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Cidade de Deus [FB 1596]

Bam.

Noir, rouge. Gris, jaune. Un peu d’bleu. Pis du vert. Du vert chiasse. Gerbe. Pis du noir encore. L’arc-en-ciel du chaos s’étire, s’étale, prend ses jambes à son cou et monte dans l’ciel étoilé d’Ptit Tahar dev’nu grand. L’gamin r’nifle ses glaires sanglantes, crache son foie et valdingue sous l’choc. D’vant lui défile le spectre des couleurs d’la souffrance et des boyaux explosés par un panard fendard. Mal.

Mal, ça fait putain d’mal.

Avant d’compter deux, l’vlà effondré contre un barreau à l’aut’ bout d’la cage. Moyen Tahar s’est battu, Moyen Tahar a perdu. L’temps d’réaliser, l’assistance r’tient son souffle. Puis s’relâche. Tous en même temps. Cent cinquante voix pleines d’sueur dans une cave sombre. La terre humide des murs éclairés à la torche fume sous l’affront. Sordide. Mais l’môme étalé en voit rien. Entend juste.

Entend à moitié. D’puis ent’ les gouttes qui lui perlent au bout du scalp. Les cris, les commentaires. Les insultes. Les déçus, les frustrés. Les contents qui lui crachent à la gueule pour l’remercier. Non y pleut pas, c’tait un glaviot pour lui, ça. Son manager qu’s’est fait rouler. Tablait sur lui après sa victoire sur Joe l’Pécore de la dernière fois. Mini-guerrier égale maxi-gains. Mais. T’misais sur un poulain de onze ans aussi, gros. Faut pas espérer gagner à chaque fois. La prochaine ptet.

Ptet pas.

Faut d’abord qu’y s’remette le poulain. Bavettes fendues, arcade cassée. L’vernis fait peur. Et l’reste du tableau est à l’avenant. Les entrailles aussi ont sal’ment été r’tournées. L’tout aurait ému un gars des villes. Un gars humain. Même un des péquenots d’Troop Erdu y aurait trouvé à r’dire. Faut dire qu’un chiard d’octante livres tout mouillé qui prend sa rouste, ça s’coue. Mais ici on est ailleurs. Ici on est dans un bouge mal famé où chacun joue sa mère à chaque coup. L’innocence d’l’enfant on connaît pas. Vaut ptet mieux, on pourrait être surpris. Avec c’ptit gars qu’bravait l’adulte sans frémir et qu’on emporte sur une planche.

Rictus en coin et bagouzes qu’illuminent les r’coins glauques des âmes perdues.

L’vainqueur mate son adversaire du jour, salue la civière du menton comme on fait chez les gens biens et prend ses gains. S’tire aut’ part, flamber en une nuit c’que lui rapporte l’turbin. L’a été loyal, personne lui en veut d’avoir tué l’poussin dans l’œuf. Pis l’singlet un peu rouge un peu marron et les épaules ’core luisantes d’la cogne impressionnent toujours, personne pour s’mettre en travers quand y sort. L’équipe d’nettoyage de verres s’installe au bar l’long du mur, scène terminée. Rideau.


Moyen Tahar rouvre un œil beigné d’violet au ptit matin. On l’a rangé la veille dans un placard à balais en attendant d’savoir quoi en foutre, puis on l’y a oublié. Et maint’nant son ventre crie famine. Crie souffrance aussi mais ça y a que lui pour le sentir. Et il le sent. Oh ça oui. Mais bon. Quand faut y aller. Mâchoire tendue comme un vrai homme et main sur la bosse qui fait tache dans sa tignasse longue d’deux pouces cassés, y s’relève. S’relève, titube, et rend ses tripes au premier coin d’bâtisse.

S’relève encore. Un g’nou d’vant. Pis l’autre. Un g’nou d’vant. Pis l’autre. Main dans la poche droite. Vide. Pas b’soin d’explorer la s’conde pour savoir qu’c’est aussi la dèche dedans. En plus du mal envahissant, l’problème qu’y a à s’faire exploser dans une cage à poules, c’est qu’tu gagnes pas. Et rien gagner, c’est rien avoir à raquer. B’jour le pain aux noix qu’fait envie en vitrine. Non, m’présente pas tes potes, ça sert nib. B’jour l’carré d’barbaque. Rah.

On dit souvent qu’y a des étapes importantes dans la vie d’un homme. La première, c’est couper l’cordon avec la famille. Et ça, l’jour où son frérot a fait son grand saut vers la faucheuse, on peut dire qu’Ptit Tahar de l’époque a plutôt bien tranché les choses. La s’conde, c’est choisir comment il va s’payer à bouffer. S’assurer des moyens d’subsistance. Et ça, quand t’es un combattant pas encore confirmé d’trois potirons de haut, t’as l’choix ent’ rapiner légèrement, tapiner légèrement, ou faire les yeux doux à un bienfaiteur d’passage. Les deux dernières r’venant souvent au même. Et.

En l’occurrence, si y a probablement plusieurs violeurs d’mignons en puissance dans c’ramassis d’fouteurs de rien, côté bienfaiteurs d’passage la nature a aujourd’hui plutôt l’air partie pour faire sa timide. Et comme on s’fait pas profaner la sainteté quand on s’appelle Tahar est qu’on est destiné à pas mal de trucs classes, reste plus qu’la maraude. V’là donc un morveux pas r’mis d’ses exploits d’la veille qu’expérimente la réalité en rentrant dans une boutique d’victuaillerie. Et qui r’ssort vite fait en boitant, sans succès et sans réussir à bien s’protéger des coups d’triques qui cherchent à lui plomber la nuque.

Mains vides, poches vides, estomac vide. Esprit vide. Autant s’poser sur un quai à r’garder l’large, tiens.

Sait jamais. Ptet que les vagues lui susurr’ront une aut’ vérité qu’celle que lui souffle son bide. Transmut’ront le « rentre chez ta mère, jeunot » qui lui lancine le crâne ébréché en un « marche ou crève, morpion ». Marche ou crève.


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La mère. La mer. L'amer. Voilà trois beaux mots qui, pour Crow de seize ans, voulaient tous dire le même truc. Le premier, c'était la matrone de la maisonnée qui criait et gerbait à tout va. Le second, c'était dans une barque qu'on la franchissait et c'était loin de plaire à mademoiselle. Le troisième : un goût de repas un peu trop nauséeux. Dans les trois mots, il y avait ce petit quelque chose qui déplaisait à Crow ; elle ne pouvait les éviter.

Présentement, elle ne les évitait pas.

Voilà donc que sur le grand trois mâts paternel — il faisait du commerce avec des grands, le bonhomme — Sarah X. Crow — qu'on l'a nommait à l'époque où elle était jeune (n'imaginez pas Young Crow) — toquait des clous. Accoudée mollement sur sa paume droite, ses joues roses de bonheur alcoolique, volé à la collection personnelle de forts de Papa, elle regardait les vagues danser sous son nez. Un vent doux et salin soulevait sa robe verte émeraude — qui ne lui allait aucunement — et ses cheveux, en tignasse serrée, sous un petit chapeau coquet, frissonnaient sur son épaule.
Un accoutrement bien dérisoire pour la jeune femme d'action de l'époque. Seize ans, pleine de formes déjà, elle ne s'en laissait pas imposer, prenant raison sur le comportement de Maman. Cette-dernière, justement, la recherchait à grands coups de claques sur le personnel, gerbant son nom comme elle gerbait son whisky. Sarah. SARAH !

Vraiment, la vie était rude. En fait, non. Sur son île, Hook Island, Sarah était aimée de tous les jeunes de son âge. Meneuse, elle n'avait aucun mal à se proclamer petite reine d'un groupe de néo-proxo-presto-anarchistes. Une bande d'écervelés qui pêchaient toute la journée et rentraient tard le soir, le sermon parental plein les oreilles. Des écervelés qui prenaient plaisir à envoyer chier les aînés et se chamaillaient constamment, dérangeant les plus vieux et éblouissant les plus jeunes. De mauvais exemples. De mauvaises manies...
Pourtant, on aimait Sarah aussi chez les débris d'parents. Les Crow étaient pour lui chauffer les fesses à chacun de ses mauvais coups et la place importante de la famille faisait en sorte qu'on ne pouvait pas reprocher à l'adolescente son comportement téméraire. Une sorte de pacte économique avec l'île, dont la doyenne était la tante maternelle de Sarah. Car les parents ne venaient pas de ce village de pêcheurs. En fait, Papa ne dit jamais d'où il vint à sa fille.

Qu'elle importance. Vingt-huit ans plus tard, elle ne se rappellerait plus des adultes qu'il l'abandonnèrent un jour au creux de South Blue, un marmot dans les bras, une solitude pesante sur les épaules.


On aurait beau se soucier de l'horizon, c'était pas lui qui te changerait ton destin. Arrivant de derrière, silencieuse, Sarah X. Crow bondit sur le gamin assis sur le quai. Un rire taquin, méchant, cruel. Pourtant, Crow, déjà, aimait les enfants. Enfin, ceux qui avaient plusieurs années de moins qu'elle. Comme ce p'tit garçon, seul, les pieds ballottant au-dessus des vaguelettes.
Avec trop de familiarité, elle passa un bras fort autour du cou du Tahar inconnu. L'accrochant rapidement sous son aisselle, elle plongea sa tête contre sa poitrine. Lui frottant douloureusement le bout du crâne, elle calma ainsi son coeur qui battait la chamade. Crow s'était enfuie, elle avait traversée la ville qui la séparait du quai Nord et avait trouvé Tahar. Une rencontre intéressante.
Sans plus d'explications, comme à son habitude, déjà, la belle s'écrasa au côte du jeune. Elle remonta un peu sa robe, laissant ses genoux se faire caresser par la brise matinale. Elle respira un grand coup. Ses mains glissèrent vers l'arrière.

« R'garde moi pas d'même, morveux. J'te veux pas d'mal. Huhuhu, si t'avais vu ta tête, j'te jure, t'aurais rit ! Déjà, t'es pas trop beau avec c'te mauve autour d'l'oeil, alors, en plus, avec la tête que t'as fait ! Huhuhu ! Quoi ?! Qu'est-ce tu m'veux mouflon, j'suis pas d'humeur aussi ! »

Regard sadique, sévère. Cependant, une lueur plus brillante dans le mordoré de ses yeux. Elle s'amusait à taquiner vilainement Tahar. Puis un sourire carnassier. Elle présenta la main, une poigne solide pour accueillir celle tout aussi solide du bagarreur.

« J'me nomme Sarah X. Crow. J'suis pas du coin. South Blue. À voir ta gueule, toi, t'es d'ici. Vous avez tous d'sales gueules, même à ton âge. Pas l'premier gamin d'ton genre que j'croise, huhuhu. »


Elle porta une nouvelle fois son regard vers le lointain. Elle ne devait pas traîner. Mais elle ne voulait pas traîner seule non plus. Et autant être accompagner par l'jeunot, histoire qu'elle ne soit pas attirer dans un guet-à-pans de crottés. Elle poussa encore un peu sa chance, pour voir si, malgré sa face à claques, Tahar pourrait le conduire quelque part. Ou du moins, lui indiquer un coin sûr où passer les quelques jours qui suivraient à ruminer sur son sort.

« Tu dois m'aider, p'tit gars. J'connais rien ici. Tu peux montrer un bout où crécher ? Tu s'rais un bon p'tit monsieur, huhuhuhu. »


Elle avança un peu plus la poitrine. Elle connaissait son charme, ce que les garçons reluquaient.
Magicienne. Sorcière. Elle levait des choses sans y toucher...
    « Marche ou crève », hein. Sinon y a « marche pas, rest’ tranquille, et fais-toi choper au colback par une garçonne ratée d’une fois et d’mie ton âge, étouffe ent’ ses seins d’jà bien formés, et crève aussi ». Ou des variantes. Où tu crèves pas. C’est les joies d’la vie. Parfois tu crèves d’pas bouffer, mais t’as damé quand même. Avec les yeux. Ou la tête. Des nourritures spirituelles on appelle ça. Ca fait d’l’effet un peu. Pas longtemps. Mais un peu. Moyen Tahar est trop jeune encore pour qu’ça lui fasse vraiment grand-chose. L’a trop la dalle aussi. Pis par d’ssus y a encore la part d’lui qu’est trop vieille. Au contraire. Qu’est morte avant d’être née. Qu’lui voile les douceurs d’l’existence.

    Alors sans répondre parc’ qu’les provocs ça l’connaît. Sans causer, sans tendre la main vers celle qu’est offerte, mais en s’massant l’crâne que cette conne de presque adulte lui a martyrisé, et les côtes que la dèche lui travaille, Moyen Tahar r’garde. R’garde sans apprécier. En appréciant. Robe verte qui contraint l’corps, yeux bruns qui brillent. Chapeau. Sueur aux tempes d’avoir couru. Et South Blue elle a dit. Une fille d’voyageur. Une excitée fille d’voyageur. Pas d’la haute, mais d’gars posé dans son affaire. Un marchand ou un autre gars avec l’sou. Une occaz. Une occaz de grailler.

    L’sourire roublard r’vient en esquisse, les yeux verts r’prennent leur feu éteint d’puis la veille. Deux mouettes hurlent en tournant là-haut, assez fort et assez longtemps pour choper la main à la d’moiselle fille d’voyageur qu’a ptet d’la monnaie à écouler en œuvre de bienf’sance ou du poulet à voler. Les acides d’l’estomac r’prennent aussi leur boulot dans l’mouv’, croyant qu’on vient d’manger du vrai truc qui s’digère. Gargouillis et douleurs à masquer, pas la veine. Bientôt, gamin. Ptet. Bientôt.

    D’acc’ Miss Sarah Ixkrow ! Moi c’est Tahar. Viens par là, t'es bien tombée, jconnais l’coin comme ma poche.

    Et comme ma poche, le coin est vide. S’tu viens des docks, t’as coupé par la ville. Et si t’as coupé par la ville, t’as vu l’coin. Y a rien d’autre, mais on va t’nommer les trucs pour t’faire plaisir. Là t’as la crèche au vieux Fergu. Un bon gars qui t’donne un coin d’grange si t’as pas l’sou tant qu’tu grabuges pas. Qui sourit aux ptites aussi, tu lui plairais Miss Sarah. Là c’est l’auberge des Ravaches. Eux c’est des connards, mais si t’as du trébuchant y t’garderont à l’œil. Et vu la façade ça doit être bien confort.

    Crachat, ignominies pas à leur place dans l’clapet d’un môme de onze berges. Et on r’prend la route sans laisser à la fille l’temps d’en placer une ou d’remettre sa mise qui s’barre en sucette à force de courir. Oh, des sucettes. Mauvaise image. Du sucre. Et on passe d’vant l’épicerie, argh ! Moyen Tahar bloque un instant, s’reprend vite mais elle a dû voir. Hm. Là, t’as l’cimetière. Enfin on dit l’cimetière, mais tu sais comme c’est. On creuse un trou. On en r’creuse un autre. Deux jours après personne sait où est qui, la pluie d’après on voit plus la terre retournée. Bref, ensuite tout ça c’est du bar plus ou moins bien tenu et fréquenté. Et là-bas, au bout d’la rue, c’est la maison d’la veuve Guiget, une vieille bique barbue qui t’d’mand’ras juste de quoi vivre pour t’loger dans l’corps d’sa ferme.

    Gaffe aux coqs, sont teigneux…

    Des coqs bien forts. Bien musclés. Qui doivent bien s’attendrir dans du vin d’messe. L’petit d’homme s’remet à saliver, truffe au vent. D’vant lui s’dresse soudain un banquet comme t’en as jamais vu et comme t’en verras jamais. En pleine gadoue, érigé là au milieu d’la place. Un banquet comme il en a jamais vu et comme il en verra jamais. Un genre d’repas avec assez d’vivres pour nourrir une ville sur chaque tablée, tout ça pour lui et rien qu’pour lui, reste où t’es Miss Sarah. Non j’ai pas b’soin d’m’asseoir. Jsuis un dur, un vrai, j’ai fracass’ l’nez à des ennemis plus grands et plus forts qu’toi.

    Hm…

    Evidemment ça dure pas. L’passage à vide s’transforme en gros rien, la charcutaille s’fait la malle sans qu’il ait pu choper un morceau, et c’est des draps blancs qui prennent le r’lais. C’pas bon signe. Et comme tout bon signe qui s’vérifie, ça finit par un maousse Bim ! C’ui d’un front déjà amoché contre une clôture qu’avait rien à foutre là mais qu’était là quand même. D’sormais c’pas une bosse et des crampes et des ecchymoses que Moyen Tahar va d’voir se trimballer, c’est deux bosses et des crampes et des ecchymoses. Y a d’la joie, dans les ruelles, y a d’la joie… Allez, fermons les yeux. Juste un peu, fermons les yeux… Oui, là, just’ là, sans bouger. Fermons les yeux… Jveux dormir.


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    Sarah empoigna moyen Tahar et l'embarqua sur son épaule. Plus costaud qu'il n'en parait. Sautant la clôture, elle fit fi de l'éthique et jeta le gamin au sol, sans ménagement possible. Deux bosses et des crampes et des ecchymoses et une folle comme nounou.
    Sa laide robe verte se prit dans le grillage de la clôture. Crow n'eut d'autres choix que d'en déchirer un bout, faisant apparaître une cuisse galbe et pâle. Glissant le pied sur le côté, elle arracha son coquet chapeau de sa tête et l'envoya valser dans les poules. D'abord effrayées, elle se mirent à le picorer si bien qu'il n'en resterait bientôt plus grand chose.

    Sauvagement, Crow se jeta sur la volaille, tentant d'en attraper deux trois. Moyen Tahar avait besoin de se nourrir, ça crevait les yeux. Sarah ne dirait pas non à un bon poulet. Pourtant, ses efforts étaient vaincs, elle en arrachait sévère. Des griffures, des plumes plein la tignasse, les tympans enflés par les cris stridents ; pas sa journée à elle aussi.
    Elle finit par en avoir mare et elle se retourna vers Tahar.

    « Hey gamin, j'peux avoir un peu d'ton aide ?! »


    C'tait pas gros demandé. Et en bons espiègles qu'ils étaient, pas question de ne pas s'entraider. S'élançant à nouveau dans le poulailler, sans savoir si le gamin se lèverait pour lui venir en aide ou non, elle plongea tête première dans un maelström strident et emplumé !
    Alors qu'elle allait en attraper enfin un, on le plomba. Sursautant, elle se jeta vers l'arrière, prenant rapidement peur. Un vieil aigri tenait une grosse carabine qui remontait lentement vers Sarah.

    « Heu, Tahar ? C'qui lui ? Hey ! Tahar !! »


    Qu'elle merde !


    Spoiler:
      Dormir… Rêver… Voler… Entouré d’nuages cotonneux, Moyen Tahar visite des limbes étranges, pleines d’bébés chiens écrasés par des ch’vaux un peu trop effarouchés, d’forbans en cages grillagées pour pas agresser les passants, et d’varices salement pulpeuses. Qu’éclatent comme des bulles à chaque hoch’ment d’sa tête mal ret’nue, à chaque pas qu’fait Miss Sarah sa porteuse pour l’emm’ner en un coin où y f’ra bon manger. D’temps en temps il ouvre une mire, voit la clôture d’la veuve Guiget qui s’rapproche et qui s’éloigne et qui s’rapproche. Et en fond sonore y a des poules qu’on égorge au lieu d’leur filer du grain. Et puis d’la lumière, et puis l’noir quand il atterrit à nouveau.

      Nouvelle fente des yeux, vue improbable d’une aînée bien formée et d’moins en moins bien fringuée en train d’se peigner avec des gallinaces pas franchement commodes ni enchantées d’sa visite. Ingrates bestioles, jamais contentes des visites. Miss Sarah s’retourne pour lui dire quelque chose avec un air franch’ment pressant. S’lever, arrêter d’pioncer. S’lever et jouer à l’homme à nouveau. Trouver la force. L’ptit bout d’gamin abîmé sort son courage et l’prend à deux mains en même temps qu’y beugle des insanités pour oublier sa faim. Crevez charognes, crevez !

      Jveux vous bouffer. Jveux vous bouffer qu’il a dit. Ou pensé. Faut économiser les forces. Lui aussi s’prend des becs et des pattes. Lui aussi s’fait niaquer la gueule et les bras. C’est rapide, mais. Frères d’armes, v’là c’qu’ils sont en train d’dev’nir tous les deux. Armes d’gamins, mais armes quand même.

      Et bam.

      Une arme, une vraie. A feu. Pas la première qu’voit en action Moyen Tahar, mais la première qu’y voit braquée dans sa direction à lui. Y a encore d’la fumée qui sort du canon. Canon d’gauche. Le droit rest’ menaçant, menace. Menace la Miss Sarah. Et derrière. Derrière y a l’vieux Ravache, l’père du père Ravache, l’patriarche d’la famille des dégénérés du même nom. Instinct d’survie, on oublie la faim, on oublie l’sang qui coule. Même les poules ont oublié d’beugler. Même l’coq qu’le jeune gars tient ent’ les palmes fait soudain son calme en attendant qu’la situation s’défige.

      Bouge !

      Fait moins son calme quand son porteur décide d’le balancer en pleine poire du vieux sagouin qui s’croit gardien des lieux. C’vieux beau. Qu’est-ce qu’y fout là ? D’puis quand la vieille Guiget l’laisse venir lui faire sa cour ? Erk. Pas b’soin d’s’enquiller l’temps d’réflexion, cocorico ! L’crêteux vole toutes serres dehors en direction du grognard, encore un bam retentit, et y a des plumes rousses et vertes et noires partout en l’air. L’occasion est idéale pour se tirer. Pressant l’train à sa compagne sans savoir où a atterri la balle, en lui, en elle ou dans la pauv’ bête qu’on entend plus, Moyen Tahar récupère le premier plombé là où Sarah l’avait laissé tomber sous la surprise.

      Sales mômes ! Z’allez voir c’que z’allez voir bordel des dieux ! Jvais vous tirer les oreilles jusqu’à vous arracher vot’ cerv’let, ptits salopiauds ! Hanrf ! Un coup d’pied dans l’tibia au passage lui fait passer l’envie d’jérémier en même temps qu’il lâche son arme déchargée. Réflexe de jeune homme teigneux. Ca, L’combattant d’infortune le ramasse pas, c’est pas utile. Et ensuite courir, courir toujours plus loin, toujours plus vite, à s’en désucrer l’organisme comme y a pas. Courir hors du village, courir vers l’centre boisé de l’île. Et déjà qu’y avait pas d’sucre dans l’organisme à la base… Quand l’couple s’arrête, ils ont laissé derrière eux même les plus isolées des fermes du bout du monde.

      Stop ! Stop ! J’en peux plus ! J’en peux plus…

      Et lâcher l'poulet. Et s’étaler l’cœur éperdu dans les feuilles mortes et la poussière derrière un tronc. Et r’garder l’clinquant là-haut derrière les branches. Et récupérer son souffle en écoutant la Miss Sarah qui à la base d'vait apporter nourriture et abondance.


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      Arrêt. Enfin, elle aussi n'en pouvait plus. Le mioche s'effondrait, complètement vanné, tandis que la belle adolescente ramenait ce qui lui restait de sa robe en une sorte de torchon plus approprié pour la course. Les lambeaux lui avaient joué dans les pattes toute la fuite, guidée par moyen Tahar. Heureusement pour eux, le vieil aigri n'avait ni bal ni cardio, si bien que la course avait été plus aisée qu'une vraie fuite. En plus, un poulet, cou cassé, trônait sur un petit arbre mort, déposé là par Sarah. Sarah s'avança vers Tahar, sourire aux lèvres. Malgré tout, la petite aventure avait été bonne pour elle. Palpitations et autres effets de l'adrénaline. Question goût, Sarah referait bien ça. Quoique la menace de l'arme à feu était plutôt difficile à supporter une fois devant son nez... Elle y repenserait.

      S'agenouillant aux côtés de son compagnon de fortune, elle ne remarqua pas tout de suite le sang qui teinta la chemise du garçon, déjà bien crasse. Le jeune Tahar était blanc comme un linge et ne semblait pas en bon état. Compatissante, X. Crow se coucha à ses côtés, pensant qu'il avait froid. Il ne semblait pas détester — ou peut-être lui manquait-il quelques forces pour la repousser. Une fois sa tête contre sa petite épaule, ses lèvres près de son cou blanc et suant, son bras entourant ce poitrail bien développé pour son âge, Sarah se sentit bien, sans pouvoir expliquer pourquoi. Un charme insoupçonné chez le garçon. Puis, Sarah sentit ce liquide chaud sur le haut de sa poitrine et se releva. Du sang. Aussitôt, sans ménagement, elle déchira encore un autre pan de son affreuse robe et banda l'épaule du garçon. Était-ce la balle ? Était-ce autre chose ? Sarah n'y connaissait rien. Fallait juste que ça saigne pas, voilà tout. La jeune femme reposa doucement le garçon sur son dos et alla déplumer le poulet.

      « Dis-moi Tahar, que comptes-tu faire plus tard ? Si tu continues à t'amocher ainsi, j'donne pas cher de ta peau. Tu sais, sur South Blue, tu pourrais avoir une belle enfance. Tu voudrais pas repartir avec moi ? »


      Elle se tut aussitôt, croyant faire une erreur. Qui était-il après tout, comment vivait-il. Bien des questions inutiles à répondre, car Sarah repartirait le lendemain sur sa Blue, et plus jamais qu'elle ne croiserait le chemin de Tahar le minuscule. Pourtant, le garçon était différent des autres enfants. Ce pouvait-il que ?...
      Sarah chassa cette mauvaise pensée et s'alluma un feu pour eux. Embrochant sans grande pitié la carcasse nue de la volaille, elle la plaça sur deux supports rapidement improvisé et entreprit à faire rôtir leur dîner. Ce ne serait sûrement pas bon, quoique la jeune avait certaine facilité à bien agencer les goûts et saveurs.

      « J'aimerais mieux t'connaître Tahar. Tu es blessé. Tu ne te sens pas bien. Tu n'as pas quelque chose à faire où j'pourrais te remplacer ? À ton âge, tu dois bien savoir gagner un peu de blé non ? Allez, laisse-moi t'aider morveux ! Tu vas voir, moi aussi j'suis intrépide, comme toi ! Moi aussi j'sais faire plein de choses, comme toi ! Allez, dis dis Tahar !! »


      Une vraie gamine. Sarah se sentait réellement bien en la présence de Tahar le minuscule. Une fois le poulet prêt, elle partagea son repas avec lui, tout sourire, contente de s'être fait une amitié — quoique c'était sûrement unilatérale comme relation.
        Les grillons comparent leurs guitares. Moyen Tahar rouvre les yeux d’ses rêves désordonnés de dalleux en plein délire, et les pose sur la beauté qui trône derrière et au-d’ssus de lui. Vu sous cet angle, c’est marrant mais il se sent moins marmot et plus homme, moins désintéressé qu’quand elle l’a étouffé d’sa plantureuse devanture sur le quai. Rien d’bien torride, à un âge pareil on a beau s’dev’nir un peu plus homme sans l’avoir choisi à chaque nouvelle beigne de la vie, on a encore pas les pensées mal tournées, tournées tout court. Juste, donc, c’t’impression d’être bien.

        L’sang perdu aide, ça fait planer comme une douleur trop aiguë, mais y a pas qu’ça. Y a la sensation d’enfin s’poser, d’avoir à damer pour les dix instants à v’nir, et d’pas avoir à claquer un adulte pour gagner sa croûte tout en étant en bonne compagnie. Dire qu’entre la Miss Sarah et les clodos du coin, y a pas bien photo. Les lèvres bougent, mais il entend pas. L’aurait ouï, sûr qu’il aurait dit qu’oui South c’était bien, jte suis Miss Ixkrow, mais la vie est cruelle et c’est pas pour cette fois. C’est pour jamais, ou alors pour une autre vie, mais ça aucun d’eux l’sait encore. S’ils le savaient, y s’raient pas là.

        Silence.

        L’feu mange son bois et la poule sans âme cuit doucement. Crac ça fait. Crac. Pschhh ! La graisse qui fond. Qui gicle quand une poche de graisse éclate. Pas beaucoup d’graisse, mais graisse quand même. L’crêteux local a l’muscle sain. Pschh, crac, pschh, crac. Peau qui grille et branches qui cassent dans l’âtre fait d’trois cailloux en cercle. Fumet qui s’élève et feuillages qui tournent d’vant l’soleil déjà sur le déclin. La journée passe vite dans ces contrées.

        Non Miss Sarah, pas besoin d’me remplacer. J’me déb- Ou alors. Y a bien… Mais.

        Dur d’penser en étant pansé d’frais. L’morceau d’robe sur l’épaule tient bien, c’est pas la question mais l’éraflure d’ssous est sale. Sale comme un plomb d’fusil qu’a charclé sans pitié les chairs. Au moins il est r’ssorti derrière, faut s’dire. Mais à onze piges tu t’dis pas ça. A onze piges tu t’dis qu’ça fait mal, qu’tu vois rouge-noir-blanc, qu’ça tourne et qu’t’as faim. Alors tu t’lèves d’là où t’es, tu rampes jusqu’au bord des flammes, et t’arraches un d’mi-poulet en un tour de crocs. Des crocs qui font envie ou qui font peur, suivant qui les r’garde. Et seul’ment après la troisième, quatrième bouchée, seul’ment après tu commences à lâcher des trucs sur là d’où tu viens. Un peu.

        Troop Erdu. L’coin l’plus loin du cœur du monde. La vie, la mort, la mort-vie. La non-vie.

        Le combat d’cage pour vivre plus. Et ça non tu peux pas m’remplacer Miss Sarah. Ca non. T’as pas l’droit d’te faire abîmer. Voudront pas de toute. Voudront pas tant mieux.

        T’as entendu ?

        Entre la douzième et la treizième becquetée, Moyen Tahar s’arrête brusquement. Pas grand-chose, dans c’qu’y vient d’manger, mais avec le confort et l’calme autour, c’est tous ses sens qui s’sont r’posés. Qui s’sont r’posés et qui sont r’passés aux aguets. Les grillons jouent plus. Les fourmis dansent plus dans les brindilles. Mais derrière eux arrive un truc. Derrière la rosière. Un gros truc sombre qui menace. Un truc avec un tromblon. L’vieux Ravache ? L’vieux Ravache ! Qui geint, qui gémit, qui menace et jure et prophétise dans sa barbe d’vieux beau en traînant la patte et en rameutant la noirceur d’son âme de sale revanchard. Merde.

        Bouge !

        Et d’se rel’ver. Et d’tirer par la main la gueuse qu’en est pas une. Et d’lâcher dans un pan d’chemise les restes du pouleton. Réflexes de fou, réflexes de blessé pas tant qu’ça. La vie est une carne, un instant de paix c’est un prélude à la guigne. Un instant de guigne c’est l’quotidien. Faut gérer avec. L’couple se tire dans les bois l’un d’vant l’autre et l’autre d’vant l’un. Main dans la main jusqu’à c’que l’plus jeune et l’plus barbu s’arrête au coin d’un tronc et enjoigne à la moins jeune et à la plus pubère de continuer sans lui, sans attendre de réponse. Retourne au bled Miss Sarah, retournes-y et planque-toi jusqu’à ton départ. J’ai bien aimé t’connaître, merci pour l’poulet, j’espère qu’on s’recroisera un jour.

        Adieu !

        J’espère mais j’y crois pas. Moyen Tahar a pas les illusions des mômes d’son âge. Et d’repartir en arrière bille en tête. L’idée ? Dérouter l’vieux, s’l’attirer sur lui. Les douze enfers seuls savent c’que c’taré pas si cacochyme ferait à une belle comme elle. Les douze enfers et n’import’ qui avec un peu d’imaginaire.


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        Bam.

        Noir, rouge. Gris, jaune. Un peu d’bleu. Pis du vert. Du vert chiasse. Gerbe. Pis du noir encore. L’arc-en-ciel du chaos s’étire, s’étale, prend ses jambes à son cou et monte dans l’ciel étoilé d’Ptit Tahar dev’nu grand. L’gamin r’nifle ses glaires sanglantes, crache son foie et valdingue sous l’choc. D’vant lui défile le spectre des couleurs d’la souffrance et des boyaux explosés par un panard fendard. Mal.

        Mal, ça fait putain d’mal.

        Et c’est pas fini.

        La rouste tombe. Encore. Et encore. La vie est une rosse. Une chienne. Une garce. Où qu’tu r’gardes. Quoi qu’t’écoutes. Quoi qu’tu r’ssentes. Si c’est bien. Si c’est bon. Si c’est chaud. Si ça t’a rempli l’estomac. L’esprit vide du vagabond. L’cœur encore un peu tendre de l’encore mouflet. Si. Alors. Alors l’contrecoup s’ra terrible. Violent. Ultime. Une crosse dans l’bide. Une botte dans l’crâne. D’la haine pure. Gratuite. Même plus d’la haine en fait. Juste du coup. Du coup net et avec bavures.

        Comme ça. Parce que tu l’mérites pas. Parce que c’ui qui t’donne a envie.

        Tu croyais t’être bien calé la panse ? Tu croyais t’en être sorti heureux ? Tu croyais t’être fait une copine ? Ha. Apprends. Apprends pendant qu’tu crèves. Y a pas d’bouffe qui tienne au boyau. Y a pas d’fille qui vaille la peine qu’elle t’coûte. Soit c’est elle qui t’lâche, soit c’est l’padre qui t’fait lâcher. Mais ça t’es encore trop jeune pour ça. Soit c’est l’vieux con vieux fou du bled qui t’prend pour cible. Et ça aussi t’es trop jeune pour ça mais personne chign’ra pour toi. Personne que toi.

        Sur la paille où on l’a traîné, Moyen Tahar est seul à chialer. Tout seul. Lui et les morceaux d’son âme qu’est déjà partie en sucette d’puis longtemps. Qui finit aujourd’hui d’se briser en deux cents et vingt-quatre morceaux qu’rien pourra r’coller. Autant qu’y a d’os dans un squelette, ouais. Autant qu’y a d’coups qui tombent c’te fois-là, à une louche près. A une taloche près. Les gens sont pas humains.

        Sarah…

        Ca sert à rien d’dire son nom. Elle est pas là. Ca sert à rien. Ca aide pas non plus. La douleur est pas moins forte. Y a qu’dans les bouquins qu’s’achètent les filles d’gens riches qu’elle est moins forte quand tu dis un nom d’jeune fille. Nan. La douleur est là. Bien là. Si encore il avait pu s’défendre. Y aurait qu’la douleur physique. Mais là. Amoché comme il était. Affamé comme il était. Rien de rien. Rien de rien qu’il a pu faire. Juste encaisser. Et encore. Juste prendre. Juste recevoir. Accepter.

        Et attendre.

        Attendre qu’ça cesse. Attendre qu’ça passe et qu’tombe la nuit sur ce rade de dégénérés. Attendre et laisser passer le frais du plein noir. Baume de l’infortuné qu’a qu’ça sous la main pour refroidir son esprit. Pour apaiser la douleur de l’ego blessé. Ca change rien au corps. Ca change rien aux fractures. Les bleus partent pas avec l’aube. Au contraire. Sont plus moches au jour rev’nu. Mais la fatigue et l’oubli et l’froid laissent planer l’doute. Ptet que j’vais déjà mieux. Ptet que j’vais m’en tirer.

        S’en tirer. S’tirer. L’idée fait son ch’min. Et pourquoi non ? Avec elle ? Son père, y roule ptet pas sur l’or, mais il a un rafiot. Et les rafiots, ça sert à s’tirer. Non ? Putain, s’rel’ver. Moyen Tahar sait pas comment ses ch’villes tiennent son poids. Comment ses rotules jouent pas aux quilles et comment ses hanches encaissent chaque pas. Y sait pas. Y sait juste que c’est pas gratuit. Qu’ça lance de là à là. Du coccyx à la nuque. Jusqu’ dans l’crâne. Ou ça résonne comme un putain d’gong sur le ring.

        Mais y fait quand même. Jusque.

        Dans l’brouillard. Y fait plein beau mais c’est dans une brume à couper à la cisaille qu’il arrive aux quais. Brume d’acouphènes. Brume de champ d’vision rétréci à cause des arcades enflées. Putain, s’y s’voyait y s’ferait peur à lui-même. D’ailleurs, les gens l’évitent. Gueule de môme qu’a trouvé bon d’foutre la patte dans un nid d’frelons. Dans la brume et trop tard. Ha. Au loin, ent’ les fentes qui lui servent de mires, il voit. Y voit pas, l’bateau est trop loin. Mais y sait. Y sait qu’elles sont là-bas.

        Elles. La barque. La fille. Sarah.

        La vie est une pute.

        La vie est une pute, Moyen Tahar.

        Qui t’aime pas.

        Sa sœur par contre. La mort. Elle…


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