| « Le bateau tangua, remua, la jeune fille de dix-sept ans tomba de son hamac sur les fesses et se mit à pester de toutes ses forces. Lentement elle se redressa et se mit à monter les escaliers en criant qu’’elle n’était entouré que d’incapable. Sur le sol, on pouvait apercevoir un livre, dont les pages se tournèrent avec la houle du navire. Celles-ci disaient :
17.02.1620 Ce matin je suis tombée sur le journal de maman. Papa l'avait caché dans le grenier, tout en haut, sur une armoire vide et cassée. J'y ai d'ailleurs trouvé un certain nombre de choses, mais ce n'est pas le plus important. Ne me demande pas non plus comment je suis arrivée là-haut, ou pourquoi. Toujours est-il que j'y ai trouvé un bien précieux. On ne m'a jamais parlé de ma naissance, on ne m'a jamais dit ce qu'il s'était passé. Je me rappelle que Papa ne voulait pas que maman m'en parle, alors elle me souriait et changeait de sujet avec un clin d'oeil furtif. Comme si elle me disait : Tu sais très bien que je n'ai pas le droit. Alors docilement je jouais son jeu, et changeais de sujet à mon tour. Mais là, j'ai enfin trouvé un écrit de ce jour, écrit par maman elle-même. Te rends-tu compte ? Je pensais que Papa avait tous jeté, mais non. Alors je l'ai lu, le premier chapitre de son journal, et celui de ma vie. Il devait dire à peu près : « 23.11.1607 Aujourd'hui, ma petite Rhyne est née. C'est une petite chose toute fragile qu'on a envie de protéger. Qu'on a envie de rendre heureuse. Et je le ferais, je la protégerais des personnes qui voudront lui faire du mal, je la protégerais de ce qui fait mal, peu importe ce que c'est. Je prendrais les coups à sa place, ses blessures deviendront les miennes. Je la rendrais heureuse, je lui achèterais tout ce qu'elle voudra, je lui donnerais tous ce dont elle a besoin, et plus encore. Je veux la voir me sourire. Oui je veux voir son petit sourire illuminer son visage comme il illumine le mien. Son père n'est pas là, encore en déplacement, mais ce n'est pas grave, car moi je peux prendre soin d'elle.
C'était une vraie torture, je l'admets, mais les pires souffrances sont vivement récompensées. Et voilà où j'en suis. A avoir dans mes bras ma petite fille. La chair de ma chair. Un être qui à mon sang dans les veines, mon patrimoine génétique. Rhyne, ma fille... » Puis le vent souffla, et les pages se tournèrent encore.
14.07.1614
Aujourd'hui fut le pire jour de ma vie. Je ne vois pas très bien comment expliquer cela, mais disons qu'il ne pouvait pas m'arriver pire. Commençons par le commencement. En rentrant de mon temps libre passé dans le jardin, comme toujours -de toute façon je n'ai nulle part où aller à part les jardins...-, quand j'ai vu maman allongée sur le sol, ses pots de peinture répandus par terre, son pinceau lui ayant échappé des mains roulant encore sur le carrelage du salon. J'ai crié à l'aide en me précipitant sur elle. Elle était pâle, son teint rosé avait laissé place à une peau plus blanche, plus terne... Pire encore, je sentais à peine sa respiration. Ce fut la gouvernante qui arriva en premier. Elle laissa tomber le plateau qu'elle tenait dans ses mains, arrivant d'un pas lent et agacé par mes cris -encore-. Ce ne fut qu'après avoir vu ma mère sur le sol qu'elle se rendit compte que ce n'était pas du bluff ou un jeu. Elle parti en courant chercher de l'aide dans les cuisines alors que je tentais de réanimer ma génitrice en la secouant légèrement. La gouvernante revint finalement avec un verre d'eau et lui épongea le visage avec une serviette imbibée d'eau froide. Je me souviens encore de la peur que j'ai ressentie, je me souviens de l'angoisse, et je me souviens aussi avoir pleurée. C'était effrayant de voir ma mère allongée sur le sol et de ne pas savoir quoi faire pour la sauver. De ne pas non plus savoir ce qui lui arrivait. Les employés au service de la maison et de mes parents appelèrent un médecin et installèrent ma mère dans son lit en la déplaçant avec une délicatesse particulière. Ne sachant pas de quoi elle souffrait, ni comment était son état, il fallait au moins cela. Le médecin arriva finalement une heure plus tard, une heure qui me parut être interminable. Ma mère reprit ses esprits, puis re-sombra dans un profond sommeil agrémenté de cauchemars. Assise à son chevet, sa main dans la mienne, je ne pouvais que la regarder souffrir, les lèvres pincées, je la regardais tenter de se retenir de crier. L'arrivée de cet homme fut un soulagement. Sa blouse blanche sans tâche ni défaut m'indiquait qu'il exerçait surtout chez les gens fortunés, ce que nous sommes. Heureusement, car je ne pense pas que nous aurions pu nous payer ses honoraires sinon. Il examina ma mère avec précaution, il attendit qu'elle se réveille pour lui parler. Moi-même, alors qu'elle dormait encore, il me questionna sur ses habitudes, si j'avais remarqué quelques petites choses d'inhabituel. Puis finalement, au bout de plusieurs heures, il alla voir le majordome pour lui donner son diagnostic. Cachée derrière la porte, dans le salon, je les entendis prononcer ce qui me fait déprimer à l’heure actuelle : Ma mère possède une maladie pas vraiment incurable, mais dont on ne peut pas vraiment être soigné. Il ajouta pour finir quelque chose ressemblant à : « Préparez-vous au pire. » Mais que, si nous le voulions, nous pouvions tout de même lui prescrire un traitement. Cependant les moyens mis en œuvre pour soigner cette maladie n’en sont encore qu’au stade de développement, et les soins sont long et … Douloureux, à quoi mon majordome répondit qu’il allait en parler avec le maitre de la maison, mon père. Mais je connaissais déjà la réponse de mon paternel : « Il est hors de question que ma femme serve de cobaye à la science. » Tout cela parce que son propre père était un chercheur et s’est servie de sa femme pour prouver ses expériences, il avait donné l’excuse : « C’est pour faire avancer la science » à mon père quand celle-ci décéda des suites de ses blessures. De toute façon, mon père n’allait pas rentrer avant plusieurs mois… Cela faisait déjà un an que je ne l’avais pas vu. Il revient pour l’anniversaire de maman, et puis s’en va, et revient l’année suivante. Et entre temps, seule ma mère trouve le courage de lui demander des nouvelles. J’admire sa patience, et l’amour qu’elle lui porte. Personnellement j’ai arrêté d’attendre quoi que ce soit venant de lui. Il ne m’achète jamais rien, et ne me voit pas comme étant de son sang. Le souvenir que j’ai de mon père est celui d’un homme froid et austère. Le genre de paternel qui vous regarde de haut en se demandant comment il a pu vous engendrer. Pourquoi c’est tombé sur lui… Le genre de regard qui vous transperce le cœur comme une flèche de glace. Une flèche ayant le pouvoir de geler tout ce qui se trouve autour. Quand je vois mon père, quand je sens son regard se poser sur moi, je sens aussitôt une vague de froid m’envahir. Sait-il seulement que sa seule présence suffit à m’intimider ? Que le fait de savoir qu’il est dans la maison me donne envie de partir en courant à l’autre bout de la maison ? Non je ne pense pas. Mais qui sait, c’est aussi une personne cruelle. Alors dire que l’on va attendre son avis avant de faire quoi que ce soit, sur le coup cela m’est apparu comme étant la plus grosse débilité que je n’avais jamais entendu. Puis je me suis souvenue que le majordome de la maison avait en sa possession un moyen de le contacter en cas de besoin. Comme aujourd’hui… C’est ce qu’il a fait. Nous avons attendu encore plusieurs heures avant d’arriver à le joindre. La réponse fusa aussitôt : hors de question. Je suis donc condamnée à regarder maman mourir… 18.08.1614
La journée avait pourtant si bien commencée ! Maman et moi étions dehors, depuis un mois je n'avais plus de cours, étant donné que maman est malade, je reste avec elle à longueur de journée, pour profiter d'elle, et elle pour profiter de moi. Je jouais donc dans le jardin, sous la surveillance de maman qui lisait un roman à l'ombre d'un saule pleureur, allant chercher mon ballon qui s'était égaré sur le chemin qui traversait les plantes quand une ombre vint me cacher le soleil. Il m'était toujours apparu comme une personne relativement grande, à chaque fois que je le voyais, je le regardais d'en bas. J'avais beau grandir, c'était comme s'il prenait des centimètres avec moi, c'était frustrant. Je le détestais encore plus. Il a cette manière de mettre de la distance entre nous. Qu'il le veuille ou non d'ailleurs. Toujours est-il que d'une façon ou d'une autre, mon père et moi sommes diamétralement opposés. Ceci par le fait que je ne peux pas passer une seule minute en sa compagnie sans lui vouloir. Or aujourd'hui j'étais partagée. Ma mère tenta de se lever, mais il lui fit un signe de la main, lui demandant de se rassoir. Je lui portais un bref coup d'oeil, elle avait un sourire tendre et aimant. Mais ses yeux fatigués détonnaient avec ce visage rayonnant... J'ai peur, car à chaque fois que je pose les yeux sur elle, elle semble un peu plus pâle. Néanmoins j'espère en silence que mon père arrivera à la guérir, par sa seule présence, car si elle me rend mal à l'aise, pour ma mère c'est le contraire. La présence de mon paternel l'apaise et la rend heureuse. Plus qu'avec moi ou n'importe qui d'autre. Quant à lui... Une fois qu'il eut posé les yeux sur elle, il ne put s'en détacher. Son air austère et froid qu'il abordait en permanence disparut de son visage. J'avais l'impression de voir un autre homme, et puis tout d'un coup je me suis surprise à lui sourire, à sourire à cet homme que j'ai toujours détesté et hait. Parce que le sourire qu'il donna à maman à ce moment-là, et le sourire qu'elle lui rendit cela valait bien de ne plus le détester pendant un temps. Il s'approcha d'elle, d'un pas lent et mesuré exactement comme quand on s'approche d'un animal sauvage. Il s'agenouilla près d'elle, prit ses mains dans les siennes, murmura son nom dans un soupire amoureux et inquiet et resta là, à la regarder dans les yeux. Intriguée, je m'approchais de mes parents, mon ballon dans les mains. J'avais l'espoir futile que nous allions maintenant formés une famille unie et heureuse. Ce fut sans compter sur mon père qui se retourna d'un bloc, se relevant par la même occasion, il me toisa de son regard noir et supérieur. Finalement rien n'avait changé, mais tout allait changer... il ne prit même pas la peine de m'indiquer la maison d'un geste du doigt, son regard toujours posé sur mon visage, il me tonnât de rentrer : « va t'en, tu nous gênes ! ». Ma mère m'adressa un sourire désolé, et je partie dans ma chambre. Cette journée avait pourtant si bien commencée... 14.04.1619
Tu sais, beaucoup de choses ont changées depuis ton départ, il y a deux jours. Papa a arrêté de voyager, il s'est maintenant installé définitivement à la maison, pour mon grand bonheur, tu t'en doutes, je le vois désormais tous les jours, je le supporte désormais tous les jours. Je le vois tout le temps... C'est insupportable. Je voudrais que tu reviennes... Tu sais, j'ai toujours admiré ton courage et ta détermination, quand tu n'aimais pas quelque chose tu le disais à voix haute, tu n'avais pas peur. Au contraire, tu as toujours fait en sorte, que les choses, qui n'allaient pas, changent. Peu importait les moyens. Si tu savais comme je t'en veux. Je t'en veux de m'avoir laissée ici avec lui. Je t'en veux de m'avoir oublié ! A partir du moment où tu as su que j'étais malade, tu as commencé à me couvrir de cadeaux. Ma chambre est remplie de peluche offerte au fil des ans, d'objet en tout genre et d'autres merveilles du monde que tu achetais pour me faire oublier ta prochaine absence, un signe d'excuse, de pardon. Je m'en fiche ! Je te voulais toi. Et maintenant tu n'es plus là, tu ne pourras plus rien faire pour moi, plus jamais. Tu ne pourras plus jamais m'aider ou me prendre dans tes bras comme avant. Tu ne pourras plus me dire : « bonne nuit princesse. » Ou « bonne journée » et j'en passe. Sais-tu à quel point je t'aime ? Non et tu ne pourras plus le savoir maintenant. Tu es partie. Partie pour toujours. Partie à jamais en m'abandonnant dans les mains d'un monstre. En me laissant seule. Mais comment je vais faire moi, sans toi ? Comment je vais faire sans ma mère pour m'aider. Je serais la princesse de qui? A qui je vais dire : Je t'aime maman? Pourquoi tu m'as abandonné, pourquoi tu m'as laissé avec lui ? 28.02.1621
En trouvant ce passage dans le mur il y a trois ans, je n'aurais jamais pensé qu'il pouvait s'agir de ma délivrance. Surtout que je l'ai trouvé tout à fait par hasard. Tu aurais pu me dire qu'elle était là, toi qui passais tes journées dans les jardins. Toujours est-il que je l'avais trouvé tout à fait par hasard. Et le hasard fait bien les choses, car voilà où j'en suis. Avec Yume nous avons réussi à gagner une partie de cartes en observant les joueurs pendant plusieurs mois. Petites comme nous le sommes-nous avons pu voir ce qui se passait sous les tables, ainsi les techniques de tricheries ne sont plus un secret pour nous. Ce qui manquait c'était l'application. Alors nous nous sommes entraînés avec des gamins des rues. Ses frères d'abord -tu te souviens de Yume ? Je t'avais parlé d'elle il y a plusieurs mois, c'est l'amie que j'ai trouvé en quittant la « prison doré » c'est comme cela que nous appelons la maison, pour elle qui habite dans la rue et qui ne veut pas d'obligation, elle voit cela comme une prison.- puis nous avons arnaqué plusieurs touristes de passage, avant de nous en prendre à un plus gros gibier. Nous avons donc pris notre courage à deux mains, ou plutôt, notre arrogance nous porta et nous fit pousser la porte d'un bar de fond de village. L'odeur était atroce, un mélange d'alcool, de vomit, d'urine et de viande avariée qui planait dans les airs, menaçant de faire rendre nos boyaux et nos tripes sur le carrelage de cet endroit clairement mal famé. Yume me poussa en avant, la main sur la bouche et le nez, faisant de son mieux pour ne pas respirer cet air putride, tenant fermement dans sa main tremblante le bas de ma veste verte alors que j'avançais, la tête haute, parmi ce ramassis d'homme plus ou moins sobres qui nous entouraient. Pour entrer ici il fallait une certaine tenue de circonstance. Entre autre avoir l'air de sortir d'un égout, ou une tenue « badass » c'était le terme que les frères de Yume employaient pour dire que quelque chose ou quelqu'un était classe. Ou quelque chose de ce genre, tu sais ils ont une façon de parler qui n'est pas comme la nôtre. La leur est plus directe, plus négligée et moins conventionnelle. Elle me dit souvent que je devrais quittes mes manières de fille de riche. Que c'est comme cela qu'on survit et que l'on ne devient pas pirate avec de bonnes tournures de phrases. Devenir pirate... Qu'est-ce que papa dirait en apprenant ça, d'ailleurs, qu'est-ce qu'il dirait en sachant que je profite qu'il ait le dos tourné pour m'enfuir dans la ville ? Il ne serait surement pas ravi. Loin de là même. Bref, j’en étais où… Ah oui. Nous étions donc dans ce bar mal famé, prêtes à rendre nos tripes sur le sol, avançant avec la force de ma volonté de leur en mettre plein la vue, Yume me suivant avec la volonté de ne pas me laisser tomber. Ou alors elle ne voulait pas faire marche arrière seule. Je n’ai pas vraiment su. Nous nous sommes dirigées vers une table pleine de joueurs, et je me suis installée, affichant une fausse confiance, un sourire plein d’assurance, la tête haute et droite. J’avais une allure arrogante. Je signais ma mort.
Ils me regardèrent un moment me demandant ce que je voulais. Ce que je venais faire ici, d'une voix assurée qui me surprit moi autant que Yume, je leur dis :
-Je viens vous dépouiller. Eclat de rire général. Il ne leur en fallut pas plu pour se payer notre tête à Yume et moi. Je fis alors quelque chose dont je ne me serais jamais crue capable en ces circonstances : j'abattis mon poing sur la table avec une telle violence qu'elle en trembla. Le silence suivi, j'abordais un air sérieux, armé d'un sourire arrogant. Je voulais me faire une place dans ce monde qui n'était décemment pas le mien, moi qui était issue de la bourgeoisie, je me retrouvais à vouloir jouer les grandes filles des rues dans un bar. Tout cela ne serait jamais arrivé si tu n'étais pas morte tu sais. Tout a changé depuis que tu n'es plus avec nous. Surtout moi. Regarde où je suis... Regarde ce que je fais. Ce que je suis devenue en quelques années. Tout a changé. Jamais je ne me serais risquée à devenir amie avec Yume, jamais je n'aurais eu idée de voler, de semer le chaos, d'être une peste comme je le suis avec les gens que je fréquente, en dehors de la maison. D'ailleurs, je commence même à devenir exécrable avec les employés de papa.
Leurs mines devint sérieuse, puis d'un geste de la main, l'un d'eux intima au reste du bar de se taire. Il se leva, me toisa de haut, comme le fait papa... Puis il me dit :
-D'accord gamine, tu veux jouer, alors jouons. Le but de l'exercice était de voir si nous avions assez de cran. Si nous étions assez courageuses et déterminées. Etait-ce parce que je n'avais pas envie de passer pour une dégonflée, ou parce que cet homme me rappelait papa, je ne sais pas, toujours est-il que je me suis levée à mon tour, je lui ai adressé le sourire le plus provoquant de mon répertoire, et sur un ton tout aussi provoquant, je lui dis :
- Alors prépare-toi à perdre. Parce que personnellement ce n'est pas mon intention. Le vent commençait à se lever. Les pages se tournaient de plus en plus vite, les chapitres de la vie de Rhyne défilaient sur le sol humide. Le bois craquait, les pages se tournaient. Puis finalement le calme se fit, sur le dernier chapitre de son journal.
02.03.1624
Aujourd'hui j'ai rencontré l'être le plus méprisable de la terre. Rockfor Egry. Le ciel bleu, le soleil qui réchauffe, la brise qui soulage de la chaleur. Les nuages qui rafraîchissent... Des abrutis à plumer. Tout était parfait. Absolument tout. J'avais trouvé une bonne table, de bons pigeons qui alignaient les billets. Plus je les battais -en trichant- plus ils montaient avec l'espoir de m'avoir. S'ils avaient su que j'étais très habile pour ce genre de tours de passe-passe, jamais ils n'auraient accepté de jouer contre une gamine de mon acabit. De 16 ans certes. Mais tout de même. Tu vois comme c'est facile de se jouer des gens. Je reste persuadée que cet homme qui m'a chassé de chez lui il y a quelques années se fichait de nous. De toi surtout.
Je devais être rendue à ma cinquième partie, les montant dépassaient mes espérances, j'accumulais tellement d'argent que je pris le risque d'en faire une sixième. Je le vis arriver, dans un costume blanc éclatant, un chapeau sur la tête. Je souris. Encore un qui voulait se démarquer. Pour ma part j'abordais un air fier et confiant. Je portais un long manteau noir à capuche, un simple débardeur et une minijupe accompagnée de cuissardes de la même couleur, mon masque blanc posé sur mon nez masquait le haut de mon visage et me donnait un air mystérieux qui n'était pas pour me déplaire. L'homme s'arrêta me regarda jouer, puis il s'installa. En premier lieu je le dévisageais. Pourquoi ce mettait-il à ma table. N'avait-il pas vu que je remportais toutes les mises ? Que diable venait-il faire ici à s'installer tranquillement ?! Je pris cela pour de la provocation. Mais débordante de confiance, je servis les cartes et commençait la partie. Tout allait bien, jusqu'à son arrivée. Tout se passait à merveille ! Mais non il a fallu, bien évidemment, qu'il se pointe et rafle tout. Furieuse, et me disant que j'avais dû me planter à un moment où un autre, je relançais la partie. Au bout de la troisième j'en étais certaine : il trichait. Et pas en amateur, non le bougre savait y faire. Il fallait donc que je monte le niveau d'un cran à mon tour. Partie après partie il gagnait ce que je mettais sur la table, ce que j'avais durement gagné. C'était impensable, et pourtant véridique. Ce mec me plumait, et plus rapidement que je ne l'avais fait avec ces autres abrutis. Je n'arrivais pas à y croire et restais interdite, réalisant que j'avais tout perdu sans rien gagner.
Le silence autour de nous était palpable. Mes yeux figé sur la mise que j'avais mise en jeu, passant dans ses mains fut le déclic qui me fit bondir par-dessus la table pour l'égorger. Depuis que je suis dans la rue, je n'avais perdu que rarement, ceci car j'étais une gamine d'une taille relativement moyenne -pour ne pas dire petite-. J'étais devenue une bonne épéiste en m'entraînant assez souvent. Je ne m'imaginais donc pas perdre à ce jeu-là non plus. Il esquiva, plus j'attaquais, plus ceux-ci frappaient le vent, fendaient l'air et ne touchait que du vide. Ce type commençait sérieusement à m'agacer. Non seulement il me prenait mon argent, mais en plus je ne pouvais pas le tuer et le pendre à un arbre avec ses tripes ! Je n'avais qu'une envie, lui arracher les organes pour les lui faire bouffer à coups de pelles dans la gueule ! J'ai beau n'avoir que 16 ans, j'avais déjà égorgée plus d'une personne. Je n'aime pas qu'on se croit supérieur à moi, qu'on me dise non. Je n'aime pas non plus qu'on me trahisse comme l'a fait Yume. Elle fut la première à tomber, et je continuerais à assassiner tous ceux qui se mettront sur ma route. Entre autre, ce type était devenu ma nouvelle cible. Puis enfin il se décida à riposter, et en un seul mouvement, je me retrouvais à terre. Furieuse, je me redressais sur mes jambes et dégainais mon sabre, remettant ma dague dans son étui d'un simple mouvement. Cette fois je me fichais de le torturer, je voulais qu'il meure. Et vite. Mes coups se firent plus pressés, plus vif. J'attaquais sans me démordre, cet enfoiré allait gouter ma lame, je voulais la lui enfoncer dans sa gorge, je voulais qu'elle traverse son crâne. Je voulais le trucider et que son sang se répande sur le sol ! Ce serait ma victoire et j'avais l'intention de porter ce chapeau en signe de trophée !
Il me sortit des phrases invraisemblables, me disant que je devais le suivre, me promettant presque un avenir meilleur à ses côtés, son arrogance quasi flagrante donnait à mes coups une nouvelle force : l'envie d'en finir au plus vite. Il espérait quoi ? Que je me sente flatté parce qu'il m'avait choisi ? Moi ce que je voyais, c'était qu'il m'avait humiliée, et je devais réparer cela dans les plus brefs délais ! Quitte à le suivre jusqu'en enfer, je le tuerais un jour ou l'autre.
Puis finalement, il me sourit, un sourire qui me fit perdre pied. J'arrêtais un instant de l'attaquer, écoutant finalement ce qu'il avait à dire. Sauf que la chute de l'histoire ne me plut pas du tout. Allons bon, en plus de ça il se prenait pour un roi. Il avait dû tomber dans les escaliers le matin en se levant. Etre aussi fêlé du bocal c'était impossible. Tu arrives à le croire ? Un type de cet acabit qui se prétend être un roi, MON roi qui plus est. Se croire autant supérieur à moi est une erreur fatale. Mais au moins elle eut le mérite de me calmer. Je le hais. Lui qui a osé sous-entendre que je lui étais inférieur. Sourcils froncé je lui décochais un regard haineux et assassin. Il partit. Et je le suivis.
Un jour ou l'autre, je le tuerais. Même si je dois le suivre en Enfer pour ça. Rhyne arriva en pestant contre ses nakamas. Tous des abrutis. Pas un pour rattraper l'autre. Elle avait du mal à se calmer, apparemment ils avaient encore fait des siennes. Pourquoi était-elle avec eux bon sang! Elle trouva son journal près de son lit, ouvert sur une page blanche, le vent ayant encore soufflé. Elle le feuilleta un instant, puis le fourra dans son sac. Sans un mot. » |