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Brassens chante Luvneel [Soren (Lawblood)]

    Une porte s'ouvre à la volée. Elle claque puis se referme brusquement alors que de l'ouverture filtre quelques cris brusques.

    Silence.

    Un cri déchire l'or et manque de briser les vitres du magasin. Indigné, le cri, et empreint de colère. Une voix plus grave lui répond, toujours avec autant de force et fait vibrer les murs de la boutique. On pourrait presque voir le bâtiment se plaindre de cette violence verbale. Outrée, la voix peste, tempête, hurle pour se faire entendre. De l'autre côté, on sent, on entend, la grosse voix faire violence. Deux trois coups partent, des bruits de lutte. Puis enfin, la porte s'ouvre à la volée et en sort comme une fusée un pied. Relié à un commerçant, surement. Et ce pied met à la porte une jeune fille, autour des dix-huit ans d'après la rougeur de ses joues et la longueur de ses cheveux. Cul par dessus tête, elle est rattrapée par la chaussée dans une glissade très peu féminine. La porte claque une nouvelle fois avant de se rouvrir sur un hurlement du gérant qui jette à la figure de la jeune fille qui lentement se redresse un sabre à lame courte. La poupée s'écroule à nouveau, une bosse supplémentaire sur le coin du front. Un dernier avertissement hurlé, comme quoi on ne vendait pas d'armes sur cette île, et la porte claque une ultime fois, retournant l'écriteau qui indiquait que la boutique était fermé.

    Rachel, car il s'agissait bien de la toute jeune Sergent de dix-sept ans, resta ainsi prostrée, dos contre le mur, inexpressive, à fixer la porte qui se refermait de nouveau sur elle. Ça faisait trois aujourd'hui. Dans un soupir qui montrait qu'elle faisait tout pour rester calme, la poupée de porcelaine se leva lentement puis ramassa son sabre au sol. Plus personne autour ne faisait attention à elle. Un groupe de gardes du royaume passa devant elle, bavardant pour tuer le temps que les rondes leur prenaient, sans lui jeter un regard. Pourquoi l'auraient-ils fait, elle n'avait pas sa veste ni ses galons sur elle. Pas ici. Un couple, au coin de la rue, s'embrassait, en s'foutant pas mal des r'gards obliques. Rachel tira la grimace et tourna les talons. Ça faisait trois aujourd'hui. Trois magasins qui lui fermaient les portes sous prétexte qu'elle n'avait pas la carrure pour ce qu'elle demandait... Ou qu'ils ne vendaient pas d'armes... Tant pis, demain elle reviendrait avec ses galons et demanderait à réquisitionner une faux. Pour une mission... Ouais, ce serai pas mal ça. C'est qu'elle la voulait sa faux. Si elle l'avait eue il y a quelques semaines face à Yukiji, elle aurait peut-être réussi à l'attraper... Peut-être, hein. Au pire, elle la demanderait chez les gardes. Elle trouverait bien son bonheur, non ?

    Elle déambulait. Une rue, une autre, un étale de fruits où elle acheta une pomme, une clémentine et une poire, un mendiant à qui elle donna un coup de pied -pour avoir essayer de la peloter soi-disant- un angle étrangement aigu, pour une rue, et un trottoir défoncé. Quoiqu'à y regarder, c'était tout le tour du bar qui l'était. En voilà un qui rentrait dans la catégorie « stéréotype » du bar à problèmes. Même pas besoin d'en décrire les portes à double battants pendantes, ou les vitres salles, ou encore moins le pianiste genre saloon qui s’en-orgue-illissait de son savoir faire. Rachel avait été écouter, une fois, et elle avait appris qu'il avait été joueur d'orgue dans l'église de Manshon. La fameuse. Mais pour en revenir au bar, en tendant l'oreille, on pouvait entendre les rixes de comptoir et les chansons paillardes des piliers des comptoirs sus-cités. Un petit sourire et elle passa son chemin. Elle croqua dans sa pomme en se disant que les bars et autres pubs n'étaient pas vraiment pour elle.

    Devant la grande église, Rachel finit par faire une halte. Elle était impressionnante, et si sa propre foi n'était pas vraiment compatible, elle respectait celle-ci. Et puis, elle aimait l'atmosphère austère de ces lieux de culte assez impressionnants. Attaquant son orange, Rachel aux yeux de jade s'assit sur un banc juste en face. Elle la décortiqua avec soin, n'aimant pas avoir les petits filaments blancs qui polluent le goût, la saveur et la délectation de l'orange. Déjà qu'elle trouvait ce fruit acide -quoique bon- si en plus elle avait ces fils laiteux pour la dégoûter... Elle y apporta toute l'attention qu'elle put, prenant son temps, et lorsque le soleil fut caché par la gigantesque pointe de l'église où trônaient de lourdes et d'imposantes cloches de bronze, elle attaqua avec plaisir son fruit finement nettoyé de toutes impuretés. Mais elle ne put se prélasser avec son fruit qu'un voleur de pomme passa à portée. Un petit garçon aux cheveux frissonnants et désordonnés, haillons aux pieds et regard hagard en arrière. Poursuivi par un honnête marchand, lui-même poursuivi par un honnête homme. Premier réflexe de Rachel, avec le sourire et un petit rire tout fin, c'est de tendre la jambe en avant. Et l'cul terreux se r'trouve par terre Le marchand, celui à qui elle avait elle-même acheté ses fruits qu'elle savourait, se redressa. Sonné, furieux et aigri. La petite poupée masqua son sourire et leva les bras au ciel avec une mine innocente. Et lorsqu'il pointa vers elle un doigt rageur, béguetant des paroles menaçantes, elle se défendit, coulant en même temps un regard au jeune brun qui arrivait pas derrière, dégoulinant d'amusement et d'ironie.

-Je ne fais de tort à personne en laissant courir les voleurs de pommes... si ?
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Un bon moment qu’il avait élaboré son projet baptisé « Dessine-moi un Soren », association caritative visant à promouvoir l’éducation pour les enfants défavorisés. Un bon moment qu’il sillonnait North Blue en tentant d’établir des pôles un peu partout. Tout avait commencé plus de dix ans plus tôt, mais son engouement pour aider les enfants du monde entier n’avait jamais varié.

Ici, dans le royaume le plus grand de toutes les Blues, il espérait réellement pouvoir construire une infrastructure conséquente. Dans un endroit prospère comme celui-ci, les dons des braves gens pouvaient être vraiment conséquents. Mais comme partout il lui fallait trouver des âmes charitables capables de l’aider à financer une aventure si grande.
Voilà pourquoi il s’était rendu directement à la grande église de Luvneelgraad. Ses confrères, même partisans d’un autre dogme que le sien, pouvaient sans doute le conseiller, voire lui recommander des mécènes généreux. Il avait rencontré sur place le père Noël, un prêtre fidèle et visiblement attaché à la cause des enfants.

« Mon cher ami, ce que vous tentez de faire est noble. Mais je ne peux pas faire grand chose pour vous, car j’ai déjà vu le même livre que vous tenez si fortement dans les mains d’un individu plus que douteux il y a une quinzaine d’années. Un homme qui nous a fait beaucoup de mal en tentant de discréditer notre chère religion. »


Soren grimaça. Il savait de qui Noël parlait. Lestat. Son ancien maître. Celui qui l’avait initié aux arts suprêmes. Un bon professeur, malheureusement buté qui ne pouvait reconnaître une autre voie que la sienne. Le prêcheur l’avait libéré de ses contraintes charnelles, plusieurs années auparavant.

« Je comprends. Mais sachez juste que nous ne sommes pas tous ainsi. Je vous remercie de votre écoute, que votre Dieu vous garde. »

Il tourna les talons et commença à quitter la salle. En passant, il put admirer les vitraux splendides qui ornaient les fenêtres environnantes. Cet endroit lui procurait étrangement un sentiment de paix et de sérénité. Les lieux de cultes n’étaient pas légion dans son art spirituel, jamais il n’avait pu s’y rendre pour méditer. La basilique centrale, cachée des yeux non aguerris, se trouvait en effet sur Grand Line. Avec un pincement au cœur, il fit face à la réalité. Aux yeux du monde, sa philosophie resterait sans doute à jamais impie. Surtout ce qui concernait le dernier chapitre du livre.

Alors qu’il allait ouvrir la grande porte en bois, le père Noël l’interpella, sa barbe blanche et sa bure rouge luisant sous la lumière des candélabres.

« Attendez. »

Il le rejoignit délicatement, chaque pas semblant le faire glisser tel un être divin, un fantôme bienveillant.

« Je connais quelqu’un qui pourra vous aider. Un homme de bien, philanthrope et aisé, qui serait ravi d’ajouter sa pierre à votre édifice. Vous saurez le convaincre, vu votre certain talent oratoire. Revenez d’ici une heure, il passe tous les jours se recueillir.
- Mon Père, pourquoi m’aidez-vous ? »


Soren lut dans ses yeux une grande sagesse, une réserve de savoir qui avait suffisamment vue défiler d’âmes perdues pour toujours trouver la meilleure manière de les guider.

« Parce qu’ici, près de Dieu, je peux lire votre cœur. Et que même si votre chemin vous fragilise et vous détruira, votre âme reste encore belle, bercée par une lumière tamisée que peu de gens possèdent encore aujourd’hui. »

Le lieutenant ne sut quoi répondre. Il venait de se faire sonder en un instant. Chose que personne ne pouvait vraiment faire, s’arrêtant souvent à une surface lisse et joyeuse. La mort récente de son père l’avait affecté, mais il avait tant bien que mal tenté de recoller les morceaux et de garder la tête haute. Peine perdue face à la pugnacité d’un messager divin.
En hochant timidement la tête, il quitta ce havre de paix, reprenant sa marche dans un monde qui ne voulait définitivement pas de lui.

Alors qu’il descendait les marches, il eut le loisir d’observer une conversation entre une jeune demoiselle fort charmante quoi qu’un peu trop éphèbe, et un homme élégant, lui ressemblant étrangement, autant dans sa manière de se tenir que dans ses mouvements maîtrisés. Intrigué et curieux, il s’approcha. Les deux personnages semblaient en pleine discussion. À son approche, le dandy, costume Saint Hilare flambant neuf, se retourna.

« Et bien mademoiselle, ce fut un plaisir de faire votre connaissance, je vous lai... Oups ! »

En pivotant il manqua de tomber et se rattrapa tant bien que mal aux bras du lieutenant.

« Pardonnez-moi mon cher, c’est ce qu’on appelle une sortie ratée. Sans vous j’aurais eu bonne mine ! »

Ses traits étaient fins et élégants, il devait approcher de la trentaine. Ses doigts, particulièrement, semblaient taillés pour le piano. Alors qu’après un dernier sourire malicieux il tira sa révérence, Soren le harangua derechef.

« Je vous souhaite une bonne journée monsieur, mais pouvez-vous je vous prie me rendre mes affaires ? Les billets n’ont pas une très grande importance pour moi, mais mon insigne me tient particulièrement à cœur, je vous en saurai gré. »


Dans un premier temps, l’inconnu s’arrêta. Pendant quelques secondes il ne bougea plus. Enfin il se retourna lentement, un sourire amusé aux lèvres. Son petit jeu et sa fausse maladresse n’avaient pas pris pour une fois.

« Mais bien entendu, je vois que j’ai à faire à un... lieutenant perspicace
, dit-il en lisant les inscriptions argentées au verso de l’objet. Faites attention à votre titre, les gardes du royaume pourraient ne pas apprécier votre présence. »

Après lui avoir rendu ses griefs, il partit cette fois-ci pour de bon, le son élégant de ses chaussures sur le sol rythmant ses pas.
Soren se tourna alors vers la jeune femme, qui n’avait pas perdu une miette du spectacle.

« Je compte sur votre discrétion mademoiselle. Je ne suis pas ici en mission, mais j’aimerais éviter les ennuis si possible. Vous ne refuseriez pas de garder le petit secret d’un brave homme ? »
    C'était pas bon du tout ça. Marchant d'un bon pas, l'homme propre sur soi et aux airs de gentleman, ruminait ses pensées sombres. Il s'alluma une cigarette pour calmer la fébrilité de ses doigts et respira profondément, sans ralentir l'allure. C'était pas bon du tout. Déjà, dès qu'il s'était retrouvé avec l'insigne entre les mains, il avait appréhendé la suite des éventements. Et c'était cette centième de seconde d'égarement qui l'avait trahi. Il fouilla dans sa poche les 300 berries qu'il avait gardé de ce lieutenant. Une bouteille de rhum. Rien en somme. Mais tout ça ne l'atteignait pas. Lui, il pensait à autre chose. Ce qu'il avait prévu, son scénario n'avait pas été écrit pour que des figurants de la marine s'y insèrent. Les gardes royaux, pas de soucis, il les connaissait. Mais la marine, sur cette île... C'était une donnée hasardeuse qui aurait pu tout faire capoter comme ne jamais intervenir. Et le flou qui venait d'apparaître dans son plan le rongeait à une vitesse effrayante. Il fallait qu'il isole ces données pour qu'elles n'interfèrent pas avec ce qu'il avait prévu, se disait-il en s'acharnant sur son mégot presque déjà ratatiné. Il fallait qu'il se débrouille pour que ses propres données ne rentrent jamais en contact avec ce jeune lieutenant de la marine. Du coin de l’œil il avisa un garde. Et un rictus naquit sur ses lèvres comme il jetait son mégot dans le caniveau. Parfait. Celui-ci avait des antécédents avec la marine et le gouvernement...


    *****

      Et de quatre. Rachel était déçue. C'était le quatrième commerçant qui refusait de l'aider. Comme quoi il n'était qu'un marchand de fruits et légumes. Comme quoi il ne vendait pas d'armes. Surtout pas de faux de deux mètres. Surtout pas à des gamines dans son genre. C'était là, je crois, que Rachel perdit son sourire et qu'elle lui tira la langue avec véhémence. C'est là, je crois, que le marchand avait abandonné les couleurs de base d'un être humain pour un rouge haineux et rancunier. Il se redressa aussi admirablement qu'il le put et allait incendier Rachel, la maudissant elle, ses parents, ses enfants, ses douze générations suivantes, toutes ses dents et ses huit prochains hamsters. Entrée de l'homme classieux, bien sûr lui, visiblement de bonne humeur comme si toute sa journée, réglée sur un cadran solaire, se déroulait parfaitement comme prévue. Il la défendit, renvoya la tomate chez lui et tint la conversation avec Rachel sur tout et n'importe quoi, de la pluie, du beau temps comme du banc sur lequel elle s'était assise ainsi que son histoire personnelle. Au banc. Et re l'entrée de l'homme classieux. Pas le même certes, mais assez amusante en soi. Le dialogue, à coucher dehors, la comédie exagérée du classieux numéro un, le pragmatisme et la flegme du deuxième. Notre poupée, confortablement installée sur son banc de bois ne put qu'admirer l'échange, se délecter de la pièce qui se jouait et sourire de la chute. Mais au final, jusque là, ni à l'un ni à l'autre, elle n'avait accordé un mot.

    -Un secret ? Quel Secret ?... Quels ennuis ?

      Elle n'ajouta rien de plus qu'un petit sourire complice sur ses douces lèvres aussi fines qu'auraient pu l'être celles d'une toute jeune enfant. A peines rosées sur cette peau d'albâtre. Blanche comme la n*... bon, peut-être pas, mais aussi pâle que la porcelaine à laquelle elle-même se comparait en quelques occasions. Elle entortilla une mèche de cheveux noirs autour de son index fin, rehaussant l'anglaise qu'elle formait pour son plus grand plaisir. Pourtant, le savoir Lieutenant l'inspirait. Pourrait-elle obtenir auprès de lui ce qu'elle avait cherché en vain toute la journée ? Et la veille ? Une faux aussi lourde qu'elle et plus grande encore ?

      Mais elle ne lui demanda pas. Elle voulut. Elle sourit même malicieusement, prête à charmer cet homme, assez jeune et pas forcément méchant garçon et encore moins moche, pour obtenir ce qu'elle voulait. Une arme à la hauteur de ses ambitions. Elle ne lui demanda pas car trois hommes furent soudain derrière lui. L'un deux, une mine sombre et patibulaire mais presque, posa une main lourde de promesses pas agréables.

    -Il paraît qu'on cherche les ennuis, Lieutenant. D'ailleurs, je ne pense pas que ce portefeuille soit vôtre, à moins que vous ne vous appeliez Jessica. Nous avons un témoin qui affirme vous avoir vu en de mauvaises postures... Veuillez nous suivre...

      Dans la main du garde, sous les yeux étonnés de Rachel comme du dandy numéro 2, un portemonnaie volé. Sur la face du type dans son dos, un sourire sournois, de celui qui est content du coup qu'il vient de faire ou s'apprête à faire. De son côté, notre poupée à perdu son sourire et son anglaise est retombée contre son visage.

      Dans le coin d'une ruelle sombre, non loin de là, un sourire éclaire la rue pavée. De satisfaction. Le sourire disparaît. La silhouette s'évapore dans les rues de Luvneel.


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    Et une couverture de fichue. Elle n’avait pas duré bien longtemps. Et les trois gardes n’avaient pas l’air amicaux. Une seule question se posait. Comment l’avaient-ils trouvés ? Lui qui avait pourtant été si discret jusque là.
    Surtout, comment savaient-ils qu’il était lieutenant ? Personne n’était au courant mis à part cette jeune demoiselle et ce gentilh...
    La réponse, limpide, le frappa comme un éclair. Cet homme. Cet homme qui l’avait malicieusement mis en garde. Mais si la présence d’un officier le gênait, cela voulait dire...

    « Il est temps de se mettre en route, lieutenant. »

    Avant de les suivre, il jeta un coup d’œil à la jeune demoiselle. Il aurait voulu lui expliquer, mais dans son regard pétillant il sentit qu’elle avait tout compris elle aussi. Ah, si seulement elle avait pu être de la maison ! Elle aurait tout mis en œuvre pour surveiller le bellâtre qui devait sans aucun doute préparer un sale coup. Le timing était mauvais. Et ce cher donateur, qu’il devait rencontrer. Décidément, cette journée allait être difficile. Difficile ? Non bien plus encore.





    « Alors comme ça on vient chercher des ennuis ? Vous n’avez pas confiance en la garde ? Vous voulez faire la justice vous même ? Et bien pas sur notre territoire ! »

    Assis sur une petite chaise à dossier, Soren écoutait vociférer le chef de la garde. Un chef qui au vu de sa bedaine ne devait plus aller sur le terrain depuis un petit moment. Le lieutenant subissait également un assaut céleste. La montagne de postillons qui s’abattait sur lui le rassurait au moins sur une chose : il prendrait une douche bien méritée en rentrant à l’auberge.

    « Et ce portefeuille ? Vous arrondissez vos fins de mois ou quoi ? Je pourrais vous mettre en cellule pendant un petit moment rien que pour ça ! »

    La lèvre inférieure du chef avait de sérieux problèmes. On aurait cru qu’elle pliait sous le poids relatif des mots qu’il proférait et qu’elle ne désirait rien d’autre que s’enfuir d’un visage bien trop bouffi.

    « Pourquoi vouloir pourchasser Black Butter ? On le sait bien qu’il va faire un coup ici dans le prochain mois, on prend des précautions. On a pas besoin de l’aide d’un minot en costard qui serre plus de mains qu’autre chose ! »


    Il tiqua sur ce nom. Black Butter ? Il l’avait déjà entendu quelque part. Pour la première fois il prit la parole.

    « Qui est cette personne ? Je n’ai pas...

    - Fous toi de moi mon mignon ! Je sais que t’es là pour ça. Le gentleman cambrioleur nouvelle génération, tu veux te le faire hein ? T’as du lire le message comme quoi il allait s’en prendre à Luvneelgrad, c’est dans les journaux. Et... »


    Le gradé n’écouta même pas la suite du discours, le passage au tutoiement l’ayant déjà bien choqué. Il réfléchissait. Un gentleman cambrioleur. Qui voulait faire son coup dans un royaume sans Marine. Qui craignait l’autorité gouvernementale. Une ampoule s’alluma dans sa tête. Il avait vu ce visage, il pouvait enquêter là dessus. Il devait même. Mais lutter contre un criminel et une armée en même temps était un poids bien trop lourd à porter. Et il avait son association qui lui tenait à cœur. Les gardes finiraient bien par attraper le gredin. Dilemme.

    « ... et tu vas quitter ce royaume ok ? Je veux plus te voir ici, ou gare à tes fesses ! »

    Après avoir acquiescé, il fut reconduit sans trop de ménagement à la sortie du bâtiment . Il avait officiellement vingt-quatre heures pour quitter la ville. C’était le plus sage à faire. En attendant, il avait fort à faire.
    Alors qu’il revenait à côté de l’église, avec un retard tout à fait indécent, il avisa le banc vide en face de l’entrée. La jeune femme était visiblement aller conter fleurette ailleurs.
    Il pénétra de nouveau dans le lieu saint, déçu de l’accueil d’un royaume auquel il ne voulait pourtant que du bien.




    *****



    Le grand soir approchait. La plus grande bijouterie du royaume, symbole de force et de puissance, tomberait bientôt entre ses mains. Et personne ne pourrait le gêner. Avec tous les faux indices qu’il avait déjà semé, les stupides gardes ne se rendraient même pas compte de sa future intrusion.
    Un rire étouffé résonna pendant un long moment dans les ruelles de la capitale.

    Spoiler:


    Dernière édition par Soren Lawblood le Mar 8 Mai 2012 - 13:47, édité 1 fois
        Une moue perplexe flottait sur le visage exagérément angélique de Blacrow L. Rachel. Avait-elle raté un épisode ? Pourquoi donc ces gardes venaient-ils arrêter le beau brun qui lui faisait face ? Serait-ce... en rapport avec son grade ? C'est à dire que... Ce n'était pas une simple blague le coup du secret ? On enfermait les membres de la marine, ici ? Dubitative -après le perplexe, notez bien l'amélioration- Rachel pinça les lèvres pour éviter de dire une bêtise. Elle restait hors de soupçon à cause de son air de gamine. De joyeuse fille enjouée. Il fallait qu'elle soit enjouée. Avec un superbe jeu d'actrice qu'elle travaillait régulièrement, elle sourit de toutes ses dents aux deux militaires du royaume. En y repensant, c'était la raison pour laquelle elle n'avait jamais croisé marin qui vive par ici. Et puis il y avait eu le coup du portefeuille volé. Bah, à la limite pourquoi pas, ça aurait expliqué comment il avait repéré le voleur en une demi seconde montre en main. Mais les gardes n'avaient jamais eu connaissance du grade du Lieutenant. Avant de voir sa plaque. Ce qu'ils ne firent pas. Trop d'infos ! Rachel tangua un instant comme ils commençaient à embarquer le jeune brun. Elle vacillait sous les informations que cette anguille déterrait de sous sa roche. Elle reprit notamment contenance lorsque le jeune lieutenant lui glissa un long regard entendu. Et ce regard remis toutes les idées en place. Le dandy numéro 1 ! Enfin, idéalement. Un voleur. Qui semblait avoir balancé le nouvel ami de Rachel, le beau Lieutenant. Mais chaque chose en son temps.

        Le Sergent Blacrow, en bonne fille avec de la suite dans les idées, rit tout haut, un faux rire qui sonnait vrai et ramassa une pierre au sol avant de la jeter à la tête du Lieutenant qu'elle venait de rencontrer.

      -Merci messieurs ! Cet homme m'importunait excessivement. Détournement de mineure, je vous le dis, messieurs !

        En soupirant, Rachel se laissa tomber sur son banc avec exagération. Et elle ne put s'empêcher de sourire de toutes ses dents. Elle rit doucement et observa longuement l'église. Lorsque la trotteuse eut fait cinq fois le tour du cadran, elle s'étira langoureusement, comme un chat l'aurait fait, laissant échapper un fin bruit, entre le miaulement et le gémissement. Elle n'avait pas su résister à sa curiosité. Elle allait suivre cet homme. Le retrouver, le suivre et voir ce qu'il préparait. Car pour une anguille, c'était une grosse anguille. Et puis elle avait fini ses fruits. Elle se leva et disparut dans les rues à son tour.

        La recherche à l'aveugle... Elle avait déjà expérimenté il y a quelques petites semaines dans les rues de Inari. A la poursuite de Yukiji Alucard. Quelque chose qu'elle ne voulait pas réitérer. Alors, sachant que pour une fois elle pouvait agir en toute impunité, n'était reconnue ni de l'homme qu'elle suivait par jeu, curiosité, plaisir et ambition, ni même par les gardes qu'ils prenaient pour une jeune fille du quartier -un peu gothique, à éviter, mais pas forcément dangereuse- elle allait faire les choses en grand. Quoi ? Elle ne savait pas encore mais elle allait leur prouver à eux tous. Même sans faux... Haaaa que ça aurait été plus simple de les impressionner avec pareille arme en main. Et première halte, le barman. Celui devant lequel elle était passées naguère. Oulà, un mot trop ancien pour si peu de temps écoulé. Un temps et un verre. De jus de fruits. Eh ! Il faut bien consommer dans un bar, si on ne veut pas être suspect. Si suspect on n'est pas d'office en y buvant du jus de fruit. Le monsieur demande crédit. Il dit au barman qu'il est sur le point de saisir une opportunité qui va lui faire gagner galons et berries et qu'il reviendra payer à ce moment. Le barman est content de l'apprendre, parce qu'il aimerait bien effacer cette ardoise depuis deux lunes déjà. … ça aussi c'est vieux, les lunes...

        Bon, monsieur est sur un gros coup. Il demande juste où il pourrait se fournir en armes. Rachel aussi tend l'oreille à cette annonce. Elle aussi cherche une arme. Si sa soif de curiosité s'entremêlait avec ses envies profondes, Rachel allait être heureuse de suivre les miettes du dandy voleur. Arsène Lupin il s'appellera dorénavant. Le barman lui file l'adresse d'un collègue, ancien marine retranché sur Luvneel et qui jamais ne lâche ses précieuses armes. Un échange de billets de valeurs différentes plus tard, Arsène Lupin sort du bar en souriant de toutes ses dents. Comme il l'avait tenté de charmer notre sergent à la faux... Rahhhh ! Je veux cette faux !

        Nouvelle piste qui mène jusque chez le dit monsieur. Là, elle ne peut pas le suivre, car elle se serait faite griller dans la seconde. Mais il ressortit avec une bosse sous la chemise classieuse et un fusil de chasse à l'épaule. Tranquille, comme si on voyait tous les jours des fusils de chasse en ville. Surtout dans Luvneel. Il tourna au coin de la rue et Rachel sauta sur l'occasion. Elle ébouriffa les cheveux -à contre-cœur- et empêcha ses yeux de ciller. Pour qu'ils s'embrument de petites larmes et rougissent naturellement. Et elle entra dans le magasin de chasse et pêche. Pourquoi donc cela l'étonnait.

      -Monsieur monsieur ! Vous auriez pas vu passer un grand homme ? Veste noire. Cheveux noirs. Peau blanche. Il m'a volé ma sucette.
      -Hein ? Euh... si, il vient de partir.
      -C'est vrai ? Vous savez où il est allé ?
      -Hu... vers un criminel. Il lui a cherché des crosses deux jours auparavant et il se venge. Il est allé sur la grande place, je crois.

        Rachel masqua un soupir las en sachant qu'elle allait devoir le courser encore longtemps et sourit béatement -stupidement, oui, on peut le dire- au marchand qui ne savait plus où se mettre. Elle le remercia chaleureusement et s'engouffra par la sortie pour rejoindre la place le plus vite possible, sans prêter aux regards étranges qu'on lui lançait et profitant de sa course pour s'essuyer les yeux et le nez des larmes fictives qu'elle avait faite couler sur sa joue. Ce qu'il ne fallait pas faire, tout de même. Sur la place, ce ne fut pas dur de retrouver sa trace. Trop évident, même. Un chariot retourné, un cheval à terre, une patte brisée vue l'angle de l'os. Voyant ça, notre Sergent se figea et appréhenda la suite. Il y eut deux minutes de discussions mouvementée entre quelques membres d'un petit groupe naturellement formé puis, soudain, jaillissant de l'agglutinement, un homme avec un six coup se jeta presque avec désespoir sur le cheval qu'il abattit à bout portant de trois balles dans la poitrine. Il semblait fou et les larmes baignaient ses joues.

      -"Je veux qu'on abatte ce fils de chienne ! Je veux qu'on me le retrouve et qu'on me le pende haut et court ! Qu'on le fasse monter sur le bûcher, qu'on le décapite ! Et je ferai le bourreau ! Il m'a volé mes explosifs, une roue de mon carrosse et brisé sciemment la patte de Calypso ! Qu'on l'abatte, ce fils de chienne.

        Passant son chemin, le visage dur, elle demanda à un passant aussi stupéfait qu'elle par où était parti l'homme en question. Le responsable. Dans une rue adjacente qu'elle lui dit. Merci qu'elle lui répondit. Et elle se faufila entre l'amas de personne qui se rassemblait sur la grande place pour rattraper le fameux « fils de chienne » à abattre. Le ferait-elle ? Elle en doutait. Elle le donnerait en pâture à la Grande faucheuse. Un jour ce serait elle la Grande Faucheuse ! Et cette idée lui rendit le sourire. Et puis avec ce soleil, il valait mieux sourire. Mais tout ça pour en arriver là. Ça faisait plus d'une heure et demie qu'elle suivait un inconnu visiblement pas aussi proche de l'enfant de chœur que son uniforme laissait présager. L'habit ne fait pas le moine, disait-on. Il n'était pas un dandy. Rachel n'était pas une gothique. Reyson n'était pas un Okama. Quoi anachronisme ? Vous m'ennuyez avec ça !

        Et de nouveaux cris attirèrent une Rachel aux abois comme elle avait perdu la trace du gentleman cambrioleur. Des voix qui hurlaient. Un type masqué par un bas de velours à dentelle (magnifiques) secouait un passant comme un pommier, un couteau sur la gorge. Il lui demandait une carte et l'emplacement de la plus grande bijouterie de la ville. Et malgré le bas, notre poupée de porcelaine au regard vert perspicace reconnut son homme et suspect. Suspect de quoi ? Pffffft ! Bonne question. Au moins était-il coupable de deux nouveaux crimes, donc agression et vol ? Vol ? Explosifs ? Bijouterie ? Ah ben le voilà le gros coup. Rachel se réjouit pour la première fois en deux heures. Par contre, niveau discrétion, il repasserait. D'ailleurs, ça ne collait pas. Comme il s'éloignait d'un pas rapide en scandant des « à dans une heure » d'une voix puissante et guindée comme celle d'un noble, Rachel s'élança non à sa poursuite, mais au cou de l'homme que Arsène Lupin venait de maltraiter. Elle lui aboya dessus pour qu'il lui dise également où cette fameuse bijouterie se trouvait. Qu'il la lui montre sur la carte, lui indique la direction du doigts, qu'il lui offre une pomme pour l'heure d'attente et qu'il aille contacter la garde royale. Et Rachel repartit sur les talons de son Arsène, croquant avidement dans une pomme comme les siennes étaient depuis longtemps avalées jusqu'aux trognons. Et soudain, pomme à la bouche, elle pila. Devant elle, tranquillement installé à la terrasse d'un nouveau café, son Arsène sirotait une tequila bien fraiche. Dubitative, Rachel en porcelaine jeta un coup d’œil à la carte et remarqua qu'ils étaient de l'autre côté. De l'autre côté de la banque. Dans le coin de la ville opposé où nulle banque ne se trouvait. Juste un bistrot, une petite rivière et...

        ...Une galerie d'art...

        Eh bien pour un coup monté, c'était un beau monté. Les pistes, évidentes, les indices dispersés aux quatre vents pour que n'importe qui les retrouve. Suivre sa trace, ça avait été le but. Sa trace... ou celle qu'il laissait sciemment derrière lui. Notre poupée de porcelaine, la peau d'albâtre rougeoyante au soleil, faillit partir d'un fou rire qu'elle masqua en s'éclipsant dans une ruelle. Elle l'avait eu à son propre piège. Il n'avait pas prévu que quelqu'un suivrait non ses traces mais ses talons. Ni qu'une petite gamine impétueuse le ferait. Des étoiles plein les yeux au vu de la gloire qui l'attendait, elle rêva béatement à sa promotion et à la faux qui l'accompagnerait.

      -Fufufufufufufu...♥

        Puis il y eut une énorme explosion, loin, très loin de là où ils se trouvaient. Pour une ville si grande. Rachel, comme en bad trip sur ses rêves, se releva d'un bond. La roue et les explosifs. Elle avait compris leur utilité. Directement sur la bijouterie principale de la ville, elle en aurait mit sa main à couper. Se souvenant de son Arsène Lupin, elle fit volte face et observa sa réaction. Très détendue. Il plia le journal qu'il était en train de lire, prit en main un colt de fabrication très marine et se dirigea vers la galerie d'art.
        Notre Sergent s'échauffa deux secondes et s'avança, sûre d'elle, vers l'homme. Elle le dépassa et s'interposa sur la route qui le mènerait vers les peintures et la richesse.
        L'homme tiqua. Rachel sourit et ouvrit la bouche.

      -Vous allez quelque part ?
      -...En effet. Lui ne souriait pas. Je vais acheter un cadeau pour ma fille. J'ai les moyens.
      -Avec un flingue.
      -...
      -Vous voulez que je vous aide peut-être ?

        Il sourit. Pas bon signe. Un sourire mauvais. Un rictus malsain déforma ses lèvres et celui de Rachel aux yeux de jade disparut progressivement comme le sien s'étirait. Il leva le bras. Haut et vite.

      -Je pense que oui...

        Le choc fut sourd et violent. Elle sentit sa nuque craquer. La douleur irradia en une dixième de seconde tout le long de son épaule, de son oreille gauche au bout de son majeur et la dixième de seconde plus tard ses yeux se voilaient.

        Saleté.



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      « Mon cher ami, que la Sainteté soit avec vous. Si nous parvenons à mener à bien notre entreprise, les apports en seraient colossaux. »

      Malgré son retard, son généreux donateur avait de suite été séduit par le projet. Le sieur Phil Anthrope. D’après son expression et sa foi exagérée, il devait avoir fait du mal dans sa vie. Mais tentait de se racheter. Un acte louable, bien que le dogme de Soren ne fasse étrangement pas état de rédemption sans souffrance.
      Ils devaient se revoir pour finaliser la chose. Pour ce pôle-ci, le lieutenant comptait également sur le père Noël comme bénévole de l’association. Anthrope, lui, pourrait s’occuper aussi de l’aumônerie, il n’était visiblement pas contre une conversion et ferait sans doute un bon adepte pour démocratiser le culte.

      Un autre rendez-vous impliquait cependant qu’il reste sur l’île. Ce qu’un chef de la garde bedonnant ne désirait guère. Et bien ce qu’il allait faire, c’est ne pas se faire remarquer, rester discret et laisser le temps s’écouler. Mais que faire alors de Black Butter ? Il était à présent de plus en plus sûr que l’homme qui l’avait dénoncé avait un rapport avec tout ça. Complice ? Arf, trop de questions.

      L’officier se balada tranquillement dans les rues, tentant d’oublier qu’il était presque en position de fugitif. Pas si simple quand les soldats patrouillaient un peu partout dans la ville. Rester calme et détendu, le seul moyen de ne pas se faire remarquer.

      BOUM !

      Une grosse explosion. Vers le cœur du centre-ville. La bijouterie ! Que faire ? L’instinct de marine, voilà ce qui poussait parfois un simple homme à se mettre dans des situations compliquées. Et notre Soren courait à présent à travers les rues, alors que plusieurs cris retentissaient déjà au loin, près du désastre, près d’un voleur, près de pauvres civils bien trop innocents pour mourir dans de telles circonstances.

      Et tout à coup, une ombre dans le paysage, un caillou dans les lentilles. Au détour d’une avenue, il le vit. Le chef de la garde. Marchant l’air de rien... dans la direction opposée. Késako ? Lui qui avait paru si préoccupé par cette situation un peu plus tôt. Les idées fusèrent dans la tête du gradé. Le scénar serait quand même sacrément cousu de fil blanc s’il était un traître. Mais alors, avait-il une autre piste ? Les dilemmes ne lui avaient jamais plus. Dans un cas comme dans l’autre on devait laisser quelque chose ou quelqu’un à l’abandon.


      « Va pour Mister Brioche. »


      Au ralenti, sans éveiller les soupçons, sans trop se rapprocher, il le suivit. Plusieurs minutes. Avant de le voir s’approcher d’une...galerie d’art. Un bon moment pour admirer des nus. Le petit coquin.
      Mais le voilà qui faisait le tour de l’édifice. Un ouvrier gardait la porte de derrière. Il le reconnut immédiatement et se mit au garde à vous avant de s’écarter. Le chef sembla lui serrer la main, avant que son vis à vis ne s’écroule. Un couteau ne servait vraisemblablement pas la main. Le corps fut trainé à l’intérieur, peu de sang. Apparemment le scénariste ne s’était pas foulé.

      Ceci eut au moins le mérite de remettre les idées de Soren à leur place. Il avait fait le bon choix en le suivant. Cette galerie devait donc être une autre pièce du puzzle. Black Buteur dans la bijouterie, monopolisant les gardes pendant qu’un complice s’occupait de l’autre endroit. Sécurité minimale, idéal pour un gredin. Mais qu’il puisse se permettre de tuer un brave soldat était inconcevable.

      Le fils Lawblood s’introduisit dans l’édifice sans bruit. S’il arrangeait bien son coup il pouvait neutraliser le gras double rapidement. Curieusement la bâtisse semblait déserte. Une fermeture hebdomadaire sans doute. Ils avaient tout planifié les sacripants.
      Après avoir serpenté dans les couloirs il arriva près d’une longue allée, atterrissant dans le hall principal. Les murs étaient parsemés de tableaux, de reliques anciennes et précieuses. Le tout se vendrait à prix d’or. Enfin, pas tant que Soren serait là. Il se surprit à sourire et à s’enorgueillir d’être ainsi le sauveur, le seul homme qui savait toute la vérité, la seule personne capable de tout arrêter.

      Et de sauver une gente demoiselle.

      Car en plein milieu du hall, il la vit. La jeune fille à l’œil pétillant qui l’avait si bien compris, celle présente lorsqu’il avait croisé le gentleman. Une traîtresse elle aussi ? À voir les cordes qui l’encerclaient, cette idée était à écarter. Elle était sur une chaise, en train de se faire asperger d’essence par un militaire pourri chantant et dansant sur une chanson que l’officier reconnaissait, « Stuck in the middle with you », un morceau culte. Dans une caisse, plusieurs tableaux avaient été décadrés et enroulés. Pratique, léger, ni vu ni connu. Du boulot de pro.

      Il dégaina doucement Rita, s’avança à petits pas sans faire de bruit. La jeune fille tentait de se débattre en vain. Que faisait-elle ici ? Quel sort cruel l’attendait ! Il allait tout arrêter, mettre fin à ce cauchemar. Quant arrivé à quelques mètres, une pensée terrible le frappa. Cette femme n’était pas arrivée en même temps que le chef. Mais alors, qui avait pu s’infiltrer en douce et... ?

      CLANG

      Un bon gros coup de crosse sur le crâne, ça vous pose un homme.

      Quand il rouvrit les yeux, il sentit un gout de pétrole mêlé à du sang dans sa bouche. Cloué sur une chaise à côté d’une éphèbe bien trop curieuse, il pouvait admirer deux visages qui le regardaient un sourire narquois aux lèvres. Et aucune des têtes n’était inconnue. Ils avaient du le battre, car son corps était endolori. Sa partenaire avait l’air amochée elle aussi, leurs regards se croisèrent un instant.

      « J’t’avais bien dit de quitter la ville ducon ! »

      Son regard était encore vitreux. Mais il put bien regarder en face BB, l’élégant malfrat dans toute sa splendeur.

      « Vous cherchiez quelque chose lieutenant ? » ironisa-t-il.

      Après avoir craché un peu de sang mécanique, Soren eut un petit sourire et laissa échapper à l’intéressé, une petite mine taquine rendant la réplique insolente.

      « Vous...aviez oublié de me rendre quelque berries tout à l’heure je crois bien. »

      Nouveau coup de poing en pleine face. Et une couronne à refaire, une.


      Dernière édition par Soren Lawblood le Mar 8 Mai 2012 - 13:46, édité 1 fois
          Ce ne sont pas les liens à peine trop serrés sur ses poignets qui lui firent ouvrir les yeux. Pas même la chaise, raide, dans son dos ou la lumière de la lampe à huile qui brûlait trop proche de son visage. Pas non plus l'échange de paroles courtes entre deux hommes assez louche.

          Dans son évanouissement, Rachel fit soudain un bond qui décolla sa chaise de quelques centimètres avant de reprendre pied sur terre dans un vacarme qui fit sursauter son geôlier. Bon Sang ! Elle venait de rêver qu'il y avait un ver dans sa pomme ! Beuuuurk !

          Puis elle cilla. Autant à cause de la lumière que de la douleur dans sa nuque. Et pour remettre en place les neurones et connexions perdues à cause du choc. Les cordes autour de ses mains, nouées, permirent également un rappel rapide de la situation. Et le fait qu'elle se devait d'être une petite fille innocente. Pas le temps de réfléchir, il fallait déjà continuer à jouer ce rôle, ça lui servirait sûrement pour se sortir de ce pétrin... De ce sale pétrin !

        -Détachez-moi ! Relâchez-moi laissez-moi partir ! Allez détachez-moi !

          Dans un très sale pétrin. Bon sang ! Elle prendrait des précautions la prochaine fois. Quel magnifique idée de s'être interposé. Elle ne put empêcher un regard assassin à l'homme face à elle. Une colère qui pulsait tant contre lui que contre elle-même. Lui parce qu'il souriait de la voir se débattre en vain. Elle parce qu'elle s'était crue avisée de foncer tête baissée. L'homme avait à la ceinture un colt de militaire ou peu s'en faut. Comme l'Arsène. Tous deux fournis chez le même homme, même arme... ou traître parmi la garde du royaume ?

        -"Ne pense pas qu'on soit si gentils, petite fille. On compte faire de toi un symbole. Car tu as malgré tout une magnifique reliure pour un autodafé..."

          Rachel ne savait pas ce qu'était un autodafé, mais qu'importe. Car tout en parlant, il faisait glisser sa main le long de la joue de la brune aux yeux verts, glissant son pouce sur ses lèvres fines. Dans lequel elle mordit avec force et avidité. L'homme hurla et la gifle partit dans la seconde qui suivit. Le dossier de la chaise résonna dans un bruit mat comme elle se renversait sous la force du choc, emportant avec elle un Sergent à la lèvre fendue. Mais elle souriait, car la main de l'autre était prise de convulsion. Peut-être avait-elle abimé un tendon, un muscle ou même un os. Briser un os de poulet était si simple...

          Avec hargne, une main la saisit au col pour la redresser, faisait craquer le haut de sa chemise noire à dentelle, révélant un cou plus blanc que sa chevelure ne l'aurait laissé penser. Inutile de crier plus. Et puis de toute façon, elle avait perdu les connexions refaites. Et son oreille gauche bourdonnait de plus belle. Jusqu'à cette sensation dans les cheveux et ce goût au coin des lèvres.

          Dans un très sale pétrin.

          Elle comprit ce qu'était un autodafé.

          Elle hurla à nouveau et une nouvelle claque la fit taire.

          Plus loin, un bruit mât. En voici un autre qui se taisait dorénavant. Un homme qu'elle reconnut presque immédiatement. Rachel laissa échapper un gémissement. Dire qu'il avait été la seule personne capable de découvrir le poteau rose. Le voici lui aussi traîné, frappé pour le plaisir, puis attaché dos à dos avec Rachel. Et nouvelle rasade d'huile inflammable pour les deux marins. Encore un détail que tous ignoraient...

          Heureusement pour eux deux, le Lieutenant reprit assez rapidement connaissance. Pour se faire cogner à qui mieux mieux. Il les cherchait, c'est ça ?


        -Et maintenant, Lieutenant ?
        -"Butter ! Mettons le feu tout de suite. Ils risquent de nous encombrer à deux.

        -Attends un peu ! Il nous manque cinq toiles de maîtres à chopper.
        -Grrbl !"


          Et lorsque le capitaine de la garde ou quoiqu'il fut se retourna, lampe à huile haute et visage mi-ennuyé, mi-rayonnant, c'est pour faire face à une chaise impatiente de le remettre à sa place.
          Aurai-je oublié de préciser que notre jeune Sergent a un Master en défaisage de nœuds ? Deux ans passés attachée à un tronc d'arbre... On apprend à faire et défaire tous les nœuds marins imaginables. Et ce minable double nœud ne fait pas exception à la règle. Pas si vain, le détournement d'attention. Et le quidam ne peut qu'acquiescer. Enfin, il le pourra une fois ses dents ramassées. C'la p'tite souris qu's'ra contente.

          La chaise est brisée et des échardes volent un peu partout. Rachel, debout, crache un peu de cette huile au goût infect qu'elle a dans la bouche. Et tousse. Elle ne peut par ailleurs pas s'empêcher de toucher ses cheveux. Ça allait être une horreur à laver.

          Un coup de feu. Qui claque. Qui brule. Qui fait mal. Satanés mousquet ! Ca faisait toujours aussi mal. Le sergent posa un genou à terre, une main sur l'estomac où la balle à perforé. 'Chier. Et une cicatrice de plus, une. Pour peu qu'avec les liens, les balles et le feu, il manquerait plus que le bruit des vagues et la morsure du sel pour se sentir comme à la maison.

          De haut, Arsène la toisa, mousquet encore fumant pointé sur la tête d'un Rachel à la respiration sifflante. Du coin de l’œil mais la main toujours crispée sur son ventre, elle vit l'autre se relever lentement et avec difficultés.

          Heureusement qu'elle était une rapide et qu'elle n'était pas la seule débarrassée de ses liens...

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        Quelle perle cette jeune fille ! Pas très épaisse, mais un doigté remarquable. En peu de temps, et malgré la menace plus que sérieuse de brûlures au quatorzième degré, elle avait réussi à défaire ses liens. Et ceux du lieutenant au passage.

        Mais si une chaise en pleine face, ça vous pose aussi un homme, une balle dans l’estomac ça vous propose une issue bien moins enviable. Et un ecclésiastique plutôt mécontent, qui s’interpose, ça suppose un futur assez morose.

        La deuxième chaise désarma le dandy. La plupart des articulations du marine le faisaient souffrir. Comment diable pouvait-on agresser si rudement une jeune demoiselle aussi bien huilée ? Alors que le gros lard peinait encore à se relever et à reprendre ses esprits, un petit duel de costumes et de gants s’engagea. L’adversaire était rapide, agile, et par dessus tout possédait une canne rétractable très dissuasive. Les côtes du gradé purent le confirmer. Mais en cas d’échec, Soren savait que leur sort serait scellé, il n’y avait pas de deuxième chance. Sans armes, il s’en remit aux quelques leçons apprises pendant sa carrière. Oui, des situations comme celles-ci, il en avait vécu quelques unes. Et non il ne minimisait pas le danger.

        Quand une petite lame surgit du bout de la canne, quand les réflexes ne suffirent plus, il fallut s’en remettre à une seule chose, la Chance divine. Car Soren le savait, sa Mère se permettait parfois d’intervenir dans des évènements pourtant anodins. Et à d’autres moments, elle se contentait d’être spectatrice. Le tout avec une raison toujours valable, avec un raisonnement bien trop complexe pour de simples mortels.

        Lorsque la lame embrocha le lieutenant, elle ne broncha pas. Un fidèle soldat avait-il gagné le droit de se reposer si tôt ? Le regard fou de BB semblait rejoindre cette théorie. Et le cri étouffé de la jeune femme, se retrouvant à présent seule, ne laissait pas présager d’autre issue.

        Adieu, Soren Lawblood, votre mission est à présent achevée. Que le repos du saint vous accompagne dans les méandres d’un jardin illuminé. Une dernière pensée pour son frère qu’il allait rejoindre, un regret pour la blessée qu’il abandonnait à son sort. Le bruit d’un corps qui retombait au sol. La dernière action pré-mortem qui avait précipité une lanterne sur de l’huile. Une galerie d’art qui prenait feu un peu trop vite. Deux hommes qui précipitaient leur fuite en embarquant le maximum de tableaux possibles. Des armes colorées orphelines qui étaient rendues à leur propriétaire. Puis plus rien.


        Encore une chance, fils du soleil.


        Soren ouvrit les yeux en expirant subitement. Le bout de la lame était toujours planté dans son abdomen. Mais alors que faisait-il ici ?
        Lentement, très lentement, il déboutonna son costume. Et constata que l’arme meurtrière s’était plantée dans... son livre de foi. Quelques centimètres de plus et il aurait pu se reposer presque dignement. Très bien Mère, le message était clair.
        Presque dopé par cette intervention magnifique et magnanime, Soren en oublia momentanément la douleur. Il se devait d’être plus fort qu’elle, de ne laisser personne le détourner de son chemin. Ses dagues avaient été abandonnées par leurs geôliers. Bonne nouvelle. En les reprenant rapidement, il avisa la jeune éphèbe, pliée en deux, souffrant visiblement plus que de raison. Elle ne lui posa pas de questions sur cette résurrection soudaine, sans doute par manque de souffle. Il la prit sur ses épaules et courut tant bien que mal vers une sortie.
        La fumée s’était propagée, les flammes léchaient à présent leurs visages. Et leurs cœurs, si proches, semblaient presque battre à l’unisson.


        On va s’en sortir, je vais te tirer de là, ne ferme pas les yeux.



        Des paroles adressées aussi bien à elle qu’à lui même. L’air devenait plus rare, la fumée commençait à brouiller sa vue. À droite, puis la deuxième à gauche.
        La porte était verrouillée. Non, non ! Un lourd cadenas qui ne bronchait pas malgré les coups répétés du marine dessus. Il posa son équipière et se pencha brièvement vers elle.


        Je vais revenir, je te le promets. Ne ferme pas les yeux, quoi qu’il arrive, ne te laisse pas guider vers un endroit où je ne peux te suivre.


        Aussitôt il fit machine arrière, une quarantaine de kilos en moins sur les épaules. Il rejoignit le hall principal qui était à présent bercé par l’ombre des flammes sur les murs. Voici à quoi devait ressembler l’enfer, un gigantesque brasier animé de formes chimériques, une déformation de la réalité, un état éphémère et instable.
        Malgré le manque d’air et de visibilité, il l’aperçut. Le mousquet qu’il avait envoyé valser tantôt. La précipitation, ennemi public numéro sept-cent du ravisseur. Mais il devait faire la file indienne, alors pour lui c’était vexant.

        Encore une marche arrière, des poutres s’effondraient à son passage. Il dut même se tailler une route grâce à ses fidèles amies.
        Une porte, une fille presque inconsciente, un autre coup de feu, une liberté.
        Ils déboulèrent en dehors de la sortie de service. Personne en vue ? Si, les deux mécréants marchaient d’un pas serein le long de la côte, quelques dizaines de mètres en contrebas. Ils semblaient se diriger vers le port.
        Soren n’était pas médecin. Mais il avait eu des notions. L’estomac était un des endroits les plus douloureux du corps humain. Heureusement, un rapide coup d’œil sur la plaie le réconforta, la balle l’avait frôlé mais n’était pas rentré dedans. Quelques soins et cette jeune fille pourrait gambader de nouveau. Elle semblait néanmoins vouloir... se relever ! Il n’avait pas de matériel adéquat, mais tenta de la soulager. La balle était presque ressortie. Il la sentit même en passant ses doigts sur la peau de la jeune femme aussi pâle qu’on pouvait l’être.

        Un briquet permit à Mél de paraître presque stérile. Sa petite dague était la plus précise. Il incisa tout doucement, contourna la balle et la fit rouler au sol. Une chose de faite.


        Écoute, ta vie n’est plus en danger. Je suis un marine, je dois poursuivre ces criminels. Mais tu en as déjà beaucoup fait, il serait inconscient et inutile pour toi de continuer dans cet état. Tu as besoin de soins. Je te suis vraiment reconnaissant de ton aide. Je ne l’oublierai pas.


        Entre deux soupirs, elle sembla sortir quelque chose d’une de ses poches. Ah si seulement elle avait pu être de la maison ! La marine avait désespérément besoin d’éléments aussi courageux et volontaires qu’elle.
            Une chose était bien vraie, Rachel était pâle. Peut-être trop pâle. Mais contrairement à ce qu'aurait pu penser le Lieutenant à la foi, ce n'était pas tant à cause de sa blessure qu'une non-teinte naturelle. Les blessures physiques, elle avait eu son quota et maintenant, elle avait appris à faire avec. N'allez pas imaginer qu'elle ne la ressentait pas, mais il valait mieux l'accepter plutôt que d'aller à son encontre. Et c'est décontractée que c'était le plus évident.

            C'est donc décontractée qu'elle s'était laissée portée, tout de même pas en mesure de marcher avec un plomb ondulant sous sa peau à chaque mouvement. Et puis pour une fois qu'il y a avait un chevalier servant pour faire d'elle une princesse. Salem mis à part, bien évidemment. Elle n'avait donc pas bronché lorsqu'il l'avait transportée à travers flammes et fumées, par dessus obstacles et cul-de-sacs, laissée dans un coin avec un léger courant d'air puis portée au-dehors. Elle avait beau dire, elle avait beau penser, cet air frais lui fit un bien fou. Elle n'avait pas réalisé combien les fumées avaient tapissé ses poumons. Et ce n'est qu'une fois dehors qu'elle s'aperçut qu'elle toussait depuis déjà de bonnes minutes. Une toux qui bien que très douloureuse à cause de sa blessure dut lui être favorable pour faire remonter la balle à la surface. Peut-être. Elle n'était pas experte, mais il l'a sortit assez rapidement de son abdomen. Elle n'avait même pas senti sa dague lui entailler la peau que c'était déjà fini.

            Déjà fini ? Certes ils étaient sortis, mais c'était également le cas des deux hommes. Les méchants de l'histoire. Alors non, ce n'était pas fini. Elle s'était faite étaler, elle reposait sur le trottoir face à un marine inconnu, son dos brûlait encore de la chaleur des flammes du musée, mais elle avait deux criminels à rattraper. Et lui-aussi semblait du même avis.

            Pourtant, entre ce qu'on veut faire et ce qu'on peut faire, il y a parfois un gouffre. Rachel tenta de se redresser, mais elle avait les jambes flageolantes et une quinte de toux lui tordit les boyaux.
            Et soudain elle se souvint. Elle se souvint qu'elle avait un sabre au côté. Elle se souvint qu'elle l'avait eu avec elle lors de la rencontre des deux dandys... Et que depuis plus aucun souvenir.
            La tête lui tourna subitement. C'était le voleur. Ça ne pouvait être que lui. Et dans ce cas tout était calculé depuis le début. Tout ? Bon sang ! Et s'il avait vraiment eu pour cible la bijouterie et que cet épisode du musée n'avait eu pour but que d'éliminer les deux gêneurs ? Un vertige l'assaillit et elle s'effondra à moitié sur la chaussée à moitié dans les bras qui la soutenaient encore. Autour d'eux, les premiers témoins s'approchaient. Il lui fallait savoir ce qu'il s'était vraiment passé à la bijouterie. Ils devaient avoir des complices. Plus de complices.

            Mais lorsqu'elle rouvrit les yeux, ils pétillaient d'une étincelle de détermination. Comme si elle n'avait pas les poumons remplis de fumée, une blessure au ventre ainsi qu'un tour de retard sur eux deux. Vivement, sa main plongea dans une poche de sa jupe et en sortit un enseigne de Sergent qu'elle mit au nez du Lieutenant. Pourquoi le cacher plus longtemps ? Du moins à ses alliés. D'ailleurs, ses ennemis ne devaient pas vraiment l'ignorer vu que l'Arsène Lupin détenait son sabre.
            Profitant de l'air étonné de son marine de compagnon de fortune, elle ragea son insigne et se releva. Sans flancher. Ses jambes tenaient le coup.

            Il fallait au moins qu'elle récupère son sabre, c'était un cadeau de Salem !

          -J'ai un mauvais pressentiment. Il faut savoir ce qu'il s'est réellement passé à la bijouterie. Ça nous permettra peut-être de savoir où ils sont. Sinon, on a pas la moindre chance. On ne sait pas dans quelle direction ils sont partis alors...
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          Mon dieu. Ou plutôt ma déesse. Un sergent. Cette jeune fille était un sergent ! Formidable ! Après tout, cette assurance pour son âge, cet esprit loquace, tout concordait avec cette dernière révélation. Malgré tout, il ne put s’empêcher d’ouvrir la bouche de stupeur, sans pouvoir éructer le moindre mot de sa gorge sèche.
          Elle était debout, pensait à un double jeu, à une association entre cette galerie et la bijouterie. La grande mascarade n’en aurait pas été une ? Effectivement, avec les informations d’un chef corrompu, des bandits avaient plus de chances d’arriver à leurs fins. Et peut être que certains autres soldats étaient aussi des traîtres. Un grand nombre d’idées assaillit l’esprit du lieutenant. La migraine n’était pas loin.


          « [...]On ne sait pas dans quelle direction ils sont partis alors... »



          Soren lui sourit. De ces sourires qui laissent entrevoir une ébauche de plan.


          « J’ai blessé le dandy au bras tout à l’heure. Pas énormément, mais sans doute assez pour que quelques gouttes nous amènent vers le Petit Poucet et ses amis. »


          Il n’avait certes pas son diplôme de fin limier en poche, mais c’était la seule piste qui pouvait permettre de les suivre une fois ceux-ci dans le dédale des ruelles de la capitale. Aller à la bijouterie demandait trop de temps, les malfrats devaient déjà avoir quitté l’endroit. Il fallait se mettre en piste. Mais avant ça, un bon coup de Pouvoirade (La boisson des vrais champions)! Elle leur redonnerait un minimum d’énergie pour attaquer le chapitre final de cette aventure.
          Il s’abreuva goulûment avant de laisser la moitié du contenu à sa chère collègue. Toujours avoir une petite bouteille sur soi. On se sentait bien à l’intérieur et ça se voyait à l’extérieur. Enfin peut être pas autant.

          Ils se mirent en chasse. Les premières minutes furent aisées, le sang n’ayant pas encore eu le temps de coaguler à l’heure du passage de Black Butter. Après plusieurs croisements, ils durent chercher avec plus de difficulté en essayant de ne pas trop attirer l’attention sur eux. Tache ardue devant la dégaine des deux acolytes se baladant à la manière d’un bon steak, bien saignants.
          Ils commencèrent à tourner en rond. La jeune demoiselle lui parla d’un certain sabre qu’elle devait à priori récupérer. Il cocha cette information dans sa liste de courses mentale et continua la traque. La nuit arrivait et à ses côtés la princesse du crépuscule le suivait tant bien que mal. Lui non plus n’en menait pas large.

          Finalement ils furent perdus. Plus de sang, pas d’indice, rien. Ils étaient proches du port, les malfrats devaient squatter une bâtisse en attendant de s’embarquer. Délicat.
          Alors que l’espoir disparaissait aussi vite que le jour, il avisa un vieil entrepôt, à deux pas des quais. Gris, sale, discret, l’endroit parfait. Ce qui l’avait interpellé n’était pas l’endroit en lui même, mais le soldat qui semblait patrouiller sur les hauteurs du lieu. Si ils avaient envoyé le courrier à la bonne adresse, l’affaire était en train de prendre des proportions immenses. Sans doute trop pour deux marines isolés et blessés.


          « Nous n’arriverons pas à nous introduire dans le lieu. Notre seule chance si cet endroit est le bon, c’est d’attendre qu’ils sortent pour rejoindre leur bateau. Qu’en penses-tu ? Une idée pour la suite ? Nous sommes trop peu nombreux et affaiblis. Quelle misère, que notre Sainteté nous aide et nous protège. »


          Il regarda sa collègue et dans ses yeux brilla alors une lueur incroyable. Cette détermination féroce qui donna à un corps si frêle une impression de puissance absolue. Soren se détendit. Ils pouvaient le faire. Ça allait être rude et sale, mais l’essentiel demeurerait.
          Black Butter croupirait en prison. Quant à son congénère bedonnant, il lui montrerait le chemin d’un monde beaucoup plus doux, où sa rédemption serait exemplaire.
              Il va sans dire qu'elle allait plutôt mal, notre Rachel. Même habituée, une blessure par balle n'en reste pas moins une blessure par balle. Qui plus est quand els soins prodigués ne sont pas homologués par de véritables experts et que, pour couronner le tout, elle se lance à la poursuite d'hommes en noir dans les ténèbres. D'une aiguille dans une botte de foin. D'un truand et de son complice flic dans une ville remplie de flics sous les ordres du dernier. Avaient-ils seulement une chance de les retrouver ? Les tâches de sang, oui, peut-être, mais au bout de dix minutes, elles avaient disparu. Soit la blessure séchait, soit le bougre s'en était rendu compte et avait simplement arrêté le flux de sang. Ce qu'il faudrait que Rachel elle-même fasse si elle continuait à ce rythme toute la nuit. Soignée, oui. Comme neuve, non. Elle se sentait plus pâle que d'ordinaire et maintenant qu'ils avaient perdus leur piste, elle ne se gênait pas pour prendre quelques secondes de repos à chaque coin de rue, luxe qu'elle se refusait tant qu'ils avaient une chance, même infime, de les rattraper. Peine visiblement perdue.

              Enfin, du point de vue de Rachel puisque son acolyte Lieutenant, lui, avait une toute autre vision des choses. Et dans sa mire, une fois au port, il avait déjà avisé le dock qui devait, selon lui, abriter butin et malfaiteurs. Combien ? Au moins deux pointures. Puis les cinq ou six gardes qui tournaient en rondes parfaites. Et combien encire issus du vol à la bijouterie ? Oui, elle devait bien admettre que les variables n'étaient pas de leur côté et qu'ils allaient droit dans le mur. Et si les marins pouvaient encore reprendre l'avantage, il faudrait la jouer très serrée.

              Et si elle avait du mal à l'accepter, force était de reconnaître que son allié n'avait pas tort. Ils n'avaient pas beaucoup d'autres possibilités que d'attendre qu'ils sortent. Et il faudrait les attendre devant la porte pour les cueillir dans leurs filets. Mais vu les bougres, ce serait certainement tout sauf facile. Et il faudrait tout d'abord pallier à toutes les variables qu'ils ne connaissaient pas.
              Avec un regard plein d'assurance et empli d'une volonté indéfectible, elle se retourna vers le Lieutenant dont elle ne connaissait que le grade. Plus tard pour le nom. Et donc, première étape :

            -Je vais m'approcher. Observer. Il faut qu'on sache combien ils sont et avec quel armement ils se promènent. On ne sait pas à qui ni à quoi on a affaire. Je ferai moins suspecte que toi, c'est indéniable. Prête moi juste l'un de tes deux couteau que je t'ai vu utiliser. Je risque d'en avoir besoin. Ils ont mon sabre, je ne peux pas me défendre sans. Il me faudrait le plus petit de préférence, mais c'est à ta convenance.

              Et après trois minutes de rapides mises au point, comme le lieu de rendez-vous, le temps maximum et les oui je ferai attention à ta lame, Rachel se faufila parmi les ombres pour rejoindre l'entrepôt en questions qu'ils avaient dans la mire depuis quelques minutes déjà. Cahin-caha.
              L'endroit avait été choisi pour son apparence passe-partout. Du gris sur du gris, dans un coin assez calme et plutôt dans le genre discret. Seulement, aux yeux de Rachel comme de Soren, l'endroit était trop discret pour être véritablement innocent. Et même sans ce garde, il était clair à ses yeux qu'ils auraient fini par tomber dessus rapidement.

              Contournant l'édifice, elle évita la ronde du garde qui semblait plus faire son travail parce qu'on lui avait ordonné que par réel besoin de protéger quelque chose. Plan trop bien ficelé pour redouter qu'on les retrouve ou simple pion qui ne sait rien de tout ce qui se jouait dans son dos ? Dans le doute, Rachel ne lui ferait rien. Un peu plus loin, elle tomba sur un deuxième qui marchait d'un pas un peu plus vif et était visiblement investi de la même mission. Avec quelques grammes de zèle en plus.
              Les contournant, elle finit par se hisser tant bien que mal mais toujours le plus silencieusement possible jusqu'à une petit velux.Vasistas... enfin, jusqu'à une petite fenêtre. Là elle put observer ce qui se passait dans l'entrepôt.

              Une dizaine d'hommes tout au plus. Une femme dans le lot. Compris également leurs deux amis communs. Autour d'eux les deux cartons que Rachel avait déjà eu l'occasion de voir et qui contenait une bonne vingtaine d’œuvres d'art. Auxquelles s'ajoutaient les trois sacs remplis de joyaux, bijoux, pierres précieuses et autres bagues de fiançailles hors de prix. Un magnifique petit butin.
              Elle finit par s'arracher à la contemplation de ces reflets riches pour détailler un peu leur arsenal. Fusils de fabrication marine pour la plupart, comme de juste, sabre pour deux d'entre eux et visiblement une montagne plutôt au corps à corps. La femme, elle, restait à part et notre jeune Sergent ne put identifier plus avant ses armes et compétences.

              Maintenant, essayer de comprendre pourquoi ils restaient là, ce qu'ils attendaient et jusqu'à quand ils attendraient. Seulement ce n'était pas en observant qu'elle aurait accès à ces informations et les obtenir seraient un peu plus risqué... Tant pis, qui ne tente rien n'a rien.

              Elle descendit précautionneusement de son perchoir, grimaçant sous le tiraillement que sa blessure lui infligeait et s'en revint sur ses pas, toujours dans les ombres s'allongeant de cette déjà fin de journée. Et c'est face au premier garde qu'elle tomba nez-à-nez. Hasard ? Je ne crois pas.
              Faisant semblant de trébucher, elle s'étala de tout son long. Au pied du gardien. Qui y croit ? Lui.


            -Eh bien ! Ne sois pas si pressée voyons.
            -C'est les gens dans le hangar, ils m'ont fait peur. (De bute en blanc vu l'expression du garde.)
            -Hein ?
            -Les gens dans l'entrepôt, ils ont des têtes bizarres... (dit-elle en se redressant)
            -Bah ne t'en fais pas, ce sont des gentils, des gardes comme moi.
            -Ah oui ?
            -Bien sûr.
            -Pourquoi ils se cachent alors ? (elle s'essuie le visage d'un revers de la main.)
            -Mais quelle idée, ils ne se cachent pas.
            -Ils font quoi alors, là-dedans ? Un cache-cache ?
            -Haha, du tout. Ils protègent un trésor. (Hop. Dans la poche)
            -Un trésor ?
            -Oui, c'est le chef de la garde qui s'en occupe, il doit le transporter ailleurs. On ne sait pas de quoi ils s'agit, nous, mais on sait que c'est important pour Luvneel. Sûrement quelque chose d'ancien ou certains documents important. Dieux seul le sait. (Et Rachel maintenant.)
            -Ils vont où ? Étoiles dans les yeux, check.
            -C'est une très bonne question. Ils partent demain à l'aube, mais même le navire et le capitaine ne connaissent pas encore le cap. Et moi, je suis de corvée ici toute la nuit...
            -C'est pas trop dur ?
            -On s'habitue... (Allez, ça n'as plus d'importance)

              Prétextant un horaire à respecter, Rachel s'en alla en claudiquant excessivement. La chute plaida-t-elle en tournant l'angle le plus proche. De là, elle s'autorisa un instant de répit et respira un grand coup. Elle jeta même un regard à sa blessure et si la cautérisation persistait, elle douta de son efficacité sur le long terme. Il lui faudrait de vrais soins, et pas avec un médecin des champs de bataille.
              Toujours aussi déterminée, elle s'enfuit rejoindre Soren là où elle l'avait laissé. Elle l'y retrouva comme prévu, lui rendit sa lame comme prévu et lui fit un topo de la situation. Après s'être installée pou se ménager un tant soit peu. Se tenant le ventre où elle redoutait que la blessure ne s'ouvre de nouveau, elle parla d'une voix lente et mesurée.

            -On a toute la nuit pour agir ou au moins se préparer. Ils sont dix, de ce que j'en ai vu. Deux sabreurs, un cogneur simple, six tireurs et une dernière non renseignée. Une femme. Des mercenaires, des bandits... peut-être même des gardes royaux en civil. Les gardes autour ne sont pas dans la confidence. Ils partent tous les dix demain à bord d'un navire inconnu dont on dit que même le capitaine ignore encore le cap qu'ils suivront alors. On peut donc très bien leur préparer une embuscade demain, mais ce sera à l'aube et les docks seront plein de marins sur le départ. On peut aussi frapper cette nuit, mais on perd l'avantage du terrain... Mais je vais m'avance peut-être et ne reste pas à ma place. Que décide-tu ?

              Elle n'avait pas oublié que, outre l'avoir sorti d'un pétrin duquel elle aurait eu beaucoup plus de mal à sortir seule, il restait tout de même le plus gradé et que c'était à lui que revenait la charge, même s'ils ne se connaissaient pas, de prévoir leurs mouvements. La partie semblait mal engagée, mais ils gardaient l'avantage de la surprise... Peut-être... Elle espérait que, quoi qu'il choisisse, il ne l'oublie pas.

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            La nuit était brûlante comme l’enfer. Le silence d’ordinaire si reposant oppressait dangereusement la cervelle de notre marine. Une légère brise embrassait ses différentes blessures. Sous ses yeux meurtris, une jeune demoiselle blessée accomplissait son devoir sans ciller. Il eut un temps étonnement long pour réfléchir à la suite des opérations. Malgré ça, rien ne lui vint. Ou plutôt une multitude d’idées germèrent de son esprit clairvoyant mais fatigué, en se heurtant immanquablement à des contraintes numériques. De toute manière, il ne pouvait élaborer de stratégie compliquée sans le topo de sa consœur. Qui revenait d’ailleurs derechef.

            Alors ils étaient dix. Dont six détenaient de dangereuses armes à feu. Voilà les cibles par lesquelles ils devaient commencer. Mais comment vaincre tant d’ennemis dans un endroit si grand ? Le nombre prenait tout sens ici. Dans tous les cas, une seule chose était sûre et certaine. Pour accomplir toutes ses missions, et avoir le privilège de purger un impie allègrement, il n’y avait qu’une solution.


            « Nous agirons ce soir. »


            Plus question de blagues vaseuses, l’heure était à la concentration. Sa collègue le laissa d’ailleurs respectueusement réfléchir seul, en silence, tel un loup préparant son futur repas. Le visage d’ordinaire si avenant du lieutenant se mua en un faciès austère, tendu. Le temps du combat était venu, le temps des braves.
            Un brave qui n’avait toujours pas résolu son énigme. Comment avoir suffisamment de temps pour les avoir ? Comment faire concentrer autant de personnes sur une seule cho...


            TILT


            Voici à peu près l’onomatopée mentale qui éclaira la lanterne de l’officier. En quelques secondes, les rouages se mirent en route, la sueur perla à ses tempes et des veines marquèrent son front tatoué. La réponse se trouvait à sa ceinture. Un plan totalement fou s’organisa rapidement. Une folie sans nom qui ne pouvait décemment se trouver dans les manuels de combat standards. Il y avait une chance. Il fallait la saisir. C’est au courage qu’on reconnaissait les preux, c’est sur la chance qu’on pariait le mieux.

            Il allait devoir neutraliser les gardes un par un. Tâche difficile, le moindre mouvement suspect pouvait griller leurs chances de réussite. Les gardes extérieurs avaient des fusils. Certains tout du moins. C’était une chance. Maintenant, expliquer le plan à sa jeune mais prometteuse alliée. Il désigna d’un doigt sa dague Carlyle avant de chuchoter.


            « Cette lame possède un pouvoir. Dans un premier temps, quoi qu’il arrive tu ne dois pas la regarder. D’accord ? Tu vas devoir revenir sur le toit et attendre mon signal. Voilà comment ça va se passer... »


            Mais en premier lieu, se poser. Leurs corps avaient besoin d’une énergie qu’ils ne possédaient actuellement pas vraiment. Un peu de repos ne leur ferait pas de mal, ils passeraient à l’offensive au cœur même de la nuit, quand les ombres se confondraient avec le ciel, quand les fantômes du passé s’apprêteraient à surgir de nouveau pour réclamer leur dû.


            Quelques heures plus tard et quelques explications en plus dans la caboche du sergent, Soren se trouvait tout près d’un garde. Son idée ? L’immobiliser sans bruit avec Mél, sans le tuer. Un jet, un soupir, un bond, cinq coups légers. Le dernier protecteur de la coquille s’effondra lourdement sur le sol. Une bonne chose de faite, il avait failli se faire repérer deux ou trois fois.

            Dix minutes encore plus tard, un fusil et une dague entre les mains du même sergent, Soren se trouvait tout près de l’entrée. Son idée ? Enfiler l’uniforme d’un bon soldat puis toquer à la porte de l’entrepôt.
            Il entendit un rapide « Va voir qui c’est » et se réjouit. L’homme qui allait ouvrir ne connaissait pas son visage.
            C’était la brute. Un colosse visiblement pas très heureux d’être dérangé par un simple petit garde pour une raison scabreuse.


            « - Quoi ?
            - Voilà, j’ai entendu du bruit et je me demande si les environs n’étaient pas remplis d’intrus. »



            Intrus, c’était le signal. Dans un bruit fracassant, Carlyle, venue d’une petite fenêtre déjà bien connue, se planta dans une caisse, en plein milieu de la grande salle. Tous les regards convergèrent alors instinctivement vers elle, ne serait-ce qu’une seconde, avant d’en déterminer la cause. Une seconde de trop. Le pouvoir illusoire de la lame se déclencha, et tour à tour tous les malfrats présents furent victimes d’hallucinations puissantes.

            Soren n’avait que peu de temps il le savait. La capacité de Carlyle ne durait pas encore très longtemps pour l’instant. D’un geste assuré il embrocha la montagne de muscle avec Rita, pleine de poison et Edmund. Sans attendre, il se précipita vers le centre de la pièce. Il fallait à tout pris maîtriser les tireurs, les plus dangereux. Pendant qu’il fonçait, la lady qui le surplombait allait sans doute avoir le temps de tirer sur les ravisseurs. Ou de le rejoindre.
            Il arriva au contact. Comme hypnotisés, les adversaires se mouvaient maladroitement, sans se rendre vraiment compte de ce qu’il se passait. Ne pas regarder la lame, surtout ne pas la regarder.
            Trois tireurs en moins, le quatrième était proche. Déjà les effets s’estompaient, BB le regarda droit dans les yeux, reconnaissant un rival justicier se battant pour des valeurs bien plus hautes que sa propre raison.

            L’illusion prit fin. Dans l’entrepôt ne restait que Black Butter, le traître ainsi qu’un sabreur et la mystérieuse femme. Qui portait à la main un sabre élégant de bonne qualité, peut être même celui que le sergent recherchait.

            La deuxième partie du plan s’annonçait aussi follement dangereuse que la première. Du bluff, du courage et de la force de caractère. Son amie l’éphèbe ne l’aidait plus de loin, pour une raison aussi obscure qu’un ciel sans étoiles.

            « Si vous vous rendez maintenant, je vous épargnerai tous. Ou presque. Par pitié, pensez au chagrin de notre Déesse en nous regardant nous entretuer vainement. »


            Ses ennemis se mirent à rire. De sa solitude, de son état, de son manque de discernement. Ils étaient quatre, il était seul. Ils étaient vils, il était juste. Il allait avoir besoin du soutien de son alter-ego.

            Glissant lentement la main dans son dos, il rapprocha ses doigts d’Argos, sa dague maudite. En l’attrapant il abandonnerait la raison pour la puissance. En l’agrippant il laisserait ses yeux se baigner d’un vermillon intense. En la dégainant, il laisserait la mort s’emparer temporairement de son âme.
                Pourquoi donc la seule personne que Rachel voulait neutraliser le plus dans le lot était celle qui, étrangement, ne fut pas victime de l'illusion de la lame du Lieutenant ? Oui. Illusion. Elle aussi avait eu du mal à l'imaginer au début. D'un simple regard sur la lame ? Ça tenait de l'illogique. Pourtant, devant l'air de Soren lorsqu'il lui avait appris ce détail et son regard persuadé, elle avait bien dû se plier à son plan. Elle-même n'en avait pas eu, alors se reposer sur un supérieur qui en avait un, même sorti de derrière les fagots et pas forcément très fiable à ses yeux. Il y avait un méchant risque qu'ils se plantent et durant tout le temps d'attente, elle avait craint que tout soit ne tombe à l'eau. Le plus dur avait été de ne pas regarder la lame durant tout le trajet jusqu'au toit.

                Pourtant, à partir du moment où elle entendit le mot « intrus » et qu'enfin le plan se mettait en branle -et que par dessus tout il fonctionnait- elle ne put que féliciter chaleureusement Soren. Intérieurement tout du moins.

                Mais pour en revenir à l'attaque surprise, la seule personne en question qui avait miraculeusement évité le tour de passe passe du lieutenant se trouvait être la femme. Elle qui avait en main le sabre court de Rachel. Un sabre court à lame noire, cadeau de Salem.
                Mais le fait qu'elle ait évité l'illusion impliquait autre chose : elle était la plus dangereuse du lot pour Soren qui ne manquerait pas d'avoir raté cet élément. Avec le fusil dégotté sur un garde à son insu, Rachel s'assura bien de gérer la femme réfugiée derrière des caisses au contenu mystérieux. C'est ça, terre-toi en attendant qu'elle s'occupe des autres.
                Rachel avait beau ne pas être d'une précision extrême en tant que tireur embusqué, elle fit pourtant mouche sur quatre d'entre eux. Elle n'était pas sûre d'avoir été assez précise pour tous les tuer, mais un était tout de même immobile au sol avec trois balles dans le buffet et un autre se tenait la jambe en gémissant. Le Sergent, elle, restait bien tapie dans l'ombre, surtout qu'elle avait épuisé son quota de balles.

                C'était sans compter sur la femme qui l'avait repérée depuis un certain déjà et qui, à l'aide du sabre noir du Sergent, trancha une poutre. Une poutre qui malheureusement, soutenait la plaque de bois qui servait de matelas à Rachel. Il y eut un craquement comme Soren restait immobile face ses ennemis. Puis une deuxième comme Rachel tâchait de déguerpir. Puis tout le pan du plafond s'écroula.

              -Kyaaaaaaaah !

                Pum !

                On ne se refait pas...

                Comme elle se redressait en se tenant le crâne d'une main et l'estomac de l'autre au milieu de la scène où regards en chien de faïence se croisaient, elle marmonna un mot d'excuse au Lieutenant. Et fusilla de son propre regard vert flamboyant la femme qui la narguait, goguenard. De son arrivée, de ses mains vides, de ses échecs en tirs sur cible mouvante... Pour toute réponse, le Sergent la gratifia d'une langue des plus désobligeantes. Ce qui élargit le sourire de cette dernière.
                Regards à la ronde. Deux contre quatre plus six autres éparpillés autour encore susceptibles de leur tirer dans le dos.

              -Tu sais que c'est mon sabre que tu tiens entre tes mains ? Un cadeau de bienvenue je suppose ? Arsène, ou quel que soit ton nom, Je viens récupérer mon bien ! (puis plus bas au Lieutenant à ses côtés) Notre déesse ? T'es de ce genre de type ? Vénère la Mort, y'a que ça de vrai en ce monde...

                Mais il n'en avait cure, et tant mieux, parce qu'elle n'attendait pas de réponse, surtout au vu de leur situation. Déjà il esquissait un mouvement pour reprendre en main une nouvelle dague. Elle avait déjà pu observer qu'il les choisissait précautionneusement selon la situation. Elle se demandait déjà à quoi bon rimerait celle-ci. Sûrement quelque pouvoir précieux qui leur offrirait une chance de l'emporter... Eh bien donnons-lui cette chance de porter le coup de grâce !

                Elle n'a beau ne pas être très rapide, dans une scène figée comme celle-ci, il n'est pas dur d'obtenir un effet de surprise en se jetant à corps perdu vers le quatuor. Une fois de plus, tous les regards sont portés sur elle, frêle chose désarmée et à l'attaque vaine. Mais alors que Black Butter lève paisiblement son arme pour lui tirer une seconde fois dessus, un fusil déchargé apparaît dans les mains du Sergent dont la crosse désarme subitement le bandit.

                Et alors qu'un sourire fier s'étend sur son visage, Soren a le champ libre pour faire des ravages dans les camps adverses. Il ne faut d'ailleurs pas longtemps pour que le sabreur se frotte à la fureur de l’ecclésiastique. Et qu'ainsi il frôle la mort.
                Rachel, quant à elle, tient en respect avec un fusil au chargeur vide deux hommes aux colts plus rapides qu'elle tandis qu'elle tient à l'oeil la femme qui se tient à bonne distance. Jouant avec le sabre à lame noire appartenant à Rachel, elle semble impatiente de tailler les arrêtes avec les dagues de Soren. Pas le temps de s'inquiéter pour lui. Non, pas le temps.

                Un nouveau coup de feu claque et alors qu'elle se jette sur le côté pour l'éviter, un deuxième suit immédiatement qui lui fait mouche. La balle vient se loger dans le dos du Sergent et fait cesser la pluie de balles et leur envoyant à la figure une pluie de perles et diamants volés.
                A l'abri derrière une caisse en bois à l'odeur suspecte, elle reprend son souffle, serre les dents et se maudit de chercher le corps à corps contre des hommes avec des armes à feu. La douleur remonte le long de sa colonne vertébrale comme, à l'inverse, le sang coule de sa blessure jusque sur ses reins. Elle grince des dents et se remet debout d'un bond, surprenant à nouveaux leurs deux amis qui tentaient de prendre pour cible Soren. Il fallait qu'elle le soutienne... Même sans armes. Même blessée. Contre toute attente, elle dévia un projectile qui la visait d'un revers de crosse tandis que deux autres sifflaient à ses oreilles en la frôlant. Puis, un clic sonore apprit aux deux truands comme à Rachel que le ventripotent garde était à sec. Une seconde de répit où aucun des deux ne la regardait. Une seconde de répit dont elle sut tirer l'opportunité qui lui permettrait de reprendre l'avantage. D'un coup de pied, elle envoya un sac de bijou au visage de l'Arsène. Et la seconde suivante, elle faisait craquer le nez du second d'un coup de crosse admirablement bien placé. Dans le timing comme sur l'arête du nez. Et si par réflexe il laissa échapper un gémissement, il garda le lit, immobile. L'Arsène, lui -ou Black Buttur comme l'appelait Soren, fusilla Rachel du regard. Un regard noir qu'elle lui renvoya avec une pointe dé défiance en plus.

                Et si les équipes n'étaient pas très égales, les revoilà en duels. Qui eux s'annonçaient tendus.
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              Argos avait déjà fait une victime. Et voilà qu’il se retrouvait en face d’une beauté ténébreuse, ange déchu d’un monde bien trop imparfait. Non loin de là, sa jeune compagne semblait tenir dans un respect mesuré le grand cerveau de toute cette histoire. Il était à présent du devoir de Soren de contenter tout le monde, de faire chavirer une fois de plus la situation.

              Sa raison ne l’aida pas. Dynamisé par les effets bucoliques d’une sangsue métallique, il ne pouvait plus ressentir les barrières mentales qu’il mettait d’ordinaire en place pour se contrôler. C’est donc en quelques fractions de seconde qu’il imagina le plus basique des plans pour vaincre sa duelliste, c’est donc en une seule poussée qu’il bondit pour la désarmer violemment. Le sabre noir tomba au sol quelques mètres plus loin. Elle ne pouvait plus être dangereuse sans son arme. Ce qu’il ne prit pas le temps d’analyser, c’était que ladite machine à tuer était à la petite marine, et que donc la case « arme principale » avait déjà été cochée. Par une rangée de griffes inoxydables qui furent révélées au grand jour. Et qui taillèrent par instinct un profond sillon écarlate dans le buste d’un officier pressé par le désir de vivre.

              En reculant, Soren poussa un cri rauque, bien loin du délicieux chant qu’il entonnait d’habitude. Il n’avait toujours pas le temps de réfléchir, de se plaindre de son état. Il allait agir pour le bien de tous, il allait offrir son corps à sa Déesse.
              Feintant une esquive par la droite, il glissa au dernier moment comme une ombre sur sa gauche. Mél fut lancée en avant, esquivée aussi sec, mais donna au gradé les centièmes de secondes dont il avait besoin. Argos fendit l’air tandis que les griffes se rabattaient rapidement. Les côtes du lieutenant accueillirent cinq nouvelles amies en son sein. De l’autre côté, un cœur sombre venait d’être rendu à la Déesse. Distants d’une dizaine de centimètres seulement, les visages des deux ennemis se frôlèrent pour la toute dernière fois.


              « Que la Déesse t’offre la rédemption. Pardonne moi fille de la lune. »


              Il embrassa les lèvres pulpeuses qui s’entrouvrirent, comme pour laisser s’échapper une âme moribonde. Le goût d’un sang étranger titilla ses papilles. Le regard de la mercenaire se voila et ses griffes se rétractèrent en emportant une rasade vermillon. Un corps galbé s’écrasa sur le sol, mû d’une infinie beauté, garant d’un corps exalté et enfin libéré.


              Il sentit la limite arriver. D’ici une quinzaine de secondes s’il continuait, il perdrait conscience. Quelque chose d’inattendu se passa. Son épée sangsue ne lui pompa plus d’énergie. Mais pourquoi ? Il avisa la pointe recouverte du sang de la défunte. Mais bien sûr ! Pendant un laps de temps très court, elle avait pensé à lui et s’était nourrie en face. Elle était donc repue pour quelques secondes. Qu’il devait utiliser à bon escient.

              En face BB prenait l’avantage. Soren jaillit soudain pour rendre son arme à sa propriétaire. Elle allait enfin pouvoir se défendre un minimum.


              « Ne le tue pas, un homme tel que lui mérite d’être enfermé. Ce sera sa rédemption. »



              Sa voix avait le coffre d’un démon et il craignit un instant d’effrayer sa collègue. Alors que les deux avaient repris le fer, il sentit Argos revenir à la charge. Il voulut bondir mais se retrouva presque plié en deux par sa dernière blessure. Dans un ultime effort, il lança celle dont il était tributaire. Elle érafla la joue de l’ennemi qui fut déconcentré. Un nouveau moment de flottement que Rachel allait sans doute exploiter pour assommer le vil faquin qui le méritait bien.

              Soren tomba à la renverse. Ses yeux reprirent leur teinte habituelle, sa mine renfrognée digne d’un colosse des temps anciens se mua en un rictus de douleur acerbe. Sans pouvoir se retenir, il hurla sa douleur au monde, il laissa la souffrance jaillir de tous ses pores. Gigotant faiblement, il saisit le briquet dans sa poche et entreprit de cautériser les cinq entailles qui lui grignotaient la chair. Il n’était pas question de mourir après avoir parcouru autant de chemin.
              Son esprit sombra dans une sorte de démence, et il plongea dans un état proche du coma, esclave d’un rêve éveillé sans saveur.



              Lorsqu’il rouvrit les yeux, il se rendit compte qu’il n’avait pas bougé. L’éphèbe était penchée sur lui et lui souriait d’un air compatissant, presque reconnaissant.
              Il était resté une centaine de minutes étendu sur le sol froid, entouré par une armée de cadavres, veillé par un ange de la mort.
              Il eut du mal à se relever, mais savait qu’il ne fallait pas moisir ici dans de telles conditions.


              « Nous n’arriverons jamais à emprisonner le chef de la garde. Il faut prétexter une fuite, ne pas le laisser reprendre ses activités plus tard. Nettoie cet endroit pour justifier nos actes, j’emmènerai Black Butter avec moi. En attendant, je dois faire quelque chose. Pour nous deux. »



              Il se dirigea difficilement vers le ventripotent meurtrier. Il allait expier ses péchés, lui permettre d’accéder à un paradis perdu qu’il ne méritait presque pas. Mais la voie d’accès serait douloureuse, les prochaines heures allaient être longues et pénibles.
              Embarquant difficilement le personnage sur son dos, Soren sortit du bâtiment pour disparaître dans l’obscurité, donnant rendez-vous à son alliée le lendemain. L’écho de ses pas résonna un petit moment alors qu’il empruntait la route mortuaire de la Libération.



              *********



              Une côte, une église, un banc. Là où tout a commencé. Un homme est assis et attend calmement l’arrivée d’une demoiselle. Alors lorsqu’elle arrive, il sourit et se lève aussi rapidement que lui permet son corps abîmé. Le grand méchant est ligoté dans la cale d’un petit bateau d’amarrage, le marine est revenu voir ses collègues de foi, les chemins de nos deux aventuriers de fortune vont bientôt se séparer.

              « Je ne me suis pas encore présenté. Soren Lawblood, trente ans, lieutenant du Qg de North Blue. J’espère pouvoir te revoir sur les mers. »


              Lorsqu’elle se présenta à son tour, il se sentit aussi honoré qu’on pouvait l’être. Pas parce que l’histoire s’était plutôt bien finie, mais parce que de simples présentations rapprochaient les deux protagonistes bien plus qu’elles ne le faisaient en général.
              Au fond de ses yeux juvéniles, il distingua une beauté éclatante, de celles qui vous retournaient un cœur revêche. Quel dommage !
              Et au moment de se quitter, il ne put résister à une tentation défendue par la loi, symbolisée par une question aux abords pourtant innocents.


              « Tu n’as vraiment que dix-sept ans ? »
                  La voix du Lieutenant à ses côtés semblait étrangement changée. Pas que Rachel eut le temps de s'inquiéter des soucis de gorge de son collègue, mais elle avait prise une intonation si basse et oppressante que, oui, elle s'inquiéta de l'état de son seul allié. Elle avait déjà assez de mal comme ça à gérer un homme avec une arme à feu pour ne pas en plus devoir assumer une jeune voleuse qui détenait son sabre. Si jamais le marine avait quelques soucis de santé. Que sa voix, la boucle est bouclée, laissait présager.

                  Un pas en avant, trois pas en arrière. Avec cet Arsène qui la fait danser, elle n'avait pas l'occasion de se détourner pour jeter un œil à son allié. Chaque pas lui en coutait déjà suffisamment. Et cet air arrogant qu'il arborait, ce dandy numéro un, à se délecter de la difficulté d'agir de Rachel. Et qui joue à qui touchera le premier. Un jeu qui dure déjà depuis trop longtemps pour notre jeune Sergent. Ce n'est plus une balle de mousquet qu'elle a dans les reins et le ventre, ce sont deux braises incandescentes qui, plus le temps passe, irradient comme de minis soleils. De plus en plus fort. De plus en plus loin. Bouger les hanches lui provoquaient, par répercutions, de très désagréables picotements dans les reins et la colonne vertébrale. Comme autant d'aiguilles chauffées à blanc. Et là-dessus, Arsène qui danse et jubile de voir se décomposer Rachel de douleur. Oh il se voit déjà emporter le pactole. Et même pas besoin de partager avec les autres. Il pourrait partir seul avec tout le fric. Plus qu'à abattre cette jeune fille puis une balle bien placée, finir l'autre marin.
                  Et tout en fantasmant sur sa victoire prochaine, Rachel trébucha. Ou sembla trébucher. Car c'était le moment.

                  Providence. Hasard, chance ou calcul prémédité du Lieutenant, un chuintement se fit entendre. Le sang goute. Arsène et Rachel peuvent observer le baiser volé à une femme qui rend son dernier soupir. La scène se fige une demi-seconde. Le Lieutenant se retire, laisse tomber le cadavre et Arsène repart à l'assaut. Pourtant, Rachel a déjà anticipé l'action des deux hommes. Et si bouger lui en coûte de plus en plus, elle bondit pour attraper au vol le sabre gracieusement rendu par le Lieutenant. Dans un magnifique mouvement d'une fluidité parfaite, uniquement gâché par la grimace de douleur et le gémissement qui fleurit d'entre ses dents serrées. Le sabre fuse vers Arsène qui avise le visage de Rachel de son pistolet. Il est encore trop loin. Il a l'avantage. Un nouveau sourire satisfait nait sur son visage. Et disparaît aussi sec lorsqu'une lame le frôle. Mettant en déroute sa visée. Mettant à mal sa concentration.

                  Elle n'est plus qu'à un pas.

                  Il se détourne vers le Lieutenant qui s'effondre. Une cible facile une fois Rachel descendue. D'un geste expert le canon se redresse et touche finalement le front du sergent alors qu'elle même arme sa lame qui n'attend que ça. Son sourire s'élargit et fend son visage dans une atroce grimace. Qui serait le plus rapide ?

                  Il appuie sur la gâchette.

                  Clic

                  Il n'a pas le temps de comprendre que la lame de Rachel siffle dans l'air pour venir entailler profondément sa nuque. Sûrement pas mortellement. Mais il titube et elle-même puise dans ses dernières forces pour l'assommer une bonne fois pour toute. Et alors que le Lieutenant se met à hurler de douleur comme elle panse la blessure de Black Butter, Rachel se retourne pour lui venir en aide.

                  Pour faire face à un homme. Un de ceux qu'elle n'a pas dû viser assez proprement. Il tient en main un sabre. Il semble aussi surpris qu'elle à l'idée qu'elle se soit retournée. Malheureusement pour elle, il brandit son arme. Et le seul réflexe de la jeune fille et de brandir son sabre qui s'en va instinctivement percer le cœur de l'homme. Son mouvement s'interrompit. Sa respiration se hacha. Son rythme cardiaque fit un soubresaut. Son sang se répandit sur le sol dans une mare funèbre.
                  Et le Sergent qui n'avait pas vraiment voulu le tuer, ne put se résoudre à regarder. Elle ne put regarder...

                  Soudain vacillante sous un poids tout autre que celui de la peur, de la douleur ou la fatigue, elle tituba jusqu'à quelque chose de solide sur lequel s'asseoir. Trouver un appui. L'estomac retourné, elle sentait le bile remonter. Nauséeuse, elle lâcha son sabre qui tinta sur le sol. Qui tinta seul, comme un funeste carillon. À ses seules oreilles. Elle était seule au milieu de corps inanimés. Morts pour beaucoup. Elle grelottait. Le froid n'y était pour rien. Elle grelottait sans pouvoir rien à faire. Des frissons la parcourait trop souvent. Lorsqu'elle se remémorait la sensation de son sabre rencontrant la gorge ouverte. Beaucoup trop souvent. Lorsqu'elle revoyait le sang qu'elle offrait d'elle-même à la Dame. La nausée la saisissait, aussi. La terrassait. Pendant longtemps. Un temps infiniment long.

                  Puis le Lieutenant s'anima. Et, prostrée, Rachel entreprit enfin de se lever. De se mouvoir dans ce décor de mort et de désespoir. Elle n'avait pas vérifié si certains étaient vivants. Elle ne savait même pas combien de temps il s'était écoulé. Combien de minutes ou d'heures l'inconnu avait perdu. Elle ne voulait pas y penser. Et puis le Lieutenant ouvrit les yeux. Elle avait autre chose à faire.
                  Elle se laissa tomber à genoux plus qu'elle ne s'agenouilla à ses côtés. Et elle se força à sourire lorsqu'il posa son regard sur elle. Un sourire qu'elle voulut doux, pourtant empreint de tristesse, de peine et d'un soupçon de haut le cœur. Heureusement que la reconnaissance qui éclatait dans ses yeux émeraude compensait. Et que c'est tout ce que repéra le Lieutenant.

                  °°°°°

                  Elle était encore toute chamboulée. Elle n'avait presque pas dormi de la nuit et s'était donc levée aux aurores. Elle prit ce temps pour aller flâner devant les vagues, scintillantes des premières lueurs de l'aube. Et comme l'animation se fit vite trop bruyante pour elle et que la ville se réveillait peu à peu, bien trop vite pour elle, elle entreprit de ramener les bijoux à la bijouterie et les quelques tableaux sauvés aux rares amateurs d'arts qui se lamentaient devant une montagne de cendres. Des cendres d'Art. Elle fut accueillie comme une sainte et fut contrainte de se faire baiser les pieds par deux fanatiques. Sans ces toiles sauvées, sûr qu'ils se seraient jetés depuis un pont !

                  Puis l'heure du rendez-vous vint. L'heure des adieux. Elle le savait. Aussi rapidement que ses multiples bandages et brûlures le lui permettait, elle se dirigea vers cette église. Ce banc. Elle avait passé la nuit à l'hôpital et sûr qu'ils seraient ivre de la voir déambuler de la sorte dans une ville si agitée. D'une ville si insouciante. Si loin de l'état d'esprit de Rachel.

                  Elle se surprenait à prendre les choses de manière si détachée. Elle avait tout de même pris une vie. Une vraie. Pas une de celles avec lesquelles on peut jouer. Une araignée, une fourmi, une mouche ou un moustique. Mais un homme. Le sergent Blacrow réprima un haut le cœur et avisa enfin le banc ainsi que le Lieutenant. Et de « bonjours » à « comment ça va depuis hier ? Tu te remets bien ? », ils en viennent rapidement à une question banale mais Ô combien importante pour eux deux en cet instant. L'échange de noms.

                -Sergent Blacrow. Rachel pour toi. 17 ans, et en fonction sur East. De permission et de passage à Luvneel. Ravie de t'avoir rencontré, Soren.

                  Quelques mots de plus. Pas beaucoup. Un voleur attendait, paraissait-il, dans une cale. Bien ficelé. Pareille rendue, pensa-t-elle tout bas. Puis les véritables adieux, ou presque. Au-revoir, chaleureux, enjoués, presque. Et presque émouvants. On fait quelques pas puis on se retourne pour interpeller. Et on se retourne, interpellée, pour gratifier d'un sourire goguenard un Lieutenant trop curieux. On lui offre même une œillade aguicheuse pour laisser planer le doute. Et enfin on s'en va sans se retourner.

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