>> Zelefh Yoakim <<
Pseudonyme : Yoakim "au Sang Froid" Age : 25 ans Sexe : Homme Race : Humain Rang : Insane Métier : Espion et Assassin Groupe : Gouvernement - CP9 Déjà un équipage : - Buts : Faire ce qui lui plaît ; Acquérir du pouvoir ; Marquer son temps Fruit du démon ou Aptitude pour la suite : Fruit du Reptile / Gecko Gecko no Mi ; Modèle T-Rex Équipements : Un iguane avec un collier à pics, et une canne, ça compte ? Codes du règlement (2) : Parrain : - |
Découvrez Yoakim's theme! >> Physique On a là quelque chose d'assez singulier. L'apparence de notre homme se situe à mi-chemin entre le punk et le dandy. Lorsque Yoakim est là, on le ressent. On le voit. On le sait. Sa silhouette attire immanquablement le regard. L'individu est d'abord de grande taille, frisant sans doute le double mètres. Son corps, lui, semble être correctement entretenu. Dénudé, il dévoile un gigantesque tatouage qui lui parcourt tout le torse, et qui représente un visage aux traits émaciés et grimaçants. Sur ses épaules et ses bras ont été dessinés une multitude de roses, de fleurs et de crânes décharnés, mêlés dans ce qui paraît être un liquide miasmatique. Ces symboles synthétisent toute l'ambiguïté que l'on trouve dans le style vestimentaire du personnage: on oscille constamment entre le classieux conforme et le déjanté sinistre. Il aime les costumes, mais aussi les vêtements de cuir. Il possède une canne dont le pommeau d'argent représente un crâne. Encore, il porte un chapeau noir, sur le devant duquel est attachée la représentation d'un crâne de bovin, et dont le côté est agrémenté d'une splendide rose rouge artificielle. Autant de contradictions qui ne peuvent qu'amener à s'interroger sur sa véritable nature. Reflet de son état d'esprit, son visage est presque sans cesse empreint de ce petit air satisfait qui conduit généralement à faire germer des envies de meurtres au sein de l'esprit d'autrui. Le masque d'arrogance se manifeste alors par un sourire, en coin ou assumé, qui vise uniquement à vous montrer combien vous êtes insipide et insignifiant. Une attitude proprement insupportable, qui selon l'interlocuteur s'avère soit intimidante, soit provocante. Cette bouche insolente est surplombée par un long nez arrondi. Au-dessus, deux fines arcades sourcilières qui ponctuent ses expressions faciales tantôt par des haussements qui feintent la surprise, tantôt par des froncements qui marquent la tension. Son regard, d'un bleu-gris métallique intense, est dérangeant et laisse perplexe. Lorsqu'il se pose sur vous, vous êtes alors susceptible d'être rapidement enclin à vous demander si Yoakim cherche à fouiller à l'intérieur: pénétrant est alors un terme tout approprié. Un phénomène d'autant plus perturbant que son arcade droite est percée par deux minces anneaux métalliques qui insistent sur la couleur de ses pupilles. Mais les yeux sont les miroirs de l'âme, comme dit le proverbe, par conséquent s'il s'avère qu'effectivement notre homme vous étudie avec insistance, il vous est également possible d'en apprendre beaucoup de lui. Ce qui n'est pas nécessairement une bonne chose. Au même titre que son arcade, une bonne partie de son visage est agrémentée par de petites boucles d'acier: ainsi, on en retrouve une entre ses deux narines, et deux sur ses lèvres. Dans la même veine et toujours dans un souci d'ambivalence stylistique, ses deux oreilles sont percées: l'une arbore une perle couleur d'ébène, l'autre présente la sculpture d'un rapace dans un petit morceau d'ivoire. Par ailleurs, une longue et lisse chevelure noire tombe au niveau de ses omoplates, laissant une mèche teinte en blanc retomber sur la partie gauche de son visage et de son crâne. C'est donc toute l'autre moitié de son cuir chevelu qui se retrouve à nu sous son chapeau. Étudiée avec soin, cette coiffure se parachève dans son prolongement, une fine barbe sombre qui se perd au bout du menton en un bouc épais. Notons que Yoakim fume. Mais avoir une cigarette glissée entre ses lèvres ne l'empêche pas d'afficher ce sourire exaspérant qui lui est propre. Sa voix quant à elle est un séduisant mélange de miel et d’orties, de fleurs et d'épines. Un ton aussi suave que piquant, sur un fond ténu et grave, dont il résulte nécessairement une dimension envoutante, véritable piège pour ceux qui ne s'attachent qu'à la forme du discours. Dans son attitude et sa démarche, enfin, il se dégage quelque chose de noble, d'aristocratique, comme si, au final, son sourire était justifié par sa posture. >> Psychologie Le caractère de Yoakim peut être perçu de différentes manières selon les interlocuteurs. Les plus fortes personnalités risquent fort de le trouver insupportable et de se sentir provoquées. Les autres seront simplement intimidés, voire effrayés pour les plus impressionnables. Il laisse rarement indifférent, mais il reste assez peu commun qu'on l'apprécie réellement. L'arrogance, c'est sans doute le maître mot dans le cas de notre homme. Yoakim a une énorme estime de lui-même, un ego d'une envergure impressionnante. Même sans ouvrir la bouche ni prononcer le moindre mot, il ne vous fera jamais assez sentir combien il vous est supérieur, combien il vous domine, combien il vous méprise. Et ça l'amuse. En d'autres termes, l'image qu'il a de sa propre personne est celle d'une intelligence supérieure, qui ne peut être concurrencée par aucune autre et qui ne saurait souffrir de la moindre remise en question. Quoi de plus naturel, pour celui qui s'élève au-dessus de tous les autres, que d'être un modèle inaltérable ? Un trait qui est aussi socialement utile qu'il peut être handicapant, dans la mesure où le risque de blessure d'ego est d'autant plus élevé. Et encore, il serait juste de s'interroger, et de penser que trouver plus fort que lui ne l'amènerait pas au final à nier avoir fait l'expérience de la défaite ou à se trouver des circonstances atténuantes qui gonfleraient davantage encore son estime personnelle. Dans son cas, on se trouve bel et bien en face de quelqu'un dont l'ego se nourrit de lui-même. Cette propension à se glorifier soi-même se manifeste par une attitude particulière, à savoir le fait d'être persuadé qu'il est destiné à accomplir quelque chose de grand au cours de sa vie. En bien ou en mal peu lui importe, pourvu que son nom perdure à travers les siècles, passant ainsi outre la mort et l'oubli. C'est effectivement l'un de ses rêves que de marquer son époque de son empreinte, de laisser un souvenir impérissable, et toucher ainsi de près à l'immortalité. Il s'agit d'un ambition puérile et primitive, mais très clairement définie dans son esprit. Il ne lui paraît pas pensable de quitter ce monde sans avoir réalisé quelques actes majeurs, au-delà de toute considération éthique. Ce qui nous amène à un deuxième trait majeur de sa personnalité: son caractère purement amoral. Il bien ici question d'amoralité, et non pas d'immoralité. La nuance est très importante, au sens où il sait parfaitement où se trouvent les délimitations entre le bien et le mal, qu'il est tout à fait conscient de l'existence de règles et de contraintes, mais que s'en affranchir ne lui pose absolument aucun problème de conscience si cela lui permet d'atteindre ses objectifs. Autrement dit, contrairement à un sadique ou à un compulsif, il ne prend pas spécialement de plaisir dans l'acte immoral, si ce n'est celui de se rapprocher un peu plus du but vers lequel il tend. Il ne ressent aucune honte à savoir saisir sa chance lorsque celle-ci se présente, en dépit du fait qu'agir de telle sorte risque de causer du tort à ses semblables. Et s'il est conduit à faire le bien autour de lui, tant mieux pour les autres. Dans tous les cas, autrui représente tellement peu à ses yeux que quoiqu'il lui arrive, cela lui fera autant d'effet qu'écraser un insecte sous sa chaussure. S'attacher ou éprouver des sentiments véritables à l'égard d'une personne autre que lui paraît donc très difficile, même si probablement pas impossible. A ce titre, s'il doit tromper, il trompe. S'il doit voler, il vole. Et s'il doit tuer, il tue. Se battre est pour lui inévitable dans la mesure où le conflit fait partie intégrante de son mode de fonctionnement basé sur l'émulation: abattre l'autre, c'est prouver qu'on est plus fort que lui. De plus, comme tout humain normalement constitué, l'adrénaline que lui procure le fait de risquer sa vie au court d'un affrontement ne le laisse pas indifférent. Mais là où certains chercheraient à l'éviter à tout prix, lui trouve cette sensation particulièrement efficace lorsqu'il s'agit de tromper l'ennui, qu'il abhorre par-dessus tout. Car l'ennui est probablement son pire ennemi. S'il n'est probablement pas le génie unique qu'il croit être, il n'en reste pas moins vrai qu'il est doté d'une certaine sensibilité cognitive. Il est capable de comprendre rapidement les liens entre divers éléments a priori sans rapports, et peut établir un raisonnement logique à partir de presque rien. Évidemment, cela ne garantit pas toujours la justesse de ses suppositions, qui peuvent parfois être tirées par les cheveux. Mais cette capacité à tisser des liens entre les choses est un avantage indéniable, probablement à la source de son arrogance. Et donc, également de son ennui. Si qui que ce soit lui paraît fade, c'est parce que le reste du monde l'est aussi à ses yeux. Comment paraître surpris lorsque survient un quelconque événement, et que l'on est à peu près persuadé de l'avoir prévu depuis longtemps ? Comme apprécier le calme et la stabilité d'un pays, d'un royaume, quand il semble que notre esprit soit en mouvement constant ? Levez-vous de bon matin pour étonner Yoakim. Et si par hasard vous y parvenez, il y a de fortes chances pour qu'il feigne de ne pas s'en apercevoir. Il cherche donc à lutter contre cette lassitude par tous les moyens qu'il trouve à sa portée. C'est sans doute pour cette raison que malgré sa position au sein du Gouvernement, il préfère en toute circonstance faire passer d'abord ce qui lui plaît et ce qui l'amuse. C'est aussi pour cela qu'il s'y est enrôlé sans la moindre conviction, sans la moindre disposition particulière à son égard. S'il en fait partie, c'est parce que celui-ci lui offre une liberté non négligeable, sans avoir à craindre la moindre forme de "courroux royal". Une trop grande contrainte risquerait de l'irriter, situation peu enviable, tant pour lui que pour autrui. Pour finir, Yoakim se définit également par son verbe. Beau-parleur et habile avec les mots, il sait venir à bout du scepticisme des gens. Pas les plus savants ni les plus sûrs d'eux, mais la grande majorité de ceux qui doutent, en particulier d'eux-mêmes. Par la parole, il peut amener un incertain à dire quelque chose et son contraire dans la même conversation. Il abuse d'ailleurs de cette faculté aux dépens de autres, se jouant d'eux, parfois en les ridiculisant. Mais cela lui est d'une grande aide lorsqu'il doit se mêler à un groupement d'individus particuliers, se faisant passer pour ce qu'il n'est pas, ou feignant d'être en accord avec ses interlocuteurs. D'autre part, son aplomb et sa confiance en lui lors de ses discussions lui assurent un capital conséquent en terme de crédibilité. C'est un atout social important dont il use avec maestria. Et pas que dans le cadre de stricts échanges oraux. Il ne voit dans la nature et les relations humaines qu'une distinction entre deux types d'individus: les proies et les prédateurs. La clef d'une existence intéressante étant de se trouver dans la peau du prédateur, terme par lequel il se définit avec aisance. Car c'est un séducteur, qui aime les femmes et ne s'en cache pas. Voguant lorsqu'il le peut de conquête en conquête, mais sans forcément toujours parvenir jusqu'à la couche des demoiselles (ou des dames...) courtisées, il aime à forcer petit à petit les défenses qu'elles peuvent lui opposer. En mettant ses échecs sur le compte d'une humeur passagère ou d'une intervention extérieure, et en jubilant intérieurement lorsqu'il décroche une nuit au paradis. Et pas plus d'une nuit. Jamais. En aucune circonstance. Peut-être parce qu' au final, il ne cherche chez chaque proie que la satisfaction d'en venir à bout, avant de ressentir le désir de passer à une autre. >> Biographie « Connaissez-vous l'île de Kichigai, le Royaume de la Névrose ? Grand bien vous en fasse, probablement. Cette nation perdue au milieu de Calm Belt serait le domaine d'un peuple aux esprits défaillants, le lieu de naissance d'individus qui figurent parmi les plus déviants et les plus instables. Il est dit de cet endroit que chaque jour, des enfants sont abandonnés dans les rues, les champs et les forêts, que des villes entières se vident subitement, et que la nature elle-même perd la raison. Depuis des générations, dans leur château sur le relief portant le doux nom de "Montagne du Sang", les rois de ce pays n'ont plus de royal que le nom, et laissent leur territoire à l'abandon et à la libre disposition du peuple irrationnel. » Don Cortès, amiral de la flotte d'exploration du Royaume de la Voile sur l'île de Hansou à North Blue, 1570. Cette note de bas de page, qui figure dans une lettre de l'explorateur Don Cortès à l'adresse d'un fonctionnaire du Gouvernement Mondial, est l'une des seules sources qui évoquent l'existence de Kichigai depuis la Seconde Grande Guerre. Et ce, bien que l'île ait été répertoriée, connue, et régulièrement visitée par des navires marchands avant qu'elle soit détruite. Le tableau qui en est dépeint n'est guère réjouissant, puisque de prime abord il se serait agi d'un pays de folie et de dévastation. Mais cette description n'est que le produit d'une pensée politique élitiste basée sur la supposée supériorité des nobles par rapport au peuple. En réalité, il n'en était rien. Il est vrai que les habitants de Kichigai, sans qu'on puisse l'expliquer, avaient pour caractéristique d'être tous, sans exception, plus névrosés que la moyenne de la population mondiale. Mais le mot est lâché: aucun n'était réellement fou à lier. Tous avaient donc les pieds sur terre, usaient de leur raison, mais étaient atteints de troubles du comportement plus ou moins gênants au quotidien. Tout cela, sans que le royaume soit livré à une folie déchaînée. Au contraire, si la famille royale et les nobles n'échappaient pas à la règle, leur spécificité consistait à laisser une totale liberté de circulation des idées et des pratiques sur leur territoire et ce, sans jamais revendiquer de droit particulier du fait de leur statut aristocratique. Ainsi, il n'existait par exemple pas le moindre impôt dans ce royaume. Ce qui pour Don Cortès, qui n'entend en 1570 qu'une poignée de rumeurs à propos de l'île, interprète comme la preuve évidente d'une hérésie de gouvernement. Quant au nom que porte la montagne sur laquelle se trouvait le palais royal, il trouve son origine dans le pourpre naturel qui teintait la roche à cet endroit. Ce qui n'était pas du à une coulée de sang, bien évidemment. Après cette courte contextualisation, passons à l'histoire qui nous intéresse. Yoakim Zelefh, dans un monde de névrose, a la chance de naître complètement amoral. Oui, vous avez bien lu, ce n'est pas chez lui un acquis, mais bel et bien un inné, et l'on pourrait sans doute attribuer ce phénomène improbable à l'île elle-même. C'est donc en automne 1599 qu'il voit le jour, au pied de la Montagne du Sang, dans la cité royale de Noiroze. Il est issu d'un père et d'une mère membres de la petite noblesse, Jozua et Molih Zelefh. Le géniteur, atteint de troubles de la communication (bégaiements excessifs), est alors responsable de la gestion de la police du territoire ; la génitrice, dont la névrose réside dans l'obsession de la connaissance, a pour fonction étatique la répartition des budgets destinés aux écoles. Le petit Yoakim grandit donc dans un cadre propice à l'apprentissage du bien et du mal. Dans ses premières années, ses parents s'étonnent toutefois de ne pas le voir développer d'instabilité psychologique visible, comme le reste des bambins du même âge. La réponse arrive vite, le jour de ses 6 ans, lors-qu’après s'être disputé avec un autre gamin pour savoir lequel allait manger une part de gâteau, il frappe ce dernier jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Lorsqu'on lui demande s'expliquer, il répond avec ses mots qu'il sait que ce qu'il a fait n'est pas bien, mais qu'il s'en fiche puisqu'il est parvenu à obtenir ce qu'il voulait. Le trait de caractère est aussitôt diagnostiqué comme névrose, et fait de lui l'un des rares habitants de Kichigai qui ne soit pas à proprement parler handicapé dans la vie quotidienne par son trouble psychologique. Depuis de nombreuses générations déjà, médecins et scientifiques se sont accordés sur le fait que les défaillances attribuées par le climat ou l'atmosphère de l'île ne sont pas soignables. Jozua et Molih Zelefh se résignent donc à voir grandir leur fils sans morale. Comme pour de nombreux habitants du royaume, d'autres petits troubles de moindre importances viennent se greffer à cette déviance majeure: au cours de son enfance, puis de son adolescence, Yoakim se découvre un goût pour le morbide et pour le beau, et développe une estime de lui-même presque maladive, concrètement narcissique. A l'âge de 9 ans il découvre le squelette d'un homme, pendu à un poteau au beau milieu d'un champ, sans doute en guise d'épouvantail (par un fermier probablement atteint d'une obsession du réalisme). Sans qu'il puisse alors mettre réellement de mots sur son ressenti, le mélange entre la dépouille inerte et la vie des cultures le marque profondément. Son éducation nobiliaire démarre réellement après ses 10 ans, lorsqu'il est envoyé auprès d'un précepteur de renom en compagnie d'une poignée d'autres jeunes garçons. C'est pour lui l'occasion de découvrir une panoplie de petites folies chez les autres, allant de la phobie des tableaux noirs à l'impossibilité de dire un simple bonjour sans l'accompagner d'une insulte de charretier. Le fait d'être au contact de ces troubles aussi ridicules que gênants va l'amener à construire, tout au long de son adolescence, le sentiment de se situer en dehors du lot. Et ce qui commence par la simple sensation d'être différent se transforme peu à peu en la certitude d'être clairement supérieur à la masse. Ce qui le plonge dans une totale lassitude et un ennui des plus mortels dès lors qu'il n'a aucun moyen de se prouver qu'il vaut mieux que les autres. Il se développe donc en lui une idée totalement étrangère au Royaume de la Névrose, à savoir la hiérarchisation. Certes, il existe sur Kichigai des classes nobles et des classes roturières, mais c'est comme si l'existence d'une défaillance majeure dans l'esprit de chaque habitant écrasait toutes les distinctions. Comme si les troubles partagés par tous mettaient tout le monde sur un pied d'égalité. Et paradoxalement, c'est l'irruption d'un individu dont la névrose n'en est pas vraiment une, qui fait germer pour la première fois dans le pays une pensée complètement opposée au système qui le régit. Le fait que Yoakim manifeste un talent évident au cours de ses apprentissages n'arrange rien: enorgueilli par son aisance au discours et son don pour comprendre tout ce qui touche de près ou de loin à la politique du royaume, il achève de se persuader d'être unique en son genre. Cette idée fixe se traduit sans qu'il s'en rende compte dans son comportement et son attitude. Il délaisse peu à peu les tenues conformes pour élaborer un style spécifique, inconsciemment marqué par la découverte du squelette dans le champ, quelques années plus tôt. A 15 ans, il se fait tatouer le torse et les bras de symboles a priori inadéquats, mais qui semblent alors signifier énormément à ses yeux. L'année suivante, il apparaît en arborant anneaux et ornements d'oreilles. Tout en lui devient peu à peu l'objet d'une singularisation, avec le but très clair de s'individualiser à l'extrême. Puisque je vaux mieux, je ne peux pas ressembler aux autres. Voici comment l'on pourrait interpréter ses manières. Et c'est l'année de ses 17 ans qu'il découvre pour la première fois l'attrait des femmes, lorsqu'il croise la route d'une jeune fille de maison noble au cours d'une réception au sommet de la Montagne du Sang. Elle s'appelle Estèr Anvuh, fille d'un des plus riches banquiers de l'île. La demoiselle souffre d'un trouble de la coordination des mouvements, ce qui l'empêche d'aligner deux pas sans s'emmêler les pieds et trébucher. L’œil de Yoakim est rapidement attiré par les courbes que dessine le corps de la jeune femme sous sa robe. Habile avec les mots, il la séduit et partage sa couche le soir-même. Lorsqu'il la quitte au matin, il a déjà abandonné l'idée de la revoir. Cet événement marque le point de départ d'une série honorable de conquêtes, toujours ritualisées de telle sorte qu'il ne partage avec ses compagnes que la durée d'une nuit. A ce jour, il aurait déjà mis enceinte une demi-douzaine de jeunes femmes sans jamais prendre la moindre responsabilité, niant en bloc jusqu'à avoir un lien quelconque avec la conception des enfants. Il invente pour la première fois l'idée d'"Ennui Tenaillant" pour justifier ses agissements, et avance que tout ce qui s'inscrit dans la longue durée le plonge dans la monotonie, ce qu'il ne peut supporter. Une relation amoureuse stable et avoir à s'occuper d'un enfant sont donc deux éventualités complètement exclues. L'ennui devient alors de manière évidente l'une de ses motivations: pour ne pas y succomber, il est prêt à tout. En 1622, un représentant du Gouvernement Mondial du nom d'Ortie Karel ancre son navire aux abords de l'île. L'individu est rapidement amené auprès de la Cour. L'influence des quelques sources qui mentionnent Kichigai transparaît alors dans son attitude: l'homme est accompagné d'une cinquantaine de marines qui veillent à sa sécurité, et lorsqu'il se présente à la salle du trône, ce sont les gouttes de sueur froide qui perlent à son visage qui parlent pour lui avant même qu'il n'ouvre la bouche. Assurant sa mission, il prend néanmoins son courage à deux mains, et annonce la formation d'un nouveau nouveau Conseil des 5 Etoiles deux ans plus tôt, ainsi que le projet de renforcer les effectifs de la Marine. Pour ce faire, l'organisation internationale a alors besoin de fonds, et donc d'intégrer de nouveaux royaumes en son sein. Le roi, contrairement au reste du monde qui ne sait rien de son pays, s'informe depuis toujours sur ce qui se passe à l'extérieur. Connaissant donc la nature oppressive et bien trop hiérarchisée de la majeure partie des monarchies qui composent le gouvernement, il oppose à Karel un refus net et catégorique, et le prie de quitter son île. La nouvelle se répand en quelques heures à peine sur tout le territoire, parvenant donc également aux oreilles de Yoakim. Sans rien dire à qui que ce soit, ni même au revoir à ses parents, il décide de plier bagage, et se glisse dans le navire gouvernemental. C'est une fois au beau milieu de Calm Belt qu'il se fait volontairement découvrir. Il est amené auprès du représentant, et une discussion des plus stupéfiantes s'ensuit: « Qui es-tu ? Que fais-tu sur ce navire ? - Je m’appelle Yoakim Zelefh, je suis un noble de ce royaume. Et monter sur votre bâtiment était le seul moyen que j’avais de sauver ma peau. Voilà pour la réponse courte. - Que veux-tu dire ? - Cette île est condamnée, n’est-ce pas ? Répond le jeune arrogant en affichant un petit sourire au coin de ses lèvres. Au moment-même où notre roi a refusé votre proposition, il a signé notre arrêt de mort à tous. » Ortie Karel se tait un instant et fixe intensément son interlocuteur, qui semble totalement sûr de lui et imperturbable. Yoakim ne lui laisse d'ailleurs même pas le temps de répliquer: « Vous ne niez pas, ma conclusion est donc juste. Mais ne vous inquiétez pas, n’importe qui n’aurait pas pu deviner vos intentions comme je l’ai fait. Les royaumes qui s’opposent au Gouvernement Mondial n’ont que deux issues : l’esclavage ou la destruction. Compte tenu de notre isolement et du peu de connaissances que vous avez de nous, je présume qu’un refus de notre part, ainsi qu’une critique ouverte des monarchies qui composent votre organisation, sont deux éléments suffisants pour que nous soyons considérés comme des opposants potentiellement dangereux. Avec un peu de chance, je parierai sur un Buster Call. En revanche, lequel des trois amiraux appuiera sur le bouton ? Probablement pas Fuuryuko. Plutôt Tetsuda ou Makuen, non ? Mais à choisir entre les deux, j’avoue que je sèche. - Quelqu’un d’autre que toi est au courant ? Demande Karel en faisant signe à ses hommes de mettre Yoakim en joue, stupéfait de constater que cet individu en sait autant sur le fonctionnement du Gouvernement malgré son éloignement du reste du monde. - Si j’avais prévenu mon roi et mon peuple… Pensez-vous vraiment que je serais devant vous ? Questionne celui-ci en fronçant les sourcils et en s’allumant une cigarette. Dites à vos hommes de baisser leurs armes, je ne suis pas une menace. Je suis venu vous proposer mes services. » L’envoyé du gouvernement éclate d’un rire nerveux, à la fois intimidé par l’apparent sang froid de son interlocuteur et amusé par son audace démesurée: « Tes services ? Et que pourrions-nous faire d’une seule personne ? - Allons, ne soyez pas de mauvaise foi, lance Yoakim après avoir tiré une bouffée. Vous venez de me voir à l’œuvre. Je sais également comment fonctionne une police secrète. En outre, je crois savoir que le Gouvernement Mondial possède des services de renseignement nommés Cipher Pol, dont les numéros vont de 1 à 8. Pour finir, vous cherchez aussi à augmenter vos effectifs pour lutter contre l’ère de piraterie qui repart sur les chapeaux de roue. Donc, vous avez besoin de gens comme moi. » Un sourire s’étire sur les lèvres du jeune homme. Karel fronce les sourcils, puis laisse le silence s’installer sur le pont du navire pendant de longues minutes, durant lesquelles il semble réfléchir à la décision qu’il va prendre. Finalement, il esquisse un geste du bras pour signifier à ses hommes de ranger leurs armes, avant de reprendre la parole: « Je ne peux pas te dénier un certain talent, Zelefh. Je crois donc que nous allons te mettre aux fers le temps d’étudier ton cas et de te présenter aux autorités compétentes. - Une sage décision, Ortie Karel. » Deux marines s’emparent de Yoakim par les bras et l’entraînent à leur suite. Lorsqu’ils arrivent presque devant la porte qui mène aux soutes, l’agent du gouvernement lui crie: « Cette île va être rasée, ta famille et tes amis avec… Et ça ne te fait rien ? - Hahaha… Brûlez tout. Pour la première fois, Kichigai va pouvoir me divertir. » C'est en été 1622 que l'île de Kichigai est rayée de la carte, disparaissant sous le feu nourri d'un Buster Call. Les Editions spéciales mentionnent alors la nécessité absolue pour le Gouvernement Mondial de détruire l'île et ses habitants pour supprimer la menace qu'ils représentaient. Pour justifier une telle décision, les sujets du royaumes sont dépeints comme des monstres de folie, et l'île est présentée comme un lieu affranchi de toute logique naturelle. Pour prouver ces informations, la note de Don Cortès de 1570 est publiée et laissée au jugement de l'opinion publique. Yoakim Zelefh, sur la recommandation d'Ortie Karel, est intégré dans les mois qui suivent au sein du CP5, et commence sa carrière d'espion du gouvernement sur West Blue. Suite à des résultats excellents, il est muté en tant qu'agent du CP9 à la fin de l'année 1923, à l'âge de 25 ans. >> Test RP
Au début de l'année 1623, le CP0 a vent de l'imminence d'une opération projetée par un mouvement révolutionnaire d'East Blue. L'information mentionne également l'existence d'une forte probabilité que le insurgés soient financés par un groupuscule rassemblant des personnages riches et influent, toutefois non-nobles. Diverses raisons sont avancées pour expliquer l'implication de tels individus dans les agissements de la Révolution. La plus sérieuse et la plus probable réside dans l'hypothèse que ces personnes se sentent lésées d'être avilies par le fait de ne pouvoir accéder à la noblesse, malgré leur fortune. Une liste de suspect est dressée, et le CP5 est mis à contribution dans la recherche des coupables. Tout en suivant ses deux collègues, Yoakim observait avec attention son environnement. Depuis son intégration au CP5, ce n'était pas la première fois qu'il visitait une autre nation que le royaume de la Névrose. Mais Goa représentait l'exacte antithèse de Kichigai. Il avait pu voir la misère la plus absolue en traversant le Gray Terminal pour passer la grande muraille qui le séparait de la cité. Puis après avoir parcouru les rues et les avenues des quartiers résidentiels, il eut l'occasion de constater l'existence d'un second mur à l'intérieur même de son enceinte, qui les séparait de la ville-haute. A ses yeux, la capitale représentait l'essence-même d'une société ordonnée et hiérarchisée: les individus dont la valeur était la plus importante vivaient en surplombant l'existence de ceux dont la qualité était moindre, et les déchets étaient quant à eux mis à la marge. Qu'un pays concrétise et aille même plus loin encore que sa propre vision du monde parvenait presque à le surprendre. Mais tandis que le jeune homme regardait les nobles et les bourgeois flâner dans les cafés, les boutiques et les comptoirs, il participait tout de même à la conversation de ses deux partenaires du CP5. Le premier, un nommé Anrad Painury âgé d'une trentaine d'années, appartenait aux services de renseignement depuis trois fois moins longtemps. Une sorte d'arriviste zêlé qui ne pensait qu'à gravir les échelons. L'autre s'appelait Dan Harvey, devait bien avoir la quarantaine bien tassée, et appartenait au CP5 depuis près de vingt ans. C'était un vétéran blasé par sa profession, mais qui croyait fermement aux bienfaits que le Gouvernement Mondial pouvait apporter au monde. Ce n'était pas la première fois qu'il travaillait avec ces deux agents, et Yoakim se doutait que le choix du chef du service de les associer à nouveau pour cette mission ne devait pas être anodin. « Ovide Boileau, c’est ça hein ? S’enquit Painury. - C’est bien ça, oui, répondit Harvey. - Qu’est-ce qui fait croire au CP0 qu’il est mêlé à cette affaire de financement douteux ? J’ai déjà du mal à bosser pour ces clampins, sans qu’ils nous mettent sur des fausses pistes… Et puis, pourquoi ne font-ils pas leurs recherches tout seuls comme des grands ? - Entre toi et eux, il y a un millier d’années, répliqua Yoakim en émettant un petit rire moqueur. Ils se chargent sans le moindre doute des révolutionnaires eux-mêmes. Quant à nous, nous devons empêcher que cette histoire recommence, et démasquer ceux qui leur permettent d’agir. - Un millier d’années ?! S'étrangla l'arriviste. - Ce qui ne veut pas dire que notre rôle est secondaire, poursuivit l’ancien noble de Kichigai en ignorant totalement son interlocuteur. Je crois que leurs informations sont fiables. Et s’il s’avère que ce type n’est pas coupable, nous pourrons le rayer de la liste. Nous avancerons dans tous les cas. Si tu n’es pas capable de le comprendre, c'est que tu es un imbécile. - Qu’est-ce que tu dis, enfoiré ? - Arrêtez ça immédiatement, vous deux, soupira Harvey. La prochaine artère nous amènera dans l’avenue où se trouve la demeure Boileau. Tâchez de ne pas déshonorer le gouvernement. » Yoakim ferma les yeux et sourit, dédaigneux, puis glissa une cigarette entre ses lèvres. Fulminant, Painury se tut et suivit la cadence. Menant le groupe, le vétéran les fit s’engager dans une ruelle, qu’ils traversèrent avant de déboucher sur un large boulevard bordé d’arbres et d’habitations gigantesques. Des habitants richement vêtus se promenaient dans les deux directions, ne semblant pas prêter attention aux trois hommes en costume blanc qui se dirigeaient vers les maisons les plus imposantes. Lorsque Harvey s’arrêta devant le portail d’une villa en marbre montée sur trois étages, Yoakim lui demanda : « Rien de plus à savoir sur ces gens que ce qu’on connaît déjà sur la lignée ? - Retenez simplement que la famille actuelle se compose de l’armateur, de son épouse, et de leurs deux filles, répondit-il en appuyant sur ce qui semblait être un inter-escargophone. Aucun antécédent personnel, une domesticité pléthorique. Je crois même qu’ils ont le plus grand nombre de servants de tout le quartier. Boileau lui-même est à la tête d’une grosse compagnie qui fournit des armes aux bateaux des chantiers navals des îles d’East Blue. C’est aussi un fournisseur du gouvernement. - Un gros richard de plus, en somme. » Personne ne releva la remarque, ce qui irrita une nouvelle fois Anrad Painury. Son visage se teintant de rouge, il ouvrit la bouche pour manifester sa colère, mais le vétéran l’arrêta d’un geste du bras. Pile à ce moment, une voix aux tonalités très hautaines s’éleva depuis l’inter-escargophone: « Messieurs bonjour. Mr et Mme Boileau n’attendent pas de visiteurs pour aujourd’hui. - CP5, répondit simplement Harvey d’un ton monotone. Nous sommes mandatés. » Le bruit spécifique de celui qui raccroche retentit à l’autre bout du fil, puis les trois hommes durent patienter quelques minutes. Après quoi un individu en costume noir, probablement un majordome, apparut sur le perron de la demeure. Il traversa une cour de gravier jusqu’au portail, qu’il entrouvrit pour les laisser passer. Lorsqu’il prit la parole, les agents reconnurent immédiatement la voix de l’escargophone : « Je vous prie de bien vouloir m’excuser. Mr Boileau va vous recevoir dans son salon. Suivez-moi. » Sans un mot, ils s’engagèrent à sa suite, pénétrant dans la villa de marbre. Dès qu’ils firent un pas à l’intérieur, leur parvint aux oreilles une mélodie que quelqu’un dans la maison jouait au piano. L’endroit était encore plus impressionnant que la devanture : le vestibule à lui seul était gigantesque, donnant sur un escalier de pierre blanche qui montait à l’étage, un tapis en peau d’ours blanc, et quelques meubles en bois rare. Un grand miroir reflétait l’intégralité de la pièce, ajoutant à la sensation de démesure qu’ils pouvaient déjà ressentir. Yoakim en conclut qu’un armateur vivant dans une ère de piraterie ne pouvait que faire fortune. Le valet les fit passer par un couloir qui les conduisit dans ce qui devait être le salon. Un grand portrait représentant un homme moustachu, vêtu d’or et de pourpre, était accroché dans le fond de la salle au-dessus d’une imposante cheminée. Immédiatement à droite, se trouvait le piano qu’ils avaient entendu dès leur entrée dans la demeure, auquel était installée une jeune femme blonde qui leur tournait le dos. Au milieu de la pièce, un ensemble de canapés de riche facture étaient disposés autour d’une table basse. Un homme d’une cinquantaine d’années était assis sur un fauteuil, fumant la pipe et toisant les nouveaux venus d’un air dur. Le majordome s’inclina respectueusement, annonça le CP5, puis repartit dans le couloir sur un signe du maître. La jeune femme s’arrêta de jouer pour se retourner et regarder les agents. Yoakim ne put s’empêcher de remarquer que c'était une beauté, et esquissa un sourire imperceptible qui fit à peine remuer la cigarette coincée entre ses lèvres. « Veuillez nous laisser, Gwendolyn, fit l’homme d’une voix sévère. - Bien, père. Ne tardez pas trop. » La nommée Gwendolyn s’éclipsa à son tour, laissant les envoyés du gouvernement seuls face au patriarche. « Je vous en prie, asseyez-vous, fit ce dernier en désignant le canapé qui lui faisait face. - Ovide Boileau, je présume ? Nous ne discuterons tous ensemble que brièvement, s’introduit Harvey tandis que tous les trois s’exécutaient et s’installaient. - Que voulez-vous dire ? Dit l’armateur en arrêtant un instant son regard sur Yoakim. Je vous prierai de ne pas fumer sous mon toit. » Le jeune homme haussa légèrement les sourcils, jeta un coup d’œil à la pipe qu’avait le type en bouche, puis un autre à sa propre cigarette. Il observa alors successivement l’une et l’autre, avant de plonger son regard dans celui du maître des lieux, pour enfin lui sourire sans un mot, ni même obéir. Boileau fronça les sourcils, visiblement irrité par le comportement irrespectueux de son invité. Harvey leva les yeux au ciel et poussa un soupir. D’un geste sec, il retira la clope des lèvres de son partenaire avant de l’écraser sur son gant et de la glisser dans sa poche. Yoakim lui adressa un regard amusé, mais le laissa continuer. « Deux d’entre nous vont commencer par procéder à quelques recherches à l’intérieur de votre demeure. Ce sera très rapide. Et vous allez avoir avec le troisième un bref entretien à propos de ce qui nous amène. Car, j’en suis persuadé, vous devez vous poser quelques questions. - C’est le moins que vous puissiez dire. Je suis premièrement surpris de recevoir la visite des services de renseignement, et d’autant plus que ceux-ci m’annoncent avoir l’intention de procéder à une fouille de mon domicile. Êtes-vous mandatés pour cela également ? - Nous ne le sommes pas, répondit immédiatement Painury en affichant une expression de triomphe, mais nous refuser cette procédure pourrait être perçu comme une obstruction à notre enquête, je suppose que vous comprenez. Et vous savez de quels droits nous pourrions disposer sur vous et votre famille si vous étiez considéré comme un ennemi du gouvernement, n’est-ce pas Mr Boileau ? » Leur hôte observa l’un après l’autre le visage des trois hommes d’un œil inquisiteur, cherchant sans doute à déterminer si les propos de l’arriviste étaient une blague ou non, puis sembla comprendre que l’affaire était très sérieuse. Il porta la pipe à sa bouche, haussa les épaules et s’enfonça dans son siège. « Et bien, faites. - Merci de votre coopération, nous ne vous importunerons pas plus de quelques heures, répondit Harvey avant de tourner la tête vers Yoakim avec une mine interrogatrice. - Oui, je vais me charger de l’entretien, annonça celui-ci en souriant. Vous deux n’avez qu’à fouiller l’endroit. » Le vétéran et l’arriviste se levèrent dans un mouvement presque simultané, se répartirent en quelques mots les étages, les jardins et le sous-sol, puis quittèrent la pièce par le couloir. Quelques minutes de silence s’écoulèrent, durant lesquelles le riche marchand et Yoakim se jaugèrent du regard. A terme, l’agent du CP5 sortit une autre cigarette, l’alluma, et tira une bouffée. Il avait le gouvernement avec lui. Il pouvait bien fumer où il voulait. Boileau sembla d’abord se crisper, puis changea d’attitude et afficha un sourire plutôt amusé. Ce fut le jeune homme qui, finalement, prit la parole en premier. « Votre ancêtre ? Fit-il en désignant le portrait de la cheminée d’un geste du menton. - C’est exact. Homère Boileau, mon arrière grand-père. C’est lui qui a fondé la compagnie, quelques dizaines d’années avant la Seconde Grande Guerre. - Vous avez le même visage. Les moustaches en moins, évidemment. - Vous me flattez. C’était, dit-on, un véritable homme à femmes. Mais je doute fort que ceci ait un quelconque rapport avec votre visite ? - Allez savoir. » Yoakim se pencha en arrière, étendit ses bras sur le canapé, et esquissa un large sourire. Cette partie du travail qu’il avait à accomplir pour le CP5 était l’une de ses préférées. Les échanges avec des interlocuteurs retors. Et Boileau l’observait d’un œil joueur, prêt à en découdre. « Les mouvements révolutionnaires qui se multiplient sur l’ensemble des mers du monde, en particulier sur les Blues, commencent à devenir de vraies épines dans le pied du Gouvernement Mondial. Si de telles idées continuent de se répandre, la stabilité internationale risque fort d’être ébranlée. Et ce sont les pirates et les truands qui s’en donneront à cœur joie. - Je crois que vous ne faites que soulever des évidences. Venons-en au fait, voulez-vous ? Le gouvernement désire-t-il un soutien financier ? Vous envoyer ici est-il un moyen de pression destiné à me faire coopérer ? Dites-moi. - Ne soyez pas pressé, nous avons un certain temps devant nous. » Le jeune homme se leva, expira un nuage de fumée puis remit sa cigarette en place. Mettant les mains dans les poches, il contourna le fauteuil occupé par son interlocuteur et fit quelques pas jusqu’à la cheminée. Au-dessus du foyer, il trouva plusieurs petits cadres dans lesquels étaient rangées des photos de famille. De là où il était, à moins de se retourner, il ne pouvait pas voir ce qu’Ovide Boileau faisait, et inversement. Mais il n’avait pas besoin de l’avoir en visu pour savoir que l’armateur devait enrager de ne pas mener la conversation. Yoakim s’empara du cadre qui représentait la plus âgées des deux filles de la famille, celle qu’il avait croisé un peu plus tôt. Son sourire s’étira lorsqu’il s’attarda plus en détail sur son visage, et Boileau du le sentir dans sa voix lorsqu’il reprit la parole : « Mais vraisemblablement, dit-il en reposant le cadre sur la pierre avant de se retourner et de prendre appui contre le mur, si vous savez quelque chose, vous êtes assez malin pour ne rien laisser paraître tant que je ne m’en tiens qu’à émettre des sous-entendus. - Je n’ai rien à cacher, c’est aussi simple que cela. - C’est une chose dont je serai le seul juge. Mais puisqu’il en est ainsi, jouons carte sur table. Le Gouvernement Mondial sait qu’une opération de grande envergure est sur le point d’avoir lieu sur cet océan, de la main d’un mouvement révolutionnaire déjà étendu à de nombreuses îles. Et vous faites partie de ceux qui sont suspectés de les financer. » Boileau se retourna, le visage furieux, et retira la pipe d’entre ses lèvres. Sa réponse ne se fit pas attendre, et d’une voix tonnante et colérique, il déclama : « Comment le gouvernement peut-il me soupçonner, moi qui fournit ses navires de guerre en armes depuis toujours ? Comment pouvez-vous salir le nom de ma famille alors que les taxes que vous imposez sur notre commerce, qui vous profite en priorité, remplissent vos caisses plus qu’une nation entière ne saurait le faire ? C’est une honte ! Un scandale ! De quel droit… - Oh, rassurez-vous, le coupa Yoakim de façon désinvolte, tout cela n’est pas accessible à n’importe qui. Les informations des Cipher Pol restent secrètes, ne servent que dans le cadre des enquêtes que nous menons sur le terrain, et… - Je ne veux pas entendre la moindre excuse sortir de votre bouche, reprit l’armateur sur le même ton, le simple fait que vous vous soyez invités chez moi est une insulte publique ! » En un mouvement rapide, Yoakim se retrouva devant Boileau, l’embout en argent de sa canne pressé contre le cou de l’armateur, de telle sorte qu’il puisse tout de même respirer. Le riche marchand d’armes navales ne pouvait plus bouger, et l’agent du CP5 afficha un large sourire qui n’aurait pu être plus menaçant. « Vous êtes en train de vous insurger contre une décision du Gouvernement Mondial… Vous devriez mettre de l’eau dans votre vin, Mr Boileau. La patience des agents du CP5 a elle aussi ses limites. Nous sommes contraints par la légalité, mais ne nous poussez pas à vous traiter en criminel. Ce serait regrettable. » L’armateur se tut, fronçant les sourcils et prenant conscience de sa position. Lorsque le jeune homme fut certain que son interlocuteur s’était calmé, il retira sa canne en se retournant, puis fouilla à l’intérieur de sa veste. Il en sortit quelques feuilles de papier, qu’il posa d’un coup sec sur la table basse, avant de regagner son siège initial en lâchant un bref « Lisez ça. ». L’homme se remit en place, se pencha pour s’emparer des papiers, et parcourut les quelques pages rapidement. Apparemment pas étonné, il demanda : « Ce sont toutes des lettres de mon arrière grand-père qui ont été publiées de son vivant dans les gazettes locales. Je les ai déjà lues par le passé, je connais leur contenu. Et la question a déjà été soulevée au début de notre entrevue… Qu’a à voir Homère Boileau avec nous ? - Pour faire simple, chacune de ces lettres mentionne au moins une fois le révolutionnaire Monkey D. Dragon, celui-là même qui, encore après sa disparition, est à l’origine de toutes les idéologies révolutionnaires qui posent tant de problème au gouvernement aujourd’hui. - Dragon était un contemporain de mon ancêtre, et si vous les avez lues vous-mêmes, vous savez pertinemment qu’il ne soutient pas ses idées, qu’il les décrit même toutes sans exception comme nocives à l’ordre public. Et encore une fois, j’éprouve quelques difficultés à établir un lien avec votre affaire. - Vraiment ? Laissez-moi dans ce cas vous rafraîchir la mémoire. Homère Boileau désapprouvait effectivement les théories de Dragon, qui favorisaient le menu peuple. En revanche, il évoque subtilement dans chacune de ces lettres la perspective d’un avenir sans domination de la noblesse et des royautés. Il préconise, sous quelques pirouettes littéraires, l’émergence d’une classe marchande dirigeante. En 1568, son fils, Octave Boileau, a été arrêté par le Guet de Goa après avoir créé un journal local non-officiel qui visait au discrédit de la noblesse. Pour finir, une lettre posthume de votre père a été publiée dans la gazette du quartier quelques mois après son décès en 1614, où il décrit avec dépit le supposé mauvais gouvernement de la noblesse de Goa. Ces informations sont exactes, vous le savez comme moi. » Yoakim s’arrêta un instant, jaugeant la réaction d’Ovide Boileau, qui au cours de l’explication s’était peu à peu muré dans un silence à peine ponctué par le bruit de son souffle lorsqu’il expirait le trop-plein de fumée que sa pipe insinuait dans ses poumons. Le dialogue touchait à sa fin: Yoakim était à peu près sûr que son interlocuteur était coupable, et que pour se défendre, il ne lui restait plus qu'à nier avoir un rapport avec les écrits de ses ancêtres. L’armateur resta d'abord stoïque quelques instants sans prononcer le moindre mot, cherchant sans doute à poursuivre la discussion tout en pesant ses mots. L’agent du CP5 eut même le temps de terminer sa cigarette avant qu’il ne lui réponde finalement, d’une voix calme : « Donc, selon vous, mes idéaux politiques seraient les mêmes que mes prédécesseurs. Ce qui expliquerait le fait supposé que j’ai pu financer des groupements révolutionnaires. - C’est bien ça, à peu de choses près. - Existe-t-il un document écrit de ma main qui puisse appuyer votre accusation ? Comme eux, ai-je déjà publié des textes qui soutiennent ces idées ? - Non. - Je vous prie donc de me croire lorsque je vous affirme n’être pour rien dans votre affaire. - Ce n’est malheureusement pas si évident, Mr Boileau... Mais je sais maintenant que cet entretien ne nous mènera nulle part. Votre cas va donc dépendre de ce que mes partenaires auront trouvé dans votre demeure. » Yoakim se leva, lissa son costume du plat de la main, puis la tendit à son interlocuteur. L’armateur se redressa à son tour, et l’empoigna. Boileau avait nié avoir un lien avec la pensée de ses prédécesseurs, confirmant par-là même les soupçons du jeune homme. Sans ajouter un mot, l’agent du CP5 quitta la pièce par le couloir par lequel il était entré, et laissa Ovide Boileau seul. L’homme se rassit simplement sur son siège, porta la pipe à sa bouche, et sembla se mettre à réfléchir. ________________ « Vraiment rien ? S’étonna Yoakim. - Rien du tout, répondit Harvey d’un ton laconique. Il est blanc comme neige. » La nuit était tombée. Les trois hommes du CP5 étaient rassemblés devant le portail de la villa Boileau. Le duo formé par Painury et Harvey avait littéralement fait chou blanc dans leur recherche de traces d’un éventuel échange entre l’armateur et les révolutionnaires, ce qui n’était pas dans leur habitude. Car dans les rares cas où ils ne trouvaient rien qui concernait directement leurs affaires, ils tombaient généralement sur des éléments embarrassants qui pouvaient leur permettre de faire pression sur leur cible par la suite. Mais cette fois, ils n’avaient pas trouvé quoi que ce soit qui se rapproche de près ou de loin à l'un ou à l'autre. A priori, cela signifiait donc qu’Ovide Boileau n’avait strictement rien à se reprocher. Mais Yoakim était persuadé du contraire. « J’ai discuté avec lui. Durant notre entrevue, nous avons joué l’un avec l’autre du début à la fin. C’est un malin, je ne peux pas croire qu’il ne soit pas lié à cette affaire. - On se passe de tes intimes convictions, Zelefh, répliqua Painury sur un ton provocateur. Ce n’est pas ça qui va nous faire avancer, ajouta-t-il en reprenant les propos que le jeune homme lui avait adressés plus tôt dans la journée. - Quoiqu’il en soit, intervint le vétéran, sans avoir quelque chose qui nous permette de le traiter en criminel, j’ai bien peur que nous ne puissions rien faire d’autre. Et je ne crois pas que ce soit le genre d’homme qui se fasse avoir à l’usure, si tant est qu’il soit bien coupable de ce qu'on lui reproche. - Alors c’est le CP9 qui va se charger de lui ? S’enquit Yoakim en fronçant les sourcils. - Pas dans les mois à venir, en tout cas. S’il venait à mourir peu de temps après avoir été visité par le CP5, trop de monde pourrait faire le lien avec le gouvernement. Dans tous les cas, nous devons laisser tomber pour le moment et rentrer faire notre rapport. » Harvey haussa les épaules d’un air résigné, puis se dirigea vers le portail, suivi de près par Painury. Yoakim s’alluma une cigarette et tira une bouffée. Levant la tête vers la fenêtre du premier étage, il put distinguer la silhouette de Boileau qui fumait la pipe. L’homme lui faisait face dans le contre-jour de la lumière qui émanait de la pièce dans laquelle il se trouvait, lui apparaissant sous la forme d’une ombre. L’agent du CP5 resta quelques instants à le regarder sans bouger, et il lui sembla que l’armateur faisait de même. Ce fut la voix de Harvey qui, déjà enfoncé de quelques pas dans l’avenue qui bordait la demeure, le tira de sa contemplation : « Zelefh ! ». Yoakim esquissa un sourire à l’intention de l’armateur, puis fit volte-face, s’éloignant en direction du portail. Lorsque les trois envoyés du gouvernement furent hors de vue, Ovide Boileau abaissa le rideau de la fenêtre et alla s’asseoir à son bureau. Là, il porta le combiné d’un escargophone au niveau de ses lèvres et prit la parole : « Ils sont partis. - Nous n’imaginions pas que le gouvernement puisse remonter jusqu’à vous, répondit une voix rauque à l’autre bout du fil. Cela pourrait devenir un problème. - Ils n’ont rien contre moi. Ils ne savent rien. - Peut-être… Restez sur vos gardes et ne faites rien de stupide. La Rose d’Or ne saurait tolérer la moindre incartade. - Ce n’est pas dans mon intention. - Très bien… Nous vous recontacterons en temps voulu. » "Clic". Quelques semaines après le passage du CP5 à la demeure d'Ovide Boileau, le CP0 parvient à démanteler le réseau révolutionnaire qu'il avait dans le viseur avant que celui-ci ne mène sa grande opération sur East Blue. En revanche, les autres Cipher Pol ont été incapables de mettre la main sur le groupuscule qui aurait financé les coupables. En 1624, un an plus tard, l'affaire est en suspens, mais toujours à l'ordre du jour. |
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Informations IRL
- Prénom : Toujours Superman.
Age : 20 ans !
Aime : Les mêmes choses que sous mon premier perso ^^ Dont One Piece et les règles de progression du forum, si je me souviens de ce que j'avais marqué.
N'aime pas : Toujours les endives ?
Personnages préférés de One Piece : Je redonne ma petite liste, de tête: chez la Marine, on tape dans du Smoker, du Garp; chez les pirates du Doflamingo, du Baggy, du Drake, du Sanji et du Franky; et chez les civils c'est Iceberg
Caractère : Fier mais sympa ?
Fais du RP depuis : 5 ans ^^
Disponibilité : 5j/7 en moyenne.
Comment avez vous connu le forum ? En fait, je suis aussi le joueur de Pergame D. Attale, premier perso après avoir débarqué sur OPR, via Google. Avec l'aval de Sergueï et de Red, ce personnage vient le remplacer. Autrement dit, ce n'est pas un double compte, mais un changement.
Dernière édition par Yoakim Zelefh le Sam 2 Juin 2012 - 22:11, édité 18 fois