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La rose et le vent

Coincé dans ce trou pendant trois jours, hein... Fait chier.

Attale soupira et s'accouda au bar. La salle grouillait de malfrats en tout genre, tous plus stupides les uns que les autres. L'assemblée était surtout composée de petites frappes qui ne devaient rien connaître à la mer, davantage vantards que dangereux. La taverne était bruyante, couverte par le brouhaha, entre rires tonitruants et cris revendicatifs. Le Caporal redressa son chapeau du bout du pouce, levant les yeux vers le ventilateur qui ne semblait plus tout jeune. Le navire d'Olaf à la Lame Dorée venait tout juste d'accoster, et les hommes qui n'avaient pas été chargés du ravitaillement étaient en permission forcée pour les 72 heures à venir. Désœuvré, c'est à la première taverne qui s'était trouvée sur son chemin qu'Attale avait choisi de s'arrêter pour tuer le temps.

« Un café-saké, un, fit le gérant du bar en posant une tasse douteuse devant le marin. C'est pas souvent qu'on me demande ça, gamin.
- Les gens ne savent pas ce qui est bon, répondit le jeune homme en souriant. Merci. »

Le barman se contenta d'émettre un rire approbateur, puis s'éloigna avec ce geste récurrent qu'ont tous les barmans, à savoir celui d'essuyer des verres de manière frénétique. Attale porta la tasse à ses lèvres et but une gorgée. Il se mit alors à réfléchir à ce qu'il allait bien pouvoir faire de sa permission, ces trois jours s'annonçant bien plats et dénués de tout intérêt. Alors qu'il vagabondait dans ses propres pensées, un individu plus audacieux que les autres se mit à hurler plus fort depuis le fond de la taverne:

« C'est décidé, je monte mon affaire dès demain ! Et c'est pas cette lopette de Sven qui m'en empêchera ! »

Le silence se fit aussitôt dans la salle. Attale tourna légèrement la tête sur le côté pour distinguer le fauteur de troubles, et attendit la suite. Un autre petit malfrat se leva alors soudainement de sa chaise, de l'autre côté de la salle, et frappa du poing sur la table.

« Qu'est-ce que t'as dit, enfoiré ? Sven va te faire la peau, oui ! »
- ... »

Le premier homme sembla soudainement blêmir, comme si soudainement l'intervention du second le prenait au dépourvu. Il se rassit sans un mot, plongeant son regard dans le fond de son verre. Sans doute ne s'était-il pas attendu à ce que quelqu'un le contredise. L'autre se mit à rire tout en se réinstallant sur son siège à son tour, puis l'assemblée rompit peu à peu le silence, reprenant jeux, boissons et discussions.

Yare, Yare... Ce Sven doit être un caïd local. Il faudra peut-être informer la base du coin de son existence. Même si je doute qu'ils ne sachent rien.

Attale détourna la tête, fermant les yeux et sirotant son café. Il avait cru pouvoir intervenir et étouffer une bagarre dans l’œuf. Au final, rien de vraiment intéressant à se mettre sous la dent. Bien au contraire, les jours qui s'apprêtaient à s'écouler s'annonçaient peut-être plus calme encore que ce que sa première impression lui avait fait sentir.

L'année touchait bientôt à sa fin, et cela faisait seulement quelques semaines qu'il avait été nommé Caporal. Les premières responsabilités lui étaient tombées dessus sans qu'il n'y soit réellement préparé, bien que son grade n'était en réalité que la première marche vers son objectif. Mais globalement, il prenait son boulot à cœur et n'avait d'autre objectif que celui de le mener à bien. Il s'était engagé pour ça, pas pour ne rien faire et rester tranquillement dans l'ombre des gradés. C'est pourquoi la situation dans laquelle il se trouvait à présent était fortement désagréable. A priori, il n'aurait aucune mission pendant les jours à venir, et il devrait se contenter de rester à écouter les conneries des marins d'eau douce régionaux. Pas de quoi être enchanté.

Il avait bien quelques cas criminels de North Blue en tête, et tandis qu'il vidait peu à peu le contenu de sa tasse, il tâcha de tuer l'ennui en estimant celles qui avaient le plus de chance de se présenter à lui au plus tôt. Un bruit de verre brisé retentit quelque part dans la salle, suivis par un redoublement de rires gras, ce qui le perturba dans sa concentration. Frustré, il grogna et ouvrit un œil, observant ce qui lui restait de liquide dans son récipient. D'un air résigné, il donna deux coups sur le bar pour signaler au gérant qu'il désirait un autre café-saké.
    « Hum, excusez-moi, mais quelle est cette île ? »
    « Sur l'île de Barnanos... »
    me répondit avec étonnement le jeune homme auquel j'ai posé la question.

    Je le remercie, naturellement. Néanmoins, on ne peut pas dire c'est la même chose en mon for intérieur. Une envie m'a prit de lui crier que sourire ne le tuerait pas, mais je me suis retenue. Il faut dire qu'après ma fuite de Kage Berg, mieux vaut ne pas attirer l'attention. Comme d'habitude, je me calme en me disant que de toute manière, tous les hommes sont comme cela et que ça ne changera jamais. Bon, je comprends son incompréhension de voir une personne accoster sur une île dont elle ne sait même pas le nom, mais tout de même... Bref, je descends de ma magnifique barque afin de poser le pied sur cet endroit que je ne connais guère. Avant de partir, je prends tout de même soin d'attacher mon embarcation au pot par le moyen d'une corde. Qu'il est joli mon bateau de vendeur de patates au milieu de tous ces gros navires. Il ne fait absolument pas tâche.

    Alors, vais-je trouver mon bonheur ici ? La recherche ne va pas être longue à effectuer étant donné qu'il ne semble y avoir qu'une seule ville. J'avance donc un peu, histoire d'être assez près pour voir le nom de celle-ci. « Manshon ». Inconnu au bataillon. Il faut dire aussi que je viens d'un autre coin de l'océan, alors je peux pas tout connaître non plus. A peine rentrée dans cette ville, l'animation qui y est présente est la première chose qui me surprenne. Il y a un nombre de gens exorbitant, et tous sont en mouvement. On a jamais eu ça, nous, sur l'île où il y a plus d'animaux que d'humains. Autant dire que c'est assez étrange, mais également appréciable. Je vais enfin visiter une ville « normale ». C'est donc joyeuse que je poursuis mon avancée dans cette dernière.

    Cet endroit est un véritable trésor de boutiques ! On y trouve de tout, c'est fou. Malheureusement pour moi, je suis fauchée. Je n'ai rien, que dalle. Tous ces vêtements qui me crient « Achète-moi ! Achète-moi ! » et qui vont rester orphelins pendant longtemps, quel désastre... Ne pouvant donc rien m'offrir, je me rabats par défaut sur un bar quelque peu miteux à mon goût, mais bon, j'ai pas vraiment le choix. Point positif de celui-ci, une joie de vie assez réconfortante. Point négatif de ce bar, il y a des hommes. Partout. Il n'y a que ça. Puis, un tel rassemblement de mâles entraîne forcément des conséquences. Ainsi, ils semblent tous ivres et ne cessent de faire du bruit. Je ne vais pas dire que je n'aime pas les fêtes, mais... si, je n'aime pas les fêtes. Je trouve que c'est juste une excuse de boire et, pour les hommes, de draguer sans gêne. Malgré tout, comme un halo de lumière au milieu de l'obscurité, ou comme un diamant au milieu de déchets, pour nous remettre dans le contexte, je la vois. Ma sauveuse.

    Elle est au bar, enfin, derrière le bar. Elle s'occupe de servir les boissons avec un autre barman. Certes, elle n'est pas vraiment jolie, mais je préfère aller la voir elle plutôt que de me mélanger à ces « êtres », si j'ose leur donner ce nom. Traversant la foule en écrasant quelques pieds au passage, volontairement bien entendu, je parviens finalement au bar. Je me sens quelque peu observée, mais ça passera. J'appelle donc la barmaid afin de me faire servir un verre, uniquement par elle. Après lui avoir expliqué mon problème d'argent, elle se met à rire et accepte de m'offrir une boisson. Toute contente, je lui demande donc un café. Une nouvelle fois, je me sens fortement épiée. Quelqu'un qui demande du café, ce ne doit pas vraiment être courant. D'ailleurs, la barmaid elle aussi est surprise. Néanmoins, elle m'en sert un. Voilà ce que c'est la solidarité féminine ! Si nous avions été des hommes, cela aurait déjà terminé en baston. En tout cas, je le bois cul-sec. D'abord, parce que j'ai hâte de sortir de cet endroit misérable. Ensuite, parce que je n'ai pas bu depuis bonne lurette !

    Une fois le café terminé, je repars donc du bar. Je piétine, encore une fois, le maximum de pieds possible. Puis, une fois sortie, je repars en direction du port. Finalement, cette ville n'est pas si bien que cela, quand on a pas d'argent. Je reviendrai peut-être une fois riche. Mais, pour l'instant, j'ai bien l'intention de reprendre la mer. Cependant, cette ville est fortement sécurisée par des marines qui ne cessent de circuler à la recherche de pirates. Même si, officiellement, je n'en suis pas une, mon vol de bateau de vendeur de patates a sûrement été transmis en tant que crime mineur à toutes les bases de la marine. Je me doute bien que ce n'est pas leur priorité, mais mieux vaut être prudente. C'est donc avec cette pensée en tête que je me dirige innocemment vers les ruelles qui séparent tous les bâtiments, histoire de passer incognito. J'espère que ces chemins vont me sortir de la ville parce que, franchement, ça sent pas la rose...
      La barman posa bientôt une autre tasse remplie de liquide noir. Attale lui donna quelques pièces en échanges, puis porta la boisson à ses lèvres. Le goût du saké ne se mariait pas particulièrement bien avec celui du café, mais c'était le seul moyen qu'avait trouvé le jeune homme pour ne pas succomber à l'envie d'abuser de l'un ou de l'autre. Baah... Quelle misère. La salle ne semblait pas se calmer. Bien au contraire, les types qui beuglaient dans tous les sens avaient plutôt l'air de se laisser emporter par l'ambiance. Et l'après-midi venait tout juste de commencer. Attale se résigna à devoir supporter le bruit jusqu'à la nuit tombée.

      « Oï, t'as vu celle-là ? Fit un loustic situé à quelques pas de lui.
      - Ouais, je pourrais prendre soin d'elle ! Hahaha ! » Répondit un deuxième sur le même ton.

      Intrigué, le jeune Caporal glissa un regard vers les deux individus, puis dans la direction qui semblait attirer leur attention. Une jeune femme se frayait un chemin à travers l'assemblée. Elle n'avait pas franchement le profil de celles qui côtoient les bars, aussi son arrivée intrigua-t-elle suffisamment Attale pour qu'il s'attarde un moment sur elle. Du bout du pouce, il inclina son chapeau, plongeant ainsi le haut de son visage dans l'ombre. La nouvelle venue parvint jusqu'au bar, à quelques chaises de là, et commanda un café à la serveuse, ce qui arracha un sourire discret au jeune homme. Il décida alors de tendre l'oreille malgré le brouhaha ambiant et écouta leur conversation. Pas d'argent, hein ? Et toute seule dans un endroit pareil... Plutôt inapproprié. Bientôt, elle termina sa consommation et esquissa un mouvement pour se lever.

      Un bref instant, l'angle de vue qu'elle lui offrit lui permit de voir plus en détail les traits de son visage. Il fronça alors les sourcils, se remémorant l'une des annonces sur lesquelles il était tombé quelques jours plus tôt lorsqu'il avait été chargé de classer quelques dossiers par la Lame dorée. Dans son souvenir, elle concernait le vol d'un petit bateau de marchand par une femme sur West Blue. Ce qui avait alors attiré son attention était le signalement: la voleuse était décrite comme singulièrement belle et suffisamment sophistiquée pour qu'on la remarque, avec un regard d'une couleur rare. S'il s'en tenait aux termes exacts dont il se souvenait, il pouvait très bien s'agir de celle-ci. Le manque d'argent et l'attitude inappropriée prenaient sens au regard de ces quelques éléments. Niveau timing, si l'on considérait que Barnanos était la première île de North Blue sur laquelle elle accostait, il était tout à fait concevable qu'elle soit venue depuis West Blue. Quant à la couleur de ses yeux... elle collait parfaitement.

      Attale vida d'un trait ce qui restait dans sa tasse, esquissa une grimace, puis la reposa avec force sur le bar, avant de se lever.

      « Merci pour la boisson, vieil homme. Je reviendrai ce soir. »

      Discrètement, il se dirigea vers la sortie à travers la foule, dans le sillage de la jeune femme. Il attendit quelques instants après qu'elle ait passé la porte, puis fit de même à son tour. La rue était comble, aussi craignit-il à ce moment de l'avoir perdue. Il balaya du regard les alentours, et parvint heureusement à la repérer alors qu'elle disparaissait au coin d'une ruelle. Bien décidé à en avoir le cœur net, il se faufila à contre-courant et gagna l'angle mural. La filature n'était pas une de ses activités de prédilections, c'est pourquoi il passa la tête avec une extrême parcimonie pour voir où en était la suspecte. Alors qu'elle s'engouffrait dans une autre artère de la ville, il reprit sa marche. S'ensuivirent quelques longues minutes de poursuite silencieuse. Lorsqu'il fut à peu près sûr qu'il s'agissait bien de la voleuse signalée dans la dépêche marine, il tenta sa chance au milieu d'une ruelle et lança d'une voix suffisamment forte pour qu'elle puisse l'entendre:

      « Hasekura Yaeko ? »

      Il afficha un sourire triomphant, se tenant droit sur ses jambes. Son regard se planta sur la silhouette de la jeune femme, attendant qu'elle se retourne et qu'elle lui confirme par-là même qu'il ne s'était pas trompé.
        Archivé à la demande des joueurs.