La pluie tombait drue. Suiji leva la tête, observa ces dizaines de milliers de larmes célestes amorcer une chute fulgurante, pour éclater en sol en dizaines de minuscules diamants, avant de sécher sur le sol. L'île de Tanuki lui plaisait déjà. Il aimait la pluie, tant pour le son des gouttes ruisselant sur les feuilles des arbres, que pour le plaisir qu'il éprouvait à les sentir humidifier peu à peu le haut de son crâne, comme s'il s'agissait d'une bénédiction divine. Les odeurs de la forêt étaient exacerbées, aussi. Il inspira, tentant de décrypter les différentes sensations olfactives, et repris sa route. Il devait se rendre en ville, et n'avait pas le temps de s'arrêter à la chasse aux plantes ou aux animaux. C'était d'ailleurs bien dommage, puisqu'il avait repéré une odeur de coriandre, et il en avait besoin pour tester une nouvelle recette. Il arrêta son regard sur Yaen, qui l'accompagnait encore, et lui demanda ce qu'il pensait de la situation. Bien entendu, le singe ne comprit pas un traitre mot de ce qu'il dit, et se contenta de répondre en agitant les oreilles.
Bien. On va dire que ça signifie qu'il l'encourage à partir en quête de coriandre, malgré l'interdiction du Capitaine Vail de s'éparpiller. Il avait été chargé d'une mission importante, et ce n'était pas le moment de perdre du temps pour des bêtises. Au fond, personne n'irait répéter qu'il avait profité de son passage sur Tanuki pour jeter un coup d'oeil à la flore. Il resta sans doute une demi-heure à étudier minutieusement et précautionneusement chaque plante nouvelle, des racines jusqu'au bout des feuilles. Il fit même quelques prélèvements qu'il glissa dans son sac. Il ferait sécher tout ça et essaierait de se renseigner sur ces différentes plantes. Maintenant, il avait du pain sur la planche, et ce serait bien dommage de ne pas le découper.
Yaen partit devant, sans doute dans le but de trouver quelques fruits à grignoter en ville. Sans s'inquiéter, Suiji avança pour essayer de repérer les lieux. Il constata que les rues étaient relativement vides, comme si les gens avaient peur que la pluie ne soit une terrible menace pour leur survie. Peut-être était-ce le cas, qui sait ! Ils étaient peut-être allergiques à l'eau de pluie, et craignaient qu'une goutte ne les atteigne, provocant ainsi une poussée de bouton effroyable. A moins que ce ne soit un jour férié et qu'ils soient tous en train de célébrer en famille l'heureuse naissance d'une divinité il y a plusieurs centaines de milliers d'années.
Quoi qu'il en soit, pas un chat ne trainait dans les rues, par contre, il y avait un chien. Suiji alla s'assoir à distance, observant l'animal, étudiant chacun de ses mouvements. Sans doute un chien de chasse, vu son allure fière et droite. Une silhouette se profila dans la rue, et le chien s'arrêta de bouger. Suiji était trop loin pour entendre ce que disait l'homme qui s'attaquait l'animal, et ne comprenait pas vraiment ce qui se passait. Tout ce qu'il vit, c'est que ce suppôt de Satan, ce moins que rien, cet homme sans moral et sans âme torturait un animal sans défense, qui ne faisait que vivre sa vie, et le tout à l'aide d'un pouvoir diabolique dont il ne percevait pas l'origine – il ne connaissait guère les différents FDD. Qui plus est, il pouvait sentir l'angoisse de l'animal lorsqu'il n'avait plus eu le contrôle de ses mouvements, ce qui n'était pas non plus pour plaire à Suiji.
Habitué à prendre son temps avant d'agir, il n'amorça pas le moindre mouvement sur le coup, ce qui laissa le temps à une autre personne d'intervenir. Curieux, Suiji se leva, et s'approcha des deux protagonistes qui se lançaient dans un début de combat, d'après ce qu'il pouvait en déduire. A portée de voix, il put entendre le nom de chacun. Bara Emi, et Seiko Sanzashi. L'un comme l'autre n'avaient pas l'air d'être nés de la dernière pluie – ils n'auraient eu que quelques minutes de vie sinon, évidemment – et la conscience du jeune cuisinier lui signifia qu'il ferait mieux de ne pas trop chercher de noise. Instinctivement, il posa une main sur le sac qui pendait à son côté, contenant quelques ustensiles de cuisine qu'il avait apporté en cas de problème.
Il se trouvait à quelques pas d'eux, et ne savait pas vraiment ce qui l'avait motivé à se rapprocher. Après tout, ce n'était pas son problème, ce qu'ils pouvaient faire. Son regard tomba de nouveau sur le chien, et il s'en approcha sans vraiment prêter attention aux deux autres, en essayant de lui envoyer toutes sortes de sentiments apaisants.
« Mon pauvre ami, ne t'inquiète pas, tu ne risques plus rien. Va, file et ne traîne pas n'importe où... »
Il regarda l'animal filer sous son ordre, et planta son regard dans celui de Seiko. Il était en apparence impassible, et aucune contraction sur son visage ne venait trahir sa rage. Son regard, par contre, avait perdu cet aspect éteint qui lui était caractéristique, et reflétait une colère immense, brillant d'une lueur haineuse.
« Une très grande volonté peut-être, mais accompagnée d'un manque d'humanité certain, et d'un sadisme indéniable. C'est dommage, si tu n'avais pas fait de mal à ce chien, je t'aurais presque trouvé sympathique. »
Il hésita un court instant avant de plonger la main dans son sac pour en sortir une cuillère en bois. Il était suffisamment proche pour se lancer dans un combat au corps à corps et c'était sans doute l'amr la plus appropriée. Néanmoins, il ne se lança pas immédiatement dans la lutte, préférant guetter la réaction de chacun, prêt à se défendre face à Seiko ou à Bara, ou même à se retirer du combat si Emi lui signifiait qu'elle tenait à régler ce problème seule.
[HRP] Je suis un peu crevée alors c'est pas de grand art... [/HRP]