Classic Town, aube à peine naissante.
Les détenus dorment encore dans leurs cellules et le directeur dans ses appartements. Seuls quelques gardiens sont déjà éveillés, qui veillent à l’accomplissement des corvées du début de journée. Aux quais, personne pour accueillir le navire de taille moyenne qui accoste. Une goélette de vingt toises de long frappée du pavillon de la Marine Mondiale. Drisses qui battent les mâts, chaîne qu’on relâche et ancre qui sombre. Plouf. Tchac, bruit de métal raclant les fonds marins, le bateau est ferré. Deux matelots en fin de quart sautent à terre dans un bâillement étouffé puis, d’un geste expert et parfaitement coordonné, fixent les amarres. La passerelle est lancée et un homme sort, un manteau d’officier blanc immaculé sur les épaules, l’air contrarié. Regard à gauche, regard à droite. Personne.
Cinq instants trop longs passent. Personne ne les a vus arriver, personne ne les a entendus. Aucune attention. Mal réveillé le gradé s’énerve, peste, tape du pied mais sans effet. Quand les premiers rayons du soleil fouettent les voiles dans la brise matinale, il jappe un ordre et se voit apporter une corne de brume. La cinquantaine d’hommes d’équipage se bouche les oreilles, pas encore assez désengourdies du froid humide de la nuit passée en mer pour supporter le raffut qui retentit aussitôt. L’officier évacue sa colère par sa trompe et fait résonner jusqu’à l’autre côté de l’îlot de sa voix courroucée. Dans les chambres de ce pensionnat pour rebuts humains, deux prisonniers se réveillent pour aussitôt succomber à la crise cardiaque qui les a secoués. Les autres ne se rendorment pas.
Dans son bureau, le directeur paraît, beuglant qu’on dresse les canons. Mais aucun garde n’est là pour l’écouter, son second est en panique dans sa chambre, il est seul et doit descendre lui-même pour constater l’avancée des troupes ennemies. Mais de troupes ennemies il n’y a point. Pas d’armada à l’horizon quand il gravit l’escalier qui mène au chemin de ronde, pas de drapeaux pirates, pas même une coque de noix. Alors quoi ? Tous les regards depuis le centre de la cour principale se tournent vers la hauteur où il se trouve, en attente de réponse qu’il n’a pas. Puis encore ce même cri de mouette enrouée, amplifié par un mégaphone de quelque sorte. Cette fois-ci, aucun mort.
Mais les pulsations cardiaques s’accélèrent, les cerveaux s’agitent, et enfin l’on identifie d’où vient le signal. Les quais ! Le directeur ne sort pas en personne mais une équipe de dix matons est envoyée en reconnaissance. Ils trouvent là-bas spectacle commun, tombant nez à nez avec un commandant de la Marine mécontent et se préparant à s’époumoner une énième fois pour annoncer sa venue et exiger qu’on vienne l’accueillir comme son ordre de mission lui stipule qu’il le sera. Le désigné chef de l’escouade envoyée à sa rencontre ne peut pas résister longuement quand le militaire ordonne à ses hommes de débarquer le prisonnier et le lui met entre les mains. On lui a dit de déposer le colis ici, on lui a dit qu’ils étaient au courant. Tant pis pour eux s’ils ne lisent pas leur courrier.
Sitôt largué l’énergumène encapuchonné, la troupe remonte à bord et repart au large en moins de temps qu’il n’en faut à une brise légère pour devenir vent correct. Les gardiens réalisent enfin ce qui s’est passé et prennent la lettre d’accompagnement et la laisse du condamné puis rentrent à bon port. Furieux d’ainsi se faire forcer la main alors qu’il n’est au courant de rien, le directeur saute dans la cour et s’approche du coupable dont les autorités se sont débarrassées chez lui. D’un mouvement sec il arrache la toile qui lui masque le visage.
Euh, Commandant ? Commandant vous êtes réveillé ?
Mais quoi encore !? On peut pas pioncer tranquille bordel !?
Jviens de vérifier. Le mec, là. Good Will. C’est pas à Classic qu’on devait l’lâcher. C’tait au QG. Z’avez confondu avec l’ordre de mission d’la semaine dernière, quand on trimballait le gars Godwin.
Putain, z’êtes sûr ?! … Merde merde merde ! Marche arrière, toute ! Marche arrière !
Les détenus dorment encore dans leurs cellules et le directeur dans ses appartements. Seuls quelques gardiens sont déjà éveillés, qui veillent à l’accomplissement des corvées du début de journée. Aux quais, personne pour accueillir le navire de taille moyenne qui accoste. Une goélette de vingt toises de long frappée du pavillon de la Marine Mondiale. Drisses qui battent les mâts, chaîne qu’on relâche et ancre qui sombre. Plouf. Tchac, bruit de métal raclant les fonds marins, le bateau est ferré. Deux matelots en fin de quart sautent à terre dans un bâillement étouffé puis, d’un geste expert et parfaitement coordonné, fixent les amarres. La passerelle est lancée et un homme sort, un manteau d’officier blanc immaculé sur les épaules, l’air contrarié. Regard à gauche, regard à droite. Personne.
Cinq instants trop longs passent. Personne ne les a vus arriver, personne ne les a entendus. Aucune attention. Mal réveillé le gradé s’énerve, peste, tape du pied mais sans effet. Quand les premiers rayons du soleil fouettent les voiles dans la brise matinale, il jappe un ordre et se voit apporter une corne de brume. La cinquantaine d’hommes d’équipage se bouche les oreilles, pas encore assez désengourdies du froid humide de la nuit passée en mer pour supporter le raffut qui retentit aussitôt. L’officier évacue sa colère par sa trompe et fait résonner jusqu’à l’autre côté de l’îlot de sa voix courroucée. Dans les chambres de ce pensionnat pour rebuts humains, deux prisonniers se réveillent pour aussitôt succomber à la crise cardiaque qui les a secoués. Les autres ne se rendorment pas.
Dans son bureau, le directeur paraît, beuglant qu’on dresse les canons. Mais aucun garde n’est là pour l’écouter, son second est en panique dans sa chambre, il est seul et doit descendre lui-même pour constater l’avancée des troupes ennemies. Mais de troupes ennemies il n’y a point. Pas d’armada à l’horizon quand il gravit l’escalier qui mène au chemin de ronde, pas de drapeaux pirates, pas même une coque de noix. Alors quoi ? Tous les regards depuis le centre de la cour principale se tournent vers la hauteur où il se trouve, en attente de réponse qu’il n’a pas. Puis encore ce même cri de mouette enrouée, amplifié par un mégaphone de quelque sorte. Cette fois-ci, aucun mort.
Mais les pulsations cardiaques s’accélèrent, les cerveaux s’agitent, et enfin l’on identifie d’où vient le signal. Les quais ! Le directeur ne sort pas en personne mais une équipe de dix matons est envoyée en reconnaissance. Ils trouvent là-bas spectacle commun, tombant nez à nez avec un commandant de la Marine mécontent et se préparant à s’époumoner une énième fois pour annoncer sa venue et exiger qu’on vienne l’accueillir comme son ordre de mission lui stipule qu’il le sera. Le désigné chef de l’escouade envoyée à sa rencontre ne peut pas résister longuement quand le militaire ordonne à ses hommes de débarquer le prisonnier et le lui met entre les mains. On lui a dit de déposer le colis ici, on lui a dit qu’ils étaient au courant. Tant pis pour eux s’ils ne lisent pas leur courrier.
Sitôt largué l’énergumène encapuchonné, la troupe remonte à bord et repart au large en moins de temps qu’il n’en faut à une brise légère pour devenir vent correct. Les gardiens réalisent enfin ce qui s’est passé et prennent la lettre d’accompagnement et la laisse du condamné puis rentrent à bon port. Furieux d’ainsi se faire forcer la main alors qu’il n’est au courant de rien, le directeur saute dans la cour et s’approche du coupable dont les autorités se sont débarrassées chez lui. D’un mouvement sec il arrache la toile qui lui masque le visage.
- Spoiler:
Euh, Commandant ? Commandant vous êtes réveillé ?
Mais quoi encore !? On peut pas pioncer tranquille bordel !?
Jviens de vérifier. Le mec, là. Good Will. C’est pas à Classic qu’on devait l’lâcher. C’tait au QG. Z’avez confondu avec l’ordre de mission d’la semaine dernière, quand on trimballait le gars Godwin.
Putain, z’êtes sûr ?! … Merde merde merde ! Marche arrière, toute ! Marche arrière !