Le Deal du moment : -67%
Carte Fnac+ à 4,99€ au lieu de 14,99€ ...
Voir le deal
4.99 €

Dans la dèche de West Blue à South Blue [FB PV Plume Geronimo]





Hissez-haut ! Le soleil brille ! Le vent souffle ! Le temps des cerisiers est de retour ! Poussé par un nouvel élan délirant, goûtant aux joies d’une liberté retrouvée, Yuwin Mavrokoukoukalis embrassait son nouveau statut de vagabond-clodo-parasite avec un entrain qui laissait vaguement présumer de ce qu’avait pu être sa vie d’autrefois. De fait jamais on avait vu clochard plus épanoui. Au milieu des détritus et des rejetés de la société, Yuwin était à sa place. Ce n’était certes pas un motif de fierté mais quand on nageait dans le vaste océan, mieux valait rester groupé avec les petits poissons de son espèce. Surtout quand les poissons en question étaient aussi faciles à détrousser. Enfin ça c’était ce qu’il avait cru au début. Qui aurait pu croire qu’un mendiant pouvait se révéler comme le plus féroce des combattants lorsqu’il s’agissait de défendre son baluchon de détritus ? Le cuistot, lui, en avait déjà une certaine idée, les marques de dents sur ses avant-bras en attestaient avec suffisamment de force. Mais tout n’était pas perdu, les culs-de jatte restaient encore des proies relativement faciles-lorsque ces petits malins n’étaient pas dans ces amusants chariots à roulettes-et ses victimes préférés. Quoi ? De la honte ? Lorsqu’il s’agit de survie croyez-moi on met bien vite de côté des principes moraux aussi éculés que « l’honneur » ou « la générosité ». Et puis regarder ces types se traîner sur le sol pour lui « courir » après avait quelque chose de pathétiquement hilarant, il fallait le reconnaître. Amer victime du « syndrome de la victime », Yuwin pouvait trouver un exutoire parfait, les Septs Génies de la Souple à l’Oignon seuls savaient combien il en avait besoin !

C’est donc en suivant ce chemin de misère et de plaisirs mesquins, en torturant et en volant tous les mutilés, handicapés, diminués et miséreux-du moins ceux qui l’étaient davantage que lui-que notre homme était arrivé jusqu’à ce lieu, qui n’était pas sans lui rappeler un passé des plus déplaisants. « Le Cimetière des Epaves », on ne s’était guère foulé la rondelle pour trouver cette appellation mais elle collait parfaitement au lieu. Le terme « épaves » devait sans doute réunir sous la même étiquette les pauvres hères décrépis et autres déviants à bout de souffle sentant fort le jus d’aisselle 12 ans d’âge, en plus des vagues esquifs de ce qui avaient dû être autrefois de fiers navires. La déchéance c’était donné rendez-vous ici, et Yuwin comme à son habitude était au premier rang. Appâté par les rumeurs de richesses et de merveilles englouties, notre personnage à tête d’ours avait ramené sa carcasse déglinguée jusqu’ici avec l’espoir naïf, mais sincère, de se faire une fortune suffisante pour survivre les trois prochains jours. C’était sans compter sur la marée de rapaces de son espèce, et bien entendu les forbans qui pullulaient à la mode des lapins lors de la saison de la baise. Très vite il commença à comprendre que le danger ne venait cependant pas des pirates, certes redoutables, mais davantage des vendeurs à la sauvette promettant monts et merveilles. Ils étaient très convaincants.

Le cuisinier en avait fais les frais, littéralement, en troquant ses dernières maigres ressources contre une « baguette de sourcier à trésor » garantit « qualité Grand Line ». Il devait bien avoué que sur ce coup là il avait lamentablement succombé à la verve commerçante. Inutile de préciser que l’instrument en question s’était révélé comme n'étant d’aucune utilité, il avait bien réussi à tuer un rat avec-son festin du midi-mais celui-ci était déjà pratiquement mort. Vraiment il avait imaginé la liberté autrement, il avait même connu des jours plus glorieux dans sa vie de quasi-esclave chez les Cook Pirates. La nourriture là bas au moins avait été au rendez-vous. Il manqua de fondre en larme au souvenir du piteux destin qui avait faillit être le sien lorsque leur navire avait sombré. Une fois encore la Providence revenait à la charge pour lui tourmenter l’existence. Non mais vraiment, il aurait bien collé une bonne branlée au mauvais génie qui tirait les ficelles du chevalet de torture qu’était sa vie. Une organisation criminelle entière devait travailler à sa perte.

Son butin de fin de journée acheva de le lui prouver. Une bouteille vide, une paire de chaussure en cuir moisie, une épée brisée et un coffre…vide. Il essaya de positiver mais trouva plus facile de chercher réconfort dans le tord-boyaux local-qui assurément devait contenir de vrais boyaux-en risquant sa chance, et par la même occasion sa vie, dans un tripot flottant du coin. Le bois vermoulus craquait sous ses pas et l’odeur n’était pas étrangère à celle d’un cormoran crevé. Les loqueteux des environs s’étaient donnés rendez-vous, constata Yuwin en écoutant le parlé fleuri des clients et détaillant leurs tenues…pittoresques. Il échangea ses possessions, fruit de son exploration, contre un verre de l’alcool local, esquivant le regard mauvais du patron sur sa trogne d’ours. A la vision d’un épais clou dépassant du comptoir branlant il faillit s’évanouir, respirant de grandes bouffées d’air vicié face à cet élément perturbant de son nouvel environnement. Tout en essayant de garder son calme, il fit passer une paille à travers son « casque » pour « savourer » le liquide sirupeux, prêtant oreille au moindre renseignement intéressant. On y discutait de tout et de n’importe quoi. Surtout de n’importe quoi.

-Un jour jt’ai chopé un braclet’ d’or ! Par eul’ cul de Tata Marnard ! Jte jure !
-Moi j’ai juste chopé des échardes…

Passionnant. On y trouvait également le modèle courant et répandu du « vieux-qui-raconte-le-bon vieux-temps-d’avant-la-chique-en-bouche »

-Grand Line gamin ct’un bled qu’est pas pour eul’ gamins ! Tu vois ça ? Il exhiba une main mutilée où trois doigts auxquelles manquait la phalange supérieure. C’est eul’ Démon des Profondeurs qui m’la a pris !
Yuwin murmura pour lui-même, évitant de fixer le vieillard.
-Essaye donc de vivre avec une foutu boule d’acier sur la tronche, de trinquer comme un con sur navire remplis de dégénérés, pour finir objet sexuel d’une déviante à couettes…tu sauras ce que c’est la dure vie mon pote.

Comme pour répondre à ce défi masqué le Destin décida de faire une nouvelle irruption, sous la forme d’un pirate au physique puissant et féroce. Le visage marqué, le sourire mauvais, on devinait le mauvais coup fourré derrière chacun de ses gestes.

-Oy les loqueteux ! Aujourd’hui Calvin-sama vous propose un pari !
L’assistance, craintive, se fit néanmoins plus attentive, même les piliers de comptoir levèrent la tête de leur verre. Tout le monde fut définitivement ferré aux paroles du flibustier lorsqu’il exhiba un saucisson de la taille d’une cuisse.
-M’ferait marrer de voir de quoi vous seriez capable pour m’chopper c’te joli morceau mmmh ?

Yuwin manqua de crier scandalisé-si si je vous jure-il était peut être au bout du rouleau mais jamais on ne s’amuserait de sa dignité à ses dépends et que…Le pirate avait lancé la charcutaille en l’air et voilà qu’elle venait de retomber sur ses genoux. Le cuistot leva les yeux à la vitesse de l’éclair sur son voisin le plus proche. Un grand costaud borgne, ses bras massifs semblaient à même de le broyer d’un simple revers de main. Merde…



    Les craquements des mâts sous la coque du navire auraient pu effrayer les marins les aventureux, ou les plus fous, cela dépend comment vous voyez les choses. Le bateau, qui transportait des hommes rêvant de trouver des richesses sur cette île, essayait de se faufiler un chemin entre les navires échoués, ceux coulés et les bancs de coraux qui pouvaient fendre un la coque d’un navire en un instant. Mais cela restait une ambiance lugubre. Les eaux sombres, les bateaux fantômes, la faune aquatique plus ou moins dangereuse… ajoutée au diaporama des vagabonds miteux et qui put la maladie et des pirates violents et dignes des charognards les plus déterminés, vous pouvez ainsi visualiser ce coin perdu.

    Plume trouvait d’ailleurs marrant que l’on puisse seulement vouloir venir su cette île, des plus minables, admettons-le! Il s’était retrouvé sur ce navire après une soirée bien arrosée. Il ne se souvenait plus d’où il avait embarqué, comment il était embarqué, vers quelle destination il allait et pour quand était le dîner. Cela le mettait un peu sur les nerfs. De plus, le petit navire surpeuplé puait et l’équipage, ou plutôt le semblant d’équipage ne semblait pas réellement savoir comment fonctionnait ce navire.

    L’homme à la proue, qui regardait les flots pour diriger l’homme à la barre, criait des ordres que les matelots ne semblaient pas réellement comprendre… Il hurla : À TRIBORD! Le navire tourna à gauche. Il hurla : METTEZ AU CAP! Ils mirent le navire dans le sens que le navire ait le vent dans les voiles… Les mâts des navires coulés frottaient encore sur la coque tandis que les « matelots » s’occupaient à tirer au hasard sur les cordages, à faire des nœuds marins devant les chasseurs de trésors pour essayer de les convaincre qu’ils savaient ce qu’ils faisaient. Alors que la majorité des gens respiraient fort, priaient ou juraient, Plume s’assoupit. Pourquoi paniquer? Il savait nager et était sur le pont, avec un bon lancé de dail, il pouvait facilement se retrouver sur un autre navire… ou même sur la terre!

    Une secousse le réveilla. Miraculeusement, le navire avait rejoint le quai. Surprise et ravie, mais plus surprise que ravie, la population du moyen de transport commença à débarquer. Prenant le peu d’effet qu’il possédait, le borgne débarqua du navire en se souciant peu des gens qui le dévisageaient de la façon la moins discrète. Un homme de cette carrure, ce n’était pas commun à voire, et cela à n’importes qu’elle endroit sur cette planète! Ou peut-être c’était les profonds grognements que faisait son estomac, qui pouvait être confondu avec le son que produit l’orignal, lors de la saison des amours. Il décida alors d’assouvir sa faim avant de trouver un moyen qu’il pourrait utiliser pour le transporter loin de ce bout de terre sans valeurs ni intérêt pour un pyromane comme Plume. Aucune signification, de plus tout état déjà détruit! C’était nul comme endroit! En plus, il avait faim…

    Il marchait donc, mains dans les poches, épaules serrées et bottant le sol d’un air déprimé. Un homme s’approcha pour lui vendre un bout de bois qui pourrait, selon ses dires, trouver de l’eau. Il pensait sans doute que les muscles rendaient simplet, étant donné qu’il lui parlait comme s’il était un gamin, amplifiant ses mouvements au ridicule. Geronimo lui donna une pichenette sur le nez pour lui montrer qu’il n’était pas intéressé. Pensant qu’on l’attaquait, il prit son pistolet et voulut pointer l’arme vers le géant qui avait provoqué le sévice corporel décrit plutôt. Il ne put. Son poignet fut brisé net par le coup de poing donné par le borgne. Il voulut pleurer sa douleur, mais l’homme, devant lui, le stoppa net en lui enfonçant dans la bouche le morceau de bois, le rentrant profondément dans sa gorge. Cela ne le tua pas, quelqu’un dut l’aider à extirper le bâton de sa gorge, qui provoqua un vomissement, puis son évanouissement du à la douleur. L’autre continua son chemin, encore avec le même air de déprimer au visage.

    Il arriva enfin dans un endroit où il y avait de la nourriture. Des gens étranges étaient rassemblés. Des pouilleux, des tatoués et même un type avec un truc, qui ressemblait à une tête d’ours sur la tête.

    Encore un autre fétichiste… où va le monde! Pensa notre pyromane en secouant de la tête. Maintenant il fallait qu’il trouve une combine pour avoir de la bouffe, sans payer ni se faire remarquer…

    -Oy les loqueteux ! Aujourd’hui Calvin-sama vous propose un pari ! Il montra un gros saucisson à l’assistance. M’ferait marrer de voir de quoi vous seriez capable pour m’chopper c’te joli morceau mmmh ?

    Les pirates avec leurs défis inutiles… mais cela allaient être utiles! Les puissantes jambes le propulsèrent dans la direction du saucisson dans le but de l’attraper. Mais le parieur, d’une grande agilité l’évita d’une façon des plus frustrantes… tandis que Plume s’écrasait sur deux ou trois soulons qu’il emporta dans sa chute. Alcool fut projeté, les rires s’élevèrent et les alcooliques l’insultèrent du mieux de leurs élocutions actuels tandis que lui se relevait tranquillement, un sourire aux lèvres. Cela s’annonçait amusant.


      Un feu sacré qui ne lui était pas étranger coulait dans ses veines. Oui. C’était celui irradiant de la volonté de survie. L’espace d’un court instant le cuisinier s’était vu mourir de la plus ignoble des façons. Un cuisiner mort pour un saucisson…voilà une ironie qu’elle était sadique. Jetant un coup circulaire à l’assistance qui s’était figé, Yuwin déglutit douloureusement. La cochonnaille sur ses genoux frêles lui semblait soudain atrocement lourde. Il pouvait sentir une centaine de paire d’yeux le fixer d’un air qui ne lui était pas inconnu, il avait eu précisément la même devant un repas particulièrement alléchant. Mais faire l’objet du repas en question n’était ici guère plaisant. Au même titre que le saucisson qu’il avait en travers des jambes, le cuistot à tête d’ours se sentait comme un jambonneau de qualité. Nul doute que cette assemblé de crève-la-faim le dévorerait dans la foulée. L’atmosphère avait quelque chose de profondément dérangeant. Une tension d’avant-tempête flottait dans l’air, le regard de Yuwin s’attarda sur la verrue de son plus proche voisin dont le regard luisait d’envie. Il aurait pu se sentir flatter si cela ne signifiait pas par la même occasion sa propre mort dans d’atroces circonstances, il y avait en effet une forte probabilité de voir ses tripes répandus à travers le bouge. Par la Grande Cuillère du Chef Qwon il était décidément dans une fâcheuse posture. Un remake des Dents de la Mer façon pouilleux allait se dérouler, et il allait être aux premières loges.

      Le signal fut donné plus vite qu’il ne l’aurait cru. Son voisin donna le top départ en poussant un cri inarticulé, jaillissant comme un diable de sa boîte-un diable avec une sale gueule-bouteille en main. Il témoignait d’une vigueur qu’il ne lui aurait guère soupçonnée. Fort heureusement un autre vagabond se chargea de lui faire comprendre qu’ils étaient plusieurs à faire la queue. Un tabouret s’abattit donc en travers de sa gueule, déjà bien amoché, pour le jeter à terre. Yuwin commença à reprendre ses esprits et cédant à une panique légitime se leva de son siège, juste à temps pour éviter un coup de hachoir mortel du patron de bar. Par le Rumsteck Cannelle du Père Barnabé ! Celui-ci n’était pas passé loin. Enserrant son précieux trésor, le cuisinier fixa la porte de sortie. Si proche et pourtant si loin. L’assemblée n’avait pas tardé à sombrer dans un chaos indescriptible. Les affamés s’étripaient joyeusement dans un Battle Royal pathétique. Yuwin sentit une main calleuse lui agripper le mollet et il lui donna sans réfléchir un revers de saucisson en travers du visage du malappris. La charcuterie percuta avec force son assaillant, le forçant à lâcher prise.

      -Par le Moulin à Poivre du Grand John-John Sinclair ! Lâche-moi vil faquin ! C’est pas de sitôt qu’on aura ma…


      Il fut coupé dans sa phrase par un choc inattendu sur sa caboche casqué. Visiblement un autre opposant avait cru pouvoir saisir l’avantage en lui fracassant le contenu d’un broc sur la tronche. C’était sans compter sur son remarquable accessoire de classe ultime qui le mettait à l’abri de ce genre de désagrément. Il récompensa son action entreprenante par un monumental coup de tête qui l’envoya boulé sur un de ses comparses, celui-ci se fit un devoir de l’étrangler proprement. Nom d’un mixeur-éplucheur ! Ca devenait franchement trop extrême pour sa frêle personne. Il était temps de faire une fuite stratégique héroïque dont lui seul avait le secret. Malheureusement beaucoup trop de loqueteux se trouvaient encore entre lui et son issue de sortie. Le saucisson qu’il avait sous le bras était néanmoins une motivation des plus convaincantes pour passer outre ce nouvel obstacle. L’espace d’un moment son cerveau atteint suffisamment d’esprit de rationalité pour lui faire comprendre qu’il risquait sa vie pour un morceau de viande. Son éclair de lucidité ne dura cependant que l’espace d’un moment, le temps de songer à l’effet que ce serait de se sentir, au moins une fois, le ventre plein. Sans compter qu’il n’allait pas abandonner devant ces clodos des bas-fonds !

      Sans rire ! Il avait triomphé de la mort plus d’une fois ! Le Destin pouvait continuer à lui foutre des harengs morts sous les pieds, il était déterminé plus que jamais à triompher ! Soudain il se sentait comme un héros en croisade au milieu des gueux, un être de lumière au-dessus des mortels. Succombant à cette bouffée de mégalomanie il entreprit de forcer le barrage…pour être lamentablement rejeté. La horde était tenace, et la horde avait faim. Il n’était tout simplement pas assez fort, mais ce grand type derrière lui semblait disposer de ce qui était nécessaire. C’était le moment de la « jouer fine » comme aurait dit son défunt capitaine. Il avait un plan. Pointant un index théâtral sur le géant borgne il hurla à son attention.

      -Eh toi ! Par la Brioche Deluxe du Chef Jacquet ! Tu m’as l’air du genre à savoir quand saisir une occasion hein ? Yuwin espérait surtout qu’il était du genre impulsif et balaise. Je te propose une coopération ! Aide-moi à sortir de là et on se partage le…magot.

      Il lui montra le saucisson appétissant. Qui pouvait résister à une si honnête proposition ?