Diamond Eyes

« Tiens, Hope. Regarde ça, ça pourrait t’intéresser. »

J’attrape le journal qu’on me tend en le lisant d’un œil distrait. J’ai la cigarette à la lèvre et le verre de rhum à la main. Une série d’article, là, qui s’étale, sans vraiment savoir de quoi on me cause. Je sais pas ce que je dois regarder qui pourrait m’intéressé, j’essaye de faire preuve de bonne foi et de trouver. Entre « La demande du père Jean » et « Recherche d’une débroussailleuse à pile pour expérience » ou encore « vente de fœtus de cochon », je sais pas trop où donner de la tête. Parce que, je ne suis ni passionnée par les prêtres, les débroussailleuses ou les fœtus de cochon…

« T’es mignon mon grand, mais faudra être plus précis. Les actus, tout ça, c’est pas pour moi. »

Il se penche vers moi et tape du doigt sur le papier. Là, une annonce, une rechercher, dans la page. Pas bien grande, qui capte pas vraiment l’attention. Je pousse un long soupir et lis à haute voix ce que l’on m’a désigné :

« Rechercher : Jeune femme aux charmes exotiques pour escorte et service. Exige : talent particulier et discrétion, à préciser lors de l’entretien. Récompense. Contactez-le 3445 pour fixer rendez-vous… Mh. »

D’un mouvement brusque, j’attrape le col du gars qui m’a donné ça et le tire à moi en serrant le poing. J’ai pas l’air très contente. Je le suis vraiment pas. J’ai lâché le journal sur la table, j’ai la cigarette entre mes doigts et le regarde droit dans les yeux. Il est surpris, son verre s’écrase sur le sol et il me fixe sans vraiment comprendre ce qu’il me prend :

« Q-q-quoi ?! Qu’est-ce qu’il y a ?!
- Tu m’as pris pour une pute ? »

Je lui demande ça sérieusement. Ses yeux s’écarquillent de stupeur. Ce n’était visiblement pas son intention, de me vexer, mais il comprend qu’il s’y ait mal pris pour me suggérer de faire affaire avec ce type à l’annonce.

« Pas du tout, Hope, pas du tout ! »

Je le lâche brutalement. Il tombe sur les fesses et se relève en se frottant le derrière. Il s’essuie ensuite le front d’un revers de main tandis que je retourne à mes occupations. J’attends toujours des explications, parce que j’ai les nerfs.

« Le type qu’a proposé ça, c’est le Noble Laurie Nétisse. L’est du genre friqué et pas très intéressé par les demoiselles. Je pense que tu devrais l’appeler, vu que t’as besoin de thunes.
- Si je résume, dans ta plus grande générosité, tu me proposes d’appeler un phoque pédé jusqu’à la moelle qui demande des « talents particuliers » pour gagner des thunes. Qu’est-ce qui tourne pas rond chez toi ?
- Beh, c’est de l’argent facile !
- Y’a rien de facile à se retrouver dans une partouze de gros richards qui veulent tenter de nouvelles expériences !
- Bon, appelle quand même ! Ça se trouve, c’est pas du tout ce que tu crois. « Récompense » que y’a marqué ! Ça te sera toujours profitable !
- Je suis peut être fauchée, mais pas désespérée. Pour te faire plaisir, j’appellerai, mais s’il s’avère que c’est un gros piège et que je me retrouve au milieu d’une orgie de fétichiste, je t’égorge, t’as compris ? Je-t-égorge. »

Il déglutit, fait demi-tour et fonce à l’intérieur pour revenir avec un escargophone. Il me compose le numéro et me tend l’appareil. Puis repart comme il est venu.
J’entends l’appareil émettre une tonalité, j’attends. Au bout de quelques secondes, l’on décroche, et à l’autre bout, une voix pompeuse :

« Domaine de Maitre Laurie Nétisse, j’écoute.
- Yop, excusez le dérangement, c’est au sujet de l’annonce.
- Permettez, je vous prie.
- Faites donc.
- … … … Maitre, un appel pour vous.
- Dis que je ne suis pas là.
- Mais, maitre, le combiné est décroché et l’on vous a entendu, aussi, c’est pour l’annonce.
- Oh ! Passe-moi ça ! Mh, Allo ?
- Ouaip.
- Vous appelez pour l’annonce, est-ce bien cela ?
- Mh. J’ai besoin de quelques précisions…
- Parlez donc.
- Qu’entendez-vous par « service » et « talent particulier » ? Votre annonce a tout l’air d’une recherche de Call Girl, et si c’est là le tenant de l’annonce, vous pouvez vous gratter, avec tout le respect que je vous dois...
- Ahahaha, non pas du tout. Je suis en effet conscient de l’ambiguïté du message, mais il ne s’agit en rien de trouver une jeune femme aussi ouverte d’esprit et de corps. Si je voulais les services d’une professionnelle de ce genre, je n’irai pas la chercher dans les petites annonces. Je préfèrerai vous parlez de cela en face, mademoiselle… ?
- Hope.
- Mademoiselle Hope, pour être sure que vous ayez tous les informations nécessaires à votre mission.
- Mission ?
- Mission. Je cherche une personne particulière avec des talents particuliers, qui serait capable d’obtenir plus ou moins légalement quelque chose pour moi. Que diriez-vous de nous rencontrer ?
- Mh, ouais. Ça devrait pouvoir se faire.
- Pourquoi pas… Aujourd’hui ?
- Mouais, pourquoi pas.
- Dans une heure, chez moi ?
- Dans une heure, chez vous.
- A tout de suite, alors. Mademoiselle !
- A toute. »

Je raccroche. Je me passe la main dans les cheveux et regarde en face de moi. L’homme a su piquer ma curiosité, assez pour me motiver à aller vérifier par moi-même ce qu’on attend de moi pour cette annonce. J’attrape mon verre et le fini d’une traite. Le gérant revient vers moi timidement, s’installant à mes côtés pour se tenir au courant de l’annonce et de ce qu’elle concerne. Il me fixe, m’interroge du regard avant de reprendre la conversation en voyant que je ne suis pas encline à répondre :

« Alors ? Est-ce que j’avais raison ?
- Mh. C’est pas pour participer à des orgies. Je t’accorde ça.
- Mais euh… c’est pour quoi alors ?
- Pas eu de précision.
- Tu vas y aller ?
- Ouaip. J’y vais. »
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La maison est immense. C’est pas une maison, c’est un château. Pire, un palais. Je dis ça parce que je suis relativement impressionnée. Et c’est bien normal. Parce que j’ai rarement connu autant de luxure. Le portail, de plus de cinq mètres, s’ouvre devant moi. J’avance dans l’allée principale qui mène jusqu’au domaine. Un endroit gigantesque, de pierres blanches, donnant sur un jardin symétrique et d’un vert splendide. Même les fleurs sont parfaites, il n’y a pas une feuille de travers. Je fais mine de n’en avoir rien à faire, mais derrière mes lunettes, j’ai les yeux qui pétillent d’une malice d’enfant.
Mes pas me mènent jusqu’à l’entrée, une porte en bois sculptée, à laquelle je frappe pour m’annoncer. L’on m’ouvre. Un homme, un majordome, d’une soixantaine d’année, m’indique le chemin. Il est grand et fin, les joues creusées, l’air sérieux, les cheveux coiffés vers l’arrière. L’entrée fait la taille de l’hôtel ou je loge. L’hôtel entier. Un lustre en diamant trône au milieu, tout en haut, surplombant la salle. Des tableaux, des portraits, aux murs, des sculptures le long des meubles pour étaler la richesse, même de vieilles armures en acier forgé, qui doivent couter un bras, ou deux.

« Le salon se trouve à votre droite, si vous voulez bien me suivre… »

J’hoche la tête et prends le temps de parcourir la pièce. L’endroit est si vaste que j’ai l’impression d’y passer un temps fou. Mes yeux ne sont pas assez rapides pour me poser beaucoup. Et le salon est une autre histoire, aussi féérique. Un salon avec des meubles anciens et vernis, un piano à queue en fond de salle, une fenêtre donnant sur l’arrière de la maison qui est composé d’un jardin et d’une forêt en fond.

« Mademoiselle Hope ! »

Un petit homme trapu me saute dessus, des rouflaquettes, un monocle et un costume parfaitement taillé à sa stature. Ses joues sont rougies par l’excitation d’avoir enfin trouver quelqu’un pour répondre à sa requête.

« Venez-vous installer. »

Il ne m’en laisse pas le choix, m’attrapant par la taille pour m’amener jusqu’à son canapé. Je m’y installe, m’enfonçant dedans comme dans un chamalow géant. Il tape dans ses mains, son majordome apporte deux tasses et un thé fumant qu’il sert en me proposant des sucres ou du citron. Je décline.

« Je suis ravie de vous voir. Vous correspondez physiquement à ma recherche, c’est parfait. Enfin, à deux trois détails près. »

Je fronce le nez. D’agacement. Soudain. Qu’il est méchant. Deux trois détails près ? Je suis pas assez bien pour lui, peut-être ?

« Détails ?
- Votre tenue, votre coiffure, vos lunettes. »

Franc. Ce gars a vraiment pas peur. Il ne sait pas à qui il a à faire. Tant pis pour lui. Je n’ai qu’une envie, lui jeter ma tasse à la figure et lui refaire le portrait à coup de pied dans la tête. Mais je me retiens, parce que je suis chez lui, son invitée, et que ça ferait vraiment mauvais genre.

« Qu’est-ce qui gêne ?
- Pas assez sophistiqué. »

Je t’en foutrai du sophistiqué.

« Mais Antonio se chargera de ces détails plus tard si notre accord se fait.
- Commençons tout de suite. »

Il me sourit.

« Commençons par le début, même. Je me nomme Laurie Nétisse, je suis un noble, issu d’une famille prestigieuse d’hommes et de femmes travailleurs et intelligent qui ont fait fructueux leurs biens. Je suis dans la vente du cuivre, que je fais extraire grâce à mon entreprise. Et aujourd’hui, j’ai besoin de votre aide, mademoiselle Hope. Je suis un passionné d’art, encore plus de bijoux de femme. »

Je fronce un sourcil, écoutant attentivement.

« C’est une passion qui me vient de ma mère, elle-même portée régulièrement à son cou ou à ses oreilles des perles d’une splendeur peu commune, qui m’ont toujours fait rêver. »

Parfaitement sordide. Encore un con avec un Œdipe non résolu.

« Il y a peu, lors d’une réception organisée en mon honneur, j’ai croisé l’un de mes amis d’enfance, Lord Crocket, qui était en compagnie d’une charmante jeune femme. Cette demoiselle portait un collier à son cou, un collier que j’ai eu l’occasion de voir dans un livre, un cœur en Saphir dans une structure d’argent. « Le cœur de l’océan », qu’il se nomme. Une merveille sans nom. »

Il me sort une photographie et me la montre. Je constate : le saphir, le collier, la chaine, l’argent.

« Je la veux. J’ai déjà tenté de négocier avec cet ami, qui a purement et simplement refusé toutes mes offres sous prétexte qu’il s’agit d’un bien familial. Je me fiche de cela. Je le veux ! Il doit m’appartenir ! Et c’est là ou vous intervenez ! »

Je soupire, je le pousse d’un mouvement de main à continuer son récit :

« Je veux vous payer, la somme qui vous plaira, pour dérober le collier des mains de Lord Crocket pour me le remettre, à moi. Lors d’une soirée sur un bateau de croisière, le Titanic, en direction de la prochaine île. C’est un homme très protégé, limite paranoïaque, mais face à vous, votre beauté, son style de femme, il ne pourra que céder. Vous pourrez en faire ce que vous voudrez, vous avez le choix sur la méthode à employer, mais il me faut ce collier, qu’importe le prix !
- Ok, ok. J’ai compris l’histoire. Vous voulez que j’aille sur un bateau pour bobo riche, me faire passer pour une des leurs, me rapprocher de ce type, que je le piège, que je lui prenne son collier et que je revienne ici pour vous le passer. Fixons le prix.
- 300 000 Berries.
- Combien vaut le collier ?
- Il est inestimable.
- Mh.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- 300 000 Berries, pour un collier inestimable, ça me fait mal. Voyons, je ne suis pas un enfant de chœur, Monsieur Nétisse. Et en affaire, je n’ai pas envie de me faire avoir. S’il est si inestimable, mettez-y le prix.
- Je peux doubler !
- C’est déjà mieux. Mais pas assez.
- Tripler ?
- ça me va. Je peux mettre mes conditions maintenant ?
- Allez-y ?
- J’accepte que votre majordome s’occupe de me changer pour plaire à votre ami, il me faudra une photographie de Lord Crocket, une robe à disposition – et pas de la petite friperie, cela va de soi -, la moitié payée d’avance et un numéro ou vous joindre.
- Pour la somme, c’est tout à la fin !
- Ce n’est pas négociable.
-
- Alors ?
- Très bien. Vous êtes dure en affaire. »
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Putain de merde.
Soirée pourrie en perspective. J’avance d’un pas lent vers le port, vers l’embarcation. La passerelle est avancée, mais j’ai du mal à me mouvoir dans mon bustier. Il me couper la respiration, me comprime la poitrine. Mes pieds se prennent sans arrêt dans ma robe, et mes chaussures me font un mal de chien. Souffrir pour être belle, mon cul ouais. C’est de la torture, c’est inhumain. Et je t’en parle même pas pour lisser ma coupe afro, Antonio y a bien passé trois heures en me jurant qu’il avait bientôt fini. Le résultat ? Parait-il « spectaculaire ». Je me sens pas moi-même. Mais c’est le jeu.
Par contre, j’ai la vague impression de m’être faite entuber salement par le noble, là. Lui qui m’avait cédé les derniers points n’a pas tenu sa parole en temps voulu. Je me retrouve donc à bord d’un putain de rafiot sans les sous qu’on m’avait promis en poche et l’étrange impression que cette histoire sent pas bon. Mais maintenant que j’y suis, je sais que je pourrais toujours rebondir. Je grimpe le long de la passerelle en me tenant à la rambarde, un peu hésitante dans ma démarche. Ça se sent. Les gens me regardent, et je sais pas si c’est parce que j’ai l’air de pas savoir tenir sur mes béquilles ou si c’est parce que j’ai l’air totalement différente.
Tu parles.

Je donne le ticket qu'on m'a fournie pour que je puisse faire ma croisière tranquille et file vers la salle de réception. Le Titanic, c’est un navire qu’est très grand, aussi grand, si ce n’est plus, que la maison du Laurie Nétisse. Luxueux, encore, un truc qu’a dû couter pas mal et qui me fait mal au cœur. Ouais. Autant de richesse exposée aux yeux de tous pour montrer qu’on en a, je trouve ça dégueulasse. Mais pas le temps de papoter plus longtemps là-dessus, j’ai un truc à accomplir et surtout, un pauvre type à trouver pour le piller. Je regarde à gauche, à droite, et je le vois nulle part.
Un serveur passe à ma droite et me tend son plateau. J’attrape un flute de champagne avec un sourire surfait. Il s’éloigne pour se rapprocher des autres convives. Je tourne à nouveau sur moi-même et cherche du regard ma cible. Impossible de la trouver quand soudainement, une main touche ma hanche. Reflex, je me retourne pour voir à qui j’ai à faire et je tente de mettre de côté mon instinct bestial qui me dit de péter la tronche à ce connard qui se permet de me tripatouiller les miches. Miracle !

« Veuillez m’excuser, vous aurez-je fais peur ? »

Lui. Là. Le Lord ; son sourire de dentiste, ses yeux pétillants, ses cheveux bouclés mi-longs, ses fossettes gracieuses, son air charmeur. Le même que sur la photo. Il tend sa flute de champagne et la tape doucement contre la mienne, se présentant à moi :

« Lord Crocket. Et vous ?
- Comtesse du… euh… »

Je me tourne sur moi-même et remarque une jeune femme avec une broche en ivoire :

« Comtesse du mont Ivoire.
- Enchanté.
- De même. »

Putain. Je veux crever.
Nouveau sourire surfait, je remarque derrière lui la présence d’un homme. Massif, musclé des pieds à la tête, l’air patibulaire, avec l’étrange impression que lui décrocher un sourire doit être l’épreuve la plus dure d’une vie. Je le regarde et interroge du regard mon nouvel interlocuteur :

« Mon garde du corps. Veuillez excuser son comportement, il n’est pas très loquace mais je ne le paie pas pour cela, hahahaha ! »

Il éclate de rire. Je le regarde, un peu sur le cul, mais ris à mon tour pour ne pas le vexer. Il se croit vraiment drôle où… ?

« Qu’est-ce qu’une charmante créature comme vous fait ici ? Et mont ivoire ? Qu’est-ce donc cela comme famille ? »

Je t’en foutrai de la créature, moi. Mh, bon, trouver une histoire plausible. Prendre une voix de mal baisée et l’air niais.

« Je viens d’une lignée des îles de Calm Belt qui gouverne une partie des archipels là-bas. Un endroit charmant, je suis attristée que vous ne connaissiez pas les monts euh… Saphir et Emeraude qui surplombent tout le paysage. En plus d’être une terre pleine de richesses, l’endroit est une merveille et offre un panorama magnifique. Je vais me rendre à un congrès qui me passionne, sur la prochaine île.
- Congrés ? Sur ? »

Je plisse les yeux… Congrès sur quoi, hein ? PUTAIN MAIS J’EN SAIS RIEN. Tu vois pas que je mens comme une arracheuse de dent, connard !

« La recherche sur les… poissons… vaches ! »

« Poisson » parce que c’est le plat qui me passe sous le nez que les serveurs tendent à tout va. Vache, parce que la bonne femme à côté à une robe imprimée vache et que l’alliance des deux donne vraiment n’importe quoi.

« Oh, tu entends ça Rambo ? Un congrès sur les poissons vaches ! Ça doit être passionnant ! Nous pourrons peut être nous joindre à vous ?
- Put- Euh… Non… Enfin, si, probablement… Je l’espère ! »

Nouveau sourire superficiel, je fais un mouvement de tête pour dégager mes cheveux et le séduire d’un papillonnement de paupière. L’homme regarde mon cou avec envie et moi je me demande ce qui tourne pas rond chez ce type.

« Et vous, qu’est-ce qui vous amène ici ?
- Les vacances, le plaisir. J’adore voyager, c’est si excitant… »

Son regard se fait langoureux sur son dernier mot. Il me jette une œillade pleine de malice. Intérieurement, je soupire : ce gars est trop bizarre et j’ai certainement pas envie d’aller me retrouver dans un congrès inventé sur les poissons vaches en sa compagnie. Bel homme, mais certainement pas mon genre. Je lui rends son regard langoureux avec difficultés : faut le dire, la situation me dégoute. Et le garde du corps qui me fixe sans me lâcher des yeux, comme pour essayer de me sonder. Je sais pas ce qu’il voit, je veux pas savoir, ce duo est trop louche.

« Que diriez-vous d’aller danser ? »

Plutôt mourir.

« Avec plaisir ! »
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Ses mains sont sur mes hanches, il me tient fermement pour me coller contre lui et être au plus proche dans sa démarche. J’ai les pieds en feu, l’envie de mourir. J’en peux plus de cette putain de soirée. Au moins, le poisson est dans les filets et il m’amène exactement ou je veux : dans sa suite. On monte les étages, on passe par l’ascenseur avant d’aller jusqu’à la porte de sa chambre. Il l’ouvre avec un regard qui en dit long sur la suite des évènements et me permet de rentrer juste avant lui. Je pénètre dans la pièce et fais mine de ne pas être impressionné. Maintenant, c’est trop facile, je suis vaccinée. Quoiqu’il faut avouer que la vue à cent-quatre-vingt sur la mer juste en face, ça a de quoi faire rêver.
L’endroit pu le luxe, un peu comme partout ici. Un lit ovale, une armoire massive et sculpté, des meubles de marbre, des statuettes chers, un bar pour combler ce monsieur : un appartement entier pour celui qui prend la suite. Je lève les yeux au ciel : personne n’est contre un peu d’étalage de fric, mais là, ça devient gonflant. L’argent, j’aime bien, quand j’en ai. Et comme c’est jamais vraiment le cas, même si je fais semblant, ça me blase un poil. Je me tourne vers mon nouvel ami qui s’approche du bar en voulant me servir un verre. Je refuse poliment, m’installant sur le canapé en cuir devant la baie vitrée.
Il s’installe à côté de moi avec un cocktail en main puis le pose sur la table basse. Il pose sa mimine sur mon épaule et se penche pour l’embrasser. Il remonte à mon cou et en profite pour en arriver à mes lèvres. Depuis combien de temps ne m’avait-on pas embrassé ? Très longtemps. Et c’était pas pour me déplaire. Par choix, parce que les hommes sont généralement tous des beaux connards qui ne font que des crasses. D’expérience, je le sais. Je généralise, parce que c’est plus facile de détester que de pardonner. Et ce Lord Crocket vaut pas mieux, malgré son flouz.

Je me recentre sur ma mission. J’essaye de comprendre ce qui l’attire chez les femmes dans mon genre. Un coté sauvage, j’imagine. Une liberté, quelque chose d’insaisissable. Alors d’un mouvement sec, je le repousse et grimpe sur lui pour prendre le dessus sur notre situation. Ses yeux s’illuminent instantanément, comme transcendé par mon geste. J’ai vu juste. Quel idiot. J’ai quand même l’étrange impression d’être tombé sur un gros dérangé, avec quelques neurones grillés. J’ai sans doute raison. Il rougit d’excitation en ouvrant sa chemise dans la précipitation. Il casse deux boutons et me montre un buste recouvert de bleu en tout genre.
Un masochiste. Un pervers masochiste qui va me demander de le fouetter. Putain.

« Dompte-moi comme la sauvage que tu es ! »

J’aurais dû m’y attendre. Dominateur dans la vie, dominé dans son lit. Tellement cliché.
Je lui fais un sourire malsain, parce que c’est l’opportunité de ma soirée. Le grand coup. Il est aux anges, persuadé d’avoir trouvé une détraquée dans son genre qui prend un malin plaisir à fouetter les hommes. J’attrape son verre posé sur la table basse et son regard perd tout de suite l’éclat de tantôt. Il comprend qu’il s’est fait entubé, et pas comme il aurait aimé l’être. Je lui assène un grand coup sur la tête, le verre éclate en mille morceaux et lui entaille le front. Il tombe dans les vapes, une bosse grossissante qui prend de plus en plus d'ampleur.

« Je t’en foutrai du sauvage, fils de chien. »

Je me relève et laisse son corps inanimé sur le canapé. J’ai un petit moment devant moi pour trouver ce que je cherche. J’en profite pour enlever mes chaussures et les balancer dans la pièce. Libérer de ce poids, j’avance vers son lit et retourne les tiroirs. Rien, nada. J’avance vers la bibliothèque, les armoires, tout y passe. Les tableaux enchainent, je les fous tous à terre pour trouver le coffre. Il me faut une clef, que je vais chercher sur le corps de ma victime. Accrochée à son cou, elle pend. Je l’enlève, la prends, l’amène ou je veux et ouvre le coffre. A l’intérieur, des billets, des biens en tout genre et surtout, sur son socle, le collier que je suis venue cherchée.
Je prends tout dans mes mains, puis me rends compte que je n’ai pas la coupe afro pour stocker. Je soupire. Je fourre le collier dans mon décolleté et repose tout le reste. Bordel, je passe à côté d’un joli butin. Je passe une bague à mon doigt pour arrondir la fin du mois lorsque je la revendrai et tourne les talons pour me diriger vers la sortie. Arrivée devant la porte, je l’ouvre et vois dans l’encadrement le Rambo qui me regarde avec son air de chien de garde et qui sort de sa ceinture un pistolet.

Bordel.
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Rambo est dans la place. Et Rambo a très envie de me trouer la tête avec son joujou. Je l’en empêche d’un coup de pied dans le poignet. Il lâche son arme mais ne reste pas comme un con avant de réaliser. Il fonce sur moi, la tête la première, enfonçant son front dans mes côtes et m’envoie en arrière. Je tombe, il m’écrase de tout son poids et essaye de m’immobiliser. Je me débats tellement qu’il finit par me laisser une ouverture dans laquelle je m’infiltre. A cela j’entends un coup de pied bien placé. Il se plie, se retire et me laisse le temps de me relever et de reprendre mon souffle.
Ce connard m’a tapé dans le plexus. J’ai mal au dos. J’attrape un tableau à côté et lui balance dessus. Il se protège avec ses avants bras en essayant de se relever, mais j’enchaine pour l’empêcher de reprendre pied. Il finit tout de même par se remettre sur ses pattes et m’envoie son poing au niveau de la tête. J’esquive en me penchant légèrement, envoyant mon coude s’enfoncer dans son ventre. Il recule, soupire mais repart immédiatement à la charge. Ce mec est une machine, j’ai rarement vu ça. Et sacrément musclé que ça en fait vraiment peur.
Il pose ses mains sur ma taille et me soulève brusquement. Il me passe par-dessus lui et j’anticipe son initiative de vouloir me faire prendre de la hauteur pour ensuite me jeter à terre. Je mords violemment sa main, ce qui l’oblige à me lâcher, me casse à moitié la gueule mais m’accroche à son cou. Je tombe derrière lui mais continue à tirer pour le faire plier et lui enfoncer mon genou dans la colonne. Chose faite, il pousse un hurlement presque similaire à un rugissement. Je le relâche tandis qu’il se met à ramper par terre en essayant de faire passer la douleur.

« T’es pas une marrante toi.
- T’es pas drôle non plus. »

Il sourit. Il va pour se relever mais je le prends de vitesse, envoyant un violent coup de genou dans son tibia. Je lui assène ensuite une droite dans le nez, qui l’oblige à rester à terre en se tenant le pif et la jambe. Il n’a pas l’air content, surtout pas d’être agresser de la sorte par une donzelle qui doit faire à peine le poids de son bras gauche. Je me saisis du premier tiroir à ma droite et lui écrase sur le sommet du crâne. Sa main touche le sol, mais il ne s’évanouit pas.

« Bordel, t’as la tête forgée dans du caillou ou quoi ?! »

Il éclate de rire et me fait une grimace qui ressemble à un sourire. J’ai dû voir juste, ce mec est pas humain. Ou alors, vraiment trop bizarre. Un type surentrainé qu’est pas fait pour lâcher à la première droite bien placée. A nouveau, il fonce dans ma direction et m’attrape par la taille. Il me projette en arrière et j’atterris sur la table la plus proche. Il monte dessus, on entend le bois craquer sous son poids.
Un craquement en entrainant un autre, c’est la table qui cède purement et simplement tandis que je tente d’éviter ses gros poings en me dandinant comme je peux et en retenant son coude de toutes mes forces. On est tous les deux surpris par la chute de la table, on a sacrément l’air con surtout. Mais parti comme on l’est, on peut faire pire. J’ai bien entamé le bordel en remuant tout comme je l’ai fait, Rambo a l’air décidé d’y mettre une couche personnelle. Il prend mon bras et me relève brutalement en serrant son étreinte. Je glapis en essayant de me libérer de sa prise, mais il me balance sur la commode en marbre en attrapant le miroir juste au-dessus. Le dit miroir, il tire violemment dessus et me le balance dans la gueule.
Je me protège la tête comme je peux, mais pas moyen d’éviter les éclats. Ça me transperce la peau, un peu partout. Je sens le sang perlait sur mes bras, sur mon buste. D’un mouvement rapide, je repousse le miroir qui tombe juste à côté et me relève avant que Rambo ne décide de m’en coller une. J’ai mal. Putain que j’ai mal. Mais tant pis, j’ai aussi ma vie à sauvegarder.

« On t’a pas appris à crever ?! »

Il se retourne vers moi et attrape la première chaise à sa droite, il me la balance à la gueule. Je saute en un grand écart parfait qui l’impressionne et me rue dans sa direction. Dans le corps à corps, on fait pas le poids, il a l’avantage. Mais un géant ne se relève pas lorsqu’il est à terre, surtout lorsqu’il est attaqué de tous les côtés. Je lui colle un coup dans le nez, à nouveau, qui le fait tituber. Il se rattrape au mur le plus proche mais j’enchaine, attrapant l’autre chaise que je lui éclate dessus. Des bouts de bois se collent dans son avant-bras, le fait saigner.
Œil pour œil, dent pour dent.
Ensuite, mon pied rencontre à nouveau son ventre, lui coupe la respiration. Il a les abdos tellement solides que ça amortie la moitié du truc, ça fait pas l’effet que ça veut, mais tant pis. Je dois pas m’arrêter là. Je peux pas, c’est une question de survie. J’attrape l’arrière de sa tête entre mes mains et la baisse brutalement pour qu’elle rencontre mon genou. Je sais pas qui se fait sérieusement le plus mal : lui, ou moi ? Parce que sa tête est dure. Mon genou aussi, mais pas assez pour le sonner. Je m’essouffle, mais je dois continuer. Ou alors, me barrer d’ici.

Je jette un coup d’œil en arrière : la porte est grande ouverte. Rambo comprend le message. Il m’en empêche. Il me hisse sur son épaule et me balance sur le lit avant de se jeter sur moi en prenant son élan. Sous son poids, je m’enfonce dans le matelas. Il casse les lattes en dessous. Toutes. A un tel point ou tous les deux, on descend d’un bon mètre. Et :

« Bonne nuit ! »

Et paf, un coup de tête. Et aie. Et zou.
Dodo. Nuit noire.
On baisse le store. La partie est terminée.

Echec. Mat.
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Ça ballotte.
Putain que ça ballotte.
J’en ai la nausée. Et un mal de crâne. Sûrement le coup de tête qui a eu raison de moi. Mais y’a autre chose comme… trop de pression dans le système nerveux. C’est pas la faute de la réflexion, hein. Je suis pas forcément fournie pour ce genre de chose. Nan, c’est juste que j’ai la tête en bas, trop de sang dans le cerveau. J’ouvre les yeux. Je suis sur l’épaule du Rambo, en sac à patate, les pieds et les mains ligotés. Il fait un froid de canard, sans doute que les mers de North Blue sont plus ou moins fraiches de nuit.
Bordel.

« Voilà, mademoiselle la comtesse du Mont ivoire est réveillée ? »

Je sens qu’on m’attrape par la ceinture et qu’on me jette violemment contre la rambarde du bateau. La douleur se fait ressentir, dans le dos, partout, imminente, présente, folle. J’en ai le souffle complètement coupé. J’ouvre les yeux et essaye de distinguer la présence des hommes. Le Lord est là, et pas très content. Rambo aussi, avec un cocard énorme et la lèvre fendue. Je souris. Ça plait pas au Lord. Il m’envoie un violent coup de pied dans la jambe pour se venger. Je retiens un cri, mais je souffre. Et j’ai envie de lui éclater sa sale tête de gros frustré dans l’acier de la structure du navire.
Je souris :

« J’ai bien dormi. »

Pas vrai. J’ai un mal de tronche carabiné. Il me fait un rictus de mépris.

« Tant mieux. Maintenant, vous allez faire trempette. »

Ah.
Ah merde.

« Rambo, balance-la par-dessus bord. »

J’écarquille les yeux et vois le grand mec baraqué s’approcher de moi. Il m’attrape par les liens et me remet sur mes jambes. J’ai mal à mon tibia fraichement attaqué, je manque de me casser la gueule, mais je me retiens à mon ennemi qui veut se débarrasser de moi en me jetant à la flotte. Je le regarde dans les yeux, pour voir s’il est sérieux. Il en a l’air. Il me pousse et mon dos rencontre la rambarde derrière, je manque de m’étaler par terre à cause de mes pieds noués.

« Plus vite que ça. Et je veux que les requins viennent la manger. Non, mieux ! Je veux qu’un monstre des mers vienne la manger ! »

Je souris. La dernière fois qu’un monstre marin m’a mangé, il m’a vomi. Mieux vaut deux fois qu’une. Et jamais deux sans trois. J’attends les deux prochains poissons qui voudront m’avaler. Ils risquent d’avoir des surprises. Rambo me reprend par la taille et me pousse vers l’arrière pour me faire passer par-dessus. Je sais pas pourquoi, mais dans un élan de « ok, j’y passe, mais j’amène le gros musclé avec moi », je passe les liens autour du cou du lascar, tire un grand coup sur mes chevilles pour casser mes cordes et enserre la taille de mon nouveau compagnon de trempette.
Rambo pique par l’avant, embarqué par son poids, nous passons tous les deux à la flotte. Les dix mètres, on les parcourent à vitesse grand V, atterrissant dans un fracas énorme qui passe pourtant inaperçu au vu de l’heure tardive et du bruit des vagues.
La tête sous l’eau, je bas des pieds pour remonter à la surface et reprendre ma respiration. Rambo fait pareil, à un point ou j’en oublie que je suis encore attachée à lui. J’enlève ma prise et m’éloigne un peu, pour pas que lui vienne l’idée de me noyer. Il me regarde avec un air haineux, pas franchement content de se savoir ici. L’eau est froide. Mais il se tourne vers le bateau de croisière, le Titanic, qui avance doucement.

« Envoyez-moi une bouée !
- une quoi ?!
- UNE BOUEE PUTAIN DE MERDE !
- J’entends pas ! Oh ! Attendez, une planche en bois !
- Putain mais qu’est-ce qu’il fait ce crétin ? »

De l’autre côté, on voit le Lord lutter quelques minutes pour lancer un objet plat et spacieux par-dessus bord. Ça fait un autre bruit tonitruant. On s’y approche tous les deux à la nage avant de remarquer que ce n’est qu’une planche en bois.

« Putain, mais il est con ! »

Je cherche pas à comprendre. J’ai pas envie de boire la tasse plus longtemps. J’avance et m’agrippe à notre embarcation de fortune, j’y grimpe pour me mettre hors des flots. Je tends la main vers l’autre gars et lui fait de la place pour qu’il se joigne à moi. Il se fait pas prier. Il a raison.



« On en a pour combien de temps ?
- Tout dépend. Avant que quoi ? Qu’on se fasse bouffer par un monstre ? Qu’on arrive à une île ? Qu’on nous repêche ?
- Je sais pas. Un des trois.
- Je sais pas. Une heure. Douze heures. Ou cinq. J’ai le mal de mer.
- Manquait plus que ça.
- Je me fais chier.
- Dors.
- Mais j’ai le mal de mer, je peux pas dormir.
- T’es bien une gonzesse, tu fais chier. Et puis, c’est quoi cette coupe afro ?!
- Ma coupe afro t’emmerde, connard.
- Je critique pas. C’est marrant. C’est bien, même.
- Venant d’un mec qu’à la gueule bouffie, y’a intérêt que tu critiques pas.
- Ma gueule n’est pas bouffie, je supporte mal les crevettes.
- Je vois pas le rapport.
- J’ai mangé des crevettes au buffet.
- T’es con.
- J’aime bien les crevettes.
- Cette conversation est nulle.
- Ouais… … … Tu fais quoi dans la vie ?
- A part tabasser des gros lourds et leurs voler des trucs ? Rien.
- T’as volé quoi ?
- Attends… Ce truc.
- Putain, tu l’as caché dans ton soutif ? C’est pratique.
- Très.
- Et tu te fais pas chier, tu voles le truc le plus cher.
- Tant qu’à faire.
- Tu t’appelles ?
- Michaela.
- Michaela, t’as de beaux talents. Que dirais-tu de me louer tes talents quelques temps ?
- Tout dépend, on en cause si on survie.
- Faisons donc. »
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