C’est pas ma guerre.
Que jdis à l’officier sup’ qui m’toise d’ses gros yeux ronds d’furibardise. Ca lui plaît pas des masses. Et vas-y qu’y m’balance du Lieutenant Tahgel par-ci, et du Lieutenant Tahgel par-là, blah blah. Jconnais la rengaine. D’puis mon succès à Saint-Urea contre le gang de Tcheuk Nor’Ysse y s’disputent tous mon corps et mes aptitudes hors du commun. A croire qu’z’ont pas un pelé qui m’vaille chez eux, hein ?
J’écoute pas trop c’qu’y bavasse jusqu’à c’que les mots Médaille des Officiers fassent leur apparition dans mes tympans. Ca sonne bien, jcommence à m’intéresser un peu à son histoire, qu’y r’prend au début pour plus de clarté. Ca débute classique : la Marine est dans la merde, faut un gars doué pour réussir là où des bataillons entiers d’fins limiers ont échoué, mes capacités exceptionnelles à être discret quand la situation l’exige et mes états d’service passés, passage à l’ennemi d’quand j’étais jeune compris, m’posent en homme de la situation. L’lot d’balivernages habituels.
Jdemande des détails. J’les ai. L’galonné tremble rien qu’à les donner. Froussardeux, bureaucrate. J’gerbe ma haine d’sa caste dans un glaviot qui vient d’loin et qui s’écrase avec bruit dans la cour d’la base où jrépare ma roue d’charrette. Ma mission si j’l’accepte et j’ai pas l’choix consistera à traquer l’infâme, le redoutable, le terrible et l’affreux tueur aux œufs en chocolat piégés. J’ai ouï parler du truc. Un taré qui s’plaît à envoyer aux hauts gradés d’un peu partout dans South des grenades décorées d’c’t’infâme potion à couleur fécale dont y raffolent tous autant qu’y sont. Un taré qu’on surnomme Le Chocolatier. Rapport à son activité et faute d’savoir son vrai blaze. Qui tape à vingt mill’. ions. Un gros bonnet pour faire mes classes, mais ça m’va. J’ai toute latitude pour faire c’que j’ai à faire, sachant qu’les derniers éléments r’lieraient l’affaire à une boutique d’Baterilla.
Comme jdisais, c’est pas ma guerre. Quand on aime les trucs pour môme, on assume les risques. Imagine un peu si jvoulais vider des teilles comme jfais sans accepter les inconvénients qu’ça suppose : réveils dans une autr’ réalité, c’catrices orphelines, blâmes indus… Tu t’dirais qu’jsuis hypocrite. Ben là c’est la même. Et en plus l’coin où on m’envoie vérifier et conclure est un trou perdu pour bouseux en prér’traite. Mais bon. Jtope quand même, donc. L’officier est du genre complexion nerveuse, soixante kilos d’os tout mouillé, fait un tour sur lui-même quand jlui en tape five.
Avant qu’y parte en m’laissant l’dossier qu’il a sous l’bras, j’réfléchis un temps suffisant à slurper deux gorgées pis jlui dis qu’j’aurai b’soin d’un laissez-passer sous un nom d’emprunt et d’lettres de r’commandation, manière d’me fondre dans l’paysage. Fondre, chocolat, t’as vu l’jeu d’mots ? Héhé. Mais donc. L’idée qu’j’ai c’est d’m’taper l’incrust’ dans l’circuit d’fabrication des œufs, seul moyen qu’jvois pour le Chocolatier d’assurer son business avec autant d’régularité qu’il l’a fait sans s’faire choper. D’mémoire y en a bien eu une dizaine, d’gradés qu’s’sont faits éclater la mâchoire et les deux oreilles en bouffant des friandises un peu partout sur la Blue. Tout ça en quoi, trois mois ? Ca fait un bon nombre, ça exige un peu d’stabilité, des habitudes, une routine qu’oblige pas à tout r’planifier à chaque fois. En clair faut être dans l’métier. D’près où d’loin.
Tahar McLane, M’sieur, jsuis là pour la place.
Qu’j’jacte au gars qu’m’ouvre la porte. Deux s’maines et un explosé après la prise du dossier. L’gérant d’après c’qui m’dit. Un gros type plein d’barbe. Dégueu pour un faiseur de bouffe, tu m’diras. Et jpense pareil. Mais après y m’dit qu’y participe plus à la cuisine. Qu’y sert juste d’nom et d’fronton pour sa marque. Kinnedeur, c’est, son blaze. Jconnaissais pas avant y a une quinzaine mais y paraît qu’c’est super connu parmi les amateurs, ça doit garantir les ventes. Enfin bref, c’est d’l’économie, c’est chiant, passons à autre chose. Jrentre derrière lui, y m’présente au monde. Jvois une douzaine d’employés dont deux blondes aux caisses, deux brunes à l’emballage d’colis, et l’reste c’est du mâle qui fabrique.
C’là que j’me rends compte que l’patron est pas si gros qu’ça. Parmi la huitaine d’cuistots y en a un qu’émerge. Littéral’ment. Une montagne. Carrure d’boucher et crâne lisse. Jsais qu’c’est lui avant d’savoir son nom. L’Chocolatier, ça lui colle bien aux basques. Charcutier aussi, ça irait bien. Bref. En vrai il a un nom banal que jretiens pas. Un nom banal pour un mec qu’aurait pu être banal. Mais qui l’est pas. Et jsais. Pendant qu’jme d’mande comment personne a pu griller qu’ce type est pas normal, j’avise son r’gard et j’sais qu’y sait que jsais. On a pas b’soin d’se saluer. On a pas b’soin d’se sourire. On a pas b’soin d’faire semblant d’faire poti-potin avant d’passer au reste. Jsuis l’intrus qu’est v’nu lui s’couer ses puces d’tueur dans sa niche, il est l’gibier et jsuis l’chien d’chasse. Ca va clasher sous peu.
Hey McLane, tveux des bonbons ? J’en ai dans les vestiaires, suis-moi donc. Aie pas peur.
Ou un truc approchant. T’sais comment sont les méchants, persuadés qu’les gentils sont des glandus. Mais l’idée y est, y m’invite comme un pédophile. Et j’accepte. Jsais bien qu’c’est pas bien. Ma maman aussi m’a prév’nu quand j’étais môme : P’tit Tahar, suis pas les inconnus qui t’offrent des bonbons dans la rue. Mais d’une on est pas dans la rue, d’deux on est pas des inconnus puisqu’on s’connaît, sous d’faux noms certes mais on s’connaît pour c’qu’on est : un truand et un r’présentant d’la justice. D’trois on est faits pour s’marrav’, alors autant y aller direct. D’quatre, autant s’éloigner pour limiter les dégâts collatéraux. Les civils ça fait pas top dans les rapports. Et vlà, j’le suis dans les vestiaires. Les vestiaires c’est là où y s’changent tous avant d’mettre la main à la pâte, en temps normal. Y a des casiers et des bancs et même une douche pour rentrer chez soi sans puer l’chocopasbon après une journée d’taff. La boîte a l’air d’bien s’occuper d’ses employés, c’est cool. Et nous on va bien s’occuper d’la boîte.
Que jdis à l’officier sup’ qui m’toise d’ses gros yeux ronds d’furibardise. Ca lui plaît pas des masses. Et vas-y qu’y m’balance du Lieutenant Tahgel par-ci, et du Lieutenant Tahgel par-là, blah blah. Jconnais la rengaine. D’puis mon succès à Saint-Urea contre le gang de Tcheuk Nor’Ysse y s’disputent tous mon corps et mes aptitudes hors du commun. A croire qu’z’ont pas un pelé qui m’vaille chez eux, hein ?
J’écoute pas trop c’qu’y bavasse jusqu’à c’que les mots Médaille des Officiers fassent leur apparition dans mes tympans. Ca sonne bien, jcommence à m’intéresser un peu à son histoire, qu’y r’prend au début pour plus de clarté. Ca débute classique : la Marine est dans la merde, faut un gars doué pour réussir là où des bataillons entiers d’fins limiers ont échoué, mes capacités exceptionnelles à être discret quand la situation l’exige et mes états d’service passés, passage à l’ennemi d’quand j’étais jeune compris, m’posent en homme de la situation. L’lot d’balivernages habituels.
Jdemande des détails. J’les ai. L’galonné tremble rien qu’à les donner. Froussardeux, bureaucrate. J’gerbe ma haine d’sa caste dans un glaviot qui vient d’loin et qui s’écrase avec bruit dans la cour d’la base où jrépare ma roue d’charrette. Ma mission si j’l’accepte et j’ai pas l’choix consistera à traquer l’infâme, le redoutable, le terrible et l’affreux tueur aux œufs en chocolat piégés. J’ai ouï parler du truc. Un taré qui s’plaît à envoyer aux hauts gradés d’un peu partout dans South des grenades décorées d’c’t’infâme potion à couleur fécale dont y raffolent tous autant qu’y sont. Un taré qu’on surnomme Le Chocolatier. Rapport à son activité et faute d’savoir son vrai blaze. Qui tape à vingt mill’. ions. Un gros bonnet pour faire mes classes, mais ça m’va. J’ai toute latitude pour faire c’que j’ai à faire, sachant qu’les derniers éléments r’lieraient l’affaire à une boutique d’Baterilla.
Comme jdisais, c’est pas ma guerre. Quand on aime les trucs pour môme, on assume les risques. Imagine un peu si jvoulais vider des teilles comme jfais sans accepter les inconvénients qu’ça suppose : réveils dans une autr’ réalité, c’catrices orphelines, blâmes indus… Tu t’dirais qu’jsuis hypocrite. Ben là c’est la même. Et en plus l’coin où on m’envoie vérifier et conclure est un trou perdu pour bouseux en prér’traite. Mais bon. Jtope quand même, donc. L’officier est du genre complexion nerveuse, soixante kilos d’os tout mouillé, fait un tour sur lui-même quand jlui en tape five.
Avant qu’y parte en m’laissant l’dossier qu’il a sous l’bras, j’réfléchis un temps suffisant à slurper deux gorgées pis jlui dis qu’j’aurai b’soin d’un laissez-passer sous un nom d’emprunt et d’lettres de r’commandation, manière d’me fondre dans l’paysage. Fondre, chocolat, t’as vu l’jeu d’mots ? Héhé. Mais donc. L’idée qu’j’ai c’est d’m’taper l’incrust’ dans l’circuit d’fabrication des œufs, seul moyen qu’jvois pour le Chocolatier d’assurer son business avec autant d’régularité qu’il l’a fait sans s’faire choper. D’mémoire y en a bien eu une dizaine, d’gradés qu’s’sont faits éclater la mâchoire et les deux oreilles en bouffant des friandises un peu partout sur la Blue. Tout ça en quoi, trois mois ? Ca fait un bon nombre, ça exige un peu d’stabilité, des habitudes, une routine qu’oblige pas à tout r’planifier à chaque fois. En clair faut être dans l’métier. D’près où d’loin.
Tahar McLane, M’sieur, jsuis là pour la place.
Qu’j’jacte au gars qu’m’ouvre la porte. Deux s’maines et un explosé après la prise du dossier. L’gérant d’après c’qui m’dit. Un gros type plein d’barbe. Dégueu pour un faiseur de bouffe, tu m’diras. Et jpense pareil. Mais après y m’dit qu’y participe plus à la cuisine. Qu’y sert juste d’nom et d’fronton pour sa marque. Kinnedeur, c’est, son blaze. Jconnaissais pas avant y a une quinzaine mais y paraît qu’c’est super connu parmi les amateurs, ça doit garantir les ventes. Enfin bref, c’est d’l’économie, c’est chiant, passons à autre chose. Jrentre derrière lui, y m’présente au monde. Jvois une douzaine d’employés dont deux blondes aux caisses, deux brunes à l’emballage d’colis, et l’reste c’est du mâle qui fabrique.
C’là que j’me rends compte que l’patron est pas si gros qu’ça. Parmi la huitaine d’cuistots y en a un qu’émerge. Littéral’ment. Une montagne. Carrure d’boucher et crâne lisse. Jsais qu’c’est lui avant d’savoir son nom. L’Chocolatier, ça lui colle bien aux basques. Charcutier aussi, ça irait bien. Bref. En vrai il a un nom banal que jretiens pas. Un nom banal pour un mec qu’aurait pu être banal. Mais qui l’est pas. Et jsais. Pendant qu’jme d’mande comment personne a pu griller qu’ce type est pas normal, j’avise son r’gard et j’sais qu’y sait que jsais. On a pas b’soin d’se saluer. On a pas b’soin d’se sourire. On a pas b’soin d’faire semblant d’faire poti-potin avant d’passer au reste. Jsuis l’intrus qu’est v’nu lui s’couer ses puces d’tueur dans sa niche, il est l’gibier et jsuis l’chien d’chasse. Ca va clasher sous peu.
Hey McLane, tveux des bonbons ? J’en ai dans les vestiaires, suis-moi donc. Aie pas peur.
Ou un truc approchant. T’sais comment sont les méchants, persuadés qu’les gentils sont des glandus. Mais l’idée y est, y m’invite comme un pédophile. Et j’accepte. Jsais bien qu’c’est pas bien. Ma maman aussi m’a prév’nu quand j’étais môme : P’tit Tahar, suis pas les inconnus qui t’offrent des bonbons dans la rue. Mais d’une on est pas dans la rue, d’deux on est pas des inconnus puisqu’on s’connaît, sous d’faux noms certes mais on s’connaît pour c’qu’on est : un truand et un r’présentant d’la justice. D’trois on est faits pour s’marrav’, alors autant y aller direct. D’quatre, autant s’éloigner pour limiter les dégâts collatéraux. Les civils ça fait pas top dans les rapports. Et vlà, j’le suis dans les vestiaires. Les vestiaires c’est là où y s’changent tous avant d’mettre la main à la pâte, en temps normal. Y a des casiers et des bancs et même une douche pour rentrer chez soi sans puer l’chocopasbon après une journée d’taff. La boîte a l’air d’bien s’occuper d’ses employés, c’est cool. Et nous on va bien s’occuper d’la boîte.