Terre ! Terre à l’horizon !
Qu’beugle la vigie. Beugl’rait. Si y en avait une. Là-haut. A la pointe du mât. Mais y en a pas. Suis tout seul. Tout putain d’seul sur c’rafiot à la con. J’aurais ptet dû la garder à bord, la miss. La miss salope du cimetière. Mais seul’ment voilà. On m’la fait pas à moi. On m’suit pas pour mes beaux yeux. On m’suit pour me coffrer. Et ça j’aime pas. C’est intéressé. C’pas sincère comme affection. J’aime pas. Alors jbalance. A la flotte. A la bonne fortune. En pleine mer. Et démerde-toi si tu peux. On s’retrouv’ra en enfer, ptite garce. A la bonne tienne, et hisse et ho santiano.
J’oublie la gueuse deux instants. En face y a la terre, donc. Une terre grise. Pack’y fait nuit, aussi, j’t’ai pas dit. Nuit et moche. Moche genre humide. Pluvieux mais pas brumeux. On y voit. Y a deux fanaux par exemple à l’entrée du port là-bas sur la droite. Des loupiotes un peu partout pour l’gros d’la ville, et du gris sombre partout autour. A l’œil et à la longue vue, la même. Et les chantiers navals là-bas sur le côté un peu plus loin à droite. Bliss. Qu’est-ce que jfous près d’ce nid à mouettes, tu t’dis ?
J’y fous qu’ce con d’navire s’est foutu en dials-automatique et qu’j’ai rien pu caler à comment les arrêter, ces cons d’machins modernes. Ca c’était au début d’mon malheur. Après, j’ai grillé un reste de truc à fumer qu’y avait sur la table, j’ai vu des trucs flous, et j’me suis dit qu’c’tait mon étoile qui m’conduisait en direction d’aventures supertops floues, alors j’ai dit okay, jme suis assis les doigts d’pieds en éventail d’vant la barre qui bougeait toute seule, j’ai j’té l’sextant à la flotte, et j’me suis dit : Tahar, mon couillon, pionce.
Et j’ai pioncé.
Et là jme quille. J’m’étire façon gymnastique matinale. Sauf qu’on est l’minuit. Et jme d’mande un peu c’que jfous là. Y rest’rait pas un peu du truc qu’j’ai fumé par hasard ? Jretourne le rafiot pour trouver. Mais y a plus rien. Pourtant y aurait des cachettes, note. L’rafiot c’est un un-mât à moitié à vapeur que jsais pas trop comment ça fonctionne à part qu’ça fonctionne tout seul. C’est un peu flippant au début mais vachement pratique en définitive. Rien à glander. Juste r’garder qu’y ait rien d’vant d’temps en temps. Et encore, même les récifs qui sont sur les cartes ça les esquive tout seul. C’est merveilleux.
Un prototype ptet bien. Ca expliquerait l’coup d’rev’nir à Bliss tout seul. Vu qu’Bliss c’est un peu là où la Marine construit ses navires, stu vois c’que jveux dire. C’est aussi là où elle parquait deux d’ses divisions quand j’étais en poste sur South. Plein d’milliers d’hommes, des officiers à la pelle et des gonzes qui s’poutrent pas facilement tout en haut pour les surveiller. Yay.
Y a un truc quand même qu’j’ai bitté dans la notice, c’est comment jouer sur l’levier d’vitesse. Pas trop dur, r’marque : faut juste pousser ou tirer un machin près d’la barre. J’ai jamais réussi à arrêter l’truc complètement, mais j’peux ralentir. Alors j’ralentis. L’temps d’me boire un verre. Pis deux. A la place du tabac d’contrebande coupé à l’ail et à la ciboulette. Pis trois, allez, l’en reste plus masse dans la bouteille.
L’rafiot tousse, m’sort d’mon coma. Jvoudrais bien r’tourner sur West, jme dis. J’ai des trucs à y faire. Une Sublime qui m’y attend. Un vrai bateau à voile, la Sublime. Mais faut croire qu’la Dame veut pas. Ca m’gonfle.
Ca m’gonfle alors j’m’énerve. Et quand j’m’énerve jfais des trucs. Là en l’occurrence, jfais c’que personne aurait fait. Jpousse le levier à fond. Pis jvais à la sainte-barbe après avoir fait un détour à la réserve d’bouffe récupérer d’quoi faire des réactions chimiques sympas. Ouais pack’y a beau y avoir aucun canon à bord de c’rafiot, y a quand même une bonne cinquaine de barils de poudre entreposés là. Pour les mousquets planqués dans l’râtelier, probabl’ment. Jme concentre un peu. Manière d’me rappeler les quelques l’çons qu’m’avait balançées Piotr. Brosse-Man. A l’époque. Quand j’suis arrivé sur South et qu’on est allés casser du pirate méchant lui et moi et La Plaie. C’tait fun, c’qu’y m’disait.
Pis jconcocte un truc. Oh, Piotr aurait fait mieux. Sûr. Mais jpense ça va rendre un truc sympa quand même. J’apprends bien et vite. Tu m’diras, vu l’temps qu’il est resté en vie, valait mieux qu’j’apprenne vite. Mais bon. Passons. Jressors d’la pièce, jferme à clef, j’arrache la clenche et jbalance les deux à la baille. Quand jmire où on est, on est d’jà comme prévu près d’l’entrée d’un des deux chantiers. Jsuis trop fort, j’l’avais d’viné. Mine de rien c’t’herbe qu’était pas du tabac m’a ptet bien dév’loppé les capacités cognitives. On passe juste l’entrée du port. J’avise la tour avec le feu d’joie en haut, à quinze ou vingt brasses sur la gauche. Jme planque, j’ai vu des sentinelles s’agiter.
Les entrées doivent pas être autorisées à c’t’heure-ci.
Mais z’auront pas l’temps d’prendre la décision d’tirer a canon sur la coque. Chaîne des responsabilités, tout ça. Alors jcrache une dernière fois sur l’pont d’ce truc trop moderne pour moi, j’resserre ma ceinture pour pas paumer Narnak en nageant, et jsaute à l’eau. Du bord où ils peuvent pas m’voir. Et pendant qu’y bigophonent, affolés, à leur supérieur en s’rendant compte que malgré leur appel l’embarcation ralentit pas, jnage vers leur flanc. Jdégouline en sortant mais z’ont pas l’temps d’voir ma face avant d’être farçis par mon serviteur. J’m’assieds et j’mate au télescope, qu’j’ai gardé sur moi.
L’rafiot avance tranquille, et ralentit. P’tain d’guigne, les dials sont vraiment des inventions d’sagouin. L’rafiot s’arrête. Sur un quai pas loin d’un autre truc, en bois. Qu’est pas loin d’autres trucs en bois. Ca peut l’faire. Y a moyen qu’ça flambe assez fort, assez loin, assez longtemps. Pour que oui. Pour que ça. L’rafiot est investi. Des plantons, un gradé, des ordres qu’j’entends pas mais qu’jlis sur des lèvres. L’rafiot rougeoie. L’rafiot tremble. L’rafiot fumèche. L’rafiot fait boum.
L’reste aussi.
Boum. Reboum. Rereboum. Et l’dernier baril. Yee-haa.
Et maint’nant jfais quoi ? J’me barre en crawl. Vers l’port civil. Si jpouvais j’sifflerais, mais en battant des bras c’est pas pratique.
Qu’beugle la vigie. Beugl’rait. Si y en avait une. Là-haut. A la pointe du mât. Mais y en a pas. Suis tout seul. Tout putain d’seul sur c’rafiot à la con. J’aurais ptet dû la garder à bord, la miss. La miss salope du cimetière. Mais seul’ment voilà. On m’la fait pas à moi. On m’suit pas pour mes beaux yeux. On m’suit pour me coffrer. Et ça j’aime pas. C’est intéressé. C’pas sincère comme affection. J’aime pas. Alors jbalance. A la flotte. A la bonne fortune. En pleine mer. Et démerde-toi si tu peux. On s’retrouv’ra en enfer, ptite garce. A la bonne tienne, et hisse et ho santiano.
J’oublie la gueuse deux instants. En face y a la terre, donc. Une terre grise. Pack’y fait nuit, aussi, j’t’ai pas dit. Nuit et moche. Moche genre humide. Pluvieux mais pas brumeux. On y voit. Y a deux fanaux par exemple à l’entrée du port là-bas sur la droite. Des loupiotes un peu partout pour l’gros d’la ville, et du gris sombre partout autour. A l’œil et à la longue vue, la même. Et les chantiers navals là-bas sur le côté un peu plus loin à droite. Bliss. Qu’est-ce que jfous près d’ce nid à mouettes, tu t’dis ?
J’y fous qu’ce con d’navire s’est foutu en dials-automatique et qu’j’ai rien pu caler à comment les arrêter, ces cons d’machins modernes. Ca c’était au début d’mon malheur. Après, j’ai grillé un reste de truc à fumer qu’y avait sur la table, j’ai vu des trucs flous, et j’me suis dit qu’c’tait mon étoile qui m’conduisait en direction d’aventures supertops floues, alors j’ai dit okay, jme suis assis les doigts d’pieds en éventail d’vant la barre qui bougeait toute seule, j’ai j’té l’sextant à la flotte, et j’me suis dit : Tahar, mon couillon, pionce.
Et j’ai pioncé.
Et là jme quille. J’m’étire façon gymnastique matinale. Sauf qu’on est l’minuit. Et jme d’mande un peu c’que jfous là. Y rest’rait pas un peu du truc qu’j’ai fumé par hasard ? Jretourne le rafiot pour trouver. Mais y a plus rien. Pourtant y aurait des cachettes, note. L’rafiot c’est un un-mât à moitié à vapeur que jsais pas trop comment ça fonctionne à part qu’ça fonctionne tout seul. C’est un peu flippant au début mais vachement pratique en définitive. Rien à glander. Juste r’garder qu’y ait rien d’vant d’temps en temps. Et encore, même les récifs qui sont sur les cartes ça les esquive tout seul. C’est merveilleux.
Un prototype ptet bien. Ca expliquerait l’coup d’rev’nir à Bliss tout seul. Vu qu’Bliss c’est un peu là où la Marine construit ses navires, stu vois c’que jveux dire. C’est aussi là où elle parquait deux d’ses divisions quand j’étais en poste sur South. Plein d’milliers d’hommes, des officiers à la pelle et des gonzes qui s’poutrent pas facilement tout en haut pour les surveiller. Yay.
Y a un truc quand même qu’j’ai bitté dans la notice, c’est comment jouer sur l’levier d’vitesse. Pas trop dur, r’marque : faut juste pousser ou tirer un machin près d’la barre. J’ai jamais réussi à arrêter l’truc complètement, mais j’peux ralentir. Alors j’ralentis. L’temps d’me boire un verre. Pis deux. A la place du tabac d’contrebande coupé à l’ail et à la ciboulette. Pis trois, allez, l’en reste plus masse dans la bouteille.
L’rafiot tousse, m’sort d’mon coma. Jvoudrais bien r’tourner sur West, jme dis. J’ai des trucs à y faire. Une Sublime qui m’y attend. Un vrai bateau à voile, la Sublime. Mais faut croire qu’la Dame veut pas. Ca m’gonfle.
Ca m’gonfle alors j’m’énerve. Et quand j’m’énerve jfais des trucs. Là en l’occurrence, jfais c’que personne aurait fait. Jpousse le levier à fond. Pis jvais à la sainte-barbe après avoir fait un détour à la réserve d’bouffe récupérer d’quoi faire des réactions chimiques sympas. Ouais pack’y a beau y avoir aucun canon à bord de c’rafiot, y a quand même une bonne cinquaine de barils de poudre entreposés là. Pour les mousquets planqués dans l’râtelier, probabl’ment. Jme concentre un peu. Manière d’me rappeler les quelques l’çons qu’m’avait balançées Piotr. Brosse-Man. A l’époque. Quand j’suis arrivé sur South et qu’on est allés casser du pirate méchant lui et moi et La Plaie. C’tait fun, c’qu’y m’disait.
Pis jconcocte un truc. Oh, Piotr aurait fait mieux. Sûr. Mais jpense ça va rendre un truc sympa quand même. J’apprends bien et vite. Tu m’diras, vu l’temps qu’il est resté en vie, valait mieux qu’j’apprenne vite. Mais bon. Passons. Jressors d’la pièce, jferme à clef, j’arrache la clenche et jbalance les deux à la baille. Quand jmire où on est, on est d’jà comme prévu près d’l’entrée d’un des deux chantiers. Jsuis trop fort, j’l’avais d’viné. Mine de rien c’t’herbe qu’était pas du tabac m’a ptet bien dév’loppé les capacités cognitives. On passe juste l’entrée du port. J’avise la tour avec le feu d’joie en haut, à quinze ou vingt brasses sur la gauche. Jme planque, j’ai vu des sentinelles s’agiter.
Les entrées doivent pas être autorisées à c’t’heure-ci.
Mais z’auront pas l’temps d’prendre la décision d’tirer a canon sur la coque. Chaîne des responsabilités, tout ça. Alors jcrache une dernière fois sur l’pont d’ce truc trop moderne pour moi, j’resserre ma ceinture pour pas paumer Narnak en nageant, et jsaute à l’eau. Du bord où ils peuvent pas m’voir. Et pendant qu’y bigophonent, affolés, à leur supérieur en s’rendant compte que malgré leur appel l’embarcation ralentit pas, jnage vers leur flanc. Jdégouline en sortant mais z’ont pas l’temps d’voir ma face avant d’être farçis par mon serviteur. J’m’assieds et j’mate au télescope, qu’j’ai gardé sur moi.
L’rafiot avance tranquille, et ralentit. P’tain d’guigne, les dials sont vraiment des inventions d’sagouin. L’rafiot s’arrête. Sur un quai pas loin d’un autre truc, en bois. Qu’est pas loin d’autres trucs en bois. Ca peut l’faire. Y a moyen qu’ça flambe assez fort, assez loin, assez longtemps. Pour que oui. Pour que ça. L’rafiot est investi. Des plantons, un gradé, des ordres qu’j’entends pas mais qu’jlis sur des lèvres. L’rafiot rougeoie. L’rafiot tremble. L’rafiot fumèche. L’rafiot fait boum.
L’reste aussi.
Boum. Reboum. Rereboum. Et l’dernier baril. Yee-haa.
Et maint’nant jfais quoi ? J’me barre en crawl. Vers l’port civil. Si jpouvais j’sifflerais, mais en battant des bras c’est pas pratique.
Dernière édition par Tahar Tahgel le Ven 13 Avr 2012 - 8:30, édité 1 fois