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The Departed [OneShot 1606]

C’est pas ma guerre.

Que jdis à l’officier sup’ qui m’toise d’ses gros yeux ronds d’furibardise. Ca lui plaît pas des masses. Et vas-y qu’y m’balance du Lieutenant Tahgel par-ci, et du Lieutenant Tahgel par-là, blah blah. Jconnais la rengaine. D’puis mon succès à Saint-Urea contre le gang de Tcheuk Nor’Ysse y s’disputent tous mon corps et mes aptitudes hors du commun. A croire qu’z’ont pas un pelé qui m’vaille chez eux, hein ?

J’écoute pas trop c’qu’y bavasse jusqu’à c’que les mots Médaille des Officiers fassent leur apparition dans mes tympans. Ca sonne bien, jcommence à m’intéresser un peu à son histoire, qu’y r’prend au début pour plus de clarté. Ca débute classique : la Marine est dans la merde, faut un gars doué pour réussir là où des bataillons entiers d’fins limiers ont échoué, mes capacités exceptionnelles à être discret quand la situation l’exige et mes états d’service passés, passage à l’ennemi d’quand j’étais jeune compris, m’posent en homme de la situation. L’lot d’balivernages habituels.

Jdemande des détails. J’les ai. L’galonné tremble rien qu’à les donner. Froussardeux, bureaucrate. J’gerbe ma haine d’sa caste dans un glaviot qui vient d’loin et qui s’écrase avec bruit dans la cour d’la base où jrépare ma roue d’charrette. Ma mission si j’l’accepte et j’ai pas l’choix consistera à traquer l’infâme, le redoutable, le terrible et l’affreux tueur aux œufs en chocolat piégés. J’ai ouï parler du truc. Un taré qui s’plaît à envoyer aux hauts gradés d’un peu partout dans South des grenades décorées d’c’t’infâme potion à couleur fécale dont y raffolent tous autant qu’y sont. Un taré qu’on surnomme Le Chocolatier. Rapport à son activité et faute d’savoir son vrai blaze. Qui tape à vingt mill’. ions. Un gros bonnet pour faire mes classes, mais ça m’va. J’ai toute latitude pour faire c’que j’ai à faire, sachant qu’les derniers éléments r’lieraient l’affaire à une boutique d’Baterilla.

Comme jdisais, c’est pas ma guerre. Quand on aime les trucs pour môme, on assume les risques. Imagine un peu si jvoulais vider des teilles comme jfais sans accepter les inconvénients qu’ça suppose : réveils dans une autr’ réalité, c’catrices orphelines, blâmes indus… Tu t’dirais qu’jsuis hypocrite. Ben là c’est la même. Et en plus l’coin où on m’envoie vérifier et conclure est un trou perdu pour bouseux en prér’traite. Mais bon. Jtope quand même, donc. L’officier est du genre complexion nerveuse, soixante kilos d’os tout mouillé, fait un tour sur lui-même quand jlui en tape five.

Avant qu’y parte en m’laissant l’dossier qu’il a sous l’bras, j’réfléchis un temps suffisant à slurper deux gorgées pis jlui dis qu’j’aurai b’soin d’un laissez-passer sous un nom d’emprunt et d’lettres de r’commandation, manière d’me fondre dans l’paysage. Fondre, chocolat, t’as vu l’jeu d’mots ? Héhé. Mais donc. L’idée qu’j’ai c’est d’m’taper l’incrust’ dans l’circuit d’fabrication des œufs, seul moyen qu’jvois pour le Chocolatier d’assurer son business avec autant d’régularité qu’il l’a fait sans s’faire choper. D’mémoire y en a bien eu une dizaine, d’gradés qu’s’sont faits éclater la mâchoire et les deux oreilles en bouffant des friandises un peu partout sur la Blue. Tout ça en quoi, trois mois ? Ca fait un bon nombre, ça exige un peu d’stabilité, des habitudes, une routine qu’oblige pas à tout r’planifier à chaque fois. En clair faut être dans l’métier. D’près où d’loin.

Tahar McLane, M’sieur, jsuis là pour la place.

Qu’j’jacte au gars qu’m’ouvre la porte. Deux s’maines et un explosé après la prise du dossier. L’gérant d’après c’qui m’dit. Un gros type plein d’barbe. Dégueu pour un faiseur de bouffe, tu m’diras. Et jpense pareil. Mais après y m’dit qu’y participe plus à la cuisine. Qu’y sert juste d’nom et d’fronton pour sa marque. Kinnedeur, c’est, son blaze. Jconnaissais pas avant y a une quinzaine mais y paraît qu’c’est super connu parmi les amateurs, ça doit garantir les ventes. Enfin bref, c’est d’l’économie, c’est chiant, passons à autre chose. Jrentre derrière lui, y m’présente au monde. Jvois une douzaine d’employés dont deux blondes aux caisses, deux brunes à l’emballage d’colis, et l’reste c’est du mâle qui fabrique.

C’là que j’me rends compte que l’patron est pas si gros qu’ça. Parmi la huitaine d’cuistots y en a un qu’émerge. Littéral’ment. Une montagne. Carrure d’boucher et crâne lisse. Jsais qu’c’est lui avant d’savoir son nom. L’Chocolatier, ça lui colle bien aux basques. Charcutier aussi, ça irait bien. Bref. En vrai il a un nom banal que jretiens pas. Un nom banal pour un mec qu’aurait pu être banal. Mais qui l’est pas. Et jsais. Pendant qu’jme d’mande comment personne a pu griller qu’ce type est pas normal, j’avise son r’gard et j’sais qu’y sait que jsais. On a pas b’soin d’se saluer. On a pas b’soin d’se sourire. On a pas b’soin d’faire semblant d’faire poti-potin avant d’passer au reste. Jsuis l’intrus qu’est v’nu lui s’couer ses puces d’tueur dans sa niche, il est l’gibier et jsuis l’chien d’chasse. Ca va clasher sous peu.

Hey McLane, tveux des bonbons ? J’en ai dans les vestiaires, suis-moi donc. Aie pas peur.

Ou un truc approchant. T’sais comment sont les méchants, persuadés qu’les gentils sont des glandus. Mais l’idée y est, y m’invite comme un pédophile. Et j’accepte. Jsais bien qu’c’est pas bien. Ma maman aussi m’a prév’nu quand j’étais môme : P’tit Tahar, suis pas les inconnus qui t’offrent des bonbons dans la rue. Mais d’une on est pas dans la rue, d’deux on est pas des inconnus puisqu’on s’connaît, sous d’faux noms certes mais on s’connaît pour c’qu’on est : un truand et un r’présentant d’la justice. D’trois on est faits pour s’marrav’, alors autant y aller direct. D’quatre, autant s’éloigner pour limiter les dégâts collatéraux. Les civils ça fait pas top dans les rapports. Et vlà, j’le suis dans les vestiaires. Les vestiaires c’est là où y s’changent tous avant d’mettre la main à la pâte, en temps normal. Y a des casiers et des bancs et même une douche pour rentrer chez soi sans puer l’chocopasbon après une journée d’taff. La boîte a l’air d’bien s’occuper d’ses employés, c’est cool. Et nous on va bien s’occuper d’la boîte.


The Departed [OneShot 1606] 661875SignTahar
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Spoiler:

L’Chorcutier m’entame direct au dénerveur. Un couteau qu’il avait pas déclaré à la douane. L’fumier. M’apprendra à être trop coulant et à pas faire rel’ver leurs manches aux magiciens qui vont m’faire des tours. Mais donc, chtok, j’ai un trou dans la bedaine, alentour d’la rate mais pas dedans. C’aurait été gênant faut dire. Mais j’ai d’la chance. J’ai toujours eu beaucoup d’chance. Et l’organe est pas atteint. Et ça pisse que du sang. Pas d’bile. Du sang noir. Un peu marron. Couleur chocolat. Ptet les échantillons qu’j’ai dû m’enfiler d’puis dix jours pour rentrer dans mon rôle. Pour rien final’ment, ouais. Puisqu’l’infiltration a pas marché. Putain, quand jpense que si ça s’trouve j’ai un diabète en plus d’ma cirrhose maint’nant. Salope de mouette, qu’est-ce qu’on f’rait pas pour toi. Et j’ai pas vingt-cinq piges. Qu’est-ce’ce s’ra plus tard.

J’ai pas fini d’penser que j’décolle, littéral’ment, d’mes bottes-chaussettes, traverse un mur, un étal, deux étals, une caisse enregistreuse, une vitrine et la rue boueuse, pis échoue dans un abreuvoir qui traînait par là.

Salut l’cheval, tu vas bien ?

Qu’jdemande en m’rel’vant au bourrin dont j’ai interrompu la buvette. Pour toute réponse ce connard à grosses dents m’crache son whisky d’aquaphile à la gueule donc j’lui r’tourne une mandale qui l’envoie dire bonjour à sa maman au paradis des équins. Et m’v’là donc debout nus pieds, tête mouillée, dans une rue pour pouilleux, avec un géant d’deux mètres sans les poils à mater d’vant moi. Mater au sens de lui foutre sa rouste, entendons-nous, pas d’le mirer sous tous les angles. Et ent’ lui et moi, dix mètres de verre pilé à traverser. Même pas mal.

Jpourrais sauter pour éviter l’truc ou juste contourner la flaque d’éclats mais, pris d’une subite inspiration d’conn’rie comme j’en ai peu, j’y vais en marchant. Tranquille. Même pas mal jdisais. Et, les plantes de panards en bouillie, sous les yeux éberlués d’mon adversaire très méchant d’la vie, jlui tapote sa bedaine en m’tenant la mienne pour arrêter mon hémorragie. Mon coup d’tête l’envoie au moins deux pouces en arrière, c’qui m’permet d’lui bouyave les ratiches à coup d’savate pas orthodoxe. Seul’ment y s’passe alors un truc que j’avais pas prévu. Délesté du poids d’deux molaires il est désormais ‘ach’ment plus rapide et, pendant qu’son poing droit m’laboure les côtes à la r’cherche de mes intestins, son coude gauche s’abat avec la force de dix vachoratops au galop sur mon épaule qui fait crac, qui fait boum, qui fait huu.

Et j’ai pas d’tranchant pour contrer ses assauts, jsuis v’nu en touriste en laissant mes armes à l’hôtel. M’apprendra aussi à être trop confiant. L’Charculatier s’acharne et m’fait voir une verte et douze pas mûres. Il est méthodique, minutieux, expérimenté. Et j’comprends qu’j’ai aucune chance. Bon, jcomprends mal, forcément, sinon j’srais pas un héros, mais sur le moment j’ai l’impression qu’j’vais pas t’nir longtemps. Les parpaings qu’y m’assène font honneur à sa trentaine bien sonnée. Il est dans la force de l’âge et m’souffle bien les bougies. J’laisse couler, pas l’choix. Et jme perds. Jpense à un tournoi d’belote. Pourquoi un putain d’jeu d’cartes ? Parc’que. C’des jeux relous qui m’donnent des envies d’violence. D’vraie violence pure qui défouraille sa race. Ca, ça va m’servir quand son enchaîn’ment s’ra terminé.

Y s’termine. Jsuis terminé aussi. Dans un casier.

Dans. A l’intérieur. La porte enfoncée dans l’dos. Et toujours pas d’bonbon. C’t’enflure m’a menti. M’a trompé. Maman avait raison. Jamais croire les étrangers. Ca m’met en rogne. Ca et la belote. La violence. Jvois rouge. Jvois vert. Jvois bleu pis j’me lève. J’dois avoir grise mine. Héhé, arc-en-ciel style, t’as vu ? Fini d’rire gars. Ton crâne lisse, jvais t’le polir, l’polisher à la pogne avec un amour tout spécial, et après j’vais l’défoncer à la phalange, au talon, au g’nou et au coude. A la dent aussi ptet mais ça j’promets rien, c’sra si jsuis inspiré.

J’le suis. Inspiré. Faut dire qu’ses mires béates quand j’me sors d’ma cage en fer m’incitent pas à la gentillesse. Jsuis pas gentil avec les surpris. Faut être prêt à tout dans la vie, s’attendre à tout tout l’temps. Sinon tu t’fais piner. Ou buriner. Ou éburner. Eburner c’est un truc sale mais avec l’couteau qu’y m’a planté tout à l’heure et qu’il a pas récupéré, ça m’vient presqu’ naturell’ment dans la phase retour. Faut que j’le tatanne encore un peu pour qu’il accepte d’s’effondrer mais les noix en moins lui font d’l’effet. Tant pis, j’irai pas à la dent. J’le crois fini. C’est une erreur d’débutant. Lui aussi en a dans la couenne. D’la résistance. Y s’relève, m’sourit avec ses ptits chicots d’psychopathe méthodique. Il a tout prévu. Même sa fin. Et sa fin approche. Et sa fin c’est moi. C’est ici. C’est maint’nant. Et il est prêt. Ca ça m’incite à la gentillesse. Cf. au-d’ssus.

Comment on dit McLane ? Yippe Kay ? Jte r’vois tout à l’heure d’l'autre côté, huhuhhff…

Et y clabote. Ou s’éteint juste pour la forme. S’étale par terre, s’déroule. Ouvre un bras, ouvre une palme. D’dans y a une grenade. Une putain d’grenade. Un ptit truc, hein. Plus ptit qu’les traditionnelles qu’on fait joujou avec sur les fronts quand on porte un uniforme et qu’on s’fait r’filer du matos standard. Mais vu les états d’service du sieur Chocolatier, j’ai pas b’soin d’un dessin pour savoir qu’ça va faire boum et qu’y en a forcément quelques dizaines d’autres planquées dans l’coin. Maousse boum en vue captain. Et dix putains d’instants à tout casser avant ça. J’ai l’choix ent’ faire mon bon samaritain, prendre deux plombes à m’lever et à m’diriger vers la pièce à côté où y a ptet encore du civil et crever avec eux dans ma B-A, ou juste me l’ver et m’esbigner par la vitrine en morceaux. Ent’ ma vie et celle des autres, quoi.

Jchoisis c’que tout l’monde choisit dans ces situations.

Et huit jours plus tard jsuis sur mon lit dans ma chambre blanche qu’l’infirmière s’en tire précipitamment et j’réajuste ma mise en entendant des bruits d’pas dans l’couloir. Entre le mec du début. L’nerveux. L’bureaucrate. Et pour service rendu au monde, j’ai droit à mon bout d’papier et à mon bout d’métal qui brille. La classe. Aux distinctions officielles est jointe une autre. Civile. Un cadeau d’Kinnedeur que jbalance à la poubelle. D’vait y avoir personne dans l’aut’ pièce final’ment.


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