Bam.
Noir, rouge. Gris, jaune. Un peu d’bleu. Pis du vert. Du vert chiasse. Gerbe. Pis du noir encore. L’arc-en-ciel du chaos s’étire, s’étale, prend ses jambes à son cou et monte dans l’ciel étoilé d’Ptit Tahar dev’nu grand. L’gamin r’nifle ses glaires sanglantes, crache son foie et valdingue sous l’choc. D’vant lui défile le spectre des couleurs d’la souffrance et des boyaux explosés par un panard fendard. Mal.
Mal, ça fait putain d’mal.
Avant d’compter deux, l’vlà effondré contre un barreau à l’aut’ bout d’la cage. Moyen Tahar s’est battu, Moyen Tahar a perdu. L’temps d’réaliser, l’assistance r’tient son souffle. Puis s’relâche. Tous en même temps. Cent cinquante voix pleines d’sueur dans une cave sombre. La terre humide des murs éclairés à la torche fume sous l’affront. Sordide. Mais l’môme étalé en voit rien. Entend juste.
Entend à moitié. D’puis ent’ les gouttes qui lui perlent au bout du scalp. Les cris, les commentaires. Les insultes. Les déçus, les frustrés. Les contents qui lui crachent à la gueule pour l’remercier. Non y pleut pas, c’tait un glaviot pour lui, ça. Son manager qu’s’est fait rouler. Tablait sur lui après sa victoire sur Joe l’Pécore de la dernière fois. Mini-guerrier égale maxi-gains. Mais. T’misais sur un poulain de onze ans aussi, gros. Faut pas espérer gagner à chaque fois. La prochaine ptet.
Ptet pas.
Faut d’abord qu’y s’remette le poulain. Bavettes fendues, arcade cassée. L’vernis fait peur. Et l’reste du tableau est à l’avenant. Les entrailles aussi ont sal’ment été r’tournées. L’tout aurait ému un gars des villes. Un gars humain. Même un des péquenots d’Troop Erdu y aurait trouvé à r’dire. Faut dire qu’un chiard d’octante livres tout mouillé qui prend sa rouste, ça s’coue. Mais ici on est ailleurs. Ici on est dans un bouge mal famé où chacun joue sa mère à chaque coup. L’innocence d’l’enfant on connaît pas. Vaut ptet mieux, on pourrait être surpris. Avec c’ptit gars qu’bravait l’adulte sans frémir et qu’on emporte sur une planche.
Rictus en coin et bagouzes qu’illuminent les r’coins glauques des âmes perdues.
L’vainqueur mate son adversaire du jour, salue la civière du menton comme on fait chez les gens biens et prend ses gains. S’tire aut’ part, flamber en une nuit c’que lui rapporte l’turbin. L’a été loyal, personne lui en veut d’avoir tué l’poussin dans l’œuf. Pis l’singlet un peu rouge un peu marron et les épaules ’core luisantes d’la cogne impressionnent toujours, personne pour s’mettre en travers quand y sort. L’équipe d’nettoyage de verres s’installe au bar l’long du mur, scène terminée. Rideau.
Moyen Tahar rouvre un œil beigné d’violet au ptit matin. On l’a rangé la veille dans un placard à balais en attendant d’savoir quoi en foutre, puis on l’y a oublié. Et maint’nant son ventre crie famine. Crie souffrance aussi mais ça y a que lui pour le sentir. Et il le sent. Oh ça oui. Mais bon. Quand faut y aller. Mâchoire tendue comme un vrai homme et main sur la bosse qui fait tache dans sa tignasse longue d’deux pouces cassés, y s’relève. S’relève, titube, et rend ses tripes au premier coin d’bâtisse.
S’relève encore. Un g’nou d’vant. Pis l’autre. Un g’nou d’vant. Pis l’autre. Main dans la poche droite. Vide. Pas b’soin d’explorer la s’conde pour savoir qu’c’est aussi la dèche dedans. En plus du mal envahissant, l’problème qu’y a à s’faire exploser dans une cage à poules, c’est qu’tu gagnes pas. Et rien gagner, c’est rien avoir à raquer. B’jour le pain aux noix qu’fait envie en vitrine. Non, m’présente pas tes potes, ça sert nib. B’jour l’carré d’barbaque. Rah.
On dit souvent qu’y a des étapes importantes dans la vie d’un homme. La première, c’est couper l’cordon avec la famille. Et ça, l’jour où son frérot a fait son grand saut vers la faucheuse, on peut dire qu’Ptit Tahar de l’époque a plutôt bien tranché les choses. La s’conde, c’est choisir comment il va s’payer à bouffer. S’assurer des moyens d’subsistance. Et ça, quand t’es un combattant pas encore confirmé d’trois potirons de haut, t’as l’choix ent’ rapiner légèrement, tapiner légèrement, ou faire les yeux doux à un bienfaiteur d’passage. Les deux dernières r’venant souvent au même. Et.
En l’occurrence, si y a probablement plusieurs violeurs d’mignons en puissance dans c’ramassis d’fouteurs de rien, côté bienfaiteurs d’passage la nature a aujourd’hui plutôt l’air partie pour faire sa timide. Et comme on s’fait pas profaner la sainteté quand on s’appelle Tahar est qu’on est destiné à pas mal de trucs classes, reste plus qu’la maraude. V’là donc un morveux pas r’mis d’ses exploits d’la veille qu’expérimente la réalité en rentrant dans une boutique d’victuaillerie. Et qui r’ssort vite fait en boitant, sans succès et sans réussir à bien s’protéger des coups d’triques qui cherchent à lui plomber la nuque.
Mains vides, poches vides, estomac vide. Esprit vide. Autant s’poser sur un quai à r’garder l’large, tiens.
Sait jamais. Ptet que les vagues lui susurr’ront une aut’ vérité qu’celle que lui souffle son bide. Transmut’ront le « rentre chez ta mère, jeunot » qui lui lancine le crâne ébréché en un « marche ou crève, morpion ». Marche ou crève.
Noir, rouge. Gris, jaune. Un peu d’bleu. Pis du vert. Du vert chiasse. Gerbe. Pis du noir encore. L’arc-en-ciel du chaos s’étire, s’étale, prend ses jambes à son cou et monte dans l’ciel étoilé d’Ptit Tahar dev’nu grand. L’gamin r’nifle ses glaires sanglantes, crache son foie et valdingue sous l’choc. D’vant lui défile le spectre des couleurs d’la souffrance et des boyaux explosés par un panard fendard. Mal.
Mal, ça fait putain d’mal.
Avant d’compter deux, l’vlà effondré contre un barreau à l’aut’ bout d’la cage. Moyen Tahar s’est battu, Moyen Tahar a perdu. L’temps d’réaliser, l’assistance r’tient son souffle. Puis s’relâche. Tous en même temps. Cent cinquante voix pleines d’sueur dans une cave sombre. La terre humide des murs éclairés à la torche fume sous l’affront. Sordide. Mais l’môme étalé en voit rien. Entend juste.
Entend à moitié. D’puis ent’ les gouttes qui lui perlent au bout du scalp. Les cris, les commentaires. Les insultes. Les déçus, les frustrés. Les contents qui lui crachent à la gueule pour l’remercier. Non y pleut pas, c’tait un glaviot pour lui, ça. Son manager qu’s’est fait rouler. Tablait sur lui après sa victoire sur Joe l’Pécore de la dernière fois. Mini-guerrier égale maxi-gains. Mais. T’misais sur un poulain de onze ans aussi, gros. Faut pas espérer gagner à chaque fois. La prochaine ptet.
Ptet pas.
Faut d’abord qu’y s’remette le poulain. Bavettes fendues, arcade cassée. L’vernis fait peur. Et l’reste du tableau est à l’avenant. Les entrailles aussi ont sal’ment été r’tournées. L’tout aurait ému un gars des villes. Un gars humain. Même un des péquenots d’Troop Erdu y aurait trouvé à r’dire. Faut dire qu’un chiard d’octante livres tout mouillé qui prend sa rouste, ça s’coue. Mais ici on est ailleurs. Ici on est dans un bouge mal famé où chacun joue sa mère à chaque coup. L’innocence d’l’enfant on connaît pas. Vaut ptet mieux, on pourrait être surpris. Avec c’ptit gars qu’bravait l’adulte sans frémir et qu’on emporte sur une planche.
Rictus en coin et bagouzes qu’illuminent les r’coins glauques des âmes perdues.
L’vainqueur mate son adversaire du jour, salue la civière du menton comme on fait chez les gens biens et prend ses gains. S’tire aut’ part, flamber en une nuit c’que lui rapporte l’turbin. L’a été loyal, personne lui en veut d’avoir tué l’poussin dans l’œuf. Pis l’singlet un peu rouge un peu marron et les épaules ’core luisantes d’la cogne impressionnent toujours, personne pour s’mettre en travers quand y sort. L’équipe d’nettoyage de verres s’installe au bar l’long du mur, scène terminée. Rideau.
Moyen Tahar rouvre un œil beigné d’violet au ptit matin. On l’a rangé la veille dans un placard à balais en attendant d’savoir quoi en foutre, puis on l’y a oublié. Et maint’nant son ventre crie famine. Crie souffrance aussi mais ça y a que lui pour le sentir. Et il le sent. Oh ça oui. Mais bon. Quand faut y aller. Mâchoire tendue comme un vrai homme et main sur la bosse qui fait tache dans sa tignasse longue d’deux pouces cassés, y s’relève. S’relève, titube, et rend ses tripes au premier coin d’bâtisse.
S’relève encore. Un g’nou d’vant. Pis l’autre. Un g’nou d’vant. Pis l’autre. Main dans la poche droite. Vide. Pas b’soin d’explorer la s’conde pour savoir qu’c’est aussi la dèche dedans. En plus du mal envahissant, l’problème qu’y a à s’faire exploser dans une cage à poules, c’est qu’tu gagnes pas. Et rien gagner, c’est rien avoir à raquer. B’jour le pain aux noix qu’fait envie en vitrine. Non, m’présente pas tes potes, ça sert nib. B’jour l’carré d’barbaque. Rah.
On dit souvent qu’y a des étapes importantes dans la vie d’un homme. La première, c’est couper l’cordon avec la famille. Et ça, l’jour où son frérot a fait son grand saut vers la faucheuse, on peut dire qu’Ptit Tahar de l’époque a plutôt bien tranché les choses. La s’conde, c’est choisir comment il va s’payer à bouffer. S’assurer des moyens d’subsistance. Et ça, quand t’es un combattant pas encore confirmé d’trois potirons de haut, t’as l’choix ent’ rapiner légèrement, tapiner légèrement, ou faire les yeux doux à un bienfaiteur d’passage. Les deux dernières r’venant souvent au même. Et.
En l’occurrence, si y a probablement plusieurs violeurs d’mignons en puissance dans c’ramassis d’fouteurs de rien, côté bienfaiteurs d’passage la nature a aujourd’hui plutôt l’air partie pour faire sa timide. Et comme on s’fait pas profaner la sainteté quand on s’appelle Tahar est qu’on est destiné à pas mal de trucs classes, reste plus qu’la maraude. V’là donc un morveux pas r’mis d’ses exploits d’la veille qu’expérimente la réalité en rentrant dans une boutique d’victuaillerie. Et qui r’ssort vite fait en boitant, sans succès et sans réussir à bien s’protéger des coups d’triques qui cherchent à lui plomber la nuque.
Mains vides, poches vides, estomac vide. Esprit vide. Autant s’poser sur un quai à r’garder l’large, tiens.
Sait jamais. Ptet que les vagues lui susurr’ront une aut’ vérité qu’celle que lui souffle son bide. Transmut’ront le « rentre chez ta mère, jeunot » qui lui lancine le crâne ébréché en un « marche ou crève, morpion ». Marche ou crève.