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(FB 1619) On bourre sa pipe avec le tabac qu'on a

    Royaume de Saint Urea, quartier inférieur.

    Les rues étaient mouvementées, de nombreuses personnes tenaient des conciliabules à proximité des échoppes. La rumeur voulait qu'Anne Stanhope, la dame de pierre, était entrée dans une fureur noire depuis quelques jours et ce sans en être ressortie. La même rumeur voulait que la puissante femme n'avait plus reçu de livraison de son tabac depuis bien trop longtemps. L'absence de tabac de qualité dans le Royaume avait provoqué des sautes d'humeurs sans précédents chez Anne qui avait mobilisé toutes les troupes sous son autorité pour tenter de palier à ce souci. C'est de là que provenait tout le problème, la puissante dame disposait de troupes en grand nombre et commandait celles-ci d'une main de pierre. Les troupes de la marine hésitaient à intervenir face aux troupes d'élite du Royaume, par conséquent les militaires sous l'autorité de Stanhope retournaient la moitié de l'île en quête d'un tabac de qualité.

    L'île était en émoi et tous les habitants étaient touchés par les retombées de cette pénurie. La promesse d'une récompense importante avait rameuté une masse importante de chasseurs de primes et de bandits de la pire espèce. Et quant il s'agissait de chasseurs de primes et de Saint Urea, Rydd Steiner n'était jamais bien loin. Et en effet l'individu à la tenue extravagante se trouvait en plein quartier inférieur et cherchait des informations sur une éventuelle cargaison de tabac.

    Après avoir rendu visite à ses meilleurs informateurs, la situation semblait s'être éclaircie. Si le Royaume avait connu une pénurie subite c'était parce que plusieurs convois avaient été dérobés par des voleurs talentueux. Malheureusement, les malandrins avaient sans nul doute préférer dissimuler la cargaison plutôt que de tenter de la revendre. Même le plus imbécile des voleurs ne se serait pas risquer à revendre la cargaison de tabac alors que Stanhope remuait ciel et terre pour mettre la main sur les idiots qui avaient volés sa cargaison. La résultante de cette affaire était donc une ville sans dessus dessous. Les soldats fouillaient violemment toutes les habitations en brandissant des arrêtés royaux émanant de la dame de pierre ; les chasseurs de primes s'affrontaient entre eux, avec les militaires ou avec les habitants ; enfin les résidents se cachaient pour la plupart tandis que les plus valeureux tentaient des sorties de groupe avec l'espoir insolent de découvrir la cargaison et d’empocher la récompense.

    Toute cette situation mettait Rydd de très mauvaise humeur. En effet, la concurrence était rude et les chances de remporter la prime étaient donc drastiquement diminuées. De surcroit, la personne venant rasséréner toute l'île gagnerait sans nul doute en réputation. Et s'il y a bien une chose à laquelle Steiner tenait, c'était bien à sa réputation de meilleur chasseur de primes de Saint Urea. Par conséquent le tigre rouge était sur le pied de guerre et prêt à toutes les mesures, aussi dangereuses soient elles !

    Ses armes étaient pourtant inefficaces cette fois, glaner des informations se faisait à deux conditions : avoir de la chance et être suffisamment réputé pour attirer les informateurs. Rydd estimait qu'il remplissait plus qu'honorablement la seconde condition et ne doutait nullement de sa bonne fortune. C'est ainsi que notre homme se décida à prendre la direction d'un endroit qu'il n’affectionnait que très peu, le bureau de la guilde des chasseurs de primes...

    La guilde des chasseurs de primes était la seule organisation de traqueurs reconnues. Dirigée par Midas, elle avait des succursales dans différentes îles et bien évidemment dans le Royaume de Saint Urea. C'est là bas qu'il risquait d'y avoir les meilleurs informateurs. En quelques minutes le tigre rouge fut sur place et enfonça la lourde porte menant au bureau. A l'intérieur régnait une chaleur suffocante. Beaucoup d'individus s'amassaient nerveusement dans l'endroit et jetaient des regards haineux dans toutes les directions. Au début personne ne remarqua Rydd mais bientôt sa tenue rougeoyante lui permit de se démarquer, un des membres de la guilde des chasseurs de primes en charge du bureau le repéra de loin.

    C'était un homme d'une quarantaine d'année aussi imposant qu'une armoire, au visage rond et dur et au crâne complètement dégarni. Un cigare de belle taille voyageait régulièrement d'un coin de sa bouche à l'autre. Son regard se stabilisa et il fronça les sourcils avant de prendre la parole, surmontant le brouhaha de la salle grâce à une voix puissante, il s'adressa directement à Rydd.

    -«Fait bien longtemps qu'on t'as pas vu chez nous le Tigre ! Décidé à entrer dans notre guilde ? Tu seras traité avec égard et bénéficiera d'une place de choix dans la hiérarchie de l'organisation.»

    Steiner se gratta le crâne tranquillement et laissa passer quelques secondes de silence. Dans la salle beaucoup donnaient de furieux coups de coude à leurs voisins. Manifestement la réputation du Tigre Rouge était toujours aussi bonne à Saint Urea. Mais voyant que le massif gaillard de la guilde lui lançait des éclairs avec ses yeux, Rydd jugea bon de lui répondre sans plus attendre.

    -«Et qui sais ? J'ai juste peur de prendre ta place si j'intègre la guilde et que je reste sur Saint Urea.»
    -«Vrai que ça se pourrait ! Mais ne sous estime pas le vieux Macnair ! Je peux encore te décapiter d'une seule claque !»


    La salle entière se mit à rire aussitôt et tous reprirent peu à peu leurs conversations. Certains continuaient de regarder discrètement Rydd mais rien d'inhabituel pour lui. Il se dirigea donc vers une table isolée et s'installa tranquillement. Il venait de faire jouer sa réputation, il fallait maintenant voir si la chance aussi était au rendez vous...


Dernière édition par Rydd Steiner le Mer 8 Mai 2013 - 11:18, édité 1 fois
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L’an 1619. Royaume de Saint-Urea

Le royaume fortifié de Saint Urea, la place forte des inégalités et de la grogne officieuse des civils contre celle qui règne en monarque incontesté et qui bénéficie de l’aval du gouvernement, j’ai nommé Stanhope ou plus communément appelé la Dame de Pierre.  Les méthodes de cette vieille bique arriérée aux allures bourgeoises sont bien connues des résidents de South Blue qui redoutent ses élans de colère et ses changements d’humeur controversés, ce fossile de l’ancien temps devait avoir des contacts haut placés au sein du gouvernement, contacts qui avaient su lui rendre la pareille en lui laissant la pleine liberté dans la direction du royaume dont elle s’était vu confié la responsabilité. Il ne fallait pas s’étonner de la présence des germes de la révolution dans ce terreau des plus fertiles, c’était un véritable jeu d’enfant qu'immiscer leurs idées subversives auprès des parias et autres affamés que comptaient les quartiers bas de la cité. De passage sur South Blue pour se rendre à Stamphead Island,  Sharp Jones et Mac Hollister décidèrent de faire escale dans ce royaume où les richesses et magnificences riment avec ostentation et mise en scène. Ces lieux à fort contrastes idéologiques et financiers s’avèrent particulièrement propice pour poser les bases d’un business à long terme. Il s’agissait ici d’une phase de reconnaissance et de repérage,  de tâter le terrain et de prendre la température des citoyens de Saint-Urea, de s’assurer que l’idée de monter quelque chose peut s’avérer viable et ce même avec la présence de la garnison royale et de ses abus de passe-droits. Saint Urea occupait une position centrale à South Blue, elle était à l’image du royaume de Luvneel dont Sharp est originaire, elle faisait office de grand et majestueux symbole de la renommée de la Blue sur laquelle elle était située.  Tandis qu’ils marchaient silencieusement dans la ville basse,  nos deux hommes furent bientôt témoin d’une perquisition en règle par la garnison de Stanhope dans les domiciles des habitants de la basse terre. Le décret royal où figurait le cachet de Stanhope informa nos deux comparses qu’il devait s’agir d’une affaire des moins communes, ce genre d’édit ne sont pas délivrés en claquant des doigts, il devait s’agir d’une raison d’état. Les résidents durent se résigner à les laisser pénétrer dans leurs demeures et les observer mettre à mal et saccager leurs biens. Le chef de famille lança alors à l’un des gardes.

« Qu’est ce que vous cherchez, bon sang ! Vous ne pouvez pas nous laisser tranquille bordel, la vie est assez dure comme çà pour nous autres, peut-être ?! »

« Confidentiel, circulez ou vous aurez droit à un aller simple pour la prison royale ! »

Il est certain que la Dame de pierre n’avait pas une once de respect pour ses sujets qui lui rendaient amèrement l’appareil. Toute cette histoire finirait tôt ou tard par lui péter à la tronche à cette vieille peau ridée dénuée de toutes manières et sa garde rapproché ne lui serait d’aucune aide. Il ne s’agissait pas d’un cas isolé, toutes les demeures sans exception subissaient le même traitement. Quelque chose de louche se tramait dans le coin et Jones a toujours eu le don pour baigner de près ou de loin dans la magouille et la manigance, il devait en être aussi cette fois. Nos deux hommes s’engouffrèrent dans les faubourgs peu recommandables de Saint-Urea pour avoir le fin mot de l’histoire. Nos deux hommes portaient des capuchons qui dissimulaient leurs visages comme à leur habitude, les rumeurs et bruits de couloirs allait bon train dans ces quartiers malfamés et tous n’avaient présentement que Stanhope dans toutes les bouches. Jones et Mac prirent violemment un type à parti au coin d’une rue, couteau sous la gorge, pour savoir de quoi il en retournait exactement :

« C’est…c’est Stanhope ! Ell…ell…elle cherche du tabac pour sa consommation personnelle, elle se serait fait chaparder sa précieuse cargaison, elle est très friande de bon tabac et spiritueux vous savez. Il paraîtrait qu’elle a promis une grosse récompense à celui qui lui ramènera son tabac. Elle a même mis les chiens de Pierre sur le coup bordeeeeeel, on est mal, je vous le dis, on est MAAAAL »

Les chiens de pierre, ils ne manquaient plus que les suppôts de Stanhope pour se joindre à la fête bordel. Elle devait vouer une sacré addiction à ces substances pour mettre ses cerbères sur le coup. Jones relâcha le pauvre malheureux et lui laissa la vie sauve, son existence misérable l’avait déjà condamné à une vie d'errance. Si les chiens de pierre étaient sur le coup, alors tous les chasseurs de primes étaient eux aussi de la partie qui s’annonçait pleine de rebondissements. Ce petit jeu prenait les traits d’une chasse au trésor et l’enjeu en valait la chandelle. C’était une course contre la montre, Jones devait dorénavant dégoter une piste qui l’amènerait sur les traces de la marchandise convoitée et il comptait bien s’il le faut écumer tous les bars du quartier inférieur pour trouver cette ébauche d’indice. Tous deux commencèrent à leur tour leur investigation avec la ferme intention de mettre la patte sur l’information recherchée. Les mêmes noms de types revenaient toujours dans les discussions çà et là et dans les bruits de couloir. Des noms que Jones avait bel et bien imprimés dans sa mémoire pour poursuivre son investigation. Ils pénétrèrent à l’improviste dans ce qui semblait être un repaire de types peu recommandables, des mecs encapuchonnés de partout étaient attablés à des tables en bois et discutaient à demi-mots ou parfois même en se dissimulant aux autres. Une atmosphère obscure où des bruits de murmures avaient pris le pas sur le tumulte des rues commerçantes de l’extérieur. Nos deux hommes s’installèrent aussi de leur côté dans un angle de la pièce. Ces hommes là, ils ne n’agissaient pas de civils et ne faisaient pas partie du commun des mortels. Ils parcouraient du regard la salle pour vérifier si une tête ne leur était pas familière lorsqu’ils entendirent la conversation d’un grassouillet bedonnant à la jambe de bois avec un énergumène tout de rouge vêtu.

«Fait bien longtemps qu'on t'as pas vu chez nous le Tigre ! Décidé à entrer dans notre guilde ? Tu seras traité avec égard et bénéficiera d'une place de choix dans la hiérarchie de l'organisation.»

-«Et qui sais ? J'ai juste peur de prendre ta place si j'intègre la guilde et que je reste sur Saint Urea.»

-«Vrai que ça se pourrait ! Mais ne sous estime pas le vieux Macnair ! Je peux encore te décapiter d'une seule claque !»

L’homme à l’habit rouge s’assit ensuite à son tour à une table. Des murmures à gauche et à droite permirent à Jones et Mac de prendre conscience que ce type était dans les petits papiers de Stanhope, il se faisait appeler le tigre rouge, sans doute pour son habit des plus extravagants. Jones décida d’aller à sa rencontre et de s’inviter nonchalamment à sa table, après tout, il détenait un début de piste qu’ils pourraient exploiter conjointement s’ils parvenaient à faire affaire.


Dernière édition par Sharp Jones le Mer 26 Mar 2014 - 12:28, édité 1 fois
      Il ne fallut pas longtemps pour voir un individu inconnu s’attabler auprès de Steiner. L'homme était peut être en mal de conversation mais le chasseur de primes nourrissait des espoirs tout autre. Néanmoins obtenir des renseignements dans l'antre de la guilde des traqueurs de têtes signifiait les partager avec l'intégralité des hommes en présence. Il était donc difficile de questionner librement le mystérieux personnage. Rydd contempla discrètement les alentours et ce qu'il vit ne le rassura aucunement.

      Macnair le dirigeant des chasseurs de Finnegan à Saint Urea était retourné à son comptoir mais délivrait des coups d’œils furtifs dans toutes les directions. Les hommes des tables alentours étaient tous enfoncés dans leurs fauteuils et tendaient les oreilles autant que possible. Les hommes semblaient plus attendre que deviser entre eux. Déjà Rydd se damnait d'avoir voulu se rendre ici, manifestement il n'était pas le seul à avoir eu l'espoir d'obtenir des informations par le biais de la guilde. Mais il restait encore ce curieux individu qui s'était invité silencieusement à sa table.

      N'ayant de toute façon aucune chance de passer inaperçu et de discuter tranquillement, Rydd opta pour la solution inverse. Il se réinstalla confortablement sur sa chaise et s'adressa à son vis à vis d'une voix puissante et sans équivoque, il voulait qu'on l'entende et ne rien cacher de cet entretien.

      -«Je m'appelle Rydd, Rydd Steiner, le Tigre Rouge, le chasseur de Saint Urea. Vous êtes là pour tenter de me recruter également ? Je le répète je ne suis pas à vendre, je suis un privé ravi de ne pas avoir de chefs et de pourcentage à donner.»

      A cette dernière sentence Steiner nota que Macnair avait froncé les sourcils si fortement qu'ils semblaient n'être plus qu'un seul trait. De nombreux autres hommes, probablement des chasseurs de primes, affichaient des regards vindicatifs vers l'homme aux collants rouges. Mais si les visages transmettaient une idée d'exaspération sans équivoque, personne n'osait s'opposer ouvertement au Tigre Rouge. Jouant de cette situation, Rydd ne s'arrêta pas en si bon chemin.

      -«Evidemment les plus mauvais des traqueurs suppléent la force par le nombre mais soyons franc... Contre les meilleures cibles la quantité ne signifie strictement rien.»


      Les grincements de dents commençaient à se faire de plus en plus importants et certains personnages semblaient à deux doigts de se lever pour remettre à sa place un Tigre Rouge décidément bien sûr de lui. Mais c'est Macnair qui le premier prit la parole et rasséréna par la même occasion bon nombre d'individus.

      -«Si t'es là pour t'payer notre tête Steiner, tu ferai mieux d'partir maintenant... Je veux pas d'ennuis ici et j'imagine que tu ne veux pas d'ennuis avec Finnegan non plus ?»


      Le nom de Finnegan sembla faire son effet car quasiment aussitôt Rydd se leva de sa chaise et s'inclina devant son pseudo-interlocuteur. Néanmoins avant de sortir, le chasseur y alla de son petit commentaire acerbe.

      -«Je crains et respecte trop Midas pour causer du tort à ses membres. Je vous laisse donc.»


      Et Rydd quitta la place, agacé de s'être rendu ici inutilement...
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    -«Je m'appelle Rydd, Rydd Steiner, le Tigre Rouge, le chasseur de Saint Urea. Vous êtes là pour tenter de me recruter également ? Je le répète je ne suis pas à vendre, je suis un privé ravi de ne pas avoir de chefs et de pourcentage à donner.»

    Une guilde de chasseur de primes…quoi de plus normal dans la cité des chiens de Stanhope. Le blason qui figurait haut perché dans la salle aurait du mettre la puce à l’oreille de Jones, les armoiries de Saint-Urea y figuraient. Même si l’endroit pouvait abriter des sbires du gouvernement, le lieu était idéal pour déceler la perle rare, le type qui saurait où se terrent les noms que Jones avait relevé et ce Steiner semblait tout indiqué pour accomplir ce travail héhé. A l’écoute de ses paroles, Jones restait dubitatif, se pouvait t’il que ce type n’ait pas compris le motif de la venue de Jones à sa table ? Le tigre rouge comme il se faisait appeler jeta un œil au dessus de l’épaule de Jones comme pour s’assurer que le speech qu’il avait entonné haut et fort avait trouvé écho auprès d’un type situé derrière le Black Mask.  Mac Hollister s’était lui aussi aperçu de ce petit détail et n’eut aucun mal à suivre le regard de ce Rydd Steiner pour se rendre compte que le chasseur de têtes s’adressait officieusement à l’armoire à glace avec qui il s’était entretenu précédemment. Il murmura instantanément à l’oreille de Jones qui put prendre connaissance de l’intention de ce Steiner aux collants rouges. C’était rondement joué que de vouloir garder l’exclusivité de la source d’information, les murs ont des oreilles à fortiori dans une guilde de chasseur de primes où l’information constitue l’un des éléments clé d’une traque. Jones sentait bien les regards en coin des autres chasseurs de têtes figurant dans la salle, ces rapaces épiaient le moindre détail de son ébauche d’entrevue avec le tigre rouge, restant aux aguets parés à saisir le moindre renseignement à se foutre sous la dent.

    -«Évidemment les plus mauvais des traqueurs suppléent la force par le nombre mais soyons franc... Contre les meilleures cibles la quantité ne signifie strictement rien.»

    -«Si t'es là pour t'payer notre tête Steiner, tu ferai mieux d'partir maintenant... Je veux pas d'ennuis ici et j'imagine que tu ne veux pas d'ennuis avec Finnegan non plus ?»

    « Je crains et respecte trop Midas pour causer du tort à ses membres. Je vous laisse donc.»

    Aiguiller la conversation du recrutement était une bonne initiative pour brouiller les pistes et réduire la vigilance des vautours environnants. Jones avait beau partager le trip vestimentaire du Tigre rouge, il devait reconnaître qu’il avait un certain savoir-faire et une expérience en la matière. Suivre une piste ou au contraire la maquiller était monnaie courante pour ces types et Jones était certain qu’ici bas, des gusses étaient déjà venus aux mains pour des histoires de vol d’indic ou même pour des raisons pécuniaires. Jones n’aimait pas particulièrement l’atmosphère de ce lieu mais çà puait le fric sale à plein nez, les pots de vins et autres magouilles financières et çà il en raffolait. L’oseille, Jones entendait que le pognon cimenterait la relation mercantile du Tigre rouge et du Black Mask. Jones avait bien compris ce qu’il subodorait être un message subliminal mais le tigre rouge allait devoir marcher dans la combine de Sharp selon les règles propres à de vrais businessman ou alors il faudrait qu’il allonge la planche à billet pour une très belle somme. Nos deux compères ne savaient pas réellement si ce type était réglo, ils devaient s’assurer de ces antécédents de clientèle avant de faire affaire. Il serait très malvenu et inopportun d’essayer de trahir Jones et de la lui faire à l’envers, d’une part parce que Jones retrouverait le type en question et lui ferait la peau et d’autre part parce qu’il tient les traîtres en horreur. Voyant que le Tigre rouge sortit de l’établissement aussitôt après lancé sa dernière annonce, Jones fit signe à Mac Hollister de se renseigner dans le voisinage sur le type en question, histoire de savoir si rouler les autres dans la farine était dans ses mœurs. Mac disparut aussitôt par la porte entrouverte et partit quête d’informations sur le Tigre rouge. De son côté, Jones sortit lui aussi de la pièce sous le regard circonspect et méfiant des autres chasseurs de têtes. Comme il s’y attendait, Steiner avait mis les voiles, rester devant la façade de la guilde des chasseurs de primes aurait été une erreur de débutant, de néophyte inexpérimenté, des complices de ceux qui figuraient dans le bâtiment pouvaient très bien discuter comme si de rien n’était devant la guilde. Si le tigre rouge méritait sa réputation ici à Saint-Urea, alors ce serait à lui de venir à la rencontre de Jones et ce au moment qu’il aura jugé le plus adéquat. Jones vagabonda nonchalamment dans les vieilles ruelles malfamées du quartier inférieur en attendant l’intervention de Steiner. Il n’eut pas à attendre longtemps avant de le voir débarquer d’un recoin sinueux. L’échange d’information entre les deux hommes  pouvait dorénavant commencer.

    « Le Tigre Rouge, hein ? Votre réputation vous précède, votre nom est dans toutes les bouches ici-bas…Vous devriez faire l’affaire. Comme vous devez vous en douter, je dispose de quelques tuyaux sur ceux qui seraient responsable du vol de la cargaison de la vieille Stanhope. Aussi, parlons peu mais parlons bien, je vous taille le topo… je vous communique les renseignements en question, vous retirez toute la gloire auprès de l’ancêtre qui sert de dirigeante de l’île et on fait cinquante cinquante au niveau du magot. «

    Un silence s'ensuivit, plein de réflexion et d'introspection.

    "J'imagine que je n'ai pas à rappeler à un type de votre trempe ce qu'il vous coûterait, si l'idée malheureuse de me doubler vous traverserait l'esprit..."


    Dernière édition par Sharp Jones le Mer 26 Mar 2014 - 12:36, édité 1 fois
        Il ne fut pas difficile pour Rydd de suivre l'individu qui était présent à sa table mais il ne nourrissait que peu d'espoirs. Généralement les hommes le rencontre pour tenter d'établir des liens avec lui, et c'est souvent le chasseur de primes qui devient l'informateur. Les véritables informateurs quant à eux sont méfiants, roublards et extrêmement vaporeux. Rydd avait perdu plus de temps à courir après des informateurs qu'après des criminels, ce qui en disait long sur la difficulté du métier de traqueur de têtes. De nombreuses fois Steiner avait songé à cet état de fait, l'information est le nerf de la guerre...

        Mais il fallait tester de nouveaux filons et ne jamais laisser une source se tarir. Ainsi Rydd suivit le curieux individu discrètement et attendit le moment opportun pour se montrer. Dans le jargon du métier, le moment opportun est précisément le moment où l'on ne se place pas dans une situation dangereuse pour obtenir quoique ce soit. Malheureusement c'était rarement le cas et il fallait le plus souvent faire au mieux et prendre quelques risques mesurés. Le cagoulé se dévoila donc afin que l'individu le remarque et entame éventuellement une conversation.

        L'homme n'y alla pas par quatre chemins et se montra assez bref. Il avait des informations, était prêt à les monnayer et y allait même de sa petite menace. Le topo était celui d'un malin pur jus quoiqu'un peu prétentieux sur les bords. Rydd avait écouté et il allait maintenant répondre.

        -«Le marché me semble plutôt équitable. Mes avis que celui qui récupérera le tabac bénéficiera d'une belle réputation auprès de Stanhope. La moitié de la prime devient presque anecdotique pour moi mais je vais la prendre avec plaisir, il y a encore des hôtels luxueux que je n'ai pas fréquenté. Maintenant il faut voir si les informations sont dignes d'un tel accord, je n'ai pas l'intention d'aller crapahuter à droite et à gauche pour affirmer ou infirmer tes dires. Il me faut du concret, je suis assez pressé. Toutes les minutes comptent en ce moment, la concurrence va être féroce...»

        Rydd s'arrêta quelques secondes faisant mine de réfléchir puis il reprit d'un air faussement atterré.

        -«Oh s'agissant de l'éventualité de te faire doubler. Quel que soit les rumeurs, toutes s'accordent pour dire que je suis efficace et professionnel. Il y a peu de chances que je veuille plus qu'une part du gâteau, je préfère éviter les ennuis.»
        La voix de Steiner changea alors pour prendre un timbre plus glacial, plus sérieux. «Mais je ne te conseille pas d'essayer de m'intimider. Si tu penses pouvoir me nuire tu peux toujours t'y essayer, tu ne serai pas le premier à t'y risquer. Maintenant les informations. Je le répète, je suis pressé. Et tu devrais l'être tout autant, Stanhope risque de faire exploser la moitié de l'île si son sevrage perdure trop longtemps.»

        Et Rydd croisa les bras en signe d'attente, il était véritablement pressé et n'avait pas l'intention d'attendre trop longtemps un individu qui clamait avoir des informations. Car oui, des gaillards qui se vantaient de savoir des choses mais qui en définitive ne savaient rien il en avait rencontré plus que de raison...


      Dernière édition par Rydd Steiner le Mer 8 Mai 2013 - 11:42, édité 2 fois
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      L’intérêt avec les chasseurs de têtes à l’image du Tigre Rouge est qu’ils ne passent pas par quatre chemins pour balancer ce qu’ils ont dans au coin de l’encéphale. Ils ne perdent pas de temps avec les règles de l’étiquette ou de la bienséance, guère d’enrobage et de protocole pour ces types qui aiment rappeler à tous qu’ils n’ont sont leurs seuls maîtres et qu’ils ont les moyens de leur prétention. Ce Steiner ne faisait pas exception à la règle et sa réaction bien qu’un peu abrupt et brutal avait au moins le mérite d’aller droit à l’essentiel. Il avait accepté les conditions du marché fixés par Sharp Jones mais est-ce que sa parole avait vraiment une valeur ici à Saint-Urea, sa réputation et sa renommée faisait davantage incliner Sharp vers l’affirmative plutôt que la négation. A son tour, Steiner avait énoncé ses conditions sine qua non quant à leur petit arrangement, des modalités qui s’avéraient des plus respectables et équilibrés au demeurant. Mac revint bientôt à son tour dans la pénombre et fit signe à Sharp comme quoi les antécédents et états de service du type en question semblaient réglo, Jones pouvait lui faire confiance. L’homme était éminemment pressé bien entendu, la perspective de se faire enfler sur la cargaison devait lui donner un gout amer dans la bouche et il était vrai qu’ils étaient nombreux sur le coup, c’était même à s’en demander si ce Steiner n’en faisait pas plus qu’une simple affaire pécuniaire. Il en allait de sa renommée, de son prestige et de sa position au sein du royaume vis-à-vis de l’autre vipère incontestée cependant il ne s’agissait pas d’aller trop vite en besogne, il faut parfois laisser le temps au temps ne serai-ce que pour poser de bonnes bases pour l’avenir.

      "Mais je ne te conseille pas d'essayer de m'intimider. Si tu penses pouvoir me nuire tu peux toujours t'y essayer, tu ne serai pas le premier à t'y risquer. Maintenant les informations. Je le répète, je suis pressé. Et tu devrais l'être tout autant, Stanhope risque de faire exploser la moitié de l'île si son sevrage perdure trop longtemps."

      Jones avait l’habitude de ce genre de discours, les chasseurs de primes sont toujours sûrs de leur pouvoir, de leurs excellentes aptitudes qu’ils n’hésitaient pas à rappeler à leur interlocuteur, sans doute ne serait-ce que pour se convaincre eux-mêmes qu’ils ne sont pas de vulgaire parias substituables par n’importe quel autre type prêt à tuer pour un paquet d’oseille. En temps normal, il aurait bien testé le tigre rouge mais la tournure que prenaient les évènements ne se prêtait pas à ce type d’affrontement viril. Si Steiner était davantage intéressé par se faire mousser auprès de Stanhope, il en allait de son choix, Jones pour sa part n’avait que pour seule et unique finalité le fric. Aussi, il ne tarda pas à communiquer à l’acolyte vermillon les quelques révélations dont il avait été témoin par inadvertance.

      « Je comprends votre empressement mais ce genre d’affaires requiert méthodes et patience. Après recoupements de plusieurs sources d’informations, des noms tels que Joe le balafré et John Trompe-la-Mort sont souvent ressortis des conversations, il paraîtrait que ces deux types ont passé un accord pour s’accaparer la marchandise de Stanhope, faire monter la côte et réaliser une plus value colossale en distillant la cargaison progressivement pour éviter tout soupçons à leur égard. Un procédé ingénieux que celui-ci, il faut bien reconnaître. »

      La déclaration de Jones éveilla une lueur de suspicion dans l’œil de son interlocuteur, les blazes des margoulins en question devaient bien évoquer un début de piste chez celui qui se faisait appeler le Tigre rouge. Peut-être avait t’il même déjà eu affaire à ces sagouins par le passé et qu’il savait dorénavant en quoi s’en tenir. Quoi qu’il en soit, ces révélations avaient suscité un profond intérêt ainsi que l’engouement du Tigre Rouge. Jones l’observa attentivement, il fixait à moitié le sol puis regardait au ciel comme s’il prévoyait déjà la stratégie qu’il adopterait au cas échéant contre ces types. Il attendait dorénavant que Steiner lui dise de quoi il en retournait quant à ces types et de s’organiser pour récupérer la précieuse cargaison avant qu’elle nous passe sous le nez.
          Le chasseur de primes tapotait du pied le sol soulevant régulièrement de petits nuages de poussières. Il ne disait mot ce qui était indubitablement un signe de réflexion. Les deux noms prononcés ne lui disaient rien du tout. Saint Urea était un Royaume après tout. Il cherchait donc les moyens d’obtenir des informations sur ces deux personnages qui venaient de s’attirer les foudres de Stanhope, soit les foudres d’une île entière. Mais trouver un homme précisément dans Saint Urea équivalait souvent à traquer une abeille au sein même de la ruche. De plus ces hommes se sachant traqués n’allaient surement pas apparaître au vu et au su de tous. La solution ne résidait pas dans cette information si banale…

          Rydd marchait dorénavant dans l’endroit en décrivant de petits cercles. Il jouait négligemment avec le pommeau de l’un de ses sabres tout en réfléchissant. Dans le même temps il conservait toujours un œil inquiet vers son mystérieux informateur en qui il n’avait, comme avec tous, aucune confiance. Ne tenant plus la distance quant à une réflexion interne, il s’exprima à haute voix pour faire participer son nouvel acolyte.

          -«Ce n’est pas c’est deux imbéciles dont j’ai besoin. Il nous faut le receleur, peu de personnes peuvent se vanter de pouvoir écouler la marchandise, même doucement, à la vue de la dame de pierre. Personnellement je ne m’y risquerai pas. Il me faut juste activer quelques réseaux dormants et secouer quelques têtes pour obtenir l’information. Mais reste à savoir si tes informations sont fiables ?»

          Il se stoppa et plongea son regard dans celui de son interlocuteur. Pas besoin d’être extralucide pour comprendre que la question ne souffrirait d’aucune mauvaise réponse. Rydd cessa de tapoter son sabre et se fixa. D’un air inquisiteur il s’intéressa davantage au mystérieux informateur. Secrètement il se demandait si Finnegan n’avait pas envoyé cet hurluberlu pour en apprendre plus sur le si impénétrable chasseur de Saint Urea.

          -«Mais tout cela ne me dit rien sur toi. Que l’anonymat soit une amie dans notre profession, je veux bien le croire, j’en suis la preuve par excellence. Néanmoins travailler sans connaître l’employeur ou l’informateur est un luxe qui n’est réservé qu’aux plus puissants. Je n’ai pas l’habitude de me compromettre pour des petites frappes qui songeraient naïvement à se tailler une réputation en m’utilisant comme estrade. En deux mots, décline identité…»

          Imperceptiblement le fameux tigre rouge avait prit une posture plus offensive, prêt à sortir ses griffes pour lacérer l’impudent qui aurait songé à se présenter devant lui sans de solides références. Car après tout dans le milieu des chasseurs de primes, c’est la réputation avant la compétence qui prime. Qu’est un excellent chasseur de primes sans une réputation solide lui permettant d’obtenir informations et contrats ? Afin de se montrer plus pressant, et de ne pas laisser l’opportunité au gaillard d’inventer une histoire à dormir debout, il s’avança rapidement vers lui et dégaina son sabre. Le bruit provoqué par la lame sortie rapidement de son fourreau pouvait avoir plusieurs interprétations selon la partition de l’informateur, c’était soit l’introduction d’un requiem, soit l’introduction d’une belle mélodie…

          -«Je t’écoute, je ne suis pas réellement reconnu pour ma patience.»

          Et pour manifester cette impatience il fit virevolter sa lame dans les airs…


        Dernière édition par Rydd Steiner le Mer 8 Mai 2013 - 11:44, édité 1 fois
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        Steiner était malin à souhait et en cela il illustrait parfaitement l’image que je me faisais de ces mercenaires véreux. Il s’était mis en tête de me soutirer cette information à grand revers d’intimidation et d’autres subterfuges qu’il devait garder bien précieusement dans sa manche. Seulement, il était plus dépendant de moi que je l’étais de lui, Saint-Urea regorge de chasseurs de primes talentueux, c’est leur repaire, leur maudite tanière au sein de laquelle ils se jettent telles des molosses affamés sur la viande. Je m’étais rapproché du tigre rouge uniquement puisque celui-ci était l’un de ceux qui avaient le plus de trophée de chasse à son actif. Le Tigre rouge adoptait un raisonnement réfléchi, un cheminement de pensée que j’aurais moi-même suivi si j’avais été dans sa position au même moment. Mais avait-il vraiment le temps de s’interroger sur mon identité tandis qu’à chaque seconde écoulé, ses chances de mettre la main sur le fameux tabac s’amenuisaient encore et toujours. Steiner ne lâchait pas l’affaire pour je ne sais quel code de déontologie alors je décidai de lui refourguer une vieille identité que je me trimballe pour les coups durs et que j’ai l’habitude de balancer à toutes les sauces.

        « En trois mots…Jack R. White »

        Le genre de blaze du quidam parfait, le type au nom si répandu qu’effectuer un semblant de recherche et de traçabilité prendrait plusieurs jours…autant dire, une éternité pour un mec en quête d’une cargaison. S’il était véritablement mû par l’ambition de s’accaparer la marchandise, alors mon identité serait reléguée au second plan. Je n’aime pas beaucoup qu’on me force la main de quelque manière que ce soit et surtout qu’on me prenne avec condescendance. Ce Steiner devait penser que parce que je connaissais des bribes de son passif et de sa notoriété, je devais le redouter ou porter une attention particulière à ce qu’il était amené à dire. Comme quoi la célébrité a tendance à vite monter au crâne et en perturber les flux sanguin de ces jeunes mâles plein de fougue et d’impétuosité. Pour corser le tout, il dégaine sa lame lentement et lui fait décrire des courbes dans l’air. Hahaha, j’ai beau ne pas savoir avec quelles raclures ce type a l’habitude de marchander mais ce genre d’artifices était loin de trouver un écho en moi.

        « Ola, ola. On va mettre les choses au clair Steiner. Que tu veuilles toucher le magot avant tout tes petits copains de la guilde, je le conçois mais que t’essayes de marcher sur mes plates bandes en paradant, là on risque de moins être pote… »

        Le chasseur fronce les sourcils tandis qu’une moue encore plus sérieuse que ce qu’elle était déjà s’esquisse sur son visage.

        « Le receleur, le receleur, t’en as de bonnes, n’es tu point celui dont le métier est de remonter le filon et de frapper ta proie au moment où elle s’y attend le moins? Je propose d’enquêter sur ces fameux types et de remonter de fil en aiguille le réseau. Bien sûr, on sera loin d’être les seuls sur le coup et il se pourrait bien qu’on ait à liquider 2 ou 3 enflures de tes camarades pour parvenir aux fins mais ca…j’imagine d’ores et déjà que tu en es au courant. »

        Je tenais pas à lui balancer d’emblée tout ce que dont l’indic m’avait fait part, je l’avais déjà grassement payé pour en plus ne pas me faire doubler par un chasseur de primes. Il y avait sans doute plus qu’une simple affaire d’oseille pour ce Steiner, non pas qu’il se taperait la vieille épave mais qu’il devait miser sur des éléments dont je n’avais aucune connaissance et honnêtement je m’en tapais un peu.

        « Je te propose de se séparer et d’enquêter sur nos deux olibrius, histoire de gagner du temps et de multiplier nos chances de succès. Cette rue malfamée peut constituer le point de ralliement pour débriefing. Parait que le balafré traîne du côté du Chantier naval de Saint Urea et défie quiconque de le battre au bras de fer. Vu sa sale gueule et la pipe en ébène qu’il sifflote en permanence, tu devrais pas avoir de mal à mettre la main dessus. L’autre Trompe-la-mort, j’en fais mon affaire. »

        Jones avait pris les choses en main à sa manière et bien qu’il supputait l’idée que notre Tigre rouge allait le surveiller scrupuleusement, voire organiser la filature de Jones plutôt que de pencher sur le cas du balafré. Le lien de dépendance à l’oseille est pourtant un gage de confiance suffisamment important pour qu’il remplisse sa part du contrat. Bien entendu, je pourrais le faire surveiller par Mac mais quand bien même, on ne piste pas un chasseur auquel cas le prédateur devient la proie et rares sont les cas où ces hommes en ressortent vivant. Saint Urea, c’est son territoire, son terrain de chasse, il la connait presque comme sa poche. Affronter un mec pareil sur son terrain de jeu est totalement futile et ne peut que se terminer tragiquement pour ma pomme. J’avais foutrement besoin de Mac pour ne pas risquer à le faire crever de la main de ce rouquin.

        Pour ma part, Trompe-la-mort avait été aperçu du côté de la place de l’obélisque, une énorme esplanade à ciel ouvert divisé en quartiers d’influence où je devrais pouvoir trouver chaussure à ma carne héhé.

            La discussion semblait prendre un véritable tournant. Rydd ne serait pas en mesure d’obtenir de probantes informations sur son compagnon de fortune mais il devrait faire ainsi. Il écouta donc les dernières recommandations de l’inconnu, trouver un certain Joe Le Balafré au chantier naval. Cela impliquait de traverser le quartier des docks, un endroit aucunement réputé pour la bonhommie de ces résidents. C’est surement en connaissance de cause que « Mister White » avait incité le chasseur de primes à prendre cette part de la recherche. Rydd se contenta donc d’écouter et finit par s’en aller sans plus de cérémonie. Arrivé au croisement de la rue il se retourna et interpella une dernière fois son coéquipier.

            -«On se retrouve à l’hôtel « le Maestro » dans le quartier supérieur. Si je ne suis pas là, demande ton chemin à un majordome qui porte une montre à gousset avec chaine rouge.»

            La chose étant entendue Rydd prit la direction du chantier naval et entreprit donc de traverser le quartier des docks. Ce quartier est typiquement associé aux activités maritimes, on y trouve une forte odeur de poisson et par conséquent des poissonneries à foison. De nombreux étals sont présents de ci de là et on peut trouver au centre du quartier une criée où l’on se bouscule pour acheter les meilleurs morceaux issue de la pêche dans South Blue. On y trouve même des perles rares puisque des poissons d’autres Blue sont importés spécialement et à grand frais.

            Dans ce quartier on trouve également de nombreux magasins de matériel de pêche, tous sous la coupe d’un gang local, le gang des pêcheurs. Ce gang est toléré au sein du royaume car il fait respecter l’ordre dans le quartier des docks. De plus l’activité la plus illégale qu’il pratique est la revente de canne à pêche en bois d’Adam, une arnaque bien connue des natifs du quartier…

            Il ne fut donc pas difficile pour Rydd de traverser le quartier, la seule difficulté résidant dans l’importance de traverser certains endroits en apnée pour ne pas conserver pendant plusieurs heures une odeur de poisson dans les nasaux. Il croisa même quelques membres du gang des pêcheurs, très reconnaissables avec leurs tatouages de baleine sur les bras. Ceux ci décampèrent rapidement, Steiner n’étant pas réputé pour sympathiser avec les gangs locaux, qu'ils soient tolérés ou pas. Finalement il arriva jusqu’au chantier naval sans encombre.

            Le chantier naval de Saint Urea avait été construit il y a plusieurs années à côté d’une partie des Docks. De nombreux navires venaient décharger les matières premières nécessaires à la confection de bâtiments. Les quais en pierre accueillaient toujours de nombreux vaisseaux de commerce et les grues semblaient ne jamais s’arrêter. L’on déchargeait des caisses à perte de vue dans un brouhaha impressionnant. Trouver Joe le Balafré dans cette enceinte n’allait donc pas être évident. De surcroit les mines renfermées des costauds du coin n’invitaient pas à entamer la conversation. Rydd opta pour un profil bas et déambula sur les quais. A noté que le profil bas du Tigre Rouge était tout relatif, un homme en collant rouge ne pouvant décemment pas se targuer de passer inaperçu.

            Rydd marcha ainsi pendant une bonne heure, cherchant dans les moindres recoins la présence d’un costaud balafré avide de bras de fer. Le chasseur de têtes se rendit rapidement compte que le duel de bras était un sport national ici. En effet, de nombreux hommes s’exaltaient à aplatir furieusement la main de leurs adversaires. Quant aux balafres ! Un homme sur deux affichait une cicatrice sur le visage ou sur les bras. Ces différentes constations arrachèrent un soupir d’agacement chez Rydd qui imita bientôt la voix de son fameux informateur.

            Vu sa sale gueule et la pipe en ébène qu’il sifflote en permanence, tu devrais pas avoir de mal à mettre la main dessus… Quel imbécile ! Ils sont tous plus moches les uns que les autres !»

            Agacé il donna un grand coup de pied dans une caisse de fournitures diverses qui valsa sur plusieurs mètres. Quelques secondes plus tard un homme massif à la tignasse blonde, épaisse et crasseuse mit la main sur son épaule. Rydd releva alors la tête vers le marin. Celui ci tenait en bouche une pipe d’ébène qui semblait avoir été taillée à la main tant elle était grossière, il disposait également d’un des mentons les plus large que Rydd avait pu voir dans son existence, le dit menton était de surcroit agrémenté d’une cicatrice grotesque en forme de croix. L’individu s’exprima d’une voix caverneuse.

            -«Ola ! Pas bien de taper dans les caisses de marchandises. Qui c’est qu’va ramasser ça huh ? »

            Ne désirant pas perdre de temps Rydd ôta la main de l’individu, toujours ancré sur son épaule, d’un coup de coude bien placé. Ne voulant pas à s’attirer les foudres de tous les docks il récupéra la caisse et la lança en direction du marin qui l’attrapa au vol d’une seule main. Il afficha aussitôt un rire laissant apparaître une rangée de dents jaunies par le tabac.

            -«Je te remercie ! A une prochaine.»

            Déjà le gaillard s’en allait vers un groupe tandis que Rydd reprenait sa route mollement. Il se stoppa pourtant net lorsqu’il entendit derrière lui un homme criant fort « Hey Joe, vient faire un bras de fer Champion ». Aussitôt le traqueur se retourna les yeux grands ouverts.

            -«Serait ce mon homme… ? »


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            Sans attendre, Rydd se dirigea vers le « Joe ». Les indices concordaient mais le chasseur de primes ne voulait prendre aucun risque, s’il s’avérait que ce Joe n’était pas le bon alors le vrai allait certainement disparaître dans la nature. Il fut donc suivit de loin, le solide gaillard regagna bien vite un entrepôt non loin dont la multitude de caisses semblait former une muraille. Il s’introduisit par un petit passage bien vite emprunté par Steiner. Le passage dans les caisses conduisait presque aussitôt dans une sorte de salle improvisée puisque constituée de murs de caisses. Au centre, une table de bois solide et usée trônait fièrement. Plusieurs hommes extrêmement bien bâtis s’affrontaient dans des bras de fer endiablés. Rydd interpella son homme sans attendre.

            -«Hep ! C’est bien toi Joe le balafré ?! Paraît que tu es plutôt balèze en bras de fer. Vrai ?»


            Le solide gaillard se retourna et dévisagea une nouvelle fois Rydd. Il tira sur sa pipe ce qui gonfla encore davantage son torse massif. Le chasseur de primes nota bien rapidement qu’en pleine période de pénurie de tabac, certains dockers ne souffraient pas tant que cela… Mais peut être était ce simplement du tabac de mauvaise qualité songea Steiner.

            -«C’est bien moi l’étranger ! Personne d’autre ose s’appeler Joe le balafré ici, excepté moi ! Sinon je le casse en deux, hahaha !»

            -«Hahaha ! Oui, personne n’oserait c’est certain…»


            Et sans prévenir Rydd fut à quelques centimètres de lui, il lui décocha un coup de pied si violent que le massif gaillard fut propulsé vers le mur de caisse qui vola au passage. La course ne s’arrêta que lors que Joe toucha le sol et tomba malencontreusement dans un large bassin destiné à recueillir les fruits de la pêche. Il était a moitié assommé et avait le visage trouble lorsqu’il vit fondre de nouveau sur lui le tigre rouge. Il sentit sa tête être compressée sous une main puissante et il fut plongé, tête la première dans les poissons. Bien que tentant de se débattre rien ne semblait capable de desserrer la main de Rydd. Après quelques secondes interminables il fut « remonté ».

            -«Bon… Passons aux choses sérieuses, une cargaison de tabac premier choix volé dernièrement. J’imagine que tu ne sais rien.»

            -«Pas du tout Monsieur !»
            Susurra Joe à demi étouffé.

            -«Evidemment… »

            Et Rydd replongea la tête du marin au beau milieu des poissons morts. Non loin de lui pas mal de marins s’agglutinaient maintenant pour écouter la conversation. Certains s’interrogèrent même quant à la possibilité de sauter sur le costumé mais le nom de « Rydd Steiner » et de « Tigre Rouge » commença à se répandre, ce qui fut amplement suffisant pour calmer tout le monde.

            -«Toujours pas ? Qu’on soit clair, je sais que tu sais et maintenant tu sais que je sais. Alors évitons de faire comme si nous ne savions pas. Surtout que saches que je ne vais pas hésiter à prolonger notre petit manège.»

            -«Je ne sais rien je te dis !»

            Perdant patience, Rydd afficha un air bien plus déterminé. L’air sembla devenir plus frais et Joe eut l’impression d’être en face de la mort elle même l’espace d’un instant, il tremblotait maintenant de tout son long. Il commença à parler mais Rydd lui comprima la gorge de sa main libre.

            -«Tu n’as pas envisagé qu’il serait peut être trop tard pour parler maintenant ?»


            Joe transpirait maintenant abondamment, une majorité de marins avaient reculé tant ils craignaient d’être prit pour cible. La main comprimant sa gorge devenait de plus en plus assurée et les yeux du champion de bras de fer étaient tant injectés de sang qu’ils semblaient prêts à exploser. Alors lentement il fut relâché et s’affaissa de tout son long sur les poissons.

            -«ALORS !?» Hurla Rydd d’un ton grave.
            -«C’est pas moi !? Je sais pas où elle est ! J’ai juste aidé John a mettre la main sur la cargaison ! C’est John qui sait !»
            -«Trompe la mort ? C’est ça ? Et t’es sur de pas savoir où elle se trouve hmm ?» Interrogea Rydd soupçonneux.
            -«Non, non, non je sais pas, je sais pas, je sais pas.» Et Joe commença à sangloter tout en répétant sa phrase comme un vieux disque rayé.

            Sans plus attendre le tigre rouge se déplaça hors du bassin et après avoir nerveusement reniflé sa tenue, se dirigea vers le Maestro. Il décida de passer par la place de l’obélisque avant de rallier le quartier supérieur, et c’est donc en ronchonnant que les marins virent disparaître dans une ruelle adjacente le redouté traqueur.

            -«On n’a pas idée de laisser des poissons près d’un chantier naval… »

            ******

            Pendant ce temps, John Trompe la mort s’affairait à dissimuler la cargaison de tabac. Précautionneux il n’avait donné l’information qu’à un nombre restreint de personnes et la tâche était donc assez longue. Régulièrement il s’épongeait le visage à l’aide d’un mouchoir brodé et en profitait pour affirmer son autorité en râlant sur le premier gaillard venu.

            -«Magnez vous ! Si les soldats de cœur de pierre voient notre manège, on va finir dans de sales draps ! Foutez moi tout ça dans le fond de l’entrepôt nom de dieu !»

            Le mince groupe d’hommes n’écoutaient guère et se contentaient de lancer des regards courroucés à John. Car en effet, si le duo John/Joe fonctionnait si bien, c’est parce que les deux hommes se complétaient. Malheureusement c’est à Joe qu’appartenait la capacité à mobiliser les hommes et se faire respecter. John n’avait donc pas hérité d’une tâche aisée en devant se charger de la dissimulation de la cargaison. Il tâchait néanmoins de faire bonne figure malgré sa maigre corpulence et son visage bonhomme…

            -«Allez, allez du nerf les enfants !»

            ******
            Rydd quant à lui venait de rallier la place de l’obélisque. Difficile néanmoins de trouver un homme en particulier dans cette place toujours bondée de mondes. Il s’inquiétait pourtant plus que son partenaire n’ait trouvé le gaillard en premier. Comme John était le seul à connaître l’endroit de la cargaison, il était possible de se rendre directement jusqu’à l’endroit et de doubler ainsi un éventuel collaborateur. Rien qu’à cette idée, Steiner trembla d’énervement. Sans attendre il se rendit donc dans un coin réputé pour ses informateurs.

            Il déboucha dans une zone qui semblait toujours à l’ombre de l’obélisque et où toutes les échoppes semblaient destinées à des habitués. C’était le genre d’endroits où l’on n’entre pas sans être invité et où le « lèche-vitrine » est très mal accueilli. Rapidement on lui fit signe d’approcher et Rydd pénétra dans un petit salon de thé où était installé un vieil homme à la barbe imposante, il avait l’œil vif et le sourire acéré des beaux parleurs.

            -«Très cher ami Rydd !»
            -«Cette frip... Monsieur !»
            Commenta penaud le chasseur de primes.

            Car oui, en face de lui siégeait celui qu’on en connaît que par un nom, « le vieillard ». L’ancestral rival d’Anne Stanhope, aussi insaisissable que le vent, plus malin et perfide que les meilleurs stratèges révolutionnaires, une légende qu’il avait déjà rencontré auparavant.

            -«Prenez place ! Prenez place !» L’ancêtre désigna un fauteuil luxueux de la main et reprit la parole sans plus attendre. « Vous vous doutez que ma présence ici est due avant tout à la situation dramatique dans laquelle nous plonge cette très chère Anne. Figurez vous que je peux vous aider, j’ai croisé votre « collaborateur » qui a été fort prompt à me donner des informations. » L’œil du vieillard vira au rouge en l’espace d’un instant avant de redevenir plus doux que le miel.

            «Un homme charmant qui m’a donné plus d’informations que j’en avais moi même glané. J’ai bien peur néanmoins qu’il soit indisposé pour le moment… Vous devrez donc vous passez de lui. Je vais être bref le temps nous est compté, John Trompe la mort se situe, lui et sa cargaison ou devrais je dire la cargaison d’Anne, à l’entrepôt 11 du quartier commerçant de la haute ville. Non vous ne saurez pas comment j’ai obtenu cette information. Oui je tiens à régler cette affaire au plus vite car elle nuit à mes affaires et au royaume ! Et évidemment je prendrai 500.000 Berry de récompenses pour vous avoir donné cette information.»

            Si Rydd était du genre très consciencieux quand il s’agissait du vieillard, il n’aimait pas pour autant se faire voler. Il s’emporta donc quelque peu.

            -«Vous n’allez pas me dire que cette information est exclusive ! Dois bien y avoir une centaine de gaillards déjà informé, à tous les coups !»

            -«Les officiels ne sont pas encore informés, il doit y avoir quelques privilégiés à l’heure actuelle mais je me suis occupé d’une partie de ceux-ci. Je ne tiens pas à ce que la cargaison soit utilisée pour spéculer, il faut la restituer à Anne avant que la moitié de l’île ne flambe. Les bas fonds sont à feu et à sang à l’heure même où je parle et le quartier inférieur va finir par passer à la purge aussi… Alors cessez donc de faire votre rapace ! 500.000 est une somme plus que raisonnable, dites vous que vous me rendez une faveur à moi et à Anne… Nous nous comprenons ?»

            Le ton était bien trop ferme pour qu’il y ait la place pour une quelconque remarque. Rydd se contenta donc de se lever et de quitter l’endroit. Rien qu’à la pensée du vieillard un frisson lui parcouru l’échine. S’il fallait craindre deux personnes dans tous le royaume, l’ancêtre serait probablement l’un d’eux…


          Dernière édition par Rydd Steiner le Dim 12 Mai 2013 - 18:34, édité 1 fois
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            Trouver l’entrepôt avec les indications de l’ancêtre fut une tâche plus qu’aisée. Le bâtiment était identique à tous les autres du quartier. Ici, il s’agissait d’une véritable mer d’entrepôts et évidemment les autorités tenaient à fouiller ceux-ci en dernier. En effet, les entrepôts étaient nombreux, tous bien fournis ce qui engendrerait des fouilles minutieuses et longues. Mais surtout les marchandises stockées dans le quartier supérieur appartenaient pour bonne partie à la haute société de Saint Urea et il s’agissait donc d’une manœuvre délicate que d’aller titiller les puissants du Royaume. L’endroit était donc plus au moins désert et l’abord de l’entrepôt 11 ne semblait pas plus louche que cela. Il semblait y avoir de l’activité à l’intérieur mais c’était chose courante dans le quartier, cela n’éveillait pas de doutes chez les passants.

            Rydd décida donc d’y pénétrer par les toits pour voir sans être vu, au final peut être l’ancêtre l’envoyait-il dans un guet apens. Il ne fallait jamais sous estimer les donneurs d’ordres et surtout pas leurs éventuelles lubies, le vieillard aurait pu prendre un malin plaisir à mettre à mal les affaires de Steiner, juste pour le tuer le temps… Le chasseur de primes escalada donc la paroi sans grande difficulté et se retrouva finalement sur les toits. Des petites fenêtres étaient toujours aménagées par endroit pour permettre la ventilation, Rydd n’eut pas de mal à s’introduire par là. Il accéda ainsi directement à la charpente de l’endroit, de là il voyait et entendait tous ce qui se déroulait en contrebas.

            L’activité était importante dans l’entrepôt, c’était pour le moins animé ! Un homme d’une trentaine d’année donnait des ordres fébriles à un groupe de dix solides gaillards. Le pseudo chef semblait plus fait pour les discussions de salon et tranchait avec le décor. Pourtant c’était bel et bien cet homme, bien fait et richement habillé, qui donnait les ordres. Seul signe distinctif qui le rapprochait des autres hommes, ses nombreuses cicatrices. On ne voyait d’apparent que son visage et ses mains mais ils étaient constellés de cicatrices, tantôt grandes, tantôt petites, certaines plus roses que d’autres (signe qu’il se blessait régulièrement). Mais tout cela n’indiquait pas l’éventuelle présence de tabac, fort heureusement la providence ne fit pas défaut à Rydd. En effet, il fut rapidement question de « tabac » dans les sourdes conversations des transporteurs. Ces bribes de conversations, rajoutées aux informations de l’ancêtre et aux airs suspicieux de toute l’assemblée, permettaient sans trop de difficulté de donner la réponse tant attendue : le tabac était là.

            Pour Rydd les caisses sombres et solidement fermées tenaient plus de la cargaison d’or bien visible. Sous ses pieds se tenait là un excellent moyen de se faire de l’argent ET de s’attirer une fois encore les faveurs et le respect d’Anne Stanhope. Mais pour cela, fallait-il encore prendre la cargaison au groupe d’en bas… Craignant de voir arriver d’autres personnes bien informées, le Tigre se fit entendre.

            (FB 1619) On bourre sa pipe avec le tabac qu'on a 241189deadpoolbynorunn8931d57ozkf
            «Salut les gars ! Vous avez quelque chose qui appartient à la Dame de Pierre si je ne m’abuse.»

            Et il ponctua sa phrase d’un petit rire glacial. Les têtes se levèrent de concert vers la charpente pour découvrir le Tigre Rouge de Saint Urea accroupi sur une des poutres principale. Sa tenue plus que connue fit l’effet d’une trainée de poudre dans les rangs ennemis. Rapidement plusieurs hommes s’enfuirent sans se poser de question. Ce n’était pas tant Rydd qui les effrayait mais plutôt l’ombre de Stanhope qui plainait non loin de lui. Bientôt tous les solides gaillards qui s’affairaient autour des caisses s’enfuirent sans demander leurs restes. Ne resta alors que le très chic chef de bande qui ne tarda pas à répliquer.

            -«Les hommes de Joe sont des peureux qui ne respecte que les muscles, pas étonnant qu’ils soient effrayés par ta présence, le Tigre.»

            Rydd se contenta de sauter vers le sol et de tirer ses sabres.

            -«Je ne sais pas comment tu as appris si vite la localisation de l’entrepôt mais ça n’a guère d’importance, je vais juste te mettre avec les caisses…»

            Et le trentenaire se précipita vers Rydd tout en sortant habilement un couteau de combat. Ses déplacements trahissaient une compétence au combat bien meilleure que prévue…
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            Si la majorité des hommes avaient prit la poudre d’escampette, le dernier restant semblait capable de faire perdre un bon moment à Rydd. Pas particulièrement bon avec son couteau, le dénommé John Trompe-la-mort portait bien son nom. Voilà déjà plus d’une dizaine de fois que Rydd avait profité d’ouvertures pour asséner une attaque mortelle. Pourtant à chaque fois, et par d’incroyables concours de circonstances, John parvenait à transformer l’attaque redoutable en une attaque bénigne. Ainsi le dénommé John s’était vu gratifié de nouvelles cicatrices mais toutes très légères et aucunement incapacitantes. Rydd se demandait par quel prodige son adversaire parvenait à réaliser de telles esquives mais rien ne semblait transparaitre. Plus les deux hommes escrimaient et plus l’écart de niveau apparaissait évident, pourtant le tigre rouge n’arrivait qu’à blesser superficiellement son ennemi. John semblait parfaitement conscient de cet état de fait et en jouait habilement, il tentait de tourner la chose en dérision en affichant un sourire décontracté.

            Difficile situation que de se voir ridiculiser par un adversaire moins fort au combat mais drastiquement meilleur en survie ! Les attaques de Steiner devenaient de plus en plus imprécises et trop audacieuses. Il commençait à offrir des ouvertures et la situation commençait donc à s’équilibrer. C’est à ce moment précis que la porte de l’entrepôt s’effondra en milles morceaux. Les deux combattants sautèrent en arrière pour observer une distance de sécurité et prendre connaissance du nouveau rebondissement de situation. Une silhouette venait en effet d’apparaître et Rydd la connaissait bien.

            L’homme qui se tenait à l’entrée de l’entrepôt 11 était Hagan. Un homme encore assez jeune mais portant pourtant une longue chevelure tirant vers le gris. Il ne perdait jamais cet air sévère qui lui allait si bien. Son regard était toujours perçant et hautain à tel point qu’il semblait mépriser toute forme de vie. Il jouait toujours négligemment avec un cure dent qui ne le quittait jamais. Mais surtout Hagan était un épéiste de talent, un sabreur de premier ordre qui ne connaissait pas de rival à South Blue. Et au grand dam de Rydd, Hagan était un chasseur de primes !

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            -«Rangez vos armes et déguerpissez. Je me charge du tabac, et vous vous restez en vie. Echange de bons procédés.»
            -«T’as pas l’impression de te la jouer avec moi ? Tu sais à qui tu t’adresses là ?»
            -«Oui… Rydd Steiner… Le chaton rouge de Saint Urea. La terreur des enfants, l’empereur de bacs à sable, le…»


            L’insulte était trop grande, Hagan n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Mais il eut le temps de parer l’attaque de Rydd à l’aide de son sabre. Car Steiner n’avait pas attendu la fin de la tirade de son rival pour lui sauter littéralement dessus. John trompe la mort n’était néanmoins pas disposé à laisser sa cargaison à d’autres et s’élança à son tour vers les deux hommes. Les deux chasseurs de primes virent le gaillard arriver et attaquèrent de tailles simultanément, Rydd attaqua l’épaule droite, Hagan la gauche. Par un incroyable tour de passe-passe, John une nouvelle fois parvint à esquiver. Mais il recula directement après l’attaque, après quelques secondes deux cicatrices monumentales apparurent comme des sillons au niveau de ces bras. Son sang gicla abondamment et il afficha un visage terrifié. Il fit alors volte face pour s’enfuir, Rydd déjà sur ses talons.

            -«T’as plus dangereux à t’occuper.» Marmonna Hagan tout en changeant son cure dent de position et attaquant une nouvelle fois à l’aide de son sabre.

            Rydd fut contraint de parer et laissa donc filer John qui une nouvelle fois trompa la mort. Les deux hommes ferraillaient donc avec technique et puissance mais une chose était certaine, Hagan était un bretteur d’une toute autre catégorie. Après quelques passes seulement il parvint à trancher plusieurs fois son adversaire, des blessures qui, bien que peu profondes, saignaient abondamment. En vérité Rydd avait toujours évité un maximum la confrontation avec Hagan. S’il était un chasseur de primes de grande classe, il ne pouvait rivaliser au sabre contre Hagan. Et malheureusement les armes à feu n’avaient jamais eu la préférence du tigre rouge. La partie semblait donc jouée d’avance mais pas question pour le donné perdant d’afficher une once de renonciation. Le combat pouvait donc durer longtemps dans la mesure où des hommes tels que Steiner son capable de tenir debout juste par simple orgueil…

            Pour sa part Hagan restait imperturbable, il jouait avec son sabre plus qu’il ne combattait. On eut dit qu’il dansait tant ses pas étaient précis, ses frappes légères et ses parades voluptueuses. Les blessures de son ennemi commençaient à s’amonceler sans qu’il ne ralentisse pour autant la cadence. Bien au contraire Hagan semblait vivifier par la vue du sang de son rival né. Il abhorrait Rydd au plus haut point, il le considérait comme trop sûr de lui et trop populiste. Pour lui, un chasseur de primes devait être discret et silencieux…

            Ainsi dans l’entrepôt 11 ne se jouait plus la paix d’un Royaume, le tout venait de devenir un simple duel de chasseur de primes. Deux écoles s’affrontaient, l’école silencieuse, discrète d’Hagan contre l’école de l’ultra-visibilité, tapageuse de Steiner. Et pour une fois c’est le tigre rouge qui était en difficulté. Il maudissait son manque d’entrainement à l’épée, il maudissait son manque de préparation, pourquoi n’avait il pas prit avec lui quelques pistolets pour inverser la tendance ? Quoiqu’il en soit le destin allait bientôt être scellé, Hagan pressait l’issue du combat avec des attaques de plus en plus puissantes. Les parades devenaient extraordinairement bruyantes tant les coups étaient violents. Finalement le sombre Hagan cracha son cure-dent qui, tel un carreau d’arbalète, vint se ficher dans le cou de Rydd qui tomba aussitôt à genou. L’impassible bretteur s’avança donc et leva bien haut son sabre pour mettre fin à ce qu’il estimait être une véritable mascarade.

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              -«ATTENDS ! ATTENDS ! REFLECHI ! SI TU ME TUES ICI PERSONNE NE VA LE SAVOIR ! Attache moi plutôt et montre que tu m’as capturé !»

            C’était une réplique désespérée mais qui toucha pourtant en plein cœur Hagan. Car si c’était lui le victorieux dans cet entrepôt, la majeure partie du temps c’était Rydd le grand vainqueur. L’étincelant chasseur de primes de Saint Urea avait effacé toute concurrence dans le cœur des gens. Et bien que très hautain, Hagan était également un homme ayant soif de reconnaissance.

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              -«Si je te conserve captif, tu seras libéré bien vite par ta protectrice la pierreuse. Je préfère ne plus t’avoir dans les pattes.»

            Voyant que Hagan discutait alors qu’il avait moyen de clore la conversation à coup de lame, Rydd comprit bien vite que son argument avait fait mouche bien que cela soit nié par son ennemi.

            -«Et alors ? Même ainsi tu seras le vainqueur. Tu seras celui qui a capturé le tigre !»

            Hagan marqua un long silence avant de répondre. Il jaugeait les avantages et inconvénients d’une telle situation. Et après une attente qui sembla durer des siècles pour Rydd, l’idée fut acceptée.

            -«Très bien tourne toi que je t’attache les mains.» Et Aussitôt Hagan mêla les gestes à la parole. Il serra si fort les liens que les mains de Rydd devaient être aussi rouges que les gants qu’il portait.

            Alors tous deux furent de nouveau debout dans l’entrepôt. Hagan poussa son captif de sa lame pour le faire sortir. Arrivé juste devant le bâtiment le bretteur se retourna, conscient que la porte qu’il venait de défoncer porterait préjudice à la sécurité du tabac. Il n’eut pas le temps de faire demi tour sur Rydd qu’il entendit un cri furieux.

            -«SORIYAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !»

            Rydd venait d’effectuer un coup de pied retourné magistral. Son talon entra en contact direct avec le menton d’Hagan qui vola sur plusieurs mètres avant de s’effondrer, inconscient.

            -«Pffff… Celle là, elle était sacrément limite… J’ai intérêt à pas le recroiser de si tôt celui-là…»

            Lorsque Hagan reprit connaissance, il était non loin de l'entrepôt et son sabre avait disparu. Quand il jeta un oeil à l'intérieur du bâtiment il constata que toutes les caisses avaient disparues.

            -«Rydd Steiner... Je vais te retrouver... Et je vais te TUERRRR
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            Quelques heures plus tard, Rydd faisait une entrée triomphale dans le salon privé de Stanhope. La Dame de pierre siégeait derrière un vaste bureau et était entouré de quelques conseillers qui tentaient vainement de la calmer depuis le début de la crise du tabac.

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            «Rydd Steiner, livraison minute de tabac de qualité pour vous servir !»

            Et derrière lui se pressait déjà un majordome portant un plateau d’argent sur lequel se trouvait la pipe de la dame de pierre et un élégant bol d’or contenant le fameux produit, source de tant de maux dans le Royaume. Mais Rydd, savourant sa victoire, voulait en rajouter encore dans le comique.

            -«Oh la ferme Steiner ! Asseyez vous et bouclez là !» Trancha Anne qui n’était pas calmée par l’apparition du tabac.

            Elle inspecta longuement le bol, le renifla, le soupesa puis vint à prendre un peu de tabac dans ses doigts, le frictionna, le respira encore puis finalement le plaça dans sa pipe. Son regard avait un côté lubrique proche de l’extase lorsqu’elle craqua une allumette et inspira une première bouffée. Aussitôt tout son corps sembla s’affaisser légèrement, comme si tous ses nerfs venaient de se détendre. Elle afficha même un large sourire, ce qui n’était pas commun chez elle. Elle offrit un cigare à Rydd qui s’en empara avidement.

            -«Je sais que vous êtes très friand de bons cigares Mr Steiner. En voilà un que je vous recommande. Pour mon malheur je n’aime pas le cigare alors que je n’en manque guère. Tandis que cela…»
            Elle désigna de la main le bol contenant le tabac. «C’est quelque chose qui m’est nécessaire, et ce qui m’est nécessaire est nécessaire au Royaume de Saint Urea et même à tout South Blue ! Je ne vous cache pas que nous avons frôlé plusieurs incidents diplomatiques avec les marines du gouvernement… Je vous suis très reconnaissante de ce que vous avez accompli Mr Steiner, réellement. Vous serez grandement rétribué pour votre peine et je vous serez gré de me donner les noms des commanditaires de cette fameuse affaire… Je veillerai à ce qu’ils soient particulièrement remercié également.»

            Rydd y vit là une occasion en or de se débarrasser d’un ennemi trop gênant.

            -«Oh il y a trois hommes en particuliers, Joe le balafré un homme qui travaille sur les docks, non loin du chantier naval. John le balafré un sacré lascar, richement habillé mais balafré en tous sens. Et… Hagan, le chasseur de primes.»

            Anne tourna la tête vers un homme qui notait frénétiquement les informations transmises et qui sortit en trombe une fois sa besogne réalisée.

            -«Très bien… Je vous remercie une nouvelle fois pour votre coopération. Ce geste ne sera pas oublié.»

            Le chasseur de primes venaient d’allumer son cigare et avait relevé légèrement sa cagoule pour l’occasion. Il tira longuement des bouffées avant de reprendre la parole.

            -«Je suis au service du Royaume Madame. Ce n’est pas gratuit évidemment… Par ailleurs mon maitre est fort touché de l’attention que vous lui portez. Il considère que mon travail pour vous est tout naturel.»

            Stanhope écoutait à peine tant elle était concentrée sur sa pipe.

            -«Certes, certes Mr Steiner… Bien, je ne vous retiens pas davantage. Les affaires du Royaume sont pressantes…»

            -«Oh oui ! Je n’en doute pas !» Il rebascula sa cagoule sur son visage et se leva.

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              -«Quoiqu’il en soit, si vous désirez recourir à mes services sachez que je suis toujours disponible pour travailler à vos côtés. Il vous suffit de m’appeler et je répondrai à votre appel aussi vite que possible !»

            -«C’est parfait monsieur Steiner !»

            Et le tigre rouge s’en alla sans dire un mot. Néanmoins, arrivé à hauteur de la porte menant à la sortie de la pièce, il se retourna.

            -«J’ai laissé un petit quelque chose pour vous en plus de la cargaison.»

            Et tandis que Rydd sortait de la pièce, un majordome apporta un document sur un second plateau qu’Anne s’empressa de découvrir. Elle ne parvint pas à réprimer un éclat de rire devant le document.

            -«Sacré bonhomme que ce Steiner…»

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