- Précédemment...
- Spoiler:
- Partie en italique : Première manifestation du mantra de Salem.
Le silence était complètement poignant, mortuaire même. Mis à part le tintamarre de quelques grillons et nos bruits de pas, l’on n’entendait pas grand-chose. Personne n’avait la foi pour oser dire ne serait-ce qu’un mot. En même temps, il fallait avouer que l’heure n’était pas aux réjouissances. Nous étions mentalement au plus bas. Moi en particulier. J’me demandais encore comment avais-je bien pu fauter aussi bêtement. Et là, je puis vous assurer que je me sentais complètement indigne de mon rang de commodore. J’eus un soupir. Le genre de soupir qui en dit long sur mon état actuel. J’avais l’esprit un peu embrumé, confus. Un amalgame de déception mais de colère, si je puis m’exprimer ainsi. Déçu par mes piètres prestations de marine. En colère parce qu’il fallait que je venge la mort de mes deux camarades lâchement assassinés. C’était d’ailleurs cette éventualité qui me réconfortait un peu, parce que ouais, j’ne comptais pas laisser ces crimes impunis. Idéologiquement, j’étais totalement contre le fait qu’une tierce personne puisse se faire justice soi même. Mais plus nous rebroussions chemin, et plus j’avais cette idée dans la tête. Me venger, me venger, me venger… C’était un peu comme si on avait imprimé le mot vengeance dans mon esprit. Mot qui commençait à me consumer sérieusement de l’intérieur. Pourquoi attendre l’aube pour ce faire, que m’étais-je soudainement demandé. Et là, j’eus un sourire malsain que personne ne put voir vu que j’étais en tête de la file. Sourire qui s’effaça bien vite néanmoins, quand nous eûmes l’ouïe d’une grosse explosion perceptible à des milliers de kilomètres…
En l’espace d’une seconde, ma respiration s’accéléra et les pouls avec. Mon cœur ne fit un bond, un peu comme s’il voulait s’arracher de ma cage thoracique. Une goutte perla sur l’une de mes tempes, pendant que j’distinguai de loin, les prémices d’une catastrophe importance : De grandes fumées noires s’élevaient au ciel. Et mauvaise coïncidence ; ces fumées là se trouvaient là où nous avions laissé le Léviathan. Sans me poser de questions, et sans plus regarder en arrière, j’commençai à courir à travers la forêt comme un dératé. Ma charge me ralentissait un peu, mais je n’avais pas non plus l’intention de jetter le cadavre d’un de mes hommes. Avec tous les animaux qui grouillaient dans l’coin, certainement que je ne le reverrais plus si je me risquais à l’abandonner. J’esquivai les grosses branches qui se penchaient méchamment sur mon chemin, ainsi que les grosses racines noueuses des gigantesques arbres qui semblaient vouloir nous obstruer le passage. J’avais un mauvais pressentiment. Un très mauvais pressentiment. Ce qui accéléra ma course, comme si je tentai de fuir quelconque monstre du coin. Plus j’avançais et plus l’endroit que j’essayais d’atteindre était brillant, ardent. Un incendie. Un putain d’incendie. J’en étais sûr ! J’en avais même la certitude ! Mais intérieurement, je priais pour que le Léviathan et ses occupants soient épargnés ! Il y avait assez de morts comme ça ! Mon sprint prit tellement d’ampleur que j’avais l’impression de ne plus sentir mes pieds toucher le sol. Mais alors que je voyais le bout de cette végétation, que j’arrivais enfin à la lisière de cette forêt, que se profilait devant moi…
• Impossible…
… L’apocalypse. Il n’y avait pas d’autres mots pour décrire ce que mes yeux voyaient là. De gigantesques flammes rongeaient l’arrière du Léviathan. Même de loin, on avait l’impression d’être à l’intérieur d’une fournaise, tant lesdites flammes étaient puissantes et ardentes. Mes yeux s’écarquillèrent grandement tandis que mon cœur battait plus fort que jamais, prêt à me lâcher. Je déglutis devant ce spectacle épouvantable, lâchant même et sans le savoir, le cadavre du sous-officier que je transportais. Je finis même par tomber sur mes genoux, assistant impuissamment l’enfer qui m’était donné de contempler en live. Comment était-ce possible ? Je ne le savais pas, je ne le savais plus… Mais bizarrement, un nom me revenait incessamment en tête : Morvak… J’aurai voulu crier, mais encore me fallait-il de la voix. Voix qui semblait elle aussi me quitter, m’abandonner. Pourquoi le sort s’accablait-il contre moi ? Qu’avais-je fais de mal ? Pourquoi moi… ? Pourquoi nous ?! Les Dieux m’avaient-ils lâché ? Avais-je fait quelque chose d’horrible pour mériter ce sort accablant et cette déveine qui ne voulaient plus me quitter ? Au bord de la panique totale et à l’énième battement de cœur, j’eus alors un cri. Un horrible cri qui couvrit tout le boucan environnant. Un cri à vous couper le souffle et à vous glacer le sang. J’agrippai ma tête, avant de tomber au sol. Et c’est alors que j’entendis une voix… Non ! Des voix. Plusieurs voix. Plusieurs voix qui résonnaient dans ma tête et tout près de me l’arracher. Pénélope, Ceres, Oswald, Rain, Stark, Taiten, Toutou-kun… Je les entendais tous comme s’ils étaient tous près de moi… Et pas qu’eux.
• KEICHI, OSWALD !!!! NE VOUS OCCUPEZ PAS DU LEVIATHAN ! SUIVEZ-MOI PLUTÔT !
Ma voix de stentor avait une nouvelle fois couverte le capharnaüm qui régnait sur les lieux. Je ne les avais pas vus, mais je savais intuitivement que ceux que j’avais appelés à me suivre étaient proches. Jamais je n’avais été aussi impérieux. On aurait pu croire que je frisais la folie, mais non. Je ne savais pas pourquoi, mais j’avais l’ultime conviction d’avoir « entendu » les incendiaires pas très loin d’ici. Ça pouvait sembler fou, mais c’était comme ça et pas autrement. Sans compter que j’avais foi en mon intuition. Sans attendre ceux que j’avais nommés, j’me mis à piquer un sprint dans la direction opposée. Certains de mes hommes m’appelaient, mais je n’avais pas le temps de les écouter. D’autres me regardaient impuissamment et complètement dépassés. Ils ne croyaient pas en ce qu’ils voyaient. Le Léviathan était certes en mauvaise posture avec ce brasier, mais il était entre de bonnes mains. J’avais foi en ceux qui se trouvaient à l’intérieur, à savoir Pénélope, Rain ou encore Ceres… Là encore, ne me demandez pas comme j’avais su que ces officiers étaient sur le Léviathan. Irrémédiablement, je vous renverrai à mon intuition. Les ronces et les branches qui voulaient obstruer mon chemin, volaient en tous sens. Maintenant que je n’avais plus de charge et que j’avais dégainé mon meitou, je pouvais aisément me débarrasser de ces gênes. La vengeance avait refait surface et m’avait donné de nouvelles ailes. Je tenais une piste. Une piste qui pourrait sans aucun doute nous faire remonter au fameux Morvak. J’avais maintenant de bonnes raisons de lui en vouloir ce connard. En plus du meurtre de mes hommes, il venait de s’en prendre au vaisseau de l’amiral en chef…
Dernière édition par Alheïri S. Fenyang le Dim 10 Juin 2012 - 6:11, édité 2 fois