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Nine Lives.

Lia,
Le temps à te chercher me parait toujours aussi long, mais ces lettres que je t’adresse apaisent mon impatience pour quelques instants. J’ai de plus en plus de mal à suivre votre trace, ton père s’améliore pour effacer son existence. Ça ne doit pas être facile à vivre pour toi, de bouger autant, de partir sans cesse d’où tu es, sans avoir vraiment le temps de te faire des amis. Sur qui peux-tu compter ? Personne, probablement. T’en rends-tu seulement compte...
Je ne vais pas débattre avec moi-même sur ce que ton père de fait subir. Ce n’est pas à l’ordre du jour. Tu connais déjà mon avis, très arrêté, sur cette histoire entre lui et moi. Il pense bien faire, je lui accorde au moins ça. Ça ne m’empêchera pas de lui botter les fesses au moment voulu, parole de Hope.
Bref, je parlai tantôt d’ordre du jour. Je t’écris pour ça, il me semble. Pour que tu sache que jamais je ne m’arrête, que je te retrouverais, et que chaque escale est une nouvelle aventure pour moi. Celle-ci est de loin la plus dangereuse de ma quête, et je ne suis pas certaine de pouvoir toujours m’en tirer si la mort me frôle aussi souvent, même si je n’en ai pas vraiment le choix si je veux un jour te voir. Pour faire court, en vingt-quatre heures, un chat aurait utilisé ses neuf vies…

« T’es engagée, ma grande ! »

Chouette. Je fais un grand sourire à mon nouveau boss, qui me tend avec une joie marquée un couteau de cuisine qu’il garde pour ses marmitons. Me voilà donc avec deux nouveaux collègues, qui m’accueillent avec un verre de rhum et des grands sourires. Ça faisait un bail que j’avais pas été la bienvenue quelque part, ça me réchauffe le cœur. J’attrape le verre et le bois cul-sec. Le Rhum est fort, il défrise les cheveux des moins expérimentés. C’est pas mon cas, j’ai la descente facile depuis quelque temps.

« Voilà ta place, Micha ! T’peux poser tes affaires ici. Le service commence dans une heure, t’as l’temps d’faire tes marques. »

Jean-bob est un chic type. Bien bâti, bon vivant, un air de gros bébé mais sympathique. De ceux qui vous redonnent confiance en l’espèce masculine. Il me fait faire le tour de la bâtisse, me donne le plan de la salle, les recettes que je dois suivre, m’explique si je peux improviser ou non. Une porte claque, on se retourne un peu surpris. Et il rigole :

« Des courants d’air, Robert doit aérer la cuisine. Avec les odeurs et la fumée, t’sais. »

J’hoche la tête. Et il continue à me causer tandis que j’écoute d’une oreille un poil pas trop attentive. Je regarde ou je suis, maintenant. Et je trouve le restaurant vraiment cool, pour le coup.
L’endroit est cossu et agréable, du genre ou on est content de venir manger. L’ambiance est chaleureuse grâce au bois qui recouvre les murs et les sols, les tables sont nappées d’un linge blanc, bien montées et bien garnies de décorations. La salle est lumineuse, les serveurs portent une tenue avec un tablier. Ils sont adroits, toujours souriant, toujours prêt à se plier en quatre pour le client. Ça me change des vieux bars pas frais, de ces bouisbouis pour pochtron, de ces comptoirs crades que j’ai enchaîné ces temps-ci. Là, c’est du grand luxe, du plus ultra même. Un petit coin ou il fait bon bosser et ou on nous le rend bien.

Neuf vies. Je n’en ai pas autant. Pas que je sache. Cette journée était particulièrement éprouvante, pour moi, pour mes nerfs, pour mon existence même. La première étape aurait dû me mettre la puce à l’oreille immédiatement,…

J’allume un des fours, pour le faire préchauffer, l’autre contient un gigot qui tourne depuis au moins une demi-heure, un autre un ragout qui lance une drôle d’odeur. C’est Jean-bob qui l’a fait, selon Robert, c’est pour le déjeuner de l’équipe. Et je papote avec ce dernier pour échanger avec lui des recettes qu’entre cuistot, on se garde sous le coude pour faire plaisir. On aime bien partagé aux gens comme nous, qui ont notre passion. Robert est pire que passionné, c’est aussi un chic type. Il me tend une clope que j’accepte sans broncher. Je la mets entre mes lèvres sans l’allumer. Lui se descend une petite bière qui passe bien.
Et puis d’un coup, il me sort :

« Ça sent le bruler non ?
- Regarde le gigot. »

Je renifle. Je confirme. Ça sent le cramé. Alors, il s’approche et zieute.

« Non. Le ragout ? »

Cette fois, c’est moi qui me penche pour regarder. Rien, que je lui fais d’un haussement d’épaule.

BANG.
On sursaute. Un coup de feu ?

« Ça venait de ton four ?
- Ouaip. »

On s’approche du four, et on regarde. On regarde bien à travers la vitre noircie. Robert me souligne que la lumière n’est pas visible, que ce n’est pas normal. Alors on ouvre. Et on se demande bien ce que c’est que cette grosse masse noire devant nous. J’attrape un torchon au-dessus de moi, j’éteins le four et je pose la serviette sur le machin. Je tire d’un mouvement sec pour ne pas me bruler les mains. Et ce qui nous tombe sur les pieds a de quoi nous faire crier. On crie pas, on est des durs. Robert sursaute et gémit un poil, impressionné mais plutôt résistant. Il me regarde :

« C’est quoi que ça ? »

Je retourne le machin, mais il est rigide. Et brulant. La peau que l’on voit à travers les fringues est rougie, presque fondue. Ça donne la gerbe. On arrive à deviner deux petits yeux fermés des fentes.

« Vous avez l’habitude de cacher des Macabées armés dans vos fours ?
- Nop. »

Robert me dit qu’il va chercher le patron, pour lui dire qu’il y a un nain ninja dans le four qu’a trop cuit. J’apprécie sa touche d’humour et je reste à côté du mort. Dans ses petites mains rabougris, il a un flingue qu’il tient contre son buste. Le gus a due suer sévère. Et avec la chaleur, normal que le coup soit parti. Direct dans sa tête.
Le boss vient quelques secondes plus tard pour constater, affolé : un mort, dans les cuisines, ça ne lui était jamais arrivé. Il hurle, court dans tous les sens, dit à haute voix qu’il ne faut pas appeler la marine, il demande à Jean-Bob et Robert de foutre le cadavre dans la benne à déchet, qu’il s’en débarrasserait demain. Qu’il est temps pour nous d’avaler notre repas et puis basta. Le Boss est pas un courageux, pas un bon samaritain non plus, à ce que j’en juge. Je sais pas qui est ce Ninja, mais il mérite peut être bien un cercueil un peu plus digne qu’une grosse poubelle…
Quoique, il s’est foutu tout seul dans mon four, fallait pas pousser non plus.
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J’aurais dû m’en douter. Personne ne range de cadavre dans un four pour le cacher, pas en pleine journée, même en étant incroyablement bête, sachant pertinemment qu’on le remarquerait à un moment ou à un autre. Sur le moment, je ne m’en étais pas rendue compte, mais on ne rentre dans un four que pour deux raisons : pour s’y cacher VOLONTAIREMENT, ou alors pour pousser au cannibalisme.
Sur l’instant, je palliai plus sur la deuxième raisons. Va savoir pourquoi.

« Ce truc pue le mort !
- Le macchabé l’a peut être contaminé.
- Ils étaient dans des fours séparés. Pas possible. Puis la viande était encore fraiche.
- Pas question que je mange ça, Jean-Bob.
- Bon, si je goute et que tout va bien, vous en prenez ?
- Mh. »

Jean-bob attrape une spatule à côté et la plonge dans son ragout. Celui-ci a une étrange couleur violette. Un truc qui ne dit rien. Y’a que les betteraves qui donnent cette teinte, et on n’en met pas dans un ragout. Robert le regarde bouffer ça. Il en prend une bouchée, la mâchouille quelques secondes et se met alors à tout recracher par terre. On le regarde, un peu dégouté. On l’a pas forcé à gouter, en même temps. Mais le pire, c’est quand Jean-Bob se met à vomir frénétiquement ses tripes sur le carrelage de la cuisine. Robert attrape une casserole pour éviter qu’il continue à retapisser l’endroit.
Et on appelle un toubib en urgence.
Le verdict est sans appel, la bouffe a clairement été empoisonnée. Flute, zut, crotte, chié. Jean-Bob part direct à l’hôpital, parce qu’il parait que son estomac essaye de se faire la malle par tous les orifices possibles.

On aurait pu en manger, nous aussi. Mais ça sentait trop fort. Beaucoup trop. Et Jean-Bob eu du mal à revenir à lui. Il passa près de trois semaines à l’hôpital, alimenter par une sonde. On ne savait pas non plus ce qui l’avait mis dans cet état, mais notre boss nous pria de continuer, d’être encore plus efficace, pour palier à l’absence de notre confrère.

On a encore dix bonnes minutes avant que le service commence. Robert a l’air un peu perturbé, il se tient prêt de la fenêtre. La matinée faisait plaisir à personne, trop d’aventures pour un petit cuisinier comme lui. Il me fait part de son ressenti, je me fais oreille attentive. En même temps, je zieute le matériel et regarde les plaques à gaz. Et là, je remarque ça.
Ça.
Là.
Putain.
Le gaz s’échappe, depuis je ne sais combien de temps. Alors, je fronce un sourcil, je vais pour me tourner vers Robert qui pose une cigarette entre ses lèvres et sort une boite d’allumette. Oh putain. Je réfléchis pas et je hurle sur le gars pour qu’il stoppe son geste, je lui saute dessus au préalable, alors là, on y passe tous les deux et j’ai chaud aux fesses.
Littéralement.
Et l’explosion qui s’en suit fait aussi très très mal. Elle crève les tympans. Le feu se propage, la cuisine flambe. On se presse pour éteindre le bordel, c’est masta. Ça fait peur.

Au bout de trente grosses minutes, ils arrivent à maitriser le feu. Le boss fond en larme. Pour lui, c’est l’hécatombe, la fin. Il sanglote bruyamment. J’ai amené Robert se poser dans un coin. Il me remercie vivement de lui avoir sauvé la vie. Je le salue d’un petit mouvement de tête. C’est pas grand-chose et pour un chic type comme ça, ça vaut presque la peine de se faire cramer le derrière. Mais tout le monde ne le prend pas comme ça. Pas avec autant de philosophie.
Alors, le boss vient me voir avec les yeux rouges de colère et de larmes, et il me pointe du doigt :

« Toi, sale chienne !
- Mh ? J’vous permets pas mon bon.
- Ta gueule ! C’est de ta faute ! Depuis que tu es là, il ne nous arrive que des malheurs ! Je vais te tuer !
- Euh ? »

J’ai pas le temps d’en dire plus pour ma défense qu’il se rue sur moi avec un couteau de boucher. J’esquive maladroitement. Je me relève, je cours. Il me court après, bien décidé à me faire la peau et à me bouffer s’il le faut. Je m’embarque dans la bâtisse, passe à côté de la cuisine, fonce vers une porte qui donne sur des escaliers. Je les monte quatre à quatre, toujours suivi par l’autre gus. C’est bien ma veine, ça. J’enfonce une autre porte qui donne sur une petite chambre, l’appartement du chef, probablement. Alors je m’avance, je regarde à gauche, à droite. Je vais vers la fenêtre, je l’ouvre et j’attrape la tuyauterie pour me hisser sur le toit. Le gros père me suivra pas là, c’est sûr.
Que je crois. Parce qu’il y est. Bien décidé à vraiment me butter. Je tenterai bien de le résonner, mais son gros couteau me dit de courir plutôt que de causer.

« Ecoutez chef. Je n’ai rien fait du tout !
- TA GUEULE.
- Ok… »

Il est pas aimable. Et il saute sur moi encore, j’esquive. Maladroitement pour le coup. Une des tuiles glisse et craque sous mon poids, et je me retrouve embarqué avec elle. Fshhhuii. Je passe par-dessus bord, tombant droit deux étages plus bas. Ça va faire mal. Je sens mon dos rencontrer une surface plus ou moins dur, puis s’enfoncer dans un truc plus ou moins malodorant.

« Putain. »

La poubelle a amorti ma chute. Je me retrouve en compagnie de l’autre cadavre. Mais moi, je suis en vie. Alors je saute et je me tire en vitesse. Je prends mes clics et mes clacs…
Pas question de rester là une minute de plus.
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Je regagnai mon hotel, piteuse. Je puai, j’étais réellement contrariée par cette journée. Mais à ma grande surprise, le directeur de l’hotel ou je logeai refusa de me laisser rentrer. Il avait posé mes affaires à mes pieds et me regardait avec l’air hautain. Il avait un fusil dans les mains, bien décidé à me faire partir d’ici.

« Vous rigolez, là ?
- Non, maintenant, tire-toi ! »

Je plisse les yeux derrière mes lunettes.

« Je ne t’arrête pas moi-même, mais sache que les habitants sont aussi décidés que moi à te faire la peau ! Et je veux pas de sang dans mon établissement ! »

J’attrape mon sac de voyage et tourne les talons. En poussant la porte, une grosse surprise m’attendait…

Ils étaient là, une cinquantaine. Devant moi, armés de fourche, d’armes en tous genre, hurlant à la mort. A ma mort. Ils m’imputèrent les trois accidents du matin même, l’état de santé de Jean-Bob, l’explosion par la même occasion. « Pirate », qu’ils me nommaient en levant les armes en l’air. Et les pirates n’étaient visiblement pas les bienvenus dans le coin. Pas le temps de réfléchir à un plan d’action, le but était vraiment d’éviter le lynchage public.
Sans réfléchir, je fermai la porte de l’hotel pour rentrer à nouveau à l’intérieur. Des fourches s’écrasèrent dans le bois, certaines le transpercèrent et me manquèrent de peu. Je fonçai vers l’arrière de l’immeuble, poursuivit par le gérant qui tirait des coups dans son plafond, me loupait par instant. Je finis par passer par une des vitres qui donner sur une rue à l’arrière, fonçant tous droit vers un magasin non loin, à mes trousses des bonhommes, quelques femmes en colère. J’hallucinai complètement. J’avais très peur aussi.
L’île était probablement principalement composée de barges. A n’en pas douter que j’avais rencontré les plus tarés de tous. Je rentrai dans une boutique et fermai la porte derrière moi. Attrapant mes couteaux, je menaçai la vendeuse pour la calmer lorsqu’elle se mit à hurler. Aussi pour faire comprendre aux autres dehors que j’avais un otage s’ils voulaient encore s’en prendre à moi.
Ils s’en fichèrent, et mirent simplement le feu au magasin de la jeune femme. Très vite, les flammes rongèrent le bois, firent exploser le verre, brulèrent la porte. Je trainai l’otage à l’arrière de l’immeuble, évitant de mourir carbonisé. L’endroit s’effondra peu après notre sortie, le feu avait probablement rencontré un bon accélérateur pour l’aider dans son travail…

« Kof kof kof. Bordel kof kof. »

Je pose la jeune femme sur mon dos par terre. Elle est tombée dans les pommes avant de sortir. Bordel, quelle sacré bande de fumier. J’ai du mal a respirer, je le sens pas ce coup-ci. Je m’assoie cinq minutes, le temps de retrouver mes esprits. Ça craint, un max. Et là, un sifflement à mes oreilles puis un bruit sec dans le bois derrière moi. Je lève les yeux et je vois deux silhouettes à côté qui me regardent.
Un gros, un maigre, armés tout deux. Ils s’approchent et m’attrapent par les bras en me menaçant toujours, puis, ils me trainent sur plusieurs mètres avant de m’assommer.


Dernière édition par Michaela Hope le Mar 27 Mar 2012 - 18:22, édité 1 fois
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Beuh. J’ai mal au crâne. En plus d’avoir du mal à respirer. Le coup était vilain, tantôt. Je vois trouble, j’ai envie de me relever. Je sens l’air frais sur mon visage, ça fait du bien. Combien de temps assommer ? Aucune idée, mais maintenant que j’arrive à voir ou est-ce que je suis, je remarque qu’il fait nuit. On me traine par les poignets, comme une proie qu’on ramène à la maison. Je sais qu’on va pas me dépecer pour ensuite me manger, mais je crains encore le pire. J’ai pas envie d’être là, pour le coup. Boarf, comme dirait l’autre.
Je tente de me débattre, mais j’ai pas assez de force. Putain. Putain de putain de putain.

« Bordel, mais qu’est-ce qui va pas chez vous ?! »

J’entends juste le rire des deux mercenaires. Puis ensuite, c’est l’odeur de la mer qui se fait sentir. Haha. Putain. On arrive sur une plage éloignée du village. Personne, pas une lumière. Ils me lâchent à quelques mètres de la mer, et me pointent de leurs armes.

« On a galéré pour t’avoir. Et te tuer d’une simple balle me plairait pas. Alors, on va te regarder te faire dévorer par un monstre des mers, c’est plus mieux drôle.
- Mh. »

Je fronce un sourcil. Mon dieu, les rois des barges se trouvaient devant moi.

« Soit, vous voulez me tuer. Mais pourquoi, en fait ?
- On nous a payé pour ça. Très cher.
- Par qui ? »

Ils éclatent de rire.

« Comme tu vas mourir, autant que tu le saches.
- C’est James qui voulait qu’on t’éloigne de lui. On a tous les droits, qu’il a dit. »

Arf. J’aurais dû m’en douter, mais j’accepte la vérité comme elle est. Avec philosophie (autant qu’on peut en faire, dans mon cas). Puis je les regarde avec dédain :

« Je m’avance pas trop en disant que les accidents de ce matin, c’était vous, mh ?
- Haha. Non, le nain a juste raté ses trois coups. Ils devaient t’empoisonner, te faire sauter ou alors te planter. Il a voulu faire les trois en même temps, mais il a tout raté.
- Pas de bol.
- Pas de bol pour lui. »

Certes. Un coup de la coupe afro, probablement. Je souris, pas peu fière. Puis, ils m’attrapent et me foutent dans une barque à côté. A peine cela fait, ils me poussent à la flotte, très fort, pour que je prenne le large. J’ai honnêtement pas le niveau pour combattre un monstre des mers, et ça pue. Genre vraiment. Combien de temps avant qu’un d’eux se décide à sortir et à me bouffer ? Très vite. Au plus vite, que j’espère.
Je m’installe confortablement et j’attends. Je peux pas faire grand-chose, on verra bien plus tard, quand je serais face à celui qui me prendra pour son dîner. Les mercenaires me regardent partir, je les entends rire d’où je suis. Je soupire, gardant mon calme, toujours aussi philosophe que je me trouve. Mais putain, à l’intérieur, ça boue sévère. Alors j’attends. J’ai envie de les éclater tous les deux et d’en faire de la purée. Un truc gore. Un truc pas bouffable, qui te retournerait les tripes.
Du calme, Hope. Calme toi ma grande. T’as le temps.

Bloup.

Non, en fait, le temps, tu ne l’as plus. Je suis à cinquante mètres du bord, et ça commence à trembloter autour de moi. J’attends de voir ce qui va en sortir. Sûrement un truc très vilain. Pas beau. J’ai pas envie de me faire bouffer par un truc pas beau. Je me défais de mes liens doucement, je tiens la corde entre mes mains. Et puis…

Crac.
CRAAAAAC.


Je sens en dessous de moi la barque qui s’explose littéralement, sous moi, il n’y a plus rien, si ce n’est l’eau et la gueule d’un monstre. Je vois pas le monstre en question, seulement cinq mètres de diamètres autour de moi les dents énormes qui s’ouvrent, cette mâchoire puissante.
Une bouffée d’air. Je coule. Plouf. J’ouvre les yeux, je fourre mes lunettes dans mon décolleté pour pas les perdre. Du rouge, c’est fou. Et une énorme langue vraiment pas belle. Une sorte de pression, l’animal remonte à la surface. Il avale l’eau. Par reflexe, je m’accroche à une des papilles de sa langue. Il a pas l’air d’apprécier. Il se secoue. Ça secoue. Beuh, j’ai la nausée. C’est visqueux comme endroit.
Bref, comment je m’en sors. J’ai quoi sur moi ? Des lunettes et une corde. Je coince la corde entre mes dents et fais un nœud de cow-boy. On va se la jouer rodéo. Et pas très classe.

« J’suis pas digeste, désolée mon gros. »

Je sens que je tombe en arrière, que je vais rejoindre l’estomac du machin. Alors là, je lance la corde et elle attrape la glotte de l’animal. Je m’y accroche bien, ça suffira à le faire vomir. Je tire d’un coup sec, la corde est assez longue pour que je m’enfonce dans ce long tube tout noir. Ça pue. Putain que ça pue. Et ce que j’entends, là, au fond, ça a pas l’air plus frais. Raaah, je déteste ça. Ça fermente sec, et d’un coup, sans que j’ai le temps de comprendre, je me fais éjecter d’où je suis.

Youpi.
J’atterris très loin, genre, je ricoche sur la mer, je m’enfonce à dix mètres du bord. Je bois la tasse. Je me relève, je toussote, et je me tourne. Je sens le vomi de monstre marin à des kilomètres. Mais j’ai la ferme intention de le faire bouffer aux deux gus là. Tu sais, ceux toujours sur le bord qui me regardent, les yeux grands ouverts, battant des paupières en se demandant d’où me vient cette chance de porc ? Bah euh. J’ai pied, j’avance vers les deux gars. A trois mètres d’eux, ils me sortent leurs armes et me visent. Tremblotant. Et ils tirent. J’esquive en sautant sur le côté. Je roule habillement, j’attrape du sable dans le creux de ma main avant de le jeter dans la tête du plus proche de moi. Il en a dans les yeux. Il crie, parce que ça pique. Tu vas voir si ça pique, connard.
J’ai les nerfs. Mon genou rencontre son coude. Ils font connaissance et se plaisent pas trop. Son coude cède dans le mauvais sens. Alors le gars hurle aussi. C’est parce que l’os perfore sa peau et ressort d’un côté. Son copain me vise, mais il me manque, alors il tire sur son partenaire. Le dit partenaire crève d’une balle dans la tête. Ça me permet bien de prendre son arme et de me servir du corps du gars comme bouclier. Il encaisse les quelques balles qui restent dans le chargeur. Et moi, j’ai le temps de lui en tirer une dans la jambe.
Et je jette le corps du gars par terre, j’avance d’un pas rapide, j’envoie un coup de pied dans la main de mon adversaire qui lâche son arme. Il tremble, je lui colle une droite qui lui décroche une dent. Puis, j’attrape sa tête à deux mains, avant de la tourner d’un geste rapidement et sec. Crac. C’est le bruit que fait son cou quand il se brise.

Au moins, ça met tout le monde d’accord.
Puis je réfléchis. Je me dis que je pourrais pas raconter ça dans la lettre de ma fille. Je me décide à trouver une fin plus heureuse.

Les méchants me retrouvèrent et tentèrent de me faire du mal. Mais je me suis battue brillamment et je les ai laissés, ligoté, à la merci des marins que j’ai appelé pour qu’ils les arrêtent. Suite à cela, j’ai décidé d’embarquer dans le premier bateau en partance pour une autre île. Avec la réputation que je m’étais faite dans le coin, je ne pouvais malheureusement pas rester, encore moins retrouver un emploi. Je donnais donc mes économies au marin, qui accepta de me prendre avec lui, moyennant finances et services lorsque je lui parlai de mes talents de cuisinière.
Puis j’ai franchi la mer, à nouveau, suivant ta trace.

A très vite, ma chérie.

Michaela.
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