Sur un geste du noble juché sur ses murailles les soldats allument les mèches et l’une après l’autre les équipes déclenchent les catapultes, propulsant les bidons enflammés en long arc de cercles, raies lumineuses inscrites dans le ciel nocturne et plongeant vers les extrémités du bidonville de Grey Terminal.
Et en instant le monde des miséreux et des exclus sombre dans le chaos et la désolation, gonflés par le vent les flammes dévorent en un instant le tour du bidonville avant de filer vers le centre à la vitesse d’un cheval au galop. Le mur de flammes engloutit les maisons de fortunes et leurs habitants, provoquant en quelques instants la mort de milliers d’opprimés.
Et pendant que les nobles regardent leur œuvre de mort avec délectation une foule de gens terrorisés s’entasse aux pieds des remparts en suppliant leur bourreau de les laisser entrer. Et le noble fait tirer les soldats.
Repoussant la foule de miséreux vers leur bucher. Cernés par des flammes aussi hautes que les murailles de Goa, la plupart se résignent, pleurant en serrant une dernière fois leur famille dans leurs bras ou vouant aux gémonies les nobles du gouvernement mondial et leurs serviteurs. Le cercle se referme, et la chaleur infernale du brasier repousse mêmes les spectateurs les plus avides de sang des murailles.
Cachant aux assassins la dernière scène du drame. Venu de la mer un vent glacial et chargé d’humidité s’engouffre soudain dans le rideau de flammes, y ouvrant une large brèche et sauvant de justesse les civils de l’asphyxie tout en traçant dans les braises un chemin vers la survie.
Et pendant que les nobles de Goa festoient sur leur champ de cadavres, les survivants du massacre se pressent vers le bateau de l’homme qui vient une fois de plus de déjouer les plans machiavéliques des chiens de l’ordre mondial, Dragon, le plus grand meneur révolutionnaire de tous les temps…
Rossignol referme le roman, imaginant la scène dans sa tête, les flammes, les gens hurlant, et surtout Dragon, seul à la proue de son bateau, drapé dans une longue cape qui flotte au vent, regardant d’un air droit et dur les horreurs provoqué par l’ordre mondial qu’il a juré de renverser.
Dragon, de loin le héros qu’il préfère dans ses fascicules mal imprimés qu’il achète pour une poignée de berrys quand il descend au marché de Freetown. Des histoires de pirates, de révolutionnaires, des histoires vieilles d’un siècle mais aux personnages tellement vivant…
Et aux noms tellement plus imposants que Rossignol…
De toute façon il l’a déjà décidé, plus tard il sera révolutionnaire comme Dragon, et on l’appellera Red, comme les initiales de son nom complet, Rossignol Édouard Désiré… Comment peut ’on devenir un grand révolutionnaire avec un nom pareil ? Impossible.
Et plus tard, c’est maintenant.Red a eu quatorze ans hier, et c’est aujourd’hui qu’il a décidé de quitter l’ile. Il a laissé un mot aux vieux, bien en évidence, maintenant il faut embarquer avec la marée descendante, avant qu’ils ne le trouvent, ou revenir à la maison avant le matin.
Hors de question.Red sort sa pierre à feu et balance des étincelles sur la pile de bouquins jusqu’à ce que le premier s’enflamme, puis le suivant. Il hésite un instant en regardant le Dragon sur la couverture de celui qu’il vient de finir de relier. Puis le jette à son tour sur les flammes. De toute façon il n’a pas assez de place dans son sac pour les emmener tous. Et il les connait quasiment par cœur.
Dernière édition par Red le Jeu 26 Mar 2015 - 10:28, édité 1 fois