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Kings of Trash


- Euh oui, très bien, mais... Enfin, qu'entendez-vous plus exactement – et je vous demande ici une précision visant uniquement, n'est-ce pas, à satisfaire au mieux vos besoins, je suis un honnête commerçant, soucieux du bien-être de ma clientèle, moi, monsieur, voyez-vous – qu'entendez-vous, disais-je, par ''un bateau pas trop compliqué'' ?
- BAH, UN TRUC SIMPLE QUOI, SINON C'EST TROP CHIANT ! PAS BESOIN DE VOILES, DE CORDAGES OU DE GOUVERNEMENT !
- Oui oui, bien entendu, alors alors, je vais vous paraître tout à fait obtus, j'en suis confus, mais qu'entendez-vous – et je vous demande ici d'être particulièrement spécifique – par ''gouvernement''?
- VOUS SAVEZ PAS CE QUE C'EST ? VOUS ÊTES SÛR QUE VOUS VENDEZ DES BATEAUX ?
- Ma foi, dans la mesure où, voyez-vous, il y a un panneau qui se tenait au-dessus de la porte, avant que votre tête y fasse un trou, où l'on pouvait lire – et je vous demande ici de faire appel à votre mémoire, n'est-ce pas, soyez attentif s'il vous plaît, enfin, si ce n'est trop demander bien entendu, faites à votre aise, monsieur, je vous en prie – où l'on pouvait lire, disais-je, ''François Bitoniau, manufacture navale de père en fils depuis environ huit mois'' ; et dans la mesure où il se trouve que François Bitoniau, voyez-vous, c'est moi, c'est tout à fait moi, du moins c'est ainsi que tout le monde m'appelle, on peut affirmer, n'est-ce pas, que j'exerce cette activité, c'est à dire, vous savez, la manufacture navale. Vous comprenez ?
- OUAIS !
- Bien, donc, disais-je, voyez-vous, c'est à dire que...
- NAN JE DECONNE, J'AI RIEN COMPRIS EN FAIT ! BWAHAHAHA ! MAIS DONNEZ-MOI JUSTE UN BATEAU SANS GOUVERNEMENT !
- Oui, voilà voilà, tout à fait, à ce sujet donc, voyez-vous, je ne suis pas sûr d'avoir réellement saisi, n'est-ce pas, ce que vous appelez ''gouvernement'', ne vous en déplaise, ce n'est pas par mauvaise foi de ma part, je vous assure, je suis un honnête commerçant, croyez-moi – et je vous demande ici de desserrer un peu vos doigts, voilà, encore un peu, oui, attendez, je respire, voilà, c'est fait, vous pouvez resserrer si vous voulez, à votre guise, je vous en prie – et je cherche uniquement à comprendre, voyez-vous, votre requête avec un peu plus de, si ce n'est trop demander, de précision.
- BAH, LE TRUC QUI SERT A DIRIGER LE BATEAU ! C'EST PAS UN GOUVERNEMENT QUE CA S'APPELLE ?
- Alors, très bien, voilà, donc, voyez-vous, vous faites allusion, je suppose, à ce qu'on appelle communément, n'est-ce pas, du moins dans ma profession, un gouvernail.
- … GOUVERNAIL, C'EST PAS TOUT CE QUI EST A LA CAMPAGNE ?


Le capitaine Ging ''BAM'' Dong avait toujours eu du mal avec les négociations.

♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

Le soleil tapait sur les épaves avec l'efficacité d'un bon forgeron, produisant en série tout un paquet d'ombres plaquées aux contours tellement nets qu'ils semblaient découper le bois. Rien ne bougeait – et tant mieux d'ailleurs, le moindre mouvement de ces ombres métalliques aurait sûrement suffi à trancher tout ce qui se trouvait aux alentours. Mais il est bien difficile de trouver la motivation de se lever lorsqu'il fait si chaud que l'air lui-même semble transpirer ; peut-être était-ce pour cette raison qu'un homme restait amorphe sur un reste de mât incliné, glissant petit à petit vers le bas sans paraître s'en rendre compte. Pourtant, cela faisait bien trois heures qu'il était resté là, un chapeau posé sur le visage pour le protéger de la lumière, descendant de plus en plus vite au fur et à mesure que sa sueur dégoulinante lubrifiait la piste – à moins que le bois ne soit en train de fondre, ce qui semblait une hypothèse franchement envisageable.

L'homme ne prêtait aucune attention à ce qui se passait autour de lui, probablement parce qu'il ne se passait rien autour de lui, ce qui ne favorisait évidemment pas l'intérêt qu'il aurait pu avoir pour un quelconque quelque chose, n'eût-il été qu'un simple pas grand-chose ou un banal je peux tout t'expliquer. Malheureusement, force est de reconnaître qu'il n'y avait rien, ou plus exactement trois fois rien, ce qui grâce à une curieuse loi de l'arithmétique lexicale, est toujours un petit peu plus que rien du tout (l'arithmétique lexicale fourmille de contradictions de ce genre, telles que celle qui consiste à dire que l'opinion est divisée, alors qu'en réalité elle est multipliée par le nombre de camps en question, ce qui évite à chacun le désagrément de ne posséder qu'un tiers, un quart ou un trente-huitième d'opinion sur le sujet). Et en effet, si le mouvement autour de l'homme-luge-au-ralenti se résumait à trois fois rien, il n'était pas inexistant pour autant : une silhouette rampait presque imperceptiblement au milieu des décombres de bateaux, avec l'air d'un morceau de chocolat essayant désespérément de fondre en direction d'un coin d'ombre. Sa lenteur était en partie due à son désir de rester discret, et en partie à la nécessité d'infléchir sa trajectoire au fur et à mesure que le dormeur glissait le long du mât, changeant constamment de position ; car le mystérieux inconnu se dirigeait bel et bien dans sa direction, l’œil luisant d'un éclat qui ne laissait aucun doute sur ses intentions – du moins aucun doute que la dague qu'il tenait entre ses dents n'aurait suffi à disperser aisément. Trois quarts d'heure et huit mètres d'avancée précautionneuse plus tard, il était enfin au-dessus de sa cible. Ses yeux lancèrent un éclair, un sourire mauvais dévoila ses dents jaunies, la dague s'éleva au-dessus de sa tête...

- Vous auriez quand même pu attendre la fin de la sieste.

L'assassin se figea. Sous ses yeux ébahis, l'homme qu'il s'apprêtait à tuer releva le chapeau qui lui cachait le visage, et se redressa d'un air vaguement contrarié en s'allumant une clope.

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[1110 DORIKI]

- C'est pas croyable ça... On peut plus lézarder tranquille...

♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

Certains animaux, et c'est bien normal, sont bien plus sensibles aux températures élevées que d'autres. Ainsi, un habitué des petits murets de pierre chauffés par le soleil – mettons, un lézard – supportera bien mieux la chaleur qu'un plongeur invétéré en eaux glaciales – au hasard, un pingouin. S'il est donc tout à fait logique de trouver un lézard exposé en plein cagnard sur un morceau de mât qui réfléchit sérieusement aux avantages de la liquidité, il serait plus avisé de chercher un pingouin dans un lieu frais, isolé des rayons tapageurs d'un soleil un peu trop festif. Un lieu comme une gigantesque coque retournée par terre, tout ce qui restait d'un cargo spécialisé dans le transport des fourrures, lesquelles tapissaient ses parois pour que leur puissance isolante garde l'intérieur au frais même par grande chaleur. Cette installation astucieuse était bien entendu le fruit de l'imagination d'un barman, sûrement le seul corps de métier qui peut encore se soucier de mettre des trucs au frais sur une île peuplée à 10% de pirates et 90% de morceaux de bois bousillés. Son idée s'avérait néanmoins largement rentable par certains jours comme celui-ci, où s'imbiber de divers breuvages était (pour une fois) réellement nécessaire aux forbans locaux pour éviter la déshydratation.

Lord Boroyal, lui, n'était pas un forban. Il aurait mis un point d'honneur à châtier comme il se devait toute personne qui mettrait en doute sa nature de parfait aristocrate en lui apposant un tel nom. Mais ils étaient, en réalité, peu nombreux ; le premier mot qui venait à l'esprit, lorsqu'on l'avait sous les yeux, n'était pas exactement ''forban''. Non, c'était plutôt...

- Un pingouin ?

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[1700 DORIKI]

- Tout à fait, j'habite le corps d'un pingouin. J'ose espérer que cela ne vous pose pas problème.
- Ben c't'à dire, j'sais pas moi. J'ai pas trop l'habitude de servir les pingouins. Pis j'sais pas si ça serait une bonne chose. Parce que mettons, j'vous sers, qu'est-ce qu'y dirait un clébard qui passe par là ? Ben, qu'il voudrait bien une chopine lui aussi. Y sert bien un pingouin, alors pourquoi pas moi, qu'il se dit. Et au fond, il a raison. Sauf que si j'dois servir toutes les bestioles du coin, à crédit en plus, bah j'vais me retrouver sur la paille, comprenez.
- Dois-je comprendre que vous refusez de me servir ?
- Doivez-vous comprendre que oui, monsieur.
- Je vois. Boris ?


Une bonne douzaine d'armoires à glaces fabriquées à la chaîne dans la série ''crâne chauve et lunettes noires'' débarquèrent pour se placer en ligne derrière Lord Boroyal ; leur largeur d'épaules et les dimensions du bar ne leur permettant pas une telle disposition, ils se résignèrent à adopter une formation à la queue leu leu franchement moins intimidante. Le pingouin poussa un soupir.

- Mon Dieu, j'avais oublié qu'ils s'appelaient tous Boris.
- Vous savez, faut pas s'énerver hein. On peut s'arranger.
- Un Lord ne s'arrange pas, cher ami, il décide. Et je décide que cet établissement m'appartient.


♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

Une flammèche crépita. Ce qui était plutôt dangereux dans un cimetière d'épaves, a fortiori lorsque les rayons du soleil s'étaient chargés de rendre le bois aussi sec qu'un vieil instituteur qui surprend un chuchotement dans une salle de classe au silence de mort. Mais peut-être le côté dangereux de la chose était-il recherché, peut-être ce chuchotement n'était-il pas innocent, mais visait à répandre le bavardage dans la classe comme une traînée de poudre, à le nourrir, le faire enfler jusqu'à ce qu'il engloutisse tout l'espace en grondant tel un brasier. Un brasier qui ne tarda pas à naître de la petite flammèche, sous les yeux ravis de deux moines aux tenues flamboyantes et au bourdon muni d'un rubis.

- Capitaine ! La flamme s'élève !
- Je la vois, mon fils.
- Qu'elle est belle !
- Je le sais, mon fils.
- Puisse-t-elle accomplir son œuvre purificatrice !
- Je le souhaite, mon fils.
- Capitaine ?
- Oui, mon fils ?
- Avons-nous terminé notre tâche en ces lieux ?
- Certainement pas, mon fils. Maintenant, il nous faut châtier ces connards d'infidèles, ces fils de putes d'hérétiques et ces petits pédés de nihilistes.


Sur ces saintes paroles, l'illustre moine se retira, bientôt suivi de son acolyte après un dernier regard fasciné jeté à l'incendie qui commençait à se propager. Tous deux se dirigèrent à grands pas vers une épave de caravelle couchée sur le flanc, où toute une bande de moines à l'apparence similaire les attendait, perchés à des endroits improbables en position à l'équilibre acrobatique, dans le plus pur style shaolin. L'acolyte pressa le pas pour se retrouver au niveau de son capitaine.

- Et comment allons-nous les châtier, capitaine ?

Le moine s'arrêta sur place.

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[1110 DORIKI]

- On va leur cramer la gueule, mon fils.

♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

L'homme regardait fixement l'incendie. Il était habitué aux flammes, mais d'habitude il s'agissait plutôt de celles qui brillaient dans les yeux de ses groupies, ou celles qu'elles allumaient grâce à leur briquet pour lui montrer qu'elles étaient là dans le noir, lors de ses concerts. Ce qui, tout en paraissant assez stupide, l'aidait beaucoup à réellement savoir qu'il avait un public, puisqu'il considérait toujours que ce qu'il ne pouvait pas voir n'existait pas – et à ce titre, ses trois mètres cinquante de hauteur le faisaient passer à côté de l'existence d'un sacré paquet de trucs, à commencer par les petits chiens. Ainsi, celui qui lui était tombé accidentellement sur la tête quelques mois auparavant faisait pour lui office de créature légendaire, puisqu'il n'avait jamais pensé à regarder plus près du sol pour constater qu'il existait une multitude de ses semblables (au mieux, il se méprenait à cause de sa hauteur et les cataloguait comme des bonnets en laine). Par peur de courroucer un être mythique, il n'avait pas osé déloger le chien, lequel se trouvait parfaitement à l'aise sur son crâne et avait de toute manière un trop grand vertige pour en descendre tout seul. Personne n'avait plus vu son faciès depuis des mois, ce qui n'était, somme toute, pas bien grave puisque les personnes qu'il fréquentait avaient bien plus souvent son entrejambe que son visage en guise d'interlocuteur.

Toujours intéressé par les flammes, il sortit un calepin de la poche arrière de son pantalon, fit quelques mouvements de majorette avec son crayon à papier et commença à écrire sa prochaine chanson. Une fois le texte terminé, il y jeta un œil critique.

Le feu
Ouh, le feu
C'est bon du feu de Dieu
Un peu comme tes yeux
Sauf que tes yeux sont bleus
Pas comme le feu
Le feeeeu !

C'était vraiment très mauvais. Il hésita à ajouter J'ai hâte de te mettre au pieu / Pour te mettre mon pieu afin de pimenter le tout, mais son manager désapprouverait sûrement. Ou alors, il ne comprendrait pas. A sa décharge, il n'avait que huit ans. Le chanteur arracha la page de son calepin et la déchira en soupirant, puis s'avança vers l'incendie en réajustant le chien sur sa tête.

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[1230 DORIKI]

- Hé toi, le feu. Tu m'as fait grave perdre mon temps. Paraît que le temps c'est de l'argent, alors je vais genre te démolir la face.

♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

Le bras de fer est probablement le face-à-face le plus viril auquel deux pirates peuvent s'adonner, devant le duel au pistolet et très légèrement au-dessus du concours de beuverie et chansons paillardes. Étant donné que la virilité n'était pas en reste sur le Cimetière d'épaves de South Blue – et les pirates encore moins – les championnats de bras de fer étaient monnaie courante. Sous la pluie, la neige, le jour, la nuit, au sommet d'un mât, au fond d'une cale, avec règles spéciales, handicaps ou appels à un ami, tous étaient totalement improvisés et aucun d'entre eux ne ressemblait aux autres. Toutefois, ils gardaient un dénominateur commun, parfaitement invariable – en plus du fait qu'ils opposaient tous une élite de forbans dont les biceps se situaient à mi-chemin entre un bras de body-builder et un tonneau. Depuis des années, tous les championnats de bras de fer organisés sur cette île couronnaient le même vainqueur.

Ce dernier était, une fois de plus, en train de dominer une finale de tournoi avec brio. Fumant un épais cigare de l'autre main, bavardant avec ses amis pendant ce temps-là, pendant que son adversaire s'exténuait à s'en faire péter les veines du bras, sans réussir à incliner celui du champion d'un seul centimètre. De temps en temps, celui-ci forçait légèrement pour soumettre son opposant à rapprocher le dos de sa main à quelques centimètres de la table, puis revenait à sa position initiale, droit comme un I en reprenant sa conversation. Au bout d'un moment, jugeant que l'humiliation avait assez duré, il abattit rapidement la main de son adversaire sur la table sans que cela ne paraisse lui demander le moindre effort, puis se leva sous les applaudissements pour aller chercher son prix. A bout de souffle, le vaincu réussit néanmoins à rassembler assez de force pour lui hurler :

- T'es qu'un enfoiré de tricheur !

Les applaudissements cessèrent d'un seul coup. Le champion s'arrêta sur place, ses subordonnés s'approchant de l'impertinent d'un air menaçant. Leur capitaine se retourna pour fixer le pauvre homme droit dans les yeux.

- Qu'est-ce que tu viens de dire ?
- T'as parfaitement entendu ! Tricheur !
- Et pourquoi je serais un tricheur ?
- Ces bras que t'as... C'est de la triche !
- T'as pas un vocabulaire bien varié, mon gars.
- Je m'en balance. T'es rien qu'un sale vieux connard de tri...


Un puissant coup de poing le dispensa d'une énième répétition en l'envoyant voler cinq mètres plus loin. Les spectateurs s'écartèrent prudemment tandis que le vainqueur s'avançait vers l'homme qui l'avait défié. Celui-ci se releva péniblement, le regard haineux, ne rencontrant en face que les lunettes aux verres opaques de son adversaire, qui se mit en garde en faisant craquer toute une galerie d'articulations au passage. Il adressa une dernière parole au malheureux qui s'était mis en tête de le défier :

- T'as tort, gamin...

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[930 DORIKI]

- J'ai jamais triché au bras de fer. Je suis le bras de fer.

♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

Une légère brise perturba la chaleur étouffante qui régnait sur le Cimetière d'épaves, bousculant avec effort les gros tas de mélasse quasi-tangibles que formait l'air lourd. Prenant de l'assurance, elle surfa sur un mât incliné à la limite de la fusion, contourna un bar investi d'un nouveau propriétaire, virevolta parmi les cendres d'un incendie mystérieusement allumé et tout aussi mystérieusement éteint, survola un combat particulièrement déséquilibré. Fatiguée de toutes ces cabrioles, elle se traîna encore sur quelques mètres, avant de finir sa course en agitant légèrement une longue et épaisse chevelure d'un roux profond. Le propriétaire de la chevelure examina la direction depuis laquelle venait cette brise, la mine songeuse. Après quelques instants de réflexion, il sauta de la figure de proue sur laquelle il était assis et se mit à courir.

Il courut à travers tout le Cimetière d'épaves, sans savoir exactement ce qui le guidait. Il courait sans se soucier des obstacles sur son chemin ; pour la plupart, ils étaient en bois et il passait à travers. Pour les autres, le temps qu'ils se relèvent pour l'agonir d'injures, il était déjà loin. De toute manière, il ne craignait pas grand-monde. Peut-être parce qu'il était très fort, ou peut-être parce qu'il avait toujours confondu les verbes ''craindre'' et ''peindre'', ce qui fait qu'il n'avait aucune raison d'être craintif puisqu'il n'était pas peintre.

Il s'arrêta en pleine course, au grand dam du malheureux pirate qui se retrouva coincé sous ses pieds sans pouvoir faire grand-chose d'autre que lutter pour faire entrer l'air dans ses poumons. Il venait de comprendre ce qui l'avait poussé à courir. C'était beaucoup plus net à présent. Une légère odeur flottait avec la brise. Il inspira longuement, humant l'air avec concentration, les yeux fermés.

Puis il ouvrit les yeux, et un grand sourire éclaira son visage. Il avait trouvé.

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[1500 DORIKI]

- Bordel, ça sent le lion par ici !

♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

Effectivement, ça sentait le lion. Et pour cause. Une curieuse forme s'approchait petit à petit du Cimetière des pirates, chevauchant les flots avec fierté. On pouvait y distinguer une sabreuse à l'air bougon, un cardinal disproportionné, un nain en armure, un dandy en costume blanc, un papa poivre-et-sel, un colosse à la crinière ardente. Tout ce petit monde, armé de balais, pagayait farouchement dans ce qui ressemblait plutôt à une tentative désespérée de se maintenir au-dessus du niveau de l'eau qu'à une réelle volonté d'aller de l'avant. Il faut dire que sept personnes serrées les unes contre les autres sur une vieille porte en bois, ce n'est pas ce que l'on fait de mieux en matière de navigation.

Mais quel rapport entre cette joyeuse bande de branques et le roi des animaux ?

Le rapport, c'est que le canard qui les survolait avec grâce et panache, portait dans son bec un pavillon noir, symbole de piraterie, frappé d'une cloche à fromage.

Le pavillon des L.I.O.N.


Dernière édition par Brih Demau le Mer 4 Déc 2013 - 0:10, édité 6 fois

    -COMMENT UN XYLOPHONE CA PEUT BATTRE LE BOURRINAGE ?!
    -C'est les règles, abrutis !
    -Et voilà, p-a-i-d-d-a-l-o-s
    -T'es sûr que ça s'écrit comme ça pédalo ?
    Demanda sarcastiquement Munster pendant que Fonduslip mangeait le dernier insecte trouvé dans la barque.
    -Mais oui... Lui répondit tout aussi sarcastiquement Rockfor.
    -J'ai toujours pas pigé, vous êtes certains que les points ça a aucun rapport avec les coups ?
    -Non, ce sont des points... le score !
    -... Ouais... Non, je visualise toujours pas très bien le machin
    -Les points c'est comme de l'argent, mon choupinou, c'est quelque chose que tu gagnes
    -Aaaaah, donc ça sert à acheter à boire !
    -Non ! Ca sert à gagner !
    -VOUS M'AVEZ DEJA ENFILES AVEC "BAM", MEME EN TAPANT TRES FORT DESSUS, UN XYLOPHONE C'EST BEAUCOUP MOINS BIEN QUE DU BOURRINAGE !
    -Vous vous rendez compte que c'est la quatrième fois que je place le mot "fictif" ? Ca prouve bien à quel point cette connerie est fictive !
    -Oh regardez, notre mignon canard va enfin réussir à mettre un mot ! Bravo !
    L'animal déposa les lettres avec son bec afin de former le mot "dfrtrui"
    -... C'est toujours un bel effort, continu comme ça !
    -On va pas lui donner des points pour ça !
    -Il faut être gentille avec tes camarades mon enfant, sinon c'est la fessée !


    Ils en étaient arrivés à jouer au scrabble. Robb Lochon, en tant que bon "père de famille" -avec des guillemets, ces enfants, en plus de ne pas vouloir l'être, n'avaient d'enfants que le nom- était capable de construire énormément de jeux de sociétés avec très peu de matériaux. L'idée que seulement la moitié du groupe était capable de comprendre les règles du scrabble, et moins d'un quart d'y jouer sans tricher ne lui avait pas traversé l'esprit. Il avait bien hésité entre ça et un monopoly, mais après l'avoir tenté dans une école, le pirate avait remarqué que transformer des enfants en agents immobiliers cherchant à gagner le plus d'argent possible avait plus tendance à les monter les uns contre les autres qu'à les rapprocher. Et il n'y avait pas beaucoup de différences entre des écoliers et les L.I.O.N. Cela faisait dix jours que nos héros avaient pris la mer et Rockfor se contentait de dire "Ouais ouais, on va dans la bonne direction" en guise de navigation, préférant s'allonger, le chapeau devant les yeux, en bon forban poseur qu'il était. Notre bande, sans réussir à récupérer un navire, avait embarqué sur une porte défoncée. Ainsi la porte se laissait avancer au grès du vent et du destin. Dans le tas, il devait bien y avoir quelqu'un avec un grand destin, permettant ainsi aux autres de rester saufs tant qu'ils l'accompagnaient. Les premiers jours, et par là j'entends les trente premières minutes, furent simples. Nos protagonistes dévorèrent le peu de nourriture emmenée très rapidement -en trente minutes donc-. Quelqu'un avait bien mentionné à un moment donné qu'il fallait peut-être envisager de faire vaguement attention aux vivres. On s'était contenté de lui balancer un morceau de pain dans la bouche pour le faire taire. Seulement, les trente minutes de repas passées, l'équipage se retrouva sans rien. Un canard préféra d'ailleurs voler au dessus de l'embarcation, pas particulièrement rassuré de rester proche de Munster affamé. Il ne s'endormait qu'après avoir chanté une berceuse afin de calmer tout le monde. Malheureusement, les esprits non ravitaillés -faibles- et donc particulièrement réceptif à toute manipulation mentale, empêchait notre joyeuse bande de remarquer les nombreux navires croisant leur chemin la nuit tombée. Quant aux nombreux navires, en voyant l'étrange groupe, entassé sur une petite barque, certains des membres portant toujours leurs tenues de prisonniers, ils décidaient de passer tranquillement. Pour ce qui est des bateaux croisés de jour, le même groupe hurlant à l'aide rassurait encore moins les marins.

    C'est ainsi que Robb décida de réfléchir à des moyens de distraire ses nouveaux compagnons. En partie pour qu'ils ne pensent pas à leur faim, en partie parce que rester assit sur une barque toute la journée, c'était particulièrement chiant. Le pirate tentait de proposer des activités variées pour chaque après-midi. Aujourd'hui c'était journée scrabble. Pas l'idée la plus brillante. Le vocabulaire général des L.I.O.N consistant en grande partie en des mots de cinq lettres maximum, le jeu n'était pas des plus trépidant. Qui plus est la probabilité se modifiait pour permettre une énième blague fictive, et Munster plaçait à chaque tour le même mot. Personne ne pensait à se demander comment il retrouvait six lettres à chaque fois. A vrai dire la moitié des joueurs oubliaient de piocher quand leur tour venait, alors penser à celui des autres était un peu trop demandé. Qui plus est la faim commençait sérieusement -voir SERIEUSEMENT, sérieusement étant arrivé après deux jours- à se faire sentir. Alors que l'intérêt apporté par le scrabble s'évaporait et l'envie de manger revenait dans les esprits, le capitaine s'écria

    -HA PUTAIN ! JE VIENS DE ME SOUVENIR DU DRAPEAU ! Après l'avoir sortit de sa poche, le pirate déplia un large drapeau. Entièrement noir, il arborait seulement deux épées se croisant. En réalité le drapeau était à l'envers, on pouvait simplement voir les épées à travers.
    -Oh cool un pavillon de pirate !
    -Il est pas génial ce pavillon...
    -Il suffit de le repeindre!
    -OUAIS, C'EST EXACTEMENT CE QUE J'ALLAIS DIRE ! UN GROS LION AU MILIEU DES ÉPÉES !
    Effectivement, en embarquant sur la barque, les pirates n'avaient pas retirés la peinture présente. Ils n'avaient pas non plus terminé de peindre la barque en question, seulement à moitié blanche.
    -Je m'occupe de ça !
    -J'vois pas bien le lion là dedans
    -Oups, j'avais autre chose dans l'esprit !
    -Mais c'est un vieux fromage !
    -Ouais bah si t'es pas content fallait dessiner toi même !
    -ATTENDEZ JE VAIS ENFERMER LE FROMAGE ! FAUT PAS QUE NOTRE PAVILLON PUE LA MORT !
    -Avec toutes ces conneries ça m'étonnerais même pas...
    -P'tain Brih, t'as bousillé notre drapeau, vieille putain !
    -AH OUAIS ?! On va voir ce qu'il te dis mon drapeau
    Le nain reprit le pinceau et commença à écrire tout en articulant
    Rockfor est une vieille putai...
    -Arrête ça !
    -Oh bah bravo, tu m'as fait renverser le pot !
    -REGARDEZ CA J'AI COLORIE LES ÉPÉES EN ROUGE, C'EST COMME S'IL Y AVAIT DU SANG !
    -Oooooh, c'est très joli ! Bravo !
    Exagéra Robb
    -MAIS C'EST HORRIBLE Répondirent tous les autres
    -Putain qui a donné un pinceau au canard ?!
    -V'là l'bétail les loupiots
    -Mais mais, c'est quoi ces machins ?!
    -On dirait des espèce de vaches, mais vraiment très très fictives
    -Voilà, j'ai rajouté des cornes, ça fait des rhinocéros !
    -C'est pas des rhinocéros ça, c'est des licornes pourries !
    -AH OUAIS ?!
    Une nouvelle fois le barbu attrapa le pinceau et ajouta
    C'est... toi... la... licorne... pourrie

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    Par le plus grand des hasards, la coupe de fromage ressemblait exactement à celle déjà peinte de l'autre côté du pavillon. Finalement on décida d'arrêter lorsque que quelqu'un proposa de "Rajouter une tête de mort à côté du fromage" et un canard attrapa le pavillon avant de s'envoler au dessus de l'embarcation. Faute de mat, il fallait bien quelqu'un pour le porter. Quand notre héros se reposa, Ging le remplaça bien plusieurs minutes, levant les bras le plus haut possible, ce qui formait plus ou moins un mat. Sur la porte, l'équipage continuait de se disputer gentiment. Evidemment gentiment d'un point de vue de pirates. Tenter de lancer un marteau dans le visage de son camarade est beaucoup moins bien vu dans toute autre société. C'est tout aussi gentiment que le capitaine, qui s'était payé le marteau en question, balança Brih et Rockfor, qu'il pensait être la cible du nain, par dessus bord. Rhyne quant à elle se moqua un peu moins gentiment du géant en précisant qu'elle était en fait la cible. Elle rigola moins lorsqu'elle fut envoyée repêcher les deux autres. Particulièrement quand il s'agissait de récupérer le cyborg qui ne possédait pas une armure des plus légères. Robb quant à lui se contentait d'agiter un doigt en lançant un "tututut" des plus parentales. On tentait de s'occuper pour oublier que tout le monde crevait de faim.

    ♥ ♥ ♥ ♥ ♥ ♥ ♥

    Le feu avançait toujours au milieu des débris, réjouissant ainsi le Capitaine Flamme qui cherchait maintenant quelques âmes à châtier. En leur pourrissant la gueule, évidemment. Son apprenti quant à lui se contentait de le suivre, arborant son air le plus rempli d'admiration. Au fil des années il avait apprit à se comporter en bon apprenti. En général son job consistait à suivre son capitaine de quelques mètres, tout en faisant semblant qu'il devait se presser. C'était une loi importante dans l'univers, les acolytes ne devaient surtout pas marcher côte à côte de leur maître, une certaine distance était à respecter. Quant à la marche-illusion-de-course-lente, c'était sans doute un moyen de mettre en valeur le chef. Ca donnait une certaine impression de supériorité de voir quelqu'un courir pour réussir à suivre. Le moine lui n'avait pas besoin de ça pour paraître supérieur, mais il ne s'en privait pas pour autant. Un peu plus loin, Magnus Morrison était toujours occupé à insulter le feu. Il cherchait à vraiment l'avertir avant de passer à l'action, avec un peu de chance les flammes abandonneraient et partiraient d'elles-mêmes. La réponse n'arriva pas, puisque Capitaine Flamme s'interposa entre le brasier et la rockstar. Il se lança dans une brève tirade à base d'hérésie et de dégommer des tronches, puis, avec un style parfait, se projeta vers son nouvel ennemi. Nouvel ennemi qui stoppa le coup on ne peut plus facilement, il n'était lui non plus pas n'importe quel péquenaud. La tension était à son plus haut point et la chaleur provoquée par les grandes flammes n'arrangeaient pas la situation. L'acolyte qui tentait de parler à son capitaine non plus. Le capitaine qui lui disait de se taire à répétition encore moins. Morrison qui improvisait une chanson certainement pas. Enfin Ging "BAM" Dong qui fonça dans le tas, poussant les deux pirates en arrière, en hurlant de dégager avant de bondir dans le feu, en plus de faire regretter au moine de ne pas avoir écouté son apprenti, détériora énormément l'ambiance. Le reste des L.I.O.N suivait le capitaine excité.

    Après avoir tenté de tous rentrer dans la seule boutique de navire du Cimetière, et en voyant que ça ne fonctionnerait pas très bien, le joyeuse bande accepta d'attendre leur capitaine devant la porte. Evidemment, il ne fallut pas plus de trente secondes pour que la moitié des pirates veuillent partir faire autre chose. Attendre patiemment n'est pas quelque chose de très apprécié des crétins, et plus généralement dans le monde des aventuriers. Heureusement il y avait quelques membres -légèrement- plus malins que les autres qui avaient la tâche ennuyante d'attraper les forbans tentant de s'échapper plus ou moins discrètement. Finalement le capitaine revint pour annoncer

    -IL A PAS ACCEPTE QU'ON PAYE EN FUTURS TRÉSORS OU AVEC LA BARQUE CET ENFOIRÉ !
    -On casse tout ?
    -Faudrait pas oublier d'acheter des vivres... Je précise juste ça comme ça hein, si vous voulez être des abrutis finis c'est votre choix
    -...
    -A la taverne !

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    • https://www.onepiece-requiem.net/t3496-soren-hurlevent
    Le faciès presque émacié, la chevelure plus rose que des lilas, et un nom à la con. Robert Barque faisait parti de cette catégorie bien spéciale d'hommes, celle qui, de sa proportion à réaliser un coup d'état comme l'on beurre une biscotte, démarquait le croquant lambda du protagoniste singulier. Robert, ou le paon rose comme il aimait à s'appeler lui-même -on ne sait vraiment pourquoi-, n'était certes pas encore d'un assez gros calibre pour espérer changer le monde, pas plus à vrai dire qu'il n'était doué en beurrage de biscotte. Seulement cela ne l'avait jamais empêché d'essayer. Même s'il lui fallut une vingtaine de piges pour se faire sa place dans les lieux peu recommandables du cimetière d'épaves, aka sa maison. Arrivé sur place on ne sait comment, peu nombreux furent les gens qui passèrent à coté du bambin sans lui cracher dessus. Le caractère rustre des autochtones jouait indubitablement, mais il fallait reconnaitre pour leur défense que le garçon faisait montre d'une précocité incroyable quand il s'agissait de casser les couilles. Le mouflet à la tignasse rosée fut contraint de survivre par ses propres moyens en ces contrées hostiles où régnait une bataille perpétuelle entre tous les groupes présents pour s'approprier le territoire. Si des différences de pouvoir subsistaient entre chacun, elles étaient comblées par le leitmotiv de la plupart desdits bonhommes, tenant plus de la charogne que du lion. Beaucoup attendaient en fait que deux groupes s'affrontent pour s'attaquer à celui qui aurait alors le malheur de rester debout. C'est ce qui faisait régner un semblant de paix sur cette île, la constante menace de se faire violemment latter par des hyènes n'attendant que vous lui tourniez le dos pour vous sauter sur le rable. Une perspective peu réjouissante qui maintenait en place le plus sanguin des forbans.


    Mais il y avait de sérieux cas au cimetière d'épaves.


    Les grandes puissances de l'île furent tout de même étonnées de voir survivre l'orphelin n'ayant même pas de nom, mais qui s'était autoproclamé Robert parce que "c'était classe". Ce jeune homme haut en couleur parvenait néanmoins depuis quelques années à se coucher le soir en un seul morceau dans son lit de fortune, qui avait à s'y méprendre de sacrés airs de barque. En fait c'était même carrément une barque. Mais lui appelait ça un lit et si vous aviez le malheur de le contredire il se faisait une joie de vous persécuter les semaines suivantes d'une manière dont lui seul avait le secret. Il n'était pas belliqueux au sens propre mais avait un mal fou à admettre ses torts comme ses faiblesses. Finalement les jours, les mois et les années passèrent ainsi, et peu à peu, sans qu'on s'en rende compte, Robert était devenu une menace. L'électron libre de l'île avait non seulement réussi l'exploit de grandir par ses propres moyens -sans se ranger sous l'aile d'un des chefs de gangs-, mais il s'était aussi vite avérer être leur principale cible. En grandissant il démontra une force non négligeable, mais surtout une tendance à se retrouver là où il ne fallait pas et quand il ne le fallait pas. Il avait ainsi, par plusieurs concours de circonstances intriguant mais qu'on préférait ignorer, déjoué les plans de ceux en passe de s'approprier le territoire d'un congénère. Mais le garçon, aidé du ciel ou de sa force, parvenait toujours à s'en sortir indemne, ce qui était rarement le cas en face. C'est alors que ce qui devait arriver arriva. Robert devint un homme.


    Aujourd'hui, Robert Barque est devenu à lui seul l'une des principales puissances de l'île. Incontrôlable et pourtant chéri des dieux, il pourrait sans doute s'emparer du cimetière d'épaves en une journée s'il le voulait.


    Mais lui n'en a rien à foutre de ces morceaux de bateaux. Ce qu'il aime, c'est prendre des poses dramatiques en jouant de sa guitare.


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    *Tliiiinn*

    "C'était magnifique... Comme toujours..."


    Oui, Robert Barque est un personnage excentrique. Et comme tel, il ne peut se rentre compte de ce qui n'est que trop évident pour tous ses spectateurs forcés. Il est exceptionnellement peu doué pour la musique, seule chose qui le passionne.


    Seulement cela ne l'a jamais empêché de continuer.


    ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠


    Ging et sa joyeuse clique de bras-cassés avaient, par respect pour la longue tradition des forbans qu'il n'est pas toujours simple de suivre, commencé leur aventure sur cette île par la taverne. C'était un départ qui plaisait au colosse, se saouler en compagnie de gaillards qui, vu qu'ils étaient déjà là depuis un moment, étaient maintenant certes moins pourvus en diplomatie mais doté d'un niveau intellectuel égal -il l’espérait- avant de partir sans payer et si possible en foutant un bordel monstre demeurait selon lui le meilleur moyen de commencer une aventure. Répandre le chaos dans un endroit fréquenté appelait à le sauvegarder, ce qui plus concrètement forçait quelqu'un à appeler une main d’œuvre qualifiée pour. Il ne restait plus qu'à taper dessus jusqu'à ce que la main devienne un moignon et les bardes chantaient vos louanges à travers les quatre mers. Le lion ardent et sa conception simpliste des choses ne se doutaient pas une seconde que cette taverne était la seule fréquentée par Robert, d'une part parce qu'ils ne connaissaient tout bonnement pas l'homme répondant au melliflue nom de Mr Barque. Dans le cas contraire, il y aurait fort à parier que Ging se serait foutu de sa gueule et aurait pris encore plus de plaisir à saloper l'édifice. Et d'autre part parce le principe de territorialité n'avait nulle emprise sur un Lion. Force est de reconnaitre que même si l'entrain du capitaine est un de ses traits légendaires que raconteront bientôt les légendes, il mettait aujourd'hui une vigueur exceptionnelle à marteler le premier type bourré qui l'avait insulté avec cette table. Et tandis qu'il s’apprêtait à enchainer, au hasard en décochant la chaise dans la face de son voisin ; un bruit sourd frappa, et il déboula.



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    "COMMENT CA ROBERT BARQUE N'EST PAS LA ?!"



    Si l'on est forcé de reconnaitre que des hommes exceptionnels peuplent nos mers, il y a aussi des êtres bien moins humain mais tout aussi exotique. Van Adebal faisait parti de ces erreurs de la nature qu'on ne parvient jamais à comprendre même au prix de toute une vie d'étude. Certes sa tête constituée d'une étoile avait de quoi soulever un bon nombre de questions au plus sage des vieillards, mais sa personnalité avait mis les bouchées doubles pour être à la hauteur du physique. Cet homme Cette chose était encore plus imprévisible que Robert Barque. Il partageait d'ailleurs un lien vraiment très spécial avec ce dernier, puisque c'était lui qui lui avait trouvé son nom en débarquant sur l'île après avoir été chassé de Marie Joa par son père toujours noble mondial, mais à présent sans enfant. La rencontre de ces deux entités avaient déchiré le ciel et tordu les mers ; mais ils étaient au final ressortis vivant de cette confrontation et tous deux grandis. Dès que Van avait été au courant qu'il manquait un nom à Robert, il scruta les alentours et décida de le baptiser avec la première qu'il vit, en l’occurrence la barque-lit du paon rose. En échange de quoi Robert avait gracieusement offert sa deuxième guitare préférée au bonhomme avant de lui apprendre un arpège dont la mélodie ressemblait à un chat s'étranglant. Instantanément après l'homme à la tête d'étoile avait juré de battre Robert Barque dans un solo de guitare. Ce dernier avait alors pris sa plus belle pose mélodramatique pour clamer qu'à partir de maintenant ils étaient rivaux.


    C'était il y a deux jours.


    Van semblait être ici pour affronter son ennemi juré dans le solo promis, comme il en avait convenu tout seul quelques minutes en amont. Il n'avait pas eu la présence d'esprit d'aller prévenir l'adversaire en question du lieu et de la date du duel, il s'était simplement contenté de se radiner dans une taverne pour gueuler sur les gens en se demandant pour quelle foutue raison son rival n'était pas encore là. C'est alors qu'il vit Ging. Alors il comprit tout. Écarquillant ses yeux d'étoile autant qu'il le pouvait, il pointa un doigt accusateur sur le colosse.


    "C'EST TOI QUI A ENGLOUTIT ROBERT ! DEMON DE L'ENFER !"


    En quelques secondes Van s'était retrouvé la main enfoncé dans la gorge de Ging et il tentait à présent d'y rentrer sa tête, qui pour des raisons évidentes pour tous sauf lui, ne passait pas.


    Robert ?! Tu m'entends ?! Ne crois pas que c'est parce que tu t'es fait boulotter que ça va m'empêcher de montrer à tous que je te suis meilleur ! REVIENS CHIURE D'INCONTINENCE !


    Notre héros, plus amusé qu'affamé, avait décidé de ne pas croquer tout de suite le truc qu'il avait en bouche. Il préféra le ponctuer d'un "T'ES QUI TOI ?!" qui avec une étoile dans le bec devint un "FEKITOI ?!". Néanmoins Van comprit, et il ne lui fallut qu'une seconde pour sortir de là, attraper sa guitare, prendre la pose et commençais à se présenter ; un peu comme si toute la scène qui venait de se passer n'avait été qu'un rêve.


      Kings of Trash 882221VanAdebal
        "Eh bien, si je m'attendais à ça... Alors comme ça tu sais parler ? Ca me choque...mais je vais quand même te répondre ! Après tout tu sembles avoir l’œil pour poser les bonnes questions. Je suis Van Adebal. Ma mère est morte en couche. Sans doute trop éprouvée d'avoir mis au monde un être aussi exceptionnel. Mon père m'a abandonné. Sans doute trop éprouvé d'avoir un fils si exceptionnel. Je ne lui en veux pas. A sa place j'aurai fait pareil. Faut savoir que c'est dur de vivre dans l'ombre de son fils. Et comme vous avez pu le remarquer, je suis étincelant comme type. Depuis je vis au jour le jour mais aussi la nuit, c'est là que sortent les chats et où généralement je fais les meilleurs repas. Mon rêve depuis toujours est de surpasser Robert Barque à cette chose qu'il appelle guitare. Après tout ce serait que justice. Il débarque comme ça sur mon île, me vole une guitare et se décrète être mon rival. Il manque pas de toupet celui-là ! Non... attends une minute... C'est moi qui ais fait ça non ? Boarf. Peu importe. De toute façon, t'as vu les cheveux de ce type ?! Moi jdis qu'on peut pas faire confiance à quelqu'un qu'a les cheveux roses. Jsais bien que ma mère me disait de pas juger le moine à la couverture de ce livre, mais des fois on peut tout de même. Tu penses pas ?


    Ging n'eut pas le temps de répondre une de ses conneries habituelles que la porte s'ouvrit en trombe, accueillant la silhouette de Robert Barque lui même, sa tignasse rose dans le vent, et sa guitare en main. Les deux rivaux se fixèrent intensément. Tous deux firent craquer leurs doigts. Puis ils commencèrent à l'unisson à gratter les cordes respectives de leur instrument.


    Et aussi incroyable que cela puisse paraitre, Van n'était pas franchement meilleur que Robert.
      [Un long post (y a pas mal d'espaces et de dialogues dans celui-là aussi, faut pas croire !) où l'on bouche les trous et où on avance les choses. Un long post avec pleins d'étoiles. Un long post qui va peut être être moqué par Tar dans une parodie approximative, mais très subtile plus tard. ♥]
      AVANT TOUT ;
      Il y aura deux sortes de musiques, celles juste mentionnées (sous la forme suivante :"Écris sur et inspiré par") et les musiques que je jugerais plus importantes (qui seront sous la forme du lecteur Youtube). Si je ne force personne à bien entendu les écouter, je demanderai aux éventuels correcteurs d'essayer de le faire pour les musiques jugées importantes, car j'essaie de les choisir minutieusement et cela peut permettre parfois de faire comprendre des choses seulement effleurés dans le texte ou au contraire, les démultiplier. Bref, je vous enjoins à le faire, mais vous êtes seuls maîtres à bord.


      « Tournicoti, tournicotoooooon ! ~~♫ »

      Sur une porte qui prend l'eau, parfois il n'y a pas grand chose d'autre à faire qu'effectuer des pirouettes et des entrechats ! Le Papa le plus cool de l'univers faisait sa 469853172 ème cabriole -autiste savant qui pouvait tout compter à ses heures perdues- commençant à creuser sérieusement leur "embarcation" ce coup-ci. Le danseur avait en effet déjà tourné si vite à un autre endroit que la porte avait commencé à fumer dangereusement et si la perspective d'un feu réjouissait normalement les naufragés, ce n'était pas le cas des L.I.O.N's qui, n'ayant encore abouti à aucune île, ne partageait pas l'enthousiaste de Robb d'aller taquiner les poissons et dire coucou à Davy Jones. Le Docteur cependant s'emmerdait et il n'avait rien trouvé d'autre à faire. Il n'était pas pater à glandouiller pourtant et ce n'était pas faute d'avoir tenté de s'occuper, mais sous la chaleur accablante du soleil, son intelligence déjà fortement limitée (si on entend par là qu'une moule et un lemmings font figures de nobles comparaisons, quoique personne ne pouvait nier que tant que cela avait trait aux Pirates, à la Médecine, à la nourriture avec du fromage dedans, ainsi qu'aux trucs qu'font les pères, il n'était pas si crétin) tardait à s'éveiller, sinon baignait carrément dans la houle. Heureusement, après avoir levé la tête et contemplé les nuages, il savait quel était son rôle. Le vent lui avait soufflé ce qu'il devait accomplir pour le groupe en lui caressant la nuque. Ainsi que Mathilda, son mirifique petit doigt. Brandissant celui(lle)-ci dans la lumière de l'orbe lumineuse qui planait au-dessus de leur tête et l'agitant fougueusement, un grand sourire aux lèvres, Robb Lochon proposa LA solution :

      « Mathilda m'a soufflé qu'on pourrait... qu'on pourrait... allez quoi, soyez enthousiastes ! Qu'on pourrait... JOUER AU SCRABBLE ! N'est-elle pas fantastique notre chère Mathilda bwo ho hoooo ?»

      ***
      Le Montagnard était fasciné lorsqu'il posa le pied sur le Cimetière des Épaves. L'agencement singulier des carcasses des vaisseaux venu s'échouer sur les ordures et les récifs avaient fini par s'amonceler en de curieuses figures. Un mât-là faisait un tout-puissant narval luttant contre des flots de bois, un galion éventré un improbable dragon rugissant contre l'écume des jours qui érodaient son squelette de chêne et... plusieurs gouvernails brisés renvoyait l'image d'un duel en chapeaux de cow-boys entre une autruche et un flamant rose. Et partout, les ombres telles des marées noires s’avançaient doucement et inexorablement sous le joug du Soleil. Il voulut toucher chaque surface, chaque pointe, chaque p'tit bout d'rafiot embarrassé de bigorneaux que ses mirettes pouvaient déceler, car les Montagnards avaient oublié la chaleur d'un véritable bateau. Les réconforts que le vrai voyage en mer pouvait leur apporter leur était étranger, eux qui ne naviguaient guère plus que sur deux-trois rondins histoire d's'la péter. Aussi, Robb sembla tomber des nues quand il découvrit que tout cela s'accordait dans les esprits du commun des mortels salopards de citadins comme un amoncellement de merdes inutiles. C'était en tout cas comme cela que le présentait Rémi Surpeuplet, l'assistant de François Bitoniau, qui glandait sous la chaleur tandis que son patron parlait avec son Capitaine.

      « C'est d'la merde que j'vous dis. De. La. BOUSE !
      - Mais enfin sois aimable comme ton boss ou tu vas déjà finir par TE PRENDRE UNE GROSSE QUICHE DANS LA TÊTE, MON P'TIT ! Redis à Papa pourquoi ça marcherait pas ! FISSA ! ET ME RÉPONDS PAS ENCORE ATTENTION !
      - ...
      - J'attends !
      - ...
      - ...
      - ...
      - ...
      - ...
      - Ah ! Oui, t'as raison : j'te permets de me répondre gamin. Bwo ho ho, p'tit boutchou ! T'es trop mignon quand t'essaies d'faire des blagues ! lui dit-il en lui caressant aussi furieusement que possible la tête dans la plus pure tradition paternelle, arrachant cependant quelques grappes de cheveux qui n'auraient dû partir normalement qu'après trente longues années de bière, de bouffe pleine de graisse, de cholestérol et d'entourloupes avec des travestis. Beaucoup de travestis.
      - Bah, voyez, sans vouloir vous manquer d'respect, parce que bon, c'serait dommage, tout d'même, vous m'êtes sympathique -on a bien conversé ensemble m'voyez, on s'est trouvé un point commun dans notre idée de l'atavisme particulier qui sévit dans la catégorie sociale des Pirates concernant leur idée de porter leurs flingues dans leurs ceintures ventrales, en dépit du risque que l'coup parte et de s'arracher une couille ou deux ou trois- ce que dit m'sieur Bitoniau, c'est un peu du pipeau.
      - C't'à dire mon choupinou ?
      - Bah, certes et là j'ose dire que j'n'dis pas ça par amitié pour lui, non pas pars'que j'pourrais penser que les gens ne me croiraient pas objectif, mais parce que, j'ai peur, vous savez, j'ai peur du regard des autres et de leur jugement sur lui, du Pendant, de l'Avant, mais surtout de l'Après de ce genre d'histoires et je n'aimerais pas que ce cher m'sieur Bitoniau en pâtisse, parce qu'il est un bon bougre m'voyez.
      - J'm'vois, continue mon p'tit.
      - Comment ça et je sais que ce n'est pas le but de notre conversation, mais je le demande quand même : "me voyez-vous" ? Non, parce que là, attendez, sauf votre respect, c'est tout de même un tour de force incroyable, qui, moi, désolé de vous paraître un peu con, m'éblouit les mirettes ! C'est prodigieux, quoi, merde !
      - Concentration mon p'tit, concentration ! J'aime moi aussi faire danser mes méninges, mais y a un temps pour tout : un temps pour s'amuser et un temps pour faire ses devoirs ! Allez, hop hop hop, on y va maintenant.
      - Où ça ? Ah oui ! Je comprends, je comprends mieux, si vous pouviez reposer votre pelle, si' vous plait, ce serait fort appréciable -je ne veux évidemment pas vous contredire, le client est après tout roi, mais si ma tête pouvait rester sur mes épaules, voyez, ce serait tout d'même pas piqué des hannetons. Donc, hmm-hmm, pour revenir à nos vaisseaux, on pourrait bien sûr vous refilez un bateau qui compose le Cimetière, mais la plupart qui sont pas cassés sont déjà utilisés par des équipages Pirates, soit comme possession, soit comme base et c'parfois pire, parce que certains sont empilés d'tel sorte que le ciel pourrait nous tomber sur la tête. Bref, du pipeau quoi !
      - Le ciel ne tombe pas sur les Papas, gamin, parce qu'y parait qu'chez les Citadins y a un Super Papa qui veille au grain là-haut. On est voués à être potos.
      - IL A PAS ACCEPTE QU'ON PAYE EN FUTURS TRÉSORS OU AVEC LA BARQUE CET ENFOIRÉ !
      - Ah, j'crois que j'vais t'laisser ma p'tite crapule, j'dois aller surveiller mes enfants. Continue comme ça, mais ne réponds plus à ton chef, hein ! »

      Alors qu'il filait, le Montagnard revint sur ses pas sans se retourner, à reculons, puis fourra sans rien dire une sucette dans la bouche de son interlocuteur et lui pinça amicalement le nez. Le bruit se voulait un pouet, mais, bizarrement, ressemblait plutôt à l'accouplement sauvage entre une tondeuse à gazon et une poêle à frire. Levant un sourcil, Robb éparpilla la tronche de Rémi pour découvrir qu'il était un androïde. Et avant toute exclamation devant cette vérité, celui-ci n'eut comme réaction que de lâcher une saucée d'huile dans sa gueule, de cracher la sucette qu'il lui avait généreusement offert - le Médecin s'empressa de la fourrer dans ses badigoinces- et de décamper lentement en faisant des roulades arrières tout en produisant des sons métalliques qui ressemblaient à un "JE. RE. VIEN. DRAIS." Hochant les épaules, Robb s'essuya, puis rejoignit les autres, croyant qu'il avait déjà vu plus bizarre.

      Mais il se trompait. Il y avait de sérieux cas au Cimetière des Épaves et les L.I.O.N's ne savaient pas qu'ils venaient d'attirer leur attention sur eux. Les Pirates et autres criminels n'étaient pas les seuls bachibouzouks qui trainaient dans l'coin, car il y avait eu depuis des décennies des personnes assez timbrés ou assez démunis pour rejoindre le Cimetière de leur plein gré. Tout le monde ici était un peu fou pour survivre ; et un robot assistant jeteur d'huile était le moins cinglé d'entre eux...

      ***
      La trappe des latrines s'abattit lentement, tandis que notre cher papounet jetait un seau d'eau pour nettoyer tout ce bazar peu ragoûtant qui traînait là d'ssous. Il en avait vu d'autres pourtant, lui qui bataillait contre l'Empire des Couches depuis quelques années, mais ce n'était pas tant la puanteur et l'amas de - ♫ Bulletin d'interruption PATAFION©, Bulletin d'interruption PATAFION©, c'pour n'pas qu'vous d'v'niez trop couilloooooons ! ♪ nous interrompons ce passage sensible par un extrait sur la reproduction des punaises de lit. Les punaises de lit, animaux foncièrement fascinants, sont dotés de particularités sexuelles totalement magnifiques. Leur mode de reproduction, dit traumatique, porte bien son nom : le mâle n'étant pourvu que d'un aiguillon, s'amuse à percer gaiement le corps de part en part de sa compagne, envoyant sa - nous interrompons ce passage qui est enfaite vachement horrible et nous préférons revenir aux toilettes de la taverne. Pardonnez-nous, en espérant qu'il n'y a encore aucune défenestration chez vous ♫ Bulletin d'interruption PATAFION©, Bulletin d'interruption PATAFION©, c'pour n'pas qu'vous d'v'niez trop couilloooooons ! ♪ - mais la chaleur sèche qui le faisait souffrir horriblement. Elle vous plombait, déshydratant tous les pores de votre peau comme si une main supérieure s'amusait à vous tordre telle une serviette de plage toute mouillée et vous vous retrouviez soudain à partager le sort peu envieux des vieux gâteaux secs et des personnes du troisième âge. Oui, Robb suait, Robb se sentait mal, Robb tournait de l’œil, Robb venait de se péter la trogne sur un bout de lavabo qui lui survécut avec dignité, malgré le morceau qui flancha avec lui, mais Robb tenait bon. Se relevant péniblement après son quatrième évanouissement dû à cette damnée aridité, le bougre s'aspergea d'flotte crasseuse et sortit péniblement des toilettes de la taverne où le périple de la bande commençait vraiment.

      Et bien qu'actuellement, quelques emmerdes lui étaient déjà tombés sur le coin du museau, le Papa le plus ruisselant du monde n'avait pas fini d'en voir des pas mûres et des pourries.

      ***
      Il se frotta une fois les yeux. Puis deux fois. C'était la chaleur. C'était FORCÉMENT la chaleur. Il retira son t-shirt-nuage pour le presser laborieusement, faisant pleuvoir une pluie odorante sur le sol de la taverne. Une averse ? Une pluie diluvienne. Ah non, pardon, c'était la mousson. J'aimerais tellement être une jeune demoiselle qui se fait jeter de l'eau dessus pendant qu'elle se cambre. J'aurais moins chaud... et je serais peut être de meilleure humeur pour voir ça. Cela, c'était l'étrange duel que se livrait sous ses yeux un type ayant une calebasse en forme d'étoile -à moins qu'il ait une étoile en forme de tronche ?- et un zigue aux cheveux aussi roses que la confiture de framboise de sa mère (si la comparaison vous semble mignonne, dites-vous bien que la mère Lochon aimait à mettre des bébés Snowbirds dedans pour relever l'goût et si cela vous choque, attendez la suite : elle avait raison ; c'était putain d'bon). Les deux hurluberlus se livraient une espèce de bataille musicale criarde et discordante, renvoyant des échos meurtris dans l'air et l'affreux son que Robb avait entendu tout à l'heure en tripotant le nez de Rémi Surpeuplet lui semblait à présent un chef-d’œuvre digne des Tone Dial Awards. Le pire n'était cependant pas encore arrivé : une assemblée de gamines s'étaient rassemblés en un élan quasi-synchrone autour des deux protagonistes et les mirait d'un regard inhumain, quelque chose entre le poisson avide des abysses et l'air bovin que pouvait avoir l’œil d'un Ging après une tentative d'explication des règles du Srabble ; un regard qui avait réveillé quelque chose en Robb.

      Une nécessité. Un but. Une raison de vivre. Il avait laissé la chaleur, cette vipère vicieuse de péripatéticienne, le dominait trop longtemps et le Daddy Cool répondait à cela avec un fi ! accompagné d'moult postillons. Ainsi que des aisselles en sueur. Il fallait réagir.

      « Van Adebal, c'est pas un trou d'balle ! VAN A ! DEBAL ! C'EST PAS UN TROU DE BALLE !
      - Robert Barque, c'est un crack ! ROBERT BARQUE ! C'EST UN CRACK ! »


      Chez les Groupies, cette espèce irritante remontant aux adorateurs de l'être humain primitif qui avait inventé la Roue, il y avait aussi des fans et comme tout Fan-Club Officiel mixte qui se respectait, les tâches avaient été désignées au sort. Malheureusement pour elles, c'était les hommes qui avaient écopé de la tâche des slogans dans le lot et les femmes, celle des costumes. C'était donc d'un côté comme de l'autre et quel que soit son sexe de départ, des cris de footdwarfeurballeur qu'on entendait et des uniformes de pom pom girl que tout le monde portait -dans l'espoir secret d'aguicher et de partager un beau soir la couche de leurs idoles- en agitant des pancartes qui donneraient des envies de défenestration et de problèmes de cataractes aux académiciens les plus endurcis. Ici et là s'agitait les peu imaginatifs "I ♥ ROBERT" ou "I ♥ VAN", mais parfois dans la marée abrutie qui criait et s'évanouissait, une pancarte unique, originale et d'un fanatisme douteux surgissait tel un monstre marin taquin : "JE VEU TRO 2 MA LIFE AVOAR TES ENFEN RAUBER !". Alors, flots déchaînés et fanatiques se brisaient sur les récifs de leur croyance et c'était au meilleur camp et son favori d'en sortir vainqueur, amenant ainsi à un possible Grand Prix -soirée torride ? Autographe ? Discussion ? Simple regard ?- pour le groupe qui perdurerai. Car il n'en resterait qu'un, tel était la loi des Fan-Clubs !

      Seulement apparut au milieu de cette cohorte s'entredéchirant sous les riffs pourris de Robert Barque et Van Adebal, quelque chose qui n'aurait jamais dû être là : une pelle. Et quand on parlait de propriété question baston, une pelle contre une pancarte, autant vous le dire tout de suite, n'avait que peu de chance de ne pas vous râper la ganache. Le Papa sauta et tournoya sur lui-même tout en moulinant l'arme ancestrale des Lochon ; des pancartes furent déchirés, des tronches fracassés et devant cette intrusion étrangère, tous firent front.

      « On devrait pas aller l'aider ?
      - Il a pas demandé d'aide.
      - De toute façon, ça se voit que tout ça est fictif : autant de personnages secondaires contre un personnage principal, ils vont pas faire long feu ; j'préfère boire ma bière, elle au moins, si elle est fictive, elle m'offre satisfaction.
      - Démerd'-toi avec la cuisson d'la blanquette, morue !
      ajouta un Canard.
      - BWEHEHEHE, ILS SONT RIGOLOS LES MUSICIENS ! MAIS CA MANQUE UN PEU DE LYRI... LYR... C'EST PAS SI BIEN QUE CA ! DONNEZ PLUS DE PUNCH !
      - Tavernier, on a soif ! Plus de bières ! ET ROBB !
      - Ouiiii ?
      demanda l'intéressé, avant d'éviter un coup de pied sauté, de mordre la jambe assassine comme un chien furieux et d'un mouvement de tête envoyer son possesseur faire un strike dans une poignées de couillons qui venait par sa droite.
      - Y en aurait vraiment pas un dans l'lot qui pourrait me lancer ?demanda Brih d'un air plein d'espoir.
      - Je ne crois -Robb se baissa et asséna un violent coup latéral de la tranche de sa pelle pour infliger une entaille profonde sur les genoux d'une ribambelle d'adversaires qui hurlèrent (mais cette fois-ci pas des mots d'amour ou d'encouragement)- pas mon bichon. C'pas c'que m'dise leurs rotules en tout cas bwo ho ho ! P't'être qu'les deux zouaves-musicos si. D'mand'-leur dans l'doute !
      - SALIÈRE INFERNALE ! ARRÊTE DE MALTRAITER MES FANS ! Qui va m'aduler ensuite sinon ? ILS ONT BESOIN DE MON AMOUR !
      hurla Van Adebal pendant qu'il donnait des coups d'guitare -produisant par la même occasion les seuls sons corrects que l'instrument avait sorti depuis longtemps- pour se frayer un chemin sur ses fans ensanglantés qui ne voulaient que quémander un amen sous forme de bisou avant de passer la banderole à gauche.
      - *Tliiiing* Sans mes fans, je ne suis personne *Tsoooiiiiiing* Humpf, j'imagine que je vais devoir vous casser la gueule à tous les deux *Dloiiiing*. Rétorqua un Robert Barque au meilleur de sa forme et qui, pour le montrer, imprimait du drama' sur la tronche des gens que chemin faisant jusqu'à ses ennemis, la Rockstar rencontrait.
      - Et là, vous êtes vraiment sûrs qu'on devrait pas l'aider ?
      - Ah nan, bordel de pedzouille de sauce au curry, je ne bouge pas de là. Attendez, un combat contre deux personnages secondaires de plus aux tronches si fictives, c'est l'univers qui se fout de ma gueule ! Et puis, même si on connait pas leur force aux deux zigues, ils peuvent pas être plus puissants que les autres.
      - Y A D'AUTRES MUSICIENS RIGOLOS ?
      - Nan, mais y a d'autres adversaires. Y en a forcément. C'est une des lois du héros : y aura toujours un connard plus fictif que les autres qui viendra nous faire chier.
      - Bien sûr et puis le Roi des Mers, il pond du granit marin par son c-


      Deux pieds fracassèrent la grande et large porte du bar, l'envoyant voler en miettes aux quatre coins de la taverne ; l'un des pieds était une babouche dorée, l'autre une botte qui avait vu du pays.

      Bon Jovi~~Wanted : Dead Or Alive

      Flamme-illustre-de-sagesse côte à côte avec Magnus Morrison obstruait la lumière de l'extérieur, deux silhouettes aux pieds qui s'abaissaient doucement -dans le cas de Magnus, un pied qui se reculait, de manière à pouvoir redresser son corps qui penchait dangereusement tel un adepte du Limbo.

      Ils rentrèrent dans le bar, auréolés d'orange et de jaune, le moine semblant l'incarnation même de l'astre, tandis que Magnus toisant le plafond et se baissant légèrement était entrain de briller de mille feux, le soleil dansant sur le cuir de son pantalon et ses muscles secs, le poil de son petit chien lui-même semblant être celui d'une bête-garou.

      Ils dominaient tous deux le silence et les mouches elles-mêmes ne voulaient pas bziter. Mais un soupir tonitruant rompit le silence de mort.

      - Tu vois, je te l'avais dit. Foutue œuvre de fiction. »

      Le pire était là. Et ils en avaient gros.

      ***

      Le disciple du Capitaine Flamme les suivait quelques pas en arrière, son cœur remplit d'une émotion qui lui était jusque là indescriptible. C'était quelque chose de plus fort que le respect, de plus spécial que l'amour : c'était l'admiration. Il voyait le dos de Magnus et de celui qu'il avait suivi jusqu'ici rugir de plaisir à la manière des grands chasseurs. A cet instant, il sut qu'il assistait à un évènement sans précédent, tout le prouvait... et les muscles saillants de Flamme qui dansaient sur son dos, tandis que sa toge orange flottait au gré du vent et la veste en cuir de Magnus élimée qui devenait soudain l'étendard de sa force. Alors, le disciple leur emboîta l'pas d'une façon différente, celle de l'homme qui a trouvé sa voie et qui est fier de l'arpenter.

      Et plus jamais il ne se mouva quelques pas derrière son capitaine parce que c'était son devoir de Disciple, mais parce que l'homme qui était devant lui le méritait plus que tout autre.

      Le crâne chauve de celui qu'on nommait autrefois Grégacques envoya un trait de feu avant que le moine ne relève la tête et explique la raison de leur venue.

      « Petites salopes de pêcheurs, vous nous avez bousculés. Même pas un pardon, rien. Alors, je suis venu vous incendier. Vous vous repentirez une fois carbonisés.
      - Ouais, d'abord, on bouscule pas les gens. C'est, genre, super malpoli bordel de merde. Alors on va, genre, vous marravez la chetron vite fait, puis après on cramera la taverne ! Parce que merde, quoi. »


      Les L.I.O.N's allaient se lever pour en découdre, mais deux hommes répondirent à l'invitation de se battre avant eux. Robert Barque derrière ses lunettes violettes avait un regard dur qu'on ne lui connaissait que dans les moments où il avait défié tous les pronostics des cadors du Cimetière. Van Adebal, lui, avait sorti un couteau qui lui avait permis d'affuter les branches de sa tête, montrant à quel point il était sérieux. Tous deux brandissaient leurs guitares telles des armes et pour la première fois de leur vie, ils faisaient fronts ensemble. Si leur première rencontre avait été si unique qu'elle avait tordu le ciel et fit danser la mer, leur alliance quant à elle était le point de départ d'un chaos indescriptible. En ce jour, en cet heure, pendant qu'un homme-étoile et un type aux cheveux roses toisait un moine et un géant avec un chien sur le pif, le temps sembla se fissurer. Dehors, l'air enfla et tourbillonna de plus belle, attisant le feu qu'avait précédemment allumé Flamme. Une tempête se préparait : Robert Barque et Van Adebal allaient combattre ensemble.

      « Un être aussi incroyable que moi ne peut pas laisser deux tocards dans votre genre marcher sur nos plate-bandes.
      - *Sglooiiiing* Les L.I.O.N's ont déjà rendez-vous pour une séance de gnons avec nous *Bloiiiing* alors, prenez un ticket et attendez votre tour. »


      La stupéfaction des L.I.O.N's ne dura pas longtemps, faisant place à leur indéniable sens de la gueulante :

      « Un Roi ne s'enfuit pas. UN ROI IL VOUS ÉCLATE LA GUEULE A TOUS LES QUATRE ! Je vais laisser mes sujets y aller en premier, même si c'est indigne d'eux.
      - OUAIS, VENEZ ME LANCER LES TOCARDS !
      - Euh... lancer ? Tu voulais pas dire plutôt leur "péter la gueule", nan ?
      - Non ! Si y a des clampins assez fortiches pour me lancer, on leur pète pas la gueule ! Je préviens, JE CASSERAI LA TRONCHE A TOUS CEUX QUI ESSAIERONT AVANT QUE J'AI PU CONFIRMER QUE CE SONT PAS DES FIOTTES !
      - Y a quatre connards qui essayent de prendre nos places de héros principaux ET CA CA ME REND PAS TRÈS JOUASSE ! Je m'en vais donc leur botter leur cul imaginaire avec mon panard chimérique ! Brih, tu m'arrêteras pas !
      - BWAHAHAHA, UN LION NE S'ENFUIT PAS ! ON VA VOUS PÉTER LA MOUILLE ET PIS APRÈS C'EST NOUS QU'ON DETRUIRA LA TAVERNE !
      - Hey, nan, leur pétez pas la mouille j'ai dis ! Faut d'abord voir s'ils peuvent me lancer !
      - Faut leur mont'ler qu'sait l'pâtlon à ces bêtes-là !
      Trancha un Canard.
      - BIEN DIT ! ALLEZ, BASTON ! »

      Tous s'étaient levés et se tournaient autour comme des vautours attendant que l'un d'entre eux baisse sa garde pour attaquer. C'était ainsi que cela se passait au Cimetière des Epaves : un seul combat pouvait changer la donne. Alors, Robb prit sa décision lui aussi, remettant sa pelle dans l'étui horizontal au niveau d'ses lombaires, le bougre leva ses deux bras le plus haut possible et se mit au milieu des duos d'emmerdeurs, beuglant :

      « J'AI DES AISSELLES PUANTES ET J’HÉSITERAI PAS A M'EN SERVIR ! »

      * Arrêtez évidemment la musique de Bon Jovi et jouez celle-là à la place
      Ennio Morricone~~Le Bon, la Brute et le Truand (thème)

      La main de Van Adebal mima une arme à feu et, tout en se bouchant le nez de son autre mimine, mit en joue l'arrosoir poivre et sel qu'il avait en face de lui. Magnus mima aussitôt un flingue qu'il plaça à la tempe de l'étoile, avant qu'il ne devienne lui-même la cible d'un bazooka imaginaire fait par Ging. Flamme s'empressa de pointer une sulfateuse chimérique sur le Capitaine des L.I.O.N's et ce fut à cet instant que tout s’accéléra : Munster présenta son bougeoir au moine, tandis qu'il était lui-même cerné par la pétoire du disciple, lui-même dorloté par les sabres de Rhyne après un soupir, elle-même prise pour cible par un Brih Demau buté et son bras mécanisé. Un Canard allait darder une grenade inventée sur le nain, tandis que Rockfor avait brisé deux bouteilles et qu'il menaçait d'égorger un Canard et Robert Barque.

      La sueur perlait de tous les fronts et chacun renvoyait un regard vindicatif à l'autre.
      Les aisselles puantes de Robb.
      Les yeux exorbités et fous de Van.
      Le service trois-pièces de Magnus.
      Le sourire triomphal de Ging.
      Le crâne chauve de Flamme-illustre-de-sagesse.
      Les frangins terribles : Munster et son regard hargneux, Fonduslip et sa trogne patibulaire.
      L'expression atterrée de Rhyne.
      Le vide.
      Des cheveux blonds. (Quoi, plus bas encore ?)
      Les sourcils furieux de Brih.
      Les plumes pernicieuses d'un Canard.
      L'ombre d'un chapeau sur le sourire goguenard de Rockfor.
      Les lunettes violettes de Robert et le regard avide qu'elles cachaient.

      Revolver. Regard fou. Aisselles. Regard confiant. Flingue. Regard chien. Bazooka. Regard rieur. Sulfateuse. Regard enflammé. Bougeoir. Regard volcanique. Pétoire. Regard admiratif. Sabres. Regard blasé. Bras. Regard furibard. Grenade. Regard fixe. Bouteilles. Regard morgant. Guitare. Regard violet, regard mordant.

      Sueur qui coule et vent qui siffle tels les hurlements rageurs de guerriers.
      Le feu marche dehors et s'étend.
      Les mains s'agitent.
      Une goutte dégouline d'un poil, d'une barbe, de fronts, glisse sur un cou.
      Silence de mort.
      Silence de mort et vent qui chante.
      Musique de la mort : respirations.

      Yeux.

      La sueur dans l'un deux.

      Une chance. Chacun frappa et le Papa jaillit, sautant, attrapant certains bambins, poussant les autres ; la sueur dans les yeux des autres, c'était la sienne.

      Les fenêtres éclatent, le vent rugit, les flammes commencent à naître partout dehors.

      Rapidement, pendant que le combat fait rage dans la taverne et que le feu se répand aussi là-bas par le briquet du gourou, le Papa explique les priorités de l'équipage :
      1) Trouver un bateau.
      2) des vivres et de l'eau.
      3) défoncer tous ceux qui viendront les empêcher d'accomplir leurs tâches.

      Ging sourit. La brise danse dans sa crinière et il rugit un ordre, fait des équipes.

      Robb, un Canard.
      Lui et Brih.
      Rhyne, Rockfor et Munster.

      Ils sourirent tous...

      Et après plusieurs minutes, les groupes se séparèrent.

      ***
      * Remettez la musique de Bon Jovi dès que celle du Bon, de la Brute et le Truand est fini.

      Les lunettes de Robert Barque lui offrait un regard fissuré qui n'était pas pour lui déplaire, un filet de sang abreuvant ses sourcils roses et un sourire fleurissant sur son visage. En face de lui, Flamme-illustre-de-sagesse faisait tournoyer son bâton qu'il avait enflammé par un mécanisme qu'il ne connaissait pas. Une nette coupure barrait son nez, alors que sa bouche quelque peu ensanglantée exhalait, moralisateur :

      « Dieu est né Rôtisseur, pauvre con d'hérétique. »

      Un rapide coup d’œil à Van Adebal lui montra une série d'attaques avec sa guitare suivi d'une tentative de coups d'boules qui se solda par un violent coup d'banjo de Magnus. Les deux présentaient de nombreuses coupures sur leurs corps et le pantalon, ainsi que la veste de Morrison étaient déchirés. Une moitié d'visage marquée et saignant à cause de l'empreinte d'une botte gigantesque enchantait l'homme-star.

      Il reporta son attention sur son propre combat et manqua d'peu de se faire brûler par un coup de bâton du moine.

      Tous souriaient férocement.

      ***
      Quelques heures plus tôt, sur un bateau doté d'un étrange équipage sur South Blue.

      « Hodor, Hodor, Hodor ! Regardez mon brave ! Kwézézézézézé, notre rapport est enfin arrivé à la Marine !
      - Excellent Monsieur. Mais voudriez-vous m'accorder une faveur ?
      - Oui mon cher, mon truculent, mon admirable Hodor ?
      - ARRÊTEZ DE CORNER CES BORDELS DE FRIANDS A LA GLAISE DE SALOPERIES DE PUTAIN DE PAGES !
      - Kwézézézézé, tu as raison mon bon, mon mirifique, mon amical Hodor. Après tout, je n'devrais pas être stressé, je suis en vacances ! »

      Le journal glissa de la rembarde et s'envola, transporté par le vent.
      Il présentait les nouveaux recherchés.
      Morts ou vifs.


      Kings of Trash Gimbamdong10000000Kings of Trash Uncanard10000000Kings of Trash Rockforegry5400000Kings of Trash Robblochon4500000Kings of Trash Munsterfonduslip3900000Kings of Trash Brihdemau3200000

      C'était souvent de sacrés têtes de durs à cuirs.
      Parfois ceux des futurs rois de ce monde.
      Ils se hissaient du commun des mortels, de la lie de la société et rugissaient à la lumière fugace d'un lever de soleil...

      ----------
      Spoiler:


      Dernière édition par Robb Lochon le Ven 25 Jan 2013 - 9:17, édité 1 fois (Raison : correction d'un truc.)
      • https://www.onepiece-requiem.net/t4674-attention-papa-va-te-montr
      • https://www.onepiece-requiem.net/t4389-presentation-de-robb-lochon

      Le cimetière d'épave était une bizarrerie architecturale se composant principalement de carcasse de navires empaquetés sur d'autres carcasses de navires plus anciennes. En forant à la verticale depuis la surface, on pouvait remonter patiemment l'histoire de la navigation, génération après génération, jusqu'à tomber, quelque part à plusieurs nautiques de profondeur sur l'un des plus vieux objet flottant non identifié jamais existant : Une planche de bois dans la plus pure tradition Crusoène. Cependant, le cimetière d'épave se composait avant tout de tavernes, sur une perspective horizontale, s'entend. Une perspective que, pépin gravitationnel mis-à-part, les humains empruntaient le plus clair du temps. Inévitablement, la nature du cimetière d'épave fut éludée au profit du lot de taverne qu'on avait construit dessus en quantité industrielle au fil des décennies. Et les métaphoriques Boucle D'or que composaient les pirates affluant au cimetière passaient généralement par une demi-douzaine d'établissements (des trop grands, des trop petits, des trop durs, des trop mous) avant de finalement tomber sur leur sésame et de s'y jeter une douzaine de verres derrière la cravate. Le cimetière d'épave disposait d'une liste de bistrôts longue comme le bras ... d'un mec au bras long, disons.


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        Denis Epgarson, héritier de l'un des premiers colons à avoir posé le pied sur le cimetière, était de cette classe d'individus privilégié dans le coin que constituaient les barmans - oui, privilégiés. Les pirates n'ont pas la veine hiérarchique mais il existe dans leur conception du monde certaines catégories de gens plus importants que d'autres. Ceux qui servent la bière en font partie. Son établissement, le Melon Rouge, datait de mathusalem. Techniquement, il n'en restait d'authentique qu'une barre de cuivre clouée au comptoir, le reste de l'établissement ayant été sinistré par son lot quotidien de bagarres, d'allumettes grattées au dessus de verres d'alcool ou, en une occasion mémorable, d'une expérience culinaire à base de piments et de chutney ayant mal tournée. Le Melon Rouge s'adonnait traditionnellement à des jeux de bistro, disons, traditionnels tels que les dominos, les fléchettes et le coup de couteau dans le dos d'un client afin de le délester de son pécule. Denis voyait son travail comme un éreintant exercice d'équilibriste condamné à jongler entre la tentation de rentrer plus d'argent en multipliant les chopes de bière et la volonté de préserver son établissement et le mobilier qu'il contenait en réfrénant la consommation de bière. Plus il rapportait d'argent, plus la taverne en patissait, et plus il contenait la vente afin de préserver la taverne, moins l'argent rentrait, et plus la taverne en patissait de nouveau. Son travail consistait donc à trouver le fil en nylon suspendu du ratio de rente et de marcher dessus jusqu'à atteindre l'immeuble d'en face que représentait la fin de la nuit sans jamais perdre l'équilibre. Mais comme rien de cela ne le satisfaisait, Denis avait décidé de donner dans l'intellectuel et le raffiné. La seule alternative qui restait, disait-il, pour faire du Melon un lieu ou l'on s'amusait sans avoir à écraser une partie du mobilier contre la tête du voisin ou inversement. Pour un peu, il aurait installé des parasols à rayures dehors s'il n'était pas tout à fait certains que ceux-ci auraient servi d'arme de hast improvisée pour régler les différents des passants.


      Ce fut à ce moment que Robert Barque arriva. Au départ Denis fut charmé par la perspective de concerts gratuits procurés par ce jeune bonhomme dont les doigts semblaient scotchés au manche de sa guitare. C'aurait été un séduisant moyen de canaliser l'attention des consommateurs au détriment d'énième bagarres s'était-il dit (avec nettement moins de mots. La tête de Denis est semblable à son menu : on n'y trouve rien de plus de deux syllabes et il y traîne parfois une araignée.)


      Il s'avéra ensuite que la seule chose que Robert arrivait à canaliser, c'était les emmerdements ; à commencer par Van Abedal. Et s'il lui arrivait à l'occasion d'épargner quelques bagarre au Melon Rouge, c'était la plupart du temps pour les délocaliser en terrasse. Denis avait l'experience des altercations dans son établissement, aussi avait-il finit par prendre le problème avec philosophie en s'achetant un stock de punaises qu'il bazardait par pleines poignées dès qu'un cul de bouteille se voyait détaché de son goulot par apposition sur le bar. Mais rien ne l'avait préparé à l'ampleur du grabuge dont le Melon Rouge avait été la scène ce soir-là. L'index du "Mode d'Emploi du Barman" n'affichait pas de chapitre titré "Comment empêcher les L.I.O.N de tout détruire sur leur passage - si tant est bien sur que votre taverne se trouve sur ledit passage. Dans le cas contraire, reportez vous au chapitre : "Les erreurs de débutant à éviter" annexe 3 : "Pourquoi ne pas construire son bar au beau milieu du désert"". Et si les mauvaises langues auront à coeur de dénoncer là un oubli flagrant de l'auteur du manuel, l'histoire leur apprendra que l'auteur d'un mode d'emploi disposant d'un tel chapitre se verrait immédiatement attaqué pour publicité mensongère puisqu'on ne peut pas empêcher les L.I.O.N de tout détruire sur leur passage car comme le dit l'adage :

      "Un Aqua Laguna, on ne l'arrête pas. Quand il arrive, on se cale chez soi, on espère que la porte tiendra le coup et on attend. On ne lui demande pas de faire demi-tour… "
      __________________________________

      "Faites demi-tour-merci-bien ! 'Pouvez pas rentrer-s'iou-plait ! "

      Par la force des choses, l'équipage naissant des L.I.O.N avait du se résoudre à se séparer momentanément pour la première fois depuis sa formation. Munster avait accueilli cette prérogative avec une allégresse aussi intense qu'éphémère puisque la répartition de leur tartignole de capitaine l'avait désigné comme chaperon, condamné à tenir la chandelle au couple infernal que composaient cette teigne de Rhyne et ce m'a-tu-vu de Rockfor. Il lui avait alors suffi d'une minute et d'un déploiement de décibels aussi utile qu'une paire d'ailes greffé sur une taupe pour abandonner sa présomptueuse entreprise de moduler les volées de bois vert que ses deux comparses s'envoyaient mutuellement sans interruption. A force de déambulations stériles, les trois compagnons (par la force des choses) avaient fini par débarouler dans un quartier plus mal famé que la moyenne (une performance qui, sur le cimetière d'épave, relevait du prodige) où ils s'étaient mis en recherche d'une taverne afin d'y dénicher, comme stipulé tantôt par Robb, des vivres, d'éventuels renseignements sur la contrebande de bateaux et, non des moindres, quelqu'un-venu-les-empêcher-d'accomplir-leur-tache-à-défoncer, ce qu'il avaient trouvé posté devant la porte de la taverne en la personne de Boboris.

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          Boboris partageait avec Munster cette forme de barrique humaine sur laquelle on aurait greffé deux bras, deux jambes, une minuscule tête et, surplombant le tout, une coiffure jaune criarde taillée en point d'exclamation - une frivolité lui ayant plus d'une fois valu de s'être fait aborder par divers aventuriers débutant à la recherche d'une quête, sans que jamais il n'ai comprit pourquoi. L'allure générale de Boboris se distinguait cependant de celle de Munster en cela qu'elle était nettement mieux proportionnée. Comme le laissait présager sa coupe de cheveu intrigante, le ton du bonhomme tirait invariablement sur l'impératif. Lorsque Boboris riait, cela donnait "Ris Ris Ris !" et lorqu'il posait une question, la ponctuation en fin de phrase se raidissait instantanément en point d'exclamation. Mais dans l'ensemble, son timbre de voix autant que son allure, tous deux radicalement inamicaux étaient atténués par ses tendances à terminer ses phrases par des formules de politesses.


      "Et donc tu bosse pour qui, p'tit gars ?" lui avait balancé un Rockfor qui, semblait-il, avait prit l'habitude de distribuer du "p'tit gars" à ses interlocuteurs, sans aucune considération pour leur taille, leur masse ou (plus important) le diamètre de leur tour de bras.
      "Savez par lire-bonne-journée-à-vous-aussi ! C'est marqué sur mon T-shirt-veuillez-aggréer-l'expression-d'mes-salutation-les-plus-respectueuse !" répliqua l'armoire à glace en se pointant le torse, l'air de perdre patience.
      Là dessus, Munster se pencha un chouïa en plissant les yeux afin d'examiner la zone à la recherche d'une inscription mais fit choux blanc. Le vêtement était d'un noir quasi-immaculé tirant sur le cirage.
      "Bah écoute bonhomme, ton T-shirt là, il m'aide pas des masses. Y'a rien d'écrit d'ssus. 'fin, à moins qu'ton patron s'appelle "Tache-de-mayonnaise" bien sur. "
      "Ah-bien-l'bonjour ! concéda le mastodonte, C'est surement parce que c'est écrit dans la couture intérieur-bonne-soirée-m'sieur-dame !"
      "Du coup, ça serait pas plus simple que tu crache le morceau ?"A la remarque de sa comparse, Munster recula d'un pas dès fois que Boboris ne se révèle imperméable à la notion de "sens figuré".
      "Insistez pas-j'vous-souhaite-beaucoup-de-bonheur ! Pas l'droit d'le dire-comment-allez-vous-donc !"
      "T'as l'droit d'l'écrire alors."
      S'en suivit quelques secondes d'hésitation. Boboris se gratta la tête quelques seconde, une expression de profonde concentration proche de celle du constipé chronique imprimée sur son visage, puis finit par acquiescer timidement, l'air d'être sur la défensive.
      "Ouais, sans doute-bonne-journée-à-vous !"


      Par experience, Munster savait que les armoires à glaces du genre de celui-ci perdaient pieds dès qu'ils prenaient part à des conversations pouvant s'étendre parfois sur plus d'une minute d'affilée sans que l'interlocuteur ne leur face grâce d'une petite demi-heure de pause au milieu pour réorganiser leur pensée -oui, au singulier. Les dialogues étaient, pour ces malheureux, de véritables marathons ou chaque question faisait office de haie à sauter. Tôt ou tard, ils en loupaient une et perdaient le fil de la conversation. N'importe comment Munster finissait toujours par avoir raison de cette catégorie de lourdauds. A son grand étonnement, à la vue de ce cornichon de Boboris recroquevillé sur son bout de papier tentant péniblement d'y aligner trois lettres sans s'évanouir, Munster senti une bribe de scrupule lui étreindre la gorge. Le prêcheur s'était rendu coupable de mille et une horreurs* au cours de sa vie sans qu'aucun atome de culpabilité ne soit venu lui encrasser la chaudière mais infliger cet exercice d’endurance à un tel simplet lui semblait subitement malhonnête, même selon ses critères habituels.
      Spoiler:

      Finalement, Boboris, le visage noyé de sueur, leur tendit son morceau de papier barbouillé d'encre d'une main tremblante, encore éprouvée par l'effort. Munster tenta de le déchiffrer.

      Kings of Trash 933052sbsbsehseheh

      Mais sans succès.
      Il se demanda alors s'il s'agissait d'un code.
      Et il tenta de le décrypter.
      Il se demanda ensuite s'il s'agissait d'un dessin.
      Et inclina la tête pour vérifier qu'il ne le regardait pas du mauvais angle.
      Mais c'était peine perdu. Autant lire un livre à travers une pelle.

      "C'est quoi cette lettre là, entre le "i" et le "t" ?"
      "un "V"-et-comment-vont-les-enfants-dites-moi !" répondit Boboris timidement (à échelle d'un Boboris s'entends).
      "Bon, et comment tu prononce ça ?"
      "Lord Boroyal-merci-vous-aussi !"
      Munster dû se mordre les lèvres pour s'empêcher de demander au tagazou lui faisant face où, dans son orthographie de "Lord Boroyal" il avait, par miracle réussi à caller un "V". L'important était ailleurs. Boboris venait de se prendre les pieds dans l'une des haies de son marathon.
      "Dis-moi, c'que tu viens de faire en agitant ce gros trou calé sous ton nez qu'on appelle une bouche, ça serait pas, par hasard ce qu'on appelle "parler", si ?"
      "Bah oui-comment-allez-vous-donc !" lui répondit un Boris au regard éteint.
      "Et pendant qu'tu parlais, y'a pas un son qu'est sortit ?"
      "Si-merci-bonsoir !"
      "C'était quoi, déjà ?"
      "Lord Boroyal-bonjour-m'sieur-da... "
      Alors que le point d'exclamation de la phrase de Boboris se désagrégeait en une multitude de points de suspensions, une petite lueur s'alluma enfin dans son regard. Et en baissant les yeux sur ceux de Munster, il y vit deux brasiers en éruption.
      "Oh ..."
      "Bon. Disons qu'on raconte pas à ton patron que tu nous a dit son nom EN PARLANT, AVEC DES MOTS, ET EN AGITANT LA BOUCHE ... Tu nous laisserai rentrer ?"

      ________________________________________________


      "Merde, c'est qu'une taverne comme les autres."

      Munster, capable de déployer des qualités d'acteur remarquable de temps à autre était généralement incapable de cacher ses émotions (dont l'éventail s'étendait de la rage à la mauvaise humeur diffuse, sans jamais s'aventurer du coté de la gaieté). Et c'était l'amertume de la décéption qui l'avait prise d'assaut depuis qu'ils avaient pénétré dans l'établissement. Si la clientèle se composait d'une demi-douzaine de Boboris en version chauve, le batiment en lui même était tout à fait quelconque. Puis, une table aimanta le regard de Munster. Techniquement ce n'était pas le mobilier en lui même qui avait attiré son attention, ni même la partie de carte qui s'y déroulait. Non, c'était plutôt le pingouin qui y prenait part.


      Munster le savait : Les noms n'étaient pas un acquis dans le monde où il évoluait. Ils composaient une denrée rare dont peu pouvaient bénéficier. Et les rares personnages à qui l'histoire accordait une identité se voyaient généralement emballés dans une enveloppe permettant de les démarquer. La douzaine de grosses bariques chauves qui peuplaient la pièces figuraient sur le script sous l'appellation "grosses bariques chauves". Ils avaient été créés en série, habillés en prêt-à-porter et bazardés tout autours d'un personnage plus important pour lui servir la bouffe et servir des baffes aux autres. Et ce personnage ne pouvait être ... qu'un pingouin.

      "Boss, j'vous ai vu ! Vous avez regardé mon jeu !"
      "Que voila une bien vilaine diffamation Boris. Mes yeux sont naturellement positionnés sur mon profil. C'est l'un des avantages d'être un pingouin. Mais un lord ne triche pas aux cartes. Maintenant, jouez donc ce valet de carreau que je puisse vous bridger."
      "Manchot."


      Tous les regards de la salle se tournèrent simultanément vers Rockfor, à l'exception de Munster qui avait enfouit le sien dans le creux de sa main, et de l'oeil droit du pingouin qui avait profité de la distraction de son voisin de droite pour se river furtivement sur le jeu qu'il tenait en main - le gauche, lui s'étant effectivement levé vers le visage goguenard du navigateur des L.I.O.N.
      "Je vous demande pardon, jeune homme ?"
      "Manchot. T'es pas un pingouin. T'es un manchot. Le pingouin, c'est une espèce de grosse mouette qui vole alors que le manchot lui, il est trop mal fichu pour ça. C'est le genre de confusion que font souvent les bonhommes pas très futés."
      "Et merde ..." lacha un Munster qui n'avait pas décollé son visage de sa main.
      "Vous qui semblez regorger d'érudition sur le sujet, savez-vous comment combattent les manchots ?" fit un Lord Boroyal le plus calmement du monde. Là dessus, le palmipède descendit de sa chaise en produisant un petit bruit humide et se pencha en avant, disparaissant sous la table du fait de sa taille réduite.
      "Aucune idée, répondit Rockfor sans sourciller ni effacer un iota de son sourire narquois. Des glissades ? Des coups de becs ?"
      "C'est en effet souvent le cas. Cependant, il existe une moyen de combattre que nous affectionnons tout particulièrement mais que, pour une raison que j'ignore, tout le monde semble omettre."
      Là dessus, sa silhouette patatoïdale se redressa, les palmes visiblement lestées.
      "Il s'agit ..." Il leva l'objet et se le cala sur épaule.

      " Du Lance-Roquettes. "
      • https://www.onepiece-requiem.net/t4747-fiche-de-munster
      • https://www.onepiece-requiem.net/t4386-munster-un-gars-qu-il-est-de-vache-ment-fictif
      "Roquette comme le gros truc qui fait "BOUM" ou comme la salade? Non parce qu'apparemment, vous faites déjà la confusion entre manchot et pingouin, alors j'veux pas dire, mais j'préfère vérifier."

      Il est souvent préférable de clarifier la situation. En effet, si d'aventure un mauvais bougre commande le plat "C'est bon, j'vous jure" dans un restaurant sans chercher à clarifier sa composition, alors il risque fort de se faire avoir par un titre, certes enjôleur, mais doucement fourbe. De même, lorsque par hasard un malheureux diarrhéique fonce aux toilettes et se pose sur le trône alors qu'il règne une odeur désagréable, s'il ne demande pas qui y était avant, nul doute qu'il ne pourra point lui péter la gueule à la suite. Aussi, vous comprenez pourquoi j'avais tendance à toujours vouloir tout comprendre, tout développer. Dans le cas actuel, la précision était d'autant plus nécessaire : si jamais le dit lance-roquettes envoyait bien des fusées explosives, alors il était fort probable qu'on soit dans la merde. A l'inverse, s'il s'avérait être une bonne vieille catapulte à salade, y aurait drôlement matière à s'foutre de la gueule du nobliau manchot qui se tenait là. Et nul doute que c'est l'option que je préférais. Cela dit, si ma question me paraissait capitale, elle laissa coi la quasi-totalité de l'assemblée, à l'exception de Munster qui, étrangement, ne sembla pas perturbé. Surement qu'il s'était lassé d'entendre les tergiversations sans fin de ce con de piaf raté. Ou alors qu'il s'était lassé tout court. Mais la question m'importait peu, à tout vous dire.

      "Alors?"
      "E-Eh bien, ma foi, non. Vous me paraissez quelque peu désespéré mon cher garç..."
      "MAIS T'AS RÉPONDU A RIEN, LA, CRÉTIN ! Pourquoi tu réponds par non? Y AVAIT QUOI DANS MA QUESTION QUI FAIT QU'TU POUVAIS M'BALANCER "Ma foi non" SOUS UN TON AUSSI CONSCE... CONDENSA... CONDESCAD... PRÉTENTIEUX ?!"
      "J-je... Vous me troublez, vil gougnafier. Bandits de grands chemins. Besace à semences ! OH ! V-Veuillez excusez mon impolitesse... OH ! Quel vilain malappris suis-je pour conter de telles OH ! grossièretés. Ma foi, veuillez accepter mes sincères excuses mon brave ami. Et permettez-moi de répondre à votre question, certes, insolente, mais des plus pertinentes."
      "Ooooh non, croyez-moi, y a rien de moins pertinent."
      "Même si cela fusse le cas, je me dois, en tant que gentleman, de répondre aux questions que les petites gens, y compris les mécréants de votre espèce, se posent. Aussi permettez-moi de vous donner la réponse que vous attendez, brave quidam des rues : il s'agît effectivement d'un lance-roquette qui lance des... roquettes. Qui explosent. Aussi, désormais, permettez que je vous... éclate la gueule avec, si je puis m'autoriser l'expression."
      "AH ! Mais ça va pas du tout ça ! On peut rien faire pour s'faire pardonner? j'peux tout faire ! Je veux pas qu'on me tire dessus ! Ni sur ce type en blanc, c'est moi qui doit le tuer, lui !"

      L'assemblée se tourna vers Rhyne qui, semble-t-il, venait juste de se réveiller d'une séance de rage profonde en mon encontre afin de se défendre face à la menace du lance-roquette. Si Munster et moi-même levions un sourcil las en sa direction, Lord Boroyal, lui, affichait une mine nettement plus... plate. Difficile de dire ce que ressent un manchot à son visage, croyez-le bien. Mais le frétillement de ses nageoires semblait signifier, lui, un certain excitation à l'idée d'avoir la jolie jeune femme à ses pieds, prête à faire n'importe quoi Aussi, il claqua des doigts et fit amener une sorte de guitare bizarre à la p'tite dame en vert, sous notre regard crédule. Le manchot se mit à rire. Puis sourit de tout son bec.


      "Vous pouvez faire quelque chose pour moi, oui."
      "Et... quoi?"
      "Si jamais mon avis vous intéresse, je crois que je préfère que vous tiriez plutôt que d'entendre la dite proposition. C'est pas un bon plan."
      "Je veux que vous... chantiez pour moi, douce enfant."
      "Vous pourrez pas dire que je vous avais pas prévenu."
      "Holà."
      "Bon, eh bien... Puisqu'il faut le faire..."
      "Me dis pas que t'y songes sérieusement."
      "Bah... si ! Je suis une super chanteuse tu vas voir ! Et puis de toute façon, c'est le seul moyen pour pas qu'on meurt avec tes bêtises !"
      "Je t'interdis de chanter ! J'te préviens c'est... euh... un truc qui commence par "in" et qui veut dire que c'est pas discutable ! Y a que l'canard qui sait chanter t'façon !"
      "J'EN AI MARRE DE CE CANARD ! Il est déjà plus primé que nous, alors j'veux montrer qu'il est pas le plus fort au moins dans un truc ! J'sais chanter mieux que lui !"
      "Primé? C'est quoi c't'histoire?"

      Il y eut un silence. Assez long ma foi. Puis Rhyne, le visage triste, tendit un journal vers ma direction. Curieux, je feuilletai rapidement le papelard avant d'y découvrir quelques affiches. La tête de Ging sur la première. Canard sur la seconde. Puis la mienne. Et toutes les autres... sauf celle de la jeune femme. Je tendis la paperasse à Munster sans vraiment me soucier de sa réaction, même si je pensais deviner l'expression de lassitude habituelle qui se dressait sur son visage assez fréquemment. Je relevai le regard vers Rhyne et lui montrai mes dents d'un air mêlant amusement et excitation. Cette prime n'était peut-être pas très élevée. Mais elle symbolisait pour moi le premier pas vers la gloire qui m'attendait. Et le fait que l'entièreté de l'équipage ait une somme sur sa tête me convainquait drôlement dans l'idée que j'avais trouvé les bons compagnons pour me suivre. Mais une question me vint en tête assez rapidement.

      "Où t'as trouvé ça?"
      "Dans le journal en question, dans le bar. J'ai vu une des photos en dépasser et... j'ai pas pu m'empêcher de regarder. J'ai pas voulu le montrer aux autres."
      "Bah, pourquoi?"
      "Parce que j'y suis pas ! Je n’ai pas de prime moi. Je ne mérite pas d'faire partie de votre équipage. Si j'suis là, c'est juste pour me venger de toi. Je n’ai pas ma place. J'devrais m'en aller et vous laisser... Vous n’avez pas besoin d'un poids comme moi dans..."
      "Bah... si. Si tu veux m'tuer, comment tu fais si t'es pas avec nous? T'es un peu con sur les bords ma pauvre."
      "Hein?"
      "Crois-moi que si tu t'avisais de disparaître, t'auras juste réussi à m'faire chier. Et y en a 5 autres qui réagiront pareil. Alors n’essaye même pas de lâcher les LION. T'en fais partie, que tu le veuilles ou non. C'est l'choix du capitaine. Et je m'y tiens. Vu?"
      "T'es qui pour me donner des ordres, hein?"
      "Ton roi, pimbêche. Moi, ça me parait évident."

      Munster acquiesça à ma petite surprise tandis que Rhyne se détournait pour bouder. Son état habituel quoi. Etrangement ça me rassurait. Le laps de temps qui suivit cette conversation fut hélas bien court vu qu'un certain manchot n'avait aucunement l'intention d'attendre plus longtemps que la dame s'exécute ou non. Et notre petite discussion kitchissime mais hélas indispensable au scénario des évènements qui suivirent n'était en rien pour lui plaire. Faire attendre un Lord, c'est généralement pas un bon plan, t'façon.

      "Alors, vous chantez? Je n'attendrais pas une minute de plus, je le dis."
      "On fait quoi du coup?"
      "J'suis toujours prête à chanter si vous voulez !"

      suggéra Rhyne alors que Munster se frappa une nouvelle fois le front.

      "On a qu'à adopter une belette !"
      proposai-je alors que Munster tentait d'enfouir sa tête dans son chapeau.

      "Mais bien sûr ! On a qu'à l'entraîner à la faire courir sur le ventre du gros lard aussi !",
      ironisa la demoiselle alors que Munster s'avançait vers Boroyal et ses hommes.

      "Mine de rien, c'est pas si con. On a qu'à détacher le ventre du reste du corps. Pour une fois que son pouvoir à la con servirait à quelque chose !"
      concluais-je alors que Munster se dressait bras ouverts en direction du manchot.


      "J'vous en prie. Tirez. S'il vous plaît."


      Il y eut un blanc. Boroyal jeta un œil à ses hommes, puis à Rhyne et moi avant de finalement reposer le regard sur Munster. Le manchot poussa un soupir las avant de redresser le canon de son lance-roquette vers notre coéquipier. La jeune fille et moi nous regardâmes perplexe.

      "Puisque tel est ton choix... Alors qu'il soit exaucé."

      Alors le bruit du canon retentit.
      Rhyne, tout comme Boroyal et ses hommes, affichèrent une mine stupéfaite.
      Je me contentai de sourire fièrement.
      Munster, lui, se frappai ardemment la tête contre le mur le plus proche.

      Car du lance-roquette de Boroyal, seule de la salade était sorti.

      ___________________________

      Biach Clever, depuis sa tendre enfance, s'était toujours considéré comme une petite pute. Et toute sa vie durant, il fit tout ce qui était en son pouvoir pour l'être. Ainsi, lorsque sa mère lui interdit de lui faire de mauvaises blagues, Biach décida de devenir clown. Quand on lui expliqua qu'il ne le deviendrait jamais parce que son sourire était malsain, il se trancha l'intérieur des joues afin de devenir le terrible cliché du clown pédophile qui terrorise les enfants. Au moment où le seul homme qui avait bien voulu de lui l'avait enrôlé dans son équipage pirate, il ne trouva rien d'autre à faire que le trahir une nuit afin de prendre, avec succès, le pouvoir sur le bateau. C'est ainsi qu'il forme les Chaos Clowns. Une armada de farceur malsains qui ne savaient vivre autrement qu'en répandant le chaos sur leur passage, sous la forme de petites blagues à priori innocentes. Aussi, lorsque sa dernière farce en date connut un franc succès, et ce malgré l'intervention d'un dandy qui manqua de la spoiler, Biach Clever se révéla particulièrement satisfait. Inter changer le lance-roquette du manchot avec le simili à salade n'avait pas été bien compliqué, les hommes de ce dernier étant relativement distraits, mais même sans grande gloire, la réussite était au rendez-vous. C'est pour cette raison que le rire du clown retentit rapidement dans l'ensemble de la salle dans laquelle il s'était judicieusement planqué au plafond. S'il était discret jusque-là, la blague du lance-roquettes l'avait placé au centre de l'attention. Ce qui ne le dérangeait que peu, dans l'absolu. C'est ainsi qu'il descendit jusqu'au centre de la pièce. Se plaçant parfaitement entre les deux groupes qui s'opposait, sous le regard haineux d'un lord, crédule de quidams, intéressé d'un dandy et inquisiteur d'un gros lard. Il se demanda alors s'il avait choisi les bons gus pour réaliser sa blague. Mais l'effet voulu était quand même là. Ce mauvais calembour était la petite étincelle qui manquait pour tout faire péter.

      Il se pencha alors en avant, main sous le ventre. Tirant sa révérence. Puis courut vers la sortie sous un rire démoniaque. Il y eut un temps de flottement. Puis après avoir pris le temps de reprendre une arme digne de ce nom... Boroyal fut le premier à partir à sa poursuite.

      ___________________________



      "Bah c'est lui qu'a fait l'œuf d'la poulette."
      conclut un canard sur la petite histoire qu'il racontait à Robb Lochon, son partenaire du moment, relatant la fécondation d'un certaine "Denise" par un vieux paysan.

      "Ooooh, je vois, je vois ! Que d'amour entre ce paysan et ses animaux ! ♥ En attendant mon bichon, cette histoire m'a..."
      répondit le Robb en question. Il ne termina jamais sa phrase, la stupéfaction l'ayant laissé sur place. Il regarda Rockfor qui courrait vers lui et toute la clique qui le suivait à intervalles réguliers.

      "BARREZ-VOUS BANDE DE CONS !"
      leur hurla ce dernier qui dépassa rapidement les deux compères à l'aide d'une pointe de vitesse que peu de monde pouvait se targuer d'avoir.

      "FAITES-LA TAIRE ! J'ARRÊTERAI MES BLAGUES SI VOUS LA FAITES TAIRE !"
      leur supplia une sorte de clown étrange courant à la suite de Rockfor tout en se bouchant les deux oreilles à pleines mains. Si Robb et le canard se jetèrent des regards inquiets, ils eurent vite fait de comprendre la détresse du clown puisque sa source arrivait droit vers leurs oreilles.



      "Lalala lala lalaaaaaa..."
      chantonna Rhyne, armée d'un banjo sorti d'on ne sait où, au grand damne de ses poursuivants comme de ses poursuivis. Si les deux compères subirent la même chanson que les autres, ils ne l’entendirent eux qu'une quarantaine de secondes, puisque qu'à l'image de l'ensemble des membres de la pseudo file indienne, elle aussi filait droit vers celui qui la précédait.

      "SQUIIIIIIIII ! SQUIIIIIIIIIII !"
      aboya la belette qui galopait au-dessus d'une sorte de grosse boule rouge, roulant à la perfection. Robb se frotta le front, persuadé d'avoir déjà vu le piédestal roulant de l'animal quelque part, mais ne parvint pas à s'en souvenir avant qu'elle ne disparaisse à son tour de son champ de vision.

      "Psst. Psst. Vous voulez un chat ?!"
      proposa un bonhomme bien connu de certains membres de l'équipage mais qui n'avait sur le papier rien à foutre là.

      "J'veux bien que j'sois obligé de subir les bons plaisirs de la narration, mais là, CA ME PARAIT UN PEU GROS QUAND MEME !"
      beuglait Munster sans Fonduslip, suant et furieux. Il avait, selon toute vraisemblance, effectivement laissé son ventre quelque part, puisqu'il n'était plus qu'une tête barbue et religieusement toquée sur des jambes plus grandes que Brih Demau. C'est du moins ce que cru Robb Lochon avant d'enfin comprendre où il avait déjà vu la boule sur laquelle la belette se tenait un peu plus tôt.

      "TUEZ TOUS CES CONS ET RATTRAPEZ LE PATRON-comment-se-passe-votre-journée?"
      beuglait Boboris à n'en plus finir, accompagné d'une bonne partie de ses congénères, tous biens décidés à rattraper le Lord manchot qu'ils savaient être partis à la poursuite du clown et du trio de LION. Si certes, ni canard ni Robb ne les connaissaient, ils déduisirent rapidement que ce petit groupe était probablement à eux tous moins malin que le moins con des autres membres de la course poursuite.

      "MAIS JE SUIS DERRIÈRE VOUS, BANDE DE CROQUE-LARDONS !"
      s'époumonait Lord Boroyal, animal qui attira directement l'attention d'un canard pour être lui aussi un animal à bec sachant parler. Bouillant de rage envers ses sujets et sa condition de manchot transportant un important lance-roquette qui l'empêchait de courir à une vitesse décente.

      "BARREZ-VOUS BANDE DE... Hey mais, j'vous ai pas déjà vu, vous?"
      se questionna Rockfor, s'arrêtant devant ses deux compagnons d'équipage.

      Robb et un canard se regardèrent. Puis hochèrent la tête.

      S'il est souvent préférable d'éclaircir les situations... Dans de plus rares cas, mieux vaut ne pas chercher à comprendre.

      • https://www.onepiece-requiem.net/t4587-marcheur-blanc-orgueilleux
      • https://www.onepiece-requiem.net/t4401-rockfor-egry-un-bonhomme-qu-il-est-moisi


      Récupérer un navire. Telle était la mission de Robb et d'un canard. Le fait que ce dernier ne savait absolument pas ce qu'est un navire entravait légèrement sur la quête. Entre autre parce que, malgré le fait qu'il regardait partout autour de lui, ne pas savoir ce que l'on cherche est un sérieux handicap. Cependant, dans ce cas précis, savoir ce qu'est un bateau n'est pas d'une grande utilité. L'île étant essentiellement composée de navires, le simple fait de regarder quelque part nous faire en regarder un. Qu'on le sache ou non. Robb quant à lui, était incapable de reconnaître la qualité d'un véhicule, voir son état de fonctionnement. Ainsi nos deux héros s'arrêtaient tous les trois pas, le papa regardant d'un air concentré des tas de bois, le canard canardant sans bouger. Le terme "canardant" indique ici le fait d'être un canard. Tous comme les humains, les animaux ont des façons bien particulières d'attendre en se tenant à un endroit. Le canard se contente d'arborer un air abruti et un regard vide. Cela donne l'équivalent humain de se faire exploser le cerveau, sans pour autant abîmer le reste. On reste stoïque, sans vie, à fixer devant soi. Seulement le canard finit par bouger, l'humain nettement moins. Et justement, des hommes ne bougeant pas, il y en avait soudainement un bon nombre autour de nos protagonistes. Ils n'avaient pas les cerveaux explosés -ou peut-être, les pirates ne comptaient de toute façon pas les approcher- mais remplissaient assez bien la condition "corps ne bougeant pas". A mesure qu'ils avançaient dans l'intérieur de l'île, nos joyeux criminels remarquaient de plus en plus de corps, souvent mal cachés dans des entrailles de navires, voir simplement allongés sur la route. Bien sûr parler de route est ici difficile, le sol étant partout le même, du bois pourri. L'ambiance était définitivement glauque. En plus des carcasses de navires et des corps, les types dont l'amour pour la mode ne semblait avoir d'égale que leur capacité à marcher droit, commençaient à se multiplier. Robb et un canard, quant à eux, ne cessaient leur marche, arborant toujours le même air joyeux, l'un parce qu'il l'était toujours, l'autre parce qu'il ne pouvait de toute façon pas arborer d'autre air. Le canard possède un choix très limité d'expressions, se résumant par "air heureux" et "air stupide". La plupart du temps ils vont même de paire.

      - Cet endroit est d'un triste ! Ce n'est pas approprié pour un petit comme toi, dépêchons-nous de nous éloigner de ces mauvaises influences, je ne voudrais pas que tu deviennes comme eux
      Au milieu des types trop beurrés pour pouvoir marcher normalement, un homme en meilleur état que ses compagnons s'approcha du montagnard. Il semblait être le seul à avoir remarqué un détail, l'interlocuteur du papa n'était pas un très petit garçon, mais bien un animal de basse-cour.
      - Monsieur vous savez que vous parlez à un canard ? Non parce que je voudrais pas que vous vous fassiez trop d'illusions, ça m'est déjà arrivé de beaucoup m'attacher à un mec avant de me rendre compte que c'était un didgeridoo
      - Pardon mon garçon ?
      - Vous savez, c'est un long truc en bois tout bizarre, on souffle dedans et ça fait du bruit. Moi non plus j'en revenais pas la première fois, en même temps j'étais bien dégommé, Steve avait ramené plusieurs tonneaux de rhum c'était la grosse fête...
      - Non, l'autre partie
      - Celle au bar ? On peut pas vraiment parler de party, y avait pas Joe, et sans Joe c'est différent. On s'était quand même bien marré, le barman était sympa d'ailleurs, il avait joué aux cartes avec nous. Je crois qu'il s'appelait Hugues, faudra que je lui fasse un coucou un de ses jours, j'crois que sa taverne était à l'Est.
      - C'est une bien belle histoire et s'occuper de ses amis est très important dans la vie, mais je parlais plutôt de la partie sur le canard
      - Oh ! Ouais... Ah oui, je voulais juste vous prévenir que vous parliez avec un canard
      - Evidemment, je ne vais pas marcher avec lui sans lui adresser la parole, je ne néglige aucun de mes fistons ! N'est ce pas canard ?
      - Heu monsieur... il ne peut pas répondre
      - Il faut toujours avoir confiance en son papa ! Répond au monsieur mon petit

      L'homme se tourna vers l'animal, attendant avec un air "je sais bien qu'il ne dira rien mais je le regarde quand même pour bien montrer que j'ai raison".
      - Je n'accepterai pas de participer à ce genre de gag vulgaire, apparemment aimé par le quidam moyen, mais ne reflétant nullement d'une quelconque évolution de l'humour ou originalité qui devrait être appréciée par notre société. Cette acceptation de tous que, quand un animal sachant parler se retrouve dans une telle situation, il décide de ne justement pas parler, faisant ainsi immédiatement passer la personne l'ayant déjà entendu pour un fou, me révolte. Si ce monde est dans cet état, c'est avant tout parce que l'on se contente du mauvais et revu, sans penser que de nouvelles possibilités existent
      - Hein ?
      - Hein ?
      - C't'une sérénade d'chez nous !

      Ici un canard voulait en réalité dire "J'ai entendu un type raconter ça sur la place du marché un jour". Seulement l'homme n'avait de toute façon pas écouté la deuxième réplique de la volaille. Il s'éloignait de nos héros pour hurler :
      - LES ELUS ! LES ELUS SONT ARRIVES !

      Aussitôt les buveurs aux alentours arrivèrent en courant, répondant à l'appel comme ils répondent au son d'un liquide coulant. Enfin pas littéralement, ils ne tentèrent pas de boire les deux pirates, mais se contentèrent des les entourer, criant tous à l'élu. Sauf Conrad, lui il criait une vieille chanson paillarde. Mais bon c'est Conrad, on le pardonne. Alors, tout aussi rapidement, trois grands hommes, habillés avec des redingotes bleues, se frayèrent un chemin dans la foule. Après un simple "Vous êtes priés de nous suivre", ils poussèrent nos protagonistes, les obligeant à avancer. Ces derniers ne comprenait pas grand chose, mais laissait faire. Canard parce qu'en tant qu'animal pas très malin, il se contente de suivre le mouvement, Robb parce qu'il ne voulait pas écarter la possibilité d'être emmené à un bateau. Et ce fut le cas. Le petit groupe s'enfonça dans l'île, arrivant au milieu et devant ce qui semblait être un navire entier, mais dans l'incapacité logistique d'avancer sur les mers. D'une parce qu'il était, comme précisé, au milieu d'une île, ensuite parce qu'il était à la verticale. La proue plantée dans le sol, des parties d'autres bateaux servaient à rejoindre l'intérieur. Autour du véhicule les corps étaient encore plus nombreux, ne laissant rien de présager de bon pour l'intérieur. Étonnement, l'intérieur, même s'il était tout aussi dégueulasse que le reste, était absent de tout homme. Excepté l'assemblée avançant toujours, le silence seulement rompu par les "Oh mais c'est très beau tout ça, vous l'avez construit tout seul ?" et autres "Je suis très fier de vous les enfants, ça ne devait pas être facile" de Lochon. Finalement ils arrivèrent dans une grande pièce -certainement un ancien self- aménagée comme "grande salle vide".


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        Seul élément inhabituel pour une salle à manger renversée, un long tapis -au départ certainement rouge, mais aujourd'hui marron et à moitié déchiré- menant à un trône. Fabriqué avec du bois flotté -le matériau de base disponible au Cimetière d'épaves- il ne se remarquait que grâce à l'absence de n'importe quoi d'autre. Dans toute autre pièce, il serait confondu avec le bâtiment. Qui plus est le meuble supportait le poids d'un étrange personnage, torse-nu aux cheveux longs, regardant tranquillement nos deux protagonistes. Puis, sans bouger de son fauteuil -chaise serait plus applicable, le meuble n'étant qu'un tas de bois- il commença à leur parler.

        - Ils sont les déchets de la société. A l'image de ces épaves, ils ont été jeté dans l'océan et arrivés ici, sans le vouloir, portés par la mer et le monde. Ils ne sont aimés de personne et détestés de tous. Aucune attache au monde, ils ne le quittent pourtant pas, préférant vivre en vagabond, errant dans les carcasses. Pas plus utiles que les navires qu'ils habitent, ils préfèrent rester allongés dans les débris qu'agir comme quelqu'un de normal. La plupart passent leur temps à boire, d'autres à dormir. Ils sont les détritus du monde. Ils sont les clodos...


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      Les pirates ne répondirent rien, occupés à comprendre le reste de la situation grâce à ce simple renseignement. Du moins Robb l'était, notre héros lui continuait juste de canarder comme il le faisait depuis l'entrée dans la pièce. Les types allongés dans les débris ou bourrés au milieu de la journée prenaient soudain du sens. Même le fait de vivre dans un navire à la verticale.

      - Si je vous ai fait venir ici...
      - Ce sont tes petits copains qui nous ont fait venir, ce n'est pas bien de voler l'honneur des autres !
      - Hein ? Ah, je suis le Roi des clodos, logiquement tout ce qu'ils font c'est grâce à moi, mais passons... Si je vous ai fait venir, oh pardonnez moi l'oubli, vous voulez du thé ?
      - Non merci
      - Tant mieux, on en a pas... Donc mes hommes vous ont amené parce que j'ai besoin d'aide... Comme vous l'avez certainement vu, le monde des clodos va mal... Ils sont désespérés, ils passent leur temps à boire et quand ils ne boivent pas ils dorment dans les épaves... Je veux les réveiller, je veux que mes sujets redeviennent la fière communauté de joyeux lurons qu'elle était ! Mais je ne peux le faire seul... Parce que j'ai aucune idée de comment m'y prendre
      - Pourquoi qu'c'est moi qu'tu m'fais m'en prendre charge ?
      - Oh c'est un pur hasard, j'ai dis à mes hommes que des types très bizarres arriveraient et qu'il fallait les emmener à moi... Des types bizarres devaient bien passer un jour ou l'autre ! Les types bizarres ont toujours des solutions


      Alors, dans un soucis d'en finir avec cette histoire à la con, et parce qu'ils étaient eux même de joyeux lurons, nos deux héros acceptèrent la lourde tâche. Aussitôt dit, aussitôt on-va-préparer-le-truc-parce-que-c'est-quand-même-pas-super-facile-et-ça-se-termine-pas-en-5-secondes, les pirates se dirigèrent vers la sortie. Puis ils entrèrent à nouveau, préférant passer par une fenêtre afin d'escalader les épaves de navires environnants. Après avoir trouvé des débris relativement plats, les sauveurs de la clodoité commencèrent. Un plan digne d'Alberto Jigantros, professionnel dans l'art d'inventer des plans. Il ouvrit la première entreprise officielle de vente de plan, permettant ainsi à tout le monde de profiter d'une vie pleine de stratégie et d'intelligence. On découvrit plus tard que ce n'était qu'une arnaque. Effectivement, Alberto donnait en réalité toujours le même plan, ne changeant que quelques mots pour faire illusion.


      La voix d'un canard, faisant tous les instruments -en s'aidant d'une subtile technique consistant à frapper avec ses pattes sur le sol- commença soudainement à résonner dans le village de clodos. Ces derniers levèrent tous la tête, d'un même mouvement, cherchant à comprendre le pourquoi et surtout le comment. Le pourquoi, ils l'avaient abandonné il y a longtemps en décidant de devenir des clochards alcooliques. Et, légèrement moins soudainement que celle d'un canard, la voix de Robb se fit entendre. Puis tout changea. Transportés par la combinaison des deux chanteurs, les habitants s'étaient tous approchés de la source, portés par une envie d'en savoir plus. Les hommes restèrent d'abord debout, regardant les personnages principaux sans vraiment comprendre pourquoi ils restaient ici à ne pas boire. Puis ils comprirent. Pour danser. Sans qu'ils le sachent, leurs corps étaient passés dans un mode bien plus intéressant que celui d'avancer de façon pas droite en se cognant contre les murs -les murs étant ici de vieilles épaves-. Tous considérés comme des déchets égaux et indissociables, ils étaient différents dans la danse. Personne ne faisait les mêmes gestes que le voisin, pourtant chacun entraîné par la même musique. Réveillés par la puissance du canard et de Robb, les vagabonds abandonnaient cette qualification pour montrer leurs esprits. Qui ils étaient véritablement. En d'autres mots, ils dansaient n'importe comment sans vraiment se soucier d'une mélodie. L'énorme bruit provoqué par les dizaines de jambes frappants le sol s'entendait à l'autre bout de l'île. Autre bout de l'île où Rockfor commençait à courir, à la poursuite de ses compagnons d'infortunes -mais plus tard de fortune, faut quand même pas déconner, ils sont pas mauvais au point de ne jamais trouver de trésors de leur vie-. Dans le "village", la fête continuait, un canard se lançant dans une danse aérienne des plus acrobatiques pendant que Robb continuait évidemment à combiner le chant à ses mouvements.

      Sur la foule rassemblée aux pieds de nos protagonistes, une ombre s'avança. Elle disparu aussitôt, ce n'était en réalité qu'un effet d'optique du soleil, possible seulement lorsque quelqu'un se tenait à un endroit précis. Le quelqu'un ayant bougé, l'ombre avait disparue. Par contre, l'entrée en scène classe était réussie. Ronaldo Smallong ne voulait pas particulièrement d'une entrée classe. A vrai dire il ne voulait même pas avoir à faire une entrée. Lui, ce qu'il souhaitait, c'était retourner dormir quelque part. Le fait est qu'une bande de clodos bourrés et cuvant leur rhum, ça l'arrangeait. Une bande de clodos déchaînées hurlant approximativement des paroles de chanson par contre, c'était nettement moins pratique.

      - Hé, vous êtes familier avec le concept de sieste ?
      Les nombreux "Non" lancés par l'assemblée n'empêcha pas Robb de rétorquer
      - L'heure de la sieste est passée depuis longtemps mon petit, c'est même bientôt l'heure du goûter !
      - Y a pas d'heure pour la sieste, y a une heure pour être réveillé
      - Ce n'est pas sain du tout de vivre comme ça ! Il faut brûler l'énergie que l'on emmagasine en dormant sinon tu seras tout énervé pendant la nuit !
      - Ca tombe bien, j'ai très envie de vous brûler de l'énergie dans la tronche
      - On ne répond pas comme ça à papa ! TU ES BON POUR LA FESSÉE !


      Fini par crier Robb en bondissant de son perchoir. Mauvaise idée de sauter sur un sol qui n'en est pas un. Le Cimetière d'épaves étant entièrement composé de vieux navires entassés, certains morceaux de sol sont légèrement moins stables que d'autres. Quant on marche il n'y a pas de problème, mais si on commence à frapper par terre avec puissance puis à bondir dessus de plusieurs mètres, c'est tout de suite différent. Non seulement le médecin traversa le plancher du bateau -menant à une énorme pièce, tout l'intérieur du véhicule ayant était retiré (sol et murs compris) avant que celui ci ne soit abandonné- mais il acheva le bois sous les jambes de tous les autres. Seul un canard continuait de battre des ailes, regardant l'assemblée tomber dans les mètres les séparant du véritable sol. Véritable sol qui s'avéra être aussi pourri que le premier, laissant ainsi le groupe chuter une nouvelle fois à travers les débris. C'est finalement un morceau de cuirasser qui stoppa la descente, permettant ainsi au pirate de s'agripper à son camarade venu le chercher. Incapables de porter tout le monde, les deux criminels décidèrent de ne pas faire d'injustice en ne prenant personne avec eux.

      *Une fin de post de Rockfor plus tard*

      Entraînés, sans qu'ils s'en rendent compte, au milieu de la course poursuite, les deux L.I.O.N commençaient seulement à se poser quelques questions lorsque Ronaldo surgit d'un tas de débris et voyant son nouvel ennemi, entra -de son plein grès, lui- dans le jeu.


      Dernière édition par Un canard le Jeu 1 Aoû 2013 - 2:00, édité 3 fois
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      • https://www.onepiece-requiem.net/t3496-soren-hurlevent
      Un champ de bataille. Voilà ce qu'allait devenir le Cimetière d'épaves. Personne n'aurait pu le dire clairement, mais ça bouillonnait dans l'air, ça vibrait dans la terre, ça crépitait dans les regards. Les flammes s'élevaient déjà hautes et dévorantes, prélude à l'enfer qui s'apprêtait à se déverser au milieu des carcasses de bois. La journée avait déjà été agitée, depuis le début.
      Enfin, pas tout à fait depuis le début.

      Depuis l'arrivée de ces types qui naviguaient sur une porte, en fait.

      ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

      Les L.I.O.N's n'étaient assurément pas le genre d'équipage que l'on pouvait considérer comme un détail. Ou plutôt, comme un détail dévastateur, que l'on ne remarquait pas forcément au premier abord mais qui avait tôt fait de foutre toute l'opération en l'air, un peu comme une erreur de virgule dans une équation au troisième degré. Ce jour-là, à peu près n'importe quel projet à l’œuvre dans les cinq kilomètres alentour était assuré d'échouer lamentablement, perturbé par les puissantes ondes négatives que ce groupe de choc irradiait à chaque fois que l'occasion lui était laissée de chambouler la vie des honnêtes gens.
      Et des moins honnêtes. C'est à dire, à peu près toute la population du Cimetière d'épaves.

      Biach Clever, probablement le moins honnête des moins honnêtes, avait lui-même vu sa bonne blague ruinée par les agissements conjoints de Rockfor Egry, Rhyne Ovalie, Munster Fonduslip et le ventre de ce dernier. Au lieu des rires égrillards et/ou des regards assassins dont il se délectait habituellement, le sinistre clown n'avait eu droit qu'au minimum syndical d'attention, suite à quoi le quatuor précédemment mentionné (le ventre de Munster étant considéré comme membre à part entière de ce quatuor, étant donné qu'il occupait sensiblement autant de volume que les trois autres réunis) lui avait totalement volé la vedette en organisant une folle course-poursuite au milieu des ruelles enflammées. Bien que la situation l'eût grandement amusé en temps normal, il ne supportait guère d'être ainsi évincé. Aussi, constatant que les regards étaient braqués autre part que sur sa personne, il projeta de se retirer dans un coin pour bouder, puis revenir avec ses hommes afin de monopoliser l'attention générale en faisant exécuter trois ou quatre pékins de manière particulièrement spectaculaire.

      Encore un projet avorté. La bonne nouvelle, c'est qu'il fut avorté par un médecin tout ce qu'il y a de plus compétent. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il fut avorté avec une pelle.

      ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

      Faire son entrée en scène avec brio, a fortiori dans une course-poursuite aussi intense, requiert un sens de l'à-propos particulièrement aiguisé. Robb Lochon, en pédagogue averti, était bien conscient que marquer l'esprit des marmots était absolument indispensable pour s'en faire respecter ; challenge qu'il relevait habituellement après une bonne demi-heure de préparation, tant au niveau du costume que de la mise en scène. Tous les gamins qui l'avaient vu passer l'aspirateur en mini-jupe cuir moulant, bas résille et cuissardes, trémoussant son arrière-train à en faire vaciller la perruque qui trônait sur son crâne, étaient assurés de garder cette vision gravée sur les rétines jusqu'à la tombe. Robb était passé maître dans l'art du traumatisme, mental ou crânien selon le degré de résistance du mouflet d'en face. Être le meilleur des papas relevait d'un professionnalisme à toute épreuve.

      Seulement, le temps se faisait un peu court pour le professionnalisme. Pris au dépourvu au hasard d'une rue, plongé bien malgré lui dans une cavalcade dont il ne distinguait ni le pourquoi ni le comment (qui n'existaient sûrement pas, d'ailleurs), il avait dû faire au plus court et imposer sa place de papa dominant avec un minimum de réflexion et un maximum d'énergie cinétique.

      *Un coup de pelle plus tard*

      Eh bien voilà, c'était fait.

      - Vous allez arrêter de courir partout dans les rues comme ça oui ?! Vous allez finir par vous faire mal ! Rhyne, mets-moi immédiatement une écharpe, tu vas attraper froid ! Il fait frisquet ces temps-ci, combien de fois je te l'ai dit ! Ah non tiens, il ne fait pas si frisquet que ça, il fait même plutôt chaud en fait... C'est de votre faute ! Vous me donnez chaud à courir dans tous les sens ! Qu'est-ce que vous avez à être tout énervés comme ça ? C'est le feu qui vous donne envie de faire les fous ? … D'ailleurs il vient d'où ce feu ? … Oh non c'est pas vrai, DITES-MOI PAS QUE C'EST PAS VRAI ! VOUS AVEZ JOUÉ AVEC DES ALLUMETTES C'EST ÇA ? MUNSTER, TU NE POUVAIS PAS LES SURVEILLER, BOUGREDIEU DE TOURNECORNE ? ET REMETS-MOI CE VENTRE EN PLACE TOUT DE SUITE !

      Tout le monde s'arrêta sur place, impressionné par la voix autoritaire de Robb, ou la vigueur avec laquelle il avait envoyé Biach Clever s'encastrer dans une épave branlante qui en avait profité pour s'écrouler sur lui. Un canard, cependant, n'avait pas l'air franchement impressionné ; mais à sa décharge, la gamme d'expressions faciales que lui offrait son visage de palmipède n'était pas assez étendue pour lui permettre d'apparaître autrement que vaguement interloqué. Du reste, il n'avait pas fait grand cas de la diatribe du médecin : toute son attention était focalisée sur Lord Boroyal, qu'il identifiait confusément comme un genre de cousin qui a mal tourné et que personne n'ose inviter aux repas de famille. Mais dans le cas de l'aristocrate, le lance-roquette qu'il trimbalait partout avec lui faisait office de laissez-passer, lorsque sa douzaine de Boris taillés dans un genre de granit particulièrement agressif n'avait pas suffi à cet effet. Un canard n'aurait su dire pourquoi – et en soi, cela n'avait rien d'exceptionnel, il n'avait jamais été doué pour les explications, ni d'une manière générale pour tout ce qui touchait de près ou de loin aux relations sociales – mais cet énorme tube noir lui déplaisait profondément. L'explication la plus probable était qu'il avait assimilé le lance-roquette à une énorme sangsue accrochée au manchot, qui malgré son aspect bizarre, restait son cousin. C'est donc sûrement dans une tentative de sauvetage qu'il se précipita toutes ailes dehors en direction de l'engin d'artillerie.

      Une tentative de plus qui échoua. Il se retrouva coincé dedans.

      ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

      Un peu avant qu'un canard décide d'aller jouer les sauveteurs, une longue silhouette dégingandée surmontée d'un chapeau de cow-boy avait émergé des décombres qui commençaient à s'entasser un peu partout, là où l'incendie avait eu raison des piles de bois branlantes qui s'accumulaient depuis des décennies de naufrages. Ronaldo Smallong n'était pas content, pas content du tout. Pour une raison qu'il avait encore du mal à identifier, une bande de clodos hirsutes et braillards l'avait interrompu lors de sa sieste, à grands coups de pied sur le sol dans ce qui ressemblait vaguement à une danse, et moins vaguement à une grande crise d'épilepsie collective. Et maintenant, voilà qu'un incendie grondait sur l'île, détruisant peu à peu tous ses lits potentiels – à peu près n'importe quelle surface non verticale étant considérée par Ronaldo comme un lit potentiel, il y avait de quoi être sacrément en rogne. Il ne savait pas qui était à l'origine de cet incendie. A vrai dire, il s'en fichait totalement. Ce qui importait surtout en ce moment même, c'était de se passer les nerfs en tapant sur un type. Et juste devant lui, comme par un don du ciel, se trouvait l'espèce d'hurluberlu qui avait fait danser ces clochards et provoqué son réveil. Il n'imaginait absolument pas que c'était en réalité le fait de son compagnon à plumes ; l'hypothèse d'un canard faisant danser des clodos n'avait grand sens pour personne, à part justement pour un canard ou des clodos. N'étant ni l'un ni l'autre, Ronaldo réserva une place de choix à Robb dans son collimateur, ainsi qu'à son poing dans la tronche du médecin.

      *Schlomp* fit le canard s'engouffrant dans le lance-roquette.
      *Puf* fit le poing de Ronaldo, s'écrasant sur la joue de Robb avec une excessive mollesse.
      *Blam* fit le corps du cow-boy, totalement endormi, s'étalant sur le sol.
      *Dong dong dong* fit le volatile, remuant sans succès pour s'extirper du tube métallique.

      Les protagonistes marquèrent un temps d'arrêt et se regardèrent. La situation venait de faire un allègre bond en avant dans le précipice de l'incohérence.
      Munster semblait plus blasé que jamais.

      ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

      La taverne avait été le théâtre d'un combat acharné. Chaises, tables, bouteilles et clients gisaient au sol, fracassés par la violence de l'affrontement. L'alcool se mêlait au sang qui s'épanchait sur le sol, tandis que les esquilles de bois se dressaient comme des os brisés. Aucun son ne brisait le silence, à part quelques gémissements épars et les crépitements du feu qui dansait dehors. On aurait pu croire qu'un troupeau de rhinocéros s'était mis en tête de dévaster l'intégralité de l'établissement ; et à en juger par les multiples traces de brûlure que l'on remarquait ici et là, l'on aurait eu à faire à des rhinocéros cracheurs de feu. De tels spécimens auraient assurément mérité une étude approfondie, mais selon toute évidence, il n'y en avait pas un seul dans la taverne.
      Qu'à cela ne tienne. Denis le barman n'avait jamais apprécié les créatures fantastiques, de toute façon.

      Il se dégagea des débris de comptoir qui s'étaient effondrés sur lui, épousseta consciencieusement son marcel vert – pour autant que l'on pût épousseter un vêtement qui semblait avoir servi à nettoyer les fours de tous les cuisiniers de South Blue durant les quarante dernières années – et observa son établissement d'un œil critique (l'autre étant tout aussi critique, mais plutôt dans son état que dans son regard, puisqu'il s'obstinait à rester fermé et à prendre une teinte violacée). De longues années de métier dans l'un des coins les plus mal famés de South Blue lui avaient appris à évaluer rapidement les dégâts, et surtout le coût des éventuelles réparations ; il ne lui fallut que quelques secondes pour examiner la situation et en déduire que seul son propre pantalon ne nécessiterait aucune maintenance. L'enseigne elle-même, qui récemment affichait encore fièrement ''LE MELON ROUGE'', n'avait plus rien d'autre à offrir aux passants que ''.. M..O. R.U.E'', ce qui ne risquait pas de relancer son fonds de commerce. Néanmoins, Denis Epgarson n'était pas du genre à se laisser abattre aussi facilement. De toute façon, chaque client étendu à terre en ce moment même avait une ardoise qui équivalait au budget mensuel de Mariejoa en lessive (le blanc, c'est très salissant).
      A part, bien sûr, les deux guignols qui avaient entamé cette bagarre titanesque.

      - La vache... On s'est fait démonter la gueule... gémit Robert Barque, essayant lentement de se relever.
      - Je te l'avais dit que ça marcherait pas, ton truc grommela Van Adebal, toujours au tapis, s'escrimant à déplier les branches de son visage qui s'étaient refermées sur lui sous la violence des coups.
      - Je ne comprends pas ce qui a foiré, vraiment. Normalement, déclencher le coma avec des ondes musicales, c'est infaillible. Je l'ai lu dans un magazine, ou j'sais plus quoi.
      - Robert, tu sais pas lire.
      - Ah oui. Ben c'est un type qui m'a dit ça, qui le tenait d'un autre type dont le voisin avait mangé un magazine.
      - Je me demande quel goût ça a...
      murmura Van d'un air pensif, après avoir réussi à déplier deux branches sur cinq.
      - Non, franchement je ne comprends pas reprit Robert après un silence pendant lequel les deux protagonistes mâchaient dans le vide en essayant de se représenter le goût d'un magazine. Tu crois qu'on ne jouait pas assez fort ?
      - Ça m'étonnerait qu'à moitié. Il y avait du bruit partout, avec tous ces gens qui hurlaient et qui tentaient de s'enfuir. On ne s'entendait même plus.
      - Oui, les gens manquent de savoir-vivre, c'est insensé... Le respect pour la musique se perd...

      Van acquiesça en silence, puis renonça à déplier la dernière branche de son visage, celle du haut.
      - Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
      - Je crois qu'on va commencer par boire un verre
      soupira Robert.

      Denis Epgarson sourit. Les affaires reprenaient.

      ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

      Non loin du coin de ruelle où la cavalcade s'était arrêtée au son de la voix de Robb, une espèce de ramassis de membres en forme d'allumettes était tapi à l'ombre d'un pan de navire. Magnus Morrison n'avait pas mis longtemps à s'éloigner du Melon rouge (désormais renommé Morue, à ses dépends), fort de ses longues quilles et de son désintéressement pour la taverne. Il n'y était venu que pour casser quelques genoux, et à compter du moment où il devint impossible de se livrer à cette activité sans s'auto-mutiler, plus rien ne le retenait dans les parages. C'est en cherchant à nouveau l'inspiration, au hasard des sentiers encombrés de morceaux d'épaves qui commençaient à sentir le brûlé, qu'il la vit.

      Elle courait, gracieuse et féline, au cœur d'une bande de lurons patauds qui ne faisaient que la rendre encore plus belle. Ses cheveux d'un noir de jais voltigeaient au rythme de ses enjambées, reflétant les flammes qui dansaient aux alentours, sans que la moindre cendre ne vînt les tacher. Seuls un short et un banal gilet vert lui tenaient lieu de parure, mais la simplicité de sa tenue n'entravait en rien l'élégance naturelle qui se dégageait d'elle ; au contraire, son style discret et sans prétention lui donnait un air tout à fait adorable. Son doux minois qui semblait dissimuler quelque ruse de diablotin faisait totalement craquer Magnus, grand artiste dans l'âme et particulièrement sensible à une telle beauté – et à des courbes aussi appétissantes.
      Mais elle n'était pas seulement magnifique. Elle était magique. La femme parfaite à ses yeux. Car dans sa course envoûtante, elle jouait du banjo. Et cela, ça lui aurait fait oublier n'importe quel défaut.
      Même celui de chanter particulièrement faux.

      Le musicien avait suivi la course-poursuite avec toute la discrétion dont on peut faire preuve avec trois mètres cinquante au compteur ; heureusement pour lui, la situation comportait déjà suffisamment d'éléments sortant de l'ordinaire pour que toute l'attention soit complètement détournée d'un type qui avait pour seule originalité une parenté flagrante avec un chewing-gum détiré. A l'arrivée du barbichu muni d'une pelle, qui avait arrêté tout le monde sur place, Magnus s'était caché du mieux qu'il pouvait sous un morceau de coque qui surplombait la rue. Pendant toute sa tirade et les événements qui précédèrent un silence extrêmement gêné, il admirait la jeune sabreuse, fasciné par son air à la fois buté et incrédule. Même en arborant cette combinaison des deux expressions faciales probablement les plus inélégantes du visage humain, elle restait sublime. Il aurait pu rester caché pendant des heures, contemplant la créature de rêve qui l'avait ensorcelé à l'aide de son banjo. Mais ce n'est pas en restant caché que l'on vit le grand amour. Magnus était un homme, un vrai ; et en tant que tel, il devait prendre son courage à deux mains et aller lui déclarer sa flamme, au milieu de celles qui grondaient dans les épaves incendiées. Dégageant le pan de bois qui le masquait à la vue de la jeune femme, il se dressa de toute sa hauteur. Il pensa à une phrase d'accroche, dans le style ''Hé, ça te brancherait, genre, de sortir avec moi ?''. Mais ça ne sonnait pas si bien que ça.
      Alors il opta pour une autre approche. Il courut vers elle à toute vitesse, la saisit par le col et détala avec son trophée en hurlant de joie.

      Le silence gêné s'éternisa, jusqu'à ce que Rockfor se lance à la poursuite de l'énergumène qui venait de kidnapper son tout premier sujet.
      C'en était trop pour Munster. Il tourna les talons en maugréant et se mit en quête d'une taverne où il pourrait maudire en paix tout ce que l'univers comporte d'auteurs et de scénarios débiles.

      ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

      Flamme-illustre-de-sagesse-ancestrale était plutôt satisfait de la tournure que prenaient les événements. En fait, à partir du moment où un incendie se répandait quelque part, il avait toujours de quoi être satisfait. Cramer des hérétiques était sa plus grande spécialité, et la plupart des occupants de l'île étaient très probablement des hérétiques ; si toutefois il s'en trouvait quelques uns qui ne l'étaient pas, ils seraient évidemment ravis de périr par les flammes, la seule mort noble qui soit. Ce genre de raisonnement avait conduit le moine à faire griller un certain nombre de ses collaborateurs proches, ce qui n'avait laissé dans son cercle de relations, par une sorte de sélection naturelle, que les fanatiques les plus absolus qui avaient échangé leur instinct de survie contre une dévotion sans égale envers le Dieu Rôtisseur. Cette petite bande de terroristes ne se considérait en rien comme un équipage pirate, mais malheureusement pour eux, le Gouvernement Mondial était légèrement plus porté sur la catégorisation systématique ; raison pour laquelle la trombine de certains d'entre eux était estampillée sur un avis de recherche, à l'instar de nombreux forbans.

      C'est justement l'une de ces affiches qui venait de se déposer aux pieds du Capitaine Flamme, poussée par une brise qui, après une traversée de l'île en proie à l'incendie, n'avait plus grand-chose de rafraîchissant. Le gourou se baissa pour ramasser le morceau de papier, dont le rouge dominant avait attiré son œil. La photo s'avérait être celle d'un vieux barbu en tenue de cardinal, qui semblait être en train d'insulter une personne située hors-objectif (en réalité, le cliché avait été pris à un moment où le forban commandait à boire, mais le barman lui-même avait eu du mal à discerner dans sa phrase les mots qui se référaient à une chope de bière de ceux qui désignaient ''cette sale grognasse de causalité narrative''). Sous la photo s'étalait en grosses lettres le nom de MUNSTER FONDUSLIP, suivi d'une prime de 3.900.000 berries.

      - Voilà encore une preuve que toute cette connerie fictive est parfaitement débile fit une voix irritée juste derrière son dos.

      Le moine sursauta et se retourna d'un bloc, adoptant une position de combat particulièrement élaborée et à l'équilibre douteux. Juste en face de lui se trouvait à présent... eh bien, le même faciès que celui qu'il venait d'observer, mais passablement plus énervé, semblait-il. Avant qu'il ait pu réagir – de toute manière, il n'aurait probablement pas su comment réagir – le barbu lui arracha l'affiche des mains et la lui agita sous le nez d'un air mi-triomphal mi-exaspéré, spectacle qu'il n'aurait recommandé à personne. Sur un ton encore plus cauchemardesque que son expression, il se lança dans une tirade qui faisait sérieusement craindre pour sa santé mentale.

      - Comment ils espèrent nous faire avaler une énormité pareille ? Franchement, quelles sont les chances que tu tombes sur un papelard qui affiche ma tronche au moment même où j'arrive derrière toi ? Aucune, mon gars. Tout ça c'est prévu, je te dis ! C'est prévu parce-que-c'est-fic-tif, nom d'un chien. Y a un sacré branleur quelque part qui a envie que je te déboule sur le râble, du coup comme des manches, on suit le mouvement. Et je vais même te dire un truc : depuis le temps, je commence à connaître un peu les manières du type. Si on se retrouve ici, c'est soit pour se mettre sur la gueule, soit pour aller s'enfiler des canons au pub du coin. Qu'est-ce que t'en dis ?
      - Le pub du coin ? Il vient d'être dévasté. Par mes soins, d'ailleurs.
      - Ça me paraît plié, alors.


      Et il lui emplâtra la face d'un coup de bougeoir.

      ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

      Robb Lochon, même si cela ne sautait pas aux yeux lorsqu'il cassait des genoux et des clavicules à la pelle – dans tous les sens du terme – était un papa responsable. Et dans le cahier des charges du papa responsable, juste après la clause ''Ne pas laisser les enfants se marier avec des animaux, sauf s'il s'agit d'un mariage d'amour'', se trouvait celle qui stipulait ''Ne pas laisser les enfants dormir sur le sol''. Le sol, n'importe quel parent le sait, ne se combine jamais de manière franchement satisfaisante avec un bambin, qu'il soit herbeux, boueux, sableux ou neigeux. Certes, Ronaldo Smallong n'était plus à proprement parler un bambin, mais sa tendance à dormir plus de quinze heures par jour l'assimilait plus ou moins à un bébé de quelques mois. Il n'en fallait pas plus à un papa poule tel que Robb pour le prendre dans ses bras en chantant une berceuse avant de partir en quête d'un lit plus confortable et moins salissant.

      Hélas, trouver un lit digne de ce nom n'était pas une sinécure dans un endroit tel que le Cimetière d'épaves. La population locale se divisait à peu près entre pirates de passage, qui s'accommodaient fort bien d'un coin de comptoir où cuver leur rhum avant de lever l'ancre à l'aube, et résidents permanents du royaume des clodos, où un carré de terre qui ne sentait pas l'urine était considéré comme le sommet du luxe. Les seuls lits à peu près potables étaient ceux des taverniers, ce qui n'était guère surprenant puisqu'ils étaient reconnus spécialistes de tout ce qui est potable de manière générale. Malheureusement, Robb n'arrivait à trouver aucun débit de boisson, excepté un petit établissement curieusement nommé Morue, qui semblait complètement ravagé et sur lequel il ne s'attarda pas.

      L'incendie, jusqu'ici seulement toile de fond des événements, commençait à se faire plus menaçant, et des débris enflammés chutaient régulièrement au beau milieu de la route, l'obligeant à faire demi-tour ou à se griller la plante des pieds. Le médecin faisait du mieux qu'il pouvait afin de préserver son protégé des scories qui s'abattaient tout près de lui, mais la tâche n'avait rien d'aisé, malgré ses pas de danse particulièrement audacieux. Pris dans un moonwalk absolument impressionnant dans le but d'éviter une poutre enflammée, il ne vit pas le petit morceau de bois brûlé qui tomba sur le front de Ronaldo.
      Le heurt était minime, mais suffisant pour que l'endormi se mette à rêver qu'il était attaqué. Ce qui n'était assurément pas une bonne chose. Sans se réveiller, il se mit en garde. Ronaldo Smallong était adepte du Krav-maga somnambule, art martial redoutable... que Robb Lochon ne tarderait pas à redouter.

      ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

      - J'EN AI UNE AUTRE ! QU'EST-CE QUI EST PETIT ET MARRON ?
      - Euh... Putain, elle est dure celle-là... Voyons... Un marron ?
      - BWAHAHAHAHA, PERDU ! C'ÉTAIT UNE MANGOUSTE !
      - Mais... pourquoi c'est toujours une mangouste ?
      - ATTENDS, J'EN AI UNE AUTRE ! QU'EST-CE QUI CREUSE DES TROUS ?
      - Des clodos ?
      - BWAHAHAHAHA, PERDU ! C'ÉTAIT ENCORE UNE MANGOUSTE !
      - Non, je veux dire... C'est quoi tous ces clodos ?


      Le capitaine Ging ''BAM'' Dong délaissa momentanément les mangoustes, le temps d'observer les hurluberlus malpropres qui se trémoussaient au son d'une musique imaginaire, sous le regard mornement bienveillant d'un type torse nu, assis sur une sorte de grand trône en bois mal fichu. Au gré de leurs devinettes, le capitaine et son ingénieur Brih Demau avaient déambulé sans trop se soucier de leur direction, et ils se retrouvaient à présent dans le sous-sol du Cimetière d'épaves, fief du Roi des clodos Brunon VII le Torsepoil.
      C'était un roi comme on n'en fait plus. Tous le respectaient, sauf ceux qui avaient de quoi se payer un repas chaud, et sa renommée s'étendait par-delà une bonne cinquantaine de mètres, au moins. Son auguste chevelure graisseuse supportait une majestueuse couronne de bois, que les termites n'avaient presque pas mangée – une moitié, à peine. Lorsqu'il commandait à ses sujets, ils lui obéissaient au doigt et à l’œil, à part s'ils étaient trop fatigués ou trop bourrés. Une main de crasse dans un gant troué, voilà quelle était sa politique. Brunon, en quinze ans de règne, n'avait eu à affronter aucune crise majeure au sein de son royaume. Sa seule crainte était qu'un jour, son peuple découvre la terrible vérité au sujet de son accession au trône.
      Car Brunon VII le Torsepoil était un usurpateur. Contrairement à ce qu'il prétendait depuis quinze ans, son prédécesseur et héritier légitime du trône des clodos était toujours en vie. Et le roi vivait dans la peur constante qu'un jour, ce survivant ne vienne réclamer sa couronne.

      Cengel Gilgamesh reniflait l'air avec insistance. Cette fois, il en était certain. Cette satanée odeur de lion, qui traînait sur l'île depuis quelques heures, émanait de ce tunnel obscur qui s'enfonçait dans les profondeurs du sous-sol. Il ne réfléchit pas davantage, comme à son habitude, et s'y engagea en courant.

      Sans le savoir, Cengel II le Rutilant retournait vers son trône.

        [C'est trèèèèès long (c'est le plus long post que j'ai écris jusqu'ici normalement et j'espère ne jamais refaire ça, même pour moi ça a quelque chose d'un peu horrible), mais y a beaucoup beaucoup de trucs qui s'y passent. Bonne lecture. Accrochez-vous et faites avec !]
        Les volutes de fumée s'élevaient dans le ciel tel un bateau ivre grisâtre qui chaloupait entre les vagues. La nuit était claire et pourtant tous les cœurs étaient remplis d'effroi. D'excitation. Mamie Épave comme l'appelait les gosses du Cimetière avait vu bien des choses au cours de sa longue vie et parfois, seulement en de semblables nuits, tous se rassemblaient autour d'elle pour entendre ses histoires. Elle racontait les légendes d'antan, les étrangetés d'hier et les rêves qui furent. Les craquements de ses vieux os précédèrent son arrivée et sa peau ridée apparut au-dessus du grand bout de flammes que les habitants avaient fait dans l'Allée. Les enfants frémirent. Satisfaite de leur réaction, la vénérable s'installa tranquillement, sa haute silhouette dominant toujours le feu qui dansait sur son visage au rythme des tambours du Temps. Elle se souvenait... oh oui, elle se souvenait.

        Ce n'était pas ses arabesques complexes que les lettrés appelaient "rides" qui étonnait le plus, mais ces yeux bleus pervenches qui vous fixaient intensément, toujours jeunes et enfoncés sur une figure qui semblait aussi vieille que les planches qui alimentait le foyer devant elle.

        Alors, tel un phare immémorial dans l'obscurité, Mamie Épave parla ; c'était d'une voix claire, étonnamment cristalline.

        « Mes enfants, les conteurs peuvent donner dans les voix enroués de chèvre s'ils le désirent et d'autres peuvent vous murmurer le bruit du vent dans les cheveux d'une femme aimée...

        Elle s'arrêta quelques secondes, ménageant son effet, son regard qui s'était jusque là porté sur les enfants fixant étrangement le feu.

        Moi, que tout le monde appelle Mamie Épave, j'ai été témoin d'un feu différent un jour. J'étais alors juste une petite fille. Mais je l'ai vu. Je les ai vus tous. Le jour où le Cimetière a failli être détruit, je me suis promis une chose si jamais j'en réchappais : une fois reconstruit, plus personne ne les oublierait... »

        Elle tourna la tête et tous suivirent le mouvement. Après avoir saisi de quoi elle parlait, ses auditeurs trépignèrent, surexcités.

        Le Cimetière avait été reconstruit en partie sur le modèle d'une petite ville à certains endroits bien après leur venue, mais personne ne pouvait les oublier : la ruelle était celle du Danseur ; le carrefour celui des Lions Fromagers.

        ***
        Si les L.I.O.N's étaient si gratinés qu'ils avaient sans aucun doute créer des vocations dans l'internat psychiatrique ou dans la cuisine de l'extrême, il fallait se souvenir de deux choses : il n'était pas les plus timbrés ici et le Cimetière d’Épaves portait bien son nom. C'était le genre de lieu où tout allait comme une bouilloire cramoisie porc-épic. C'est très jolie une bouilloire cramoisie porc-épic, mais le problème c'est que si vous tentez de faire quelque chose d'un peu logique avec, cette saloperie vous piquera jusqu'à ce que mort arrive. Telle la bouilloire cramoisie porc-épic donc, le Cimetière d'épaves était un endroit inhospitalier et inamical de prime abord, au fur et à mesure du temps colonisé par tout un tas de gonzagues. Cet état de fait qui empapaoutait les lois les plus élémentaires de la survie avait fait passer l'île dans le domaine publique en tant que repaire notoire de pirates et de terrains propices à l'aventure.

        Écris sur et inspiré par ça. Gardez-le sous le coude juste pour le paraph' ci-dessous et pour les moments avec les vieux.

        Une espèce encore plus unique de déchets de l'univers s'était conjointement donné rendez-vous pourtant en ces lieux. Ce n'était pas des Pirates, ni des taverniers, encore moins des criminels. Plus puants encore que les clodos qui pullulaient sur l'île. Plus vermines qu'eux, bien que plus rares, c'était les êtres les plus tordus et pathétiques que le monde portait en son sein : les ratés. Les vrais colonisateurs du pays de bric et de broc qu'était le Cimetière d'épaves, ses vrais habitants, des gens qui avaient tous finis par échouer sur l'île, naufragés d'un monde qui ne les voulait plus. Il y avait cet ancien Samouraï de Wanokuni dont l'honneur avait été sali à jamais et qui avait été exilé jusqu'ici, cette castafiore qui avait tenté de chanter sans jamais être entendue, ce sale gosse qui avait tout perdu sauf son vélo et surtout, surtout il y avait Nestor Kuillère et Norbert Fortchett.

        Derniers Chevaliers de l'Ordre de l'Ornithorynque Bleu (qui avait sombré dans l'oubli seulement une semaine après sa création) ces deux hommes qui avaient toujours combattu selon leurs propres valeurs du respect de la Badassitude, de préservation de la Rouflamoustache et de gardien des Ornithorynques anti-galions de leur île natale s'étaient vu séparés par un différent légendaire. L'un et l'autre se rejetait la faute impardonnable et cette erreur leur avait fait prendre les armes. Leurs règles étaient formelles, héritées des traditions des Géants d'Erbaf. Jusqu'à leur dernière souffle, amis contre amis, Chevaliers contre Chevaliers, ils s'affronteraient durant toute leur vie en la plus épique des joutes équestres.

        From a battle i've come ! To a battle i ride ! Blazing up to the sky !~~♫
        Leurs peaux étaient ridés, leurs armures avaient fini par rouiller et tomber, leur arthrite les faisait souffrir, leurs chevaux étaient morts de vieillesse, mais leurs sourires édentés étaient le sourire de vieux lions n'étant pas encore près à céder. Alors, lentement, ils saisirent leurs tapettes à mouches, dernières armes qu'ils avaient réussi à sauver.

        Chains of fate ! Hold a firey stride ! I'll see you again when i die !~~♪
        Leurs yeux ne voyaient plus, leurs muscles étaient fatigués, le lumbago les guettaient et leurs jambes ne pouvaient plus les supporter, cependant leurs âmes étaient toujours habités d'un feu inextinguible qui ne se prosternaient que devant le Soleil qui faisait rage encore dans le ciel. Ainsi, fièrement, ils enfourchèrent leurs cheval-bâtons, dernières montures qu'ils connaitraient.

        Nestor sourit.
        Norbert rugit.

        Et alors tout commença.


        ***
        L'horloge de l'histoire s'était déjà mis à carillonner il y a peu.
        Mais cette fois-ci, ce fut la grande roue du destin qui se mit en branle.
        Ce jour était celui où les L.I.O.N's hurleraient qu'ils existaient à la face du monde.
        Celui où tout débutait.


        ***

        Un autre homme criait sur l'île en courant.

        « AAAAAAH, j'ai perdu tous mes bambiiiiiiins ! Ging ! Munster ! Rhyne ! Rockfor ! Brih ! Roooobb, ah-mais-nan-ça-c'est-moi-mince, Caaaanaaaaarrreeuuuh ! JE SUIS LE PLUS MAUVAIS PAPA DU MONDE MES BICHONS ! Désolé, désolé, désolé, DÉSOLÉ ! Promis je vous achèterai des glaces pour m'faire pardonner si vous reveneeeeeez ! »

        Il regarda derrière lui, puis accéléra. Raaaaah, mais ce bambin-furoncle est encore là à m'poursuiiiiivreuh ! Il était tout grognon -COMME JE L'AVAIS DIS- pendant son s'mmeil et maintenant que j'l'ai réveillé avec un coup d'pied, il l'est encore plus ! MAIS MERDEUH, laisse-moi tranquille, j'ai d'autres canaillous dont j'dois m'occuper moi !

        « Reviens, j'en ai pas fini avec toi brise-siestes... reviens par la bulle de morve du grand Gazzzzzzzrrrr »

        Le paternel s'arrêta en entendant le son caractéristique d'un narcoleptique se cassant la gueule une énième fois. Partout l'enfer grandissait, le feu crépitait et la fumée-qui-piquait-les-yeux commençait à s'élever. Ses épaules trempouillées de sueur s'affaissèrent, tandis qu'il soupirait, se retournant.

        « Allez, je t'amène au dodo fiston... encore une fois. »

        Robb Lochon n'abandonne personne. Aussi, le Papa hissa son enfant grognon sur son dos et repartit. Constatant qu'il aurait pu paraître presque trognon s'il n'y avait pas toutes ces tentatives perpétuelles de le tuer qui se déclenchait imprévisiblement sur le chemin, il avait pourtant décidé contre la logique de survie la plus primitive de guider tel un chien d'aveugle ce poupon-la-peste à travers les ruines braisées à son corps défendant -littéralement, pour l'occasion. Le Docteur essaya tant bien qu'mal de l'calmer avec une berceuse de son crû, mais il semblait y être immunisé, ce qui était bien étrange, tant il jugeait que les paroles étaient très efficaces :
        Spoiler:

        Mais qu'à cela ne tienne, faisant contre mauvaise graine bon cœur, le Daddy Cool lutta pour éviter les coups et perdre son rej'ton. Si tout à l'heure son duo mirifique avec un Canard l'avait requinqué, la chaleur était revenu depuis le poignarder frénétiquement et sa cavalcade-portage-esquivage n'arrangeait pas les choses. Suant à nouveau, épuisé, blessé à cause du cimetière qui était tout feu tout flamme, Robb se retrouvait à court d'option, tandis que le terrible somnambule approchait encore pour en découdre. Alors le Pirate, poussé dans ses dernières tranches de "charcutesprit", ce mode de pensée typiquement Montagnard, tenta le tout pour le tout.

        Il tenta de réfléchir.

        Pire ! Fit la chose absolument à ne pas faire : essayer de penser comme le reste des L.I.O.N's. Faisant un grand sourire et mettant ses cheveux en arrière, il se demanda :

        Oh Capitaine, mon Capitaine, qu'est-ce que tu ferais ?

        Kings of Trash 698349iconging
          BWAHAHAHAHA, JE LUI COLLERAIS UNE MANDALE BIEN SÛR !

        Puis gonflant son ventre et arborant une mine renfrognée, il se questionna : Mon p'tit Muns', un indiiiice ?

        Kings of Trash 296327iconmunster
          « Démerde-toi. Ou jette-toi dans le feu et attaque-le, ça pourrait marcher. Bon, c'pas tout ça, mais quitte à squatter, je peux avoir une bière ? »

        Oh bien sûr, troisième porte à gauche, sixième étage, à côté des homme-koalas en string qui dansent la salsa.

        Kings of Trash 296327iconmunster
          « ... bordel. »

        Prenant ses cheveux pour les rassembler en deux grosses mèches tombantes, affichant un sourire narquois : Et toi Rockfor, mon bichon ?

        Kings of Trash 903037iconrock
          « Ton roi te dit qu'il faut que tu lui rentres dedans. Bourrine ; on sait tous les deux très bien que tu vas le faire de toute façon. »

        Et d'enchaîner avec Rhyne, jamais loin de son Rocky, un air agacé sur le visage et une main sur la hanche : Fifille, révèle-moi les secrets de l'univers !

        Kings of Trash 436732iconrhyne
          « Raaah, mais j'en sais foutrement rien moi, t'as qu'à fuir et arrêter de m'ennuyer. »

        Gardant sa moue tout en avançant le cou cette fois-ci, Papa parla mentalement : Canard, je te choisis !

        Kings of Trash 875752iconcanard
          « Pour éviter qu'une vache s'échappe, i' faut y fout' des barrières tout autour ! »

        Enfin, se mettant sur ses genoux et tirant sur ses poils du menton, Robb afficha une mine patibulaire et s'exclama : Brih, boutchou, quelle est ta réponse à cette situation ?

        Kings of Trash 756536iconbrih
          « MAIS ARRÊTE DE TERGIVERSER ET DE ME CONCASSER LES NOIX MODÈLE GÉANT, MARAVE CE CON QU'ON EN FINISSE ! »

        Quelle violence les enfants ! Il faut pas toujours se foutre sur la gueule vous savez ! C'est pas bi-

        Kings of Trash 444212iconrobb2
          « Ecoute Robb, c'est ton for intérieur qui te parle. C'est l'heure sacrée des gnons. I'veut dormir ? Il est grognon quand il dort ? Bien. Borde-le. BORDE-LE COMME JAMAIS IL A ÉTÉ BORDÉ ! »

        Le Montagnard se releva avec un sourire carnassier en faisant craquer ses mains en chœur avec le bois du Cimetière. Bon, si même moi j'le dis, on peut bien se décrasser les phalanges un peu bwo ho h-
        Robb vola à travers une butte de planches, rebondit sur le sol calciné et se retrouva encastré dans une énième tour de bois flottants. Légèrement sonné, le Docteur n'eut la vision assez claire que pour voir une des mains de Ronaldo Smallong fondre sur lui et lui porter trois coups furieux tout en gueulant "que le lavabo était bouché encore une fois et que c'était au tour de Maurice de s'en occuper".

        Crachant du sang sur le sol et se redressant maladroitement, le Papa n'eut pas le temps de dire "mais bordel il vient d'se passer quoi, pourquoi la narration accélère d'un coup, je suis pas prêt bordel, mais aïeuh, il m'a bien meulé la face ce p'tit merdaillon" que déjà le bambin-furoncle lui envoyait un coup de coude. Coup d'coude arrêté par le sien et flatté d'un sourire excité avec petit filet d'sang du plus bel effet.

        « Je crois qu'on va sauter l'histoire sale gosse, j'ai L'IMPRESSION DE VOIR QUE TES YEUX SE FERMENT ! »

        La main poilue du Médecin agrippa le crâne du bambin -tant pis pour la fontanelle !- et l'encastra dans le sol de bois si violemment qu'il resta fiché dedans. Reprenant sa course précédemment entamée sans se retourner, le Papa se stoppa tout à coup, tout son corps tendu façon lévrier vers une direction où il sentait des enfants en danger. Se mordant la lèvre, regardant dans la direction opposée où il savait toute sa famille, le Docteur sourit et se rémémora qui ils étaient. Fierté qui brûle dans sa poitrine ; et dans ses yeux, un autre brasier qui se rapproche.

        Vite !

        Derrière, se relevant, fératroce, suivait le cow-boy narcoleptique en grognant.

        Le vent file, les flammes grandissent.
        Là au loin, si proche les voilà qui vient :
        Le Destin et ses fils.


        ***

        Le feu dévorait tout, faisant fi des faiseurs d'histoire. Entre les flammes, derrière les tas d'épaves et la fumée épaisse, deux êtres se regardaient, agenouillés.

        Il n'y aurait rien pour eux sur leur route, malgré le chaos du Cimetière d’Épaves.

        Car aujourd'hui était leur dernier combat.

        Tous deux levèrent leurs dernières coupes de bières et rirent.

        Les gobelets de bois tombèrent au sol et s'embrasèrent...

        Heroes awaits me ! My ennemies ride fast ! Knowing not this ride's their last !~~♫
        Et lentement, très lentement, mais d'une ardeur volcanique, de chaque côté de l'île aux rêves brisées, se dressa deux hommes aux dos cassés parmi les flammes.
        Saddle my horse as i drink my last ale ! Bow sting and steel will prevail !~~♪
        Des cavaliers qui s'élancèrent dans une course folle, hurlant en faisant étinceler leurs dentiers de guerre :

        « T'AURAIS PU PENSER A REMETTRE L'INSCRIPTION DE NOT' ORDRE A TEMPS, VIEUX COOOOOON ! »

        Le bruit du bois qui craquait en brûlant et le bruit de leurs os qui grinçaient se mêlèrent.
        Leurs rires dominant le souffle de mille et un brasiers.

        Parfois, des choses bizarres se produisent sur ces mers étranges.
        Parfois, des êtres hors du commun émergent des fanges.
        Mais, toujours, montrent le chemin.


        ***

        Hiro Arakawa était un homme qui avait tout perdu. Autrefois, déshonoré lors d'une bataille où il avait refusé de se battre (car le sang ça tâche les vêtements) il s'était consolé en déshonorant la fille de son chef et s'était retrouvé dans les Blues, bien loin des tumultes du Nouveau Monde. Honni, maudit, banni, avec un sacré problème de nettoyage chronique, le Samouraï avait abandonné son épée pour se racheter. Cherchant une place où il pourrait arpenter sa nouvelle voie, le guerrier avait atterri sur le Cimetière d’Épaves où ses lubies nettoyantes étaient requises.

        Karla Tchauf était une femme qui avait tout perdu. Ses désirs de devenir chanteuse d'opéra n'avaient jamais abouti et si en bon crétin compatissant on pouvait se demander pourquoi, les réponses ne pouvaient vous plonger que dans le mépris le plus total et vous faire vous claquez l'front. Énorme, laide, chantant faux, la cantatrice chauve avait espéré un auditoire plus réceptif sur l'île, car plus désœuvré.

        P'tit Eli était un p'tit gars qui avait tout perdu. Famille désunie et désaxée, errant d'orphelinats en orphelinats, il n'avait trouvé réconfort que dans une passion : le cyclisme. Cependant personne ne lui avait appris les plus logiques règles de sécurité et il avait été exilé après avoir roulé sur les visages des habitants de sa petite ville qui, selon lui, "faisait un parfait tremplin". Repaire de brigands et de forbans, il était sûr qu'ici nul ne s'offusquerait de son amour du vélo.

        Aujourd'hui encore, repoussés et détestés, ces ratés-là n'étaient pourtant plus seuls. Devant eux allez paraître un étranger, un guide complètement fou qu'ils suivraient alors que leur monde se délitait.

        Le Destin était vicieux et il avait enfin tissé sa tapisserie.

        Robb Lochon arrivait. Et ce raté-là retrouvait toujours tout.

        ***

        Quelque chose oscilla dans le cimetière d'épaves et une silhouette sourit.

        C'est pour bientôt.

        ***

        Un regard vers le haut et Robb sourit. La petite fille sur sa tête dormait à menottes fermées, bien loin de ses tracas initiaux. Les incendies se multipliaient sur l'île et déjà les diverses populations s'étaient mises en marche pour endiguer l'hémorragie qui dévorait le corps de leur terre. Partout habitants du bouge et clodos se liguaient ensemble pour essayer de sauver ce qu'ils considéraient comme leur maison et pour éviter que le feu se propage. Les contrebandiers, pirates et criminels quant à eux tentaient de sauver le plus possible de choses et de sauver leurs culs. Dans cette panique générale, le Docteur avait essayé d'aider autant que possible, considérant le fait que c'était un peu à cause d'eux que la moitié du cimetière était entrain de cramer. Sauver des familles, sauver des enfants et sauver ces jolis sacs de pognon n'avaient pas été une mince affaire, surtout lorsque pour cette dernière petite chose il y avait quelque équipage pirate derrière. La situation avait conduit les forbans à être moins attentifs pour leurs trésors et plus pour leurs vies, qui plus est quand un albinos avec une pelle et une p'tite fille sous l'bras était venu leur lyncher la gueule gratuitement. Certains avaient tenté de résister. Certains.

        Les pieds de Robb se stoppèrent et il s'écroula sur ses genoux, épuisé. La chaleur lui faisait tourner la tête et il ne pourrait bientôt plus courir comme un dératé du tout. Pas d'eau à proximité pour se mouiller la figure ce coup-ci. Et pas le temps de se reposer. Regardant derrière lui, le Papa soupira en voyant une silhouette bien connu se promener tout en donnant des coups dans l'air. J'dois lui r'connaît' un truc à ce gamin, c'est quand même sa ténacité bwo ho... bwo ho ho... eeerf. Punaise, i' faudrait que j'retrouve les autres... c'est où l'point l'plus haut ici ? Euh... ah là ! Marrant que y ait pas du tout de flammes dans c'secteur... Se relevant, le Daddy Cool déposa la petite fille aux jolies yeux par terre. Elle se frottait les yeux, la choupette venait de se réveiller hihihi ♥. Lui faisant signe pour qu'il se baisse, celle-ci lui chuchota quelque chose dans le creux d'l'oreille auquel Robb répondit de la même manière et ce avec un grand sourire. Visiblement étonnée par cette révélation, le Papa rit doucement et lui indiqua un groupe de personnes qui s'était approché.

        Lui offrant un dernier au revoir un peu forcé alors qu'elle disparaissait avec d'autres personnes, le Pirate qui s'était jusque là retenu s'effondra. Ses vêtements trempés de sueur lui collaient à la peau, sa respiration était haletante, sa tête lui tournait et sa vision devenait de plus en plus trouble. Loin, mais de plus en plus proche venait Ronaldo Smallong, réveillé cette fois-ci et bien décidé à en finir.

        Tout devenait noir.

        Il essaya de se relever, d'ouvrir les yeux, de se battre à nouveau contre la chaleur.

        Sans résultats.

        Robb était seul, sans ses bambins, sans forces, sans rien.

        Une deuxième fois, il tenta de se relever. Se vautra. Réessaya.

        Rien.

        Mais alors qu'il avait perdu tout espoir, une main se posa sur son épaule et le fit se mettre sur le dos.

        Ses yeux furent aveuglés devant une luminosité étrange. Elle lui semblait familière. Ouvrant les pupilles, le Daddy Cool resta éberlué. Cette lumière, ce n'était pas n'importe quelle lumière.

        C'était celle d'une boule à facettes.
        Et devant celle-ci se tenait un homme avec un bon goût indéniable :

        Kings of Trash 318206pnj34

        « MEC... J'AI UN MESSAGE POUR TOI.
        - Bordel... c'est vous... je dois vraiment être mort à cause d'c'putain d'soleil.
        - NON. ÉCOUTE MOI. POUR RÉUSSIR TA QUÊTE IL N'Y A QU'UN SEUL MOYEN.
        - Votre Afrotude ?
        - ROBB, UTILISE LE FUNK. »


        Devant cette révélation incroyable, son corps revigoré par des soubresauts de groovytude incontrôlables, Robb se releva, brandissant ses bras au-dessus de lui et déchira violemment son t-shirt en hurlant un "OH YEEEEEAAAAAAAAH COME BACK KIIIIIIIIIIIIIIIIIIIDS" qui résonna dans le chaos du Cimetière. Qu'est-ce qui lui avait redonné de l'énergie jusqu'ici ? Un instinct de protection ? Son but ? Il avait oublié sa plus grande force, sa plus grande motivation. Son cœur aussi avait des flammes ; et il devait embraser de tout son corps ce lieu moribond. La chaleur ? Il ne la sentirait même plus. La chaleur ? Elle n'était rien face à son p'tit palpitant. Déjà l'énergie régénératrice et l'arrachage de son vêtement le libérait peu à peu de ce carcan qui l'avait entravé depuis leur arrivée.

        Le Cimetière d'épaves était à l'agonie ?

        Bien.

        Robb allait donc danser à ses funérailles.

        ***
        Blizzard G.G Carlton était un homme qui aimait écraser ses adversaires. D'aucun pensaient qu'il ne vivait que pour cela. Aussi, quand le Cimetière se mit à brûler, la seule réaction qu'il eut fut de simplement pencher sa tête vers un brasier proche pour allumer son cigare. Le feu naturel, on pouvait dire tout ce que l'on voulait, ça donnait quand même plus d'arôme qu'ces conneries de briquet. Blizzard n'était pas homme à s'inquiéter pour ce genre de "petits tracas". Assis toujours devant sa table, son cigare maintenant allumé, au milieu des flammèches, il constata quelque chose pourtant.

        Avec l'incendie, personne ne venait le défier au bras de fer.

        Personne.

        Le champion réalisa.

        Blizzard expira une bouffée de son cigare tranquillement. Et c'était tout aussi tranquillement qu'il enleva ses mains de la table et qu'il les plaça en-dessous.

        ET C'EST TOUT AUSSI CALMEMENT QU'IL PÉTA UN CÂBLE ET ENVOYA VOLER CETTE CONNASSE DE TABLE COMME UN BARBARE DANS LES AIRS TOUT EN GUEULANT :

        « MAIS BORDEL OU ILS SONT TOUS PASSÉS CES TAFIOLES ?! »

        ET QU'IL... et qu'il se mit en route pour trouver un adversaire.

        ***

        Odin ! I await thee ! You true son am i !~~♫

        Dans un parfum de chairs brûlés et de bateaux qui pleurent, se ruant vers une route où il ne voit nul ennemi, Nestor Kuillère courut de sa jambe morte aussi puissamment qu'il le pouvait.
        I hail you now as i die !~~♪

        Norbert Fortchett crachait du sang, mais continuer. Norbert Fortchett claudiquait, mais voler. Et sans savoir si c'était la bonne route, il continua à courir, sachant qu'il l'atteindrait.

        I pledge you my sword and to no man i kneel !~~♫

        Les planches s'effondraient sur leur route et leurs bras n'étaient capables que d'un dernier assaut, alors jamais ils ne s'arrêtèrent, ni ne cherchèrent à éviter. Devant rien ni personne, ils ne s'agenouillaient.

        Ours is the kingdom of steel !~~♪
        Et tandis que ce monde courait à sa fin, les vieux chevaliers honoraient leur gloire passé. Et d'un commun mouvement, leurs dentiers de guerre rutilèrent.

        De loin, là bas, leurs vieux yeux voyaient un cavalier qu'ils connaissaient.

        Tout allait se mêlait en une fois.
        Et une ère nouvelle allait poindre du Chaos.


        ***
        Les Pirates du cimetière, beaucoup moins nombreux qu'on pourrait croire en comparaison des "simples" criminels et autres contrebandiers étaient tous des charognards. Si c'était une constante chez la population globale, c'était évidemment les flibustiers, déjà pilleurs dans l'âme sur les terres comme sur les mers qui tenaient le haut du panier en osier. Il faut savoir que le charognard n'était pas un animal courageux, mais pleins de traditions, souvent faire-valoir du héros chez les Marines et raclure-faible-qui-te-tire-dans-le-dos-avec-un-fusil-qu'il-vient-comme-par-hasard-de-trouver-pour-plus-de-drama' pour les autres. Les vautours du cimetière ne sortait pas de l'ordinaire, cependant il y avait dans ce lieu étrange des règles que l'on ignorait pas et l'une d'entre elles était qu'en de très rares cas, à cause d'une foule d'évènements divers et variés par exemple, les vautours s'occupent de ceux qui foutaient le bordel dans leur mode de vie séculaire.

        En devenant des chasseurs.

        Tout à fait par exemple.

        Ce genre de clause spéciale ne prenait bien entendu effet jamais.

        Après tout, qui serait assez fou pour défier une île entière ?

        ***

        Quelque chose oscilla encore. Il se prépara à faire son entrée, avant que tout s'enchaîne.

        Il est temps.

        Et soudain, au cimetière d'épaves, tout s'accéléra.

        ***

        Le sais-tu ? L'Univers commença avec un BAM.
        Ce sont les Dieux qui se cognèrent en dansant.


        ***

        Electric Six~~Improper Dancing

        Secouant sa tête d'avant en arrière, bougeant ses hanches de gauche à droite et de droite à gauche, poussant un p'tit cri en tournoyant sur lui-même et en se tripotant l'entrejambe, Robb revivait. Les gens hurlaient, les gens brûlaient, le cimetière mourrait à grand feu et le Montagnard dansait au milieu des flammes de manière inconvenante. Donnant des coups de bassins indécents pour avancer, lui faisant faire des petits bonds, le cow-boy sur ses talons, le Docteur tentait de rester en vie. Tout était danse. Et l'air qui crépitait et le feu qui ondulait. De plus en plus de planches tombaient sur lui : c'était l'occasion d'essayer de nouveaux pas. Main sur la hanche, pendant que l'autre bras se tendait l'index en avant d'un air victorieux ; petons qui coulissaient sur le côté, avants et talons taquinant le sol à tour de rôles et de nouveau pose de l'index victorieux ! Un bout d'épave qui dégringolait ? Robb l'évitait en faisant un grand écart ! Mât perdu qui voulait le faucher ? Grand écart sauté ! Tout le monde était effrayé et l'était plus encore lorsqu'ils croisaient cette étrange énergumène qui sautait et dansait d'une ardeur frénétique.

        Sautillant sur la droite et sur la gauche tout en brisant soudain sa rigidité en écartant violemment les jambes en des A magnifiques, tanguant son corps pour esquiver des débris, Robb s'élança soudain en une glissade sur une série de planches qui s'effondrait pour finir par tomber sur d'étranges chaussures et un homme en pyjama. Le type le regarda d'un air sérieux. Robb se releva et tout en claquetant des doigts passa à côté de lui, l'invitant à le suivre. Lui emboîtant l'pas, le Samouraï Hiro Arakawa faisait rouler un gargantuesque tube métallique entre ses mains, le secouant d'un côté et de l'autre telles des maracas. Grimpant enfin sur la colline qu'il avait vu, le Daddy Cool tournoyait dans la tour en ruines, martelant le sol de ses pieds de manière de plus en plus forte, virant en un pogo dévastateur et funkydélique. Là, il croisa une grosse qui ne l'entendit pas, mais tourna la tête et d'un mouvement ondulant partant de sa main gauche, passant dans son épaule, continuant par sa tête et son sourire et finissant par obtenir une vague de l'autre côté, il l'invita à l'accompagner.

        Le suivant, Karla Tchauf se mit à ouvrir la bouche en grand et à bouger ses mains de façon adipeuse. Haussant ses épaules l'une après l'autre tout en s'effaçant souvent sur un côté, brandissant son poing dans l'air avant de le poser sur un morceau d'barque plus haut pour l'aider à grimper, le Montagnard rencontra une roue de vélo qui s'empressa de titiller sa main avant de laisser passer la petite troupe. P'tit Eli, abasourdi, vit Robb se placer dans le panier de son vélo bien trop minuscule pour lui l'air de rien et lui indiquait de continuer à rouler vers la cime de ce mont d'épaves. Telle une araignée sur le dos qui agonise et qui tressaute, le Papa le plus cool de l'univers dansait doucement, tressautant à chaque cahot de leur route, dodelinant de la tête et claquant ses doigts de manière continue pour rythmer l'ascension de ce groupe particulier. Personne de sain d'esprit n'aurait pu croire ce qu'il se passait et les rares qui s'arrêtaient croyait voir des mirages dû à la chaleur : là, dans cet écrin apocalyptique, c'était Robb au Pays des Merveilles et ses étranges rencontres, c'était Robb et ses acolytes en route vers le Magicien d'Oz.

        Quelque chose oscilla encore. La petite troupe arriva enfin en haut et observa éberlué ce qui se tenait devant eux.

        Robb exulta, avant de remarquer quelques petits détails qui n'disaient rien d'bon.

        Mais surtout le Papa et ses bougres se pincèrent le nez en tournant la tête.

        Ulysse-René Poubelle faisait honneur à son nom.

        ***

        High and mighty alone we are kings...

        Silhouette aimée, silhouette ennemie qui se dévisageait dans un champ de ruines de fin du monde.

        Whirlwinds of fire we ride...

        Et dernière course qui commence, claudiquant, trébuchant, la rage aux dents, la bave aux lèvres, les rides aux fronts.


        ***
        Écris sur et inspiré par ça (thème d'Ulysse-René Poubelle).

        Kings of Trash 521299pnj11
        Venant tout juste de sortir d'un crawl dans un amoncèlement impressionnant d'ordures, une serviette sur les épaules tout habillé, l'homme devant eux leur lança un sourire jusqu'aux oreilles, faisant étinceler tous ses bijoux. Il était le Seigneur des Égouts, l'Empereur des Cuvettes de W.C pas propres, le Prince des slibards sales, celui qui avait été le premier à coller des chewing-gums sur le sol et les tables, qui s'était déchaîné sur un sac d'aspirateur jusqu'à répandre de la poussière partout sur le tapis et le descendant de l'homme qui avait un jour inventé la poubelle. L'immondice était son royaume ; les déchets ses amis et lentement, il alla se caler sur le seul Vrai Trône du Cimetière d'épaves, le sien. Construit en rames, deux salopes authentiques qui étaient des mannequins en plastiques dans chaque bras, le Pacha zyeuta les énergumènes un instant, se souvenant avec nostalgie son maigre temps où il était lui aussi un être normal.

        Ancien présentateur d'une émission de télé-réalité "Pimp my 'bin" qui s'occupait de recycler les ordures pour faire de magnifiques objets de luxe, il avait compris que c'était dans les déchets de ce monde que se trouvait la vérité et alors, il était devenu...

        « Le King In The Trash.
        - Hein, quoi bichon ?
        - Je suis Ulysse-René Poubelle, Protecteur des Ordures, le King In The Trash. Le seul Vrai Roi du cimetière.
        - Je suis Robb Lochon et je suis monté parc'qu'la hauteur m'aiderait à voir mes bambins !
        - C'est vrai que ça pourrait mais...
        - Mais ?
        - Mais quoi ?
        - Quoi quoi ?
        - Oh oui, j'ai vu que vous aviez un canard avec vous. Je surveillais le cimetière pour mon ami.
        - Qui est votre ami ?
        - Qui sont les tiens ?
        - Oh, eux ? C'est... c'est... vous êtes qui mes p'tits gars ?


        Brandissant son vélo d'un air triomphal :
        « Je suis P'tit Eli ! ET JE DEVIENDRAI LE MEILLEUR CYCLISTE DU MONDE ! »
        N'entendant rien et ne disant rien parce qu'elle était sourde et muette en réalité, Karla Tchauf fit du mime, ce qui amusa grandement les autres protagonistes qui l'applaudirent.
        Et ne remarquant absolument pas la petite flammèche qui venait d'apparaître sur l'un des nombreux bâtons de dynamite que le King In The Trash et son ami avaient placé un peu partout, le Samouraï, cinglant l'air de son énorme bombe désodorisante hurla :
        « Je suis Hiro Arakawa, le Samouraï de senteur et JE BANNIS LES MAUVAISES ODEURS ! »

        Doctor Who OST ~~ The Majestic Tale (Of A Mad Man in A Box) / Robb's Theme n°1


        La scène se figea. Robb regarda Hiro. Ulysse-René regarda Hiro. Karla regarda Hiro. P'tit Eli se barra avec son vélo. Allumant toutes les autres dynamites à cause du spray inflammable et de la flammèche devenu colonne de feu en une fois, le Samouraï sut instantanément quoi faire. Laver son honneur. Se jetant sur les bâtons comme un possédé, il ne pensa pas à balancer sa bombe aérosol.

        La salope tenait bien son nom.

        « CRAMPONNEZ-VOUS ! Ah bordel nan vous barrez pas ! »

        La Cantatrice chauve lança un dernier regard à celui qui l'avait guidé jusqu'ici et à cet instant elle parut presque belle, car elle fit un dernier cadeau à son guide : sautant à la suite de Hiro, son corps faisant front contre l'explosion, elle relâcha toute la force de ces cordes vocales en une fois. Karla Tchauf n'avait jamais été très bonne en chant, mais il y avait aussi un domaine dans lequel elle n'excellait pas : la muetterie. Si elle se taisait ce n'était pas à cause de ses cordes vocales trop faibles, mais bien à cause de ses cordes vocales trop fortes. Elle ne put rien face à l'explosion et ce ne fut jamais son but ; non, ce qu'elle voulait c'était pousser son gros corps avec suffisamment de force pour les sauver tous.

        Et c'est ce qu'elle fit. Pas assez près pour être flambé, mais pas assez loin pour échapper au souffle, l'ouvrage de ces deux fêlés du bocal qu'était Ulysse et son ami fut propulsé telle une comète dans les cieux, bloquant un instant le soleil pour tous ceux qui se battaient en-dessous.

        « C'ETAIT POURQUOI LA DYNAMITE BORDEEEEEEEEEEEEL !
        - POUR RECYCLEEEEEEEER BIEN SÛUUUUUUUUUUR !
        - AH BAH SI C'EST POUR RECYCLEEEEEEEr CA VAAAAA ! MAIS ON VA UN PEU MOUUUUUURIIIIIIIR !
        - BIEN SÛR QUE NON, MON AMI S'EST OCCUPE DE CAAAAAAAAA !
        - MAIS C'EST QUI TON AMI, BONS DIEUUUUUUUX !
        - C'EST LUI LAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA ! »


        Un homme obombré dans un voile de mystère leva un pouce encourageant. Un homme ayant oublié d'embarquer sur sa propre création. Et qui slidait l'air de rien dans les airs plusieurs mètres en-dessous d'eux grâce au souffle de l'explosion. Cet homme était Cheese Tray... et il portait un t-shirt avec une mangouste dessus. Charpentier sibyllin dont personne ne se rappelait les traits, il avait comme tous les membres de sa famille -son grand frère designer ayant inventé la fameuse bouilloire cramoisie proc-épic c'est vous dire le niveau- un talent complètement fou pour sa discipline. Tellement fou d'ailleurs, qu'il ne pouvait plus se satisfaire des plans communs de navires. Alors, il décida que son plus grand chef-d’œuvre serait l’œuvre du chaos lui-même, l’œuvre du Destin. Pendant dix ans, il s'isola en haut de ce pic où il rencontra son meilleur ami, le King In The Trash et ensemble ils montèrent une machination : que de la destruction de leur bout de monde jaillisse le plus grand des bateaux.

        Que des bouts de planches et de déchets présents dans le cimetière d'épaves s'encastrent dans la coque d'un bâtiment au départ sans envergure pour y révéler tout son génie.

        Le bateau rejoignit le sol, mais ne s'arrêta pas, creusant un large sillon sur l'île en dislocations depuis le commencement de l'incendie, croisant Pirates et malandrins et surtout, L.I.O.N's, ne s'arrêtant pas, malgré les deux vieux bonhommes qui se ruaient dessus.

        Les deux cavaliers se jetèrent l'un et l'autre et le choc fut-elle que leur tapette à mouches éclatèrent sous l'impact. Ils ne tournèrent pas la tête face à ce qui leur fonçait dessus à toute vitesse.

        Non, ils sourirent.

        Et une dernière fois dans leurs esprits, ils chantèrent tandis que leurs vieux poings s'encastraient dans leurs gueules respectives.

        Providence brought us the crown and the ring...

        Et tandis que le soleil se coucher sur le cimetière, il se coucha aussi sur la vie de deux guerriers.

        Covered with blood and our pride...

        Souvenez-vous d'une chose : la vieillesse n'est pas une excuse. Jamais.

        Se stabilisant près d'un énorme trou, après un petit vomi de circonstance, Robb pouvait hurler heureux :

        « CAPITAINE, LES GARS ! J'AI TROUVE UN BATEAU, IL S'APPELLE...

        Il gueula le nom enthousiaste, tandis qu'une silhouette montait mollement à bord derrière lui. Ulysse-René Poubelle avait disparu dans les immondices depuis longtemps pour partir avec son ami : leur mission était accompli.

        Le bateau était splendide.

        En bas, dans le gouffre, un nain et un géant purent entendre deux grands bruits qui se rapprochaient : l'un étrangement mécanique et l'autre merveilleusement bourrin.

        ***

        Si la famille Tray était une famille célèbre qui recroiserait sans aucun doute les L.I.O.N's tôt ou tard, le nom de ce charpentier-là resterait gravé dans les mémoires pour une autre raison...

        ***

        Mamie Épave sourit.
        « Car voyez-vous, cet homme avait nommé le bateau qu'il avait construit du nom de tous les charpentiers de sa famille. Du nom de... »

        Kings of Trash 804995thecheesetray


        [Les paroles de la chanson des vieux c'est celle de The Crown and the ring de Manowar. La berceuse de Robb c'est la version hip-hop et chanté de Samuel L. Jackson du livre appelé "Go to fuck to sleep".

        Sinon, je tiens à m'excuser. J'avais écris le post le plus épique de tous les temps, mais mon ordi a déconné et je l'ai perdu. Ceci n'est pas le post le plus épique de tous les temps, non... ceci est juste un hommage.]
        • https://www.onepiece-requiem.net/t4674-attention-papa-va-te-montr
        • https://www.onepiece-requiem.net/t4389-presentation-de-robb-lochon

        Aveuglé par le soleil, il eut à peine le temps de distinguer les phalanges lui masquer la lumière. Et le cueillir en pleine tempe. Il fut catapulté dans le décor, roulant plusieurs fois sur le sol, comme s'il ne pesait pas son bon quintal de muscles. Il s'était rappé le genou, cogné le coude et avait la sale impression d'être sur le point de gerber son foie. S'il s'accorda, en nage et à quatre pattes, quelques secondes à cracher ses poumons ; ce n'était que parce qu'un nuage de poussière le dissimulait complétement. Jamais il n'aurait montré un signe de faiblesse en face de tout le village. Jamais il n'aurait montré un signe de soumission face à ce foutu...

        ▬ Alors déjà crevé ? Je te l'ai pourtant dit que c'était voué à l'echec. J'entends tous tes vêtements me crier d'où va venir l'attaque. Ils ont pas l'air de trop t'apprécier.
        ▬ ...ce putain de blond.

        N'empêche qu'il était bien emmerdé. Pourquoi avait-il fallu qu'il se fasse dérouiller sur la place du village ? Si cela s'était déroulé ailleurs, il aurait rendu les armes depuis un bon bout de temps déjà. Cela lui aurait évité d'avoir la gueule dans cet état. Le genre d'état qui faisait peine à voir. Littéralement. Sa joue boursouflée l'empêchant d'ouvrir un œil. Il leva l'autre vers son adversaire et y découvrit la même tête à claques qui ne le dérangerait pas tant si elle n'était pas venue se nicher au dessus de ce sourire altier. Des dents ressemblant plus à des crocs. D'un blanc impeccable. Ils réussissaient l'exploit de dissimuler toute leur arrogance derrière une couche encore plus grasse de bonheur. C'était ça le pire. Ce blond fluet avec les cuisses taillées en allumettes prenait un plaisir fou à lui encastrer la gueule. Ou alors c'était peut être l'aisance avec laquelle il le faisait. Le garçon sentit soudainement un gout salé lui emplir la bouche. Pris d'un haut le cœur il cracha des gerbes de sang. Une migraine sourdait à l'arrière de son crâne. Et cette chaleur. Elle vous desséchait complétement, vous brûlait la peau et rôtissait vos esprits à petit feu. Il s'essuya le filin de sang poissant à sa bouche et releva la tête le moins brusquement possible. Il vit le blond, frais comme un gardon, le même rictus imprimé sur ses lèvres.

        Y'avait pas à chier. Le pire, c'était bien ce sourire. Alors Blizzard G. G. Carlton, 19 ans, fit la seule qu'il pouvait. Il redressa les épaules. Se mit à courir. Arma son poing et...


        _______________________________________________


        ...enfonça un pan de mur du cimetière d'épaves. Plus qu'un mur, c'était un agglomérat d'anciens galions imbriqués qui séparait, encore un instant avant, Blizzard de nos boutes-en-train de Ging et Brih. Son inopinée arrivée avait un air d'ultimatum. Certes cela en jetait forcément de présenter ses lunettes noires et son béret rouge criard au centre d'un tourbillon de copeaux de bois en suspension dans l'air. C'était une introduction un brin théâtrale mais qui faisait toujours son petit effet. Enfin, d'un autre coté il fallait au moins ça pour qu'un L.I.O.N daigne tourner la tête et arquer un sourcil. Ce fut Brih qui s'en chargea. La mine patibulaire mais presque, le nain avait son froncement de sourcil interrogateur. Celui qui jauge au loin les qualités du nouvel arrivé. Une seule qualité pour tout dire. La distance à laquelle ces bras faits de titane et d'écrous pourraient le propulser. La pensée devait l'avoir excité puisqu'il ne le quittait plus des yeux.

        Blizzard, lui, était plus mitigé. Il ne savait pas réellement où regarder. Le contraste des tailles respectives de Ging et Brih était trop important, aussi avait-il choisi de fixer un point entre les deux. Le champion de bras de fer n'était pas homme à s'encombrer de raisonnement ou de bon sens. Il agissait plus par instinct et se contentait d'assouvir ses pulsions comme elles pointaient. C'est pour cette raison qu'il n'avait pas eu le moindre problème à se retrouver dans le sous-sol d'un archaïque repère de clochards gratinés. Mais ce n'était clairement pas ce qui importait. Ce qui importait en revanche était le petit teigneux à la barbe broussailleuse et au regard dur. Il avait quelque chose d'étonnamment grandiloquent pour sa taille.


        ▬ On dirait que j'ai enfin fini de chercher.

        Blizzard commença à s'approcher d'un pas rapide témoignant de la confiance qu'il se portait. Il fit alors des moulinets dans les airs avec ses bras comme pour les échauffer. Se produisit alors un bruit sinistre et inquiétant, celui de l'acier trempé de 15 centimètre d'épaisseur qui se distend. La foudre aurait pu frapper au même instant qu'on entendrait toujours le métal hurler. Néanmoins le danger couplé à la promesse de passer les trois prochains quarts d'heure à se faire bourriner la tronche n'avait jamais su refroidir un L.I.O.N. Sinon à l'exciter. Ging, qui avait enfin réussi à mettre la main -ou plutôt le doigt- sur ce qu'il courait depuis une bonne minute, retira son auriculaire de sa narine. Ce fut à peu près quand il envoya sa crotte de nez se perdre dans les airs qu'il remarqua le bonhomme testostéroné à l'air menaçant. Son rire gras n'eut pas le temps de sortir, qu'il vit que Brih avait lui-même fait un pas en avant ; peut être même sans s'en apercevoir. On n'était pas forcément les meilleurs quand s'agissait de remarquer des détails ou même qu'il nous manquait un bras. En revanche. Pour foutre sur la gueule à des mecs à bérets, on trouvait difficilement mieux.


        ▬ BWAHAHA. ET BAH ALORS JE TE LE LAISSE MON PTIT BRIH ! FAUT ENCORE QUE J'AILLE NOUS DEGOTER UN NAVIRE !
        Ging s'avança un peu plus dans le long corridor, et juste avant qu'il ne s’éclipse dans les ténèbres ; sa voix resurgit.
        ▬ TACHE DE PAS ETRE A LA BOURRE !


        Ging était heureux. Peu avant que Blizzard n'intervienne, il avait flairé une odeur particulière. Il ne pouvait dire précisément ce que c'était, mais tout son être avait frissonné à cette senteur. Tout ce qu'il savait, c'est que c'était vivant. Et que ça se rapprochait. Pour le reste, il était dans le brouillard. Au début il avait cru sentir sa propre odeur, puis en y reniflant à deux fois, il avait senti quelques arômes aux teintes différentes. Cette effluve l'avait tour à tour intrigué, titillé, effrayé, excité. Il était inaccoutumé que Ging s'intéresse à quelque chose d'aussi abstrait. Il était rare que Ging ne frissonne à ses simples pensées. Il n'était jamais arrivé que Ging s'inquiète à ce point. Son premier et seul réflexe fut de partir tout seul en quête de ce qui répandait ces exhalations. Sa priorité avait été de mettre Brih à l'écart. Il n'avait pas réfléchi plus loin en fait. Le poil hérissé et les pupilles dilatées, le lion avait tous ses sens en alerte. Il arrivait à peine à voir dans ce couloir où de rares raies de lumières perçaient à travers les interstices des coques de bateaux entassées au dessus de sa tête.

        S'estimant maintenant suffisamment loin, le capitaine s'arrêta. Son ouïe féline capta un bruit sourd provenant de loin derrière lui. Sans qu'il n'y soit pour rien, son cerveau lui avait imprimé l'image de Brih arrachant à pleines dents les bras robotiques de Blizzard sur la rétine. Il en rit de bon cœur.

        Ging était heureux.

        ▬ On me l'avait bien dit, mais je ne voulais y croire. Je ne pouvais y croire. Pourtant le mec à qui j'ai demandé le renseignement aurait été stupide de me mentir, mais quand même... Ça me paraissait dur à avaler. Pourtant quand je suis arrivé sur cette île, j'ai pas eu besoin d'humer l'air que j'ai su qu'il s'était pas foutu de ma gueule. J'en ai compté six. Non. Sept en fait. Sept qui sortaient vraiment du lot. Sept qui me donnaient les crocs.

        Ging ne parvenait à voir son interlocuteur. Tout ce qu'il distinguait était l’énorme silhouette ténébreuse qui s’avançait et les planches de bois qui se craquaient en deux sous chacun de ses pas.

        ▬ Et parmi ces sept-là, une encore se distinguait. Une putain d'odeur si forte que j'ai cru que je m'étais chié dessus.

        Encore un pas. La plainte du bois.

        ▬ Sauf que c'était pas des odeurs désagréables. Au contraire. Ca sent le neuf. Ce qui tombe bien parce que j'ai cassé tous mes anciens jouets. Tu vois, quand je suis heureux en fait, j'ai tendance à ne pas m'arrêter. J'espère juste que toi tu dureras un peu plus longtemps...

        Plus qu'un pas et Cengel serait dans le faible rayon de lumière qui éclairait à mètre de Ging.

        ▬ ...Même s'il me restera encore six jouets après.

        Ging vit alors Cengel pour la première fois. Et pour la première fois il n'eut pas à baisser les yeux pour le faire. Un nombre étonnants d'éléments étaient venus à l'esprit du capitaine en une fraction de seconde à peine. Grand. Crinière rouge sang. Un regard mauvais. Des mouvements félins. Très grand. Lui même avait-il toujours été aussi gigantesque ? C'est vrai que comparé à Brih, il en imposait. Brih...

        Ging se retourna. Il fixa quelques instants le tunnel se perdant dans l'obscurité. Puis il arrêta de penser.

        ▬ BWAHAHAHA ! FAUDRAIT VOIR A PAS AVOIR LES YEUX PLUS GROS QUE LE VENTRE MON MINOU ! T'ES LOIN D'ETRE A LA HAUTEUR POUR ALLER TE FROTTER A L'UN DES MEMBRES DE CET ÉQUIPAGE. C'EST QU'ILS RIGOLENT PAS CES GARS ! BWAHAHAHA !

        Ging était heureux.

        ▬ CE QU'ON VA FAIRE, C'EST QUE JE VAIS TE DÉROUILLER EN VITESSE ; ET ENSUITE J'IRAIS CHERCHER UN BATEAU.

        Cengel avait la gueule de celui qui se demande depuis combien de temps on ne lui avait pas parlé de la sorte. Le dernier à avoir osé, un clodo bien trop fictif pour importer comme aurait dit Munster -a moins que ce ne soit Fonduslip-, n'avait pas eu le temps de regretter. Cela sembla lui plaire. Ou alors peut être montrait-il juste sa rangée de crocs, qu'on n'avait besoin de toucher pour savoir aiguisés, au pirate. Tandis qu'il bandait tous ses muscles, en créant des nouveaux pour l'occasion, ses narines frétillèrent de toute évidence malgré lui.

        ▬ On dirait qu'une odeur se ra....

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        « CAPITAINE, LES GARS ! J'AI TROUVE UN BATEAU, IL S'APPELLE...
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        Ging était heur...

        [BAM]

        L'uppercut de Cengel frappa Ging en plein menton sans qu'il n'ait rien eu le temps de voir. En revanche il eut une vue imprenable sur ses pieds quittant terre. Les couches de bois décrépit ne l'aidèrent pas vraiment sur ce coup. Son énorme carcasse les traversa comme du papier et il s'éleva à une bonne dizaine de mètres dans les airs ; dézoomant sur Cengel, son énorme poing, et son grand sourire. Celui-ci n'avait cessé de fixer Ging avec arrogance, comme pour l'inviter à se sortir les doigts du cul ; ce qu'il devrait tôt ou tard bien faire. Et mieux valait que ce soit au plus tôt. C'est pourquoi le Lion se reprit dans les airs, vrillant pour se stabiliser et bien déterminé à retomber les deux pieds droit dans la gueule de Cengel. Mais déjà l'éclair roux de sa chevelure avait fendu les airs et c'était cette fois son pied qui percutait la tempe de Ging. Le coup fut d'une telle violence que le corps du capitaine vola trop rapidement pour qu'il puisse apercevoir le galion ramené par Robb.

        Quand l'imposante carcasse du pirate percuta le sol brûlant, elle ne s'arrêta pas ni ne prit feu. Elle s'y enfonça légèrement et continua à glisser sur vingt mètres ; modelant la terre en un sillage fumant. Le capitaine avait été éconduit dans la partie du cimetière en proie aux flammes, la partie où l'anarchie avait laissé place au désespoir. Les habitants abandonnaient leur maison et tout ce qu'elle contenait au brasier. Ils hurlaient. De rage. De peur. Comme une plainte à la vie. Ou une prémisse à la mort. Puisque même elle semblait préférable à cet enfer. Pourtant, Ging n'entendait rien. Un bruit sourd emplissait ses oreilles depuis quelques secondes à peine, mais c'étaient de très désagréables secondes. Puis ses oreilles se débouchèrent sans prévenir et il entendit une chose. Et une seule. Les pleurs de gosses.


        Il se releva.


        Les rayons de soleil couchant finissaient de napper la ville d'une teinte écarlate. Les reflets des flammes dansantes étaient présents partout. Cramoisis dans la pupille des gens se battant encore pour survivre, et brûlants dans l'esprit de ceux qui ne connaîtraient que de meilleurs jours. Il n'y avait pas seulement ce brasier ardent qui vous rôtissait la chaire, mais l'air essentiellement composé de vapeurs toxiques de carbone vous empourprait les poumons, retournait la tête et vous conduisait doucement vers la mort. Une mort ô combien souhaitable lorsque le brasier vous guettait. Lui, n'était pas doux. Pas plus qu'il n'était clément. Il réveillait chez vous une peur primaire et suscitait vos plus bas instincts. Il n'y avait jamais eu pareil destructeur que le feu. Et pourtant au milieu du balais dansant des flammes, au centre des déflagrations pourpres, et entouré d'étincelles ardentes ; il y avait un homme qui ne se soumettait à son emprise. L'incendie grondait tout autour, mais ça ne l'inquiétait pas. De timides flammèches avaient commencé à lécher son pantalon en loque mais il n'en avait cure. Mais il n'était pas un homme normal. Ses yeux brillaient plus qu'un incendie dans la nuit, et son corps était bien plus ardent encore. Les flammes les plus sauvages n'étaient qu'une caresse pour lui. Le soleil, un pâle rival. Il n'avait jamais connu d'égal et n'en connaîtrait jamais. Puisque cet homme n'en était pas un, mais un L.I.ON. Et quand certains l'oubliaient...




        Il suffisait de le rappeler.


        Ging se mit à avancer. Il était calme. Voire content. Il marchait avec la sérénité d'un empereur et sans détours. Les gens s'écartaient devant. Les flammes, elles, se couchaient. Il savait que Cengel l'attendait droit devant, juste après cette maison dévorée par le feu. Elle flamboyait avec une rage ineffable comme si l'objectif de ce brasier n'avait été depuis le début que de supprimer cette demeure. Les poutres menaçaient de s'effondrer d'une seconde à l'autre. Mais c'était de là que le capitaine avait entendu les gosses pleurer. Et puis de toute façon, elle était sur le chemin.

        Le pied de Ging se posa sur la première marche qui menait à l'entrée. On put alors entendre la chaire rôtir ou voir de la fumée s'élevait du pied du colosse. Il ne bougea d'un iota ni ne leva un sourcil. Mâchoire serrée, le regard droit devant ; il fit un autre pas sur le sol incandescent. Et au troisième pas, il arriva à la porte. L'avait-il seulement remarqué ? Il en fit un quatrième. Son pied s’aplatit à peu près au milieu de la porte et se contenta de pousser. Elle vola en éclats. Alors, il entra.


        Cengel patientait, bras croisés, sa chevelure rubis ballotait par le vent. Il était à peu près à l'orée de l'incendie, là où les flammes étaient arrivées. Il attendait confiant et un vilain rictus sur ses lèvres. Il savait en ayant distribué ce vilain coup-de-pied que Ging avait survécu. Il savait qu'il était le premier à l'avoir fait. Il savait que son nouveau jouet le mettait dans un état d'excitation rare. Et même s'il savait que Ging viendrait de lui-même le retrouver, ses ongles labouraient ses cotes avec entrain. Il fixait la maison en train d'être déchiquetée par les flammes d'un regard vide, perdu qu'il était dans ses pensées. Pourtant, quand il vit se dessiner une silhouette sur le mur arrière de la battisse, il eut la chair de poule. Il ne comprit lui même pas bien comment la silhouette avait pu apparaître depuis l'intérieur. Peut être étaient-ce les flammes qui avaient carbonisé les contours. Peut être était-ce que son corps brûlant laissait plus de marques encore que les flammes. Il ne se posa la question qu'un bref instant. Juste avant que le bois se détachent aux contours de la silhouette. Juste avant que Ging réapparaisse. Son sourcil gauche était lentement happé par un mini brasier. Son corps dégageait une colonne de fumée grise et dense. Sa chaire était une représentation de tous les différents temps de cuisson. Et ses imposants bras recouvraient presque totalement le jeune garçon et la jeune fille.

        Personne ne sait vraiment ce que Ging fit dans cette maison. Lui-même plaisante sur le sujet. Les plus sceptiques diront que cette histoire a été inventée de toute pièces. Mais les jumeaux sont unanimes. Le seul moment où le capitaine remua un muscle autre que ceux qui lui servaient à marcher, ce fut simplement pour les prendre dans ses bras.

        Rares sont les personnes à avoir cru aux paroles des jumeaux.

        En plus des jumeaux, y en a six qui y croient dur comme fer.

        Au départ on en comptait sept, mais il semblerait qu'après un violent coup à la tête, Cengel ait tout oublié de cette histoire.

        Ha non. Il y a quelque chose dont il se souvient. Mais c'est étrange, et bizarre à dire.

        Le seule chose dont se détache la nébuleuse et seule journée de l'existence de Cengel dont il n'arrive à se rappeler est insignifiante. C'est un son si vous voulez tout savoir.

        En ce jour qui avait si bien commencé, Cengel Gilgamesh entendit un "BAM".

        Et après, c'est le trou noir.


          Si le monde est un terme pouvant paraître beaucoup trop global, il n'en demeure pas pour autant de faible importance. Il est plus ou moins, finalement, le seul liant de chacun d'entre nous, le régisseur suprême, ou un simple mot bien utile qu'on a inventé pour l'occasion. Sa définition n'est dans l'idée qu'une sorte de vérité générale qui a été conçue de manière à contenter l'ensemble du peuple, mais l'absolu en veut autrement. Car en effet, si nous faisons tous partie intégrante d'un monde générique rassemblant n'importe quelle entité, vivante ou non, de la planète, chaque individu possède également son monde propre. Notamment Magnus Morrison. En effet, le petit bougre -qui mesurait quelques trois mètres cinquante et pouvait déjà se vanter d'avoir vécu une bonne cinquantaine d'années- possédait un véritable univers à l'intérieur de lui, et pas des moindres, s'il vous plaît. Dans sa tête se mélangeait chants et poèmes, feu et flamme (et nous reviendrons plus tard sur ce point précis), arc-en-ciel et nuages noirs, dépressions et saucissons, et beaucoup de choses diverses encore. Et cet ensemble très approximatif ne reposait à terme que sur quelques rares faits avérés, sur d'anecdotiques morceaux de vie du personnage, voire même sur certaines choses qui lui étaient extérieures. Et si jamais le moindre de ces bouts de monde, si un seul de ces quelques piliers, s'effondrait, alors il était fort probable que le monde de Magnus chuterait avec lui, amenant son propriétaire dans une longue descente aux enfers. Or toute sa vie, le grand dadet s'était appliqué à rester parfaitement simplet. Très simplet. Aussi, et rapidement après l'avoir capturée, son monde commença à ne presque plus reposer que sur la jeune demoiselle de vert vêtue qui ornait ses bras. Une certain Rhyne Ovalie ma foi. Qui n'avait, elle, nullement l'envie de rester le pilier principal de l'abruti qui la tenait.

          "LACHE-MOI !"
          "MA DOUCE !"
          "LACHE-MOI !"
          "MA DULCINÉE !"
          "LACHE-MOI !"
          "MA DÉLICATE !"
          "LACHE-MOI"
          "MA BI..."
          "Nan, faut pas pousser quand même."
          "... OUTIFOUL ?"
          "Ouais, ça peut aller. En conséquence : LACHE-MOI !"


          D'aucuns auraient lâché, voire jeté la jeune demoiselle au gré du vent depuis lurette, mais Magnus n'était pas ce genre d'homme. Une troupe de quelques gonzes lui avaient appris à ne jamais abandonner son rêve, son vrai, et ce quelques nombreuses années plus tôt. Magnus Morrison n'était pas réputé pour son histoire, son talent (bien qu'il en était persuadé) ou ses diverses frasques. Non, s'il était connu, c'était uniquement pour avoir immortalisé une légende. C'était 44 ans plus tôt déjà qu'il avait écrit cette chanson en référence et honneur à ce jour si particulier, à ce combat que le monde n'oublierait jamais grâce à lui. Sa seule et unique chanson à succès, celle pour laquelle il avait presque offert son âme. Courant à travers le cimetière d'épave, sa princesse dans les bras, jusqu'aux côtés délabrées, territoire le plus branlant de l'île déchet, Magnus ne cessa d'y penser. La belle n'était jusqu'alors absolument pas séduite par les mots doux et la sincérité des sentiments du grand homme. Mais il n'y avait aucun doute qu'elle tomberait sous le charme du plus épique morceau de musique que le monde eut la possibilité de voir. Ainsi, le chanteur quinquagénaire s'arrêta, alors que la moitié de son corps était déjà enfouie dans l'eau. Il déposa Rhyne sur l'une des ruines de bois flottante, rajusta le chien qui ornait son crâne et extirpa de son dos une guitare flamboyante. Alors il ferma les yeux et amorça un premier accord.

          "Lune de mes jours, vous ne semblez point être à la merci de mon charme. Mais laissez-moi conter pour vous une légende d'un autre temps."
          "Euh, cette planche flottante étant un poil à la déri..."
          "J'étais encore un enfant, simple commis de cuisine sur Flab Island, le jour où ces deux hommes apparurent devant moi. A tout jamais, la moustache grisonnante de l'un et les bottes soniques de l'autre resteront dans ma mémoire."
          "... non vraiment, venez me cherchez, je commence vraiment à m'éloign..."
          "Écoutez le chant de la bataille de ces deux hommes..."
          "HEY ! RAMENEZ-VOUS BORD..."
          "Through the Fire and Flammes !"


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          Si à vous, lecteurs, la réflexion suivante risque de paraître ingénue, sachez qu'aux yeux d'un psychopathe au sens de l'humour marginal, la chose devient particulièrement dérangeante. Un bateau branlant, c'est très marrant. Ainsi, lorsque Biach Clever (à ne pas confondre avec trimaran) aperçu l'imposant édifice composé de briques et de braques sur lequel (si jamais la confusion est volontaire, alors vous avez un humour douteux) surfait un certain Robb Lochon (lui est juste douteux, n'essayez pas de nous embrouiller), il eut la lourde envie de s'amuser avec. Blagueur jusque dans l'éternel, le vilain clown parti à la poursuite de la structure chancelante qui servirait bientôt de bateau afin de réduire le tas de débris flottant à quelque chose d'assez similaire, sans l'attribut permettant de tenir décemment sur les mers. Après tout, détruire des trucs, c'est une distraction comme une autre.

          Aussi, quelle ne fut pas la déception du vicieux lorsqu'il perdit de vue le dit édifice qui courait bien plus aisément sur les épaves jonchant le cimetière que lui. Car en effet, Biach, s'il était un sacré larron, ne présentait pas l'agilité et la vitesse comme principales qualités. Aussi, perdre le futur objet de son bonheur, ça le turlupinait un p'tit peu comme histoire. Le clown apercevait parfaitement le sillon qu'avait laissé l'étrange bateau jusque là, mais ce dernier s'estompait peu à peu à force de s'enfoncer dans les  côtes délabrées, jusqu'à entièrement disparaître. Courant, bondissant de planches en planches aussi bien qu'il en était capable, le mauvais farceur vaquait dans cette plage de débris sans fin à la recherche de ce qu'il considérait déjà comme son bien, mais rien n'y fit. Où qu'il soit allé, le rafiot avait disparu du champ de vision de Biach. Et définitivement. Mais au moment précis où le marginal pensa à abandonner, il l'entendit. Robb Lochon. Hurler la gloire du Cheese Tray. Hurler la gloire des LION's.

          Alors le clown repartit de plus belle. Dans les côtes délabrées, alors que le feu démarré au bar MORUE commençait à se répandre même ici, dans la zone la plus reculée et inondée du cimetière d'épaves. Jusqu'à les trouver. Rockfor Egry et Magnus Morrison se faisant face. Rhyne Ovalie se débattant tant bien que mal face à une très courte armée de mini-chanteurs ectomorphes. Il tendit l'oreille et perçu l'homme en blanc louer les mérites du Cheese Tray avant de se vanter du fait que rien ni personne, et sûrement pas Magnus Morrison, ne l'empêcherait de prendre le gouvernail du navire et d'emmener son capitaine au gré des flots. Pour Biach, il n'en fallait pas plus. Dégainant sa rage incarnée dans un vieux revolver, il la pointa vers l'homme en blanc. Le clown ne pouvait profiter de ce bateau ? Personne n'en profiterait. Clairement pas un stupide briseur de calembours comme le costumé en tout cas. Fermant un œil, il attendit canon levé que l'homme s'arrête de bouger. Et quand ce fut le cas... Il tira.

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          Je ne savais pas qui était l'andouille qui avait piqué Rhyne au nez à la barbe de tous, mais en tant que son roi d'la garce, j'pouvais pas décemment le laisser filer comme ça. Ca la foutrait mal si l'seul et unique sujet que j'possédais aille voir ailleurs. Puis bon, c'est pas que j'suis un poil égoïste, mais quand même : j'aime pas qu'on m'pique des trucs. A partir de là...

          "HALTE-LA, Malheureux."
          "DES BARRES !"

          Je pris un impulsion sur un ancien mat qui traînait là et bondissait droit au dessus de la ligne d'une dizaine de bonhommes grands et maigrelets voulant m'arrêter qui m'rappelaient doucement le quidam qui avait emprunté ma partenaire. Tournant la tête en plein saut pour les regarder de plus près (et constater par la même qu'ils étaient purement et simplement les sosies miniatures du chanteur), je ne pris pas vraiment la peine d'observer où je me réceptionnai. Mal m'en a prit : il s'avérait que c'était une vieille planche pourrave qui flottait indépendamment sur la plus grosse flaque d'eau qu'il m'avait été donné de croiser dans la journée. La planche s'enfonçant assez logiquement sous mon poids, je trébuchai en avant pour finalement bondir sur un amas de planches plus stable afin de limiter la quantité d'eau imbibant mes frusques. L'atterrissage sur le dit amas pouvait être qualifié dans le milieu professionnel de « plutôt-pas-mal-vu-les-circonstances », mais manque de bol, celui-ci se trouvait en plein centre d'un cercle récemment formé par les sosies du grand chnoque.

          "... Hm. Vous disiez ?"

          La vingtaine de bonhommes qui composait l'groupe semblaient tout droit sortis d'une séance de clonage de masse. La seule différence entre chacun d'entre eux était la taille : si en effet le type qui avait enlevé Rhyne mesurait autour de trois bons mètres cinquante, le plus grand de ce lot là faisait bien un mètre de moins, quand au plus petit, il dépassait difficilement la taille de Brih. La force du gag ayant poussé la vingtaine d'abrutis à se disposer de manière croissante autour de moi, c'est poussé par le fou rire que je commençai à tourner sur moi-même afin de profiter d'un véritable praxinoscope en taille réelle. Si j'me suis marré un bon coup, j'me suis rapidement senti très con, et en conséquence, je reprenais une posture plus ou moins droite (bien qu'instable, saloperie de force centrifuge). Le plus petit d'entre eux fit un pas en avant.

          "Pourquoi course-tu Papa, étranger ?"
          "Papa ?"
          "Oui. Tous ici sommes les enfants de Magnus Morrison. Je suis l'aîné, Dalton."
          "J'suppose que votre Magnus est le type qui a enlevé ma pote?"
          "Tu supposes bien, étranger."
          "Il avait vraiment rien d'autre à faire pour trouver le temps de faire autant de gosses ?"
          "Disons qu'il a eu un certain nombre de groupies dans sa vie."
          "J'en conclus que c'est ça qu'on appelle la production à la chaîne."


          Le dit Dalton frappa du pied avant de dégainer, simultanément à tous ses demi-frères, des guitares au manche un peu trop aiguisé.

          "Désormais prépare-toi, étranger. Si tu veux attendre notre père, il va d'abord falloir nous passer sur le corps, à nous..."



          "LES MORRI-SON'S !"

          "Elles ont quand même l'air vachement pas pratiques vos armes."

          Dalton fut le premier à se ruer en ma direction. Étreignant sa guitare de ses mains, il envoya le manche tranchant de cette dernière au niveau de mon ventre. Sautant pour éviter le coup, je reposai le pied gauche directement sur sa lame avant d'envoyer valdinguer le droit en direction de sa figure. Bondissant directement avant qu'il ne chute, attrapant une bouteille brisée à l'arrière de ma veste, je virevoltait droit vers l'ennemi qui regardait mon dos et me retournait acrobatiquement dans les airs pour finalement atterrir sur ses épaules et placer la bouteille juste au dessous de son cou. Esquissant un sourire amusé.

          "M'embêtez pas trop fidèles laquais, sinon c'est votre frangin qui y passe. Donc au risque de vous déce..."

          Une lame de guitare vint transpercer droit le flanc du bonhomme sur lequel je me tenais pour ressortir au niveau des épaules et manqua de me toucher violemment au niveau de la cheville gauche, le réflexe de sauter en l'air à nouveau ayant probablement sauvé ma capacité à me mouvoir. A la différence, le dit réflexe ne sauva pas ma joue de la torgnole que me décocha Dalton, alors que je restais dans l'étonnement du sacrifice de l'un des frangins, revenu à la charge et propulsé par l'un de ses frères en ma direction. Encaissant le coup tant bien que mal, je chutai droit vers le sol et heurtai de plein fouet ce qui semblait être une figure de proue au niveau du ventre. Lacéré par la douleur, je me retournai vers Dalton qui s'approchait à nouveau de moi en crachant sur son poing, le regard victorieux.

          "Vrai que nos armes ne sont pas fantastiques finalement."

          Et alors que Dalton s'apprêtait à me cogner à nouveau afin de me laisser définitivement au sol...

          Un bateau passa.

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          Rhyne Ovalie, joue écrasée contre la paume de sa main, l'air boudeur, dérivait vers un endroit stable des côtés délabrées. Elle avait entendu hurler Robb quelques minutes plus tôt tandis que Magnus chantait tant bien que mal depuis un certain temps déjà. Si elle était contente de pouvoir ENFIN se déplacer en bateau les prochaines fois, sa dérive bien trop longue vers une zone non-branlante -et non fumante, le feu commençant à se répandre un peu trop vite à son goût- lui imposait une lassitude proche de... bah de celle qu'elle ressentait assez souvent lorsque les membres de son groupe se disputaient pour une raison qui lui était généralement inconnue. Elle participait à la dispute, hein. Mais elle savait pas pourquoi. Et elle supposait (assez justement) qu'il en était de même pour ses compatriotes. Aussi, présentement, elle se laissait porter.

          "Bah alors ? J'vois qu'on s'ennuie. Tu m'attendais ?"
          "Non. Mais maintenant que t'es là, si t'avais quelque chose à faire..."
          "Ce type t'ennuie à ce point ? Il devrait bien jouer de la guitare pourtant. C'est une star à c'qu'on dit."
          "Tu parles. Sa guitare est remplie d'eau d'puis un quart d'heure et il a pas l'air de s'en rendre compte. C'est qui qu'a dit que c'était une star, rappelle-moi ?"
          "Ses gosses. Ils ont dans l'idée d'me tuer d'ailleurs. Robb m'a plus ou moins sauvé la vie avec son con de bateau. Il a l'air cool d'ailleurs."
          "Et t'en as fais quoi de ses gosses ?"
          "Ils me suivent pour ce qu'il en reste. A c'propos, ils arrivent. Donc si tu pouvais t'en occuper..."
          "Va ch..."
          "ILS SONT LA ! ATTAQUEZ LA FAIBLE D'ABORD !"
          "FAIBLE ?!"

          La demoiselle jeta un regard noir à son roi. Comme tous les jours depuis leur rencontre, il était là, le moment précis où elle avait envie de le tuer mais qu'elle ne pouvait pas. Et si elle ne pouvait pas, c'est parce qu'à la tête d'une troupe de seulement quatre gonzes, Dalton Morrison lançait l'assaut droit en sa direction. Retenant son envie sifflante d'étriper sur place le roi blanc, qui entre-temps était monté sur une planche de bois qui traînait là afin de rejoindre Magnus, Rhyne dégaîna les deux lames qu'elle aimait tant manier. Et comme à son aise, elle commença à danser. A travers les flammes qui se répandaient, virevoltant entre les lames et les poings qui la harcelait, la jeunette libérait tout son talent de combattante, oubliant presque d'écouter Rockfor et Magnus qui se disputaient sur l'appartenance de la demoiselle à l'un ou à l'autre. Alors qu'elle mettait un premier adversaire hors d'état de nuire, elle aperçut le roi blanc commencer à se battre avec le chanteur qui, même en ayant tout le bas du corps trempant dans l'eau, demeurait de la même taille que son adversaire. En quelques minutes supplémentaires, elle étala un second frère et constatait la domination écrasante de son compagnon sur le chanteur. Un sourire lui passa sur les lèvres. Il n'était pas prêt à mourir de la main d'un autre. C'était clair et net. Et alors qu'elle étalait d'un seul ample mouvement ses deux derniers adversaires, elle eut l'étrange sensation d'oublier quelque chose. Et ce quelque chose, en l'occurence, c'était Dalton. Le petit fourbe s'était enfuit et se dirigeait droit vers le dos du roi blanc qui, immobile, s'amusait à se moquer de Magnus, plus ou moins amoché à ses pieds.

          Alors Rhyne bondit droit en direction de son roi, persiflant contre ses propres pensées : finalement, fallait toujours le protéger celui-là. Sautant de planche maigrelette à mat brisé, passant par une barrière encore enflammée, la demoiselle vêtue de vert traversait la courte distance aqueuse la séparant de l'ennemi de sa propre cible. Et alors que Dalton, arrivant droit sur le flanc de Rockfor, s'apprêtait à asséner un coup duquel ne pouvait se relever le costumé, Rhyne vint, tel un éclair, dépecer, sous les yeux surpris de son roi et ceux amplis de douleur de Magnus, l'aîné des enfants Morrison. Le corps sans vie de Dalton chuta dans l'eau, tandis que la demoiselle, dans son élan, continue sa folle course jusque à se stopper juste devant son compagnon blanc. Elle lui lança un regard furieux.

          "Toi. Je devrais pas protéger tes arrières comme ça. T'avises pas de te faire tuer avant que je ne le fasse. Sinon je vais..."

          La demoiselle sentit alors une vive douleur alors qu'elle vit le visage effaré de Rockfor. Elle baissa les yeux et posa la main sur son ventre qu'elle constata sanglant. Elle releva une dernière fois le regard vers son compagnon de toujours et constata en lui fureur et détresse alors qu'il fixait au loin celui qu'elle ne sut jamais être Biach Clever, revolver fumant en main.

          Alors Ovalie Rhyne s'effondra. Emportant avec elle l'un des grands piliers qui tenaient le monde de son roi.

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          On dit de l'homme qu'il a gagné de nombreux échelons dans la chaîne alimentaire, allant jusqu'à supplanter certaines bestioles pourvues de plusieurs rangées de dents, le jour où il a appris à dompter le feu. C'est faux, bien sûr. Les ordres comme "assis", "couché" ou encore "pas bouger", même administrés avec beaucoup de résolution n'ont, pour ainsi dire, aucun impact sur sa progression. Et si son manque d'obéissance en fait un bien piètre serviteur, beaucoup se sont rendus compte à leurs dépens qu'il n'était pas plus fiable en tant qu'allié, faute d'être ouvert aux négociations, notamment sur ses tendances à tout avaler sans discernement. Si certains individus se sont parfois heurtés à la déception de constater que "dompter" ne faisait pas parti du vocabulaire animant la relation homme-feu, on aura pu leur faire remarquer qu'en guise de lot de consolation, une pléthore d'autres verbes comme "craindre", "fuir", "subir" ou encore "fondre" faisaient bien mieux l'affaire. C'est pourquoi le feu est un instrument fédérateur redoutable : Il met tout le monde d'accord, notamment sur la nécessité de lui échapper.

          Face à un brasier, la différence entre forts et faible ne se réduit plus qu'à un temps de cuisson légèrement différent.

          Ou, dans le cas de Munster, à un tas de cendre un peu plus gros que d'ordinaire à l'arrivée.


          Cette relation fantasmée de maître à instrument vis-à-vis du feu que certains zigotos présomptueux s'étaient imaginés, Flamme-Illustre-de-Sagesse-Ancestrale la vivait à l'envers. C'était, disait-il, plus humble, et donc plus sûr (car à péter plus haut que son cul quand on joue avec le feu, on risque de s'enflammer le derrière). Le bonhomme ne combattait pas à l'aide du feu mais en son nom, et le tout animé d'un zèle que beaucoup jugeraient excessif pour un simple intérim' ne devant son titre éphémère de Grand Maître du Brasier des Âmes Exaltées de la Foi Ardente qu'à la faveur d'un congé paternité. Captain Flamme n'avait pas attendu cette promotion express pour donner tout sa mesure à son sens, justement, de la démesure. A l'époque ou on ne l'appelait que par le plus modeste sobriquet de Grégaques, il se servait déjà du terme "pondéré" comme d'une insulte relative à l'appartenance à la famille des gallinacés et tenait la sobriété pour une variante d'omelette forestière aux câpres. Enfin, si quelque part au cours de son existence il s'était un jour servit du terme "circonspect", il y avait fort à parier que ce n'était que pour les besoins d'une charade un rien puérile. Bref, le bonhomme était tout en excès, jusque dans la trajectoire incongru du vol plané résultant de la collision de sa machoire avec ... disons ... un bougeoir plaqué or et tenu pour l'heure par un pirate plaqué gras.


          Munster savait par expérience que les bonhommes gratinés comme l'était Flamme-Illustre ne disparaissaient pas du paysage d'un simple coup dans la tronche. Lorsque l'histoire bazardait de tels spécimens sur le chemin du héros, ce n'était pas pour les en déloger dans les cinq secondes suivante. Trop fier pour se féliciter de ce coup en traître et surtout trop lucide pour espérer une victoire si précocement, Munster s'était contenté d'entamer la lecture du papelard récupéré au vol que son excentrique adversaire avait lâché quelque part au milieu de la courbe aérienne qui s'était soldé par un atterrissage en catastrophe dans une pile de caisses qui, après quelques secondes d’oscillations précaires, s'était finalement fait rattraper par la gravité pour s'affaler lourdement sur le Captain Flamme dans la plus pure tradition mikado-comique à laquelle il ne manquait plus qu'une onomatopée de circonstance. A la vue de sa trombine calée sur l'avis de recherche entre celles de ce maniaque de l'auto-propulsion-diagonale "Monsieur 30°" Brih Demau et de l'auto-proclamé "Papounêt D'amour" Robb Lochon (que Munster soupçonnait d'avoir sciemment développé un tel lot de pulsions paternelles outrancières  afin de contourner astucieusement une pédophilie latente), notre bonhomme lâcha un juron dans sa barbe ; Suivit d'un second nettement plus audible et original en constatant que le Canard qu'il avait jusque là mit tant d'énergie à ignorer, nonobstant ses interventions aussi sporadiques qu'incompréhensibles, se retrouvait aguiché de la plus grosse prime du lot, secondé par cet aimant à tuiles qu'était Rockfor, toisant Munster depuis son support papier en affichant cet habituel sourire goguenard auquel la 2D n'avait rien retiré de son caractère irritant. Comme, de juste, cette grosse barrique hirsute de Ging s'était vue attribuer le titre de capitaine ; sa tendance à laisser dans son sillage force d'hématomes sur les gens et de trous aux contours Ging-Bam-Dongesque dans les murs associé à son inébranlable confiance ainsi qu'à son énergie aussi insondable que communicative en faisait un candidat tout trouvé pour le poste de capitanat.  


          Comme l'avait soupçonné Munster, le vieux moine illuminé que lui avait servi l'histoire en guise d'adversaire était un dur à cuir - une caractéristique au demeurant fort utile quand on passe ses journées à allumer des incendies. On ne se débarrassait pas aussi facilement de Flamme-Illustre-de-Sagesse : Il fallait le mériter. Et question mérite, l'histoire ne semblait pas se satisfaire du coup en traître que Munster avait administré tantôt au moine. Ce fut donc sans grande surprise que notre bonhomme vit un Flamme-Illustre émerger des décombres dans lesquels le coups de bougeoir l'avait propulsé, sans dommage apparent, sinon deux, trois échardes plantées sur le crane à titre purement comique. Sitôt extirpé des carcasses de caisses, le vieux moine entama l'une de ces chorégraphies dont les arts martiaux ont le secret et dont on se demande toujours à quoi elles peuvent bien servir, puis se figea finalement après quelques secondes de tortillements proprement ridicule dans une position aussi acrobatique qu'inconfortable sous l'oeil incrédule de Munster.

          "Tu sais, bonhomme, quand je t'ai dit "ça me parait plié" c'était pas un ordre. Et si c'en était un, c'était pas à prendre au sens propre."

          Sans bouger d'un iota de sa pose surréaliste, le Captain Flamme lui répondit d'un tonitruant éclat de rire.

          "CRÂHÂHÂHÂHÂÂÂÂME !! Un païen-aquaphile-à-l'âme-souillée-comme-le-sous-vêtement-d'un-jour-de-lessive-tardif ne peut espérer comprendre le sens du Saint Pas de Danse du Lotus Ardent qui s'Éveille !"
          "Le saint pas de danse du lotus ? Moi j'appelle ça la chorégraphie du pisseur qui se retient."


          La mine outrée qu'afficha alors Flamme-Illustre indiqua a Munster qu'il avait tapé dans le mille. Il n'aimait rien tant que de rabattre leur clapets aux clowns gonflés d'orgueil. Et Flamme-Illustre-de-Sagesse-Ancestrale, comme l'indiquait son sobriquet à rallonge appartenait sans l'ombre d'un doute à cette catégorie. Si Munster adorait clouer le bec à ses interlocuteurs, il n'appréciait en revanche que très modérément qu'on lui cloue le sien d'un grand coup de pied sauté dans la mâchoire. Pas plus d'ailleurs qu'il n'aimait se faire administrer une douzaine de claque en trois fois moins de secondes. Et s'il n'était pas particulièrement enclin à se faire savater l'entrejambe par un genou osseux, il l'était encore moins à l'idée de se faire envoyer valser dans le décors d'un grand coup de paume dans le buffet. Mais ce qu'il détestait par dessus tout, c'était qu'on lui saute à pieds joints sur le visage alors qu'il essayait de se relever.

          D'une manière ou d'une autre, Flamme-Illustre avait du le deviner.
          Puisqu'en l'espace d'une demi-douzaine de secondes, il s'était montré coupable de tous ces chefs d'accusations.

          Dans l'ordre.

          Munster réalisa alors quelque chose. Vues d'aussi près, les sandales qui lui avaient écrasé le visage n'avaient plus l'air si fictives que ça. La douleur distillée un peu partout dans son corps semblait, elle aussi, bien réelle.
          *Gnap*
          Le cris de douleur de Flamme-Illustre n'avait pas l'air fictif. Pas plus d'ailleurs que le gout savonneux de son pied.

          Flamme-Illustre-de-Sagesse-Ancestrale pouvait se vanter de manier bon nombre de techniques ancestrales dont il avait fait démonstration à l'instant mais avait, en retour, fait les frais de la plus ancestrales des techniques de l'histoire martiale : la morsure. Au termes de longues séances de contorsions, le vieux moine parvint enfin à se libérer de l'emprise buccale de son adversaire à bure. Son pied mastiqué ne l'empêcha vraisemblablement pas de se réceptionner parfaitement d'une pirouette arrière destinée à mettre une certaine distance entre lui et le pirate qui s'était également relevé, non sans peine. Les deux bonhommes profitèrent de cette interlude pour se jauger du regard, dans la plus pure tradition western. Munster, qui savait reconnaître depuis longtemps les inclinaisons parfois grotesques des codes narratifs se surpris à chercher du regard un virevoltant. Son exploration sommaire de la place ou se déroulait l'altercation permit à son instinct de préservation (aussi mal fichu soit-il) de rattraper son retard sur un détail, pourtant primordial, qu'il avait omit de prendre en compte jusque là.

          Le feu s'était répandu.

          La nuit était tombée sur le cimetière d'épave qui n'avait pourtant jamais été aussi éclairé. La propagation des flammes avait transformé la ville en un véritable brasier que Munster devinait plus que ne voyait au travers des flammes et volutes de fumée ceinturant la place sur laquelle il se trouvait et qui prenait à présent une allure lugubre d'arène. Munster le savait : si l'histoire plaçait son héros face à une perspective à priori inéluctable de mort violente, ce n'était que pour l'en sauver in extremis après coup. L'histoire ne tue pas son héros car, le cas échéant, elle cesse tout bonnement d'exister. En revanche, elle ne se prive pas de le mettre en danger car les situations de ce genre lui permettent de taper dans sa réserve d'effets pyrotechniques qui, sur format papier, ne coûtent pas bien cher - car l'avantage de l'histoire écrite sur, disons, son concurrent cathodique, c'est que son budget effets-spéciaux ne souffre pas de limite de production, sinon celles imposées par la profondeur de l'encrier. Si, comme le dit l'adage, c'est en forgeant que l'on devient forgeron, c'est en faisant face aux périls que l'on devient un héros.

          Au sens poétique du terme en tout cas.

          Car, et Munster le savait, en réalité, on ne devenait pas un héros. On en était un dès le départ, on on ne l'était pas. L'héroïsme n'était pas une question de volonté, de progression ou de courage. Elle n'était qu'affaire de nécessité et de codes narratifs, et n'acceptait donc aucune demi-mesure. Et le pire de tout, c'était que la condition de héros se passait de l'accord de l'individu auquel elle s'accolait. Munster, qui en était un lui même, n'avait jamais cherché ni à le devenir, ni à se comporter comme tel. Il l'était simplement parcequ'il évoluait au centre d'une histoire dont il n'avait jamais réussi à se débarrasser. Et puisque le bonhomme mettait tout en oeuvre pour ne jamais agir héroïquement, l'histoire s'occupait de rectifier le tir à coups de coudes narratifs plus ou moins subtils. Par exemple, en le plaçant au beau milieu d'un immense brasier face à un adversaire coriace et décidé à en découdre. Car dans ce genre de situation, la seule alternative qui reste consiste à suivre le fil de la narration se ponctuant inéluctablement sur un épilogue héroïque à souhait. Il existe bien sur d'autres options, comme par exemple d'aller se coucher dans un coin pour faire une sieste en attendant de finir incinéré. Mais la tradition narrative estime généralement que ça fait mauvais genre.


          Si l'ambiance tenait du barbecue, du point de vue de Munster, elle tirait en revanche nettement plus sur la charcuterie compte tenu du vague parfum de pâté dont on aurait pu taxer sa situation. Le juron que lâcha alors le prêcheur fut étouffé par un tintement émanant de la bure de son adversaire qui en extirpa un escargophone légèrement roussi. Munster détestait ces sales bestioles. Leur nature hybride de mollusque délicieux pour peu qu'on sache préparer une sauce à l'ail correcte et de moyen de communication portatif en faisaient de bons concurrents pour une illustration calée en préface de son encyclopédie de l'incohérence et intitulée : "ON NE JOUE PAS AVEC LA NOURRITURE !"


          "Pouce ! Lâcha Flamme-Illustre avec la plus grande conviction du monde. On avait beau allumer des incendies, cramer les infidèles et tabasser les païens, ça n'empêchait pas de faire "pouce" au milieu d'un combat pour répondre à un appel ou aller pisser un coup. C'est un coup de fil important."


          Munster, à qui l'idée même de combat à la loyale filait de l'urticaire, aurait sans doute profité de inattention momentanée de son adversaire pour l'attaquer en traître quelque part au dessus des genoux, si seulement il n'était pas trop occupé à tenter de se remémorer l'anatomie des escargophones à la recherche d'une quelconque particularité morphologique qui aurait pu justifier l'emplois d'une expression telle que "coup de fil". Après une douzaine de secondes d'intense aparté gastéropodique (une activité à laquelle il est, au passage rudement déconseillé de se consacrer lorsqu'on se tient au milieu d'un incendie), Munster fut rappelé à la dure (mais chaude, et donc fondante, et donc pas si dure que ça) non-réalité par une exclamation tirant sur l'orgasmique. Son regard se posa à nouveau sur un Flamme-Illustre visiblement enthousiasme.


          "Oui ! OUI ! RAMENEZ LE MOI ILLICO ! ... Quoi ? La grosse bidoche païenne ? Non, je m'en serais débarrassé avant que vous arriviez ... Oui, voila. J'en mettrais ma main au feuGnniiIII !"
          "En attendant, faudra que t'arrive à retirer la mienne de tes roubignoles, pauvre tocard !" Lança un Munster se tenant pourtant à une douzaine de mètres d'un Flamme-Illustre en proie à cette agonie proprement insoutenable et qu'il est fort difficile de s'imaginer à moins d'être pourvu du chromosome adéquat.


          Le malheureux moines pyromane plongea alors son regard vers son entrejambe auquel était solidement agrippé une main coupée de son corps d'origine mais belle et bien reliée au sien grâce à la magie du pouce opposable. Flamme-Illustre leva alors avec une infinie précaution son visage ayant prit un teint blanc-crème vers un Munster qui n'avait pas bougé d'un iota, sinon du bras droit qu'il avait levé devant lui, révélant un poignet délesté de sa main.

          Si les possesseurs du fruit de la fragmentation pouvaient souffrir du membre fantôme, alors Munster aurait surement sentit son majeur se dresser.

          "C'est quand même à pisser de rire, hein ?, lâcha Munster en espérant subitement que son adversaire n'y pas là un ordre. Franchement bonhomme, un monde ou les fruits te filent des pouvoirs magique, c'est quand même pas un peu con d'après toi ? Tu peux être sûr que c'est un truc écrit par un guignol d'épicier, ça. Tiens, j'en mets ma main à couper INVENTHÉTHÉTHÉ. Contrairement à ce que les autres ont tendance à croire, j'ai rien contre une bonne poilade de temps en temps. Donc le problème, comme tu l'vois, c'est pas tant que le mec qui écrit l'histoire soit un p'tit comique. Non, l'problème, c'est que j'aime pas son humour... D'ailleurs, reprit le prêcheur en affichant à présent à sourire carnassier, à propos de rigoler, tu connais les blagues toc toc ?"


          Le regard implorant que lui lança Flamme-Illustre lui indiqua que oui.


          *toc toc*

          "HYAAAAAAÏLLLL !!!"

          Le vieux moine s’effondra alors au sol dans un concert de piaillements de castrat. Il resta ainsi recroquevillé quelques seconde occupé à faire douloureusement l'inventaire du contenu de ses sous-vêtements. Passé quelques secondes de tâtonnements prudents, il entreprit finalement de se relever en se privant, cette fois-ci de pirouette arrière qui, il le savait, lui coûterait cher en octaves. Ce ne fut qu'une fois debout qu'il remarqua Munsters.

          Oui
          Au pluriel.

          Flamme-Illustre s'était déjà retrouvé coincé dans de drôles de situation, mais aucunes d'elles n'impliquaient de se faire littéralement prendre en sandwich par deux moitiés du même bonhomme fragmenté en deux dans le sens de la hauteur*. Les nombreux sabreurs parcourant le globe en attesteront : traditionnellement, les situations accouchant de deux demis adversaires ne se présentent qu'après les avoir séparés l'un de l'autre au préalable.

          *un peu dans ce genre là
          Spoiler:

          "Désolé mais on dirait que l'histoire en a finit avec toi, vieux pépère. D'ailleurs, crois le ou pas : J'aurai bien aimé prendre ta place." lacha Munster en stéréo.

          "FRAGMENTY CRUNCHY !!"

          Au lieu de la cauchemardesque sensation de se faire écraser par une demi tonne de graisse bloblotante, Flamme-Illustre ne fut frappé que par une violente bourrasque. Et tandis que le vent l'envoyait valser contre une façade de maison chatouillée par les flammes, ses craintes s'envolèrent avec lui.
          Munster, que son poids imperméabilisait plus ou moins au concept de vol plané, fut emporté à son tour par la bourrasque et exécuta à roulé boulé en soulevant avec lui un nuage de poussière qui s'ajouta aux volutes de fumées noires pour finir d'obstruer totalement son champ de vision. Le problème que posent une anatomie plus ou moins sphérique à un poids éléphantesque tient en ce qu'une fois propulsé dans une direction, il est difficile de négocier sa vitesse, et encore plus sa trajectoire. Lorsque, finalement, il s'emplafonna à son tour contre un pan de mur, il comprit qu'il lui faudrait encore en traverser quatre ou cinq pour pouvoir complètement s'arrêter.

          Il en fallu sept.
          Comme autant de quilles renversées par une boule de bowling humaine.

          L'avantage qu'offre un corps taillé dans la patte à modeler, c'est qu'il amortit mieux les chocs car il est plus facile de négocier un mur de brique armé d'un quintal de graisse que d'une paire de genoux. Aussi, ce fut un Munster passablement sonné qui parvint à s'extirper des décombres dans lesquels sa course l'avait logé. Le bonhomme entreprit alors de retracer son parcours en sens inverse afin de remettre la main sur ou sous l'adversaire qui lui avait échappé à la faveur d'un coup de vent que Munster savait bien trop chronométré pour n'être que le fruit du hasard. Les Deus Ex Machina ont cela de commun avec le piano à queue : Même recouvert d'un drap, on reconnait la forme en dessous. Et si l'histoire venait de prouver qu'elle n'en avait pas encore fini avec Flamme-Illustre-de-Sagesse-Ancestrale, en déboulant sur la place ou ce dernier l'attendait, Munster se demanda si l'histoire n'en avait pas plutôt finit avec Lui.

          "Toc toc"
          "Et merde ... Qui est là ?"

          "LA SAINTE SOUFFLETTE !!"

          Kings of Trash 242124MunstervsFISA

          Et comme le loup de la fable, la relique se gonfla les joues,
          souffla, souffla de toutes ses forces,
          et la maison de gras s'envola.




          Dernière édition par Munster Fonduslip le Mar 3 Déc 2013 - 21:05, édité 2 fois
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          - BWAHAHA. ET BAH ALORS JE TE LE LAISSE MON PTIT BRIH ! FAUT ENCORE QUE J'AILLE NOUS DEGOTER UN NAVIRE ! TACHE DE PAS ETRE A LA BOURRE !

          Ging était parti. Laissant Brih face à un amas de muscles et d'acier muni d'un béret rouge et de son plus bel air vindicatif. Blizzard G. G. Carlton n'était pas quelqu'un qui faisait dans la dentelle, si l'on exceptait son habitude de laisser ses adversaires pleins de trous et guère plus alertes qu'un napperon de grand-mère après chaque combat. Ce qu'il ne savait pas encore, c'est que s'attaquer à la boule d'énergie en constante explosion contenue qu'était Brih Demau risquait de donner des résultats autrement plus difficiles à gérer qu'un morceau de tissu ajouré.

          Car il était évident que cette rencontre mènerait à l'affrontement. Il n'y avait aucune raison particulière pour ça, mais il suffisait d'un regard sur les deux protagonistes pour s'en assurer. Blizzard avait traversé ce mur dans l'objectif même, pur et simple, de trouver un adversaire. A force d'avancer dans la vie, depuis ce jour où un blondinet insupportable lui avait foutu la raclée de sa vie, l'homme avait développé son propre sens de la gravité. Une force irrésistible qui l'attirait vers les opposants les plus coriaces comme vers des corps célestes de grande masse, de plus en plus vite au fur et à mesure qu'il s'en approchait et que l'excitation de l'affrontement montait, jusqu'à ce qu'il s'écrase sur eux avec la force d'un météore. A la différence que Blizzard G. G. Carlton ne s'était jamais brisé en morceaux sur les astres qu'il percutait. Il les traversait de part en part, ralentissant à peine, déjà en route vers le prochain, sans jeter un regard aux éclats fracassés qu'il laissait derrière lui. Cet homme vivait pour la confrontation.

          Et parfois, il arrivait qu'un simple bras de fer ne suffise plus à le contenter.

          Il fit quelques pas en direction du nain, qui ne paraissait pas se laisser démonter. Un sacré gaillard que ce petit bonhomme-là. Peut-être qu'il allait s'amuser, finalement.

          - Je te proposerais bien un bras de fer, mais tu m'as l'air trop petit pour m'offrir un bon divertissement.
          - Je te proposerais bien de me lancer, mais tu m'as l'air trop con pour comprendre que si tu refuses tu vas douiller
          répliqua Brih sans sourciller.

          Blizzard s'autorisa un sourire. Il aimait ça. Un type avec qui il n'y aurait pas besoin d'une raison de se battre. Un type qui le ferait uniquement parce qu'il avait l'occasion de le faire. Un type qui n'avait rien à prouver mais qui s'acharnerait à le prouver par A + B. Et plus spécifiquement, par gauche + droite.

          Un L.I.O.N, quoi.

          ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

          Si les sous-sols du Cimetière d'épaves étaient encore préservés de l'incendie qui faisait rage à sa surface, le secteur n'en était pas sécurisé pour autant. Des piles de bois défoncé à moitié brûlé commençaient à s'abattre dans les galeries, bloquant les issues, dans des éboulements qui menaçaient à tout moment d'emporter les souterrains et leurs occupants dans l'oubli.

          Ce qui, bien sûr, ne représentait pas un grand danger pour Brih Demau. Essayez donc d'oublier un cinglé pareil.

          Pour l'heure, il était totalement surexcité. La petite baston dans la taverne du Melon rouge avait été sympathique, mais là il s'agissait d'un tout autre registre. Il pouvait le dire grâce à un seul coup d’œil. L'homme qui lui faisait face affichait une musculature sculptée dans le granit que ses bras en acier trempé ne faisaient que rendre encore plus redoutable. Une expression de ferme détermination se peignait sur son visage buriné, et même à travers ses lunettes opaques l'on pouvait deviner un regard aussi dur que ses biceps. En d'autres circonstances, Brih l'aurait tanné pendant une demi-heure pour qu'il accepte de le lancer. Mais le temps manquait.

          Il allait devoir le tanner tout court.

          - Et pour ça, il faut choisir le bon outil.
          - De quoi tu parles, nabot ?
          - Oh, de rien...
          fit Brih d'un ton tranquille en décrochant le marteau de guerre qui pendait entre ses épaules. De trois fois rien.

          En réalité, ce fut quatre fois rien. Un sur le pied, deux dans les côtes et le dernier en pleine face.

          Blizzard partit en vol plané, désarçonné par la fulgurance de l'attaque. Des années de bras de fer par tous les temps et toutes les saisons avaient fini par lui donner certaines habitudes, certains réflexes de gros bras gorgés de testostérone. Les attitudes belliqueuses, les provocations, les regards lourds avant un affrontement, chacun essayant d'impressionner l'autre, une sorte de brame du cerf avec moins d'accents champêtres et plus d'insultes homophobes – même si rien ne prouve formellement que le dit brame ne consiste pas en une longue répétition d'invectives telles que ''petite tafiole, mes bois sont plus gros que les tiens''. Mais Brih Demau ne s'était laissé entraîner dans rien de tout ça. Sa logique de combat était beaucoup trop simpliste pour y inclure la notion d'intimidation, puisqu'elle consistait exclusivement en ce schéma :

          Adversaire debout → Frapper → Frapper plus fort → Adversaire pas debout → Victoire

          Blizzard atterrit lourdement sur le dos, soulevant un léger nuage de poussière. Il ne lui fallut qu'un quart de seconde pour reprendre ses esprits, et à peine plus longtemps pour se remettre sur pied. Déjà le nabot était reparti à la charge, réduisant la distance entre eux par un bond spectaculaire compte tenu de sa taille, le marteau brandi à deux mains au-dessus de la tête. Mais cette fois-ci, le champion de bras de fer était prêt. Il le cueillit au vol et l'envoya s'écraser contre le sol. Son poing retomba pour finir de l'encastrer dans le plancher, mais Brih avait roulé sur le dos, passant entre ses jambes. Dont il saisit une cheville à pleines dents au passage. Hurlant de douleur, Blizzard envoya son pied en avant avec violence, faisant décoller le nain vers le plafond.

          Il arma son poing, prêt à le décocher dans les dents de son adversaire toujours en l'air. Mais Brih fut plus rapide. D'un solide coup de bottes envoyé au plafond, il se propulsa vers le bas, tête la première, droit vers son adversaire.

          Qui se mangea un formidable coup de boule en pleine face.

          Brih ne lui laissa pas le temps de se ressaisir. Il se remit sur pied, ramassa le marteau qu'il avait laissé échapper lors de l'attaque de l'ex-boxeur, pivota sur lui-même pour lui envoyer un coup latéral à lui en faire cracher ses poumons...

          Le marteau sonna contre le bras en acier qui s'était interposé in extremis devant les côtes de Blizzard. L'impact dévastateur se répercuta dans tout le corps des deux adversaires, soulevant la poussière qui reposait sur le sol du souterrain. Le champion de bras de fer grimaça devant le métal légèrement déformé de son bras là où le marteau avait frappé.

          - Tu me l'as abîmé, nabot...

          Brih lui répondit par un grand sourire. Suivi d'un coup de coude particulièrement vicieux dans une partie du corps plutôt prévue à l'origine pour emboutir que pour se faire emboutir. A fortiori avec une violence pareille. Blizzard tomba à genoux, poussant une faible plainte.

          - J'suis désolé, je t'ai encore abîmé quelque chose ? J'aurais pourtant juré que t'avais rien de particulier à cet endroit-là, c'est marrant...

          Le nain leva son marteau. À genoux, son adversaire se trouvait à la hauteur idéale pour qu'il lui décalque la face une bonne fois pour toutes.

          Le plafond au-dessus de lui émit un craquement. Suivi d'un grondement empli de perspectives plus sismiques les unes que les autres. Brih leva les yeux, inquiet. Un nouvel éboulement se préparait, et rien ne garantissait qu'il...

          Un poing d'acier s'invita dans ses réflexions avec une conception plutôt littérale de l'expression ''frapper avant d'entrer''. Projeté en arrière, le pirate réussit la prouesse de se réceptionner sur ses pieds à l'aide d'un salto aux qualités artistiques indiscutables. Blizzard était déjà sur lui, tellement furieux que Brih aurait juré voir des veines saillir sur ses bras métalliques. Il repoussa le premier poing d'un coup de marteau dans l'avant-bras, tenta de contre-attaquer... son arme sonna contre l'écrou de l'autre bras. Quelque chose s'éveilla dans son esprit d'ingénieur.

          Truc mécanique → Frapper → Frapper plus fort → Truc en panne → Victoire

          Car Brih était un ingénieur, certes. Mais un fils d'Erbaf avant tout.

          Son adversaire repartit à l'attaque, enchaînant les jabs, les directs et les crochets. Si aucun coup ne réussisait à l'atteindre, son marteau frappant les bras à tour de... eh bien, de bras, il éprouvait lui-même la plus grande difficulté à mettre son adversaire en... eh bien, en difficulté. Le souterrain dans lequel ils se trouvaient résonnait du choc du métal contre le métal, tandis que le grondement de l'éboulement quelque part au-dessus de leurs têtes se faisait de plus en plus oppressant. Il fallait en finir au plus vite, ou aucun d'entre eux n'en ressortirait. Brih décida de tenter le coup.

          Sans crier gare, il lâcha son marteau trop lourd et bondit, fulgurant, main tendue vers le visage de Blizzard, poing ramené derrière lui, dans la ferme intention de le lui encastrer dans le museau. L'effet de surprise était parfait.

          Presque parfait.

          Or, presque parfait, ce n'est jamais assez.

          Un magistral direct du droit emboutit son armure, l'envoyant paître à travers un empilement de bois à l'équilibre précaire. Le tout s'effondra dans un grand fracas, provoquant la chute d'une bonne partie du plafond, une sorte d'aperçu de l'avalanche qui ne tarderait plus à s'abattre sur eux. Une énorme figure de proue s'abattit juste devant Blizzard. Une figure de proue en forme de rat aux dimensions plus que cauchemardesques. Le body-builder afficha un grand sourire.

          - Eh, le nabot ! lança-t-il à l'adresse de Brih qui venait de se relever. Je parie que t'en as une peur bleue de ces bestioles-là, hein ? Ca pourrait te bouffer en une seule bouchée !

          Un sourire goguenard toujours aux lèvres, il attrapa la pièce de bois des deux mains, et dans un grognement d'effort, la souleva au-dessus de sa tête.

          - Alors prends ta revanche et BOUFFE-TOI CELUI-LÀ DANS LA FACE, GRÔBRAHAHAHAHAHAHA !

          Et Brih eut du mal à déterminer qui de son humour ou de son rire était le plus lourd. Heureusement, le rat de chêne massif s'abattant sur lui trancha définitivement la question. Il était bien plus lourd que ces deux-là réunis.

          ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

          Blizzard était légèrement déçu. Il ne pensait pas que ce serait aussi facile d'en finir avec le nain. Lui qui avait pourtant l'air coriace, n'avait rien pu faire contre la colossale figure de proue qui l'avait aplati au sol, sans grand espoir qu'il puisse la soulever avec ses petits bras. L'ex-boxeur aux bras d'acier soupira et entreprit de s'allumer un cigare. Voilà qu'il allait devoir trouver un nouveau challenger à forte gravité. Peut-être ce géant qui accompagnait le nabot et ne parlait qu'en majuscules. Tournant les talons, il commença à marcher vers la sortie des souterrains.

          Le bruit d'une tronçonneuse mordant le bois l'arrêta sur place.

          Il se retourna lentement. Contempla l'énorme figure de proue qui commençait à cracher ses copeaux dans tous les sens. S'approcha à pas mesurés, des morceaux de bois de plus en plus gros virevoltant devant ses yeux. Le fragment de navire perdait du volume à vue d’œil, pendant que les rugissements de la tronçonneuse se faisaient de plus en plus furieux. Blizzard se mit en garde, s'attendant au pire.


          C'est à ce moment précis que Brih Demau surgit des copeaux de bois comme un diable des Enfers. Trois chaînes de tronçonneuse vrombissantes logées entre les phalanges de sa main gauche, comme d'improbables griffes tout droit sorties des cauchemars d'une parcelle forestière. Le nain bondit, et Blizzard aurait pu en profiter pour le frapper au vol une nouvelle fois. Mais quelque chose le clouait sur place. Le regard du nabot. Il aurait aimé dire qu'il était animé d'une lueur féroce. Il aurait vraiment aimé. Car une simple lueur lui aurait présagé un sort bien moins douloureux que le brasier dévorant qui y dansait rageusement. Il ne savait pas si c'était à cause de ses moqueries, de la douleur provoquée par les coups, ou simplement du désir de Brih d'en finir au plus vite avec ce combat... mais il s'était métamorphosé. Le nain qui lui avait fait face était à présent un géant. Un guerrier s'élevait.

          Quelque part, au loin, le souffle d'une jeune femme venait de s'éteindre. Le souffle d'une amie. Et quelque part, en lui, peut-être que Brih le savait.

          Il avait déjà connu la colère, la rage, la furie. Blizzard G. G. Carlton allait connaître son courroux.

          Ainsi qu'une avalanche d'environ trois tonnes de bois.

          ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

          Un torrent d'épaves dévalait les souterrains. Rugissant, grondant, enflant à chaque seconde, il se nourrissait du sous-sol qu'il déchirait, mâchait et digérait, devenant de plus en plus gros alors qu'il fonçait aveuglément le long des galeries qui parcouraient ce qui avait autrefois été le royaume des clodos. A présent, ce n'était plus qu'un vaste océan de bois en pleine tempête, qui tremblait dans un fracas infernal sous la surface du Cimetière d'épaves, qui commençait elle-même à bouger lentement en son centre, emportée par le typhon qui dévorait le sous-sol. Les bâtiments en proie aux flammes s'y enfonçaient parfois à l'occasion d'un éboulement, comme aspirés par des sables mouvants, et communiquaient leur incandescence au bois des couches inférieures, que l'incendie gagnait petit à petit. Si rien n'était fait, cet ouragan de bois s'étendrait depuis le centre vers les côtes, et l'île ne serait bientôt plus qu'un vaste chaos brûlant et tourbillonnant, qui partirait ensuite en un énorme amas de cendres et de scories. L'histoire nous dit que tel ne fut pas le cas. Mais pour l'heure, la menace paraissait bien réelle.

          Et au cœur de cette tempête d'épaves et de flammes, deux hommes se battaient farouchement.

          Bondissant d'un débris à l'autre, surfant sur une porte, grimpant sur un mât, sautant sur une figure de proue, s'accrochant à une coque, évitant une barque en flammes, les deux adversaires réalisaient de véritables prouesses pour ne pas se laisser engloutir par le déluge de bois. Pour n'importe quelle personne sensée, une telle apocalypse aurait signé la fin du combat, ou tout du moins une trêve. Pas pour ces deux-là. Pour eux, il s'agissait d'un décor. De la scène où se déroulait le théâtre de leur affrontement. La perspective de mourir à tout instant ne les aurait jamais détachés de leur combat, car l'un et l'autre savaient qu'elle faisait déjà partie de ce combat. Un troisième adversaire venait simplement de s'inviter dans la partie. Un adversaire chaotique, destructeur, redoutable.

          Mais sûrement pas autant que ces deux gars-là.

          L'intensité de chacun de leurs chocs semblait presque créer une nouvelle tempête au sein de la tempête. Les impacts brisaient les esquilles de bois, soufflaient les flammes, pulvérisaient les coques. Les griffes-tronçonneuses de Brih, dont le rugissement était à peine audible dans le vacarme ambiant, fendaient l'air sans discontinuer, tandis qu'il bondissait sur les débris de bois qui jaillissaient en tous sens. Son marteau de guerre, quant à lui, faisait des ravages dans les épaves sur lesquelles il s'abattait lorsqu'il manquait sa cible. Blizzard. Qui ne se laissait pas plus démonter par le chaos ambiant, se souciant uniquement d'emplâtrer la face de son opposant le plus violemment possible. Ses mouvements brutaux, emplis d'une puissance presque bestiale, démolissaient impitoyablement le moindre morceau d'épave qui se dressait entre lui et le nabot. Lequel n'était pas en reste, broyant avec la même ardeur tout ce qui pouvait l'empêcher d'écraser son adversaire.

          Aucun d'entre eux ne savait exactement quand et pourquoi le combat était devenu aussi violent. Mais ils sentaient confusément que cet affrontement ne ressemblait à aucun autre de leur existence.

          Quelque chose s'était éveillé en Brih, quelque chose qui lui rappelait son guerrier de père adoptif, le géant Karadoc MacBeasty. Il avait affronté un Yonkou. Tout le clan l'avait suivi, soutenu, s'était battu à ses côtés. Et Brih n'avait rien pu faire. Trop jeune, trop petit, trop nain. Incapable de se battre. Incapable de faire quoi que ce soit lorsque Karadoc était mort sous ses yeux. Son père adoptif. Son père. Un vieil ami du clan l'avait emporté loin de la bataille, il avait vu le fier chef des MacBeasty s'enfoncer lentement dans l'océan, et tout s'était terminé. Il n'avait plus jamais revu le clan de son enfance. Et quelque part, peut-être aurait-il eu honte de revoir tous ces guerriers. Lui, celui qui ne s'était pas battu.

          Et voilà que tout le monde se battait à nouveau. Brih n'avait aucun moyen de le deviner, mais de toute manière il n'en avait pas besoin. Il le savait. Quiconque connaissant les L.I.O.N's savait qu'ils étaient en train de se battre en ce moment même. Et cette fois, il ne resterait pas derrière. Cette fois, il se battrait, il y mettrait toutes ses tripes et vaincrait. Peut-être pour que son père soit fier de lui.

          Ou peut-être parce qu'il avait enfin trouvé son clan.

          La flamme dans ses yeux semblait ternir celles de l'incendie qui dévorait les morceaux d'épaves tourbillonnants. Blizzard avait déjà vu cette flamme quelque part. Trente-huit années auparavant. Le jour où ce putain de blond l'avait vaincu. Il n'avait jamais oublié son regard. C'est ce qui avait fait de lui, timide apprenti pâtissier, un homme digne de ce nom. Il voulait pouvoir un jour regarder un homme dans les yeux, et que cet homme y voie ce que lui-même y avait vu, le sang plein la bouche et la tête dans la poussière, tout le corps meurtri par une défaite écrasante. Depuis ce jour, il portait ses lunettes opaques, qu'il s'était juré de ne retirer que lorsqu'il se sentirait prêt à égaler ce regard, le plus puissant qu'il ait jamais connu.

          En trente-huit ans, pas une fois il ne s'était senti prêt.

          Et voilà que ce regard brillait dans les prunelles du nabot. Comme si l'histoire se répétait. Mais il n'était plus le même. À présent, il était le plus grand vainqueur que le Cimetière d'épaves ait jamais connu.

          Mais pouvait-il vaincre cet adversaire-là ?

          Il n'y avait qu'une seule manière de répondre. Sa main se leva, saisit ses lunettes. Les ôta. Se referma dans un craquement. Les débris tombèrent au sol.

          Deux regards se heurtèrent de plein fouet, dans un impact flamboyant qui fit vaciller le reste du monde.

          Puis le métal chanta.



            Un canard connaissait définitivement ce type. De par sa mémoire d'animal il ne réussit pas tout de suite à le remettre, mais un sentiment de proximité se développait bel et bien à force de regarder son adversaire. Robb de son côté continuait dans son monologue, des morceaux de phrases, qui auraient de toute façon échappé à sa compréhension même en se concentrant, traversant les oreilles de notre héros. Ce dernier s'intéressa bien quelques secondes à son compagnon lorsqu'il capta le mot "munster". Ayant grandit dans une ferme, s'il y avait un vocabulaire que la volaille connaissait entièrement c'était bien celui du fromage. Seulement, après une minutieuse analyse des alentours, il ne trouva pas la nourriture convoitée. C'est en s'imaginant déguster une belle part de munster que la vérité brisa le fantasme de l'oiseau. S'approchant du pingouin pour être certain de ses suppositions, notre protagoniste fut finalement convaincu. Canard identifia Lord Boroyal comme son cousin qui a mal tourné, qu'il avait croisé pour la dernière fois autour d'un repas dans la ferme familiale. Faisant partie d'une branche de la famille relativement éloignée -ayant quitté l'île natale pour visiter le Nord il y a fort longtemps- le forban ne les avait rencontré qu'en de très rares occasions. Il se remémorait maintenant les délicieux fromages servis lors des visites, seul aspect qui lui manquait depuis que le criminel ne vivait plus à la ferme. C'est alors que, inexplicablement, son cousin fut attaqué par une énorme sangsue. Si le canard n'avait jamais particulièrement apprécié ce côté de la famille, les jugeant un brin tape à l'oeil avec leur tronche bizarre, c'était tout de même son cousin éloigné. Alors, dans le courage imprégné d'insouciance elle même entièrement plongée dans de la connerie, qui définit notre héros, ce dernier se jeta sur l'animal.

            Le lance-roquette, pas le pingouin.

            Ce fut évidemment une très mauvaise idée, les armes à feu ayant la mauvaise habitude de ne pas laisser sortir ce qui décide d'y entrer, ou en tout cas pas sans causer un minimum d'explosion pour faire bonne allure. Dans une tentative d'éliminer au moins l'un des énervants protagonistes de cette histoire, le Lord décida de tirer vers tous les autres. Avec un peu de chance il les aurait tous. La chance ayant cependant l'habitude de suivre les héros, elle agrippa fortement au canard qui lui même -lui volant certainement l'idée- s'accrocha à l'intérieur du canon. Si utiliser un projectile vivant peut sembler être cool sans réfléchir, on peut facilement y opposer quelques protestations. Notre protagoniste en illustra une. Alors que Boroyal tirait son, désormais, fusil à canard, ce dernier s'accrocha de toute ses forces au canon. Posant une colle aux lois de la physique, elles décidèrent de simplement regarder ailleurs en laissant les deux animaux à leurs occupations. Ainsi le pirate, propulsé par le lance-roquette, attrapa l'arme, l'entraînant donc avec lui tout en emportant le pingouin qui n'avait pas lâché prise. Un principe très utile, permettant de se déplacer par la voie dans airs sans avoir à abandonner une catapulte derrière soit. Finalement les deux cousins retombèrent durement sur le sol -ou plutôt sur le pont d'un navire qui y ressemblait étrangement- éloigné de l'équipage.

            - Ca suffit maintenant ! Vous commencez sérieusement à me les chauffer, si vous voyez ce que je veux dire. Il est temps de payer ! Canard ne voyait pas ce qu'il voulait dire, et ce pour chacune des phrases. Seulement l'air menaçant lui faisait comprendre que le moment était venu de combattre. Le criminel essaya tout de même une dernière fois de calmer son futur adversaire.
            - Comme dit l'père, les vaches et la famille c'tous c'qu'importe. Pas b'soin d's'enquilloner l'cousin ! Le manchot arrêta ses préparations en entendant les mots. Il plissa les yeux pour scruter le canard du regard et demanda
            -... Cousin Hector ?... Vous aussi vous avez rencontré cet odieux personnage ?! Le vil ! Non-content de m'avoir envoyé dans un pingouin il s'en prend à ma famille. Il me le payera ce sagouin !

            Boroyal reconnaissait en ce canard une branche légèrement paysanne de la famille. Si on était bien trop gêné pour parler d'eux en dehors des repas annuels, ils faisaient partis de la noblesse. Et ainsi avait un droit de réclamer une place pour le trône d'Antarctiktaktukrak. C'est à cet instant que le Lord se souvint de sa dernière rencontre avec Hector. Trop effrayé de devoir partager son pouvoir, le futur animal avait utilisé son célèbre lance-roquette pour s'assurer du contraire. Si son cousin se dressait -du haut de sa trentaine de centimètre- devant lui, ce n'était certainement pas amicalement. Finalement il en arriva à la conclusion que le plan en restait inchangé. Casser la gueule -de la façon la plus aristocrate possible- de la volaille, puis s'occuper de ses compagnons. Bien sûr à ce point, Boroyal n'imaginait plus que le forban n'était pas Hector, mais bien un simple canard. Et si ce dernier et l'utilisateur originel du corps spongieux étaient bel et bien des cousins éloignés, ça ne l'empêcherait pas de lui casser la gueule de la façon la plus gracieuse possible.

            Sans plus attendre le noble frappa de sa canne au sol et un Boris surgit de nul part, attrapant son maître pour l'envoyer à toute vitesse vers un canard. Ce dernier, utilisant une technique très particulière de combat, s'envola de quelques centimètres, laissant son adversaire passer en dessous. L'intéressé n'ayant aucun moyen de s'arrêter continua son chemin à travers les flammes, s'éloignant en hurlant "COQUIIIIIIIIN". La tentative d'attaque fut suivie par une riposte immédiate de l'animal de basse-cour. Tournoyant tel une ballerine soudainement libérée de toute gravité, la volaille perça à son tour le mur de feu, en oubliant presque qu'il était une créature semi-aquatique. Le manchot, sur pied après avoir ronchonné sans trop l'admettre ne laissa pas le temps à son ennemi d'observer la situation, agitant sa canne à une vitesse impressionnante pour quelqu'un ne possédant pas de doigt. L'outil était contré par les coups de pieds de notre héros qui, comme à son habitude, bondissait de tout les côtés, tentant de toucher l'adversaire dans le dos. Ce dernier ne se laissait jamais faire, glissant sur le sol boueux comme sur de la glace, il montrait une agilité qui, si ridicule quand effectuée par un pingouin -comme relativement tout-, ne l'aurait certainement pas été sous toute autre forme. Les deux criminels tournaient, contrant chacun leur tour les attaques extrêmement rapide de l'autre. Canard essaya finalement de briser la danse en éloignant la canne d'un coup de patte pour frapper le torse du manchot avec son autre membre palmé. D'un simple geste de la nageoire Horror Boreal stoppa l'action, ne réussissant cependant pas à rester sur place, il fut projeté dans l'océan rouge.

            Si les pingouins apprécient normalement tout type d'océans, les métaphoriques un peu moins. Et savoir qu'il était lui même un animal sub-aquatique n'empêcha pas le palmé de poursuivre son cousin. Traversant les cieux au dessus du désastre, le canard observait la situation comme il observait quoi que ce soit : avec un air abruti. Puis, tel une comète comprenant qu'elle avait fait une belle connerie et voulant apaiser la situation en éteignant le feu causé par son arrivée, notre protagoniste plongea vers le sol, poursuivant Boroyal. Ce dernier illustrait parfaitement l'exemple du "type se rendant compte qu'il était debout sur du feu et bondissant sur le côté en lançant un cri aigu". Le problème dans cette situation précise était que, sur le côté des flammes, il y avait encore des flammes. Ainsi l'animal continuait à légèrement bondir un peu partout, trop concentré pour chercher un endroit où atterrir. Il tomba finalement dans le cercle de Munster et Flamme. Ensuite le canard lui tomba dessus. Les héros étaient entourés par le feu, Fonduslip venant de découvrir les avis de recherche de l'équipage. Se jetant en arrière pour amortir la chute, le pingouin fut confronté à un deuxième problème, éviter rapidement la bougeoir agitée en direction de l'Illustre-de-Sagesse-Ancestrale. Au contraire notre protagoniste l'utilisa comme catapulte, augmentant sa vitesse après s'y être perché. Et pour la première fois les mouvements du plumé dépassèrent la rapidité de réaction du Lord qui se mange un magnifique coup de patte dans le bec. C'est fier de lui que notre protagoniste remarqua l'avancé menaçante du feu, entourant désormais les deux L.I.O.N.

            - Les patates, ça se cuit à l'eau Et, avant que notre héros puisse faire une proposition pour quitter l'arène -chose qu'il était de toute façon incapable de faire, la proposition- le soudain coup de vent s'en occupa.

            Envoyés dans la même direction, les deux oiseaux en profitèrent pour continuer le combat. Si notre palmipède avait certainement un avantage, l'aspect aérien de l'affrontement, Boroyal n'en était pas moins redoutable. Essayant de se maintenir en l'air avec ses nageoires peu adaptées, il collait des coups de bec dans tous les sens, frappant plusieurs fois notre protagoniste incapable de tout parer.

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            Le frère sacrifié se tenait douloureusement le flanc. Toujours au sol, le Morri-son n'arrivait pas à en revenir. Son frère l'avait transpercé. Traversé de -quasiment- part en part d'un coup d'épée. De guitare plutôt, mais passons. Après s'être relevé difficilement, il regarda autour de lui et ses yeux s'arrêtèrent sur les membres de sa famille, eux aussi vaincus et décorant le sol. Ce quelconque roi était bien un adversaire redoutable. Voyant un autre frère se lever un peu plus loin, Morrison s'en approcha avec une difficulté contrariante. Si ce n'était pas évident au premier coup d'oeil, les frères ayant la mauvaise idée d'être identiques en tout point, il reconnu finalement celui qui l'avait lacéré. Alors, après avoir attiré son attention, il lui lança :

            - Putain Steve, c'est la douzième fois que tu fais ça, ça commence à faire chier !
            - Mais je comprend pas ! Je le vise lui et pourtant c'est toi que ça transperce, c'est incompréhensible !
            - Parce que j'suis devant lui dûcon ! Va falloir que tu arrives à rentrer ça dans ta cervelle
            Puis, après une légère pause à regarder ses frères meurtris, il ajouta Bon... on va prendre un verre ?

            Et les Morri-son's, transportant les assommés sur leurs dos, partirent à la taverne.

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            Finalement canard et son adversaire touchèrent le sol. Pas un délicat touché qu'aurait causé une douce brise, non le genre de touché provoqué par un soufflet géant. C'est à dire en traversant plusieurs couches d'épaves. Après une chute plus courte que la première, ils tombèrent devant Brunon VII le Torsepoil, le roi des clodos, qui -ironiquement- était trop occupé à tenter de se faire remarquer pour remarquer les nouveaux venus. Car un peu plus loin dans la pièce, Brih Demau et Blizzard G. G. Carlton essayaient de se frapper. Le marteau cognait lourdement contre les bras d'aciers et empêchait les clodos de s'entendre. Ou de se faire entendre.

            - Heu, vous êtes bien sympas tous les deux, mais j'aimerai vous faire remarquer que je suis là et que c'est mon royaume quand même. Y a beaucoup de place à la surface alors ce serait cool de votre part d'aller faire ça là bas Les deux combattants ne levant même pas la tête vers son trône, il continua à lancer des "Hé !" et autre "Oh !" pendant plusieurs secondes. Jusqu'à ce que Brih bondisse en l'air, se ramassa une droite et pulvérisa un empilement de bois qui servait de mur.
            Ah non va falloir payer pour ça ! ... Ca doit valoir au moins 50 berrys !

            Alors que celui de Blizzard était en pause -ce dernier ayant projeté une proue sur son petit adversaire-, l'affrontement de notre héros reprenait, Boroyal ayant essayé de coller un coup de canne pendant que son adversaire n'était pas concentré. D'un bond digne des plus grandes starlettes de la danse, le pirate envoya balader l'arme et, après une seconde à toucher le sol pour se propulser une nouvelle fois, il colla un deuxième coup dans la tronche du manchot qui percuta la plafond. Quittant les souterrains avant l'éboulement. Jaillissant à la surface, les deux animaux pouvaient maintenant assister a la tempête d'épaves qui emporta une partie de l'incendie vers les profondeurs, s'écrasant sur Brih et Carlton par la même occasion. Ces derniers, n'étant pas arrêtés pour si peu, profitèrent de l'occasion pour sortir eux aussi des fondements de l'île. Alors que les oiseaux continuaient à agiter leurs ailes et doigts crochus dans le visage de l'autre, les deux autres combattants avaient décidé de se fixer des yeux dans un tout nouvel affrontement. Et, alors que le métal chantait, canard l'accompagna en criant, sur un ton musical, son habituel "NINJA STYLE". Dans une décision qui ne lui appartenait pas vraiment, le Lord choisi d'attraper le coup de pied avec sa tête tout en déformant sa joue qui souhaitait certainement participer à l'événement. Enfin le pingouin percuta Blizzard dans le ventre qui, de la façon la plus cartoonesque qui soit, projeta ses yeux de flamme hors de ses orbites avant de les récupérer pour pouvoir disparaître au loin accompagné du noble. Ne prenant même pas le temps de remarquer la présence de l'autre, les deux L.I.O.N partirent à la poursuite de leurs ennemis respectifs.

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            Van Adebal et Robert Barque étaient bien dégommés. Après avoir reprit quelques verres, ils furent finalement virés de la "MORUE" car recommencèrent à foutre le bordel. Et si Denis n'était pas un mauvais bonhomme, il avait déjà expliqué que se faire détruire une fois son établissement en une journée, c'était assez. Au bout d'un moment il faut prendre des mesures. Ainsi les deux musiciens erraient sur l'île, n'attachant que très peu d'importance à l'incendie qui y avait lieu. Ca donnait du charme toutes ces couleurs chaudes. Finalement -ou plutôt débutement puisque l'histoire ne faisait que commencer- ils tombèrent sur le canard. Et portés par une joie nouvelle que l'on appellera ici alcool, ils oublièrent leur rivalité pour accompagner l'animal à la guitare. Car l'animal, qui commençait à en avoir sérieusement marre de se battre avec un pingouin -ou même de se battre en général- se lançait dans le chant.


            Sans arrêter la musique, les protagonistes retournèrent au combat, chorégraphiant leurs attaques dans de plus ou moins gracieuses danses. La puissance musicale poussait les héros, les empêchant de résister à cette étrange force qu'était se déhancher. Remotivé par la situation, le canard attaquait plus efficacement que jamais, poussant Boroyal dans ses derniers retranchements. Enfin, après un coup de pied sauté paré par une nageoire le pirate fut envoyé en arrière. Ses pattes servant de ressort, ses ailes de propulseurs, il ne toucha qu'une seconde le sol avant de retourner vers le ventre du Lord bien trop rapidement pour lui. Le pied enfoncé dans son ventre, les deux oiseaux traversèrent les cieux sans jamais s'arrêter de chanter.

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            Dans la taverne de la "MORUE" l'ambiance était de nouveau présente. Une ambiance différente, moins incendiaire, mais tout aussi agréable. La vingtaine de frères Morri-son's buvaient joyeusement, explosant de rire à intervalle régulier en partageant des blagues que les autres clients ne pouvaient pas comprendre. Heureusement il n'y avait pas d'autres clients. Si Denis était un barman jusqu'au bout, la plupart des habitants de l'île étaient occupés à fuir ou, dans le cas contraire, à courir partout. Si l'on peut confondre ces deux actions, l'une a l'avantage d'être utile par rapport à l'autre. Cependant Epgarson était heureux. A nouveau son établissement était rempli. A nouveau le profit allait rentrer. Et s'il était quelque peu méfiant face à cette étrange assemblée, il décida, dans un élan de joie apportée par la chanson qu'il entendait au dessus du toit, d'accorder une remise.

            - Va falloir payer ! Aujourd'hui spécialement c'est 50 berrys le verre !

            Un peu plus loin dans la ville, ou plutôt sous la ville, Brunon VII le Torsepoil se sentait dans un mélange de désespoir et de joie. Désespoir parce sa salle de trône était partiellement -et par là on entend que seul le trône lui même avait été épargné- recouverte de débris en feu. Joie parce que, qu'importe la situation il était toujours optimiste et heureux, c'était ça un VRAI clodo. Soudainement le mur explosa une nouvelle fois pour laisser sortir Ulysse-René Poubelle et le charpentier. Les deux vagabonds se regardèrent plusieurs secondes, un lourd passé partagé se sentant dans leurs yeux. Le Roi des clodos et le King in the Trash. Ennemis de toujours. Chacun revendiquant les ordures.

            - Ulysse...
            - Brunon...
            Puis, soudainement, le chant du canard passant au dessus -toujours accompagné de son ennemi accroché à la jambe- traversa les oreilles des trois personnages. Et tout était paisible. Les clodos avaient retrouvé leur joie de vivre grâce à Robb et au palmipède. L'île était en pleine destruction. Le moment n'était pas venu de s'affronter mais bien de s'allier. Pour le peuple. Pour les SDF. C'est à cet instant que surgit Hiro Arakawa, ayant poursuivit Ulysse à travers les galeries. Il fut d'abord subjugué par la saleté omniprésente dans le domaine de Brunon. Puis, d'un air motivé, il commença à laver.

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            Le canard termina finalement son envol, Boroyal s'écrasant au sol. Ce dernier, bien qu’amoché et titubant, se releva aussitôt. Les deux oiseaux s'observèrent, puis le Lord lança simplement

            - Vous êtes, mon cher cousin, des plus horripilants ! Il est temps d'en finir
            - Tu vas payer
            Les deux adversaires se jetèrent l'un sur l'autre, le noble brandissant sa canne en avant. D'un coup de bec bien placé notre héros envoya l’ustensile se perdre dans les déchets puis, sans laisser le temps au pingouin de se reprendre, plaça une dizaine de rapides coups de patte sur le manchot. Ce dernier s'écroulant au sol, le palmipède ajouta une autre phrase qu'il avait juste apprise
            - Ca fera 50 berrys
            • https://www.onepiece-requiem.net/t4874-un-canard-vs-the-world
            • https://www.onepiece-requiem.net/t3496-soren-hurlevent
            [Désolé pour le temps de réponse les mecs et les promesses de réponses à tel date aussi... j'espère que vous apprécierez. Et ouaip, c'est encore méga long.]

            « Leur amie va mourir, Cheese.
            - C'est une espèce en voie de disparition !
            - Nous ne les aidons pas ?
            - Ils doivent apprendre à se débrouiller mon bon Uly'. Sinon comment feront-ils plus tard sur GrandLine ?
            - Tu ne les as pas choisis par hasard n'est-ce pas ?
            - Le Hasard a une sale gueule Uly'. C'est une racaille qui s'promène avec l'couteau d'la Fortune et parfois s'éclate à planter quelqu'un, puis s'en va en ricanant. Tu ne sais jamais comment, ni pourquoi. Mais c'est alors que saigne le Destin. J'ai confiance en eux Ulysse-René.
            - Cruel destin.
            - Hmmm...
            - Quoi ?
            - J'ai oublié quelques trucs sur le bateau. 'Faut que je mette des bouilloires cramoisies porcs-épics !
            - On va aider Robb Lochon alors ?
            - Yep. Go go Ranger Crade ! Y a pas d'temps à perdre !


            Et Cheese Tray, juste après avoir réajusté ses palmes-masque-tuba sauta dans les monceaux enflammés du Cimetière...

            - C'est partiiiii Ranger MangOUUUUUUSTE ! »

            ...suivi du King In The Trash qui attacha d'abord avec précaution sa serviette.
            ***
            Un étrange ver de terre rampait sur le pont d'un fier bateau et allait, se contractant et s'étirant, rendre visite à sa mère. Il s'appelait Philippe et il avait des rêves pleins la tête et de multiples projets dans la vie : chef du club local d'échecs, Philippe avait remporté le tournoi régional six fois avant qu'une tendinite l'oblige à inventer la célèbre technique dite de Louise, où l'effort mental égalait la souplesse physique et maintenant, il avait son ticket pour les nationales. C'était pour cela qu'il était venu dîner chez maman aujourd'hui, pour lui annoncer la nouvelle et fêter ça. En attendant et surtout parce que le championnat national d'échecs était plus un loisir qu'autre chose -lumbricina humble et unique s'il en est- il comptait reprendre le ranch de ses parents et élever des vaches des mers. Peut être même organiserait-il quelques combats de musaraignes pour arrondir ses fins de mois, qui sait ? Avec tout cet argent, il aurait enfin une assez grosse dot pour que les Dallas cessent de lui coller leur roupettes en or sur la tronche à chaque fois qu'il passait pour voir la jolie Sue-Ellen-Mary-Geneviève ; ils pourraient alors vivre leur amour au grand jour et se frotter comme ils veulent lors des bals musettes du village. Finalement arrivé chez mère, Philippe put se détendre et patienter pour son déj'.

            ***

            Robb, les écoutilles grande ouvertes, avait attendu pendant de longues minutes que l'un de ses choupinets daignent lui répondre. On aurait beau lui expliquer que le fait que l'un d'eux soit assez près pour l'entendre et voir le bateau tenait déjà d'une étude sur les probabilités ou qu'en plus il devrait y avoir plus de chances de voir Joseph d'Arimathie se tourner vers la salade qu'entendre leur voix émettre un avis sur sa trouvaille, rien n'y faisait. Le bougre tenait bon et tirait sur ses lobes dans l'espoir fou qu'un commentaire perce du bordel ambiant. La disposition chaotique et en actuelle dégringolade du Cimetière était dans la logique du Papa un moyen parfait pour entendre mieux : soit les morceaux allaient faire ricocher les sons jusqu'à magiquement leur faire atteindre ses luxueux pavillons, soit l'oblitération du voisinage allait libérer d'la place pour une gueulante. La nature optimiste du Daddy, même si plus sérieuse que d'habitude au vu de l'incendie qui couvait et de l'équipage qui risquait gros face aux durs à cuire rampant à la surface des épaves, était toujours là et pouvait être comparé avec un bienveillant suricate.

            Tout comme ces charmantes bestioles, le père restait vigilant pour protéger sa tribu en toute circonstance, sentant malgré sa confiance en eux le serpent du doute l'envahir. Peut être était-ce cet apport particulier en protéines qu'il venait d'engloutir qui le faisait sentir bizarre -bien qu'il était certain que dix-huit termites d'épaves était aussi succulent que ses fistons de Torino lui avait dit- ou bien était-ce simplement un pressentiment comme quand il avait su que la petite Maggie allait faire le mur avec son copain... bon d'accord, son mari. Essayant de s'échapper. D'un kidnapping. Leur kidnapping. Mais c'était pas ma faute aussi, ils avaient qu'à écouter les conseils de Mathilda : on ne boit pas pendant sa grossesse ! Quand j'pense qu'ils étaient même pas au courant... ces gros débiles de citadins et leur incapacité à entendre les fœtus dans leur tête ! Triturant les méandres de son nez, c'est finalement de son ouïe de super-papa qu'il obtint un plaisir doux-amer. Rockfor venait de dire que son action splendide avec le Cheese Tray était "cool d'ailleurs", puis, tout sourire, il n'entendit que trop tard la présence d'un lombric un peu particulier s'agripper à son futal.

            Il baissa doucement le regard, sachant déjà ce qu'il allait y trouver.

            Ronaldo Smallong était entrain de grignoter sa cheville, rêvassant toujours.
            Philippe le ver de terre était un enfoiré qui aimait les chipolatas.


            ***

            Alors qu'on aurait pu pensé que la bande de oufs malades qui s'étaient amenés sur une porte comme des cadors et avait réussi en moins d'une journée à mettre à feu et à sang une île entière étaient les plus sidérants du coin, un petit groupe hétéroclite s'était lentement mis en route, laissés-sans-compte de tout ce tohu-bohu. Ce qui, soit dit en passant, était un peu dégueulasse, parce qu'un connard Chevelu avait fait intervenir trois clampins précédemment et ils étaient franchement dispensables. M'enfin bon, c'était là tout le prob' de foutre le boxon sur une île-capharnaüm : les tragédies étaient ordinaires, les actes héroïques des raretés et le chaos était si toujours parfaitement millimétré qu'il devenait monotone et prévisible. Aussi, des trucs aussi stupides que des personnages sans saveurs ayant le bon rôle pouvaient survenir, tant l'intervention de grains de sables particulièrement irritants dans le slibard sale du Destin pouvait chambouler le fragile écosystème de la Réalité. Et quand la Réalité devenait une garce, les vagues de sa colère entrainait des réactions en chaînes inattendues.

            Conséquences actuellement sous la forme de plusieurs groupes réagissant quasi-parallèlement aux exactions des L.I.O.N : le groupe "hétéroclite" ou "B", le groupe des "On en a gros" et le groupe de "ceux-qu'on-avaient-presque-oublié-mais-qui-sont-là-quand-même". "Ceux-dont-on-avait-oublié-l'existence-ce-qui-est-quand-même-un-peu-dommage-mais-on-essaie-de-s'améliorer-vous-savez-on-ne-peut-pas-toujours-gagner-ou-être-au-top-de-sa-forme-ou-ressentir-le-besoin-même-d'être-excellent-et-on-peut-avoir-honte-par-exemple/àtouthasard-du-nombre-de-salaceries-qu'on-écrit-dans-un-topic-mais-ensuite-on-se-rend-compte-qu'on-le-faisait-déjà-avant-alors-on-continue-et-donc-on-parle-de-tous-ses-abrutis-comme-le Disciple-et-les-autres-pyromanes-de Flamme-ou-bien-les farceurs malsains-de-Biach Clever-sortes-d'équipages-Pirates-pour-des-gens-qui-n'en-sont-pas-vraiment-et-qui-se-ruaient-pour-venir-en-aide-à-leurs-chefs-respectifs". Et-dans-une-course-si-quasi-symétrique-et-parallèle-qu'elle-aurait-fait-plaisir-à-un-professeur-de-géométrie-venaient-également-les-groupes-des "On en a gros", rassemblant tous les charognards du Cimetière voulant éliminer les nouveaux arrivants qui détruisaient leur terrain de chasse et-finalement-le-groupe "B", celui qu'on attendait le moins faire du grabuge, mais qui avait le plus de chances de faire un coup critique : Boboris et La Belette.

            « 'Faut absolument retrouver les autres-vous-êtes-très-en-beauté-ce-soir !
            - Squiiiii squiii ! Squi, squi squi squiiii. Squi squi squiiiii squi, squi !
            - Z'êtes vraiment pas très sympa-par-ici-messieurs-dames !
            - Squi squi squii !
            - 'DITES PAS CA SUR MA MÈRE-ce-fut-un-plaisir-comme-toujours !
            - Squii sq'squi squi squiiiqui.
            - Vous êtes une pute, Mr. Belette-non-merci-je-n'ai-plus-faim !
            - Squi squi sui squiquisui.
            - Oui, je sais que je ne suis pas aussi rond que l'aut' là-laissez-moi-vous-raccompagner !
            - Squiiiii...
            - Vous le retrouverez avec les autres, vous inquiétez pas va-merci-pour-le-repas ! »


            ***

            « Oh putain, mais nan, mais nan, mais pas toi ! Pute borgne, bibi a d'autre choses à foutre ! J'dois faire du Cheese Tray un lieu tout douillet pour mes sucres d'orge ! dit un Robb en secouant sa papatte !
            - Tu m'as appelé ? dit un Cheese qui surgit !
            - OH PUTAIN ! Bordel... v'm'avez fait peur. Aaaah, j'vous vois mieux d'ici. Du coup joli chapeau et jolis favoris héhé.
            - Moi je connaissais des types qui appelait ça des rouflamoustaches.
            - PAR HÔDDIN ! M'enfin... arrêtez de surgir comme un tigre d'un tonneau... mais ça sonne mieux, ouaip.
            - Tu vas l'laisser te grignoter la jambe pendant combien de temps ?
            - Ah mazette, je l'avais presque oublié avec vous. PETIT J'EN AI MARRE DE TOI !
            Et il lui décocha un coup de genou dans sa margoulette !
            - Maman... du bacon oui, mais pas d'omelette... Dit-il tout en balançant un double kick du fond d'l'enfer !
            - JE VAIS TE BATTRE COMME DES ŒUFS EN NEIGE ! Gueula un Robb remonté, avant de lui octroyer un sacré punch !
            - JE NE VEUX PAS D'OMELETTES MAMAAAAAN ! Hurla un somnamchieur qui le bloqua et pivota pour lui faire goûter le dos de sa mimine !
            - C'EST PAPAAAAAA ! Balança-t-il avec un coup de pied de toute beauté !
            - Vous dérangez pas pour nous, on fait que passer. Dit le gentil charpentier en passant sous le mawashi-geri du Daddy !
            - Yep yep yep yep. J'ajoute de la nourriture dans leur frigo ?
            - EH BAH PASSE-MOI LE SEL S'IL TE PLAÎT !
            Beugla un cow-boy tenant une jambe et boxant parties et ventre !
            - Naaaaan. Jubila un Cheese époussetant une ancre en forme de soleil ricaneur !
            - Un Log Pose ?
            - TU VEUX DU SEL ? TU VEUX QUE JE TE BALANCE A LA MER P'TIT CON ?
            - Nope.
            Fit un Charpentier sortant un lot de bouilloires spéciales !
            - Une carte de South Blue ? Demanda un Ulysse-René qui sautait par-dessus un plaquage d'un Papa !
            - JE SAIS OU EST LE CHEMIN DE LA PLAGE MAMAN, J'Y VAIS AVEC GENEVIÈVE TOUT A L'HEURE ! Annonça un vilain et son double coup d'pieds dans l'buffet !
            - Nada :hearts:. Rétorqua un Cheese entrain d'astiquer une bouilloire à piques !
            - TU L'OUBLIES GENEVIÈVE, T'ES PRIVÉ DE SORTIE ! Répondit un Daddy tournoyant sur lui-même avec les jambes d'un bambin !
            - VA CHIER MAMAN, PERSONNE M'OBLIGE A ÊTRE PRISONNIER DES TENTACULES DE LA DERELICTION ! Hurla une torpille humaine se propulsant dans le ventre d'un Papa !
            - Je mets où les canons ? Interrogea un roi surfant sur le dos d'un narcoleptique !
            - JE VAIS T’ÉTENDRE AVEC MON COUP D'LA CORDE A LINGE ! Trancha un père consciencieux !
            - C'était pas prévu. Roumégua un Charpentier clouant une fourrure d'ornithorynque à la rambarde !
            - MES SLIPS EN CUIR SONT PRO-BWAAARG ! Nuança un morveux se faisant lariatiser par un empapaoutage made in Drum !
            - Même pas un tout petit ? Ils vont pas un peu se faire latter la gueule ? S'intéressa un roi en pirouettant dans les airs !
            - Haaaa... enfin fini. Soupira un Daddy se détendant.
            - Boaaaaarf. Ils iront avec leurs bites et leurs couteaux. » Annonça calmement un Cheese qui faisait signe à Ulysse de s'éloigner.


            ***

            Maman était une saleté. Elle ne le supportait jamais dans ses choix. Lui, il voulait se marier avec Sue-Ellen-Mary-Geneviève et reprendre le ranch. Nan, elle elle lui disait que c'était que des connards de bourgeois. Et qu'elle le libérait. Qu'il devait plutôt continuer les échecs, vivre sa vie, passer à autre chose. Maman disait toujours des choses stupides quand elle brûlait des trucs. La menace ne marchait pas avec elle. Il avait tenté de lui faire face, de lui balancer des contre-arguments dans la gueule. Mais maman était forte. C'en était vraiment, vraiment désespérant.


            ***


            Les hyènes aux babines suintantes et à la gueule bardé d'expectations tous plus assassines les unes que les autres s'étaient mis à jouer à Bière - Bourrin - Lopette - Termite - Clodo - Planche de bois pour décider tout en courant qui allaient partir tantôt au Sud, tantôt au Nord, tantôt à l'Est, tantôt à l'Ouest pour défoncer ces petits neuneus qui avaient osés les défier. C'était un jeu semblable à pierre-papier-ciseau, mais en beaucoup plus fun et tactique, parce que les charognards du Cimetière d'Epaves derrière leurs gueules de gros enfoirés patibulaires étaient quand même de sacrés génies d'la déconne. Le Bourrin buvait la Bière qui tabassait la Lopette qui devenait ami avec le Clodo qui élevait le Termite qui mangeait la Planche de Bois qu'on utilisait pour se venger du Bourrin. De même, le Bourrin défonçait la Lopette, mais se faisait avoir par les tours du Clodo ; la Bière noyait le Termite, mais était sifflée par le Clodo ; la Lopette utilisait la Planche en bois, mais était mis k.o par le Bourrin ; le Clodo quant à lui se rincer l'gosier avec la Bière, mais dormait sur la Planche de bois ; le Termite terrorisait la Lopette, mais se faisait écraser par le Bourrin ; la Planche en bois éclatait le Bourrin et piétinait le Termite.

            Manches furent jouées et vainqueurs furent éparpillés aux quatre coins du Cimetière entrain de se déliter. Malheureusement pour eux, ils allaient apprendre que sur une île saturé de hérauts d'une nouvelle Ère, au beau milieu d'une apocalypse épico-dramatique, un jeu avec des figures aussi symbolique que Bière - Bourrin - Lopette - Termite - Clodo - Planche de bois ne resteraient pas longtemps que des métaphores d'illuminés...


            ***


            De la fumée s'élevait de trois tasses de thé rouges vives et bardées de piques que tenaient avec difficulté trois protagonistes assis à même le pont d'un bateau. Et l'un deux regardait "l'eau chaude aromatisée" avec un dégoût manifeste.

            « Z'êtes sûrs qu'il est out c'coup-ci ? Pas besoin de l'attacher ?
            - Ce qui doit arriver arrivera et tu ne peux rien y faire mon brave.
            - ...
            - Ouais, 'fin faut vraiment que j'aille récupérer les zigotos, le Cimetière est aussi bouillant qu'une vieille autoritaire - et j'en ai connu des particulièrement casse-bonbec' !  »


            Et j'm'inquiète pour les louv'teaux aussi...

            Faisant craquer tous ses membres pour se préparer à une nouvelle séance de bourre-pifs, les sacs qu'il avait pris posés, le Docteur essuya finalement un peu du sang qu'il avait sur lui. Son regard rasséréné et ses muscles tendus à nouveau. Ses marmots l'attendaient et il n'avait pas de temps à perdre. Il n'abandonnerait personne. Plus maintenant, plus jamais. Et alors qu'il allait courir pour les sauver, une main se posa pourtant sur son épaule.
            Et tandis qu'il se retournait pour voir le Charpentier, quelque chose l'arrêta chez lui.
            Les yeux perçants que lui lançaient Cheese Tray dans l'ombre de son chapeau.
            Les yeux d'un homme qui savait quelque chose qu'il ignorait.

            « Tu vas te perdre si tu y vas. Le Destin coule... et il n'y a aucun pansement capable de l'arrêter, Lochon. »

            Robb se demanda soudain pourquoi il avait tout de suite bien aimé le Charpentier.
            Pourquoi il avait pris le thé avec lui au milieu de l'apocalypse.
            Comment se faisait-il qu'un bateau aussi fou qu'eux trônait au Cimetière des Épaves.
            Les attendait.
            Et il se rendit compte.


            IL nous attendait.

            « Qui es-tu vraiment Cheese Tray ?

            Cheese lui sourit doucement.

            - Un Charpentier fou venant d'une famille de tarés... qui aime surveiller les fêlés du bocal tramant avec le Destin.

            Au milieu d'un incendie gargantuesque, au moment où les volutes de braise couraient et dévoraient encore le bois de ce bout d'monde perdu en mer, où beaucoup se battaient et tenter de survivre, deux voix s'étaient calmement levés pour murmurer sur la Volonté du Monde, comme si c'était tout ce qui comptait à la Fin.

            - Tu vas m'empêcher d'y aller ?
            - Non. Je vous ai aidé, tu te souviens ?
            - Oui, tu... nous a donnés un moyen de partir, tu-
            - "nous a donné un moyen de partir à l'aventure". Je crois au Destin. Je vous ai remarqué depuis longtemps, tu sais. De temps en temps, apparaissait de nouveaux noms qui causait du grabuge... des rookies prometteurs : un certain Rockfor Egry à Gamof Town... un étrange volatile à Endaur... un nain obsédé par une idée fixe... un prêcheur n'ayant pas payé sa taxe à la confrérie... et puis il y avait cette étrange fille qui poursuivait le dandy et ce type bizarre qui disait partout où il allait qu'il était le père de tout le monde... et puis, une chose en entrainant une autre, ils se sont rencontrés plusieurs fois, qu'ils s'en souviennent ou pas, que ce soit l'espace d'un jour ou d'un mois et ça a marché. ça a fini par tous les rassembler au même endroit, comme des aimants, comme des astres qui ne peuvent pas s'empêcher de s'attirer. Alors, j'me suis dit "WOW" ! Simplement wow. Et j'ai cru en vous. Ce monde est en perpétuel changement et j'ai pensé que les L.I.O.N renderait tout ça encore plus intéressant... et regarde ! Regarde tout ce que vous avez fait pour le Meilleur ou pour le Pire en l'espace d'une journée !


            Cheese balaya de ses bras la scène aux couleurs dansantes et aux mille feux vrombissants qu'était devenu le Cimetière. Le Docteur regarda à son tour, choqué par leur impact, fier aussi, galvanisé par une arrogance toute boucanière à laisser une empreinte au fer rouge sur le monde qui l'entourait.

            - Alors, pourquoi tu m'as dit que-
            - Tu ne devais pas y aller ? J'vous aime bien vous savez. J'suis un peu comme le fan numéro un de votre équipage... mais y a des épreuves... y a des trucs qui pardonnent pas. A personne.


            L'ombre de son chapeau tremblota en même temps que sa voix et le Montagnard accueillit cette marque d'intérêt avec un sourire un peu amère.

            - J'ai vécu pire.
            - Pas cette fois. Cette fois-ci, tu perds. Vous perdez tous. Et il n'y a rien que tu puisses y faire. Vous... serez juste pleins de regrets à la fin, blessés.
            - Comme j't'l'ai dit, j'ai vécu pire. Je dois y aller maintenant, mes enfants ont besoin de moi. 'Perdu assez de temps comme ça bwo ho ho.
            - Au revoir.
            - A la revoyure fiston ! Prends soin de tes favoris !
            - J'le ferais, j'le ferais... Papa. »


            Oui, il savait pourquoi il avait discuté avec Cheese comme il l'avait fait en se retournant. Il possédait une force que lui n'avait pas, une force captivante, comme un soleil.
            La Force des gens qui savent, la Force des Conquérants.

            Mais il y avait cinq autres Soleils qui l'attendaient. Alors Robb se détourna. Alors Robb courut. Plus vite qu'il ne l'avait jamais fait. Plus fort.
            Et Ronaldo Smallong, enfin éveillé, l'accompagnait dans son sillage.


            ***



            Maman était une sal- ce n'était pas maman. Elle ne le supportait jamais dans ses cho- Cela ne s'était pas passé comme ça. Lui, il voulait se marier avec Sue-Ellen-Mary-Geneviève et reprendre le ranch. Nan, elle elle lui disait que c'était que des con-C'était LUI qui avait dit ça. Et qu'elle le libérait C'était LUI qui avait dit ça !

            "Qu'il devait plutôt continuer les échecs, vivre sa vie, passer à autre chose" ? Va te faire foutre ! Maman LUI disait toujours des choses stupides quand IL brûlait des trucs. La menace ne marchait pas avec LUI.

            Il avait tenté de lui faire face, de lui balancer des contre-argumentups dans la gueule.
            Mais IL était trop fort.

            Et il avait désespéré.

            Derrière le Montagnard, courant à en perdre haleine, blessé, mais toujours fort, courait Ronaldo Smallong qui s'était enfin souvenu.

            Qu'est-ce qui l'avait amené au Cimetière des Epaves ? Une simple envie de dormir ? Non.

            Il s'en souvenait maintenant.

            Ses genoux s'étant écrasés dans la poussière en même temps que toute sa vie. Les cris de son village agonisant se faisant de plus en plus faibles au loin. Des colonnes noirâtres de fumée dévorant l'horizon et s'élançant vers le ciel.
            Le monde en rouge et noir.
            L'eau qui charriait les cadavres de ses amis.
            Les nuages pourpres.
            Le bétail mort, les hôtes morts, Sue-Ellen-Geneviève morte.
            L'odeur qui rappelait avec horreur le bacon.
            L'Enfer sur terre.
            Et LUI.

            Kings of Trash 515995pnj38

            LUI qui ne disait rien, qui n'avait même pas l'air content de son massacre.

            Les corps sans vie de ses parents dont il retirait son arme.

            LUI assis sur une caisse, brandissant sa pelle ensanglantée.

            LUI. L'Homme à la Pelle.
            LUI. Robb Lochon.


            L'ancien cow-boy accéléra.

            Il avait tenté de se battre. Avait perdu. Et il avait désespéré, son monde en mille morceaux autour de lui.
            L'odeur des ruines fumantes de son futur imprégnant sa peau pour ne plus le quitter.
            Et il avait désespéré.
            Erré pendant des jours.
            Ni mort, plus vivant.
            Assailli par la faim et sans plus rien à perdre, il s'était fait brigand.
            Il avait trouvé un pistolet.
            Et il l'avait pointé sur sa tête.

            ***
            Le groupe de "ceux-qu'on-avaient-presque-oublié-mais-qui-sont-là-quand-même" s'étaient enfin rapprochés de leurs objectifs, arrivant bien avant le groupe B. (Boboris et la Belette) et celui des charognards.

            L'équipage de Biach Clever s'était peu à peu placé dans les épaves prêts de leur chef, ricanant face à ce qu'il venait de faire, attendant l'instant propice pour en finir avec leurs ennemis.

            Le Disciple et les suiveurs du pyromane Grégacques avaient passé quant à eux un coup de fil et ils se félicitaient déjà d'avoir emmené la Sainte Souflette avec eux, sentant que l'incendie gigantesque ne devait pas se perdre. Voyant leur maître en danger, ils l'utilisèrent, balayant tous ses soucis en même temps. Lentement, alors qu'il s'éveillait à côté d'eux, ils exultèrent et leurs crânes rasés reflétèrent à l'unisson la lumière de la fournaise.

            Bientôt suivi le groupe des hyènes attiré par cette bonne odeur de morts en sursis qu'exhalaient tous les rois présents pour la Dernière Bataille, se préparant pour abattre et écraser.

            Et finalement, Boboris et la Belette apparurent, se séparant alors que l'un courait aider son Lord face à un Canard irrespectueux et l'autre bondissait de crêtes rouillées en arêtes de bois pourries pour voir celui dont la rotondité l'avait émerveillé.


            ***

            Des tessons de bouteille pouvaient renvoyer l'éclat de mille joyaux. Les vêtements élimés avaient le mérite d'avoir eu une belle vie et pleins de choses à raconter. Ne pas se laver, c'était un peu devenir libre ; avoir une couche de crasse, c'était ne jamais manquer d'une couverture. Si on arrivait à supporter l'odeur, on arrivait à supporter les gens. Et apprécier toujours le même ratafia ou la même vinasse depuis ses cinq piges, c'était le symbole d'un homme persévérant, quelque chose dont l'on pouvait s'enorgueillir auprès des copains.

            C'était au moins ça les préceptes des clodos.
            Mais souvent, même eux n'en pouvaient plus.
            Perdaient tout espoir, toute estime, toute lumière.

            Puis étaient arrivés deux élus. Ils avaient rallumés les vieux soleils qui trônaient dans leur cœur, ces vieux générateurs permettant d'alimenter leurs sourires troués.

            Alors les loqueteux allaient faire quelque chose pour eux en retour.
            Ce soir, alors que leurs terres brûlaient, les clochards allaient marcher pour eux dans la Dernière Bataille.

            Et redevenir les Princes du Cimetière.


            ***

            Robb courut à travers les flammes et la fumée.
            Robb courut malgré les pleurs des enfants.
            Robb courut en dépit des parents qui hurlaient.
            Accélérant, malgré les ordures brûlantes, malgré la fatigue, malgré les estafilades qui s'accumulaient.
            Le Cimetière s'effondrait tout autour de lui et chaque pas devenait plus dur, l'enfonçant peu à peu dans un mélange vicieux d'eau de mer, de vase et de gaz toxiques.
            L'eau ressemblait à des rubis noirâtres ;  la suie et la cendre commençait à recouvrir l'univers boisé comme de la neige corrompu.

            Et Robb courait, fermant les yeux, toussant, trébuchant, titubant pour eux.
            Ne voulant pas que ses erreurs reviennent l'assaillir.


            ***

            Ronaldo en était sûr maintenant.
            C'était LUI.
            L'Homme à la Pelle, c'était Robb Lochon.
            Et chaque paysage s'écroulant pour mourir lui rappelait son passé.
            Et chaque cri qu'IL balayait d'un revers de tête glacial, c'était une nouvelle preuve.


            Robb en était sûr maintenant.
            De ce qu'il avait cru entendre et ce qu'il avait fait accélérer tout à l'heure.
            Un coup de feu dans un enfer de flammes.
            Et chaque seconde, il voulait courir plus vite pour les sauver. Pour la sauver.
            Et chaque seconde, ses larmes séchaient avant d'avoir pu atteindre la fin de ses joues.

            Et loin, là bas, alors que le crépuscule de Rhyne arrivait et qu'il n'était pas là pour elle, les étoiles commencèrent à irradier le ciel... la nuit commençant à être bien avancée.

            Le feu l'encerclait. Le Hasard éclata de rire. Le Destin saignait.

            L'homme qui voulait devenir le meilleur père du monde face à face avec le fils qu'il avait tant meurtri.


            « J'ai pas l'temps. L'île va sombrer et ma famille m'attend. Je dois les sauver !
            - Pas d'échappatoires cette fois-ci Lochon. Je sais ce que tu as fait. Je m'en souviens à présent, je-
            - Ta gueule ! J'ai pas d'temps à perdre avec toi !
            - Tu ne sauveras personne. T'es pas l'genre à le faire hein ? T'es le genre de type à perdre tout ce qu'il a d'lui-même. Comme la vraie merde qu'il est.
            - Qu'est-ce que tu viens de dire ?!
            - J'étais là ! J'étais là et tu les as tués ! Tu les as tous tués... comme ça... pour rien. Je suis Ronaldo Smallong...
            - ...
            - Et je viens en finir. »

            ***


            C'est un malentendu. Tu m'confonds avec quelqu'un d'autre. Je n'ai jamais tué personne.

            C'est ce qu'il aurait voulu dire. Mais lui-même n'en était plus sûr.
            Il avait tué dans le passé.
            Il avait brisé tellement de serments.
            Et il ne lui restait que des regrets et ses rêves auxquels se raccrocher.

            Alors il ne dit rien à Ronaldo. Il pensa à Rhyne agonisante. Et lui, bloqué ici.



            Lentement son regard s'assombrit et la colère noircit son cœur.

            Kings of Trash 920501imageinrp28
            « JE DOIS PASSER ! »
            Sa pelle quitta son fourreau sous le regard qui se durcissait d'un Ronaldo mille fois plus dangereux qu'avant. Pour la première fois depuis longtemps, Robb Lochon leva sa pelle telle une épée, immortalisant ainsi ceux qui l'avaient précédé et lançant une promesse aux suivants. L'homme qui avait juré de ne jamais chercher à tuer et qui essayait tant bien que mal de tenir cette règle face au monde laissa place au guerrier qu'il avait toujours été.

            Au Montagnard qu'il avait toujours refusé d'être.

            Il rugit et même le feu se fit silencieux l'espace d'un instant.
            Brandissant son épée de toute sa hauteur, le vent secouant ses cheveux salis par le sang et la suie, ses yeux tremblants, furieux et au bord des larmes, Robb Lochon avança et Ronaldo recula.

            Devant lui se tenait un homme prêt à renier ses derniers principes pour sauver les siens.
            Alors Ronaldo douta, mais ne dit rien, offrant un regard de mépris et de juste colère aux yeux furieux du Guerrier.
            Il saisit une large poutre de bois qu'il brandit comme une lance.

            C'était trop tard. Le Destin s'écoulait déjà.  

            Et dans un fracas déchirant telle la foudre s'abattant sur un arbre, leurs épées se rencontrèrent.
               

            ***

            Assailli par la faim et sans plus rien à perdre, il s'était fait brigand.
            Il avait trouvé un pistolet.
            Et il l'avait pointé sur sa tête.
            Mais il n'avait pas pu appuyé sur la détente.
            Alors, exténué. Il avait dormi.
            Dormi sans s'arrêter.
            Espérant mourir.
            Mais restait en lui une étincelle qu'il ne comprenait pas.
            Un feu ardent qui ne le laissait pas dépérir.
            Tandis qu'éveillé, le cow-boy mourrait petit à petit.
            Petit à petit, endormi, son corps voulut survivre.
            Etrange lézard dont la queue repoussait.



            ***

            Ils s'élancèrent dans tous les coins du Cimetière, mû par la même gratitude et rien ne put les arrêter.
            Habillés de guenilles, sortant du sol ou de sous les épaves, surgissant des flammes et de la boue, les clochards du Cimetière fondirent sur  tous les ennemis des L.I.O.N avec comme armes des planches de bois.
            Et plus tard il en viendra toujours un pour vous raconter cet étrange évènement :
            tandis que la bataille faisait rage et que les flammes avides léchaient les combattants,
            vinrent deux chevaliers aux armures rouillées et aux sourires édentées, côte à côte, couverts de sang mais joyeux.
            Ce jour-là, sans perdre une once de leur sourire, mais perdant peu à peu leurs armures et leurs dents dans les combats et ce jusqu'à ce qu'ils meurent leur tapette à mouche à la main, ils tranchèrent plus de têtes que quiconque.
            Mais il est des combats qui ne terminent pas ainsi.
            Il est des combats où il n'y a nul gagnant.


            ***
              Johnny Cash~~Hurt (n'attendait pas que le chanson coïncide avec les paroles mises dans la suite, lisez, tout simplement)
               

            Peut être aurait-il pu le sauver dans une autre vie.

            Ronaldo esquive le coup vertical de Robb qui fend une proue de bateau en deux.

            Il n'aurait jamais pensé que la vieille blessure se remette à saigner.


            I hurt myself today...


            Le visage du Guerrier rougeoit un instant grâce au feu et Ronaldo peut voir l'expression de Robb.

            Le cow-boy envoit valser le Montagnard d'un coup de planche dans les côtes.

            Fais pas cette gueule putain. On dirait...


            To see if i'm still feel...


            Le Guerrier se relève et fauche son adversaire, bondissant sur lui pour lui octroyer le coup fatal.

            L'explosion de poussière que provoque la pelle de Robb quand elle fend le sol cache pendant un bref instant le coup dans l'estomac que vient de lui mettre Ronaldo.

            Il ne le vit reculer qu'un bref instant avant d'asséner plusieurs fois violemment son arme.


            I focus on the pain...


            Grognant et ahanant comme une bête, les bras puissants de Robb forcèrent pour faire fi de la boue et des débris, cueillant Ronaldo sur le côté.

            Roulant sur quelques mètres, le cow-boy se relève pour rapidement se protéger grâce à sa planche des projectiles de fortune que le Montagnard lui envoit.

            Progressivement, des trous apparurent dans son misérable bouclier, laissant à son oeil droit une fenêtre sur son ennemi.


            The only thing that's real.


            Il sauta encore de toute sa force et lentement, mais avec violence, il balait d'un revers l'arme de fortune de l'artiste martial et brise un poignet par la même occasion.

            Ronaldo roula encore pour éviter un nouveau coup, retira une autre planche du sol pour l'envoya voler sur lui.

            Inexorablement, le Montagnard avançait, détruisant toutes les planches qu'il lui envoyait. Ronaldo en cassa une qu'il prit dans ses deux mains, mordant ses lèvres pour contenir la douleur.


            The needle tears a hole...


            J'peux pas les laisser mourir bonhomme, même pour toi...

            La pelle s'abat et reste bloqué dans le bois, tandis que l'autre vient percer son flanc.

            Arrête. T'as pas le droit d'avoir c'te gueule. T'as pas le droit de m'attaquer comme ça !


            A hole from million stings...



            Le sang de Robb se répand sur le sol et sur les deux combattants.

            Les Guerriers se séparent avec fracas, récupérant leurs souffles un instant avant de s'élancer à nouveau.

            « ARRÊTE CA ! C'EST UN COMBAT A MORT PUTAIN !»


            Try to kill it all away...


            J'sais bien... j'peux pas les laisser mourir... mais toi... mais toi aussi t'es l'un de mes fils ! On s'est battus et alors ?

            Kings of Trash 115151imageinrp29
            « Moi, j'ai rien contre toi ! »

            Je sais. Je sais, mais c'est trop tard. Bats-toi bordel. BATS-TOI ! S'il te plaît !
            Et Ronaldo frappe.


            But i remember everything !


            T'as raison. C'est trop tard...
            Et Robb frappe.

            Le dos de la pelle explose la pomette et déchire la lèvre de Ronaldo dans le même mouvement, tandis que s'enfonce dans l'épaule et le torse de Robb des ersatz  du Cimetière.

            Les deux reculent une nouvelle fois, mais ne s'arrêtent pas cette fois-ci, laissant tomber leurs armes pour leurs poings.


            What have i become... my sweetest friend ?


            Robb Lochon se souvient de ce qu'il était censé incarner. Un médecin. Un Docteur. Un homme qui soigne les autres, qui les sauve. Et son poing trouve le visage de Ronaldo.

            Le Lézard regrette ces années gâchées. Regrette cet affrontement et tous les autres. Il aurait dû être assez courageux. Pour tirer. Et son poing trouve le visage de Robb.

            Et pendant qu'un des L.I.O.N lutte et cherche à retrouver son honneur, un autre se demande quand il a tourné le dos au sien...


            Everyone i know goes away in the end...


            Le cowboy donne un autre coup de poing, mais le Montagnard ramène sa puissante tête pour un coup de boule.

            La sueur, le sang et la suie se mêlent ; les coups pleuvent.

            Et lorsqu'ils se souviennent tous les deux des gens qu'ils ont perdus, leurs coups redoublent, deviennent une ultime fois plus forts, finissent par éclater comme le tonnerre.
            Sarza et des dizaines d'autres.

            Le village entier.

            Tous attendent.


            And you could have it all ! My empire of dirt...


            Ils se repoussent l'un l'autre et reprennent leurs armes.

            Leur combat a figé le temps. Les flammes ondulent lentement. Et comme si le monde était au ralenti, ils marchent l'un vers l'autre doucement, les cendres dansant sur leur peau, leur sang ruisselant dans un égoutement qui n'atteint jamais vraiment le sol.

            Et ils chargent. Une dernière fois.

            I will let you down. I will make you hurt.

            Leur dernière rencontre brise le sol et souffle le feu, fend la pierre et éloigne la poussière.


            Tout tombe. Ronaldo tombe.

            La pelle du guerrier ressort d'entre les omoplates du narcoleptique en une gerbe de sang.

            Le Cow-boy sourit, enfin satisfait, tandis que le Père l'étreint en lui criant quelque chose qu'il n'entendra jamais.

            Ses yeux se voilent lentement et son dernier regard se tourne vers les étoiles.

            Sue-Ellen-Geneviève aimait les étoiles.

            Une larme roule et fait un trou dans la vase.

            Il voit les visages de ceux qui ne sont plus et murmure un mot dont ne parlera pas le Docteur.

            Et finalement, Ronaldo Smallong s'endort pour la dernière fois.

            I wear these crown of thorns... Upon my liar's chair. Fulls of broken thoughts... I cannot repair.

            Le Papa le serre contre son coeur, puis laisse son corps embrasser le feu.
            Observant la peau disparaître au profit des os qui se noircissent.
            J'avais juré.
            Sa trahison l'écoeure et il plonge le fer de sa pelle dans le même brasier qui purge Ronaldo.

            Beneath the stances of time... The feeling disappear. You are someone else... I am still right here.

            Et il se souvient de ce qu'elle incarnait pour lui. La pelle de son père. Un héritage. Une promesse.

            Il n'en est plus digne. Non... il ne l'a jamais vraiment été ?

            What have i become... my sweetest friend ?

            Le Montagnard desserre la main et part. La pelle brûle dans la dernière demeure du jeune champion d'échecs. Part sans se retourner.
            Regardant ses mains ensanglantés. Des mains qu'il a déjà vu autrefois. Ceux d'un homme qui ne peut rien protéger.

            Everyone i know goes away in the end...

            Et il  court à nouveau, espérant que les L.I.O.N l'attendent, espérant que Rockfor a pu sauver Rhyne, espérant qu'ils n'ont pas besoin de lui. Ne voulant pas qu'une autre soeur meurt sans qu'il n'ait rien pu faire.

            And you could have it all !

            Des gouttes tombent sur le champ de bataille.

            My empire of dirt !

            Robb traverse un océan de blessés, de survivants heureux, de morts aussi. Des gens qu'ils n'aident pas. Des gens qu'ils ne voient pas.

            I will let you down.

            Un bref instant, il pleure de joie en voyant que la petite fille qu'il a secouru tout à l'heure a réussi à retrouver ses parents qui s'embrassent.

            Il ne le sait pas, mais elle deviendra Mamie Epave et se souviendra toujours de lui. D'eux.

            I will make you hurt.

            Les clochards survivants le saluent de bon coeur, le hélant de revenir faire la fête avec eux.[/right]

            If i could start again...

            Au loin, il distingue le bateau, leur fierté, mais personne d'autre.
            Le bateau qui bouge.
            Le feu !
            NON !
            L'eau.
            NON, NON !
            La pluie.
            ELLE EST PAS MORTE...
            Il trébuche, mais continue et saute.
            POUR RIEN !
            Glisse, mais continue et grimpe à bord.

            A million miles away !

            Sortant l'ancre-soleil qui trace un sillon sur le sol avant de s'accrocher. Mais le bateau a seulement ralenti.

            I will keep myself.

            Alors Robb saute devant lui. Ses pieds s'enfonçent et ses bras poussent. Et le bateau s'arrête, comme s'il avait une volonté propre. Entre le LION de bois et celui de chair, qui des deux est le plus triste ?

            I would fine... a way.

            « Quelqu'un est mort hein ? Quelqu'un est vraiment mort... je suis désolé. Je suis si-»
            Kings of Trash 175392dessinrobblasouris2

            Sa voix s'étrangle.
            Robb guérira... la tristesse finira par s'étioler elle aussi. Mais il n'oubliera pas.
            Il n'oubliera pas Rhyne.
            Il n'oubliera pas Ronaldo.
            Et il n'oubliera pas cette journée.
            Il hurle.
            Dans des ordures, deux hommes se regardent. Se disent au revoir. Et Cheese Tray part seul de son côté, un sourire triste sur les lèvres.


            ***

            Et alors tout commença. L'horloge de l'histoire s'était déjà mis à carillonner il y a peu. Mais cette fois-ci, ce fut la grande roue du destin qui se mit en branle. Ce jour était celui où les L.I.O.N's hurleraient qu'ils existaient à la face du monde. Celui où tout débutait. Le vent filait, les flammes grandissaient. Là au loin, si proche les voilà qui venaient : le Destin et ses fils. Parfois, des choses bizarres se produisaient sur ces mers étranges. Parfois, des êtres hors du commun émergeaient des fanges. Mais, toujours, montraient le chemin. Tout allait se mêlait en une fois. Et une ère nouvelle allait poindre du Chaos...

            Cheese repensa aux actions d'aujourd'hui et aux rôles de son ami et lui pour influencer le Destin, en se grattant la tête. Puis son attention se porta ailleurs.

            Le sais-tu ? L'Univers commença avec un BAM. Ce sont les Dieux qui se cognèrent en dansant.

            Cheese Tray regarda Ulysse-René qui disparut dans la mer de déchets, puis offrit un dernier regard à Robb Lochon et aux autres L.I.O.N, un grand sourire sur le visage.

            Connaissant leur peine, mais voyant plus loin. Voyant malgré les brumes du désespoir, un avenir radieux pour eux.

            Cette perte les rendra forts.

            Plus forts que n'importe qui.

            Et un jour, Robb ouvrira la lettre qu'il a laissé pour eux prêt d'une bouilloire et il la lira avec les autres L.I.O.N, elle est pour tout le monde après tout.


            AUX ODACIEUX NOUVEAUX,

            Le Monde est quelque chose de si grand, de si merveilleux et de si foutrement incompréhensible qu'on a l'habitude de le penser comme une chose semblable à nous. On le voit comme une grande sphère hermétique qui contient tout ce que nous connaissons et on lui prête nos humeurs, nos pensées. Le monde serait alors enfaite nous. Heureux, il serait empli d'un espoir plus rayonnant que le soleil et triste, il deviendrait gris, terne et froid. Mais vient un moment où l'on se rend compte que le monde n'est pas un miroir de nos âmes, mais une fenêtre. Nous le façonnons, nous l'influençons, mais il reste toujours immuable. Même lorsqu'il s'effondre autour de nous. Pour certains, il est vu comme un imbroglio de liens, s’entrecroisant et s'interpénétrant, changeant et mouvant sans cesse. D'autres le voient plus comme un quartier d'immeubles dans un flipper, où les mondes propres -édifices persistants et solides, avec toujours une bande de charpentiers caféinomanes et surentrainés pour les modifier à loisir- et le Monde -à l'évolution jamais stagnante, mais beaucoup plus subtile- s'entrechoquent pour le meilleur ou pour le pire. Moi, je le vois un peu comme une marmelade faites de prunes qu'on aurait beurré sur le dos d'un chat épilé, juste parce qu'on s'ennuyait. Ou un plateau de fromages à la table de mangoustes divines. Ou un hologramme persistant oublié là par une race de méca-moustaches parlantes et évoluées. Ou bien un maelström de toutes les choses qui s'y régissent... la Mort, le Temps, le Destin, la Fortune, l'Amour, la Vie... ou bien l'Univers c'est peut être tout ça à la fois ou rien qu'un songe. Notre Monde, notre si petit monde, ce serait alors juste une chenille rêvant d'être un papillon ; un homme rêvant d'une femme ; et un enfant rêvant du monde.
            Ou bien...
            Ou bien !
            Ou bien.


            Cheese Tray rejoignit la barque avec laquelle il était venu ici il y a temps d'années, les attendant, avec ce même sourire étrange de ceux qui savent.

            Ne laissez pas le chagrin vous obscurcir l'esprit... allez de l'avant. Toujours plus loin. Que vos noms finissent par résonner jusqu'à elle.

            Lentement, le Charpentier Fou réajusta son t-shirt de mangouste, prit les rames et commença à partir de l'île. Une dernière chose à faire avant, pourtant.


            Il fit un dernier signe de main à son bateau. Veille bien sur eux, Cheese Tray.


            Ou bien cette simple mort va embraser le monde d'une lueur nouvelle... le rendre plus intéressant... et créer une nouvelle définition ! Je vous fais confiance. J'ai foi en vous. J'ai hâte d'y être GOUDADADADADADA !

            La maison est derrière, le monde est devant !

            VOTRE AMI,

            CHEESE TRAY, CHARPENTIER QUI CREA THE CHEESE TRAY.


            Spoiler:


            Dernière édition par Robb Lochon le Lun 5 Aoû 2019 - 3:18, édité 1 fois
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            Le paradis a toujours été, est, et restera un concept. On ne sait vraiment son origine, ni s'il peut être prouvé. Seulement, il est de ces concepts que chaque être humain a un jour songé et travaillé, bien doucettement dans un coin de sa tête. Chacun à sa propre vision de la chose. Lieu de finalité et de repos pour les uns, de plénitude pour les autres. Lieu de tous les désirs pour les derniers. Bien qu'il n'y croyait qu'à moitié, Rockfor était de ceux qui désiraient atteindre vivant leur paradis. Comme si celui-ci était l'objectif absolu de la vie. Parce qu'il ne voulait pas que ce soit un lieu de secours, l'homme en blanc s'était mis en tête de forger un monde semblable au jardin d’Éden dans lequel il serait le seul Dieu. Un monde qui ne dépende que de son bon vouloir. Aussi, lorsqu'Ovalie Rhyne, la poitrine ensanglantée crachota du sang sur son costume immaculé, Rockfor éprouva un sentiment d'impuissance qu'il n'avait jamais ressenti jusque là. Celui de l'échec. Et parce qu'il sut que rien ne pourrait sauver sa sujette, le roi se mit à espérer que dans le fameux paradis où il retrouverait celle-ci, rien ni personne n'était autorisé à lui arracher la moindre de ses possessions.

            "On dirait... que j'arriverai pas à te tuer, finalement."
            "On dirait bien, ouais."
            "Bof... il y aura bien quelqu'un... pour régler ton cas."
            "Entre nous, ça m'étonnerait. Y a qu'à toi que j'avais plus ou moins donné l'autorisation."
            "Ahin... Crétin de roi."
            "..."
            "Débrouille-toi pour me venger, au moins."


            Le roi blanc esquissa un sourire triste.

            "J'ai une bien meilleure idée que ça mademoiselle."

            Alors pour épargnez à sa sujette trop d'effort pour parler correctement et garder sa fierté intacte, Rockfor l'empêcha de répondre en la soulevant. Puis, Rhyne aux bras, il marcha droit vers l'intérieur du cimetière d'épaves en flammes. Droit vers Biach Clever. Et droit vers les LION's.


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            Un canard volait tranquillement au dessus du cimetière d'épaves, tentant à ses peines de fuir les flammes qui avaient déjà englouti le Lord Pingouin avec qui il se frittait encore quelques minutes plus tôt. Vagabondant au dessus des bois morts et des fumées cendreuses, il ne cherchait finalement qu'un simple endroit où atterrir. Et dans son esprit , le seul endroit décent où il daignerait poser les pattes désormais, c'était le fameux Cheese Tray que Papa Pelle avait chevauché à travers l'ensemble des landes de bois. Aussi, son cerveau, dans son manque habituel de contenu, ignora rapidement Rockfor et la demoiselle qu'il portait lorsqu'il fit siffler le vent au-dessus d'eux. Puis il eu cette étrange sensation d'avoir cru apercevoir quelque chose qui cloche. Et c'est luttant contre sa propre logique de canard qu'Un canard virevolta en arrière afin de repartir en contre-sens et se poser sur le chapeau du roi blanc.

            "Couac'elle a la poulette ?"
            "... oh. Salut Can...ard !"

            Canard fit marcher ses ailes un court instant afin de descendre sur la jeune femme. Il eu l'instinct malin de se poser sur les jambes de la blessée mais frémit en même temps que celle-ci quand ses pattes tâtèrent le bas du ventre de Rhyne. Il s'arrêta net, soudain pris de peur, et huma les vêtements de sa compagnonne de route. L'odeur qui vint à son museau lui était beaucoup trop familière pour qu'elle le laisse indifférent. Cette triste odeur de la bête qu'on a abattu. De la bête qui souffre. Le palmipède regarda Rockfor et constata son regard furieux tandis que ce dernier continuait d'avancer. Alors Canard vola délicatement vers la tête de Rhyne et frotta son crâne tendrement contre la joue de la demoiselle qui lâcha un soupir, douloureux, mais amusé. Puis il revint se poser sur le chapeau du roi blanc et regarda droit devant lui, yeux révulsés.

            Un Canard est un fermier. Et on touche pas aux bêtes d'un fermier. Sinon il vous pète la gueule.

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            "JE DIS NON, NON ET NON. Ce n'est PAS possible. On a pas idée de concevoir physiquement une PUTAIN DE SOUFFLETTE capable d'envoyer paître un PACHYDERME à l'autre bout d'un con de cimetière de bois QUI CRAME. C'est encore plus fictif que séparer son ventre du reste de son corps, bordel. F-I-C-T-I-F !"

            Munster Funduslip beuglait déjà des caisses depuis un certain temps dans le cimetière à propos de la soufflette géante de Flamme-Illustre. Même s'il collait un peu de mauvaise foi quant à la réalité de la chose, le gros lard avait été effectivement éjecté à l'autre bout du patelin sur un seul bon coup de vent dû à l'étrange appareil du moine. Et c'était pas spécialement pour lui plaire. Aussi, il avançait d'un pas décidé afin de rejoindre son ennemi du jour quand il aperçut les ailes d'un canard battre au-dessus de lui. Il lâcha un sourire amusé à l'idée que la palmipède était l'individu le plus primé de leur groupe, sans toutefois s'en plaindre, mais ne porta réelle attention à sa trajectoire que lorsqu'il le vit piquer droit vers un haut de forme blanc et irritant, rappelant foutrement celui de cet attire-merde de Rockfor. Soudain curieux, il se dirigea vers les deux membres de son groupe en se disant très justement que l'autre crétin flambé attendrait bien dix minutes de plus. Puis bon, y a pas à dire, faire chier les deux pécores les moins supportables de la bicoque de timbrés qu'il traînait, ça n'avait pas de prix.

            "HE VOUS DEUX, LA-BAS ! Croyez pas que vous pouvez comploter tranquillement sans qu'on s'en rende compte ! De toute façon, l'auteur le permettrait pas, c'est pas productif, à part si vous prévoyez une trahison qui..."
            "VA T'IL DON' Y FERMER SON GUEULE ? V'là t'y pas qu'y a un mouflet qui nous a déplumé la cocotte."

            Et Munster déchanta. Les mots d'un canard qui résonnaient une dizaine de mètres devant lui l'avaient scié sur place, tandis qu'il apercevait le corps sanglant de Rhyne dans les bras de l'homme en blanc qui s'avançait vers lui. Il eut un temps d'incompréhension durant lequel il fixait l'air contrit de la belle qui tentait de rester digne alors qu'elle savait pertinemment que sa blessure ne se refermerait pas. Un goguenard aurait même pu dire qu'il en avait perdu sa mâchoire puisque c'était effectivement le cas. Mais le regard déterminé de Rockfor le rappela à l'ordre et c'est, ramassant le bas de son visage qu'il avait laissé tombé, empli d'une sensation qu'il ne connaissait pas réellement qu'il vint se placer à la gauche de son compagnon de route. Dignement, il enleva son chapeau et avec celui-ci vint essuyer des yeux qu'il croyait jusqu'alors être beaucoup trop secs pour témoigner d'une quelconque émotion avant de déclamer un fait simple mais qu'il n'avait alors jamais soupçonné.

            "Ça a beau être fictif... ça fait quand même vachement mal au cul."

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            Brih fuyait le feu qui se répandait aussi vite que lui permettaient ses cannes. Il sentait les morceaux de métal, vaillants résistants de son duel avec Blizzard, fondre dans le creux de sa barbe tandis que dans son dos, sa tignasse roussissait à vue d'oeil pour celui qui s'y pencherait un peu. Marmonnant dans sa forte moustache qu'il aurait été bien plus rapide de se faire lancer, et sûrement plus sur au passage, il regrettait désormais d'avoir complètement désossé le bras mécanique de l'autre crétin sans quoi il aurait déjà largement pu rejoindre le bâtiment marin sur lequel Robb avait, sans la moindre discrétion, traversé les bois et les fers qui jonchaient le sol du cimetière. Déçu d'avoir peut-être mis trop d'enthousiasme au combat, perdu dans ses pensées, il heurta de plein fouet une sorte de clown aux joues déchirées qui courait dans la direction opposée à la sienne.

            "WHO ! Fais gaffe où tu cours, nabot ! Le grand Biach Clever n'a pas que ça à faire !"
            "T'avais qu'à regarder devant toi ! Puis si t'es pas content, t'as qu'à me lancer !"


            Biach Clever cracha aux pieds de Brih avant de saisir ce dernier pour le lancer deux tristes mètres plus loin. Désappointé par ce manque cruel de puissance, le nain hurla à la tapette quelques minutes avant de ramasser les quelques frusques qu'il avait laissé tomber dans l'affaire. Il trouva avec celles-ci un revolver remarquablement vide qui le laissa perplexe quant au bonhomme qui venait de s'échapper. Puis sans se poser plus de questions, il se retourna et fila à nouveau tête baissée, droit vers l'étrangeté qui servirait de bateau aux LION's, pressé d'enfin sortir de cet amas de carcasses de navires. Aussi, lorsqu'il percuta un nouvel amas de chair au bout de quelques courtes secondes de course, il râla ostensiblement après ce nouvel obstacle. Celui-ci s'avérant être Fonduslip, ventre de son état, Brih se radoucit un peu à l'idée qu'au moins, on pouvait rebondir sur cette entrave. Ce n'est qu'en voyant le propriétaire du dit bidon, à savoir Munster et son air passablement agacé, puis l'état critique de la demoiselle que portait un autre larron habillé de blanc que le nain se rendit compte de la situation. Se rangeant à son tour aux côtés de Rockfor et du reste de ses compagnons, le bonhomme en colère arqua le regard vers l'arme qu'il avait ramassé quelques secondes plus tôt puis pointa la direction dans laquelle venait de fuir le premier des hommes qu'il avait percuté.

            "J'me disais aussi. Un si mauvais lanceur. Pouvait bien être que la pire des putes."

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            "QU'EST-CE QU'ELLE A ?"
            "Elle meurt."
            "SAUVE-LA !"
            "Je n'peux pas."
            "POURQUOI ?"
            "J'suis pas médecin."
            "EH RHYNE, MEURS PAS."
            "J'en ai... pas l'envie mais... j'crois que c'est compro..."
            "C'EST NUL SI TU MEURS."
            "On peut rien y faire, Ging. Elle meurt, c'est tout."
            "JE SUIS TRISTE."
            "Je sais."
            "MEGA-TRISTE !"
            "Je sais."


            Le capitaine des LION's ne parvint pas tout à fait à retenir ses larmes. Empli de tristesse, il chercha le regard de son navigateur mais ne le trouva pas, caché sous son chapeau. Il regarda l'air fou de détresse de son canard, la colère de son nain. Même son gros bonhomme avait l'air déstabilisé. Comme si pour la première fois, il ne comprenait pas. Il cherchait son Papa, mais ne le trouva pas. Alors ses yeux revinrent à Rhyne. A son corps rougi par sa plaie, à sa toux ensanglantée. Il pensa l'espace d'un instant lui tapoter la tête, comme il avait l'habitude de faire. Mais il ne pouvait pas. Il ne pouvait plus. Ging "BAM" Dong pleura. Douloureusement.

            "C'EST NUL."
            "..."
            "DIS QUELQUE CHOSE."
            "... je sais."


            ___________________________

            Rhyne presque inconsciente posée sur un matelas qui traînait là, cinq hommes autour d'elle, regardait aussi droit qu'elle le pouvait dans les yeux du clown face à eux. Il ne pouvait plus fuir et il ne fuirait pas. Il savait qu'il devait payer son dû. Derrière lui, des flammes. Sur ses côtés, des flammes. Seuls lui apparaissaient les LION's comme sortie. Une centaine de mètres plus loin, un bateau transperça les débris. Il était étrange ce bateau, mais beau quelque part. Il était d'une dignité rare. En pleurs, déjà, le Robb Lochon qui en sortit allait à l'opposé de cette dignité. Et pourtant. Courant vers les siens, persuadé de ne pas arriver à temps, le médecin transpirait la détresse. La souffrance. Derrière ses compagnons, déjà alignés face au clown, le papa du groupe s'agenouilla près de Rhyne en larmes. Tête dans les bras, face au corps meurtri de la belle, il pleurait, hurlait à la mort. Et pourtant.


            "Ne m'enterre pas encore."
            "Je... Mais je ne peux rien faire pour... pour toi, je suis... désolé..."
            "Juste. Ne... m'enterre pas encore."

            Robb resta coi face à la volonté de celle qu'il voyait comme sa fille. Il tourna les yeux vers ses compagnons. Alignés sobrement. Un vide entre le roi et le capitaine laissait au médecin toutes les instructions dont il avait besoin. Comprenant la volonté de son groupe, comprenant la volonté de Rhyne, il attrapa l'un des deux sabres de la belle et vint se placer entre ses deux camarades. Il fit tourner rapidement l'arme dans sa main, puis fixa droit devant lui le clown qui faisait face aux LION's.

            "Désolé du retard."

            Kings of Trash Mxg2


            Sans se poser davantage de questions, le médecin fila droit en direction de Biach Clever qui l'attendait de pied ferme. Le clown sentait le combat venir depuis un certain temps déjà. Il ne pensait pas que le nouveau venu attaquerait le premier, mais il supposait à juste titre que le sabre de sa victime faisait office de symbole. Pour la vengeance. Pour la rage de venir à bout de celui qui séparait les compagnons. Dégainant sa rapière de son fourreau, le capitaine sadique frappa directement la lame qui lui arrivait dessus. Faussement surpris par la riposte du clown, Robb lâcha la lame qui se retrouva éjectée en arrière puis sauta sur le côté. Biach ne sut vraiment comment esquiver l'assaut du canard qui, jusqu'alors caché par le corps du médecin venait d'attraper le sabre en vol pour infliger une lourde blessure au torse de l'ennemi commun.

            L'homme lâcha un râle de douleur et recula d'un pas. Alors que l'animal s'apprêtait à renvoyer un nouveau coup de sabre, le clown parvint à envoyer son pied droit dans le bec du palmipède qui fut envoyé en arrière par l'occasion. Mais alors qu'il comptait poursuivre sa riposte, Biach aperçut le grand capitaine attraper les pieds de son nain et l'envoyer droit en sa direction. Brih capta le sabre en cours de route et continuait de fuser droit, en position d'estoc, vers le clown qui parvint juste à temps à esquiver le coup qui lui aurait été fatal. Afin d'éviter un assaut venant de derrière, le sadique ramassa sa rapière tombée à l'occasion de sa blessure et dégaina par la même occasion l'un des nombreux revolvers traînants à sa ceinture, puis fonça droit vers les trois ennemis qui n'avaient pas encore bougé. Ou plutôt les deux et demi. Il constata en effet avec effroi que seul le ventre du prêtre était resté sur place. Mais il n'eut réellement le temps de se demander pourquoi puisque le poing massif du capitaine vint rencontrer sa course. Agile, le pirate esquiva en bondissant au dessus du bras de Ging. Il ne trouva en l'air que Rockfor qui venait de se servir du ventre Fonduslip pour se hisser à la hauteur du clown. Et c'est avec horreur qu'il le vit attraper le sabre que lui avait judicieusement lancé le reste du prêtre, parti récupérer l'arme et Brih quelques secondes plus tôt, déjà. Et alors que la lame le pourfendait une deuxième fois, il cria.

            Le clown se rattrapa au sol aussi bien qu'il le put après s'être fait taillader deux fois le buste. Les LION's derrière lui, il tituba pour avancer encore un peu. Puis à quelques mètres du matelas où se tenait la belle, il tomba à genoux. Et se retourna face à ses adversaires du jour, gémissant, apeuré. Le regard lâche. Et tandis que les six hommes revinrent face à lui, dans une ligne à nouveau formée, Biach Clever se dit qu'au moins une fois dans sa vie, il fit face. Qu'il mourrait en voyait ses assassins. Qu'il garderait ce peu de dignité là. Cette courte fierté qui faisait de lui un homme ayant trahi à tours de bras sans jamais subir le moindre coup bas. Rockfor s'avança et lui attrapa le menton, prenant l'air le plus empli de pitié que le clown n'avait vu dans sa vie.

            "Il ne faut jamais s'attaquer à des lions."

            Le roi blanc lâcha le visage et cracha aux chausses du brigand blessé.

            "Lorsqu'on s'attaque à leur meute, les lions hurlent à la vengeance avant d'hurler à la mort."

            Rockfor se recula de quelques pas pour rejoindre ses 5 compagnons.

            "Mais au moment de protéger la horde ou de crier vengeance, plus que tous les autres, l'animal le plus féroce de la meute, ce n'est pas le lion."

            Biach Clever sentit pénétrer l'autre lame d'Ovalie Rhyne au travers de son torse. Un air d'incompréhension traversa ses yeux tandis qu'il se retournait pour apercevoir d'un œil déjà fuyant la demoiselle mourante qui s'était avancée jusqu'à lui pour assouvir elle-même sa vengeance.

            "C'est la lionne."

            Et tandis qu'il réalisait que son assassin venait bien de derrière finalement, le clown cruel tomba en avant. Incapable de survivre. Incapable de rivaliser de volonté avec cette femme qui avait survécu tout le long d'un cimetière de flammes pour venir elle-même en finir avec l'homme qui l'avait empêché de vivre plus longtemps.

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            "Le bateau... vaut le coup?"
            "Oui fistonne ! Bien sur qu'il vaut le coup ! Bien.. bien sur qu'il..."
            "Alors allez le sauver... des flammes ! ... bande de... cons !"
            "Mais... !"
            "On laisse pas la poulette s'vider d'son sang, ça fait tourner la viande !"
            "Robb... tu m'as toujours paru malsain et... canard... je ne sais pas vraiment comment je te vois... Mais sauvez ce bateau. Pour moi."
            "... Ouais, on va aller le sauver alors. Il a beau être fictif, hein."
            "Ahin... merci Munster. J't'aimais bien. T'es l'meilleur des six. Alors... merci."
            "Pas de problèmes, mam'selle. J'te dois bien ça."

            Le gros Fonduslip essuya les quelques larmes qu'il tentait de dissimuler depuis quelques minutes déjà. A sa satisfaction, heureusement, Robb ne retenait pas les siennes, faisant passer le chagrin du gros lard comme assez discret. Le canard semblait être rentré dans un état second. Il ne disait plus mot, ne bougeait plus. Il se contentait de fixer le corps bientôt éteint de Rhyne, le regard vide. Le prêtre remit son chapeau et se releva, attrapant par le col un médecin plus trempé de larmes que la demoiselle de son sang, et l'animal qui ne contesta même pas. Comprenant la volonté de la belle de ne pas vouloir de deux trop gentils gonzes à pleurer sur son sort. Il jeta un regard triste aux trois autres compères qui restaient là et posa une dernière fois les yeux sur la vie de la demoiselle. Puis il tourna les épaules et se dirigea droit vers le Cheese Tray, bientôt en proie des flammes.

            Rhyne regarda les trois individus qui se tenaient encore à son chevet avant de toussoter une dernière fois.

            "Qu'est-ce que vous foutez encore là... hein?"
            "BAH C'EST FACILE."
            "Oui. Même moi je le sais."
            "Notre rôle est de regarder tes derniers instants."

            Rhyne ricana une dernière fois en constatant la niaiserie de ses compagnons. Elle lança un coup d’œil triste en direction de Brih. Qui exprimait le regret profond de ne pas partir avec eux. Elle dirigea ensuite ses yeux en direction de son capitaine. Il n'en fallait pas plus pour exprimer tout ce qu'elle avait à lui dire. Et c'est en direction de Rockfor qu'elle posa son dernier regard. En direction de cet homme qu'elle avait toujours haï que sa vue se flouta pour la toute dernière fois. A lui qu'étaient destinés ses derniers mots.

            "Je t'attends sur les rives de l'enfer."

            Et alors qu'elle soupirait son dernier souffle, à Rockfor de se dire qu'à la réflexion, le paradis ne suffit pas.




            Dernière édition par Rockfor Egry le Mar 22 Avr 2014 - 2:29, édité 2 fois
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            La nuit venait de tomber à jamais sur le cimetière d'épaves. Seul les flammes rugissantes de la ville éclairaient encore et leur danse envoûtante se reflétaient sur les visages de chacun. Puis Rhyne Ovalie ferma les yeux pour la dernière fois, mais le brasier redoubla d'intensité et continua de brûler dans les pupilles des six.


            A jamais.


            [9 minutes plus tôt]


            Cengel lécha ses doigt et éteignit la flammèche qui lui dévorait le sourcil. Il avait le sourire du vainqueur. Il avait le sourire triomphal du lion s'apprêtant à dévorer sa proie. Il avait le sourire de Ging. Le Lion -le seul, le vrai- avait, lui, tout le mal du monde à tenir debout. Si sa volonté était sans faille, ce n'était plus le cas de ses jambes tremblantes et qui annonçaient très clairement que si leur chef opérateur continuait à leur faire faire des heures supplémentaires, elles allaient très sérieusement envisager de faire revoir leur contrat. Le capitaine avança la jambe d'une précaution extrême, posa délicatement la pointe sur le sol et s'écroula.


            La nuit venait de commencer à tomber.



            [8 minutes plus tôt]


            Quelque chose réveilla Ging. Étrangement ce n'était pas le vacarme que faisait la descente du Cheese Tray le long de l'île. Pas plus que le tambourinement des pas de Cengel se rapprochant, inéluctables et fatidiques. Ce fut quelque chose d'autrement plus doux. D'autrement plus fort. Une caresse dans le bas du dos, un frôlement qui le démangeait de plus en plus. D'une lenteur infinie ses doigts vinrent s'en saisir et il n'eut même pas besoin de la ramener devant ses yeux pour savoir ce que c'était.

            Ce n'était pas simplement une plume perdue d'un canard qui s'était envolé. C'était le rappel qu'il lui fallait. C'était la raison pour laquelle il allait se relever.



            [7 minutes plus tôt]


            Au prix des genoux suppliant, Ging parvint à se redresser. Sa respiration haletante crachait des volutes de buée blanche dans la nuit alors qu'un filin de sang coulait de son crâne. Le Lion d'habitude droit et fier était maintenant vouté et bancal. Pourtant il ramena ses poings devant lui et se mit en garde. Ses phalanges crissaient sous la contraction qu'il leur imposait et une douleur vive le tenaillait jusque dans ses entrailles. Mais s'il arrêtait de serrer les poings pour un instant, s'il se surprenait juste à y penser, il ne pourrait plus les refermer et tout serait perdu.


            Heureusement, Ging n'était pas homme à penser.



            [6 minutes plus tôt]


            A défaut d'avoir été pourvu de pitié, de compassion ou même de sympathie, Cengel avait de l'instinct et le brin de jugeote qui allait bien avec. Il restait à peu près sûr qu'il ne restait même plus à Ging la force de s'écrouler. Mais c'est ce qui lui faisait peur. Il connaissait sur le bout des doigts ce genre d'olibrius. Ceux qui ne connaissent jamais la défaite mais d'un coup la mort. Cengel scrutait le regard de son adversaire, un sourire mauvais masquant ses pensées, et il le reconnut parfaitement. La lueur qui faisait encore tenir ses paupières n'était pas le baroud d'honneur d'un animal prêt à mourir. Ce n'était même pas la fierté d'un roi.


            Mais celle d'un capitaine qui attend son heure.


            [5 minutes plus tôt]


            Quand Cengel lui décocha une nouvelle pierre qui l'entailla le long de la tempe, Ging comprit que ses chances venaient de s'envoler. Son seul espoir reposait sur une ouverture de son opposant. Un bref instant entre deux coups où il aurait pu décocher le sien. Cela aurait peut être suffit. Probablement pas mais il n'y avait rien d'autre qu'il aurait pu faire dans son état. Cengel le savait. Cengel en profitait. Entre ses mains de simples cailloux prenaient l'ampleur du plomb. Il en était déjà au quatrième. Il ne s'arrêterait pas. Et ne se fatiguerait pas avant que Ging ne tombe. L'espoir était mort. Ging, tout comme.

            Une pierre plus grosse que les autres fondit sur lui sans qu'il remua un cil. Heureusement elle atterrit dans ses cottes. Elle lui en brisa deux. Puis le regard du Lion changea. Il vacilla. L'espace d'un instant il dépassa Cengel pour se porter plus loin. Malgré son état Ging vit les gerbes de sang et Rhyne s'effondrer plus nettement qu'il ne l'aurait souhaité. Immédiatement ses bras tombèrent et ses poings s'ouvrirent. Il eut le geste inconscient de tendre le bras vers elle et quand il voulut faire un pas la roche le cueillit entre les deux yeux.




            [4 minutes plus tôt]



            ▬ HEY RHYNE ! TU MANGES PAS TA VIANDE ?!
            ▬ Non. J'ai pas très faim.

            Les visages changèrent d'expression. Tous s'arrêtèrent de s'empiffrer en un instant, fixant intensément l'assiette pleine de viande que l'on avait servie à Rhyne. C'était son premier soir au sein des L.I.O.N's et la journée mouvementée avait creusé l'estomac des habitués de la boustifaille. Ce fut entre autre pour ça, et parce qu'ils étaient occupés à s'entredéchirer pour le morceau de jambon qu'ils ne virent pas la jeune fille partir. Elle quitta la sale à manger et n'eut pas d'autres choix que d’atterrir sur le pont de la chétive frégate réquisitionnée tantôt. Elle vint délicatement s'asseoir à la proue du bateau, laissant ses pieds frôler le bleu intense de la mer qui défilait en dessous. Elle leva la tête, vit les étoiles et sentit le bateau pencher vers l'avant. C'est alors qu'elle se rendit compte que Ging venait d'arriver. Il s'était assis avec autant de délicatesse qu'un buffle de trois quintaux peut avoir. Mais il semblait pas à l'aise. Suffisamment pour que Rhyne le regarde d'un air soupçonneux.

            ▬ J'AI VU QUE T’ÉTAIS PAS COMME LES AUTRES...
            ▬ Oui. Je suis une fille.

            Le grand capitaine qui n'avait peur de rien n'avait pas regardé Rhyne une seule fois dans les yeux. Il bégayait quand il parlait, et avait du mal à rester naturel ses bras s'agitant sans l'once d'une logique.

            ▬ ET J'AI AUSSI VU QUE T'AIMAIS PAS TROP LA VIANDE...

            Une pellicule de sueur perlait sur le front du Lion. Ses mains trouvèrent enfin quelque chose à faire, et après s'être glissé du coté qu'il cachait à Rhyne, il lui tendit quelque chose.

            ▬ ALORS JE T'AI FAIT CA.

            C'était probablement un légume. Mais cela se devinait plus que ça se voyait. La chose présentait d'étranges aspérités et certains coins semblaient même bouger. Rhyne le prit sans hésiter, un petit sourire amusé dessiné sur ses fines lèvres, et l'engloutit en une bouchée. Elle dut tellement lutter pour ne pas vomir que des larmes lui embuèrent les yeux. Le visage de Ging -énorme- était presque contre le sien et il la fixait sans retenu ni gène. L'impatience d'un enfant s'y lisait. Rhyne parvint enfin à déglutir, et ignorant les relents qui la pressaient, elle déclara d'un air enjoué :

            ▬ C'est la meilleure chose que j'ai jamais mangée !

            Et ils revinrent à table tous les deux.




            [3 minutes plus tôt]


            Quand Ging revint à lui, il était toujours debout. Il sentait le sang dégouliner sur son visage. S'il y était habitué, cette fois-ci la plaie saignait abondamment et elle ne semblait pas vouloir s'arrêter. Alors il la frotta. Doucement tout d'abord. Puis de plus en plus fort. Et de plus en plus fort. Mais ce n'était plus du sang qui tombait. Il ne comprenait pas... Il ne vou...

            Une pierre ricocha de nouveau contre sa tête avec un bruit sourd. Et en relevant la tête, le capitaine ne vit même pas Cengel et son insupportable rictus. Tout ce qu'il voyait était le corps de Rhyne étendue plus loin.

            ▬ Alors comme ça, on a peur de mourir ? s'amusa Cengel, jubilant de la réaction de sa proie.


            Mais Ging ne répondit pas. Le poil hérissé, il tremblait comme un gosse. Ses pensées, d'ordinaire unique, affluaient maintenant en masse et le paralysaient complètement.


            Il ne vit pas arriver le poing de Cengel.



            [2 minutes plus tôt]


            Le Lion était étendu par terre, anéanti. Son corps le faisait souffrir de bien des manières. Mais une douleur dépassait les autres. C'était celle qui le clouait véritablement au sol, dans l'attente de la mort, délivrance. Pourtant, quand Ging parvint à ouvrir les yeux il vit le même ciel étoilé que cette nuit là. Et dans le cerveau du capitaine se mirent à germer des questions. Est-ce Rhyne voyait aussi ces étoiles ?


            Est-ce que lui voulait encore la voir ?

            Et il se releva.



            [1 minute plus tôt]


            Quand Cengel vit la carcasse de Ging se redresser, il eut comme un doute. Comme un pressentiment. Si toute sa raison lui indiquait qu'il n'avait qu'à souffler dessus pour qu'il tombe, son instinct lui susurrait autre chose.

            Il vit Ging avancer dans sa direction. A chacun de ses pas les articulations vagissaient de douleur et c'était plusieurs gerbes de sang qui imbibaient le sol autour de ses pieds. La raison de Cengel était formelle. Son adversaire ne pouvait pas être en train de marcher vers lui. Etait-il en train de rêver alors ? Il se mit à transpirer.

            Quand Cengel croisa le regard de Ging, il comprit quelque chose qu'il ne pouvait pas accepter. Il n'était plus celui qui terrassait le Lion. Il n'était même plus celui qui s'opposait au Lion. Pour lui, maintenant, il n'était plus qu'un vulgaire obstacle entre lui et Rhyne.

            C'est à ce moment là que son instinct lui cria de s'enfuir et que ses jambes refusèrent.

            C'est à ce moment là que Ging passa à coté de lui, sans lui accorder le moindre regard.

            Et Cengel n'était pas assez fou pour le lui faire remarquer.





              Dans une histoire, la mort n'est rien de plus qu'une superstition. Elle n'intervient que lorsque l'on croit suffisamment en elle. Il est des gens particulièrement maladroit ayant, au cours de leur existence, renversé des salières en quantité astronomique sans que cela n'ait d'autre incidence que de devoir en racheter à chaque occurrence, simplement parce qu’ils n'y prêtent pas attention et compartimentent ces petits tracas dans la catégorie "tache de vin sur la nappe et autres broutilles". A l'inverse, qu'un bonhomme ne brise un miroir en s'alarmant de ce que le malheur va lui tomber sur le râble, et vous pouvez être sûr qu'il va marcher en prime sur le verre brisé et se charcuter la plante des pieds. La mort est une superstition. C'est pourquoi les héros n'ont pas peur de la mort. Ils ne croient pas eu la leur. Munster était de ceux-là. Le concept de mort n'avait aucune prise sur sa carcasse pourtant plus malléable qu'une boule de pâte-à-modeler. Il niait son existence pure et simple, jugeant que, la mort ayant besoin d'une vie à prélever, le monde fictif dans lequel il se trouvait la mettait au chômage technique. Il n’est possible de mourir que lorsque l’on a été vivant dans un premier temps, luxe dont Munster se savait privé. Le cœur des L.I.O.Ns ne pompait pas le sang dans leur corps, mais l’encre sur le papier, et avec, l’aventure dans l’histoire.


              Ils ne pouvaient pas mourir.


              Munster se martelait le cerveau de cette conviction depuis qu’il avait vu le corps ensanglantée d’une Rhyne aux yeux clos tenu par un Rockfor aux yeux embrumés. Et, alors qu’il s’en allait chercher la nouvelle embarcation de l’équipage, mandaté par la sabreuse aux côtés d’un Robb Lochon plus dégoulinant qu’une éponge et d’un Canard que l’on devinait ému au travers de son faciès de galinacé, Munster se répétait, comme pour s’empêcher de ne plus y croire :


              Elle ne pouvait pas mourir.


              Mais cette certitude, pourtant solidement boulonnée par la conviction inébranlable d’un bonhomme à la tête plus dure qu’une plaque de granit, vola en éclat lorsque, fatalement, elle se heurta à la force irrésistible du Deuil.  Et comme autant de fragments projetés par la violence du choc, les larmes coulèrent.


              Le Cheese Tray, malgré son impressionnante dégringolade depuis la colline surplombant le Cimetière d'Épaves, semblait avoir été épargné par les cahots d'un périple l'ayant pourtant envoyé à pleine bourre et à plusieurs reprises au travers de l'incendie ravageant l'île, sans jamais s'être fait lécher par les flammes. Si Munster était un parfait néophyte en matière de physique appliquée, il était en revanche doté d'une compréhension empirique concernant le fonctionnement de la gravité (notamment pour en avoir fait les frais à de nombreuses reprises). Elle tirait avidement vers le sol tout ce qui se trouvait en l'air sans avoir les moyens de s'y maintenir et imposait une position horizontale à tout ce qui n'avait pas assez d'équilibre pour tenir debout. Face au fatras de carcasses enchâssées les unes dans les autres (littéralement) qui composaient le Cheese Tray, Munster sentit une impression se distiller en lui comme une grande bouffée d'oxygène après plusieurs minutes d'apnée. Le Bateau restait stable, droit malgré un équilibre, au bas mot précaire, mais sur lequel la gravité n'avait aucune prise. Là, planté placidement au milieu de la rue ou sa désescalade s'était soldée, il semblait se ficher éperdument de la tempête de flammes tourbillonnant autours de lui en secouant la mer de débris calcinés du Cimetière D'épaves. Il émanait du Cheese-Tray une impression de force de la nature imperturbable contrastant de calme et d'harmonie avec l'agencement chaotique qui le composait. C'était un navire qui se moquait des dangers et en préserverait son équipage. A son bord,


              Ils ne pouvaient pas mourir.


              "Dites, balança Munster à ses deux comparses après quelques secondes d'admiration devant le spectacle qu'offrait le Cheese-Tray. Vous avez une idée de comment s'y prendre pour faire descendre ce gros machin jusqu'aux quais ? Parce que là, à brûle-pourpoint, le seul truc que ça m'évoque c'est l'énoncé d'une blague du genre "Comment mettre 100 éléphants dans une voiture ?"."
              "Et qu'est qu'c'est don' ça, c'te machine ?"
              "Une voiture ?"
              "Beh oui, 'dam !"
              "Aucune idée. J'sais juste que c'est trop petit pour y caler cent éléphants. Me d'mandez pas d'ou j'le tire."


              Les sanglots de Robb, éteints depuis quelques minutes, s'étaient vus relayés par des séries de reniflements au timbre évoquant un gobage d’huître amplifié par mégaphone. Mais sur le visage du Papounet d'amour, fuyant toujours plus qu'une vieille chaudière déglinguée, s'était imprimé à nouveau le trait de la résolution paternelle.


              "Je me fiche bien de comment on va s'y prendre. On ramènera ce navire à ma p'tite puce parce qu’elle nous l'a demandé ! Une de mes enfants réclame son doudou avant d'aller dormir, ET ELLE L'AURA !!"


              Ce ne fut qu'à ce moment là qu'une voix s'éleva de derrière nos trois comparses.



              "CRÂHÂHÂHÂHÂÂÂÂÂÂME !!! Bande de meules-de-bois-sec-à-faire-frire, je vous mets enfin la main sur le côlet !"

              De l'idée de son propriétaire, elle aurait du sonner comme le glas aux oreilles des pirates. Mais dans celles de Munster, elle fit vibrer le carillon de l'espoir.

              Kings of Trash 156652Untitled1

              Munster commençait à comprendre le fonctionnement des codes dramatiques propres à l'histoire, aussi décida-t-il de ne pas se retourner lorsque la voix de Flamme-Illustre retentit dans son dos.

              "Montez sur le navire. Lança-t-il à ses deux compères, toujours sans accorder le moindre signe d’intérêt à Flamme-Illustre, sinon le sourire carnassier qui venait de lui tirer les traits du visage. Dénichez-y autant de cordages que vous pouvez. Je sais comment on va virer nos culs roussis de ce cagnard."

              Ses pieds sentirent qu'il était temps de transformer l'essai théâtral qu'il venait de marquer. Alors, seulement, une fois ses deux collègues à bord du Cheese-Tray, Munster se retourna pour faire face à son adversaire.

              Qui le cueillit d'une patate dans la mâchoire.

              Aussi puissant que soit un effet théâtral bien dosé, il ne vaut rien face à l'opportunité de mettre une mandale à un adversaire qui vous tourne délibérément le dos pendant trente secondes.


              Au milieu du vol plané résultant de la collision de son visage avec la paume de Flamme-Illustre, Munster constata avec allégresse que, comme il l'espérait, le vieux moine avait eu le zèle de traîner son énorme soufflet géant avec lui. Sa réjouissance fut, en revanche, très nettement entamée par la façade en flamme dans laquelle il atterrit. Et le fait que sa bure commença à s'embraser n'améliora pas le tableau. Qu'il soit parvenu à avorter ce début d'incendie vestimentaire ne le consola guère puisqu'une fois relevé, il constata avec horreur que Flamme-Illustre avait profité de l'interlude pour sauter sur la sainte soufflette dont l'embouchure était pointée en direction du Cheese-Tray. Munster avait le même rapport à l'altruisme qu'à la mort. Il en connaissait le concept mais n'y croyait pas, faute de l'avoir jamais pratiqué. Aussi fut-il le premier surprit (et, dans une certaine mesure, un tantinet révolté) en constatant que son corps s'était mis en branle sans autorisation préalable du cerveau pour se jeter devant le navire dans une tentative aussi courageuse que stupide de faire rempart à la puissance destructrice de la soufflette géante du moine puisque, pour en avoir déjà fait les frais, il savait pertinemment que rien ne pouvait faire obstruction au terrible courant d'air qu'elle délivrait.


              Il ferma donc les yeux,
              Et laissa le désespoir l'étreindre.

              Sans oublier de maudire l'histoire.


              Et la soufflette souffla. Munster se sentit projeté contre la coque du Cheese-Tray comme un ballot de paille. Là, écrasé par la force du vent, il vit les secondes défiler comme des heures, attendant avec une anxiété toute nouvelle celle qui verrait le navire se faire rattraper par la gravité et s'affaler lourdement dans la rue sous l'impulsion de la bourrasque. A la place, ses yeux embrumés de larmes soufflée par la rafales virent le navire pencher docilement d'un coté, puis de l'autre, comme porté par autant de vaguelettes inoffensives, avant de finalement se stabiliser à la verticale, comme si rien ne l'avait affecté. Munster, éreinté, retomba lourdement à terre dans l'ombre du Cheese-Tray.


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              Il faisait une chaleur de tous les diables sur le cimetière d'épave. Mais Flamme-Illustre-de-sagesse-ancestrale ne souffrait pas de la chaleur. Son corps, à force de rites d'initiation grotesques à base de sandwich à la braise, de sous-vêtements en fer chauffé à blanc et autres épreuves du même tonneau, avait fini par se résigner et avait cessé de protester. Aussi, lorsque le bonhomme sentit des gouttes de sueur perler sur son front et le long de sa colonne vertébrale, il sût que le brasier n'en était pas la cause. Il l'agissait de sueurs froides. La vision de ce navire de damnés vaciller badinement de gauche à droite comme le pendule d'une horloge lui avait glacé le sang. Ce n'était pas sensé arriver. Il aurait du se désintégrer en une pluie de copeaux laissée en offrande combustible à l'incendie. Il lui faudrait méditer là dessus. Alors, comme précisé dans le grand livre des préceptes de la foi ardente, se mit en tailleur et médita. Et il comprit ce qui arrivait.


              Un Bougeoir.

              Dans sa gueule.

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              Ca avait au moins le réconfort d'être chaud.

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              Munster ne savait pas ou il avait trouvé la force de se relever, encore moins de se jeter sur un Flamme-Illustre perché sur sa soufflette et de lui télescoper un coup de son lourd bougeoir dans la tronche. Toujours est-il qu'il l'avait trouvé. Comme un trousseau de clef perdu depuis des lustres sous un meuble et sur lequel on remettrait la main en faisant la poussière, des mois après avoir fait changé la serrure.

              "J'suis sur que tu te demande comment notre bateau a pu rester intact face à ton dieu des flammes et ta relique de dingo. J'vais te dire : y'a quelques heures, j't'aurai surement répondu que c'était une question de causalité narrative. Mais mes conviction en ont prit plein la mouille aujourd'hui. Plus encore que ... bah que ma mouille, justement. Donc, ce coup-ci, j'te répondrais juste que j'en sais rien. J'comprends pas comment un bateau a pu résister à un brasier plus chaud que la bosse que t'as sur le front en ce moment. J'comprends pas comment il a pu rester debout malgré tes coups de soufflette ou encore, mettons, la gravité. J'comprends pas comment ou pourquoi Rhyne a pu mourir. Et j'comprends pas pourquoi ça me rends triste au point d'en chialer comme un môme qu'aurait perdu sa peluche préférée alors qu'y'a pas un jour, je l'aurai troqué, elle et tous les autres gus de l'équipage contre un repas chaud.  Et j'comprends pas pourquoi j'ai envie de monter dans ce bateau et d'y rester aussi longtemps que possible en compagnie des cinq autres pébrons. Y'a plein de trucs que j'ai pas compris aujourd'hui sans que ça soit une équation mathématique différentielle en base huit. Et ça me fait un bien fou de l'admettre. Mais y'a un truc que j'ai pigé : L'histoire, c'est comme la gravité. C'est une force invisible qui te pousse dans une direction, et c'est presque toujours vers le bas. Et en voyant notre navire y résister, j'me suis dit qu'on pouvait le faire aussi. Quand j'dis "on", c'est moi et mes gonzagues. Toi, non. Toi, tu reste par terre."


              __________________________________________________________________


              Le Melon Rouge avait connu des calamités de toute sortes, et la plupart d'entre-elles étaient à mettre sur le compte de l’alcool, qu'il soit bu ou renversé par terre. Mais jamais Denis Epgarsson n'avait assisté à un pareil désastre. Son auberge avait été la scène du départ de l'incendie qui, en une nuit, avait ravagé l'île entière, en plus d'avoir été le théâtre d'une altercation impliquant pas moins de neuf têtes primées, auxquelles s'ajoutaient ces deux lurons de Van Abedal et Robert Barque.

              Pour l'heure, Denis était assis devant les ruines fumantes de son établissement, sous l'un des parasols que l'incendie avait épargné. La tête enfuie dans ses grosses mimines, Denis avait passé dieu sait combien de temps à se morfondre. Il n'avait pas remarqué que l'aurore commençait à pointer le bout de son nez. Les cris s'étaient calmés ces dernières minutes mais Denis entendait toujours le feu crépiter de-ci, de-là, se goinfrant des restes de bâtiments encore debout. Puis, le crépitement s'éteignit. Ou plutôt, il fut assourdi par un vacarme de tous les diables accompagné d'une cacophonie de cris de terreur. Denis leva la tête au moment ou déboulait devant lui un capharnaüm de carcasses propulsé à toute blinde par un soufflet géant ancré à la proue de l'engin par un solide jeu de cordes et sur lequel sautaient deux bonhommes à l'unisson.


              "BORDELDEBORDELDEBORDELDEBORDELCAVABEAUCOUTROVIT' !!!"
              "RHYNETONPAPAAAAAAAAAARRIVE !!!"


              Et la structure disparut aussi vite qu'elle était arrivé.
              Denis resta prostré quelques minutes, seul face au nuage de poussière soulevé par le passage de l'embarcation, avant de se lever en se retroussant les manches.
              Après tout, même avec un tel bordel sur les bras, on pouvait avancer. Et sauter, vraisemblablement.
              Alors Denis récupéra l'enseigne du Melon Rouge, souffla dessus, et alla chercher ses outils.

              _________________________________________________________


              L’amerrissage du Cheese-Tray avait été bien moins mouvementé que Munster de l'avait craint. S'il avait tiré une fierté non dissimulée de son système de propulsion à-air-compressé-par-relique-sacrée, elle s'était évaporée pour laisser place à une compréhensible appréhension lorsque la vitesse démentielle atteinte par l'embarcation le long des rues du Cimetière jusqu'aux quais lui fit se rappeler qu'il n'avait omit un détail pourtant important : celui du freinage. Mais le Cheese-Tray avait amortit le choc en s'immergeant de moitié dans le port avant de refaire surface, dévoilant du même coup un système d'évacuation de trop plein d'eau par un agencement de tuyaux tarabiscoté relié à une baignoire enchâssée à l’extérieur de l'aile principale.


              Les trois compères restant embarquèrent alors, non sans avoir débattu à bras raccourcis pendant quelques minutes concernant les modalités de transport du corps inanimé de Rhyne à bord du navire, jugeant à raison qu'un événement aussi symbolique (terme qu'il fallu, du reste, expliquer à Ging durant une interlude d'une bonne minute) nécessitait que les trois pirate se partagent la charge. C'est ce qu'ils firent. Le degré d'émotion de la scène toucha finalement le fond lorsque, sur le tas, les trois gonzagues se rendirent compte que le corps de la malheureuse épéiste avait été traîné plus que porté puisque Brih et le Capitaine affichaient un écart vertical de trois bons mètres.


              Après une étude minutieuse de ses voilures, qui s'avérèrent être, pour la plupart des draps de literie cousus entre eux, il s'avéra que le Cheese-Tray ne répondait à aucun mode de fonctionnement orthodoxe. Brih suggéra alors qu'on le treuille jusqu'à la soufflette toujours savamment encordée à la proue du navire ou il fourragea une bonne dizaine de minutes dans un concert de bruits métalliques et de marmonnements, sans que personne ne comprenne ce qu'il était en train de faire à part lui jusqu'à ce que, fatalement, une explosion étouffée par des centaines d’hectolitres ne retentissent, en propulsant le Cheese-Tray dans une parfaite diagonale aérienne en soulevant une vague aux proportion de léviathan.


              "BORDEL, beugla Munster à ses compagnon occupés à treuiller la corde au bout de laquelle trainait un Brih sonné mais vraisemblablement satisfait. J'VOUS AVAIT DIT QU'ON POUVAIT PAS CONFIER UN FOUTU SYSTÈME DE PROPULSION A UN MEC QUI PASSE LA MOITIÉ DE SON TEMPS A NOUS RECLAMER DE L'ENVOYER VALSER LE PLUS HAUT POSSIBLE !!"


              Et Alors que le Cheese-Tray s’élançait dans les airs, la vague fondait sur le Cimetière d'Épave, et l'incendie qui le ravageait, emportant avec elle les souvenirs d'une nuit mouvementée pour ne laisser que celui, impérissable, des L.I.O.N's.




              Dernière édition par Munster Fonduslip le Sam 14 Déc 2013 - 20:29, édité 2 fois
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              Noire. La mer était noire sous cette nuit piquetée d'étoiles, qui se reflétaient timidement dans l'écume hésitante. Tout semblait calme. Les dernières braises mouraient peu à peu sous les efforts des survivants à l'incendie ; en silence, ils se passaient encore quelques seaux emplis d'eau, déterminés à mener ce combat jusqu'au bout. Ce combat qu'ils avaient cru perdu, ce combat qu'une gigantesque vague tombée des cieux avait gagné pour eux. Et tandis que certains se demandaient pourquoi ils étaient encore vivants, d'autres avaient voulu savoir grâce à qui. Ils avaient levé les yeux vers le ciel.

              Noir sur fond noir, ils avaient discerné quelque chose à la lueur de flammes persistantes.

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              Et ils avaient su que cette flamme-là ne s'éteindrait jamais.

              ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

              Le pavillon flottait frénétiquement dans les airs, derrière le mât du Cheese Tray, ou du moins ce qu'on en avait trouvé de plus approchant. L'improbable amoncellement de morceaux de bois en vrac, tous venus d'époques et de lieux différents, ne ressemblait en rien à un bateau. Par sa nature composite, il semblait à l'image même du monde et de l'histoire ; mais cela n'empêchait qu'aucune personne saine d'esprit n'aurait parié sur ses chances de prendre la mer.

              Quant à prendre la voie des airs, il aurait fallu être une vraie tête brûlée pour y songer. Mais les têtes brûlées, ce n'est pas ce qui manquait chez les L.I.O.N's.

              Enfin, ce n'est pas tout à fait vrai. Il en manquait une.

              Le navire amorçait sa descente à toute vitesse, tremblant de toutes parts comme s'il allait se disloquer d'une seconde à l'autre. Les membres de l'équipage l'apprendraient plus tard en s'habituant à voyager avec, mais ce chant du cygne grondant et grinçant était une manière habituelle de naviguer pour le Cheese Tray. On aurait dit les derniers mots d'un vieux cinglé sur son lit de mort, qui partirait en digression à chaque fin de phrase, repoussant sans cesse l'échéance pour avoir le temps de raconter toute sa vie à ses petits-enfants.

              Non, le Cheese Tray ne mourrait pas de sitôt. Il était peut-être plus vieux que n'importe quelle épave, mais il venait à peine de naître. Et surtout, Rhyne avait dit de sauver le bateau. Pour elle.
              Les L.I.O.N's étaient déterminés à faire mieux que ça.
              Ils en feraient le bateau le plus célèbre du monde.
              Un jour.
              Mais pour l'heure, il faisait nuit.

              Le bateau heurta la surface de l'océan dans un grand fracas, soulevant d'immenses gerbes d'eau salée tout autour de lui. Après avoir tangué un long moment, il s'immobilisa totalement, se fondant en une ombre légèrement plus noire que la nuit environnante.

              Pour la première fois depuis le matin, il faisait enfin frais.

              ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

              - C'est comme ça qu'on faisait dans mon clan. C'est pour... c'est pour honorer... enfin, vous voyez.

              La voix rauque de Brih avait manqué se briser sur les derniers mots, l'obligeant à couper court. De toute manière, les autres avaient très bien compris. Ils regardèrent ce qu'il avait fait, sans rien dire.


              Rhyne Ovalie reposait dans une barque, les yeux clos. La lueur tremblotante projetée par le  Bougeoir de Munster se reflétait sur sa peau blanche, trop blanche. D'une certaine manière, ça lui redonnait des couleurs ; mais rien ne pouvait à présent réchauffer son corps glacial. Elle avait l'air toute petite dans la mort, perdue dans son grand gilet vert percé d'un trou rouge en son milieu. Petite, mais fière, le menton légèrement relevé comme si elle affichait un air hautain. Car elle avait toujours été fière, cette jeune pirate, et il aurait fallu bien plus qu'une simple balle de pistolet pour lui ôter ça. Les avants-bras croisés sur la poitrine comme en une attitude de défi, ses mains de marbre fin empoignaient chacune la garde d'un de ses deux sabres ; pour un peu, elle se serait relevée pour débiter en tranches le moindre adversaire.

              Car elle en avait eu, des ennemis, dans sa vie. Mais dans la mort, elle n'était entourée que de frères d'armes. Et parfois, lorsque le reflet de la flamme qui dansait sur son visage était pris d'un tremblement, on aurait juré que ça la faisait sourire.

              Brih avança d'un pas, face à la barque, les yeux rivés sur les paupières closes de Rhyne. Les guerriers d'Erbaf avaient toujours été plus doués avec les mots avant une bataille que lors de funérailles. Le silence recueilli était un hommage suprême pour ces géants gueulards. Mais Brih sentait qu'il fallait dire quelque chose. Que sinon, ça n'aurait servi à rien. Qu'elle ne pouvait pas partir en silence.

              - Je suis désolé, Rhyne... Je ne t'ai pas protégée. Je n'ai sauvé personne. Alors... Fallait que je t'offre au moins ça. Des funérailles de guerrier, pour ceux qui sont tombés au combat. Parce que c'est comme ça que tu es morte. Tu entends, Rhyne ? C'est comme ça que tu es morte. En guerrière.

              Sa voix n'avait pas tremblé, cette fois. Il recula, la tête baissée.
              Il avait rempli son devoir. Et il n'aurait jamais cru que le devoir avait un goût aussi amer.

              Le canard avança à son tour, ses pattes palmées résonnant contre le bois. Il se contentait essentiellement d'agir par mimétisme, comme d'habitude ; mais cette fois, quelque chose occupait réellement son esprit. Quelque chose qu'il n'avait jamais connu avant cette journée, une impression de n'être plus rien, comme si on lui avait arraché toutes ses plumes et qu'il devait les regarder brûler. Chez les humains, ça s'appelait la tristesse. Pour lui, ça n'avait pas de nom. Alors il dit la première chose qui lui passa par la tête.

              - Rhyne.

              Et désormais, dans son langage, ce mot signifierait ''Adieu''.

              Robb essaya d'avancer, lui aussi. Il essaya vraiment. Mais il ne parvint qu'à tomber sur ses genoux, devant le corps étendu de cette jeune fille qui aurait pu être la sienne, qui aurait dû être la sienne... qui était la sienne. La tête entre les mains, il sanglotait, de tristesse et de rage à la fois. Il était le médecin et le papa de l'équipage. Personne ne devait mourir, personne n'avait le droit de mourir. Comment pourrait-il dormir tranquille si ses enfants mouraient ? Comment pourrait-il fermer l’œil s'ils n'étaient pas en sécurité ?

              Les gamins, ça part toujours trop tôt.

              Il ouvrit la bouche et voulut dire tout ça. Sa voix se noya dans ses larmes, se débattant en vain pour garder la tête hors de la déferlante de son chagrin. Mais c'était peine perdue. Il tenta de parler pendant une minute entière, sans que personne ne comprenne ce qu'il essayait de dire. À part un mot, qui revenait à chaque fin de phrase.

              ''Pardon.''

              Munster finit par apparaître à ses côtés, posant sa main sur son épaule. Il le repoussa doucement en arrière, le regard perdu quelque part dans cette barque illuminée par la lueur de son Bougeoir. Il savait que tout cela était fictif, que ce n'était rien de plus qu'une fantaisie d'auteur. Et une fois de plus, il maudit cet auteur. L'histoire de Rhyne était terminée à présent. Mais son histoire, et l'histoire de l'équipage, avaient croisé celle de Munster et s'y étaient irrémédiablement liées. Pour la première fois de sa vie, il avait partagé la vedette ; et contre toute attente, ça lui avait fait du bien. Nouer son aventure à ces six autres, aussi bizarres et fantasques que la sienne, lui avait procuré ce soulagement du voyageur égaré dans le désert qui rencontre un campement. Son histoire s'était enrichie.

              Avec Rhyne, c'est tout un chapitre de lui-même qui était mort.

              - Tu sais Rhyne, j'ai toujours dit que c'était fictif, tout ça. Toi, moi, les autres, le bateau, tout est fictif. Mais ça veut pas dire pour autant que c'est pas important. Et je vais t'avouer quelque chose. Depuis qu'on t'a mis dans cette barque, j'entends de la musique. Dans le genre dramatique, très mélancolique. Et ça, c'est pas rien. Alors si ça peut te rassurer, tu ne passes pas inaperçue, Rhyne. T'es même sûrement la chose la plus importante de ce monde en ce moment.

              Il fit demi-tour en silence, et Rockfor marcha lentement vers son seul sujet. Intentionnellement ou non, il avait caché son visage derrière le bord de son chapeau, ne laissant voir que son menton et sa mâchoire crispée. Il s'était toujours débrouillé pour arriver à ses fins en parlant, embobinant ses interlocuteurs dans un discours trompeur, maniant les mots comme la carotte et le bâton. Mais cette fois, pour la première fois peut-être, il allait parler pour quelqu'un d'autre. Et c'était plus difficile que jamais.

              - J'ai rencontré tout un tas de gens dans ma vie, et j'ai quasiment parlé avec chacun d'entre eux. C'est plus fort que moi, faut qu'je discute. Y en a qui m'écoutent, et y en a d'autres qui m'apprennent des trucs. Y en a qui me croient, et d'autres non. Y en a qui pensent tout savoir. Comment le monde a commencé, par exemple. Ils disent que ça s'est passé en sept jours. Mais le septième était pas comme les autres. Le septième, c'était celui du repos.

              Rockfor empoigna son chapeau, sa main serrée déformant le tissu, et le plaqua contre sa poitrine. Son visage était un champ de bataille après la guerre, quand tout repose en silence sous un soleil rouge ; ses yeux, un océan de larmes où brillait une flammèche de résolution.

              - Maintenant, on est plus que six. Et le repos, on le connaîtra plus jamais.

              Le chapeau à la main, il rejoignit les autres. Et ce fut au tour du Capitaine.

              Les pas de Ging firent vibrer le sol de bois. Son regard embué dirigé droit vers Rhyne, il avançait les poings serrés, sans même s'en rendre compte.
              Il s'arrêta devant elle, laissant tomber son regard sur son visage, du haut de ses trois mètres.

              - JE SAIS PAS QUOI TE DIRE.

              Il respira profondément, conscient qu'il ne parviendrait pas à retenir ses larmes.

              - ALORS JE VAIS TE DONNER QUELQUE CHOSE.

              Sa vision s'embrouilla, jusqu'à ce qu'il ne parvienne plus à distinguer les traits de la jeune fille.

              - C'EST UN POÈME QUE MA MÈRE M'A ÉCRIT AVANT DE MOURIR.

              Il cligna des yeux, et l'image de son amie morte revint brusquement, plus nette que jamais.

              - IL M'A ACCOMPAGNÉ TOUTE MA VIE, ALORS JE ME SUIS DIT QU'IL POURRAIT T'ACCOMPAGNER AUSSI.

              Les larmes commencèrent à couler doucement le long de ses joues.

              - LE SEUL PROBLÈME, C'EST QU'IL EST DANS MA TÊTE. ET JE SAIS PAS ÉCRIRE.

              Les deux coulées glissèrent sur son menton, puis se rassemblèrent au milieu pour ne plus former qu'une seule goutte.

              - MAIS ELLE M'A SOUVENT DIT...

              La goutte se détacha du bout de son menton et chuta vers le sol...

              - QUE LES PLUS BEAUX POÈMES NE SONT PAS TOUJOURS CEUX QU'ON ÉCRIT.

              Sa larme s'écrasa doucement sur un morceau de papier vierge au milieu de sa main.
              Elle s'agrandit lentement, comme une goutte d'encre qui contiendrait tous les mots du monde.
              Et la main colossale de Ging posa le poème sur le cœur sans vie de Rhyne.

              ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠ ♠

              Noire. La nuit était noire au-dessus de cette mer immobile. Quelques étoiles brisaient son étendue céleste ; sur l'eau, il n'y en avait qu'une, qui tanguait légèrement, semblable à la flamme d'une bougie.

              Une barque s'en éloignait lentement, emportant sa passagère vers un pays où il n'y a plus d'étoiles.

              Munster se tenait sous la lumière du Bougeoir, juste derrière la figure de proue du bateau. Il savait qu'il n'était qu'un personnage de fiction, que sa soixantaine d'années d'existence avait probablement été écrite en vingt minutes sur un coin de table ; et pourtant, il se sentait terriblement vieux. La mort de Rhyne n'était pas qu'un événement. C'était une véritable masse à la gravité démesurée, qui l'avait assommé sous son poids écrasant, et qui avait tracé, dans le tissu de son histoire, un pli. Un pli qui ressemblait beaucoup à sa première vraie ride.

              Aucun des autres membres de l'équipage ne raisonnait exactement ainsi, mais ils avaient tous une impression semblable.

              Brih avait senti un coup de marteau déformer le métal de son corps.
              Pour le canard, c'était une fausse note, étrangement belle.
              Robb savait que la cicatrice ne partirait jamais.
              Rockfor se sentait déchu de son trône.
              Ging avait perdu le sourire.

              La plupart des gens goûtent à l'amertume de l'âge adulte petit à petit, s'y habituent, l'apprivoisent. Les L.I.O.N's venaient de la prendre comme une gifle en pleine face. Et ça faisait plus mal que n'importe quoi d'autre.

              Munster resserra ses doigts autour du manche du Bougeoir, conscient que ça ne suffirait pas à s'accrocher à quelque chose de solide dans ce monde d'encre et de vides. Il regarda la barque funèbre de Rhyne s'éloigner toujours un peu plus de la lumière qu'il portait entre ses mains, s'approchant de cet endroit où le noir de la mer et le noir du ciel s'entremêlaient et se fondaient dans l'encre d'une histoire qu'on ne raconte jamais. Le vieil homme jeta un regard au nain qui se tenait à côté de lui.

              - Tu me préviens quand je dois y aller, Brih.

              L'ingénieur ne répondit pas. La barque continuait à s'éloigner, bientôt invisible.

              - Brih ?

              Brih arracha son regard à la barque et se tourna vers Munster. Ses yeux reflétaient la flamme d'une manière anormalement brillante.

              - Vas-y.

              Munster hocha la tête et pointa son Bougeoir vers le ciel.

              Son extrémité aux dorures massives s'ouvrit, et un orbe de braises enflammées fusa dans la nuit. Les L.I.O.N's le suivirent du regard, comme on observerait un enfant qui grandit. Une vie qui commence. Avec émerveillement, mais la certitude que tout cela finira un jour. Que tout finit toujours par retomber.

              La boule de feu sembla s'immobiliser en l'air, à l'apogée de sa course. Transperçant le ciel noir, elle eut pendant quelques instants l'allure d'un nouveau soleil. Un soleil plus petit, plus proche, plus faible. Mais, devant leurs yeux baignés de larmes, un soleil plus beau.
              Un soleil plus humain.

              Et puis ce fut la chute. Comme un astre abattu en plein vol, la flamme retomba en une comète mourante. Droit vers les eaux noires, elle vécut ses dernières secondes dans un rougeoiement plus éclatant que jamais. La surface lisse du miroir de l'océan refléta sa lueur, gravant sur les rétines des veilleurs silencieux l'image d'une barque en négatif. Noir sur rouge. Une dernière fois, avant que le feu ne la dévore.

              La boule de feu avait atteint son but, s'écrasant sur le corps sans vie qui s'éloignait sur les eaux. La flamme s'éleva, d'abord dans un murmure. Puis un crépitement. Puis un grondement.

              Puis un rugissement. Le dernier rugissement d'une lionne.

              C'est alors que le brasier, dans ce dernier appel, consuma le voile fragile qui retenait encore l'affliction des L.I.O.N's. Au même moment, à la seconde même où ce rugissement s'éleva dans les airs, où la flamme grandissait, hardie, pour s'en aller toucher les étoiles ; en cet instant, ils ne purent se cacher davantage. Et c'est ensemble qu'ils éclatèrent en pleurs.

              À eux six, ils déchirèrent le silence de cette nuit calme, déchaînant toute la détresse humaine devant cette dernière flamme. Ça pleurait, ça reniflait, ça se lamentait, ça gémissait, ça s'époumonait, ça sanglotait, ça hurlait.

              À l'oreille, ça ne ressemblait à rien de connu.

              Mais au fond d'eux...
              Quelque part entre le cœur et les tripes...


              Ça rugissait aussi.