voler dans les airs à la manière de ces créatures mystiques. Dans la réalité, il s’agissait d’une bande de voleurs pour la plupart et plus ou moins doué. Quand certains se contentaient de ramener à manger d’autres avaient pour devoir de voler les familles les plus riches, particulièrement celles avec des métaux précieux, plus facilement refourgable. Rose quant à elle vivait toujours dans la rue. Elle avait prit l’habitude de revenir sur les vieux docks comme dans un rite religieux pour retrouver l’homme qui l’avait sauvé. Il lui fallut une semaine pour rencontrer de nouveau membre de cette petite confédération. Alors qu’elle fixait la marée montante, elle entendit une voix nasillarde et moqueuse dans son dos.
-Je t’avais dit qu’elle revenait tous les jours ici.
Prise de cours, elle sursauta apeuré. Sur l’un des toits, un jeune garçon aux cheveux de feu la dévisageait, ses jambes bâtant dans le vide. À ses côtés, une jeune femme à la crinière encore plus flamboyante restait debout, le regard courroucé. Le garçon lui donna quelques coups de coude, se moquant d’elle autant par la parole que par les gestes.
-Peut-être as-tu une rivale de cœur pour le bôôôôô Enoch, qu’en dis-tu ?
-Tais-toi !
le regard de la rousse se fit plus colérique encore. Elle ne lâchait pas Rose des yeux comme un chat prêt à dévorer un canari. La jeune Stark elle restait clouée sur place, muette, incapable d’agir…encore une fois. Ce fut donc le frère et la sœur qui vinrent à sa rencontre. Le premier avait plus l’attitude d’un singe. Sourire aux lèvres, regard joueur, il tournait lentement autour de Rose comme s’il réfléchissait à la prochaine blague qu’il pourrait faire. Sa sœur elle…
Raide comme un piquet, les bras croisés, elle semblait défier Rose de ne serait-ce que bouger un doigt. Lorsqu’elle prit la parole, ce fut d’une voix hargneuse, accusatrice.
-Qui es-tu et que fais-tu là ?!!
La jeune Stark déglutit avant de lui répondre contre ce que lui disait son instinct apeuré.
-Je… je cherche Enoch. J’ai faim et je pensais…
-« Tu pensais » rien du tout ! Petite sotte, pour qui te prends-tu ? Tu ne chercherais pas à le vendre n’est-ce pas ?
La rouquine s’avança de quelques pas, collant presque son visage à celui de Rose, cherchant à y déceler la vérité dans ses yeux. Elle dut s’en détourner à contrecœur, n’arrivant pas à se décider et avec son frère qui l’incitait à laisser la jeune fille aux cheveux corbeau tranquille. Pour autant, elle ne s’en éloigna que de quelques, laissant toujours ses yeux hargneux sur la Stark. Pour une première rencontre avec son amie, on peut rêver mieux. Pourtant, le temps faisant et à force de revenir tous les jours à cet endroit, Rose vainquit les présomptions d’Esmera. Se découvrant de nombreux points communs et surtout une réelle appréciation l’une pour l’autre, la seconde invita la première à rejoindre leurs petits groupes. Ils s’étaient déjà fait une réputation et certains plus que d’autres. La tigresse était par exemple connue pour se battre aussi bien qu’un homme et était parmi les voleuses les plus vifs. Elle initia son amie aux jeux de l’ombre. Vole, camouflage, repérage et même la voie des airs. Cette dernière était ce qui avait valu aux Anges leurs plus grands faits d’armes. En effet, il y avait une règle tacite quant à qui devaient effectuer les vols les plus inaccessibles. Oublié les adultes expérimentés comme Enoch. On préférait envoyer de petits agiles comme Santi, le frère d’Esmera. Il fallait grimper au tuyau, se suspendre à une corniche pour mieux se camoufler dans l’ombre d’un volet. C’était Enoch lui-même qui avait mis au point ce style, quinze ans plus tôt. Alors âgé de huit ans, il s’en servait pour s’échapper du pensionnat auquel il était consigné. Aujourd’hui, il dirigeait leur petit groupe, attribuant cible et travail. Parfois il s’agissait là que de se nourrir mais parfois, le groupe ne savait comment, il avait des commandes bien spécifiques.
Il faut dire qu’avec sa réputation, les grands pontes savaient qui aller voir pour faciliter certaines « transaction ». Ses origines nobles aidaient également. Au final, on le poursuivait rarement voire même lui accordait de nombreux passe-droits. Un mal utile au bon fonctionnement de la cité et des affaires en somme. C’était une de ces commandes spéciales qu’il livra aux bons soins de ses troupes deux jours avant la pleine lune. Un vol dans l’usine de bonbon locale. Données bancaires, recettes secrètes,… de nombreux objets allaient disparaître cette nuit-là. Lui-même serait sur le terrain, la première fois en de nombreux mois. S’il avait perdu son don à courir la voie des airs, il restait encore un voleur de grands talents. Déguisement, charme, force,… il possédait encore de nombreuses ressources.
Sa venue en opération attisa l’excitation de tout le monde à un tel point que Rose affirma haut et fort que personne ne pourrait mettre la main sur le butin avant-elle. Enoch la regarda un moment silencieux avant qu’un sourire énigmatique vienne se glisser sur son visage.
-Qu’il en soit ainsi. Celui ou celle qui me rapportera la bergère aura accès à toutes mes techniques.
Il n’en fallut pas plus pour que des dizaines d’yeux brillent de convoitise. La rumeur disait qu’Enoch était un magicien, capable de disparaître devant vos propres yeux tout en emmenant vos plus sombres pensées avec lui. Les paris fusèrent quant à ceux qui avaient le plus de chances d’y arriver. Esmera était bien entendu bien placer ce qui motiva encore plus la petite Stark. Déjà des équipes se faisaient pour soutenir au mieux leurs candidats favoris qui bien sûrs donneraient quelques cours à leur tours sur les arts d’Enoch. De par son arrivée encore récente, Rose ne fit pas partie des favoris. Qu’à cela ne tienne, elle annonça à qui voulait l’entendre qu’elle irait encore plus vite toute seule.
Le soir fatidique, la jeune fille, observait ses camarades partirent à l’assaut, plus ou moins chacun de son côté de l’usine. Elle s’était vite rendu compte qu’elle avait parlé trop vite, grimpé les hauts murs délimitant l’enceinte seraient déjà un exploit pour une fillette dans son genre. Probablement même qu’elle ne s’en serait jamais sorti si un petit singe n’était pas venu l’aider.
-Un souci la fleur ?
« La fleur » était le surnom que lui avait attribué Santi. Il marchait d’un pas tranquille comme souvent, mains dans les poches comme rarement. Son sourire moqueur ne le quittait jamais à l’image de ses yeux espiègles. En l’entendant, Rose sentit son cœur se gonfler d’espoir. Elle aimait bien Santi et ce dernier lui rendait bien. Elle soupçonnait qu’il avait développé quelques sentiments à son égard. Dans tous les cas, il ne venait pas la voir par hasard. Elle l’avait vu préparé les détails de l’équipe à Osaru et le pensait déjà partit depuis un bon moment. Visiblement elle avait tort.
-J’ai parlé trop vite et maintenant je suis ridicule. Tu ne voudrais pas me donner un coup de main n’est-ce pas ?
Le sourire du gamin s’agrandit encore, confirmant les soupçons de la jeune fille. Il ne lui accorda qu’un signe de tête supplémentaire pour l’encourager à le suivre alors que déjà il rebroussait chemin, s’enfonçant sous la pénombre d’un porche. Sans un mot, il accéléra le pas pour finir par sauter sur une terrasse voisine. Là attendait une échelle qui les emmènerait sur les toits. Le petit singe connaissait la ville sur le bout des doigts et particulièrement tout ce qui offert aux yeux des étoiles. Il pointa son doigt vers l’Ouest dès que Rose eut fini de grimper.
-C’est la route qu’à suivit Osaru, la plus sûre jusqu’à l’enceinte. Normal c’est moi qui l’ai choisi. Une fois dedans, c’est une autre paire de manches. En fait, il lui aurait fallu contourner encore un peu l’usine pour viser la sortie de produit, bien moins gardé de nuit. Il y pensera peut-être mais jamais il n’imaginera grimper pour atteindre le troisième étage.
Santi se retourna, son sourire semblant encore plus éclatant sous les étoiles qu’en plein jour. Il gardait le meilleur pour la fin, faisant durer le suspens.
-C’est l’étage du directeur.
Rose ne put retenir sa surprise. Enoch ne leur avait rien communiqué sur le bureau du directeur, n’étant pas la cible de l’opération. Pour autant, tous les gamins connaissaient la rumeur comme quoi y reposait une liasse de plan en tous genre : recettes secrètes, outils farfelus, armes en projet…
Une vraie mine d’informations, un véritable trésor et probablement la raison de la présence d’Enoch lui-même ce soir. La tentation était grande quant à délaisser la mission pour aller jeter un œil dans le fameux coffre. Santi rajouta alors quelques indices quant-aux moyens d’y accéder et au temps qu’il leur faudrait pour revenir au cœur de l’usine compléter la mission. L’ensemble finit par vaincre l’hésitation de la jeune fille.
Le premier obstacle était donc la grande enceinte, plus de trois mètres de haut. Certains l’avaient escaladé à l’aide de cordes et grappin, d’autres choisis de sauter par-dessus via des bâtiments assez proches. Le groupe d’Osaru avait préféré cette solution malgré le détour que cela imposait pour se trouver au bon endroit quand l’usine vous tendait les bras droit devant. Les deux jeunes gens partirent donc, se dépêchant de rattraper le retard accumulé. Quatre foulées pour arriver au bord du toit puis se laisser tomber sur deux étages avant de rouler sur la gauche et traverser la rue. Les instructions de Santi passaient en boucle dans l’esprit de Rose, son corps effectuant presque machinalement les gestes à effectuer. Seuls ses yeux restaient dans une parfaite alerte, cherchant le meilleur endroit pour sauter, le coin à éviter si l’on ne voulait pas glisser,…
Les deux voleurs finirent par arriver aux abords de leurs points d’entrées. Ils accélèrent encore, sautant au-dessus du vide sans un regard que pour mieux enchaîner les bâtisses. Un sourire naquit sur les lèvres de la jeune Stark. La sensation de braver le danger, la mort elle-même était grisante. C’est aussi ce qui la fit rater le dernier point d’envol. Son pied se posa quelques centimètres trop loin et au lieu de la soutenir, les tuiles laissèrent son pied glisser. Rapidement, trop rapidement, elle sentit son corps penché dans l’abîme, ses yeux s’écartant de peur. D’un coup, d’un seul, elle ne contrôlait plus rien et un cri de terreur s’échappa de ses lèvres, inarrêtable.
Heureusement pour elle, Santi avait plongé pour l’aider. Leurs corps entremêlés furent déportés sur la gauche, plus près du bâtiment, peurs permettant d’atterrir avec fracas sur une terrasse plus bas. Tétanisé, Rose ne pouvait toujours pas bouger quelques minutes après sa frayeur. Pourtant, elle se força à se relever, son orgueil prenant le dessus sur sa peur du vide, apparut si soudainement. Il lui fallut trois nouveaux essais pour enfin réussir à passer outre et s’élancer depuis les toits. Avec l’aide de la corde laissée en position par Santi, ils purent finir escalader les derniers centimètres et retomber en douceur de l’autre côté.
Le cœur de la jeune fille bâtait la chamade et semblait de plus vouloir s’arrêter. À peine avait-elle atteint le sol que ses jambes flageolantes la lâchèrent. Ils perdaient un temps précieux. Santi, ayant plus l’habitude de telle mission d’envergure s’en sortait à merveille mais pour Rose, c’était la première fois. Une première fois plus qu’effrayante. Elle réussit malgré tout à se relever encore une fois. Le garçon l’aidant grandement par de petits mots encourageants. Il commença à escalader la façade de l’usine en premier, laissant ainsi Rose observer où poser les pieds et les mains. Une corde les rattachait tous les deux au cas où, les centimètres s’enchaînant rapidement et la hauteur grimpant progressivement.
Lorsqu’ils finirent par entrer à l’intérieur du bâtiment, le petit singe lui fit signe de se taire. En effet, en entendait malgré l’heure tardive quelque voix. Des gardes jouant aux cartes probablement. Les deux jeunes gens avancèrent à pas de loup et tandis que Rose restait en retrait, son compagnon alla jusqu’au tournant du couloir jeter un coup d’œil. Les deux gardes trompaient en fait leurs ennuis en jouant aux dés. Il ne regardait aucunement vers le couloir, assuré que personne ne grimperait les trois étages sans un bruit. D’un clin d’œil, il assura à Rose que tout était bon, sortant une petite boîte dans le même temps. Y résidait son matériel de crochetage qu’il s’appliqua à faire fonctionner. L’adolescent laissait sa lèvre dépassée du coin de sa bouche tandis qu’il appliquait une seconde tige métallique dans la serrure. Un petit « clic » le récompensa de ses efforts tandis que Rose sursauta comme si elle venait de voir un fantôme. La jeune fille était sûre que les gardes les avaient entendus mais pourtant, aucun bruit de pas ne vient vers eux. Elle n’eut plus qu’à suivre son amie qui resplendissait de fierté alors qu’il effectuait une petite courbette à son encontre.
La jeune Stark pénétra dans le bureau les yeux ronds comme des soucoupes. C’était une vraie caverne de trésors, chaque verrière révélant des objets plus surprenants que la précédente. Une récompense pour une recette par-ci, une carte de l’île par-là mais surtout nombre d’antiquité comme un long fusil à mousquet ou une pièce visiblement en or non loin du bureau central. Santi ne put détourner ses yeux de cette dernière et il fallut toute la force de Rose pour l’emmener plus profondément dans l’office. Le garçon se mit alors à fouiller le meuble prenant quasiment toute la largeur de la pièce. Encrier et feuille dans le premier tiroir, rien de bien passionnant mais dès qu’il tomba sur des parties cadenassées, un grand sourire s’afficha sur son visage. Il effectua ce qu’il savait faire de mieux alors que la jeune fille continuait de laisser traîner son regard. Un parchemin attira bien vite son intention. Sur une table un peu excentrée reposait nombre de papier, dessin d’appareils pour la plupart, simple note pour d’autres. Celui qui avait attiré l’œil de la jeune fille était un mix des deux. Visiblement un canon de pistolet mais la crosse était des plus inhabituelles. Il y en avait d’ailleurs plusieurs éparpillés sur le papier comme si son créateur n’avait pas encore choisi ou trouvé la bonne. Les nombreuses notes avec flèches indicatives en attestaient encore plus précisément.
La fille aux cheveux corbeau serait bien restée plus longtemps mais Santi la tira à son tour de sa rêverie. Sa voix vint subtilement se frayer un chemin parmi les canaux auditifs de Rose. L’inquiétude était parfaitement audible et lorsque la jeune Stark se retourna vers son ami, elle nota la couleur blanchâtre de sa peau. Il tenait alors une masse de papier dans les mains, la froissant au niveau de ses doigts tellement il la serrait fort.
-Non, non, non,…
-Santi ?
La voleuse, s’inquiétait pour son compagnon mais une peur plus vicieuse commençait à naitre dans son centre. L’appréhension de connaître la raison de l’état du petit singe. Ce dernier ne semblait pas l’entendre et il fallut qu’elle lui serre le poignet pour se révéler à ses sens.
-Santi, qu’est-ce qui ne va pas ?
Les yeux du garçon étaient particulièrement écarquillés, même dans la pénombre, Rose pouvait y décerner les quelques lignes de sang comme la frayeur qui emplissait ses pupilles. Un moment, elle crut qu’il craquerait mentalement et se mettrait à pleurer ici, dans le bureau du directeur. Il ouvrit les lèvres, les referma puis les rouvrit dans une hésitation muette. Comme si formuler ses pensées les rendrait plus réelles. Trop réelle. Le voleur jeta un dernier coup d’œil au parchemin toujours dans ses mains avant de ramener son attention sur la jeune fille.
-C’est un piège …
-Quoi ? Qu’est-ce que tu…
-UN PIEGE ROSE ! Tout ceci est un piège pour nous et Enoch!
Il n’attendit pas sa réaction et fila comme si la mort était à ses trousses. Un simple coup d’œil dans le couloir et il repartait vers la fenêtre. Rose le suivit sans un mot mais plein d‘interrogation en tête. Plutôt que redescendre, Santi préféra grimper vers le toit. La jeune Stark le suivit, l’empressement du jeune homme l’inquiétant presque plus que ses paroles. Suivant ses pas, elle s’accrocha à un tuyau d’évacuation des eaux. Son ami ne s’arrêtant qu’une fois arriver en haut pour l’aider à passer au-dessus de la balustrade. Ce faisant, il ne cessait de jeter des regards aux alentours, sa mâchoire se serrant sous le stress. Il la tira jusqu’à lui faire mal, plongé dans son état particulier.
-Dépêches-toi Rose, nous n’avons que peu de temps pour trouver Enoch. Lui seul saura quoi faire.
Une seconde fois, Santi partit sans attendre la jeune Stark. Cette dernière ne pouvait que le suivre sans un mot, attendant des réponses qui ne venaient pas. Les deux jeunes gens traversèrent le toit dans toute sa longueur au pas de course. Passé la troisième cheminée, le jeune garçon s’arrêta et jeta un coup d’œil sur la colline qui terminait le domaine de l’entreprise. Ses yeux se plissèrent de méfiance alors qu’il redescendait, s’accrochant à une balustrade pour mieux se laisser tomber en contrebas. Il était agile et rapide, ne semblant même pas chercher de prise. Il ne s’agissait là que des résultats d’un travail préparé mais cela restait tout de même impressionnant à la jeune fille. Il fallut plus de temps à Rose pour le suivre. « Sa voie des airs » l’emmena jusque vers un bâtiment plus bas, sans hésitation, il s’y jeta, se protégeant à peine le visage avant de briser la vitre de tout son corps.
Plus hésitante, la jeune Stark finit tout de même par le rejoindre. Il lui jeta un simple regard pour s’assurer qu’elle le suivait puis il continua sa course. Dorénavant, il n’essayait plus de cacher sa présence, tournant à droite ici, à gauche là sans prendre le temps d’y réfléchir apparemment. La voleuse l’arrêta finalement, devant y mettre toute ses forces pour le sortir de sa fuite en avant.
-Santi ! Stop !
-Qu’est-ce que tu fous Rose ? Lâches-moi tout de suite !
-Chut ! Écoutes.
Forçant le garçon à l’imiter, Rose posa une main sur la bouche de ce premier, pointant un couloir qui s’ouvrait un peu plus loin. Des bruits de pas s’entendaient. Bientôt, des vois se répercutèrent jusqu’à eux dans un brouhaha où se discernaient des bruits métalliques. Les deux adolescents, n’en comprenaient que trop bien l’origine. Même si Santi semblait s’être orienté au hasard, Rose avait finit par reconnaître l’aile de l’usine où il se trouvait. Le fameux coffre se trouvait quelques étages plus bas. Le garçon confirma leurs craintes dans un chuchotement effrayé.
-Ça a déjà commencé…
Cette fois, des larmes avaient bel et bien frayé leurs passages dans le creux se ses yeux, attendant quelques instants pour déborder et couleur sur ses joues. Rose le sentit trembler peu de temps avant que ses genoux ne le lâche. Elle ne le rattrapa que de justesse, le forçant à rester debout.
-allez, allez, on doit continuer, il reste plein de chances de s’en sortir. Tu connais les plans et ce piège, tu peux le faire. Je t’en prie Santi.
La jeune fille avait pris le visage de son compagnon entre ses mains alors qu’elle l’avait laissé s’asseoir doucement sur le sol, forçant le garçon à la regarder. Elle emplissait son champ de vision pour qu’il puisse se concentrer sur elle et sa voix. Finalement, dans un sourire triste, le « petit singe » se releva. La voix tremblante, il récapitula ce qu’il savait.
-La bergère est un diamant qui a la forme et la couleur d’un bonbon représentant une bergère en sucre. C’est le symbole de l’usine et de la famille Owling. Je ne sais pas ce qu’Enoch avait prévu d’en faire avec mais le contrat est un piège. Des soldats sont de gardes dans les niveaux inférieurs et dans les alentours. Toute l’usine est un gigantesque piège à rats… et nous sommes les rats. Plus on s’enfoncera dans le complexe, plus on sera dos au mur.
-Bien, bien… des combats ont déjà commencé, peut-être que certains de nos amis sont déjà prisonniers. Il nous faut trouver Enoch pour lui annoncer tout ça. D’après le plan il s’occupe du second étage n’est-ce pas ?
-Oui c’est ça.
-Bien, ce n’est qu’un étage en dessous. Allons-y.
Rose avait prononcé ces derniers mots avec conviction pour motiver autant Santi qu’elle-même. Guidant le jeune garçon par la main sur les premiers mètres, ce dernier finit par lui emboîter le pas et passer devant, connaissant bien mieux l’usine qu’elle. C’était un déchirement de délaisser les cris provenant du couloir mais les deux jeunes gens devaient penser à leurs objectifs avant tout. Passant le couloir, le petit singe choisit de passer par l’extérieur pour éviter toute rencontre inopportune. Ils se servirent du bras d’une lanterne pour se propulser un peu plus loin et atteindre le rebord d’un petit balcon. Après quelques instants d’attente pour déceler d’éventuels poursuivants, les deux adolescents pénétrèrent dans le deuxième étage. À pas de loup, ils s’engagèrent dans les couloirs, tendant l’oreille à chaque recoin, chaque intersection. Cela devenait de plus en plus difficile avec le brouhaha qui semblait provenir de tout l’édifice dorénavant.
Un brouhaha plus précis qui tenait plus du bruit distinct que de la première définition en fait finit par leur inciter à accélérer le pas. Le son de deux objets rentrant en collision puis du verre se brisant au sol. Les deux adolescents se regardèrent un instant, leurs visages en disant long sur les idées qui le traversèrent pas la tête avant qu’ils ne se projettent vers l’avant. Traversant tout le couloir, ils pénétrèrent dans l’avant-dernière pièce, la seule avec la porte ouverte et surtout, l’origine du bruit qui avait encore grossi en quelques secondes. À l’intérieur, Enoch combattait trois personnes et à en juger par son état, n’était pas en train de gagner. Son sourire étincelant était teinté de rouge avec au moins deux dents manquant sur le devant et son épaule était étrangement déplacée de son orbite.
Les trois gardes formaient un demi-cercle autour de lui tandis que le voleur appuyait son dos à une large armoire, visiblement le souffle court. Santi fut le premier à réagir, courant à travers la salle pour foncer tête en avant sur le garde le plus proche, l’emmenant dans son roulé-boulé. Alors que jusqu’à maintenant, les acteurs de la scénette semblaient maintenir un statut quo, reprenant tous leurs souffles ou récupérant de leurs blessures, l’intrusion du petit singe fut l’élément déclencheur du second acte.
Enoch s’avança à son tour sur le garde ayant détourné les yeux tandis que le troisième frappait le chef des voleurs de sa matraque. L’objet sonna fortement sur la manche du blond, l’arrêtant dans son mouvement et le mettant presque à genoux sous la douleur. Sa cible en profita pour revenir sur lui, décrochant un magistral coup de genou dans le beau visage ou tout du moins le précédemment beau visage du jeune homme. Le nez d’Enoch se brisa net, répandant du sang sur le pantalon de son agresseur.
Trop effrayé pour bouger jusqu’à maintenant, le son sinistre des os se brisant, ramena Rose dans la réalité. S’armant de son pistolet à silex, elle le braqua sur les deux assaillants, tentant de se montrer la plus menaçante possible malgré sa voix tremblotante.
-S…Stop ! ARRETEZ-VOUS TOUS !!
De fait, son cri suraigu arrêta tout le monde. Révélant sa présence et la menace du pistolet pointé dans leurs directions. S’il était clair qu’en un contre un, les chances d’être touchés étaient faibles, une balle perdue étai bien plus possible avec le nombre important de cibles. Voix toujours peu maîtrisée, elle reprit la parole, profitant des quelques instants où elle dominait la situation.
-Maintenant vous… vous allez gentiment nous laisser sortir… Le premier qui nous suit, je lui tire dessus, compris ?
Quelques secondes passèrent durant le temps où tous évaluaient le sérieux de la demande. Finalement, Enoch comme Santi qui avait dorénavant un magnifique œil au beurre noir, se déplacèrent lentement pour aller la rejoindre. Le premier souriait, surpris de la tournure des choses et de la prise de position de la jeune fille. Il récupéra bientôt le pistolet pour éviter tout tir malencontreux et plaçant leurs ennemis en joue. Son bras à lui ne tremblait pas, ni sa voix. Ainsi armé, il resplendissait de confiance en soi.
-Comme a dit la jeune fille, me premier qui bouge, je lui crée un troisième œil au milieu du front. Sur ce, messieurs, à une prochaine fois. Vos trognes me manqueront…
Le chef des voleurs s’éloigna d’un petit rire une fois que Santi et Rose étaient sortis de la salle sains et saufs. Les trois jeunes gens repartirent au pas de course, Enoch jetant régulièrement des coups d’œil derrière eux tandis que Santi ouvrait la marche. Ils s’arrêtent quelques instants au niveau de la baie vitrée qui avait vu rentrer les deux adolescents un peu plus tôt, le garçon révélant leur découverte à leur supérieur.
-C’est un piège Enoch ! Enfin, tu dois t’en douter maintenant…
La détresse se sentait clairement dans la voix du jeune homme. Son regard, dirigé vers le sol était comme un aveu silencieux, coupable d’apporter ses terribles nouvelles à son dirigeant. Son visage exprimait une douleur morale, incitant Rose à tendre la main pour le consoler. Il reprit la parole que quelques secondes avant qu’elle n’esquisse le geste.
-Il y a quelques gardes à l’intérieur mais c’est surtout l’extérieur le problème. Plus le temps va passer, plus l’usine va se remplir d’ennemi. L’alerte et l’assaut commencé, on doit avoir cinq minutes, dix grand max avant d’être incapable de sortir…. Je suis désolé.
Une seconde peine faisait écho à Santi, celle d’Enoch dont les épaules s’étaient affaissées lourdement à mesure que les mots tombaient. Rose crut d’abord que c’était à cause de la situation désastreuse dans laquelle ils étaient tous fourrés mais elle se trompait.
-Non Santi, c’est moi qui suis désolé. Tous ses gardes, ils sont là à cause de moi. L’expédition de ce soir n’avait pour but que de récupérer assez d’objets de valeur pour forcer Anorio Magiatti à nous laisser en paix. En faire un moyen de pression pour que Isabelle et moi-même puisse partir de cette île.
Les deux adolescents étaient muets de perplexité. Ils leur semblaient que leur leader parlaient une autre langue, ne comprenant même pas le sens global de ses paroles. Rose ouvrit la bouche mais aucun mot ne sortit. Santi était dans le même état, ses yeux sondant le regard du grand blond pour y trouver des réponses. Ce dernier poussa un soupir alors qu’il se courbait encore plus, se frottant le visage des mains. Il semblait plus que las alors qu’il se révélait toujours plus aux deux jeunes gens.
-Voilà six mois que la fille du directeur de l’usine et moi-même sommes amoureux. Malheureusement, jamais un voleur comme moi e pourrait rêver d’un jour l’épouser. Bien vite la seule solution que j’imaginais était de nous enfuir. Seulement, son père a argent et influence. Pas énormément certes mais toujours plus que moi. Nous ne serions pas allez bien loin. Je ne sais comment il a su pour ce soir mais ce n’est pas bon, pas bon du tout.
Malgré l’instant, malgré leurs mondes qui s’écroulaient sous leurs pieds, les deux jeunes gens pouvaient s’appuyer sur le supérieur. Coinçant l’arrêtes de son nez entre ses doigts, il réfléchissait déjà à la suite des événements. Rose jetait régulièrement des coups d’œil dans le couloir, surveillant de possible arrivant tandis que Santi faisait de même en dessous du balcon et plus loin vers le jardin. Enoch les rappela à lui d’un signe de main, les faisant s’approcher alors qu’il réglait mentalement les derniers détails de son plan.
-Bon. L’avantage c’est qu’on connaît l’emplacement de leurs troupes maintenant. Au vu de leur préparation, il doit connaître les nôtres. La sortie laissant le plus d’opportunité devrait être la porte d’entrée. Je m’occuperais donc d’ouvrir le portail pendant que vous deux allez récupérer tout le monde. Santi, tu connais l’édifice sur le bout des doigts, je compte sur toi. Je vous dirais bien de ne pas partir tant que vous n’avez pas prévenu tout le monde mais ça serait naïf. Allez aussi vite que vous le pouvez mais dans trois minutes, vous rebroussez chemin. Si la porte ne s’ouvre pas dans les deux minutes suivantes, vous passez par les toits. Prenez votre route d’arrivée si c’est celle dont tu m’avais parlé, vous devriez être à couvert des regards jusqu’au mur. Je m’occuperais de chercher d’éventuels retardataires après avoir ouvert le portail. Maintenant déguerpissez !
Il les congédia d’un signe de la main, le regard menaçant. Tous avaient entendu la peur dans la voix d’Enoch mais tous avaient choisi de l’ignorer. Ils savaient qu’ils devaient foncer presque tête baissée à défaut de se retrouver paralysé par la peur et l’enjeu. Rose, sans s’en rendre compte, s’éloigna en larmes de l’homme qui l’avait recueilli. Cela ressemblait trop à un adieu malgré toutes les folles rumeurs qui couraient sur le compte d’Enoch. Santi n’était pas loin de craquer lui aussi mais se répétant les parcours des autres groupes dans sa tête, il ne se laissait pas le temps de penser à autre chose. Une nouvelle fois, ils s’échappèrent par l’extérieur, s’accrochant à la balustrade du balcon pour mieux créer un mouvement de balancier afin d’atteindre la fenêtre du dessous. Santi semblait se moquer du nombre de fenêtre qu’il brisait et encore moins de ses blessures qui allaient croissant.
Cet étage était assez simple, suite de bureaux, il consistait en un alignement de porte pour redescendre plus bas, le cœur de l’usine. À partir de là, les troupes se feraient plus nombreuses, autant ennemies qu’alliées. Le petit singe en tête, Rose et lui avalèrent la distance comme un rien, passant devant un nombre incalculable de portes sans leur prêter la moindre attention. Santi s’adressa à son amie par-dessus son épaule comme pour la rassurer de la direction qu’il prenait.
-On arrive vers la zone d’action d’Edward, entre le hall et les ateliers ! Faudra se séparer le temps de fouiller toute la salle puis…
La balle qui lui traversa le corps l’empêcha de finir sa phrase. Sous le regard ahuri de la petite Stark. Le jeune homme ne semblait plus maître de ses mouvements, tiré vers l’arrière, sa bouche formait encore un mot qui restait coincé dans sa gorge. D’abord son épaule puis le reste de son corps, telle une onde de choc se propageant dans son être pour le propulser dans le mur derrière-lui. La balle s’y était déjà logée dans une gerbe de sang. Le corps mou du garçon rencontra le solide mur, s’effondrant l’instant d’après et laissant une large marque carmin à l’emplacement du choc. Rose était mortifiée. Immobile, incapable même de pensée, elle regardait Santi qui la regardait également.
La seule différence étant que ses yeux à lui n’exprimaient déjà plus rien, son âme partit au paradis des voleurs. Un mince filet de sang coulait de ses lèvres, donnant à son visage poupon, la minuscule dose d’horreur qu’il fallut pour sortir Rose de sa torpeur. Son cri à elle émergea, non retenu alors que ses genoux flageolaient de nouveau et qu’elle s’effondrait affolée. Le visage entre les mains, elle sentait ses larmes dévaler ses joues pour couler le long de sa gorge et sur sa poitrine. Son cri finit par mourir dans un hoquet lorsqu’elle entendit le fusil du tireur être rechargée. Elle recula presque à quatre pattes pour revenir dans le couloir précédant. Ses yeux toujours embués de larmes lui rendaient la vue floue presque inutilisable et c’est plus par instinct que par réelle initiative qu’elle se releva pour pénétrer dans la première pièce. Devinant son environnement au toucher, la jeune Stark finit par se cacher derrière un bureau métallique. Ainsi adosser au siège, espérant être dissimulé, elle avait plaqué ses mains sur sa bouche pour s’empêcher d’émettre des sons. Mais si elle ne sanglotait plus, ses yeux restaient de vraies rivières qui ne s’arrêtaient pas.
Elle resta prostrée ce qui lui sembla durer des heures alors qu’une minute à peine passait... Jusqu’au moment où la porte s’ouvrit. Aussi silencieusement que possible, quelqu’un entra. La jeune fille sortit bien son pistolet de sa ceinture mais sa main tremblait tellement qu’il en était inutilisable. Elle finit par se décider à fermer les yeux, s’imposant le calme pour si ce n’était identifier l’inconnu, au mois le détecter.
S’il essayait de se déplacer silencieusement, son pas lourd faisait tout de même un léger bruit sur la moquette du sol. Repérant le son sur sa droite, Rose se déporta à l’opposé, avançant petit à petit, tentant d’avoir tout le bureau entre deux. Pour ce faire, elle rouvrit les yeux, prenant un peu confiance en entendant la personne s’éloigner. Il regarda sous le premier bureau tenant plus de l’annexe pour le secrétaire. Apercevant un jeune homme assez maigre, fusil attaché dans le dos et armé d’un sabre dégainé mais pointé vers l’espace vide, probablement en cas d’attaque, la jeune Stark se décida à prendre sa chance. Mugi par le désespoir de ceux qui n’ont plus rien à perdre, elle s’élança vers son adversaire, sans chercher à se camoufler et armer de son pistolet, frappa aussi fort que possible. Le garde qui l’avait bien entendue arriver, se retourna juste à temps pour recevoir la crosse de l’arme sur la tempe ; l’envoyant dans les bras de Morphée quelques instants.
Rose resta quelques instants le souffle court alors que son cœur battait la chamade dans sa poitrine. Elle fixait le corps du garde presque persuadé qu’il allait se relever d’un moment à un autre. Remarquant que non, elle se détendit un peu. Si elle pleurait encore, le flot c’était considérablement tari, lui laissant une vision bien plus claire. Elle délaissa le corps pour jeter des coups d’œil au couloir. Au loin, des cris et surtout des coups de feu retentissaient. Visiblement Santi et elle était tombé sur un retardataire. À pas de loup, elle retraça son chemin vers le croisement. Ce faisant, elle sentait son esprit s’affoler un peu plus à chaque pas. Arrivée au tournant, elle n’osa regarder de peur d’encrer dans la réalité les événements récents. À raison.
Dès qu’elle posa ses yeux sur le cadavre, elle sentit son monde basculé. Ne pouvant avancer qu’en s’aidant du mur, elle ne faisait même plus attention à d’éventuels gardes alentour. Son regard restait fixé sur Santi, ses cheveux auburn après s’être gorgé de sang. La main tremblante, Rose replaça une mèche derrière l'oreille droite du jeune homme. Elle sentait la nausée lui remonter la gorge pour en libérer son dernier repas non loin du cadavre. Les yeux se gorgeaient de nouveau de larmes, bien plus amère cette fois. La peur n'y avait plus place, seule la terrible prise de conscience de la réalité emplissait son être. La jeune Stark s'était détournée du corps comme pour l'en préserver le plus possible, empêcher que ses vomissements ne viennent entacher encore plus Santi. Lorsqu'elle reposa son regard sur le visage de ce dernier, ce fut avec un sourire triste. Déjà, des images du temps passé ensemble refluaient dans son esprit. Rose avait posé la tête du garçon sur ses genoux, se fichant du sang qui se transportait sur ses vêtements. Mécaniquement, elle caressait les cheveux poisseux du cadavre, prisonnière de sa propre conscience.
Elle revoyait la première fois où ses yeux s'étaient posé sur le « petit singe » comme il aimai se surnommer. Sur lui et sa sœur. Inconsciemment, elle repensa à Esmera et ce pari stupide puis à toute cette mission. Un simple mot lui venait en tête « gâchis ». tout ceci pour punir deux jeunes gens amoureux... cela en devenait ridicule. La jeune fille sentit la colère monter en elle après la vague de tristesse. Objectivement, Enoch ne leur avait pas tout dit, il y avait bien plus de tenants à cette histoire, quant aux aboutissants,...