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Marine Academy - II [FB 1609]

Huit mois. Déjà. Huit mois qu’il avait libéré son maître à penser de son enveloppe charnelle. Il avait continué à appliquer les châtiments préconisés par son livre de foi. Comme un grand. Mais malgré quelques réussites, il s’était vite heurté à un problème de taille, son niveau général.

Il ne lésinait pas sur les entraînements. Son corps gracieux suait bien souvent devant les séances de musculation qu’il s’infligeait. Mais il n’avait pas vraiment de technique. Il restait trop brouillon, maniant ses nouvelles armes comme un enfant apprenait à jouer aux osselets tout seul. Il commençait à sentir ses propres limites approcher, non pas qu’il soit déjà trop rapide ou incroyablement puissant, mais sans une certaine forme de discipline il allait perdre une grande partie de son potentiel, pourtant certain.

Adjudant-chef, le dernier palier avant d’entrer dans le cercle des officiers. Il voulait aborder cette frontière comme un nouveau départ. Vers un futur où il pourrait efficacement suivre ses ordres sans se détourner. Le tout en souriant et en essayant d’appréhender le bonheur.


« La foi n’est pas un sacrifice. Elle protège, éduque et rassemble. En suivant ses conseils, la vie devient une mission qui relègue les sentiments personnels au second plan. Sourions, car en souffrant nous assurons le futur de ce monde, le futur de l’univers. » Chapitre deux verset cinq.


Voilà pourquoi Soren se trouvait en ce moment dans le bureau d’un officier, lui exposant son idée et essayant de le convaincre de lui conseiller un instructeur compétent. Ce qu’il ignorait, c’était que derrière ses lunettes carrées le commandant Tuva était tout sauf un saint. Et qu’il n’aimait pas les petits jeunes qui voulaient aller plus vite que la musique.

« Très bien, tu vas voir du pays mon gars. Je vais t’envoyer voir le lieutenant-colonel Enchié, un bon ami. T’inquiètes pas que tu vas vite te marrer, toi et tes deux étoiles sur le front. »

Le petit air narquois du gradé n’annonçait rien de bon. Surtout quand il apprit que le colonel en question était basé... à South Blue.
Long voyage, premier du nom. Des jours et des jours de bateau. À attendre, à prendre son mal en patience, à imaginer tout ce qu’il allait pouvoir faire de sa vie. La plupart des matelots à bord voulaient devenir amiral ou se faire un nom. Pour Soren, ce besoin était secondaire. Au contraire il savait qu’expier les pêchés de ses pauvres frères deviendrait de plus en plus délicat au fur et à mesure qu’il gravirait les échelons. Mais il n’en était pas là. C’est Rodolphe qui allait monter très haut. Il le savait. Il fut alors pris d’un élan de fierté envers son frérot. La gloire de la famille, qui redorerait un blason entaché injustement.

Le commandant Tuva et le lieutenant-colonel Enchié. Deux noms pour un visage presque identique. Les mêmes lunettes pincées, le même nez aquilin, le même sourire pernicieux. S’ils n’appartenaient pas à la même famille il s’étaient sacrément bien trouvés en tout cas.

« Très bien tu vas voir du pays mon gars. T’as été envoyé par le commandant Tuva, un bon ami. T’inquiètes pas que tu vas vite te marrer, toi et tes deux étoiles sur le front. Allez suis moi. »

Il découvrit le Qg de South Blue. Au final pas de grand changements même s’il se sentait dépaysé au niveau du langage. L’accent était assez prononcé ici-bas. Certaines formulations étaient curieuses. On ne disait pas un sac plastique mais une poche par exemple. Assez incompréhensible, mais bon, comme tout le monde disait, c’était le sud.
L’officier lui fit parcourir une grande partie de la bâtisse. Son costume fétiche attirait l’œil de la plupart des soldats qui, jaloux ou consternés, ne comprenaient pas qu’il puisse ne pas porter l’uniforme réglementaire.
Après quelques minutes il fut placé dans un petit bureau, baigné d’une douce lumière mais assez vide, sans réelle âme.
Le lieutenant-colonel baragouina un « J’ai un bon candidat pour toi petiot. Tu vas l’aimer le Tahgel héhé. »

Et même s’il ne le savait pas encore, sa formation avait déjà débuté. Parce que le bruit de pas qui retentissaient dehors, s’approchant de plus en plus, laissait présager un futur rude, sévère, mais efficace.

« Que la Sainteté me garde. »
murmura l’adjudant-chef à lui même.
    Plic.

    Ploc.

    Plic.

    Plicploc.

    Plic.

    Ploc.

    Splash !

    Putain d’enculée de chierie de sa mère de pute nègre ! Tiens, salut Colonel.

    Enchié, un putain d’larron. J’l’appelle colonel, mais en vrai ici on sait tous qu’c’est juste un lieutenant et qu’le colonel d’son titre il pourra jamais l’défendre. Pour ça que j’me permets les familiarités d’ailleurs, comme un peu tous les zouaves qui sont vraiment lieutenants dans le coin s’le permettent aussi. Lieutenants et au-d’ssus, hein, oublie pas qu’on m’appelle Commandant maint’nant et d’puis une paie. Commandant Tahgel. M’fin. Faudrait vraiment débarquer d’ailleurs pour pas savoir qu’c’est un demeuré fini et y faire les courbettes et caresses dans l’sens du poil qu’faut normalement ajouter en fin d’phrase avec ces types-là. Con.

    Y m’fixe de derrière ses lunetons en écailles massives. Ouaich gros, bien ou bien ? La boue sur le mantal, si jpense un peu aux lavandières qui s’esbignent à rattraper ça à chacune de mes conneries ? Non mais ça c’est rien, t’excite pas mon vieux, quoi… C’packe j’avais parié avec un pote que jpourrais monter en haut du mur d’enceinte sans les bras. Et que j’ai perdu, ouais. Mais t’as vu l’temps d’chienne qu’y fait aussi ? Pis on s’emmerde sec, faut bien s’occuper. Pis, t’as vu, l’costard dessous a rien, c’est l’principal non ? De quoi ? M’occuper, c’est justement c’que tu m’proposes ? Ah, t’es bien bon mon brave Enchié. J’lui dis, même.

    T’es bien bon, Colonel.

    Pis y m’rencarde sur ces entrefaites et sur les choses que j’dois m’occuper avec. Un gars v’nu des mers pas tendres du nord, qu’s’est paumé en route et qu’a l’air pas net avec son teint basané, ses étoiles incrustées sur la gueule, et son sourire de beau gosse bien fringué. C’est pas qu’jsois pas tolérant, mais c’est pas des gens comme nous là-bas, qu’y rajoute en cirant avec le mouchoir qui lui sert aussi à s’éponger l’front ses deux verres. Pour l’explication : petit un il fait humide comme j’ai déjà dit, petit deux j’ai l’organisme encore bien chaud d’mes galipettes avec le mur, donc petit trois j’exsude d’la force virile par tous les pores d’ma belle beau d’poupon salaud, et donc petit quatre ça fume l’homme puissant vers sur sa tronche. Et buée. Voilà. Soudain m’vient un soupçon, alors jdemande à Enchié s’il est jaloux.

    Héhé, t’srais pas un peu jaloux des fois, Colonel ?

    A part moi qu’ai mon charisme de fou, faut admettre que les beaux gosses ça court pas les rues dans l’cugé, et qu’les seuls qu’étaient nés pour être regardables ont fini soit mutés soit mutilés. Et du coup, on a tendance à r’garder les bellâtres avec le r’gard suspicieux d’celui qui mire un mec qu’est pas comme lui… Enchié m’répond pas, prend ses cliques et mes claques et s’tire motus et bouche foutue. Sans même m’dire le pourquoi de c’est moi qui dois m’occuper d’l’enchanté d’faire ta connaissance.

    Enchanté d’faire ta connaissance, c’est comme qu’j’appelle le nouveau en rentrant à pieds joints dans la pièce où on l’a casé, vu qu’je sais pas comment il s’appelle ni ce qu’il fout là ni si c’est un gars bien ou pas. J’y tends une palme aussi, dans l’doute, et puis j’me ravise et la r’prends, non pas à l’idée qu’il puisse la garder pour lui même si on sait tous que faut s’méfier des gars bronzés, mais bien en réalisant que, la pièce où on l’a casé, ben c’est le placard où j’suis censé attendre sereinement qu’on me confie une mission quand j’suis pas en train d’œuvrer pour la salubrité publique en débarrassant les mers des mauvais bougres qui les écument en s’croyant drôles. Et que donc y a à picoler dans le tiroir du bureau.

    J’y vais, j’y cours, j’me venge. Cherche à m’venger, l’liquide sacré s’est évaporé. Jsens une moue dépitée me poindre sur la face alors j’la chasse à coups d’pensées sordides pour faire sérieux et-ou nonchalant comme il sied à un commandant de la glorieuse marine mondiale, pis j’relance d’un trait le débat houleux qui s’annonce. En m’asseyant, cul boueux directement sur le bois dur du meuble qui couine des arpions.

    Alors, qu’est-ce que jpeux faire pour toi, Enchanté d’faire ta connaissance ?


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    Dernière édition par Tahar Tahgel le Dim 11 Nov 2012 - 17:22, édité 1 fois
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    Aux premiers abords, on pouvait croire que l’homme qui venait de rentrer était quasi normal. Bel homme, du charisme, un poil de prestance, rien de bien original en somme. Cependant, quelque chose semblait se dégager de cet officier. Outre une légère odeur de sumac corporel, c’était belle et bien l’aura du... mâle. Un beau bébé devenu papa ou tonton, de quoi être impressionné à tout âge.

    Feinte de poignée de main, ledit monsieur avait l’air d’être un sacré rigolo. Ou pas. Le voilà qui furetait a la recherche... de quelque chose, sans succès.

    « Alors, qu’est-ce que jpeux faire pour toi, Enchanté d’faire ta connaissance ? »


    Petit surnom sympathique pour commencer, quoi de plus amical ? Malgré l’ambiance faussement détendue, Soren conserva son air sérieux. Il n’était pas physiquement possible pour lui de paraître guindé ou trop tendu mais la situation se prêtait plus à une concentration maîtrisée qu’à une franche partie de rigolade, danse irlandaise à l’appui.

    « Bonjour mon cher. Je me présente, Soren Lawblood, adjudant-chef du QG de North Blue. J’ai quémandé une sorte de stage pratique, et on m’a envoyé ici. »

    Le jeune marine poursuivit sans ciller. Manque de technique, il voulait développer son doigté. Le voilà qui commençait à sortir ses dagues et à les poser sur le bureau. Elles étaient en pleine phase d’adolescence, capricieuses mais vivaces, grandissant chaque jour.

    « Je veux pouvoir les comprendre, ne pas les manier comme de simples objets, mais comme un prolongement de mon bras. Je stagne en ce moment. »

    Son vis à vis, hypothétique instructeur, paraissait mi-amusé mi-intrigué. En même temps, il devait passer pour un illuminé avec ses écrits saints et son air séducto-ingénu.
    La suite n’était pas forcément difficile à appréhender. Assis sur la table, les yeux plongés dans ceux du Lawblood, le gradé encore inconnu devait faire un choix. S’encombrer d’un petit jeune prometteur mais inconnu, ou laisser la place à un collègue, histoire de ne pas se coltiner un chihuahua pendant plusieurs semaines.

    « Peut être voudriez-vous faire un tour ? Marcher éclaircit les idées. Et le teint. »
      Eclaircir le teint, vrai qu’tu pourrais en avoir besoin, Soren Lawblood adjudant-chef du QG de North Blue. On t’a bien baladé pour t’envoyer ici, dis donc. T’étais plus désirable là-bas ?

      Rentre-dedans : fait. Prendra la mouche ou la prendra pas ?

      Mais par c’temps d’chien, c’est surtout tes fringues que tu risques de crader. Bon. Sinon, puisqu’on a pas été présentés et que je soupçonne Enchié. L’lieu-co. Que je le soupçonne de l’avoir fait exprès, tu pourras m’appeler commandant Tahgel quand tu voudras m’tailler une réput auprès des pontes de céans. Te prive pas, hein, sont habitués à entendre parler d’moi. Pis ça leur manquerait.

      Et quand on est entre nous, donne-moi du Monsieur ou du Tahar.

      Plutôt du Monsieur, le Tahar on verra plus ta-ard.


      Héhé. J’suis drôle ou bien ? Sans bouger d’mon séant pas confortable j’mate sa réaction, pour savoir si j’l’aimerai bien ou pas. Le zigue aux étoiles sur le crâne. Y s’tient sans en faire clignoter une. D’étoile. Mi-figue mi-raisin, comme ces gars qu’ont été élevés comme y faut par des figures parentales bien comme il faut. Et en plus il a traversé la moitié du globe pour venir ici sous un vague prétexte qu’a bien dû faire marrer ses galonnés. Un gars pas rebelle pour deux sous et respectueux de l’autorité publique, donc. Un bon… Boah, allez, hallebardes dehors et dagues dedans, rien à taper.

      Faisons comme ça.

      Sympa tes cure-dents. Surtout la pointue au milieu. Avec les motifs bizaux.

      Les comprendre, tu veux ? Comprendre un bout d’ferraille, c’est meugnon tout plein. Une riche idée eue un jour par un barde qui voulait séduire plus de populace avec ses légendes et récolter plus de thunes. T’es un gars meugnon tout plein toi ?


      Ouais, non, réponds pas, t’as raison ça sert à rien. Y répond pas.

      Comme si j’comprenais mon Narnak. Comme s’y m’répondait quand j’lui cause. Hein Narny ?

      Paradoxe, parfaitement. Les contradictions. La condition humaine. La garde qui m'gratte la paume.

      Mais jvois c’que tu veux dire.

      C’est vrai que jvois. Faire qu’un avec le bout d’ferraille qui va bien. Guincher ensemble. Et planter en parfaite symbiose la flamberge, ou le braquemart. Comme tu veux. Dans le corps en face. Ouais, jvois. J’le fixe encore un peu dans l’blanc des yeux qui r’ssortent bien chez lui, manière d’vérifier que si jpaume mon temps avec sa digne personne ce sera pas une regrettable assoc’ qu’aura aucune autre issue que d’me briser les cajous. Pis j’me lève, triture ma cuirasse blanche-beigeasse en jurant un peu, et on sort, direction quelque part.

      On va d’jà voir à quel niveau tu stagnes, pis après tu m’transcendras ça. T’as pas trop bouffé au moins c’matin ?

      Tout bon bretteur te l’dira, la meilleure heure pour se battre, c’est vers la fin d’la digestion.


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      Il avait commencé fort. Il était visiblement taquin, voire même cruel. Mais répondre stupidement à sa provocation aurait été encore plus idiot que se taire. Voilà donc pourquoi Soren coinça ses émotions sous une chape de volonté. Les moqueries et les quolibets il s’en fichait, seul comptait le résultat. À la fin il serait le grand gagnant, personne ne pourrait alors remettre sa foi et son dévouement en doute.


      « Meugnon tout plein oui sans doute monsieur. Nous commençons ? »



      Il était jeune, il était encore un peu fou. Mais il savait que parfois, garder son calme pouvait lui ouvrir des portes autrement inaccessibles. Il se défoulerait sur le terrain, il laisserait sa catharsis s’exprimer un peu plus tard.

      Les voilà qui se trouvaient à présent dans une salle d’entraînement. Quelques soldats s’adonnaient à leurs renforcements quotidiens, l’ambiance était néanmoins plutôt posée.
      Alors que son supérieur se préparait à enlever ses habits, Soren le devança. Pas question de salir son costume ou de l’encrasser avec une sueur juste chevaleresque. Il se retrouva donc torse nu, exhibant humblement son corps galbé aux quelques spectateurs présents. Un geste qui lui valut encore une réplique railleuse de son futur adversaire.


      « Quand vous voulez commandant. »


      Le duel débuta. La vitesse, voilà le point où l’adjudant-chef était supérieur à la moyenne. Sans cérémonie, il lança Carlyle sur son ennemi avant de la suivre, deux autres dagues à la main.
      Un enchaînement, puis deux, puis six. Et une vérité qui s’installa inexorablement dans son esprit. Tahgel était fort. Une maitrise de l’espace, du combat, quelque chose que sa fougue ne pouvait encore combattre.
      Il se retrouva plusieurs fois au sol, sous les quolibets de son instructeur. Mais se releva toujours, sans rechigner.


      « Encore une fois monsieur, je n’en ai pas fini. »


      En vain. Tandis que la sueur dégoulinait le long de sons poitrail imberbe, il tenta d’établir une connexion avec ses lames. Rita semblait renfermer quelque chose, un pouvoir inconnu, idem pour Carlyle ou Argos. Mais il n’arrivait pas à toucher leurs âmes, à rentre en harmonie avec leurs pulsations irrégulières.
      À terre, encore une fois. Haletant, transpirant, frustré. Pourtant il n’avait pas démérité, et les quelques soldats présents paraissaient impressionnés par sa technique en dépit de son jeune âge. Mais cela restait insuffisant et la Déesse avait besoin de soldats bien plus compétents pour dispenser son jugement autour du globe.


      La séance prit fin. Il était en nage, lui qui d’ordinaire tenait bien la distance et s’imposait une hygiène de vie saine. Du sport de plein air le jour, du sport de chambre la nuit, voilà un rythme qui lui assurait en général une résistance impressionnante. Qui ne suffisait décemment pas ici.


      « Alors Taha... monsieur, un avis pertinent à faire partager ? »



      L’ironie du propos n’était pas forcément voulue, mais la fatigue et la frustration n’aidaient pas à canaliser les pulsions d’un être. Une prière s’imposerait plus tard. Dans un premier temps, il attendait un diagnostic. Qui lui permettrait d’avancer sur le chemin de la splendeur, qui lui servirait à ne faire qu’un avec ses outils mortifères.
        Jremets mon manteal en m’massant un poignet discrétos. L’bougre a réussi à force de va-et-vient vers le creux de mes reins mais sans réussir à les toucher à me niquer une main. Oh, c’était pas un coup direct, non, bien sûr. Manqu’rait plus qu’ça. Une parade mal assurée, voilà tout, un appui un chouilla moins bien pris qu’d’hab sur le plancher putain d’sec de cette salle d’entraînement surpeuplée, et m’suis presque étalé à vouloir faire mon malin. Mais bon, ça s’est pas trop vu, et puis quand bien même, ça lui f’ra son quart d’heure de gloire. Jsais pas s’il le mérite, y tape bien mais pas encore trop fort, cela dit ça lui f’ra pas d’mal, et moi ça pourra pas m’faire de tort.

        Pas comme si une de ces cruches là-haut allaient s’sentir la mission divine et surtout les balls de soudain me flinguer mes notes d’éval. Hein ? J’regarde autour de moi et tous les r’gards volontaires se déportent. Ouais, on appelle ça des poils, les filles, ça vous impressionne ? Bon, j’avoue, le contraste avec l’éphèbe bien poli bien lustré d’en face doit faire un joli tableau. Bah.

        Un avis pertinent ? Avec des joujous pareils t’as d’quoi faire et tu l’sais. Sinon tu s’rais pas venu ici. Mais si t’es pas capable de faire du dégât même quand ta cible a bougé trop vite pour ton œil, t’en perds toute l’efficacité. Tu l’sais aussi, j’sais.

        J’lui proposerais bien d’aller aux douches pour continuer la l’çon, mais d’abord pour ma réput’ et ensuite pour la sienne, ça f’rait mauvais genre. Alors jvais d’abord aller fumer une tige de 8 dans la boue et sous la drache. J’lui demande s’y vient, y m’dit qu’fume pas. J’le mire dans ses yeux sournois d’mec trop bronzé pis j’y vais quand même en silence. Veste, ch’mise et cravate sur l’épaule comme un vrai homme. Sous l’porche de la cour d’honneur du cugé, y a un autre gars qui s’enfuit en sentant mes effluves. On est seuls, ça tombe bien. J’aime pas trop baver des trucs persos d’vant les gens.

        Pudique, ouais. C’est l’mot que j’cherchais.

        Bon. La clef c’est d’guincher avec le copain qu’tu veux planter. Nan, ricane pas, écoute-moi. Instant comparaison : quand tu valses avec elle, si tu valses vraiment et si tu veux l’emmener au cinquième ciel en prélude à la fin d’soirée, à peu de choses près tu fais déjà l’amour à ta douce. Tu penses pas à quel mouvement tu fais, tu penses pas à viser tel coin de la piste de danse avec ton pied. Juste tu fais. Et ça la comble. Et après tu peux passer une bonne une nuit parce que tu turlutes avant d’aller au lit fait passer bonne nu… D’acc ? Ben en combat c’est pareil. T’es encore trop dans l’technique, Enchanté d’faire ta connaissance, trop dans la répétition d’leçons. Un brave ptit soldat en somme.

        Mais les ptits soldats d’viennent pas des grands héros tueurs sans s’affranchir des règles.


        Les paradoxes. La vie en est faite.

        Là tu vas m’dire "Mais monsieur, et le rapport avec mes dagues ?"

        L’accent du nord, je l’fais bien ? Barf, captivé, hein ? J’ai c’t’effet-là, ouais, y paraît.

        L’rapport il est que quoi qu’t’en penses tes dagues c’est déjà un prolongement d’ton bras. C’est ton bras qui doit aller plus vite, plus précis, plus direct. Ta lame, tes lames, elles sont connes. Et elles suivront ton bras, ta main, ton épaule. Et tes épaules pour les bouger, faut qu’tu sois dans l’mouv’, qu’t’aies chopé la mélodie qui passe en fond sonore. Alors, ouais, sûr, tu peux les appeler par un joli nom, tu peux les cajoler, et même leur susurrer des trucs que la morale aurait du mal à concevoir. Ptet même que ça les rendra moins connes et qu’t’auras l’impression qu’c’est elles qui t’guident au final. Mais, en vrai, ça restera toi l’maître. Et le maître, il dicte. Et pour dicter, il doit mieux sentir.

        Et pour mieux sentir, faut t’abandonner.


        Tain, mon clope est déjà fini. Salope d’humidité.

        T’abandonner à ton cerveau reptilien. D’venir une masse d’instincts d’espèce. Réagir avant d’sentir. Sentir avant d’voir. Voir avant d’penser. Ca t’la coupe, hein ? On r’prendra d’main stu veux, j’ai une méthode pour faire entrer l’principe comme y faut et casser ton cortex qui pense trop.

        Ca a l’air de la lui avoir coupée. J’tripote Narnak d’une caresse sulfureuse qui passe pas inaperçue et j’lui file un objectif pour plus l’avoir dans mes pattes. J’commence à poquer vraiment, mine de rien m’a fait siroter pas mal le bougre et un bain aux ptits oignons serait pas d’refus.

        Bon, tu vas nous chercher un café maint’nant ?

        Ca vaudra bien un bon point sur mon rapport et une promotion. J’m’inquiète pas, Enchié dira rien. Ca lui fera les pieds. Et puis le café ça l’préparera aux coups de latte qu’y recevra demain jusqu’à dev’nir une bonne boule de douleurs bien comme il faut. Où il auras tellement mal que y aura plus qu’ses nerfs pour réagir et plus son cerveau pour faire mine d’analyser et trouver une solution. Et là mon ami à tatouages étoilés, là Soren Lawblood adjudant-chef du QG de North Blue, là tu pourras montrer ta belle gueule de guerrier au monde entier.


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        Elles étaient connes ses dagues ?

        Jamais au grand jamais elles n’avaient été insultées de la sorte. Déplorable, penser que chacune d’entre elles n’avait pas sa propre intimité, son ressenti personnel.
        Néanmoins il fallait reconnaître une chose, à penser comme lui pensait, il ne pouvait pas aller plus loin avec elles. Ses paroles restaient bien souvent sans réponses et il s’était dit prêt à faire un grand nombre de sacrifices.

        Mais réfléchir sur ça ? Hum, il avait la soirée.
        Un prolongement de son bras oui il le savait bien, mais de là à penser qu’il pouvait communiquer avec elles. Longue remise en question en perspective pour sûr.

        Et comme attendu il cogita, longuement, geignant parfois un peu au vu des légères blessures qu’il avait pu contracter récemment, pestant contre cet imparfait et cette troisième personne qui n’allaient décemment plus à son personnage. De quoi en perdre son latin.

        Et au milieu de la nuit, alors que sa conscience s’était échouée près des rivages de Grassmata, il comprit, comme un flash. Au lieu de laisser ses armes autonomes, il allait devoir les dominer. Certes elles étaient ses amies, mais en tant qu’armes leur côté masochiste devait être bien présent. En fouillant dans sa mémoire il se souvint même qu’une fois l’une d’entre elles lui avait susurré un « fais moi mal » on ne peut plus équivoque. Très bien il allait avoir le loisir de tester cette technique.


        C’est gorgé de testostérone qu’il repartit au combat. Et qu’il commença par voir les effets de ses chéries. Carlyle sembla soudain le faire défaillir, son compagnon d’entraînement également. Edmund parut s’allonger quelques instants, sans doute une illusion d’optique. Mais c’était un bon début. Et il voulait continuer à discuter avec ce commandant un tantinet bougon et sans aucun doute très solitaire. Oui cet homme, ce qu’il lui fallait c’était un ami, du style poète médit avec grands souliers et barbe sale. Ah, chienne de vie.

        Alors qu’il avait encore du mal à marcher, éreinté par la bastonnade lapidaire qu’il venait d’encaisser, il apprit son...déménagement.


        « Quoi ? »


        Eh oui déménagement, pas une manière de boucler rapidement un sujet non non, juste une mission à risque pour se débarrasser d’un prétendu bellâtre un peu trop fanatique au goût des autorités locales.


        « C’est dommage . »


        Sans doute oui, mais pas beaucoup de temps pour tergiverser, un bon marine c’était un guerrier, un homme qui s’adaptait à toutes les situations. Et il n’était pas mauvais. Sans pouvoir remercier qui que ce soit, il se vit alors embarqué dans une nouvelle aventure, direction un tripot perdu assez mal famé. Et oui, cette nouvelle connexion qui venait de s’établir pouvait sembler dérisoire. Mais sans le savoir le pouvoir qu’il venait d’effleurer allait l’emmener haut, bien plus haut qu’il ne l’imaginait. Ghost Dogs, nouvelle guerre, gourou philanthrope, ça ne lui disait rien pour l’instant ? Dans quelques années on en reparlerait le sourire aux lèvres.