Lexique :
Archi : Poisson nettoyeur, ami et compagnon de route d’Heïon.
Alistaire Morgus : Père adoptif d’Heïon, pêcheur sur l’île de l’Abondance.
Maïna Morgus : sœur adoptive d’Heïon
La mer de l’est. C’est ici qu’Archi et moi avons convenu de poursuivre notre anodine tournée après plusieurs représentations peu fructueuses sur ma South Blue natale, ponctuées de quelques aventures dont je me serais aisément passé. Plus précisément, c’est à logue Town que nous avait débarqué le paquebot emprunté pour l’occasion en échange de quelques corvées peu appréciées des membres de l’équipage, ainsi qu’une dizaine de représentations à l’œil pour les enfants présents à bord. Que pour les enfants.Malheureusement. Pas que je n’aime pas les marmots, mais j’ai toujours fermement repoussé l’idée même que, sous prétexte que des marionnettes en sont les outils, mes spectacles soient uniquement catégorisés comme produits pour enfants. Mes aspirations vont bien au-delà, et il sera un jour tant que les adultes admettent que mes personnages se nourrissent de leur comportement au quotidien bien plus que de toutes considérations enfantines.
Logue Town Si on m’avait prédit qu’un jour je pourrais mettre une image sur cette ville que nous contait souvent papa j’aurais sans doute eût du mal à y croire. Il faut dire que je n’en menais pas large à cette époque. Engoncée dans des vêtements qui recouvraient à l’outrance la majeure partie de mon corps, j’en étais encore à essayer de comprendre pourquoi le droit de nager librement avec les autres m’était interdit. A l’arrière de la demeure familiale, s’étendait un champ de bonne facture laissé en friche depuis le rachat de la maison par mes parents adoptifs. Au cours de longues soirées hivernales, qui n’avaient d’hivernales que le nom sur l’île de l’Abondance, papa nous y installait, Maïna et moi, pour nous instruire de l’histoire du monde tel que nos prédécesseurs l’avaient conçu. Une pipe accrochée aux lèvres, le tabac sans cesse retravaillé entre ses doigts experts avant de s’insérer dans l’objet, il jouissait de cette capacité innée à raconter l’histoire en contant des histoires. Nous buvions ses paroles et il n’était d’ailleurs pas rare de voir Maïna se blottir contre moi pour s’endormir, peu avant que je ne lui emboîte le bâillement. Souvent, nous passions la nuit dehors, papa n’osant pas rompre la monotonie d’un tableau qu’il se plaisait à contempler avant de rejoindre le lit conjugal. C’est donc dans ce petit coin de verdure qu’il avait un jour abordé Logue Town, la ville où tout commence et où tout se termine comme les gens la surnomment.
Où tout a commencé, c’est certain disait papa en recrachant lentement par la bouche une épaisse fumée grisâtre, mais, contrairement aux lieux communs, rien n’y est terminé. Pour lui, la formulation avait plutôt été inventée pour rassurer son monde et tenter d’oublier que l’île avait vu naître l’un des deux plus fameux pirates de toute l’histoire…Gol D Roger. En effet, bien que Roger fût exécuté ici plusieurs décennies auparavant, papa restait persuadé que cet homme n’avait jamais réellement disparu de la mémoire collective, que la trace qu’il avait laissée serait éternelle. Ainsi, c’est avec passion qu’il nous contait les aventures de cet homme hors du commun comme il se plaisait à le décrire, et bien que ses récits soient emprunts du dédain réservé aux pirates et à leurs méfaits, le ton de sa voix trahissait une admiration certaine pour l’homme à la moustache noire.
Logue Town est quasiment restée identique à ce qu’Alistaire Morgus m’en décrivait. Sur le port, des vendeurs à la crié qui essaye de refourguer leurs poissons fraîchement débarqués aux badauds de passage, avant d’orienter tout ce petit monde vers le centre-ville où la vente continuera. De longues ruelles pavées, des chevaux y battant la poussière de leurs fers, des échoppes à n’en plus savoir où donner de la tête, des coins, des recoins, des troquets installés en sous-sol et tant d’autres merveilles propres à éblouir un garçon de dix-huit ans qui n’a presque jamais quitté sa Blue. Tout convergeait vers la place centrale, cette fameuse place où avait été exécuté Roger, celle-là même où, par un sourire crapuleux et quelques mots lancés à la foule, il s’était assuré une place de choix au Panthéon des artistes. C’est là que mes pas me guident, là où Archi m’a convaincu de poser mon décor et jouer notre spectacle. C’est ici que nous aurons le plus de chances de rameuter du monde, et là-dessus je fais confiance à mon camarade pour donner de la voix. Evitant soigneusement d’emprunter la voie principale pour flâner dans les étroites ruelles adjacentes, je me retrouve rapidement bloqué dans un bouchon humain. Des commerçants braillent les mérites de leur artisanat pendant que d’autres s’attardent avec des clients pas pressés qui s’empilent sur toute la largeur du passage. Consciencieusement alignées tout du long, plusieurs femmes très légèrement vêtues tentent d’attirer le passant de quelques clins d’œil aguicheurs, de nombreux restaurateurs mettent à l’épreuve les papilles gustatives de chacun en faisant miroiter les mets les plus délicieux à des prix plus avantageux que ceux des concurrents et pour parfaire le tableau, des types aux allures un peu louchent balayent la foule du regard, probablement en quête d’un pigeon à dépouiller. Car si l’endroit regorge d’attrayantes nouveautés il n’en est pas moins un passage obligé pour tous les pirates de la mer de l’est qui souhaitent se rendre sur Grand Line, ou plus simplement se ragaillardir un peu en s’attardant près dans la ville de celui qui fût le seigneur des pirates de son époque.
Perdu dans mes rêveries, je ne fais pas attention au gars qui vient me bousculer. Il manque de me faire tomber, s’excuse, puis repart aussi sec, profitant de la foule pour disparaître. A priori pas bien plus vieux que moi, je ne peux graver dans mon esprit que sa longue chevelure blonde.
-Non mais dis donc, il va pas bien celui-là…hmmm…c’est louche. Heïon, jette un œil à tes affaires pour voir si tout est là…
Archi a mis dans le mile. J’ai beau fouiller chacune de mes poches, rien n’y fait. Le maigre pécule amassé sur South Blue a disparu. Le poisson nettoyeur saute immédiatement de mon épaule, prêt à slalomer entre les jambes pour rattraper le voleur et lui faire passer un sale quart d’heure, quand je le stoppe en le saisissant par la nageoire.
- Laisse Archi, ce n’est pas bien grave. S’il nous l’a pris, c’est qu’il en avait sûrement plus besoin que nous…et puis je compte sur toi pour ramener beaucoup de monde tout à l’heure…
Un rictus bienveillant, un regard apaisant, et mon ami rejoint son promontoire en grommelant quelques mots qui me font sourire. En jouant doucement des coudes, je finis par m’extraire de la masse pour finalement rejoindre l’artère principale.
Cette fois nous y sommes. La grande place de Logue Town. Une immense potence y trône tandis que de nombreux commerces improvisés l’entourent en longeant les murs. Un tour s’impose afin de dénicher l’endroit qui nous paraît le plus approprié. Il y a là trois poissonniers qui terminent la vente commencée sur le port, une marchande de fleur proposant des plantes toutes plus exotiques les unes que les autres, une autre vendant des produits de beauté fabriqués maison, cinq roulottes proposant nourriture et boissons à emporter, une dizaine de stands de jeux, ou attrapes nigauds c’est selon, en tout genre, deux maraîchers aux fruits et légumes abîmés par l’importation, quatre vendeurs de souvenirs en tous genres dont un qui nous gratifie d’un étrange ballet, puisqu’il n’est pas rare de le voir disparaître vers l’arrière d’une boutique avec un client puis réapparaître seul la seconde suivante. Prennent place également quelques jongleurs et autres cracheurs de feu, et enfin, des chats, beaucoup de chats ! On les dirait rassemblés ici pour tenir une réunion visant à faire d’eux les maîtres de la place, tout en profitant d’un gueuleton concocté par leurs futures victimes.
Après avoir fait trois fois le tour de la place, nous décidons finalement de nous installer dos à la potence, juste à droite de la marchande de fleur, laissant un large vide sur notre gauche. Quoi de mieux que de se poser devant cet endroit de légende, pour profiter pleinement du parfum de la fleur tout juste achetée.
Je dépose mon fatras à l’endroit choisi, sort les marionnettes une à une, puis monte le décor qui plantera les bases de la scène, pendant qu’Archi, dissimulé sous ma toge, vocalise pour haranguer la foule.
Archi : Poisson nettoyeur, ami et compagnon de route d’Heïon.
Alistaire Morgus : Père adoptif d’Heïon, pêcheur sur l’île de l’Abondance.
Maïna Morgus : sœur adoptive d’Heïon
La mer de l’est. C’est ici qu’Archi et moi avons convenu de poursuivre notre anodine tournée après plusieurs représentations peu fructueuses sur ma South Blue natale, ponctuées de quelques aventures dont je me serais aisément passé. Plus précisément, c’est à logue Town que nous avait débarqué le paquebot emprunté pour l’occasion en échange de quelques corvées peu appréciées des membres de l’équipage, ainsi qu’une dizaine de représentations à l’œil pour les enfants présents à bord. Que pour les enfants.Malheureusement. Pas que je n’aime pas les marmots, mais j’ai toujours fermement repoussé l’idée même que, sous prétexte que des marionnettes en sont les outils, mes spectacles soient uniquement catégorisés comme produits pour enfants. Mes aspirations vont bien au-delà, et il sera un jour tant que les adultes admettent que mes personnages se nourrissent de leur comportement au quotidien bien plus que de toutes considérations enfantines.
Logue Town Si on m’avait prédit qu’un jour je pourrais mettre une image sur cette ville que nous contait souvent papa j’aurais sans doute eût du mal à y croire. Il faut dire que je n’en menais pas large à cette époque. Engoncée dans des vêtements qui recouvraient à l’outrance la majeure partie de mon corps, j’en étais encore à essayer de comprendre pourquoi le droit de nager librement avec les autres m’était interdit. A l’arrière de la demeure familiale, s’étendait un champ de bonne facture laissé en friche depuis le rachat de la maison par mes parents adoptifs. Au cours de longues soirées hivernales, qui n’avaient d’hivernales que le nom sur l’île de l’Abondance, papa nous y installait, Maïna et moi, pour nous instruire de l’histoire du monde tel que nos prédécesseurs l’avaient conçu. Une pipe accrochée aux lèvres, le tabac sans cesse retravaillé entre ses doigts experts avant de s’insérer dans l’objet, il jouissait de cette capacité innée à raconter l’histoire en contant des histoires. Nous buvions ses paroles et il n’était d’ailleurs pas rare de voir Maïna se blottir contre moi pour s’endormir, peu avant que je ne lui emboîte le bâillement. Souvent, nous passions la nuit dehors, papa n’osant pas rompre la monotonie d’un tableau qu’il se plaisait à contempler avant de rejoindre le lit conjugal. C’est donc dans ce petit coin de verdure qu’il avait un jour abordé Logue Town, la ville où tout commence et où tout se termine comme les gens la surnomment.
Où tout a commencé, c’est certain disait papa en recrachant lentement par la bouche une épaisse fumée grisâtre, mais, contrairement aux lieux communs, rien n’y est terminé. Pour lui, la formulation avait plutôt été inventée pour rassurer son monde et tenter d’oublier que l’île avait vu naître l’un des deux plus fameux pirates de toute l’histoire…Gol D Roger. En effet, bien que Roger fût exécuté ici plusieurs décennies auparavant, papa restait persuadé que cet homme n’avait jamais réellement disparu de la mémoire collective, que la trace qu’il avait laissée serait éternelle. Ainsi, c’est avec passion qu’il nous contait les aventures de cet homme hors du commun comme il se plaisait à le décrire, et bien que ses récits soient emprunts du dédain réservé aux pirates et à leurs méfaits, le ton de sa voix trahissait une admiration certaine pour l’homme à la moustache noire.
Logue Town est quasiment restée identique à ce qu’Alistaire Morgus m’en décrivait. Sur le port, des vendeurs à la crié qui essaye de refourguer leurs poissons fraîchement débarqués aux badauds de passage, avant d’orienter tout ce petit monde vers le centre-ville où la vente continuera. De longues ruelles pavées, des chevaux y battant la poussière de leurs fers, des échoppes à n’en plus savoir où donner de la tête, des coins, des recoins, des troquets installés en sous-sol et tant d’autres merveilles propres à éblouir un garçon de dix-huit ans qui n’a presque jamais quitté sa Blue. Tout convergeait vers la place centrale, cette fameuse place où avait été exécuté Roger, celle-là même où, par un sourire crapuleux et quelques mots lancés à la foule, il s’était assuré une place de choix au Panthéon des artistes. C’est là que mes pas me guident, là où Archi m’a convaincu de poser mon décor et jouer notre spectacle. C’est ici que nous aurons le plus de chances de rameuter du monde, et là-dessus je fais confiance à mon camarade pour donner de la voix. Evitant soigneusement d’emprunter la voie principale pour flâner dans les étroites ruelles adjacentes, je me retrouve rapidement bloqué dans un bouchon humain. Des commerçants braillent les mérites de leur artisanat pendant que d’autres s’attardent avec des clients pas pressés qui s’empilent sur toute la largeur du passage. Consciencieusement alignées tout du long, plusieurs femmes très légèrement vêtues tentent d’attirer le passant de quelques clins d’œil aguicheurs, de nombreux restaurateurs mettent à l’épreuve les papilles gustatives de chacun en faisant miroiter les mets les plus délicieux à des prix plus avantageux que ceux des concurrents et pour parfaire le tableau, des types aux allures un peu louchent balayent la foule du regard, probablement en quête d’un pigeon à dépouiller. Car si l’endroit regorge d’attrayantes nouveautés il n’en est pas moins un passage obligé pour tous les pirates de la mer de l’est qui souhaitent se rendre sur Grand Line, ou plus simplement se ragaillardir un peu en s’attardant près dans la ville de celui qui fût le seigneur des pirates de son époque.
Perdu dans mes rêveries, je ne fais pas attention au gars qui vient me bousculer. Il manque de me faire tomber, s’excuse, puis repart aussi sec, profitant de la foule pour disparaître. A priori pas bien plus vieux que moi, je ne peux graver dans mon esprit que sa longue chevelure blonde.
-Non mais dis donc, il va pas bien celui-là…hmmm…c’est louche. Heïon, jette un œil à tes affaires pour voir si tout est là…
Archi a mis dans le mile. J’ai beau fouiller chacune de mes poches, rien n’y fait. Le maigre pécule amassé sur South Blue a disparu. Le poisson nettoyeur saute immédiatement de mon épaule, prêt à slalomer entre les jambes pour rattraper le voleur et lui faire passer un sale quart d’heure, quand je le stoppe en le saisissant par la nageoire.
- Laisse Archi, ce n’est pas bien grave. S’il nous l’a pris, c’est qu’il en avait sûrement plus besoin que nous…et puis je compte sur toi pour ramener beaucoup de monde tout à l’heure…
Un rictus bienveillant, un regard apaisant, et mon ami rejoint son promontoire en grommelant quelques mots qui me font sourire. En jouant doucement des coudes, je finis par m’extraire de la masse pour finalement rejoindre l’artère principale.
Cette fois nous y sommes. La grande place de Logue Town. Une immense potence y trône tandis que de nombreux commerces improvisés l’entourent en longeant les murs. Un tour s’impose afin de dénicher l’endroit qui nous paraît le plus approprié. Il y a là trois poissonniers qui terminent la vente commencée sur le port, une marchande de fleur proposant des plantes toutes plus exotiques les unes que les autres, une autre vendant des produits de beauté fabriqués maison, cinq roulottes proposant nourriture et boissons à emporter, une dizaine de stands de jeux, ou attrapes nigauds c’est selon, en tout genre, deux maraîchers aux fruits et légumes abîmés par l’importation, quatre vendeurs de souvenirs en tous genres dont un qui nous gratifie d’un étrange ballet, puisqu’il n’est pas rare de le voir disparaître vers l’arrière d’une boutique avec un client puis réapparaître seul la seconde suivante. Prennent place également quelques jongleurs et autres cracheurs de feu, et enfin, des chats, beaucoup de chats ! On les dirait rassemblés ici pour tenir une réunion visant à faire d’eux les maîtres de la place, tout en profitant d’un gueuleton concocté par leurs futures victimes.
Après avoir fait trois fois le tour de la place, nous décidons finalement de nous installer dos à la potence, juste à droite de la marchande de fleur, laissant un large vide sur notre gauche. Quoi de mieux que de se poser devant cet endroit de légende, pour profiter pleinement du parfum de la fleur tout juste achetée.
Je dépose mon fatras à l’endroit choisi, sort les marionnettes une à une, puis monte le décor qui plantera les bases de la scène, pendant qu’Archi, dissimulé sous ma toge, vocalise pour haranguer la foule.