Posté Mar 17 Avr 2012 - 4:45 par Blacrow L. Rachel
Sur l'île Karaté se lève un soleil paresseux puisqu'il a trois minutes de retard sur la veille. Heureusement qu'il fait son boulot avec zèle car on peut bientôt distinguer mer et ciel à l'horizon. Une mer d'huile, trop calme pour la saison, et ciel bleu, trop clair et trop limpide pour la saison. Et entre les deux, un navire. Trop gros pour la saison qui n'est plus marchande. Pourtant, il n'est pas bien large. Il vogue fièrement, voiles tendues et pavillon au vent. On pourrait presque entendre les pas de dizaines d'hommes à bord depuis la rive. Le mât craque, mais ça, personne ne s'en préoccupe. Car la vigie vient de hurler à la terre. Pour sûr, ils naviguent sans prévoir. Juste à la lueur des étoiles et de leur compas. Le navigateur avait fini à l'eau lors de la dernière escale. Un père en moins. A cause d'une balle perdue. Deux pères en moins. Mais bon, il en restait de rechange. Des pères. Tant que le capitaine et le second restaient à bord, ça passerait. Et puis, sept ans, c'est un peu jeune pour vraiment s'attacher. Trois larmes versées, et c'était oublié. La coque craqua à son tour, mais les pas de fiers marins en étouffa le bruit alors que tous se préparaient à enfin manger de la viande. Le poisson, c'était bon, mais tous préféraient éviter le scorbut. Un y était passé le mois dernier. Trois en moins. Mais tant que le capitaine et son second tenaient la route. Dix minutes de pleurs et c'était oublié.
D'après les cartes du capitaine qu'il gardait dans sa cabine, Karaté était l'île que la vigie venait d'annoncer. Et très vite le port fut en vue. Ou du moins un lieu fait de bois où ils pourraient accoster. Et où d'autres navires mouillaient déjà. Ils ne seraient donc pas beaucoup dépaysés. Et puis, ils n'étaient pas là pour autre chose que de reprendre des vivres. Les vols, ils reprendraient une autre fois. A ce sujet, un cri tonitruant fut hurlé depuis le gaillard arrière, et, sur le mât de Misaine, le pavillon noir fut abaissé. Incognito on a dit. Quelques bouteilles de rhum furent échangées, une chanson paillarde entonnée à tue-tête par tous les marins qui s'occupaient de virer lof pour lof et le dernier monté à bord fut jeté à la mer avec moultes éclats de rires avant qu'une bouée ne lui soit envoyée à son tour. Et dans les enfléchures, solidement arrimée par de lourdes amarres, saucissonnée comme aurait pu l'être un prisonnier subissant le supplice de la planche ou un gamin jouant aux cow-boys et aux indiens, une jeune fille, toute jeune, avait les yeux grands ouverts, ébahis par cette île qu'elle voyait se découper contre l'horizon. Un regard vert brillant d'impatience fixait la terre sans ciller tant il voulait déjà y être. Le regard. Et la petite fille aux airs d'innocente poupée aussi. Dans son dos, une silhouette se dessina. Grande. Protectrice. Bienveillante.
-Je pourrai jouer avec les autres enfants, cette fois ? -Hum... Pourquoi pas... hum.
Un large sourire éclaira son visage candide.
Spoiler:
C'est un peu court, Sorry, mais ce n'est qu'une vague mise en bouche. De même, la qualité devrait être au rendez-vous un autre jour. xD
Posté Dim 13 Mai 2012 - 20:13 par Saru O. Suiji
« Reste concentré, jeune singe. Tu n’y arriveras pas si tu penses à autre chose. » « Mais, Maître ! Je fais… » « Silence ! Tu poursuivras cet exercice le temps qu’il faudra, ou je n’irai pas plus loin dans ta formation. »
Le très jeune Suiji se permit quelques grognements, mais rien de suffisamment compréhensible pour que Akito ne le relève. Il faut dire que s’il relevait chacune des protestations de son élève, il passerait plus de temps à faire de la discipline qu’à lui apprendre les arts martiaux. Sous le regard paternel de son Maître, Saru recommença l’enchaînement qu’il venait d’apprendre. A chaque mouvement, son mentor lâchait une remarque : jambe trop pliée, bras pas assez vif, mauvaise inclinaison du torse… Aucun détail ne lui échappait, et l’adolescent commençait à perdre son calme. Il faut dire que cela faisait bien deux heures qu’il répétait sous la critique de Akito sans parvenir à le satisfaire.
« J’en ai marre ! Qu’est-ce que ça change, que je regarde les pieds plutôt que la tête de mon adversaire fictif, tant que le geste va ? C’est facile d’être là à dire tout ce qui va pas, je suis même pas sûr que vous sachiez faire ce que vous me demandez ! »
La réplique ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd, et déjà, le vieux Maître fit l’illustration de son savoir sur le pauvre Saru qui subit un enchaînement de coups d’une précision redoutable, avant d’être propulsé à terre quelques mètres plus loin.
« Le respect, Saru O. Suiji, est la vertu la plus importante. Ne me parle plus jamais de la sorte. »
Encore étourdi, abasourdi, Suiji regarda son maître s’éloigner sans oser le retenir. Il attendit qu’il ne soit plus en vue pour se relever et épousseter son pantalon crasseux et son t-shirt usé. Puis, ronchon, il vit que le soleil se rapprochait de son zénith ; il était l’heure pour lui de rentrer au restaurant.
Il regarda avec envie un bateau se découper à l’horizon, sans doute quelque marchand venant mouiller à l’île du karaté, à moins qu’il ne s’agisse de combattants venus ici chercher l’enseignement d’un grand maître des arts martiaux. Et lui, qui avait la chance de bénéficier d’un tel enseignement, il ne cessait de le spoiler de manière honteuse. Avec amertume, il se détourna de la mer et rentra dans les terres. S’il était en retard, sa mère devrait sans doute assurer à sa place sa tâche de commis, et elle serait encore épuisée.
Mains dans les poches, le jeune Saru reprit donc la direction de la ville sans oublier de tirer dans les cailloux qui croisaient le chemin de ses pieds. La foule lui déplaisait, tout comme cette ambiance de stress permanent qui imprégnait le restaurant où travaillait sa mère.
Les gens l’insupportaient.
A peine fut-il dans les rues de la ville qu’il commença à se sentir oppressé, déplacé. Il prenait garde à éviter toutes les personnes se mettant sur son chemin, se tenait à l’écart des autres enfants qui pourraient vouloir l’entraîner dans leurs jeux alors qu’il était attendu ailleurs, jusqu’à ce qu’il se trouve en train de longer le port. Un navire venait tout juste de mouiller, attirant la curiosité des badauds. Imitant ses concitoyens, Saru observa un instant l’équipage, et s’apprêtait à poursuivre sa route lorsque son regard croisa deux yeux émeraudes. Le genre d’yeux qu’on ne voit pas souvent, et qui ne peut qu’attirer la curiosité.
Alors le jeune singe décida que le restaurant attendrait et fit mine de continuer son chemin, pour se dissimuler derrière un tonneau quelques mètres plus loin, et suivre ensuite cette petite aux yeux étranges avec toute la discrétion dont il était capable.