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Seconde rencontre ; Une histoire de bretteurs [Honoka Suzuke]


    Dans un bureau de la caserne de Las Camp...

    • … Et voilà toute l’histoire, Salem…

    Le lieutenant-colonel Jayden semblait complètement malheureux. Et il y avait de quoi. L’affaire qu’il venait de me raconter était tout d’même folle, et pas qu’un peu. Grosso modo, il s’agissait d’un nouveau gang qui semait la terreur à Las Camp, déjà que la ville était cataloguée comme étant « le repère des forbans ». C’n’était pas moins de 6500 personnes qui vivaient chaque jour dans la peur, ce qui me faisait plutôt pitié. J’en avais touché un mot à mon père, mais les hautes strates semblaient ne pas vouloir s’occuper normalement de cette ville. En même temps, fallait avouer qu’hormis un buster call destructeur, rien ne pourrait alors changer la donne dans ce trou perdu de West Blue, réputée pour être la mer la plus dangereuse après celle de Grand Line. Un cas qui semblait de plus en plus désespéré, vu comment la pègre était profondément encrée sur cette île. Et j’en venais même à me demander comment Jayden faisait pour ne pas tomber dans la corruption. S’il se démenait quotidiennement, le nouveau gang qui venait de prendre ses marques lui donnait des sueurs froides. A en croire ses dires, il n’s’agissait uniquement que de bretteurs qui commettaient de multiples forfaits en tout genre. Récemment, ces derniers auraient même saccagé un orphelinat, avant de s’en prendre directement à la marine, et ce, plusieurs fois de suite. Un affront que l’on ne pouvait laisser passer, même s’il s’agissait du fief officiel de plusieurs bandits. Et c’est dans cette optique des choses, que j’avais été sollicité depuis Shell-Town, malgré mon récent grade de colonel…

    En effet, si les rumeurs étaient fondées, le chef du nouveau gang n’était autre que Ryuta, un ex-samouraï qui s’était reconvertit dans la piraterie, après avoir été renié de la communauté de Wanokuni pour sa trop grande cruauté. Depuis lors, il aurait fait chemin du nouveau monde, jusqu’ici, avant de s’imposer encore par la force, et de prendre place en tant que nouveau leadeur de la nouvelle clique naissante qui prenait de plus en plus d’ampleur. Un phénomène du nouveau monde que personne ne semblait être en mesure de pouvoir arrêter. Personne… Sauf peut être moi. De toutes les blues, j’étais après tout l’un des plus forts, sinon le bretteur le plus fort de la marine. N’était pas Fenyang, qui voulait. Après ses explications, le vieux Jayden se prit la tête dans les bras et éclata en sanglots. L’homme était bien trop vieux pour livrer correctement bataille. Et Ryuta, par le biais de ses hommes, l’avait déjà bien trop humilié comme ça. Pris d’une certaine compassion, je me levai de mon siège et m’approchai du vieux lieutenant-colonel, avant de tapoter son épaule avec un sourire rassuré. J’avais peut être grinché lorsque mon vice-amiral de père m’envoya ici, mais j’étais dorénavant prêt à prendre l’affaire en main. Et pas plus tard que maintenant. « Ne vous en faites pas Jayden. Je règlerai ce problème pour vous. » En l’espace d’une seconde, le vieillard passa des pleurs aux rires, et me serra fort dans ses bras ; si bien que je dus jouer des coudes pour m’enfuir et commencer mon enquête…

    Quelques minutes tard plus tard, en pleine ville…
    Pour passer incognito et me fondre dans la masse -Même si c’était plutôt mission impossible vu mes deux mètres cinquante et ma popularité- j’avais troqué mes vêtements d’officier de la marine, contre un kimono noir plutôt sobre. J’avais aussi attaché un turban blanc autour de ma tête, histoire qu’on ne me reconnaisse pas immédiatement, et force était d’avouer que ça marchait plutôt bien. En même temps, les rues bondées de monde n’pouvaient que me servir. L’atmosphère de la ville était plutôt détendue, un peu comme n’importe quelle autre ville, à la seule différence que les malfrats en tout genre se promenaient impunément dans les avenues qui en grouillaient même. Après ma dernière visite ici, datant d’il y a un an, rien n’avait vraiment changé. Plutôt décourageant comme constat, surtout pour la population qui devait énormément en souffrir, mais qui semblait s’en être accommodée. Tournant un peu dans le centre ville, et après quelques observations plutôt distraites, j’finis par prendre la direction d’un bar. Y avait-il meilleur endroit qu’un pub pour soutirer des informations ? Petite phrase qui me fit sourire intérieurement. J’me serais bien passé des bars malfamés de la ville, mais les marines de Jayden n’avaient aucun indice. Pas la moindre info susceptible de m’aider à remonter jusqu’à Ryuta. Encore que nous n’étions pas sur qu’il s’agissait de lui, ce forban ayant la coquette somme de 35 millions de Berrys sur la tête. Qu’est ce qu’un tel gars chercherait dans ce bled pourri ? La formation d’un équipage pour asseoir ses idéaux malsains sur les blues ? Va savoir…

    • Holà étranger ! Bienvenue !

    A peine étais-je rentré dans le local, que le barman m’accosta de très loin. J’eus un air légèrement surpris, avant de me mettre à sourire et à avancer sans rien dire. L’coin n’était pas trop rempli, parfait pour des questionnements, même si la première chose qui m’tapa à l’œil était la présence d’une femme, à en juger par le kimono rose qui s’remarquait de très loin. Mais j’avais mieux à faire pour le moment qu’essayer de draguer : Sympathiser avec le barman et lui extraire les infos que j’voulais. « Du saké, je présume ? Rien de mieux qu’un bon saké en début d’après-midi ! »  Je hochai doucement ma tête pour l’approuver et prit tranquillement place au comptoir. Alors que l’enthousiaste barman me servait un verre, j’m’allumai une cigarette, avant de regarder un peu partout. Il était plutôt pas mal ce bar, finalement. Propre, bien entretenu, et peu bondé… On sortait carrément de l’archétype des pubs crades et poussiéreux qu’on avait l’habitude de rencontrer un peu partout. Lorsque le proprio vint me déposer le verre et que j’eus à le payer, une discussion s’entama tranquillement. Mais pas pour longtemps. Puisque brusquement, le volubile s’arrêta de parler, et observa des mouvements derrière moi. Des types qui se dirigeaient vers le comptoir. Croyant que j’avais été découvert, je dégainai mon meitou d’un pouce, mais ils ne firent que me dépasser. Soupirant d’aise, je rengainai le kashuu, et observai à mon tour le mouvement des deux brutes épaisses qui se positionnèrent finalement vers la jeune femme que j’avais aperçu en entrant. Et autant dire qu’ils partaient vite en besogne, vu que l’un d’eux empoigna avec véhémence l’un des bras de la demoiselle…

    • On t’as pas vu ouvrir la bouche depuis que t’es entrée ici, beauté. T’veux pas venir faire un tour avec nous, qu’on s’amuse entre nous ? J’suis sur que tu t’plairas bien en notre compagnie, et t’as pas intérêt à refuser, erk erk erk erk…

    Yare Yare. Ça sentait les emmerdes pour elle. Et à plein nez.



Dernière édition par Alheïri S. Fenyang le Sam 31 Aoû 2013 - 14:25, édité 1 fois
    J'ai la tête comme une pastèque ce matin. J'ai ressorti un kimono appartenant à ma mère. Je suis venue à la taverne ce matin. La seule façon d'oublier ce tragique évènement. Mon vieux maître, ce vieux débris, il est mort. Mort heureux vu le sourire figé sur son visage quand je l'ai retrouvé. Je me retrouvais à nouveau seule comme il y a neuf ans. Lors de ma fuite de Wano, c'est ce vieux croûton qui m'a aidé à ne pas abandonner l'art du sabre. Par où aller maintenant qu'il n'y a plus de petite lumière au bout ?

    Je regardais mon verre d'un oeil morne. Je n'avais plus le coeur à boire. Ça fait deux semaines que je cuve, mais plus rien me semble vivant. Tout est gris pour moi à présent, et mes yeux tristes expriment tout ce que je ressens. Je vois un homme rentrer. Plutôt beau gosse, en kimono et un turban... Je levai un sourcil avec étonnement. C'était si rare de voir quelqu'un dans une tenue aussi ridicule. Pour les autres il passe inaperçu, mais pour moi, une originaire de Wano, c'est assez drôle de voir un gars dans le type beau gosse habillé comme ça.

    Il s'asseoit, commence à boire et discute avec le patron. C'est si étrange. Je me demande pourquoi ce gars me dit quelque chose. Pourtant, je me serais souvenu d'un pauvre type comme lui. Les personnes pas ordinaires que je rencontre, je ne les oublies jamais. Ce gars, il me dit vraiment quelque chose. Mais ma gueule de bois n'arrange rien. Je n'arrive pas à savoir d'où je le connais. Je soupira en voyant deux grands gaillards pas vraiment respectables rentrer à leur tour. Las Camp est vraiment une belle île. Mais ces gangs ruinent tout. Résultat, les chasseurs de primes se font rares, même s'il y a du gain. La Marine aussi n'y arrive plus. Un sabreur est arrivé récemment, jolie mise à prix comme j'ai pu le voir ! Ç'aurait été une bonne occasion de se mesurer à un homme de rennomée.

    Mais la seule chose qui m'intéresse à présent c'est de noyer mon chagrin. Aucun homme ne pourrait me faire tourner la tête de passion ou d'amour. Aucun. J'ai pu remarqué amèrement il y a longtemps à quel point ils avaient une nature arrogante et méprisante. Quel homme se préoccuperait d'une pauvre apprentie alcoolique comme moi ? Juste un sadique ou un vieux dragueur. Je sentis une forte poigne se refermer sur mon épaule. Mes yeux se levèrent vers les deux loubards. Celui qui me tenait me jeta un regard qui disait bien des choses :

    • On t’as pas vu ouvrir la bouche depuis que t’es entrée ici, beauté. T’veux pas venir faire un tour avec nous, qu’on s’amuse entre nous ? J’suis sur que tu t’plairas bien en notre compagnie, et t’as pas intérêt à refuser, erk erk erk erk…

    Ils venaient d'arriver et ils venaient déjà baver sur mon corps ? C'est bien ce que je dis, les hommes sont tous des cons au fond. Je leur répondis avec un regard ennuyé :
    -Non merci, je suis très bien ici à cuver mon alcool. Et si tu veux t'amuser, c'est à mes lames que tu vas parler. Rien que de te voir, j'ai envie de vomir. Alors j'ai un conseil à te donner pour te plaire en MA compagnie, n'essaie pas de me toucher si tu veux que je t'égorge comme un cochon !

    Le sourire qui lui pendait aux lèvres disparut. Son air mauvais me fit comprendre que j'avais chercher les emmerdes. Je pense plutôt que c'est lui qui est venu me chercher. S'il m'attaque, il risque de le regretter.

    • Hé bien... C'est qu't'as les crocs tigresse ! Nous aussi on a aussi un conseil à te donner. Soit tu bouges ton cul de gonzesse fissa, soit tu vas voir ce qu'on fait au p'tites enthousiastes d'ton genre !


    Le ton qu'il employait ne me plaisait pas du tout. Pour qui se prenait-il ? Non mais franchement, pourquoi j'irais me balader avec un inconnu qui doit avoir en plus une sale réputation. Je lui montrais un de mes sabres avec un regard froid.

    -Je t'ai dit qu'il n'y a que mes armes qui te parleront. Insiste pas et dégage, sinon je te refais le portrait.

    Son sourire état mauvais. Il me montra les fourreaux que son copain et lui portaient à la ceinture :

    • Tu vois ça ? On fait partie du nouveau gang. Mené par un très bon sabreur. J'te conseille d'pas jouer l'entêtée et de te ramener ! Allez viens ! On va tellement se défoncer qu'tu planeras ! J't'assure qu'ça sera vraiment cool poupée !

    Il me prit par le poignet. Un très bon manieur de sabres ? Tiens donc ? Et c'est lui, un abruti qui n'a sûrement pas le même niveau, qui me menace ? Il devrait réfléchir à deux fois avant de me harceler comme il le fait. De plus, j'avais pas entendu parler de ce nouveau gang. Encore des types sans avenir qui se croient plus forts que les autres ! Je hais les arrogants. Ils ne savent pas voir réellement avec leurs yeux ce qui les entourent.

    Ces deux crétins commençaient sérieusement à me courir sur le haricot. Avec un mouvement imperceptible, je frappais celui qui me tenais par le poignet à la nuque avec le fourreau de ma lame. Il alla s'écraser sur une autre table. Je me levai rapidement avant que son pote ne me rattrape.

    Je criai au tavernier :
    -Je vous rembourse une prochaine fois ! Juste le temps de vider leurs poches !

    De toute façon, le tenancier du bar est habitué. Quand j'arrive à trouver de l'argent, je lui paye mes bouteilles. Il sait que je finis par rembourser un jour ou l'autre. Il hoche la tête et je sors en courant du bar, suivie des deux clowns. Une charrette est garée à côté de moi et je saute dessus, ayant l'intention de me débrouiller pour monter sur les toits de la ville. Pas facile la grimpette d'ailleurs... Une explosion retentit alors dans la rue d'où je viens, tout près du bar. Je m'arrête, perplexe. Que s'est-il passé ? J'ai été trop distraite. Les deux gars arrivent derrière moi... Zut ! Je fixe le foin qu'il y a sous mes pieds... Y en a-t-il assez pour que je me cache ?


    Dernière édition par Honaka Suzuke le Jeu 8 Aoû 2013 - 22:49, édité 3 fois
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      C’est qu’elle avait du caractère la belle demoiselle. On était loin d’une quelconque mijaurée ou d’une peureuse qui aurait vite fait de paniquer. En même temps, dans cette ville, ne venait pas dans un bar qui voulait. Mis à part les péripatéticiennes qui n’avaient pas trop le choix, les femmes avaient en horreur ce genre d’endroit en général. Cette pensée m’rappelait un peu mes maitresses qui avaient du mal à me suivre lorsque j’avais dans l’idée d’aller m’installer dans un bar. C’était aussi ma façon de procéder lorsque j’voulais me débarrasser de l’une d’entre elle. J’eus un petit sourire, mais qui disparut bien vite. Si les femmes n’aimaient pas trop les bars, qu’est-ce qu’une fillette de son genre venait chercher dans ce genre d’endroits ? L’exception à la règle ? Peut-être bien, même si je trouvais l’idée assez improbable. Par contre, vu sa mine, on pouvait en déduire qu’elle venait noyer un certain chagrin. Chagrin que je n’avais pas de mal à déceler dans ses yeux, maintenant que je pouvais bien l’observer entre les deux lourdauds qui voulaient d’elle. Ou plutôt de son corps. J’comptais bien intervenir au bout d’un moment, quand la conversation prit une tournure qui m’plût assez. Un nouveau gang mené par un très bon sabreur, hein ? Voilà qui est vraiment intéressant. J’restais donc en place pour essayer d’en entendre plus, quand la jeune fille coupa court à la discussion en réussissant un tour de force plutôt bluffant. Et ce n’est que lorsqu’elle prit la fuite que je décidai enfin de bouger mes fesses.

      Je dégainai aussitôt ma lame sous la mine étonnée du barman, avant de courir derrière les poursuivants de la demoiselle au beau kimono. Quelques instants plus tard, c’était l’explosion. Causé par qui ? Par bibi, bien sûr. Pour arrêter les deux idiots à la libido enflammée, j’avais usé d’une lame d’air qui s’écrasa sous leurs pieds, avant de provoquer un énorme impact. Mais bizarrement, personne aux alentours n’semblait effrayé. A croire qu’ils étaient bien habitués à ce genre d’évènements dans cette cité. Une épaisse fumée fit vite d’envahir le point d’impact, pendant que je sortais tranquillement du bar. Ce que j’avais fait n’était peut-être pas discret, mais ça avait au moins le mérite d’être efficace. Une forte brise se chargea de dissiper la poussière environnante, laissant apercevoir deux corps qui gisaient lamentablement au sol. Ils étaient bien beaux, ceux qui se vantaient tout à l’heure de faire partie d’un nouveau gang en devenir. Même que c’est avec peine qu’ils tentèrent de se redresser, et autant dire qu’ils étaient déjà salement amochés. Faut dire que j’n’avais vraiment pas fait dans la dentelle, mais il y avait toujours deux cas dans cette situation : Soit j’étais devenu trop fort, soit ces gens étaient bien trop faibles. D’ailleurs, à la façon dont la jeune fille s’était bien vite débarrassée de l’un, il y avait fort à parier qu’ils étaient nuls comme pas possible. Ce n’est que lorsqu’ils réussirent à tenir enfin sur leurs jambes sans trop trembler, que je me permis de prendre la parole, histoire de briser le silence accablant du coin.

      • Auriez-vous l’amabilité de me conduire chez votre chef ? J’ai deux ou trois choses à régler avec lui.

      • Héhéhé ! Rêve gros bâtard !

      L’un d’entre eux sortit une espèce de sifflet qu’il n’hésita pas à utiliser. Un son strident s’éleva dans les airs. Certaines personnes avaient instantanément bouché leurs oreilles, tandis que d’autres préféraient s’éloigner à grands pas de ce lieu qui allait se transformer en une arène de combat. Quelle était cette manœuvre ? Ils comptaient appeler des renforts ? Sans aucun doute, pour ne pas dire que j’avais visé juste. Plusieurs hommes affluaient soudainement des couloirs et boutiques qui se trouvaient à proximité. Et tous étaient armés d’un sabre, sinon de plusieurs. A croire que ma bonne étoile n’m’avait pas abandonné. Si je réussissais à tous les neutraliser, j’aurai au moins un idiot qui me livrerait les informations dont j’avais tant besoin. J’eus un sourire d’imbécile heureux, avant de mettre en garde, lorsque le type au sifflet me pointa du doigt. Automatiquement, tous ses copains dégainèrent leurs lames. On allait bien s’amuser, et j’le sentais. Séance tenante et dans des cris de rage, ces gens se ruèrent vers moi. A ce rythme-là, c’était pas du jeu ! Dire que j’pensais qu’ils viendraient un à un. Faut croire qu’ils n’faisaient pas dans la demi-mesure. J’me mis à tournoyer sur moi-même en bougeant mon arme dans tous les sens. Mon initiative pouvait sembler idiote et hasardeuse, mais il n’en était rien, car j’évitais leur coup d’estoc en me mouvant, et en leur administrant des attaques qui portaient leurs fruits. Puis, une bourrasque se forma autour de moi, balayant littéralement quelques ennemis. C’était au moins une quinzaine d’hommes qui retombaient lourdement au sol, à mes pieds…

      • Hohé ! Le bâtard ! Regarde un peu par ici pour voir !

      Lorsque j’me retournai vers la voix qui m’interpellait, j’vis une scène qui m’ôta le sourire aux lèvres. Ces deux connards avaient attrapé une jeune fille d’à peine 10 ans. Elle avait un sabre sous la gorge et sanglotait déjà. J’me mordis la lèvre. On avait là un gros problème. Un très gros problème. J’aurai pu rapidement aller la délivrer, mais les autres bretteurs à qui j’avais fait mordre la poussière, se relevaient tranquillement, sourire victorieux aux lèvres. « Tu crois qu’on n’te connait pas dans les environs ? FENYANG !!! » J’écarquillai un instant les yeux, avant de froncer mes sourcils une nouvelle fois. L’enfoiré avait fini par me démasquer. Que devrais-je faire maintenant ? Taper dans le tas… ? Fuir… ? Toutes ces idées me paraissaient improbables. J’finis par casser ma position d’attaque, avant d’observer les deux pervers d’un air menaçant. Leur demander de libérer la petite ? Bien sûr qu’ils ne le feraient pas. D’ailleurs, je comprenais mieux pourquoi il s’attaquait à cette civile. Les innocents étaient le point faible de tout marine intègre, l’évidence même. Et comme j’étais un marine bien connu pour son intégrité, il ne leur fallut pas longtemps pour mettre en place ce plan assez lâche. La trentaine d’hommes qu’ils avaient réussi à appeler à la rescousse grâce au sifflet, m’entoura immédiatement. J’étais maintenant en mauvaise posture et c’était peu d’le dire. Sans hésiter encore une fois, mes opposants se mirent m’attaquer lâchement ; et je n’avais que pour me défendre, l’esquive et les contre, tout en espérant que quelqu’un puisse venir délivrer l’enfant, ce qui me permettrait d’en finir une bonne fois pour toutes.

      Spoiler:



    Dernière édition par Alheïri S. Fenyang le Sam 31 Aoû 2013 - 14:24, édité 1 fois
      Je me suis cachée dans la charette. Elle était pleine de foin. Alors, évidemment, j'avais le nez et les yeux qui picotaient à cause de la poussière. Ce serait plutôt compliqué pour rester invisible. Un seul éternuement et tout était fichu. Je msi ma manche devant ma bouche afin d'apaiser cette irritation le temps que cela se calme. Seulement, les évènements qui se produirent à la suite confirmèrent un fait indéniable. Las Camp grouillait de truands. Il fallait bien que des personnes s'occupent de leur cas. Je pensais que les deux idiots abandonneraient en voyant que j'avais disparu.

      -Auriez-vous l’amabilité de me conduire chez votre chef ? J’ai deux ou trois choses à régler avec lui.

      J'ai froncé les sourcils légèrement. Etrange. Je ne savais pas à qui était cette voix. Je ne savais pas non plus à qui il s'adressait. Piquée par la curiosité, je décidais de jeter un coup d'oeil... Discret évidemment... Entre les brins qui recouvraient ma tête, je discernais... L'inconnu de la taverne ? Et les deux imbéciles plutôt amochés. Ils n'avaient cependant pas l'air très coopératifs. Pas étonnant vu la sale réputation qu'ils devaient avoir... Il y a vait une chose que je ne comprenais pas dans tout ça. Qu'est-ce que le gars en habit dépareillé avait comme liens avec ces hommes ? Il n'était pas du coin et ça se voyait. Enfin, c'est surtout moi qui m'en rendait compte. Un kimono et un turban ne vont décidémment pas ensembles. Les truands répondirent toujours avec cette insolence et ce ton hautain. Puis l'un des deux sortit un sifflet. Mes tympans connurent alors l'expérience la plus désagréable de leur vie. le son strident retentit dans l'air, vrillant mes oreilles à un point que je dus appuyer mes mains sur mon pauvre crâne qui souffrait le martyre. Bon sang... Saleté de gueule de bois ! Le boucan qui résonnait dans ma tête était digne d'une fanfare.

      Je ne m'étais pas rendue encore de tout le remue-ménage qui règnait dans la rue. J'entendais des cris. La situation dégénérait autant que ça ? Il fallait que je reste cachée. Dans ce genre de règlement de compte, il valait mieux ne pas trop s'approcher. En fait, il ne fallait surtout pas voir ni entendre quelque chose de trop secret. On risquait souvent sa peau dans ces cas-là. Des piétinements et des bruits d'armes se distinguèrent nettement dans le chaos. Un frisson m'a parcouru le dos. Mauvais ça... Très mauvais... Je ne suis pas du genre lâche. J'ai ma dignité quand même ! Je sais néanmoins reconnaître une situation dangereuse... Me jeter dans celle-ci serait simplement du suicide.


      J'allais commencer à ramper dans la mer de foin quand un pied avec une botte a atterri juste entre mes jambes. Ouh. Ce n'était pas passé loin. Un type et ses drôles d'amis venaient d'arriver. Qu'est qu'il faisaient là ? A croire qu'il répondaient à l'appel du sifflet de l'autre... Oh ! Mais bien sûr ! Ils demandaient du renfort. Quelle idiote je suis pour ne pas m'en être rendue compte plus tôt !

      Je m'immobilisai automatiquement. Inutile de trahir ma présence. J'étais dans de beaux draps maintenant. Que les hommes étaient fatigants à vouloir tout le temps chercher la bagarre. Enfin... Je ne pouvais pas dire grand-chose de différent des samouraïs... Le bruit du combat régnait. Et moi j'étouffais sérieusement sous tout ce foin. Et ça continuait... Je pleurais comme si j'avais épluché des oignons. J'avais toujours été très sensible à la poussière et tout ce qui irrite de toute façon. Une voix perça alors tout ce boucan (Ouch mon crâne...) :

      -Hohé ! Le bâtard ! Regarde un peu par ici pour voir !


      Bon, il n'y avait pas trente-six milles personnes à affronter ces voyous. J'en déduisais avec un peu d'incertitude que ces mots étaient adressés à l'inconnu de la taverne. Quelques minutes se sont écoulées. Evidemment, sans voir ce qu'il se passait, je ne pouvais pas comprendre.

      -Tu crois qu’on n’te connait pas dans les environs ? FENYANG !!!

      J'ai d'abord froncé un sourcil. Puis le deuxième. Ensuite, j'ai écarquillé les yeux. Parce que j'ai soudainement compris de qui ils parlaient. Fenyang ? LE colonel Fenyang ? L'officier de la Marine dont la popularité traversait toutes les mers. Je ne peux vous décrire ma surprise. Par contre, je peux vous dire la réaction idiote que j'ai eue. J'ai émergé du foin d'un coup, bousculant par la même occasion le type à côté de moi, pour m'exclamer (bien haut et fort s'il vous plaît !) :

      -Quoi ?! Pas possible !

      -Mais-mais... Qu'est-ce qu'elle fiche ici cette nana ?!

      Boulette. Magnifique et stupide boulette. Me rendant compte de ma bêtise, je dégainais mon arme tout en observant ce qui m'entourait. Alors... Plus d'une vingtaine d'hommes, plus le Marine, plus un gars pointant un sabre sous la gorge d'une gamine, est égal à la situation la plus désespérée à laquelle je n'ai jamais assisté. J'ai avalé ma salive. Bon sang, c'était véritablement mal barré. Contre une ou deux personnes, je n'aurais eu aucun mal... Mais eux ! Je n'arrivais même pas à les compter tellement ils étaient nombreux.

      Si je ne pouvais pas les mettre au tapis toute seule ; puisque oui, maintenant j'allais avoir de sérieux problèmes avec ces types ; il me fallait trouver de l'aide du côté de la seule personne qui semblait en mesure de s'opposer à eux. L'officier de la Marine. Un homme. Mon honneur en prendra un coup, c'est certain. Mais dans l'immédiat, je n'allais pas m'ouvrir le ventre. Mon but principal était de me dépêtrer de cette mouise et de partir ensuite fissa ! Les affaires de ces truands ne me concernent pas, et puis, ils ne méritent même pas que je m'occupe d'eux.

      Le colonel était en difficulté à cause de la gamine prise en otage. La sauver ? Plus facile à dire qu'à faire. Depuis que j'étais sortie de ma cachette, ils avaient les yeux ronds comme des billes et les plus proches tenaient leur arme, prêts à m'égorger au moindre mouvement que je ferais. Même un léger tremblement entraînerait un massacre sans précédent. Et même si je souhaitais sortir de cette histoire sans aucune égratignure, je peinais un peu à l'idée de m'allier et d'aider le sabreur aux habits dépareillés. Parce que c'était un homme. Comment ça j'exagère un peu ? Je suis comme je suis, et (presque) rien ne pourra me faire changer. C'est comme ça, que voulez-vous...

      Cependant, je ne pouvais nier que j'étais autant en position de faiblesse que l'officier. J'ai esquissé une grimace avant de soupirer. je ne pouvais que me résigner à cette seule solution. Le gars qui tenait l'enfant n'était pas si loin que ça de moi. Entre lui et moi, il y avait quelques uns de ses potes mais c'était faisable. Avec une chance d'enfer surtout. Mes cheveux étaient pleins de foin et j'avais les yeux rougis. Je ne quittais pas du regard le type.

      Je me suis enfin décidée à descendre de la charrette. Un, deux, trois truands devant moi. Je rafermis la prise sur ma lame. Et je me lance dans la bataille. Mon sabre vole, frappe dans un grand bruit de métal. La gamine n'est pas si loin que ça. Il faut juste que j'arrive à me trouver un passage. J'assomme le premier qui me faisait face avec le deuxième fourreau qui est en ma possession. Il en reste encore deux. Ce ne sera pas aisé d'intervenir avant que le type ne l'égorge pour de bon. Je fais de mon mieux. Mais je ne suis en aucun cas Dieu. Et comparé au colonel, ma puissance doit se résumer à une infime poussière.


      Dernière édition par Honaka Suzuke le Ven 23 Aoû 2013 - 21:56, édité 1 fois
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        Cette jeune femme n’était peut-être pas exceptionnelle dans l’art de l’escrime, mais sa témérité était remarquable. Enfin… Disons que la pauvre n’avait eu d’autre choix que de se battre, suite à sa bourde… Et c’était déjà ça. Car moi aussi je me mêlai à la bataille, en profitant de la distraction de tous ces gens qui m’entouraient. Quelques pas et quelques coups d’estocs m’avaient permis non seulement de me débarrasser de quelques gêneurs sur mon chemin, mais aussi de réduire la distance entre moi et l’imbécile qui détenait la fillette. Le pauvre s’était ressaisi trop tard, puisque mon épée fusait déjà vers son visage, avant de se stopper net devant son œil gauche. Paniqué, l’homme lâcha la gamine qui se précipita alors vers moi, avant de commencer à bafouiller des excuses en tout genre. Pire même ! Il fit immédiatement dans son froc, tant il était terrifié à l’idée de perdre un œil bêtement. De quoi me faire ricaner, alors que de ma main de libre, je plaquais la jeune fille contre moi. C’était donc comme je le pensais.  Ce type n’était rien d’autre qu’un froussard qui comptait sur l’avantage numérique pour gagner ses combats. Encore un autre idiot qui n’avait rien compris à la vie. Malgré le fait qu’il tremblait comme une feuille, il réussit tout de même à reculer et à… Fuir…

        - Eh bien eh bien…

        Mon soupir en disait long. Car bien vite, les autres types autour de nous prirent également la tangente en me promettant qu’ils reviendraient à la charge et qu’il me buterait. Moi et cette idiote de fille au sabre, flanquée d’un kimono assez traditionnel. Autant dire qu’elle s’était mise dans une grosse galère, en essayant de m’aider –Ou de sauver sa peau. Je finis par hausser les épaules, avant de me mettre à caresser la tête de la gamine qui pleurait contre moi. La pauvre. Être mêlée à une histoire qui ne la regardait pas, tout ça à cause de ma bouille… Autant dire que ouais, je m’en voulais quand même. Lorsque la rue dans laquelle nous étions fut déserte, je vis une femme courir vers nous les larmes aux yeux. Elle avait la quarantaine, plutôt bien gaulée… Bref, une jolie dame. La petite qui était dans mes bras se mit alors à courir vers la dame qui s’approchait de nous au pas de course. Nul doute qu’elle était sa maman. Ce qui se confirma quelques secondes plus tard, lorsqu’elle me remercia d’avoir sauvé sa fille, avant de s’éloigner de nous le plus vite possible. Là encore, soupir. Cette ville était vraiment proie à une psychose journalière. J’aurai pas aimé vivre dans un coin paumé comme celui-ci, vraiment… Quelle idée d’ailleurs, d’élire domicile dans une telle ville rongée par le mal…

        - Toi, tu viens avec moi ! Qu’avais-je soudainement déclaré à la bretteuse toujours auprès de moi.

        Ni une ni deux que je l’avais soulevé, avant de la poser sur mon épaule, façon sac à patates. Un peu comme pour lui dire qu’elle n’avait d’autres choix que de me suivre ! Je serai mon bras autour de sa taille, avant de me mettre à traverser la rue vide. Direction le bar de tout à l’heure, faut pas déconner ! Des choses, j’en avais à leur demander, à elle et au barman. Celui-ci en nous voyant arriver ferma rapidement ses portes. Sans doute avait-il peur d’être mêlé à l’affaire. Mais ce n’était pas de simples portes verrouillées qui pouvaient m’arrêter, puisqu’en deux temps trois mouvements, je les tranchai comme du beurre, avant de faire mon apparition sous le regard apeuré du barman qui n’y croyait pas. Alors qu’il se mit à nous ordonner de sortir de son commerce en criant sur nous, je retirai doucement mon turban, ce qui eut pour effet de le calmer instantanément. Je pense bien que sur le coup, le barman avait reconnu le célèbre officier que j’étais. C’est à ce moment-là que je daignai descendre ma prise -Qui avait p’être dû crier et gueuler elle aussi pendant un moment, sans que je ne m’occupe d’elle. « Barman, envoie-nous de l’eau, s’il te plait. » La demande s’apparentait plus à un ordre vu le ton de ma voix. Demande qu’il s’empressa aussitôt de satisfaire en allant chercher ce que je voulais.

        - Ce que tu as fait était insensée, petite.

        Là, je lui avais enfin adressé la parole. Là, elle pouvait enfin voir mon beau visage qui en faisait rougir plus d’une de son genre. Autant ma phrase ressemblait clairement à un reproche, autant j’avais le sourire aux lèvres, cependant. Je crois que la beauté de cette demoiselle m’avait plutôt touché. Et puis, comment lui en vouloir vu que sa soudaine apparition m’avait laissé le temps de délivrer la petite ? Ouais… Bonne question. Dans un grand bruit, je tirai une chaise en bois vers moi, avant de me laisser tomber dessus, tout en posant mon meitou sur la table qui nous faisait face. En tant que bretteuse, je me demandai un moment si elle pourrait reconnaitre mon arme, mais bon, là n’était pas le plus important. Lentement donc, je me mis à l’admirer. Niveau poitrine, elle était vraiment très plate et c’était un peu décevant. Pour ce qui était du bassin, des cuisses et de son auguste derrière néanmoins, je pouvais être satisfait. Une vraie femme qui n’aurait aucun problème pour enfanter. Un vrai coup que je pouvais peut-être me permettre sur cette île, héhéhé. « Je dois cependant te remercier pour ce que tu as fait. En échange, je me porterai garant de ta sécurité jusqu’à ce que j’en finisse avec ce gang. » Parce que pour moi, il était très clair qu’ils allaient chercher à en finir avec cette fille, également.

        - Est-ce que tu connais ces gens ? Tu as peut-être des informations sur eux, non ?

        Je n'ai pas eu le temps de désarmer les deux autres que l'officier de la Marine fit démonstration de sa puissance. Ni une, ni deux, il se trouvait maintenant devant le gars qui tenait l'enfant prisonnière. Je ne pus m'empêcher d'avoir un regard d'admiration. Si seulement je pouvais avoir une telle dextérité dans le maniement des sabres. Mais je devais me concentrer sur les deux lourdauds qui m'affrontaient en même temps. Ce n'était pas de simples petites frappes comme j'en croise souvent. Non, il s'agissait bien là d'une bande organisée, et vu combien ils étaient, je doutais fort de ma victoire si je les recroisais un jour ou l'autre. A moins que le colonel ne les anihile purement et simplement ici ! Cela apporterait une pause pour Las Camp et moi-même, je ne m'en plaindrais pas. Et alors que j'allais riposter après une pluie d'estocs, ils se sont immobilisés, ont eu l'air d'hésiter et ont finalement pris la fuite. Je les regardais partir dans les ruelles sombres sans un sourire.

        Cette île était devenue véritablement un coin gangréné jusqu'au coeur. C'était bien triste pour moi, puisque j'y avais passé neuf ans de ma vie pour me ressourcer. Cela m'avait fait du bien. Aujourd'hui encore, j'étais froide, presque insensible, mais la réalité que me donnait cette situation me chagrinait. Ils partaient tous peu à peu ces charognes. Je gardais mes sabres dégainés au cas où l'un d'entre eux tente un retournement de situation. L'officier gardait la gamine contre lui. La pauvre pleurait à chaudes larmes. Je n'étais pas souvent émotive mais là je compatissais vraiment à ce qu'elle devait ressentir. Être coincée devant la mort ça n'avait rien de drôle... Un frisson me parcourut l'échine tandis que des souvenirs abominables me remontaient à l'esprit. Je fermais les yeux en faisant une grimace. Les chasser. Les oublier. Les enterrer. C'est tout ce que je pouvais faire aujourd'hui. Mais surtout, je ne voulais pas me rappeler et revivre ça.

        Une femme arriva avec les larmes aux yeux, sûrement la mère de la petite. Et la rue était dévastée. Quel joyeux bordel, dis donc. Des tonneaux renversés, des fruits écrasés et un vent chaud qui balaye la poussière de la terre mélangée au sang et aux larmes des habitants de Las Camp. Moi, je n'étais que spectatrice de ce désastre. Le temps n'avait comme pas d'emprise sur moi. Je ne pouvais que constater avec mélancolie les dégâts. Un soupir sortit enfin de mes lèvres. C'était tous les jours comme ça. La panique gagnait une fois par jour un petit quartier sans histoire. Et il fallait pleurer les morts, soigner les blessés, reconstruire ce qui avait été détruit, arrêter les coupables et signer de son âme devenue noire de vengeance et de haine, qu'ils le payeraient très cher. Cette même danse régulait les journées, les semaines et les mois. Quand est-ce que cette comédie macabre s'arrêterait-elle donc ? Dans très longtemps certainement... Le colonel avait réussi à mettre hors de danger l'enfant. Mais la prochaine fois, attraperait-il enfin ces gredins ? J'étais assez pessimiste de mon côté, bien que j'ai évidement entendu parler de lui et de sa force.

        Il ne restait plus que cet officier et moi à présent. Le silence n'était coupé que par les voix inquiètes des habitants qui se passaient déjà la nouvelle, de bouche à oreille, qu'une escarmouche avait eu lieu ici. Je m'apprêtais à partir, de mon pas fatigué et triste. A votre avis, qu'est-ce que le colonel Fenyang aurait fait pour me retenir s'il avait été normal ? M'interpeller ? Non. Me rattraper par la main ? Non. Me rejoindre après que j'ai fait quelques mètres ? Non. Il n'a rien fait de tout cela. Il m'a simplement soulevée de terre pour me mettre sur son épaule comme un sac à patates. Oui. Vous n'avez pas besoin de lunettes. On me prenait, moi, une samouraï du pays de Wa, pour un lot de tubercules !

        Au début, j'étais tellement stupéfaite que je restais silencieuse. Puis, quand l'indignation et la colère sont revenues au galop, j'ai commencé par demander avec un soupir agacé :

        -Ce serait gentil de me déposer par terre.

        Silence complet. Le message était clair. Pas de débat autorisé, c'était LUI qui commandait. Et il continuait de marcher, de son pas lourd et en cadence, s'il vous plaît. Je restais à nouveau muette avant de répéter avec un ton plus sec :

        -Je vous ordonne de me laisser aller librement où je souhaite me rendre ! Je sais marcher quand même !

        Il faisait le sourd, ignorant toutes mes demandes, quel que soit le ton employé. Je poussais un long soupir exaspéré. Bon sang, mais quelles idées saugrenues passaient donc dans la tête des hommes ? Me débattre ? Inutile d'essayer, il me tenait fermement par la taille. Le taper ne m'aurait apporté que des ennuis à vrai dire...La seule vue que je pouvais admirer par-dessus son épaule, c'était la rue sens dessus dessous. Le panoramique vaut le détour, surtout de cette hauteur... C'était un homme très grand, je l'avais remarqué. Mais je dois dire que se retrouver là était une sensation très étrange. Comme si on prenait vingt centimètres en une minute !

        Slash. Slash. Je ne préfère pas savoir ce qu'il a découpé. Et là j'entends le cher barman qui commence à lui crier de sortir de sa boutique. Je me retourne alors du mieux possible et dit d'un ton ironique :

        -Si vous ne l'aviez pas remarqué, il m'emmène ici contre mon gré ! Et vous, descendez-moi de là si vous ne voulez pas que j'aille porter plainte pour agression ou même pire!

        Menace ayant peu de poids dans ma jolie bouche, j'en conviens. Mais je ne comptais pas rester les bras croisés. Et quand il daigna enfin me poser par terre, il n'eut qu'une seule chose à dire. Que mon acte était complètement insensé. En rajoutant « petite ». PETITE. J'étais alors en train d'épousseter mon kimono et je me suis immobilisée. Il est vrai que devant un homme de deux mètres, j'étais petite. Pour moi cependant, je considérais ce mot comme une insulte. J'ai froncé mes sourcils, ouvert la bouche, grincé des dents, tandis que je tremblai d'indignation :

        -Pe-petite !

        Rien de mieux pour me mettre dans un état de hargne. Pendant ce temps, il tirait une chaise avec bruit pour s'y asseoir et posait sa lame sur la table. Cette dernière attira quelque peu mon attention, de part la qualité qu'elle avait l'air d'avoir. J'ai froncé mon nez, levé la tête bien haut d'un signe dédaigneux. J'avais ma fierté quand même. J'ai répliqué en détachant bien toutes les syllabes des mots :

        -C'est tellement sympathique d'entendre ça après ce que j'ai fait ! Et puis d'abord, mon geste n'était pas insensé ni involontaire ! Je suis sortie du foin justement pour les surprendre !

        Et voilà, ma boulette maquillée et emballée. Cela ne pouvait que tenir debout. Je persistais toujours à ne pas regarder le visage de mon interlocuteur. Mais quand il reprit en déclarant qu'il me remerciait pour ce que j'avais, j'esquissais un léger sourire. Très léger hein. Ne croyez tout de même pas que mes chevilles commencent à gonfler. Il faut dire que sortant de la bouche d'un colonel, c'était assez flatteur. Je repris cependant mon air impassible, presque froid, que je sers à n'importe qui. Malheureusement, les ennuis n'avaient pas l'air terminés pour moi. Il voulait se porter garant de ma sécurité. Pour une sabreuse, comme moi, ce serait le déshonneur complet. Je rouvris alors automatiquement mes yeux et répliquai avec un ton sec et vif :

        -Hé ! Je ne suis peut-être pas de votre niveau, mais je sais quand même me bat-

        Ma voix s'est perdue dans un maelström d'une sensation que je ne comprenais pas moi-même. Comme si l'on venait réchauffer mon coeur de pierre. Je ne pouvais que fixer les yeux de l'officier Fenyang. Deux iris verts. Deux pupilles comme je n'en avais vues auparavant. J'ai senti ma mâchoire se décrocher et mon expression se décomposer en un simple regard déconfit. Mes joues allaient presque commencer à s'empourprer. J'ai secoué la tête pour revenir brutalement dans la réalité. Wouah. Qu'est-ce que ça chamboule en tout cas. Je ne parle pas que de la couleur de ses prunelles. Non, mais aussi de ses traits, de son visage doux et confiant. Tout respire la bonté et la gentillesse chez lui. Des femmes ont dû tomber à ses pieds par centaines. Mais pas moi. Hum... J'avoue que pendant une seconde... D'accord, deux mais pas plus ! J'aurais pu être sous le charme de l'officier. Heureusement que je me suis reprise. Je ne connaissais des hommes que leur stupidité, leur égoïsme et leur fait de renier la place importante qu'avait la femme dans la société. Retourne à tes fourneaux, nous dit-on quand on nous voit armées. Je tentais de reprendre contenance, bien que je sois légèrement troublée par le fait que j'ai failli fondre devant lui.

        -Je m'excuse de devoir décliner cette proposition. Comme vous pouvez le voir, je suis capable de me défendre. Je me dois aussi avant tout de garder mon honneur sauf et que vous m'escortiez ne me sera ni d'une grande aide, ni un grand bien pour ma conscience.

        Il ne semblait pas m'entendre. Ou tout du moins, il était plongé dans ses pensées, réfléchissait à toute vitesse. Il me demanda alors si je connaissais la bande qu'il avait affronté tout à l'heure et si j'avais des informations quelconques sur eux. Si j'avais été un tant soi peu sociable et chaleureuse, j'aurais éclaté de rire. Seulement, on m'avait mise en rogne pour un tas de raison. Ces deux gars qui m'avaient abordée d'une manière si peu polie, ce bazar dans la rue, cette amine en otage et maintenant un colonel qui m'emmenait contre mon gré dans le bar. Bien que je ne sois pas contre me saoûler un peu... Ma gueule de bois était pourtant toujours là et ma petite voix me disait qu'aujourd'hui n'était pas fait pour se bourrer comme d'habitude. Je reniflais un peu en répondant :

        -Connaître des personnes si peu civilisées ? Ce n'est pas du tout mon genre... Comme je n'en sais pas plus sur eux... Les bandes de ce genre sont malheureusement plutôt discrètes, sinon, je serais déjà allée leur mettre une rouste pour tout le barouf qu'ils mettent en ville.

        Je prenais soin d'éviter le regard vert de mon interlocuteur. Je restais silencieuse un instant tandis que je réfléchissais. Car, même si je n'en avais pas l'air, la présence de ces nouveaux mafieux m'inquiétait. Leur nombre était important et si l'un d'eux me reconnaissait, je serais sûrement la cible d'un passage à tabac ou je ne sais encore quel truc glauque qui arrive aux femmes dans des ruelles sombres et peu fréquentées. Mon regard dériva sur le barman. Lui, il était tranquille, tout le monde était ses clients et il ne risquait rien en posant des questions indiscrètes. On achetait son silence avec quelques Berry's et on savait que personne ne serait jamais au courant des secrets racontés durant une ivresse. Je l'ai désigné du doigt :

        -Si moi je ne peux vous être utile dans ce cas, lui, il pourra peut-être vous donner des informations utiles. Sur ce, je m'en vais, je n'ai plus rien à faire ici, et ce depuis longtemps.

        Comment suis-je arrivée dans la même pièce que l'officier déjà ? Ah oui... Noyer ma tristesse de la mort de mon maître. Je devais l'enterrer d'ailleurs, le temps n'attend pas pour effacer les traces d'un grand homme ayant vécu longtemps. Je m'éloignais doucement pour pousser les portes... Non, il n'y a plus de portes en fait. Découpées par une lame. Je comprenais mieux le mystère du "Slash slash !".
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          Quel caractère quand même ! Je dois dire que j’étais plutôt bluffé ! Si en l’espace d’un instant, la samouraï avait fondu devant mon sourire, elle s’était vite reprise avant de me répliquer comme elle le pouvait. J’eus alors une expression amusée. En plus d’être belle, elle était assez rigolote et carrément innocente. Une vraie perle. Mais une perle qui semblait vraiment vouloir m’échapper. Partir alors que je lui avais proposé une sécurité à n’en point douter ? Essuyer un tel rejet ? Pour moi c’était une première, vraiment. Aucune femme n’avait jamais réussi à refuser le moindre de mes services. Enfin… Il y en avait eu quelques-unes, mais elles étaient tellement rares qu’elles se comptaient sur les doigts de la main. Je me grattai la tête en la regardant s’en aller. Dieu, qu’elle avait un fessier divin. A croquer. J’eus même l’idée de la retenir près de moi pour insister, mais j’allais plus passer pour un harceleur sexuel qu’autre chose. Le mieux à faire était donc de frapper un grand coup, et ce très rapidement. En finir avec ce gang de merdeux pour ne pas qu’ils puissent établir un quelconque plan de contre-attaque. Une idée lumineuse qui n’allait se concrétiser qu’avec l’aide du fameux barman que la jeune femme m’avait désigné tout à l’heure.

          En parlant du barman, celui-ci revient avec une bouteille d’eau fraiche que j’entamai rapidement. Ces petits cons de tout à l’heure, en plus de m’avoir donné des sueurs froides avec la gamine qu’ils menaçaient de tuer, m’avaient également assoiffé. Ils ne perdaient rien pour attendre, ceux-là. C’est dans cette optique des choses que je me suis mis à questionner le barman. D’abord réticent à l’idée de répondre à mes questions, je dus l’effrayer en dégainant légèrement mon meitou de son fourreau. Prenant peur, la langue du propriétaire des lieux se délia instantanément. Il me donna toutes les informations que je voulais. Leur nombre approximatif, l’emplacement de leur QG, leur objectif à court terme ainsi que le style qu’ils utilisaient pour combattre. Plus que ce que je voulais lui demander, donc. Tout content de ces renseignements, je sortis alors ma bourse pour rembourser les dégâts que j’avais causé à sa porte, ainsi que quelques berrys en plus pour les informations qu’il m’avait donné. Rien à dire : Les barmans faisaient de merveilleux indics comme d’habitude. C’est suite à ce geste louable de ma part que j’étais sorti de son établissement, sourire béat aux lèvres. Ces enfoirés allaient maintenant payer leurs forfaits. Il était plus que temps.

          Deuxième soirée sur Las Camp…

          Alors que la nuit gagnait lentement le ciel de West Blue, une nouvelle se répandit comme une trainée de poudre dans toute la ville de Las Camp. Celle selon laquelle Ryuta et son gang seraient tombés. Alors que les grandes pontes des autres gangs se marraient doucement, le nom Fenyang cité dans l’affaire leur ôta toute envie de rigolade. Qui est-ce qui ne connaissait pas cette étoile montante dans la marine ? Une valeur sûre pour le futur de la faction, qu’on s’amusait même à dire, parfois. Un homme très dangereux, de fait. Alors, conscients de l’embrouille dans laquelle ils pouvaient facilement se fourrer si jamais un tel type venait fouiner dans leurs affaires, les chefs de gangs s’empressèrent de donner des ordres clairs à leurs hommes : Vigilance et profil bas dans les jours qui viennent. De tels ordres promettaient au moins quelques jours d’accalmie dans cette ville pourrie. De l’autre côté de la ville, c’était les marines qui jubilaient clairement. Surtout le vieux Jayden. Débarrassé d’une épine à son pied. Prêt à prendre sa retraite dans les quelques jours qui viennent. Bref, une vie heureuse pour un homme respectable. En somme, l’on pouvait même se targuer de dire que tout est bien qui finit bien. Sauf pour une personne : Moi.

          Quatre jours plus tard…

          Durant le combat qui m’avait opposé à Ryuta, il était inutile de mentionner que j’avais pris cher. Ce type n’était pas un ex-samourai pour rien. Le combat avait duré deux bonnes heures. Et l’homme avait été le premier à tomber au sol sans pouvoir se relever ensuite. J’avais peut-être réussi à le vaincre, mais j’avais aussi reçu des coups assez dévastateurs. Un fait indéniable qui me força à rester au lit pendant deux jours pour récupérer un minimum. Pendant ce temps-là, j’avais reçu des félicitations de quelques supérieurs, notamment de mon père. Un honneur, vous n’pouvez pas comprendre. Et puis, au bout du troisième jour, j’avais pu enfin sortir de mon lit. J’effectuai une visite chez les marines locaux qui m’avaient accompagné durant ma croisade, car oui, je n’étais pas parti au seul. Je n’étais pas non plus suicidaire. J’avais sélectionné les meilleurs hommes de Jayden pour en faire une force de frappe intraitable qui avait annihilé le gang de bretteurs en quelques temps seulement. Une opération et des hommes dont j’étais plutôt fier, il fallait l’avouer. Ainsi, j’avais pu sortir dans la ville au bout du quatrième jour, durant la nuit. Je m’étais inexorablement rendu dans le bar, là où tout avait « commencé », histoire de boire et m’amuser un peu.

          Toujours flanqué en kimono, on s’entend.
            -Repose en paix vieux grincheux...


          Un ton morne. Depuis le temps que je baignais dans la mélancolie, première fois que je me sentais épuisée. Quelque chose pesait sur mes épaules, pesait sur mon cœur, pesait sur son mon corps entier. Ça faisait plus d'une semaine qu'il était parti. Et c'est seulement maintenant qu'on l'enterre. La terre retournée était la preuve que la tombe était récente. Le cimetière était un lieu immense, mais qui possédait cette ambiance austère et peu rassurante. Le soleil se couchait. C'était un lieu qu'on ne fréquentait que peu. La plupart des sépultures étaient abandonnées depuis longtemps et la nature reprenait ses droits, le lierre mangeant quelques pierres tombales ou bien du chiendent venait se loger tout autour.

          Moi, j'étais toujours là. Pourquoi ? Parce qu'on veille ses proches une nuit, quoi qu'il arrive. Sinon, c'est nous qui mourrons le lendemain. Vieille légende de samouraï. Vieille légende pour les enfants pas sages. Vieux conte tout pourri que je suivais à la lettre. Pourquoi encore ? Je n'en savais rien. Autant, je connaissais la raison de ma présence, autant, je n'avais aucune idée du pourquoi je suivais cette bêtise à faire rire les fantômes.

          La nuit a apporté la pluie et le froid. Trempée et gelée jusqu'à la moelle, j'ai regardé le temps défiler. Les gouttes dégoulinaient de mes cheveux, de mon visage. Il y avait autre chose qui dégoulinait des mes yeux. C'était de la pluie. De la pluie très claire. De fines goutelettes. Des perles transparentes. Des ruisseaux salés. C'était les larmes de Tristresse et Regret, que Deuil avait ramenés avec lui.

          Avec tout ça, j'allais certainement attraper une crève d'enfer. Mais je suis restée. Jusqu'au bout de la nuit. Avec mes démons. Mes plus vieux ennemis, qui se nourrissaient de mes faiblesses et s'insinuaient dans les moindres failles. Me retrouver encore devant la tombe d'une personne que j'avais appréciée, avait rouvert des plaies douloureuses. Et je pleurais. Et j'hurlais de temps en temps face au ciel. Le temps s'accordait tout à fait à ma détresse. Je déversais sur Las Camp, mon chagrin qui serait présent durant toute ma vie. Caché au fond de mon âme, bien prisonnier des barreaux du mutisme que je construisais après chaque perte, chaque écroulement de mon être tout entier. Un jour, je n'aurais plus la force de rebâtir mon silence. Le gouffre sombre m'attendait déjà. Je sentis alors la chaleur du soleil sur mon visage.

          Les ténèbres s'étaient retirées avec les nuages. L'aube pointait. Je me levais, dérouillant mes articulations endormies par l'immobilité. Mes yeux s'étaient adoucis. Ne vous trompez pas cependant. Mélancolie s'est encore emparée de mon esprit. J'étais néanmoins en paix. Apaisée que rien ne soit venu troubler le départ d'un vieux manieur de sabre et que la pluie ait emporté sa barque tranquille jusqu'à un royaume dont on ne revient jamais.

          *Quatre jours après*

            -Aaah... A-atchaaaa !


          Snirf. Pooooon ! Je crois bien que j'avais parlé de crève. C'est peut-être un petit rhume, mais j'ai la tête tellement embrumée et douloureuse, que j'ai encore évité l'alcool ces derniers jours. Plus d'un jour en étant sobre. je devrais tomber malade plus souvent tiens. Me permettrait d'arrêter de claquer une partie de mes économies dans ma consommation excessive. Qu'est-ce qu'on commande quand on se les pèle comme pas permis en plein été ? Qu'est-ce qu'on commande pour ne pas irriter sa voix enrouée et pour décoincer son nez bouché ? J'aurais pu prendre un café. J'avais finalement opté pour un chocolat chaud. Ça ne donne pas une image « mature » de soi-même, mais je peux vous dire que dans mon état, ça me fait un bien fou ! Avec le mal de tête que j'avais, j'étais venue tard le soir dans ce même bar que je fréquente depuis des mois et des mois...

          Il n'y avait presque personne. Pas même un gang voulant ripailler. Le calme plat. Cela faisait plusieurs jours que cette situation durait. Étant trop de mauvaise humeur pour prêter oreille attentive aux rumeurs qui circulaient, j'ignorais pourquoi la ville ne remuait plus de ce remue-ménage. Le barman nettoyait des verres devant moi. Et la pauvre fille qui a mis une écharpe autour de son cou, qui tremblote de tous ses membres malgré la température ambiante qui règne dans la pièce, c'est moi. Oui, le truc avachi sur le banc et qui a la tête écroulée sur le comptoir. Oui, la fille avec des cernes si terribles et un teint si blafard qu'on pourrait la prendre pour un cadavre.

            -Où est-ce que t'es allée traîner pour choper une crève pareille ? Dans le cimetière un jour de pluie ?

            -Oui.


          J'avais grommelé ce simple mot. Pas d'humeur à faire la parlotte, juste épuisée et rêvant d'un bon lit. Hum... J'aurais pu rentrer chez moi... Mais le voisin est beaucoup trop fêtard... Boucan qui règne jusqu'au petit matin, pas étonnant qe je n'ai pas trouvé le sommeil ces derniers temps... Je me suis redressée, réveillant à l'occasion les courbatures que j'avais dans le dos et dans les jambes. J'ai regardé la taverne bien tranquille, seulement occupée par des buveurs de passage ou des ivrognes déjà endormis sur une banquette. J'ai demandé de ma voix enrouée, tout en accentuant d'une manière bizarre sur les «m » et les « n » :

            -C'est boi ou t'as boins de client que d'habitude ? Enfin, je pense que tu vois de qui je parle...

            -Tu n'es pas au courant ? L'évènement est pourtant reporté bien haut et fort depuis plusieurs jours déjà ! Tu es restée cloîtrée dans ton trou à rat ou quoi?

            -Oui. Et ce d'est pas un recoin à verbides ! Qu'est-ce qui s'est passé pendant que j'agodisais sous bes couettes avec un poêle allubé à côté, en pleide cadicule ?


          Le barman a éclaté de rire. Je l'ai foudroyé du regard. Soit il se fichait de l'intonation étrange qu'avait prise ma voix, soit j'étais vraiment une quiche de ne pas être au courant de cette « incroyable nouvelle » qui terrifiait les sales mafieux régnant en ville.

            -Le groupe de sabreurs qui régnait par ici. Eh bien, le Colonel Fenyang leur a botté le cul ! On a vraiment de la chance qu'un type comme lui soit venu pour nous débarasser de ces sales criminels... Tout est plus calme certes, mais c'est bien plus agréable comme ça.


          Je comprenais un peu mieux l'affaire. Bof... Après tout, quand l'officier repartirait de Las Camp, la situation redeviendrait comme avant... Je ne voyais pas vraiment qu'est-ce que ça allait changer... Les portes récemment installée grincèrent. Quelqu'un était entré. J'ai tourné ma tête avec peu d'entrain. Dormir. Et surtout pas prendre de médicaments. Je ne faisais pas confiance aux médecins. On ne sait jamais ce qu'ils mettent dans leurs produits à la noix. Je l'ai reconnu avec son foutu kimono et sa taille gigantesque. J'ai poussé un grognement dépité avant de reposer ma tête sur le comptoir avec un « bong ! » sonore. Pourquoi fallait-il qu'il revienne ici ?... Surtout le jour où je me retrouve avec la tête la plus flippante de toute la ville.
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            - BARMAN ! MERCI POUR TOUT !

            Qu’avais-je hurlé sans gêne, une fois rentré dans son établissement. C’était grâce à lui que j’avais rapidement pu localiser la bande des sabreurs et que j’avais pu leur foutre une bonne raclée qu’ils n’oublieraient pas de sitôt. D’ailleurs, ces derniers étaient très certainement en train de ruminer leur défaites dans les cellules de la base marine de la ville. De quoi calmer la ville un bon moment pour la plus grande joie du vioque qui n’arrêtait pas de danser et chantonner un bon moment. Son allégresse m’avait sans doute contaminé et poussé à venir ici, non seulement pour m’amuser ce soir-là, mais aussi pour remercier mon indic’ du moment. Je lui avais un peu la main, certes, mais c’était de bon augure. Lui non plus ne devait pas trop regretter ses aveux, puisqu’il ne craignait rien. C’était donc tout benef’. Fourrant mes mains dans les poches de jean, je laissai la porte du bar se fermer derrière moi, tandis que je jetai un bref regard autour de moi. Les quelques rares clients de l’établissement m’observaient avec des regards courroucés. A voir la mine ensommeillée de la plupart, mon cri avait sans doute dû gêner. Aussi m’étais-je incliné poliment vers tout un chacun en bafouillant mille et une excuses, ce qui eut pour effet de les radoucir instantanément. Heureusement. Malheureusement…

            - Ça c’est un fessier !

            Ma voix de stentor avait retenti une nouvelle fois. Vu qu’il s’agissait d’une blague quelque peu salace, les autres clients se mirent à chercher du regard « le fessier » dont je parlais. Ils suivirent alors mon regard et le leur tomba inévitablement sur la jeune femme qui se tenait au comptoir, près du barman au sourire légèrement gêné. Ouais. On n’en voyait pas des culs comme ça tous les jours ! Même les péripatéticiennes du quartier rivaliseraient mal avec cette meuf affalée sur son siège. Posture qui ne faisait qu’exagérer ses formes. Rien à dire ! Les autres hommes se redressèrent sur leur table, avant d’échanger des sourires qui en disaient long. C’est dire qu’ils n’avaient pas remarqué cette fille depuis son arrivée ? Les pauvres taches. J’aurai dû finalement me taire, tiens. J’eus tout de même un sourire amusé parce que la situation devenait un brin cocasse. L’un des types (Saoul à souhait) bavait comme un con et voulut se lever pour s’approcher du gros cul qu’il avait en ligne de mire. Malheureusement, son état d’ébriété ne lui permit pas de faire plus de deux pas, puisqu’il tomba lamentablement au sol avant de recommencer à dormir instantanément. J’eus alors un rire moqueur qui eut pour effet de refroidir l’atmosphère et de dissuader les autres ivrognes de faire comme l’idiot.

            - Halala… Quel bêta, quand même ! Laisse barman, je m’en charge.


            Alors que le propriétaire des lieux accourait vers le type au sol, je lui fis signe de me laisser la besogne de le remettre à sa place. C’était moi qui avais provoqué cette situation après tout. Je m’avançai donc vers le ronfleur qui avait établi domicile à même le sol, avant de le soulever sans trop d’efforts et de le replacer sur son siège. Encore une fois, il s’effondra instantanément sur son siège, complètement fini. Encore un mec qui se retrouvera très certainement avachi sur un trottoir, lorsque le barman les aura vidé de son local pour le fermer. Suite à cette pensée, je m’avançai enfin jusqu’au comptoir, avant de prendre place aux côtés de la jeune femme. Si je ne lui adressai pas un seul regard au tout début, c’était parce que je me mis à plaisanter avec le serveur qui rougissait même lorsque je le flattais. Intérieurement, je pensais même à le récompenser encore, en plus des indemnités que je lui avais offert pour la porte que je m’étais attelé à trancher comme du beurre. Ouaip. Un geste de ma part ne serait pas de trop. Il fallait même que je parle de ce type au lieutenant-colonel Jayden. Il ferait très certainement une bon indic pour les officiers de la marine. Mais alors que j’étais profondément ancré dans mes pensées, je tournai ma tête comme par hasard vers ma gauche, avant de…

            - C’est quoi cette mocheté ?!


            … M’exclamer avec surprise ! Oh oui que j’ai été choqué, quand même ! Je n’aurai jamais pensé à tomber sur un visage aussi laid, maladif. Dire qu’elle avait pourtant les fesses les plus magnifiques de tout West Blue ! Mais hé… Ce visage m’disait quelque chose, là… Une réflexion qui me fit froncer des sourcils, avant que je n’observe ce visage avec minutie. Puis je me mis à trier mes souvenirs, jusqu’à écarquiller mes yeux, trente secondes plus tard ! « LA SAMURAI ! Je t’avais même pas reconnu, purée ! Qu’est-ce que tu fiches là ? » Pour ponctuer la question, rien ne vaut une grosse tape sur sa croupe saillante et bien rebondie ! Aussi, avais-je commencé à me confondre en excuses pour le « mocheté », sans même avoir attendu la moindre réponse de sa part. Puis, ce fut le proprio du coin qui prit parole en m’expliquant ce qu’elle avait. Je compris alors pourquoi son visage ne ressemblait à rien. C’était vraiment pas de bol ! « Le chocolat chaud t’aidera pas. Puis c’est pour les gosses ça ! Barman. Prépare-lui un bon grog comme il faut ! Elle sera sur pieds demain matin, héhéhé ! » Ce n’était pas une demande commune dans un bar, mais tant qu’à faire, autant rejoindre l’utile à l’agréable. Elle allait non seulement apprécier la mixture, mais celle-ci allait finir par soigner son sale rhume !

            - Ne remercie pas ma belle, c’est tout naturel de ma part, héhéhé !
            Dis-je gaiment, en lui administrant une deuxième petite tape sur le derrière.
            Il s'exclamait. C'était le coup de gong pour réveiller mon mal de crâne. Hé ! Je jure que je suis parfaitement sobre depuis au moins quatre jours ! Si j'avais été dans une meilleure forme, j'aurais pu partir plus vite que ça. J'avais l'esprit tellement embrumé, que j'eus du mal à descendre de mon tabouret. La voix retentit à nouveau et le seul mot que je retins fut « fessier ». Je ne pris pas la remarque pour moi. À vrai dire, j'avais surtout envie de rentrer chez moi et de mourir seule dans mon lit, avec cette fièvre et cette voix massacrée par la maladie.

            Le barman avait un sourire gêné. J'ai grogné en cachant mon visage entre mes mains :

              -C'est de moi qu'il parle ?...


            Hochement de tête négatif. J'avais l'impression d'être encore plus fatiguée qu'avant. J'ai soupiré avant de reprendre ma tasse d'une main tremblante. Je reniflais encore une fois bruyamment. Un nez bouché et rouge comme une tomate, c'était vraiment génial lorsqu'on voulait devenir un clown. Ça fait aussi boule clignotante de Noël au pire. Il s'est assis à côté de moi et commença à rigoler avec le patron du bar. J'espérais juste qu'il n'allait pas me reconnaître. Vu mon état, ça allait être difficile de faire un lien entre la bretteuse de l'autre jour et l'espèce de truc bizarre, fiévreux, le nez coulant à souhait et à la voix éraillée comme si j'avais fumé dix paquets de clopes à la suite.

            « MOCHETÉE ?! »... Je faillis m'étouffer avec le liquide chocolaté que je buvais à petites gorgées. Le dernier mot avait claqué à mes oreilles comme un fouet. J'ai pris ma tête à deux mains en répliquant avec un ton exaspéré :

              -BOINS de bruit ! J'ai la tête creuse cobbe ude doix de coco, alors évitez de vous exclaber à tout va cobbe ça !


            J'ai posé mes yeux sur lui. Enfin, je les ai levés plutôt. De ses deux mètres, il détaillait mon visage blanc comme de la craie et marqué par un épuisement évident. Je n'avais pas la force de m'énerver, puisque le seul mot que j'avais pu entendre, plus qu'insultant me définissait tout à fait. En fait, je 'n'avais même plus envie de me mettre en colère. Ça, ça voulait bel et bien dire que je n'étais pas dans mon assiette.

            Ah, ça y est, il m'a reconnue. Je lève les yeux au ciel. Il gueule toujours autant et je sens que je ne vais pas tarder à partir, de ma démarche titubante et épuisée. Je fus secouée par un geste totalement déplacé. Physiquement mais aussi mentalement. Une belle tape sur les fesses tandis qu'il se confondait en excuses pour la mocheté. Je l'ai fixé, la bouche ouverte, complètement absourdie. Mon caractère enflammé est revenu au galop :

              -Vous me prenez pour un cheval ou qu-


            Je n'eus pas le temps de répondre qu'il éloigna ma tasse de chocolat et commanda un grog. Un bon grog. Avec le rhum, l'eau chaude et tout ce qui entre dans la composition de ce remède de grand-mère. Il allait beaucoup trop vite pour mon pauvre cerveau embrumé. Il me faisait un de ces sourires magnifiques... Tout de suite brisé par une nouvelle claque sur mon postérieur. Je me suis levée pour me décaler d'une place, sans un mot. Le barman est arrivé avec la tasse fumante. J'ai dit d'un ton sec :

              -Garde-le, je d'en veux pas.

              -Ça irait pourtant mieux si tu avalais ça...


            J'ai foudroyé le barman du regard. Qu'il se mêle de ses affaires lui ! Je me suis tournée vers le colonel pour le détailler silencieusement du regard. Les sourcils froncés. L'air sérieux et grave. Le buste relevée avec fierté. Je me donnais contenance, je me donnais un genre, tout ça pour lui tenir tête, alors que j'étais tout simplement épuisée. Mais on n'admet pas ses faiblesses devant un homme. Surtout lui. Je le trouvais... Je le considérais comme je considère ceux que je n'apprécie pas ! J'ai reniflé, l'ai fixé vaillament d'un oeil méfiant. J'allais me jeter dans la joute verbale, j'allais être directe, j'allais être désagréable...

              -Vous d'êtes qu'un- Guomph !

              -C'est la fièvre qui la met de mauvaise humeur, pardonnez-là !


            Le tenancier m'obligeait fermement à avaler tout le grog fumant. Il me pinçait le nez, renversait complètement la tasse brûlante et je ne pus que consentir à la descente tourbillonante du soi-disant remède. Il me lâcha enfin, je lâchais un râle étrange, comme si je m'étouffais à moitié. Bon dieu, quel alcool avait-il mis dedans ? Ce n'était pas de la petite bibine en tout cas, j'avais la gorge en feu et les yeux presque larmoyants.

              -Regardez dans quel état elle est... Ce ne serait pas trop vous demander de la raccompagner à bon port ?


            Air courroucé pour ma part. C'est qu'il tenait à me faire passer pour une faible femme sans défense ! Et dire que j'étais restée fidèle à sa taverne durant tellement d'années... Je toussais encore un peu, retrouvant mon souffle après le passage du grog. Ça arrachait, et pas qu'un peu !

            Le barman me donna une grande claque dans le dos qui m'ébranla et j'entendis le murmure à mon oreille :

              -Surtout pas de bêtises ! Je te rappelle que c'est un grand officier de la Marine...


            Un temps. Je ne pouvais rien répliquer. Rien. Mais alors rien du tout ! Vide néant, ma langue de vipère ne s'agitait plus, ravalée par ma surprise. Je souriais légèrement. Un sourire imperceptible, que personne ne verrait, à moins qu'il ne scrute mon visage à l'aide d'une loupe. Il me connaissait bien... Mais je refusais toujours de suivre le fameux colonel Fenyang. Rester avec un mec me bourrant les fesses de claques juste parce qu'il est joyeux ? Non merci !
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            Une bouteille roule doucement sur le plancher. Je suis rentrée. Je suis chez moi. Dans cette chambre qu'on a bien voulu me louer. Cette pièce misérable où je soigne ma migraine. Cette pièce où un vieux fantôme vient me rendre visite. Mais pourquoi aujourd'hui ? Et pourquoi se manifester après ma rencontre avec cet homme ? J'ai pas suivi mon auto-cure. J'ai bu. Une, deux... Peut-être trois bouteilles. Comment regretter ? Je ne sais pas. L'alcool m'a fait du bien cependant. Décuplant ma tristesse et ma douleur par dix, cent, voir mille ! Je suis étalée sur un lit. Oui, étalée. Une pauvre loque qui peine à relever la tête pour plonger ses yeux rougis et irrités sur la pâle figure blanche du fantôme.

            Elle est là. Cachée dans l'ombre. Assise sur un coffre. Silencieuse. Et morte depuis longtemps. Dévorée par les vers depuis seize ans. Elle est la même. Toujours frâiche et belle de ses douze ans. Le sourire aux lèvres et l'œil narquois. Ah, ma sœur... Quels tourments m'amènes-tu ? Je cuvais seule et tout allait bien. Que viens-tu m'annoncer ? Que dois-tu accomplir ? Reposes-tu en paix ? Et le Paradis c'est bien ?


              -Et vous n'avez rien dit ? Du tout ? Pas même une seule fois ?

              -Oui. C'est triste hein ? Je n'arrivais même plus à tenir sur mes jambes. Saleté de crève. Et pourtant, il fallait que je rentre. J'avais pas le choix. J'avais sommeil. J'étais fatiguée. Je devais me soigner. Je n'avais plus de voix. Tout ce qui sortait de mes cordes vocales, ce sont des sons gutturaux qui ne veulent rien dire.

              -Mais tu te rends compte de ce que tu viens de laisser passer ? Un colonel ! Bon sang, Honaka, un gradé de la Marine ! Avec un peu de charme et de chance...

              -Va crever.

              -Ça, c'est déjà fait.


            Je grogne. Les larmes coulent doucement sur mes joues. Et cette pâle figure, je ne peux m'empêcher de la fixer. Elle est ma chair, mon sang, mon aînée... Et elle est morte avant moi. Et si la vie avait continué de souffler en elle ? La fantômette se serait mariée. Avec le colonel. Oui, avec le grand gradé Fenyang. J'aurais assisté à leurs noces dans l'ombre. Je l'aurais félicitée. Elle serait la femme la plus comblée. Et je serais repartie avec mes bouteilles. Pas la peine de montrer plus longtemps la pauvre alcoolique. Je finirais seule, sans sous, sans rien, à la rue. Mon sort n'a pas bien d'importance. Du moment qu'elle vit, qu'elle réussit sa vie. Sacrifiée. Je me serais sacrifiée pour elle. Mais c'est trop tard. Le temps a continué de couler, j'ai vieilli, j'ai vécu. Et j'ai fini par l'oublier. Elle revient pour me hanter. Oui, c'est ça. Elle revient pour me punir. Me montrer que ce que je m'inflige moi-même n'est pas assez douloureux. Je n'étais pas assez au fond du trou. Je ne m'étais pas assez embourbée dans tous ces problèmes qui me collent à la peau.

              -Mais pourquoi tu l'as suivi finalement ? Pourquoi tu l'as laissé te raccompagner ? Pourquoi tu n'as pas essayé... Je ne sais pas moi ! Pourquoi tu n'as pas tenté de changer ton destin ?

              -T'as rien de plus compliqué ?

              -J'essaie de remédier à ce problème


            Je soupire, le temps de chercher ma bouteille. Ma main tatônne sur le lit. Elle patiente, avec ce même air doux qu'elle avait quand nous étions gamines. Je finis par abandonner. La sueur colle à mes cheveux, de grands frissons parcourent mon dos. La maladie me ronge entière. Elle a commencé par fissurer mon âme, mon cœur... Elle me grignote, petit bouts par petits bouts... Un jour, il ne restera rien. Quelle saveur a donc ma chair ? Amère. Des regrets pleins d'amertume et une aigre tristesse. Je dois être belle à voir, le teint jauni et le visage déformé par la fatigue.

              -Je ne sais pas.

              -Je sais que tu sais.

              -J'arrivais plus à marcher. Il m'a traîné sur toute la rue. Il avait toujours ce grand sourire franc. Et il parlait. Il parlait de tout, de rien.

              -Et toi, obnibulée par le passé, tu n'as rien répondu ?

              -Non. Je ne faisais que penser à ça. Que ce serait une honte de me marier avant toi...

              -Je suis morte Honaka.

              -Non... T'es là, devant moi... Un peu pâlotte, mais t'es là.


            Ma voix s'est brisée. Deux longs sillons de larmes acides roulaient sur mes joues. Ma respiration était saccadée. J'avais l'impression d'étouffer, de manquer d'air. Je devenais folle. Folle à lier. La figure blanche a souri doucement. Ça m'a apaisée, d'un seul coup. Je ne sais pas à quoi elle pensait dans l'immédiat. Pourquoi tu souris ? Parce que t'es revenue ? Parce que t'es en vie finalement ?

              -Tu ne te souviens pas ? Il m'a tuée.

              -Je sais. Mais t'es là. Pourquoi ?

              -T'aurais pu changer ton destin. Cette vie misérable. T'aurais pu... Je ne sais pas moi ! Pourquoi tu n'as pas essayé de t'en faire un bon ami, ou autre chose... Honaka... Pourquoi tu te fais autant de mal ?


            Mon regard est parti dans le vide. Une immense fenêtre donnait sur la ville endormie. La nuit et la fantômette me tenaient compagnie.

              -Parce que t'es morte comme une chienne. Toi aussi, t'aurais pu avoir une vie. Mais on te l'a prise. Trop tôt. Beaucoup trop tôt.

              -Toi, tu as grandi trop vite.

              -Je sais.

              -Non. Ça, tu ne le sais pas. Ta haine, ta tristesse, tes peurs. Toutes ces petites tares qui t'habitent depuis tout ce temps. Elles t'ont grandie. Mais au lieu d'en faire une force, tu les traînes derrière toi, comme si t'incarnais la misère du monde.

              -Tais-toi.


            Le ton ferme, l'œil mauvais, je fixais l'ectoplasme flottant dans la faible lueur que filtrait la nuit. Ces paroles m'avaient piquée au vif. Et pourtant, je tremblais au fond de moi-même. Je me mordillais les lèvres, serrais le poing et réitérais ma demande :

              -Tais-toi !

              -Et le gars le plus beau de la terre te raccompagne un soir. Et toi, tu ne fais rien. Tu restes avec ton silence. T'es dans un bel état. T'es sûre que tu ne regrettes rien ?

              -Bien sûr que je regrette.


            Oh que oui. C'était le temps d'une soirée. C'était le temps d'un trajet banal. Et je m'étais sentie bien. J'avais aimé. Tout. Oui, tout. Son bras musclé qui a entouré mes épaules et ce sourire tranquille. Ces paroles apaisantes, cette présence rassurante quand on rentre tard, dans ces rues sombres et mal famées. Les claques sur les fesses, moins. J'en avais, j'en avais trop des regrets.

              -Il était beau hein ?


            J'esquisse un léger sourire. Plein d'amusement mais aussi d'amertume. Une dernière larme roule sur mon visage et je reprends avec une drôle de voix :

              -Oui. Il était beau. Et il est parti.


            Pas de réponse. Je pose mes yeux sur le coffre. Elle aussi, elle s'en est allée, chimère brumeuse qui m'a fait rêver. Ma main heurte quelque chose. Le regard morne, je grogne. J'ai retrouvé la bonne bibine.
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