- Une porte s'ouvre à la volée. Elle claque puis se referme brusquement alors que de l'ouverture filtre quelques cris brusques.
Silence.
Un cri déchire l'or et manque de briser les vitres du magasin. Indigné, le cri, et empreint de colère. Une voix plus grave lui répond, toujours avec autant de force et fait vibrer les murs de la boutique. On pourrait presque voir le bâtiment se plaindre de cette violence verbale. Outrée, la voix peste, tempête, hurle pour se faire entendre. De l'autre côté, on sent, on entend, la grosse voix faire violence. Deux trois coups partent, des bruits de lutte. Puis enfin, la porte s'ouvre à la volée et en sort comme une fusée un pied. Relié à un commerçant, surement. Et ce pied met à la porte une jeune fille, autour des dix-huit ans d'après la rougeur de ses joues et la longueur de ses cheveux. Cul par dessus tête, elle est rattrapée par la chaussée dans une glissade très peu féminine. La porte claque une nouvelle fois avant de se rouvrir sur un hurlement du gérant qui jette à la figure de la jeune fille qui lentement se redresse un sabre à lame courte. La poupée s'écroule à nouveau, une bosse supplémentaire sur le coin du front. Un dernier avertissement hurlé, comme quoi on ne vendait pas d'armes sur cette île, et la porte claque une ultime fois, retournant l'écriteau qui indiquait que la boutique était fermé.
Rachel, car il s'agissait bien de la toute jeune Sergent de dix-sept ans, resta ainsi prostrée, dos contre le mur, inexpressive, à fixer la porte qui se refermait de nouveau sur elle. Ça faisait trois aujourd'hui. Dans un soupir qui montrait qu'elle faisait tout pour rester calme, la poupée de porcelaine se leva lentement puis ramassa son sabre au sol. Plus personne autour ne faisait attention à elle. Un groupe de gardes du royaume passa devant elle, bavardant pour tuer le temps que les rondes leur prenaient, sans lui jeter un regard. Pourquoi l'auraient-ils fait, elle n'avait pas sa veste ni ses galons sur elle. Pas ici. Un couple, au coin de la rue, s'embrassait, en s'foutant pas mal des r'gards obliques. Rachel tira la grimace et tourna les talons. Ça faisait trois aujourd'hui. Trois magasins qui lui fermaient les portes sous prétexte qu'elle n'avait pas la carrure pour ce qu'elle demandait... Ou qu'ils ne vendaient pas d'armes... Tant pis, demain elle reviendrait avec ses galons et demanderait à réquisitionner une faux. Pour une mission... Ouais, ce serai pas mal ça. C'est qu'elle la voulait sa faux. Si elle l'avait eue il y a quelques semaines face à Yukiji, elle aurait peut-être réussi à l'attraper... Peut-être, hein. Au pire, elle la demanderait chez les gardes. Elle trouverait bien son bonheur, non ?
Elle déambulait. Une rue, une autre, un étale de fruits où elle acheta une pomme, une clémentine et une poire, un mendiant à qui elle donna un coup de pied -pour avoir essayer de la peloter soi-disant- un angle étrangement aigu, pour une rue, et un trottoir défoncé. Quoiqu'à y regarder, c'était tout le tour du bar qui l'était. En voilà un qui rentrait dans la catégorie « stéréotype » du bar à problèmes. Même pas besoin d'en décrire les portes à double battants pendantes, ou les vitres salles, ou encore moins le pianiste genre saloon qui s’en-orgue-illissait de son savoir faire. Rachel avait été écouter, une fois, et elle avait appris qu'il avait été joueur d'orgue dans l'église de Manshon. La fameuse. Mais pour en revenir au bar, en tendant l'oreille, on pouvait entendre les rixes de comptoir et les chansons paillardes des piliers des comptoirs sus-cités. Un petit sourire et elle passa son chemin. Elle croqua dans sa pomme en se disant que les bars et autres pubs n'étaient pas vraiment pour elle.
Devant la grande église, Rachel finit par faire une halte. Elle était impressionnante, et si sa propre foi n'était pas vraiment compatible, elle respectait celle-ci. Et puis, elle aimait l'atmosphère austère de ces lieux de culte assez impressionnants. Attaquant son orange, Rachel aux yeux de jade s'assit sur un banc juste en face. Elle la décortiqua avec soin, n'aimant pas avoir les petits filaments blancs qui polluent le goût, la saveur et la délectation de l'orange. Déjà qu'elle trouvait ce fruit acide -quoique bon- si en plus elle avait ces fils laiteux pour la dégoûter... Elle y apporta toute l'attention qu'elle put, prenant son temps, et lorsque le soleil fut caché par la gigantesque pointe de l'église où trônaient de lourdes et d'imposantes cloches de bronze, elle attaqua avec plaisir son fruit finement nettoyé de toutes impuretés. Mais elle ne put se prélasser avec son fruit qu'un voleur de pomme passa à portée. Un petit garçon aux cheveux frissonnants et désordonnés, haillons aux pieds et regard hagard en arrière. Poursuivi par un honnête marchand, lui-même poursuivi par un honnête homme. Premier réflexe de Rachel, avec le sourire et un petit rire tout fin, c'est de tendre la jambe en avant. Et l'cul terreux se r'trouve par terre Le marchand, celui à qui elle avait elle-même acheté ses fruits qu'elle savourait, se redressa. Sonné, furieux et aigri. La petite poupée masqua son sourire et leva les bras au ciel avec une mine innocente. Et lorsqu'il pointa vers elle un doigt rageur, béguetant des paroles menaçantes, elle se défendit, coulant en même temps un regard au jeune brun qui arrivait pas derrière, dégoulinant d'amusement et d'ironie.
-Je ne fais de tort à personne en laissant courir les voleurs de pommes... si ?