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Troisième année ; Le début de l'enfer {Rachel}

    Sept mois avant la remise des épaulettes au QG de la marine d'East Blue.

    Logue Town...

    Il faisait chaud. Très chaud. Trop chaud même. Néanmoins, ce temps impitoyable n’altérait en rien l’ardeur inébranlable des troupes de la caserne de Logue Town. C’est avec beaucoup de ferveur que les soldats s’adonnaient à tous types d’entrainements. La procrastination et la paresse n’avaient pas leur place dans nos rangs. La recrudescence de la piraterie était imminente. Celle de la révolution également. Ce pourquoi il était important pour ces hommes de s’entrainer. Affuter la lame de la justice, telle était notre mission, notre devoir de marine. Il y avait en tout et pour tous cinq commandants qui supervisaient les heures d’entrainements, et avec Tom, nous faisions partis de ces cinq hommes là. Pour ma part, je prenais en charge l’entrainement des mômes, mais il y avait plusieurs raisons à cela. La raison la plus importante se résumait tout simplement en un seul nom : Rachel. L’adolescente se transformait doucement en femme. Une femme qui en attirait plus d’un d’ailleurs. J’ne saurai dire s’il s’agissait d’une petite jalousie interne ou d’une protection un peu trop fraternelle, mais j’ne permettais à personne de l’approcher depuis un bon moment ; m’attirant parfois les foudres des jeunes de son âge qui voulaient la draguer, mais peu m’importait. De plus, elle faisait toujours autant ma fierté, puisqu’elle ne cessait de s’améliorer, frôlant même le niveau des multiples lieutenants qui officiaient au sein de la caserne de Logue Town. Une véritable perle…

    - On arrête pour aujourd’hui !! Vous avez bien travaillé, les enfants.

    A la seconde même qui suivit ma phrase, mes élèves tombèrent comme des petits pains au sol. Ils étaient tous exténués et c’était peu d’le dire, vraiment. S’ils avaient eu la force, ils auraient certainement manifestés leur joie en criant ou en courant partout dans le quartier, mais l’effort avait été tellement intense que le mot fatigue serait un euphémisme pour les décrire. Faut croire que j’étais plus ou moins impitoyable avec eux. J’eus un sourire un peu moqueur, avant de taper dans les mains pour qu’ils se relèvent. Bien avant de tout arrêter, il leur fallait faire quelques exercices d’étirements. Il y avait eu des exceptions, cependant. Une poignée d’élèves était toujours debout, ne présentant presque aucun signe de fatigue. On aurait dit un jeu pour eux. Je posai mes prunelles de jade sur une certaine personne, avant d’arborer un sourire affable. Comme d’habitude, je n’en attendais pas moins d’elle. Et puis s’en suivit des étirements laborieux, avant que j’ne leur donne rapidement quartier libre. Les plus téméraires allaient continuer de s’exercer, tandis que d’autres allaient certainement courir dans les douches pour un bon bain réparateur. J’hésitai à m’approcher de Rachel, mais j’tournai finalement les talons pour aller moi aussi me reposer. Bien que j’ne doutais pas de son affection pour moi, j’craignais tout d’même que mes manières exubérantes à son égard ne l’effraient et la repoussent. Manquerait plus qu’elle vienne à me détester…

    C’est en voulant penser à autre chose que j’m’étais souvenu d’un truc qui me taraudait l’esprit depuis un bon moment. Un médecin venait beaucoup voir ma femme. Ce fait m’inquiétait. J’avais voulu lui demander c’qui se passait à plusieurs moments, mais je n’y arrivais pas. Faut avouer que son perpétuel sourire m’en dissuadait. J’finissais toujours par me dire qu’il ne se passait rien, qu’ils travaillaient ensemble vu qu’elle était également médecin, mais c’était tout d’même bizarre. J’ne pensais pas qu’elle me trompait, non non… Surtout pas avec un vieux toubib décharné… Mais qu’elle était plutôt atteinte d’un mal sérieux. Sa constitution physique n’était pas forcément la meilleure, et elle m’avait à plusieurs reprises donné des sueurs froides avec des maladies bizarres. Rien ne m’étonnerait, mais je voulais tout d’même savoir. A force de pensées, j’étais arrivé deux minutes plus tard devant son bureau. Là encore, j’hésitai longuement. Toquer ou ne pas toquer… ? Mais au final, la porte s’ouvrit bien avant que je n’ai réussi à me décider, me laissant à peine le temps de cligner les yeux et de réaliser c’qui se passait. En effet, Aisling qui avait ouvert la porte à la volée, sauta aussitôt à mon cou, les larmes presque aux yeux. J’voulus dire quelque chose, mais elle posa son index droit sur mes lèvres pour me faire taire d’avance, et prit doucement la parole : « Je suis enceinte, Salem. » Grosse surprise ! J’écarquillai mes yeux, avant d’essayer de répéter…

    - En… En… Enceinte… ?

    - Oui ! Enceinte, répondit-elle avec le sourire.

    - Je… Enfin… Moi… Etre papa… ? Balbutiais-je, d’un ton presque larmoyant.

    - Oui, tu seras le père d’un beau bébé.

    YAAAAAAAAAAAAAAAAAATTAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!


    En une seconde seulement, mon cri ébranla toute la caserne et presque tous les marines tombèrent à la renverse. Si j’avais tout d’abord surpris Aisling, cette dernière finit par éclater de rire, tandis que je quittais ses bras avant de me mettre à courir sans buts précis. « PAPA ! JE VAIS ETRE PAPAAAAAAAAAAAAAAAA !!! » Les différentes occupations s’arrêtèrent immédiatement. Tous les curieux se mirent à converger vers la voix qui hurlait de joie, avant qu’ils ne puissent voir un homme qui effectuait toutes les pirouettes rigolotes et inimaginables. Même un saltimbanque n’aurait pas fait mieux que moi. J’avais fini par atterrir on n’sait comment, sur l’un des toits de la base, avant de continuer à gigoter n’importe comment. Ma joie contamina tout le monde, ou plutôt, fit rire tout l’monde. Inutile de vous dire que Tom était plié en deux, se tenant le ventre, complètement hilare. Heureusement que le colonel était absent, sans quoi il m’aurait passé un énorme savon. J’ne m’arrêtai pas de courir, les larmes aux yeux, avant de rejoindre la deuxième personne avec qui j’voulais célébrer cette bonne nouvelle ; personne qui n’était autre que Rachel et que je retrouvai bien vite. J’ne sais vraiment pas où je l’avais trouvé (Peut être dans la douche des filles), si elle était nue ou pas (ça, je m’en fichais pas mal) ; mais toujours était-il que je l’avais prise dans mes bras, avant de la serrer très fort et d’esquisser quelques pas de danse avec elle.

    - JE VAIS ÊTRE PAPA, RACHEL ! PAPAAA !!
      Il y avait quelque chose d'étrange durant ces séances d'entraînement. Rachel était devenue très proche de Salem. Et c'était totalement compréhensible vu l'amour qu'ils lui portaient, Aisling et lui. Amour qu'elle leur rendait de tout son cœur. Du moins, elle faisait tout pour lorsqu'elle était avec eux. Or, durant ces séances d'entraînement, auprès de tous ces autres jeunes, un douzaine, le lien qui les rattachait semblait mis en suspens. Et ils n'avaient alors qu'une relation de maître à élève. Une relation qui convenait parfaitement à Rachel, ne vous méprenez pas. Or, ce n'était malgré tout pas ça qui l'empêchait de vouloir à tout prix l'impressionner et le rendre fier. Si elle était si zélée durant ces temps de travail, à se suer d'arrache-pied pour seulement gagner quelques dixièmes de secondes au cent mètres ou quelques grammes de muscles et de puissance, c'était majoritairement pour elle-même. Car elle aspirait dorénavant à servir la marine, les justes et toutes les valeurs que l'on connaissait à la marine au détriment de la pitié envers pirates et hors-la-loi. Pourtant, quand elle restait parmi les trois derniers debout à la fin de la séance et qu'elle croisait le regard de Salem, elle y décelait cette lueur, cette seconde qui lui indiquait que leur lien, quel qu'il fusse, était toujours là, toujours aussi présent. Et que rien ne risquait de le détruire. Et rien que pour ça, elle tenait sur ses jambes tremblantes, se forçait à rester de marbre sous l'appel de la fatigue.

      Puis ce fut la fin complète de la séance, une fois les étirements achevés. Certains élèves s'empressèrent de se laisser tomber de fatigue au sol pour se reposer et papoter dix minutes avec d'autres. D'autres filèrent se doucher sans attendre. Rachel, elle, se rapprocha de l'unique fille qui suivait également les cours éreintants de Fenyang. Allongée sur le sol, elle n'en pouvait plus de haleter de fatigue. Âgée de un an ou deux de plus qu'elle, ça n'était pas ce qui l'empêchait d'être moins endurante que Rachel. Mais si l'atout force semblait avoir été offert à la sous-officière Blacrow, c'était l'atout charme dont avait hérité Konan. C'est ensemble qu'elles s'en furent se laver dans la fontaine qui se trouvait un peu plus loin. A deux dans des douches gigantesques, elles étaient prises là-bas d'un sentiment d'agoraphobie. Alors elle se baignaient et jouaient avec le jet d'eau de la fontaine. Une occasion comme une autre pour Rachel de se moquer des restes de pudeur qui demeuraient chez Konan. Et elles y étaient encore comme les garçons finissaient de se doucher de leurs côtés, toujours à parler de trucs de filles. De garçons surtout. Et des grandes femmes de la base auxquelles elles voulaient ressembler. Parce qu'elles avaient trop la classe, qu'elles étaient trop belles et que tous les hommes les regardaient avec la langue pendante. Comme Aisling par exemple.


    -Tu crois qu'il nous faudra longtemps pour arriver à leur niveau ?
    -Au moins ! Ça ne fait qu'un an qu'on est là.
    -C'est tout ? J'aurais dit deux moi...
    -Il va nous en falloir au moins une dizaine avant d'aspirer leur ressembler.
    -Pourtant, toi, tu es plus forte que tous les garçons ici. Tu y arriveras peut-être avant. Dans trois ans qui sait ?
    -Je vais être papaaa !!
    -Hihi. Ne dis pas ça voyons. Fufufu ♥ J'en suis loin encore.
    -Ça a pourtant l'air de te faire plaisir.
    -Hum. Oui, tout de même... un petit peu quoi...
    -De toute façon, il te fallait bien ça. Il te manque les touches féminité et charme.
    -Qu'est-ce que ça veut dire ?
    -Je vais être Papaaaaaaaa !!!
    -Oh, je dis juste qu'il te manque ce que j'ai moi. La véritable beauté qui fera fondre les cœurs.
    -Redis ça encore une fois et on verra ce qui est le plus utile de la beauté ou de la force !
    -Mais moi je n'ai pas besoin de me battre pour vaincre les hommes !
    -JE VAIS ÊTRE PAPA, RACHEL ! PAPAAAA !!
    -Hum ?

      Sans crier gare, voici Rachel soulevée dans les airs comme une vulgaire poupée de porcelaine, voltigeant sous l'impulsion d'une musique que seul le corps puissant qui la faisait danser semblait discerner. Et à l'instar de Tom, Konan éclata de rire devant le spectacle d'un père gaga et d'une gamine désemparée, les yeux écarquillés devant son sort inéluctable : celui du tournis et du vertige. Puisqu'il fallait préciser qu'elle volait à plus de deux mètres de hauteur sans pouvoir rien y faire ni y comprendre goutte.

      Lorsque le manège fut enfin terminé et que Salem eut fini de tourner sur lui-même comme une toupie perpétuelle, un sourire béa et à peine essoufflé, Rachel remercia le ciel d'avoir retenu en elle le repas du midi-même.
      Puis enfin, elle plongea son regard émeraude dans les yeux de jade de Salem. Un regard flamboyant de joie. Joie qui aurait dû être communicative. Pourtant à la grande surprise de Rachel même, une fois l'information comprise, elle ressentit une pointe de tristesse et de jalousie qu'elle cacha admirablement bien sous un sourire qui était malgré tout rayonnant. Elle était tout de même heureuse pour lui. Pour lui et pour Aisling, car elle savait très bien que c'était un de leur rêve depuis longtemps.

      Mais une pointe dans sa poitrine lui rappelait qu'elle avait espéré prendre cette place libre. Peut-être.

      Mais qu'elle s'était trompée.


    -C'est super ! Je suis très heureuse pour vous ! Mais qu'est-ce que va se passer pour toi, maintenant ? Pour vous deux je veux dire ? Fini les sorties en mer, tu vas rester éternellement chez toi à couver femme et enfant ?

      Consciente que ses questions n'étaient pas du meilleur effet pour la situation, elle se rattrapa bien vite en souriant de plus belle et en lui rendant son étreinte.
      À leurs côtés, Konan revêtait ses vêtements par dessus ses dessous.



    -Comment vous voulez l'appeler ?
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      J’m’étais tout d’un coup arrêté de gigoter et de sourire béatement. Sa première question avait été d’un tel naturel qu’elle m’avait facilement déconcerté en un seul instant. Qu’est-ce que Rachel me faisait là, comme ça ? Elle était jalouse, hein ? Ouaip. C’était de la jalousie, sans aucun doute possible. Puis elle essaya de rectifier le tir avec un sourire qui me semblait plus ou moins factice et une autre question qui lui était passée par la tête. Un prénom ? Maintenant ? Alors qu’on n’connaissait même pas le sexe du bébé ? On sentait bien là que la jeune fille voulait corriger son erreur. Je me mis à l’observer en silence pendant un moment. Mes prunelles vertes fixaient intensément celles de l’adolescente qui étaient en tous points, semblables aux miennes. L’on aurait dit un grand frère dans les bras de sa petite sœur qui essayait de se racheter. Les seuls bruits qu’on entendait étaient les rires lointains et les pas presque feutrés de Konan qui cherchait à s’échapper de cette atmosphère lourde, voire même sinistre. Elle aurait peut-être eu raison de vouloir fuir s’il s’agissait d’un autre homme, mais ce n’était que moi. Et tout l’monde dans cette caserne savait pertinemment que j’ne pourrais jamais me fâcher contre Rachel quelles que soient ses fautes commises. Ce pourquoi j’finis par sourire gentiment, avant d’administrer une petite pichenette sur le front de ma petite protégée. Elle qui s’inquiétait pour rien, et que j’allais devoir rassurer maintenant. Qu’elle est rigolote, la jeunesse…

      - Petite jalouse… Mais si tu savais comment ça m’fait plaisir.

      A l’ouïe de ma voix rassurante, Konan s’immobilisa net et écarquilla ses yeux, un peu comme si elle n’y croyait pas. Mais j’ne l’avais même pas encore remarqué, tant mon esprit était focalisé sur la jeune fille qui m’avait prise dans ses petits bras. D’ailleurs, je remontai moi aussi mes bras au niveau de sa taille et de son dos, avant de l’étreindre, ignorant complètement le fait qu’elle était nue ou à moitié nue, peu importait en fait. Sa petite poitrine s’écrasa littéralement contre mes tablettes de chocolats. Je l’acculai doucement contre un mur, avant de rapprocher mon visage vers le sien, la piégeant complètement dans mes bras forts et musclés. Pour peu, on aurait presque cru avec mon sourire malicieux que j’voulais lui rouler une pelle, mais il n’en était rien, ou presque, puisqu’au lieu de sa bouche, je posai délicatement mes lèvres sur son front. Konan devint rouge pivoine en voyant cette scène un brin osé. Elle ne savait plus si elle devait attendre Rachel ou s’en aller. Elle se contenta simplement de regarder ailleurs, et notons que je ne l’avais toujours pas remarqué. « L’enfant ne changera rien. Toi et moi, ça restera comme avant. On n’est peut-être pas du même sang, mais tu restes mon premier bébé, mon premier bonheur. N’oublie jamais ça ! » Je me redressai enfin, avant de la lâcher complètement, non sans tirer affectueusement l’une de ses joues. Sans défense et presqu’acculée comme ça, elle avait un air vraiment mignon, et plus féminin que d’habitude. Elle était belle…

      - Tu es ma fierté et tu le seras toujours, mais même si c’est intéressant à entendre, ne m’oblige plus à le répéter dans de telles circonstances. Ne doute plus jamais du lien qui nous unit. D’ailleurs, tu ne m’as toujours pas dit si tu m’accompagnais à la cérémonie des remises des épaulettes… M’enfin, je te laisse te rhabiller… Tu me retrouveras où tu sais, si jamais tu finis de diner…


      Voir Konan dans les parages après m’être retourné me surprit grandement, mais je ne fis que l’ébouriffer en souriant avant de sortir des douches des filles ; non sans loucher sa poitrine qui prenait un volume étonnant. Elle allait faire des ravages, celle-là, et pas qu’un peu. J’n’avais même pas remarqué que j’avais atterri dans les douches des filles lors de mon arrivée. Faut croire que la joie est capable de vous faire faire des choses vraiment inimaginables. Inutile de vous dire que j’étais reparti faire le fanfaron et l’idiot devant mes collègues, bien trop heureux pour penser à autre chose d’autre. Les dires et les états d’âmes de Rachel n’avaient pas tempéré mes ardeurs, puisque j’avais fini de lui dire tout ce qui devait être dit. Il ne tenait plus qu’à elle d’me faire confiance, ce que j’espérai au fin fond de mon cœur. Plusieurs personnes se prirent à mon jeu, et nous fîmes la fête jusqu’à l’arrivée du colonel, où tout l’monde détala comme pas possible. Puis la nuit tomba sur Logue Town, et la brise fraiche avec. A cette heure-ci, c’était diner pour tout l’monde, mis à part les petites troupes qui partaient faire leur ronde dans la ville. Exceptionnellement, le colonel se rendit lui-même dans le grand réfectoire qui n’était pourtant réservé qu’aux mousses, simples soldats et sous-officiers pour leur annoncer officiellement le déroulement de la cérémonie des remises des épaulettes. J’en avais déjà parlé à Rachel, mais celle-ci devait avoir eu confirmation de la bouche du colonel qui avait sans doute dû vanter les efforts de sa caserne…

      Pour ma part, j’étais perché sur la dalle du plus grand bâtiment de la caserne. Il m’arrivait parfois d’y rester des heures, histoire de rêver, de m’évader des réalités de ce monde. J’avais en main une bouteille de saké que je buvais à petites gorgées, avec l’air d’un imbécile heureux. J’aurai pu rester avec Aisling, mais celle-ci avait voulu assister à la petite réunion improvisée par le colonel dans le réfectoire. D’ailleurs, un tonnerre d’applaudissements me confirma la réjouissance des hommes de la caserne face à une nouvelle aussi bonne. Dix bonnes années que le régiment de Logue Town n’y avait plus participé… A croire qu’on n’avait pas chômé. Le fait exceptionnel de cette cérémonie était la présence d’un homme dont tout l’monde connaissait la légende dans les rangs de la marine… Et cet homme n’était autre que mon père. Le vice-amiral Fenyang était l’invité d’honneur de cette fête qui allait réunir plusieurs régiments de toutes les blues confondues. Un évènement à ne pas rater pour sûr. A cette simple pensée, j’eus un long soupir. J’aimais et j’étais plutôt fier de mon père… Mais il n’en demeurait pas moins qu’il me faisait plus ou moins de l’ombre. Je n’étais pas le commandant Fenyang pour beaucoup, mais le fils du vice-amiral Fenyang. Un fait même qui m’avait galvanisé à quitter son équipe qui voguait sur Grand Line pour bosser ici, dans cette caserne. Bientôt, la cour se remplit, preuve même que la réunion et le diner étaient enfin terminés. Je vis aussi Aisling en compagnie de quelques une de ses collègues, l’air heureuse et souriante. Elle était si belle… Tellement que j’ne fis pas attention à la présence près de moi…
      Le petit corps frêle de Rachel se laissa tomber contre le dos droit de Salem comme il regardait amoureusement sa femme enceinte. Il ne l'avait pas entendue approcher et elle-même l'avait sentie, alors elle en avait profité pour lui sauter dessus. Le faire tomber du toit aurait pu être amusant. Il n'en fut rien. Il restait Salem. Et alors qu'il se retournait pour la regarder, elle lui offrit un sourire éclatant. Un moyen comme un autre de lui faire oublier sa première réaction, pas une des meilleures à servir dans ces cas là.

      Tous deux restèrent assis l'un à côté de l'autre, regardant le petit comité s'en aller, jusqu'à disparaître en sortant de la cour. Puis, Rachel se tourna une nouvelle fois vers Salem, naturelle, ses bouclettes noires frémissantes sous ce mouvement. Son regard perçant faisait échos à celui de Alheïri.

      -Tu ne vas pas rejoindre ton père ? C'est pas souvent qu'il vient par ici pourtant. Tu ne vas pas passer un peu de temps avec lui ?

        Enfin, tout ça n'avait pas de réelle importance tout de suite. D'ailleurs, ça arrangeait Rachel qu'il n'aille pas voir son père. Et le petit sourire en coin qui naquit sur ses lèvres dût la trahir.
        Pour être exact, ça ne faisait pas des heures qu'elle le cherchait. Peut-être une petite demi-heure. Jusque là, elle avait été occupée ailleurs. Avec d'autres introuvables.

      -Allez viens ! On va aller manger un bout ensemble. J'ai faim, moi. J'ai pas mangé depuis l'entraînement. Et je suis sûre que tu as soif toi-aussi ! Tu m'emmènes aux cuisines ?

        Doutes ou pas, elle ne lui laissa pas le choix, haranguant chacune de ses interrogations d'un sourire amusé et joyeux. Anguille sous roche, il y avait. Mais la vérité au cœur et la bouche close, elle se borna à conduire Salem jusqu'aux cuisines. Et à peine quelques minutes plus tard, la grande et lourde double porte s'ouvrait devant Salem, poussé par Rachel aussi joyeuse qu'excitée.

        Et dans cette salle, gigantesque pièce de réception, un immense gâteau à la crème. Des couleurs, des fanions de la marine, des ballons, des confettis, des guirlandes, posées avec soin par Konan et Rachel sous la direction de Tom pendant les dernières heures. Des convives par dizaines applaudissant dans une « standing ovation », ululant des vivats, sifflant des bravos, hurlant d'une joie contagieuse. Des jeunes, des vieux, des enfants riants à gorge déployées devant les airs incrédules de Salem et de Aisling, debout de l'autre côté de la salle. Aux côtés de Fenyang père. Visiblement émue par toutes ces attentions que la base portait au couple à peine quelques temps après la grande nouvelle. Les larmes aux yeux, elle croisa le regard de Salem Et Rachel d'une nouvelle poussée dans les reins invita le colonel à s'aventurer plus avant dans la salles remplie et vers sa femme qui n'attendait plus que ça. Et parmi les convives, Rachel, notre toute jeune Rachel, était celle qui applaudissait le plus fort.


        Tant de Joie. De Bonheur. Des sourires, des baisers, des rires. Tant de choses qui ne pouvaient être que le héraut d'un futur bien moins rose...



      Dernière édition par Blacrow L. Rachel le Jeu 25 Oct 2012 - 17:43, édité 1 fois
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        Mais bien avant cet avenir chaotique, l’heure avait été aux réjouissances. Des réjouissances à l’honneur des Fenyang. La présence du futur grand père avait été la cerise sur le gâteau. Bref, que du bonheur. Ledit bonheur fut encore plus grand lorsqu’un docteur annonça deux mois plus tard l’arrivée de jumeaux. L’euphorie totale. Le vice-amiral avait même pleuré comme une madeleine. Il voyait déjà sa retraite se profiler, le tout couronné par l’arrivée de ses futurs petits-enfants. Puis le temps passa… Cinq mois pour être plus précis. Jusqu’à ce que la cérémonie tant attendue par tous les officiers d’East Blue arrive enfin…

        QG de la marine d’East Blue, salle de réunion, fin d’après-midi…

        Jour J


        - Des révolutionnaires vous dites ?!

        - Êtes-vous sûr de cette information, Vice-amiral ?!


        Des murmures s’élevèrent brusquement dans la salle qui réunissait plus d’un millier d’officiers. Les gloires montantes de la marine commencèrent à afficher des mines graves et inquiètes. L’information semblait en troubler plus d’un, et il y avait de quoi : Une multitude d’équipages révolutionnaires sillonnaient dangereusement les environs. Sur son chemin, le vice-amiral Keegan avait fait couler pas moins d’une dizaine de navires ennemis, et avait fait convoquer une réunion d’urgence une fois arrivé au Quartier Général d’East Blue. Il avait rapidement exposé les faits, et voulait dorénavant prendre une décision radicale : Annuler la cérémonie longtemps attendue et la reporter à un autre mois. C’était cette suggestion qui avait suscité les différentes réactions des futurs gradés qui se concertaient sérieusement. Certains semblaient perplexes, indécis, tandis que d’autres criaient presque haut et fort qu’il n’y avait pas de raisons d’annuler les festivités. D’une manière ou d’une autre pour ces officiers-là, c’était fuir l’ennemi, faire preuve de lâcheté. Assis à la droite de mon père, Tom et moi échangions un regard inquiet. Et si ces révolutionnaires venaient attaquer la base ? J’eus immédiatement une pensée pour les deux personnes qui m’étaient les plus chères sur cette ile : Rachel et Aisling. Mais alors que je me perdais en pensées, tous les officiers se mirent d’accord et clamèrent d’une seule voix que la fête devrait se dérouler. Il n’y avait qu’à voir la détermination sur leurs visages, pour savoir qu’ils n’avaient pas l’intention de reporter quoi que ce soit, encore moins de se disperser devant l’ennemi. Un élan de bravoure qui me fit sourire, même si j’avais comme un mauvais pressentiment…

        Bien. Je me sens désarmé face à votre ardeur et votre envie de prendre du galon. Néanmoins, nous prendrons des mesures spéciales pour assurer la défense de l’île. Il serait imprudent de négliger les mouvements de ces révolutionnaires…


        Quelques temps plus tard…

        Les portes de la grande salle s’ouvrirent enfin, laissant déferler une multitude d’officiers sereins et souriants. Ou tout du moins pour la plupart. Parce que me concernant, j’avais plutôt une mine inquiète, soucieuse. J’étais tête en l’air. Il en allait de même pour mon père, qui s’efforçait pourtant de paraitre joyeux et souriant comme les autres. Son anxiété était communicative, mais peut-être était-ce notre lien de sang qui en était la cause. Tom qui marchait à mes côtés tapotait mon épaule comme pour me remonter le moral. Il m’assurait qu’aucun révolutionnaire ne pouvait attaquer ce quartier général. Après tout, il était plein à craquer de soldats pressés de recevoir leur promotion et tous les honneurs qui allaient avec. Beaucoup de marines avaient même emmené leur petite famille sur place, et c’était par exemple mon cas : Rachel et ma femme se trouvaient ici, sur l’île, avec nous. C’est à ce moment-là que j’entendis crier mon nom. Parmi toute cette foule étouffante, Aisling me faisait de grands signes de mains en compagnie d’une infirmière, de la jeune Konan et de Rachel. Mais alors que je m’approchais de ma femme, qui malgré son ventre arrondie était plus belle que jamais, celle-ci se fit soudainement entourer d’autres femmes d’officiers et tout. En seul instant, dame Fenyang m’oublia. J’eus un soupir, avant de voir mon père également entouré par bon nombre de marines apparemment admiratifs. La galère. Tom se fit également enlever par une de ses anciennes camarades de classe dans la marine. La galère... Mais alors que je me retrouvais complètement seul, mes yeux se braquèrent sur une petite silhouette qui m’était familière. S’en suivirent un sourire, quelques pas, et une étreinte réconfortante pour finir…

        - Viens avec moi… Je connais un endroit tranquille…

        Ni une ni deux, que j’avais pris Rachel avec moi, avant de m’éloigner de cette marée humaine. Ma femme qui avait fini par me trouver du regard, voulut une nouvelle fois crier mon nom, mais en vain car le vacarme environnant ne lui permettait pas de m’atteindre. C’est donc un peu insouciant que j’étais parti avec Rachel. Aisling était entre de bonnes mains de toute façon. Très vite, nous nous quittâmes la civilisation pour atterrir dans un petit bois derrière le QG en lui-même. Après une petite marche silencieuse main dans la main, nous débouchâmes sur une plage qui semblait abandonnée, déserte. A croire que les marines du coin n’avaient pas cru bon d’aménager cette berge pour en fait un petit débarcadère. De là, nous pûmes aisément observer le beau crépuscule qui se dessinait devant nous. Il allait faire bientôt nuit. Soudain, une image m’interpella de très loin. Celle d’un officier en compagnie de quatre inconnus que je distinguais mal. Sans trop me méfier et animé d’un brusque élan de curiosité, je mis à marcher doucement vers ce groupe de gens, toujours en compagnie de Rachel. Lesdits gens se retournèrent vers nous après nous avoir remarqués. Ils semblaient ne pas être de la marine vu leurs vêtements. Qui diable étaient-ils ? Va savoir. Au fur et à mesure que nous nous rapprochions, je reconnus aisément le commandant Garnet de la base de Shell Town. Un brave type avec qui j’avais déjà fait équipe par le passé. Celui-ci finit par me sourire, avant que je ne me présente devant lui. Mais à peine avais-je entamé la conversation que ses quatre compagnons nous entourèrent bizarrement, lui moi et Rachel. Jusque-là encore, je ne soupçonnais rien. Rien du tout. Seulement, à la vue de la vielle barque à quelques mètres de nous et des immenses silhouettes qui se profilaient à l’horizon…

        - RACHEL C…

        A peine avais-je voulu prévenir ma petite protégée, qu’une détonation sourde se fit entendre. L’un des types qui parlait à Garnet avait sorti une arme à feu et avait visé ma nuque. Dans la précipitation, il avait heureusement tiré sur mon épaule, ce qui m’avait tout d’même surpris et ce qui m’arracha un râle de douleur. A bout portant, la balle me perfora l’épaule et termina sa course entre les deux yeux d’un des quatre inconnus. Dégât collatéral : L’homme succomba sur le coup. Vacillant un instant, j’eus quand même la force de me tenir sur les deux pieds, avant de dégainer mon arme et de l’agiter dans tous les sens. L’initiative eut pour effet de faire reculer les trois autres, ainsi que le commandant Garnet qui se présentait sous un nouveau jour : Son visage était déformé par un rictus mauvais, et ça sentait pas du tout bon. C’est en voulant me tenir devant Rachel pour la protéger, que je jetai inévitablement un coup d’œil à l’horizon, avant d’apercevoir une dizaine de galions foncer sur l’île. En l’espace d’une seconde, j’avais cru qu’il s’agissait d’une flotte de la marine comme le préconisait le dispositif sécuritaire de mon père, mais il n’en était rien. Les bateaux qui s’avançaient vers l’île avaient leurs voiles flanquées de l’insigne révolutionnaire ! J’écarquillai mes yeux de terreur à la vue de cette horreur, sous le rire sonore de Garnet. Il apparaissait clairement que ce connard était une taupe, un putain de traitre ! Ce dernier sortit un escargophone de sa poche, avant de déclarer : « Vous pouvez débuter l’pération comme convenu » Les vingt secondes qui suivirent ses dires furent comme un cauchemar. Sans aucune hésitation, les navires révolutionnaires tirèrent sur un bâtiment du QG et le détruisirent en quelques coups…

        La peur, les cris de terreur et les pleurs s’emparèrent de l’île toute entière juste après. Les révolutionnaires frappaient un grand coup !

        - RACHEL ! COURS TE METTRE A L'ABRI ET PRÉVIENS MON PÈRE ET TOM DE CE QUI SE PASSE ICI ! DIS AUSSI AU LIEUTENANT JERRY D'ÉVACUER AISLING ! JE TE COUVRE, GROUILLE !

        Après quoi, je me mis à courir vers mes nouveaux adversaires pour gagner du temps à la jeune adolescente.
          Certains jours, dans certains cas, Rachel préférait rester en arrière. Derrière Salem, loin de certaines situations étranges ou de certains gens louches. Elle avait suivi Salem hors de la foule car elle en avait vite eu assez de ce monde braillard -mélange entre bruyant et bavard- auquel elle s'était mêlée pour le geste plus que par envie. Pour faire plaisir à son sauveur Salem et à Aisling aussi. Tout ça pour se retrouver suivis par un groupe de sourires faux appâtés par la gloire, la puissance et l'aura de Salem. Des hypocrites à tous les coups. Ainsi donc, lorsqu'il alla les saluer comme le voulait son statut, elle était à quelques pas en arrière, suivie du coin de l'oeil par les yeux mauvais et les regards jaloux des quatre hommes. Comme si elle pouvait leur faire de l'ombre, être une menace. Elle ne comprendrait jamais rien à leurs idées stupides de gloire et de courbettes ; pour du pouvoir. Ils étaient des marins, le devoir devrait leur suffire !

          Alors tandis qu'ils papotaient de choses inutiles pour elle, Rachel se détourna du groupe pour ramasser une araignée qui courait dans l'herbe verte. Jusqu'à ce que :

        -RACHEL C...

          Et la détonation qui s'en suivit la glaça comme elle faisait volte-face d'un bond. Dans le ciel, une trainée de feu et de fumée noire, puis un impact brutal sur la base qu'ils avaient quittés peu avant. Dans la précipitation, elle faillit trébucher en se précipitant vers Salem. À moins que ce ne soit en essayant de s'arrêter comme l'un des quatre hommes tentait d'abattre son mentor.
          Une vision qui la glaça une nouvelle fois alors que l'un des quatre s'écroulait sous les tirs collatéraux. Les yeux ronds, elle fixait exorbitée la scène qui s'offrait à elle. Pourquoi ? Pourquoi les hommes s'en prenaient-ils à eux ? Y avait-il un rapport avec les détonations et coups de tonnerre qu'on entendait en boucle ? À l'horizon, cinq, peut-être six navires approchaient, menaçants, à moitié visibles à cause de la distance et une vision d'autant plus effrayante.
          Totalement perdue, totalement impuissante, elle observa une longue seconde Salem tirer son épée et faire reculer ses assaillants restants. Ainsi que la balle qui siffla en se fichant entre ses jambes.

        - RACHEL ! COURS TE METTRE A L'ABRI ET PRÉVIENS MON PÈRE ET TOM DE CE QUI SE PASSE ICI ! DIS AUSSI AU LIEUTENANT JERRY D'ÉVACUER AISLING ! JE TE COUVRE, GROUILLE !

          Le cri de Salem, elle le prit en pleine figure, la déstabilisant, manquant de la faire tomber. Elle sentit le rouge lui monter aux joues ainsi que les larmes aux yeux à cause de son manque de réaction. Alors tremblante, elle tourna les talons et n'eut aucune difficulté à fuir les bois où les choses lui semblaient si compliquées. Et si terrifiantes aussi. Pour son mentor laissé en arrière, elle versa une larme ou deux. Mais accompagnée dans sa course par des salves de boulets de canons et précédée de cris de détresse, de douleur et de peur, son esprit comprit le message que lui avait remis Salem et son importance. D'un revers de main, elle essuya la larme sur sa joue et redoubla de vitesse, espérant doubler à la course les boules de feu et de morts qui filaient au-dessus d'elle, au-dessus de la cime des arbres, dans un vacarme apocalyptique. Et enfin la lisière. Et enfin la visière. Qui se lève.

          Devant elle, depuis la butte où elle se tenait raide et haletante, s'étendait un champs de destruction.

          Elle resta sans voix. Sans mots. Devant ces flammes partout, ces cris. Heureusement pour elle, elle était encore trop loin pour voir toutes les horreurs que la fumée lui masquait encore. Les corps sans vie sur les côtés des rues, les maisons écroulées sur das hommes et des femmes hurlant à l'aide, des marins mutilés. Tout ça, elle ne le voyait pas. Ne l'entendait pas. Mais pire que tout, elle l'imaginait. Elle ne comprenait pas ce qui se passait, ne savait pas pourquoi on tuait des hommes, des femmes et même des enfants comme Konan, mais ce qu'elle voyait la pétrifiait. Là-dedans, dans cet enfer qu'elle ne voyait que de loin, qu'en tant que spectatrice, se battait Fenyang père pour la survie de tous, Konan pour sa propre survie et Aisling pour la survie de son enfant.

          Et elle, pauvre Rachel, de son perchoir, les jambes gourdes, ne pouvaient pas bouger. Elle n'arrivait pas à intimer le moindre ordre d'avancer à ses jambes. N'arrivait plus à penser. Pas face à un tel carnage. Et puis, que pouvait-elle faire ? A peine entrée dans les champs de ruine, elle risquait de mourir avant d'avoir transmis des informations qui ne serviraient plus à rien. Crier on est attaqué par des révos et une taupe n'était pas l'information primordial maintenant.


          Que faisait Salem ? S'en sortait-il ? Que faisait le vice amiral ? Et où se trouvait donc Aisling ? Et tous les nouveaux promus... ?

          Seule comme au premier jour, incapable de se résoudre à se jeter dans la bataille, elle laissait les larmes inonder ses joues et la terre dure lui meurtrir les genoux. Que pouvait-elle faire d'autre... Qu'arriverait-elle à faire d'autre ?
          Au-dessus de sa tête, les boulets s'arrêtent finalement de cracher leurs flammes. Après combien de temps ? Une heure, cinq minutes ? Une éternité. Assez longtemps pour que plus une larme ne s'écoule de ses yeux rougis. Alors à cet instant uniquement, son corps se releva, presque contre son gré. Et elle se dirigea vers les bâtiment en feu. À pas lents. D'abord, puis plus rapidement à cause de la pente douce. Pour finir par entrer en courant, hors d'haleine, avec l'énergie du désespoir. Son regard n'accrocha aucun des éléments qui l'aurait un peu plus ancrée dans cette réalité. Elle se forçait à courir tout droit, à ne fixer que l'horizon, à ne pas s'arrêter. Jusqu'où contait-elle aller ? Que cherchait-elle ? Une échappatoire ou un espoir ? Toutes les rues se ressemblaient et au final. Jusqu'au moment où elle trouva ce qu'elle redoutait de trouver. Elle n'avait pas voulu regarder, mais elle avait vu du coin de l’œil Konan, sur le sol, immobile. Alors ses pas, loin de ralentir, s'étaient accélérés et elle continua sa route, sentant ses yeux secs la piquer comme elle ne s'en approcha pas. Se détournant même de cette atroce vision...

          ...Pour tomber sur pire encore.


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          L’un d’eux s’élança automatiquement vers moi, lorsqu’il vit que je chargeais sans trop réfléchir. Près l’un de l’autre, nous échangeâmes des coups d’estoc pendant quelques secondes seulement, jusqu’à ce que je réussisse à lui infliger une entaille au ventre qui le fit tomber au sol une bonne fois pour toute. Un de moins, ce qui était déjà quelques chose. Les navires continuaient toujours de bombarder l’île n’importe comment, et les cris d’effroi me glacèrent le sang. La fuite de Rachel était ma seule satisfaction pour l’instant, mais il me fallait faire vite pour la rejoindre, en plus d’Aisling qui devait être extrêmement affolée. A cette pensée d’ailleurs, je n’eus aucun mal à me débarrasser des deux autres qui virent m’attaquer au même moment. L’un avait été clairement décapité, tandis que l’autre se vit transpercé en plein cœur par mon meitou. Il n’y avait pas de pitié qui tienne. C’était eux ou les miens, et je puis vous dire que le choix était vite fait. Garnet avait tout de même le sourire aux lèvres. Il finit par dégainer une rapière, avant de me faire face d’un air triomphant. L’homme était déjà sûr de gagner. Il avait déjà un avantage certain : Le fait même d’être frais et dispo, contrairement à moi qui avait eu l’épaule perforée par une balle vicieuse. Le renégat s’était même mit à ricaner quand il me vit grimacer de douleurs ; mais le pauvre ne perdait rien pour attendre. Et très vite, nous engageâmes le combat comme jamais. Garnet avait beau être un traitre, mais il était doué. Bien plus doué que ses partenaires que j’avais réussi à neutraliser. Ça sentait le sapin pour moi, et pas qu’un peu…

          - HAHAHAHAHAHA ! TU COMPTES TENIR COMME CA PENDANT COMBIEN DE TEMPS ENCORE ?

          Mon ennemi prenait confiance au fur et à mesure que les secondes s’égrenaient. Ses attaques étaient véhémentes et sa vitesse complétement hors-norme. C’était ces aptitudes qui me forçaient à me défendre, sans possibilités d’une quelconque réplique. Le connard réussissait à m’acculer, et pas qu’un peu. De justesse, j’évitai l’un de ses coups qui abattit un arbre derrière moi, alors que je roulais au sol. Mais l’homme ne me laissa point de répit. Il bondit sur moi, avant de m’assaillir une nouvelle fois d’attaques que j’avais, cette fois-là, du mal à contenir. Des estafilades prenaient forme partout sur mon corps, car s’il n’arrivait pas à atteindre l’un de mes points vitaux, il réussissait tout d’même à me toucher ce qui était chiant. Et pendant ce temps-là, les navires continuaient toujours de bombarder l’île et de s’avancer vers elle. Au bout d’un moment et même si ça m’avait pris du temps, je réalisai que Garnet laissait beaucoup d’ouvertures, étant donné qu’il ne misait que sur l’attaque. Fort de cela et conscient qu’un sacrifice de ma part serait nécessaire, je l’avais alors laissé planter sa rapière dans ma cuisse gauche, avant de saisir sa lame de ma main gauche. Le pauvre écarquilla soudainement les yeux et comprit alors qu’il avait fait une grave erreur : Sans arme pour se défendre, Garnet n’eut que ses yeux pour voir l’horreur. Ma lame fondit vers son crane qu’il essaya de protéger de son avant-bras ; mais ledit avant-bras fut tranché net et le crâne fendu sans autre forme de procès. Mais à peine avais-je fini de le battre qu’un boulet d’canon fonça droit sur la plage, pour ne pas dire moi…

          Toujours accroché au cadavre de Garnet et impuissant face à cette offensive surprise, j’vis soudainement ma vie défiler devant moi... Mais c’est alors que… « RESSAISIS TOI, SALEEEM !! » Un géant sortit de nulle part pour s’afficher devant moi, et donna un sacré coup d’poing à la boule qui fit un retour inattendu vers l’un des navires révolutionnaires. Inutile de vous dire que ledit navire prit cher… C’était mon père ! Le vice-amiral Fenyang dans toute sa splendeur et toute sa grandeur. Derrière lui se tenait une multitude de marines plus ou moins en forme, mais prêts à se battre à la vue de leur expression décidée. C’était des pères, des oncles, des frères et même des fils, décidés à défendre leur foyer, leur famille... La marine semblait vouloir ne pas se laisser faire. Mon père dégaina une lourde épée avant d’abattre rapidement deux vaisseaux ennemis, et ce, d’une facilité déconcertante. Les lames d’air qu’il générait efficacement pourfendaient la mer, avant de s’abattre impitoyablement sur les bâtiments flottants. Il était fort… Vraiment trop fort… Et c’était pour cette raison que j’avais demandé à Rachel de l’appeler ici, histoire d’en finir au plus vite avec ces foutus révolutionnaires. « MAIS TU RÊVES OU QUOI ?! VA METTRE TA FEMME EN SÉCURITÉ !! » Qu’il m’avait soudainement ordonné. Et c’était bien la première fois qu’il me criait dessus en de telles circonstances. Réanimé par ses paroles, j’ne me fis pas prier une fois encore. Et c’est sous les sourires des autres officiers qui se tenaient derrière mon père que j’avais foncé au cœur même de l’île, malgré mes deux blessures dont j’n’en avais cure. Après tout, il y avait en jeu la vie de quatre personnes qui m’étaient vraiment trop chères...

          *Pendant ce temps, à l’autre rivage de l’île*

          C’était la débandade générale. Tout le monde (Ou tout du moins les survivants) convergeait vers l’embarcadère au pas de course, dans la seule optique de se protéger. Les marines avaient bien du mal à contenir cette foule affolée, mais tentaient tant bien que mal d’organiser au mieux le sauvetage de ces pauvres familles. Mais alors que tout l’monde fuyait, une seule personne refusait d’embarquer sans voir son époux et celle qu’elle considérait comme sa propre fille : Aisling ! Malgré les supplications de Tom auprès d’elle pour la convaincre de monter à bord d’un navire, la mère en grossesse pleurait toutes les larmes de son corps, attendant impatiemment de revoir son beau Salem et sa chère Rachel. Devant l’inébranlable volonté d’une future mère et d’une épouse inquiète pour son mari, Tom, sa famille et ses quelques hommes, décidèrent de rester sur place, près de l’embarcadère, pour veiller au mieux sur Aisling. Ils pouvaient bien attendre encore un peu la venue des autres. Mais au moment même où Tom se perdait dans ses pensées, une explosion retentit tout à coup à l’embarcadère. Les bateaux d’évacuations venaient d’être attaqués. Il était stupéfait comme tous les autres survivants encore sur la terre ferme. Au loin, se profilait une autre vision d’horreur : Deux autres navires révolutionnaires approchaient l’île. Et en quelques instants seulement, ils firent couler quatre à cinq navires pleins à craquer, tuant alors des civils innocents dans leur folie meurtrière, et sans que les marines puissent avoir le temps de répliquer. Les bombardements reprirent alors de plus belle. Très rapidement, Tom préféra mettre Aisling et sa famille à l’abri. La fuite semblait ne pas être pour tout de suite. Un cauchemar sans fin…
            Pour tomber sur bien pire encore...

            Devant elle, l'embarcadère s'offrait à sa vue. Un embarcadère à feu et à sang, à l'image du reste du QG. Les navires d'évacuation étaient en feu, embrasant la scène d'un rouge orangé, comme un soleil couchant, et dispensant des couleurs qui auraient pu être magnifique. Et qui en cet instant n'évoquait que carnage, mort, désolation, sang...
            A l'horizon, deux sombres formes s'avançaient. Se profilaient. Menaçantes. Rachel, une nouvelle fois, pensa à fuir dans la direction opposée avant de se rendre compte qu'il n'y avait plus de direction opposée, que tout l'île devait être cernée. Comment diable une telle flotte avait-elle pu être rassemblée ? Avec l'aide du traitre, sûrement.

            Pétrifiée devant cette scène, son œil vert aperçut non loin de là Tom et Aisling fuir vers l'intérieur de la ville. Un sanglot de soulagement la secoua alors. Elle s'essuya les yeux d'un revers de manche et s'élança à leur poursuite, aussi vite qu'elle le put, évitant les tirs qui éclataient de toutes parts, faisant abstraction des tirs de canon des navires au large. Du couvert d'où elle venait, un bâtiment fut heurté avec une violence inouïe, le faisant s'écrouler sur ceux qui se trouvaient en dessous. Elle n'y prêta pas attention et courut aussi vite que ses jambes tremblantes le lui permettaient. Arrivant à la hauteur de Ainsling et de Tom, ce dernier la repéra dans un grand cri de soulagement et avant que la future mère n'ait eut le temps de se retourner, Rachel lui sautait déjà dans les bras, manquant de la renverser.

            Tom laissa errer son regard à la ronde pour vérifier que tout allait bien le temps que les deux filles aient finies de se rassurer mutuellement, puis il les poussa sans ménagement pour les forcer à avancer. Il les fit entrer dans la grande salle qui avait été le témoin des dernières festivités. Parce que « c'était la joie de se retrouver, mais fallait pas déconner, ça chiait malgré tout dans la colle, et comme il fallait ! »
            Dans la grande salle où tous trois pénétrèrent, d'autres personnes s'y réfugiaient déjà. Les sous-sols étaient sûrs paraissait-il. Pourtant, comme Aisling, poussée par Tom, entra à la suite d'une mère et sa fille, Rachel, elle, resta obstinément derrière. Debout, la main sur la garde du sabre que Salem lui avait offert, elle les fixait le regard vide, ailleurs. Pour la troisième fois, Tom hurla son prénom, et loin d'y répondre, elle tourna les talons et sortit de la salle comme si elle avait le diable aux trousses. Dans son dos, les cris désespérés d'Aisling la suivaient. Elle n'y porta pas attention. Car elle n'irait pas se cacher sans Konan. Pas sans être sûre que... Cette fois, elle ne se détournerait pas. Elle était honteuse d'être restée seule et à l'abri sur le talus, à l'abri des arbres. Pendant que d'autres tombaient. Comme Konan. Une fois pas deux !

            Courant comme une dératée, elle regarda impuissante les navires se rapprocher et des chaloupes mises à la mer. Rachel, elle, fendait les flots des personnes qui filaient se mettre à l'abri. Elle remontait cette marée jusqu'à retrouver Konan. Là où elle l'avait vue. Juste là, à cet angle de rue. Elle était étendue là tout à l'heure ! Rachel, totalement désorientée, se dévissait le cou pour apercevoir un corps, une silhouette, celle de Konan. Elle n'avait pas rêvée, elle était là tout à l'heure ! Même la tâche de sang s'y trouvait... Elle avait été déplacée, avait fuie finalement, juste sonnée ? Quelque part, savoir ça rassura Rachel, mais ne pas la voir de ses propres yeux renforçait sa crainte.

            Et alors qu'elle regardait tout autour d'elle, qu'elle en cherchait une trace, un homme, grand, près de deux mètres trente, aux yeux de jade, apparut un peu plus loin, courant vers la ville comme tant d'autres. En l'apercevant, le cœur de Rachel fit un nouveau bond dans sa poitrine et elle se précipita vers lui pour lui sauter dans les bras, manquant de peu de fondre une nouvelle fois en sanglots. Elle se retint in extremis.
            Lorsqu'il l'eut forcé à relâcher son étreinte, visiblement plus inquiet que jamais, Rachel s'empressa de lui raconter.

          -Tom et Aisling sont à l'abri sous les cuisines de la grande salle. Saufs, pour l'instant. Seule manque Konan. Je la cherche, elle était là tout à l'heure, mais elle n'y est plus... ! Je ne sais pas où est ton père non plus...

            La panique et la précipitation. Voilà ce qui dirigeait les deux marins à l'heure actuelle. Et une fois son mentor de nouveau à ses côtés, elle le suivit comme son ombre comme il s'élançait à nouveau vers le cœur de la ville. Vers le grand bâtiment..

            Et là, Rachel vit le boulet de canon qui arrivait droit sur ledit bâtiment. Comme il explosait en rencontrant la salle qui l'avait vue promue et et même accueilli la fête pour l'enfant des Fenyang, Rachel ne put retenir un cri de détresse.
            Alors même que les gravats volaient en tout sens, les barques révolutionnaires touchaient terre et une trentaine d'hommes, trop heureux de prendre une place stratégique de la marine, se jetèrent de toutes parts, médiocrement armés de sabre et de fusils. Beaucoup s'engouffrèrent dans la brèche toujours fumante que les canons venaient de faire. Ils se jetaient vers la cachette des civils, persuadés d'en déloger des marins trop couards. Ils se jetaient vers Tom.

            Ils se jetaient vers Aisling.

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            Mais alors qu’un révolutionnaire était à quelques mètres d’Aisling, une onde tranchante surgit de nulle part et l’obligea à reculer d’un bond. D’ailleurs, l’attaque surprise eut pour effet d’immobiliser les autres révolutionnaires, en l’espace de quelques secondes seulement. Temps qu’il m’fallut pour arracher la tête du plus proche d’ma femme d’un seul coup de sabre, avant d’faire enfin mon apparition sur scène. Aisling fondit en larmes. Elle devait être à la fois perdue par tous ces évènements brusques, et heureuse d’me voir en vie sain et sauf. Enfin, pas si sauf que ça, car mes blessures à la cuisse et à l’épaule me faisaient tout d’même un mal de chien. J’me retournai vers elle pour lui faire un sourire réconfortant, et comme pour lui dire que tout allait bien se passer. Il n’était pas question que ces sales types touchent à un seul cheveu de ma femme, oh que non. Pour les inciter à venir croiser le fer, je leur ai même fait un sourire assez goguenard dans l’genre. Nargués et énervés par cette provocation plus que directe, les rebelles ne se firent pas prier pour se jeter sur moi à corps perdu. Les imbéciles ! Ils allaient bien vite s’en mordre les doigts. Adoptant ma position précédente auprès de Rachel, je décochai une autre lame d’air qui transperça leur première ligne de front. Je ne maitrisais pas encore cette attaque, puisque je ne faisais qu’imiter mon père, mais ça avait eu du bon. Les autres ennemis prirent rapidement peur. En une attaque seulement, je venais de mettre pas moins de neuf personnes à terre. Ils n’étaient pas nécessairement morts, mais ils étaient grièvement blessés…

            - RÉVEILLEZ-VOUS !!!! VOUS ÊTES DES MARINES, BON SANG !!!

            J’avais profité de cette occasion pour me retourner piquer une gueulante sur les quelques marines qui se trouvaient derrière moi, en compagnie des pauvres civils qu’ils voulaient protéger. La meilleure façon de leur assurer une protection, c’était d’attaquer ces putains d’agitateurs, et non pas de se contenter de la défense. Qu’est-ce qu’ils croyaient ? Que mon père allait venir de sitôt les sauver ?! L’homme était bien trop occupé à assurer nos arrières pour l’instant et il fallait que l’on prenne nous-même nos responsabilités. Mon sermon eut l’effet escompté, car l’on pouvait maintenant lire sur le visage de certains marines, de la détermination, de la volonté, mais aussi de la dignité. Et cette dignité en tant que fervents défenseurs de la justice, nous défendait de nous résigner face à des assauts aussi lâches que stupides. « ON VA MONTRER A CES SALAUDS DE QUEL BOIS ON SE CHAUFFE ! » Un « OUAIS » tonitruant s’fit entendre derrière moi, avant qu’une dizaine de marines ne prenne place à mes côtés. Tom avait même le sourire en s’armant de son fusil. Les voir aussi déterminés ne fit que renforcer ma propre sérénité et mon envie d’en découdre devint plus grande encore. Pour ma femme, mes bébés et Rachel, j’étais prêt à tout ! Le nombre de révolutionnaires cessa enfin d’augmenter, mais j’devais avouer que voir une centaine d’ennemis devant nous, alors que nous n’étions qu’une quinzaine tout au plus, ça intimidait un peu. Cependant, s’il fallait que je sacrifie ma vie pour sauver celle, nul doute que je le ferais avec honneur et plaisir ; même si pour tout vous avouer, j’ne partais pas du tout en victime résignée.

            - POUR LA JUSTICE !

            C’est dans un vacarme assourdissant que marines et révolutionnaires, croisèrent une nouvelle fois le fer. La bataille qui s’engageait était d’une violence inouïe. C’était des tirs par ci, des coups de feux par là… Bref, rien de vraiment folichon. Le champ de bataille fut vite jonché de corps inertes et ensanglantés. Mais lesdits corps n’étaient autres que ceux des émeutiers. C’était complètement invraisemblable, insensé même, mais tous les marines étaient des officiers puissants et complètement expérimentés. Si l’effet de surprise de l’offensive ennemie les avait décontenancés pendant un bon moment, il n’en demeurait pas moins que ces officiers avaient vite fait de reprendre le poil de la bête, ce qui était de bon augure. Dans l’affaire, Tom était certainement le plus fougueux d’entre nous tous. Il avait beau être toujours souriant, mais au combat, ce type devenait un véritable diable, presque méconnaissable même. Si sa hargne guerrière me faisait parfois peur, là, elle me réjouissait totalement et c’était peur d’le dire. Grâce à la ferveur de ces officiers, nous réussîmes en dix minutes seulement à décimer la moitié des effectifs adverses… Le vent semblait tourner en notre faveur… Semblait seulement. Car deux de nos amis trouvèrent soudainement la mort par la faute d’un sniper planqué dans un coin. Cette image enragea Tom qui, lui aussi, braqua son arme vers le meurtrier avant de le tuer d’un seul coup bien précis. Nous n’étions plus que treize pour une cinquantaine d’homme, soit un équipage tout entier. Avec un peu d’effort, nous allions y arriver ! Foi de Fenyang ! C’est alors que je m’étais enfin retournée vers Rachel, non sans lui crier rapidement un ordre qu’elle ne devrait pas avoir de mal à exécuter :

            - RACHEL, ÉVACUE LES CIVILS RESTANTS, ET PRENDS CA AVEC TOI !

            Immédiatement, j’lui avais lancé le Kashuu, histoire d’optimiser sa défense si jamais il y avait un pépin. Elle l’avait déjà utilisé à plusieurs reprises lors de ses entrainements, ce qui ne devrait pas lui poser de problème. Après quoi, je m’étais retourné vers mes adversaires sans savoir quelle avait été sa réaction et si elle avait bien réceptionné le sabre que je lui avais confié. J’ne regardais pas non plus Aisling qui devait être en état de choc avec toute cette violence autour d’elle. Violence qu’elle arborait de tout son être, elle qui avait du mal à tenir ne serait-ce qu’un poignard. En lieu et place de mon arme fétiche, j’avais ramassé les deux sabres de mes collègues morts sous mes yeux, et sous ceux de Tom. Les quinze hommes étaient à nouveau réunis sur la place. J’eus un sourire, avant de repartir une nouvelle fois dans cette lutte sans merci. L’heure était à la bataille. C’est avec fougue que je tranchais tout ce qui se trouvait autour de moi, et ce malgré mes blessures. J’étais sale, en sueur, et complètement imbibé du sang infect de mes ennemis qui tombaient sous mon courroux. Oser s’attaquer à une femme enceinte sans défense ?! C’était bien trop lâche pour que je puisse être complaisant comme à mon habitude. De ce fait, tuer ici devenait une nécessité, voire même un plaisir certain. Je n’avais jamais autant pris goût à taillader et cisailler la chair. Même que je commençais à arborer un sourire carnassier qui en disait long sur mes états d’âmes. Le nombre de rebelles devant nous diminuait à vue d’œil. Cependant et malgré mon assurance apparente, je n’étais toujours pas tranquille…

            Et il y avait de quoi puisqu’au beau milieu de l’île, là même où j’avais pressé Rachel et les civils, se trouvait un tout petit comité de rebelles avec à sa tête une véritable machine de guerre : Le chef du QG révolutionnaire d’East Blue, commanditaire de cette opération.
            Courir. Il lui semblait qu'elle ne faisait que ça depuis des heures. Courir, l'estomac noué, la peur au ventre et les ailes de l'adrénaline lui permettant d'oublier la fatigue et ses muscles fourbus. Elle le savait. Elle avait conscience que si elle s'arrêtait, si elle relâchait cette pression qui enflait et menaçait d'exploser, elle tomberait à nouveau à genoux, sûrement en larmes et tout aussi impuissante qu'auparavant. Ou plutôt, elle accepterait cette impuissance. Car ici, là, maintenant, au milieu des cette ville qui hurlait sa douleur et dont les bâtiments ne tenaient plus que par leurs propres volontés, impuissante, elle l'était. Complètement. Tout ce qu'elle pouvait faire c'était de trouver un lieu où mettre le peu de civils encore en état en lieu sûr. Désespérée, aussi. Elle l'était ; complètement. Mais elle gardait la tête haute et ravalait les larmes de terreur et d'abattement qui la tenaillaient à chaque halte nécessaire au maintien de la bonne cohésion du groupe. Ce groupe. Dix personnes tout au plus qu'elle avait trouvée de ci de là et qu'elle avait hélée pour qu'elles la suive. Et depuis, en tête d'un cortège qui progressait bien trop lentement à son goût, un sabre trop grand pour elle en main et avec le soutien de Aisling qui encourageait les derniers de la troupe, Rachel apprenait à repousser l'inquiétude qui la rongeait, qui la dévorait.

            Et il y avait de quoi puisqu'au beau milieu de l'île, là même vers l'endroit où elle pressait son petit groupe de civils, se trouvait à les attendre un petit comité de rebelles. Et le chef commanditaire de cette opération.

            Alors qu'il lui semblait s'éloigner des combats et entrevoyait enfin une lueur d'espoir à sauver les quelques personnes qui la suivaient, au détour d'une rue, un regard glacial accrocha le sien. Un regard certes déstabilisant, mais en soi pas plus étrange que de trouver un homme en plein milieu d'un conflit, arpentant lentement les rues à peu près intactes de la ville. Fier, droit et serein. Inquiétant, oui. Effrayant quand son visage se scinde en un sourire mauvais en posant son regard sur Aisling. La femme de Alheiri, enceinte jusqu'aux yeux de magnifiques jumeaux. Freinant des quatre fers, Rachel hurle à la troupe de faire demi-tour, plus paniquée qu'elle n'aurait voulu le montrer. Les derniers de la file firent volte-face tandis que l'homme leva un bras. Pas très haut. Juste un geste, un signe. Et dans son dos, deux bâtiments sautèrent purement et simplement dans un échos qui vrilla les tympans de Rachel et d'Aisling ; dans des langues de feu qui les éblouirent. Ses cheveux gris, à lui, parurent argentés, miroiter dans cette explosion de couleurs. Le centre des attentions.

            Les jambes flageolantes, Rachel se plaça devant Aisling et lui hurla de fuir avec les autres. D'une voix vibrante de peur. Elle aurait voulu être n'importe où pourvu que ce fusse loin de cet endroit. Elle aurait voulu que tout la ville soit ailleurs, tous les habitants. Puis l'homme à l'air détaché lève à nouveau la main, dans un nouveau signe qui n'est pas l'annonciateur du printemps. Un signe qui n'est que le précepteur du cauchemar. Il lève la main, sourit et dans le dos de Rachel, là où fuient encore les civils, des cris de douleurs percent le vacarme ambiant. Aisling Fenyang et atterrée. Rachel est tétanisée. L'une a les yeux braqués sur les corps qui s'écroulent les uns après les autres sous des coups qui viennent d'on ne sait où, l'autre n'ose pas se retourner de peur de ce qu'elle y verra. Et toutes deux ne peuvent s'empêcher de prier intérieurement, d'implorer une aide quelconque. Keegan. Salem surtout.

            Mais l'important c'est de se calmer. Face à elle, un homme avance inexorablement avec en tête un seul et unique but, tuer les deux femmes qui se tiennent devant lui. Les deux femmes. Elles sont deux. Deux femmes unies par la même peur, la même colère froide et le même désespoir. Et qui dans leur faiblesse révèlent au grand jour leur plus grande force qu'est le courage d'affronter en face cet homme bien plus dangereux qu'une explosion.

            -S'il te plait, va-t-en...
            -Il n'est pas question que je te laisse ici.
            -Mais Salem m'a demandé de te mettre à l'abri.
            -Eh bien je ne me mettrai à l'abri qu'avec toi.

            Ce n'était pas du tout ce qu'elle avait voulu entendre. Elle pouvait tant bien que mal essayer de rivaliser avec cet homme dont elle ignorait tout. Même avec un sabre qui n'était pas le sien. Mais Aisling... Elle ne pouvait même pas supporter de tenir un couteau. La vue de n'importe quelle arme aurait pu lui donner la nausée si elle comportait la moindre trace de sang ou de bataille. Elle ne saurait pas la protéger si elle restait auprès d'elle. Elle ne saurait pas obéir à Salem dans ces conditions.
            Prenant une grande bouffée d'air frais, respirant autant de fumée dans le même mouvement, Rachel ferma les yeux et ferma à double tour ses sensations et ses émotions inutiles. Au diable le courage, la vie d'Aisling et le bonheur de Salem étaient en jeu.

            D'un bond, elle fit volte face et empoignant la femme par le poignet, elle l'entraîna soudain dans une direction opposée, passant par trop près des corps à terre des civils qu'elle devait protéger. Sprintant comme elles le pouvaient, elle tentèrent d'échapper à l'homme qui ne les lâchait pas du regard. Tentative vaine dans son regard. Il leva la main. Rachel avisa les deux mouvements du coin de l’œil et se mit sur la trajectoire des balles. Balles tirées par deux hommes cachés par la fumée dans le dos de commanditaire. Et si elle dévia une balle par chance avec le sabre de Salem, la seconde se ficha dans son bras droit, lui arrachant une exclamation de douleur qui réveilla la crainte de la mort. Aisling se retourna horrifiée, mais déjà Rachel la tirait à nouveau par le bras pour la forcer à courir. Pour la forcer à fuir. Acte qu'elle regretterait sûrement. Il supposait ignorer les hommes qui les canardaient et surtout compter sur le fait qu'une femme enceinte jusqu'aux yeux puisse vraiment échapper à de tels poursuivants.

            Un coup de mousquet claqua une nouvelle fois dans l'air. La morsure du métal, qu'elle pensait pourtant avoir apprivoisé, lui rappela combien son entreprise était vouée à l'échec. Combien elle-même était impuissante à propos de ce que les grands de ce monde décidaient. Et ce grand homme de la révolution en avait décidé autrement. Qu'est-ce que ça devait être sur la route de tous les périls...
            Une ombre passa au-dessus d'elle comme elle gémissait et se lamentait, face contre terre, Aisling penchée au-dessus d'elle et paniquée. Alors une nouvelle fois, pour sauvegarder ce visage maternel qu'elle représentait à ses yeux, Rachel se releva et brandit devant elle, haletante et mâchoire serrée, le sabre remis par Salem et qui constituait en cet instant, à ses yeux, le meilleur des remparts contre cet homme à la mine dure, sévère et aux yeux froids.

            -Écarte-toi gamine. Tu as sûrement été parfaitement embrigadée, mais ici, c'est nous qui œuvrons pour la vraie justice. Et c'est par des actes comme ceux d'aujourd'hui que la population s'en rendra compte. Que tu t'en rendras compte. Mais aujourd'hui, tu n'es pas une cible. La seule cible c'est elle.

            Celle qui nourrissait en son sein les enfants de Salem, les petits enfants de Keegan. Était-elle une menace ou un symbole ? Déjà trop de questions d'adultes.

            -Je ne te la laisserai pas, et surtout pas pour des valeurs aussi bêtes. Tuer des innocents pour la justice ? Si je pouvais j'en rirai volontiers. Dans son état normal, jamais elle n'aurait utilisé le sarcasme. Il faut un début à tout.
            -Ça valide deux de mes théories. Tu es déjà trop embrigadée et trop jeune pour comprendre ce qui se trame dans le monde auquel tu appartiens.

            Rachel se jeta sur lui. Entre rage, désespoir toujours et éternellement cette impuissance. Elle voulait hurler une nouvelle fois à la femme de Salem de fuir, mais c'était encore une vaine entreprise inutile. Alors sabre au clair, elle le menaça d'une attaque frontale qui ne l'inquiéta pas. Qu'il repoussa du plat de la main sans aucune difficulté tandis que de l'autre, son poing rencontrait la tempe de Rachel. Un coup qui lui fit mordre la poussière une nouvelle fois et envoyer son sabre glisser plus loin. Une longue plainte et un sanglot suivirent, faisant monter les larmes aux yeux de Aisling que toute cette violence révoltait sans rien pouvoir y faire.
            L'homme se détourna du corps meurtri de Rachel dont le sang teintait déjà le sol. Il fit un pas vers Aisling, toujours agenouillée, qui se raidit mais releva la tête vers cet homme qui promettait de la tuer d'un seul regard. Il sortit un colt d'une facture inconnue et le pointa droit sur la poitrine de Aisling, tremblante mais fière jusqu'au dernier moment.


            -Ne t'en fais pas, tu ne devrais pas sentir grand chose. Et puis un jour, depuis le paradis, tu comprendras peut-être et admettras alors que c'est nous qui avions raison. Et alors, nous accepterons tes remerciements.
            -Non !

            En tournant la tête, il put voir une nouvelle fois Rachel le regarder. Avec férocité. Avec hargne et détermination. Et dans son regard émeraude, une flamme apparut. Elle aurait pu être le reflet des quelques unes qui les entouraient, mais cet éclat lui était propre. Un œil qui brillerait plus tard de cette passion qui l'habitait en cet instant. La volonté de sauver Aisling, cette envie de faire ravaler à cet homme froid ses mots. Qu'importent les blessures. Qu'importent le sang qui palpitait dans ses mains crispées. Qu'importe que son propre sabre tremble entre ses mains. Qu'importe que cet homme lui sourie pour la charrier, elle et ses convictions, elle sentait sa force bouillonner en elle. Elle se savait capable de déplacer des montagnes. De vaincre cet adversaire, cet ennemi qui menaçait Aisling d'un canon droit sur sa poitrine. Ses dents découvertes et rajustant son col de sa main libre, il toisa Rachel avec pitié.

            -Tu n'as pas le droit de parler de la Mort comme si tu savais ce qu'il se trouvait de l'autre côté du voile. Mais je vais te faire une fleur... (Une nouvelle fois, elle bondit vers lui) Tu vas pouvoir le découvrir !
            -Trop tard, j'en ai peur... susurra-t-il en armant le chien de son colt, en appuyant sur la gâchette et sous les yeux de Rachel, Aisling s'effondra.

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              - NOOOON, NE FAIIIIS PAS C…

              Et le coup d’feu partit. Impitoyablement. A bout portant. Sans ne serait-ce qu’une seule chance de survie, à moins que les Dieux n’interviennent, mais encore que. Sans laisser le temps à Tom d’intervenir, lui qui chargeait son arme pour venir en aide à la pauvre Aisling. Sans me laisser le temps de comprendre grand-chose à ce meurtre aussi cruel qu’insensé. Alors que nous arrivions en renfort après une bataille acharnée où nous avions perdu deux de nos frères d’armes, j’avais vu toute ma vie basculer en une seconde seulement. Elle s’était écroulée comme un simple château de cartes. Comme si tous les efforts que j’avais fourni pour avoir un foyer stable et heureux avaient été inutiles, vains. Comme si j’étais maudit par quelque chose ou quelqu’un. L’espace-temps se figea soudainement autour de moi, et la scène se peignit de blanc et de noir. Les larmes me montèrent aux yeux, tandis que je poussai sur mes jambes pour la rattraper, et pour je ne sais quoi d’autre. L’image précédente que je vis d’elle, était celle d’une femme effrayée, mais tout d’même fière face à la mort. Une digne femme qui aura lutté jusqu’au bout pour sauver la vie de ses bambins. Alors que j’étais à quelques mètres seulement, son corps chuta et heurta violemment le sol, sous le rire sinistre de son meurtrier qui fut attiré par ma venue, et qui braqua son arme sur moi. Mais j’étais tellement inquiet pour Aisling que je ne vis pas venir ses balles qui se plantèrent dans la chair de mes cuisses, de sorte à me faire tomber et à me rendre vulnérable…

              - AIIISLIIIIIIIIIIIIING !!!!

              Même à terre, et couvert de poussières, je ne lâchais pas l’affaire. Qu’importe la douleur, qu’importent mes cuisses, qu’importe ma vie elle-même ! Je m’étais alors mis à ramper pathétiquement vers son corps, tandis que Tom ouvrait enfin le feu sur le bourreau de ma femme qui n’eut d’autres choix que d’effectuer un bond et des saltos arrière pour assurer sa propre survie. L’homme s’était alors mis à rire, pendant que ses sbires l’entouraient pour former un bouclier humain. Eux aussi, semblaient tout aussi amusés de voir la marine en déroute. Comme un ver de terre, j’avais enfin fini par rejoindre le corps de ma femme qui saignait abondamment. Aisling fit un grand effort pour se retourner vers moi et pour me sourire une dernière fois. Elle porta l’une de ses mains à la fois poussiéreuse et ensanglantée qu’elle posa sur ma joue la plus accessible, avant de la caresser affectueusement. Son visage semblait radieux malgré le sang qui coulait aux commissures de ses lèvres. L’albinos semblait prête à accueillir la mort comme il se devait. Des larmes commencèrent à couler le long de mes joues. Je fis un grand effort pour me redresser et la prendre dans mes bras, avant d’essayer de bloquer son hémorragie. Effort qui semblait inutile, quand on voyait la quantité de sang qu’elle avait déjà perdue. Son sourire s’accentua légèrement et elle hocha la tête de gauche à droite comme pour me dire que « c’est trop tard, il n’y a plus rien à faire ». Puis elle hoqueta violemment, crachant même du sang… Avant de rendre son dernier soupir dans mes bras…

              - AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHH !!!!


              J’avais alors poussé un cri inhumain qui se fit entendre partout sur l’île, où plus aucun bruit ne régnait. Un hurlement à la fois plein de haine et de désespoir, qui résonna dans les décombres fumants du QG d’East Blue. Tous furent apeurés par ma voix criarde, marines comme révolutionnaires. Et tous se rendit compte que quelque chose en moi s’était brisé. Mon âme avait subi une violente rupture. Une rupture qui allait faire mal. Une rupture qui allait répandre la mort autour d’elle. Brusquement, mes cheveux se mirent à pousser à folle allure, au même titre que mes canines. On aurait dit un animal sauvage. Mais il n’y avait pas que cela. Ma corpulence avait tout bonnement doublé de volume, au point que j’avais presque atteint la corpulence du vice-amiral Fenyang. Tous les officiers qui furent à mes côtés, se mirent à trembler et à reculer de peur. Même Tom qui avait fini par prendre Rachel dans ses bras, était sans voix devant un tel spectacle. Le commanditaire du raid révolutionnaire écarquilla ses yeux, avant de se reprendre ! L’homme qui se transformait sous ses yeux était un monstre, et peut être même le diable en personne. Un monstre qu’il fallait abattre à tout prix. Il ordonna alors à tous ses hommes de me viser avec une arme, alors que j’avais fini par poser silencieusement le corps de ma défunte épouse afin de reprendre mon meitou que Rachel avait laissé trainer par terre. Lorsque je l’eus récupéré après avoir esquivé de nombreuses balles, je posai alors mes yeux d’un vert pur sur l’escouade ennemie, avant de prononcer ces quelques mots fatidiques :

              - Je vais vous faire une grâce : Vous envoyer au paradis pour que vous serviez d’esclaves à ma femme et à mes deux enfants.


              La suite ? Un carnage sans précédents. Ma transformation m’avait octroyé plus de vitesse et plus de force physique. Attributs que j’employai avec le plus grand plaisir du monde. Ils étaient environ une vingtaine. En à peine trois minutes, il n’en resta plus qu’un seul : Le chef du QG révolutionnaire d’East Blue. Les autres ? Décapités, démembrés et parfois même éventrés. J’avais fait preuve d’une extrême violence qui avait choqués la plupart de mes collègues encore en vie. Si certains étaient sur le cul, d’autres avaient même gerbé comme jamais auparavant. Même que Tom ne me reconnaissait plus. Je m’étais laissé envahir par la haine. Et c’était elle qui dictait mes actes. Devant l’ennemi qui n’avait plus que son arme à feu pour se défendre, j’eus un sourire malsain ponctué par mes canines. Le type ne se laissa pour autant décontenancer, et le combat put commencer. S’il esquivait mes coups de lames, j’en faisais autant pour ses balles. Et il chargeait plus vite que son ombre le bougre ! Notre combat dura une éternité. Une heure, peut être deux. Le révolutionnaire avait fini par prendre un sabre par terre pour relayer son arme à feu puisqu’il n’avait plus de balles. Et un duel de bretteurs s’offrait aux autres. Mon père qui était de retour avec les siens, était lui aussi sidéré par ce combat titanesque et par ma transformation. Lui-même ne put retenir une larme lorsqu’il vit le corps de dame Fenyang. Personne n’osa s’interposer dans ce combat qui s’acheva quelques heures plus tard par ma victoire. Mon meitou avait fini par briser son sabre de mauvaise facture, avant de se planter dans son cœur…

              Le soleil se leva doucement sur une ile complètement détruite. Le vent qui s’engouffrait dans les décombres çà et là, semblait sonnait le glas. Un glas amer. Alors que tous croyaient le cauchemar terminé, je m’étais avancé vers eux, d’un pas tout à fait menaçant. Mon regard mauvais en disait long sur mes objectifs, tant et si bien que les autres s’armèrent lorsque je m’avançais vers eux. Tom s’approcha de moi, voulut me raisonner, mais le coup que je lui infligeai, le fit traverser plusieurs murs déjà sérieusement endommagés. Mes yeux se posèrent ensuite sur mon père qui me fit face, d’un air dur. Keegan était prêt à défendre les survivants. Avec ma transformation dont lui seul semblait connaitre l’origine, nous avions à peu près la même taille, la même corpulence. Si bien que le combat qui s’en suivit fut tout aussi violent, mais assez court. Mes blessures, mes efforts déjà fournis, ainsi que la force nettement supérieure du vice-amiral, avaient penché la balance en sa faveur. Lorsqu’il me battit, mon corps redevint normal en un clin d’œil. J’étais alors tombé à ses pieds, tandis que Tom sortaient des décombres, avec quelques fractures. Au sol, et lors de mes derniers instants de conscience, j’eus un regard. Un regard profondément désolé à l’égard de la pauvre Rachel qui devait avoir subi de lourds traumatismes à cause de tous ces évènements. Je m’en étais alors voulu, et je lui avais fait un sourire. Un beau sourire, avant de m’évanouir. Et dans ce relâchement, une partie de moi mourrait avec ma femme. C’était indéniable pour tous : Le Salem qu’ils avaient connu n’allait plus jamais être le même…
              Envolés les sons. Même la détonation ne résonna pas à ses oreilles.
              Elle avait bondi, avisé l'homme dédaigneux, mais n'avait pas été assez rapide. Beaucoup trop lente même. Lorsque le coup était parti, la scène s'était figée. L'homme un sourire satisfait, mauvais au possible, tournait très lentement son visage déformé par son sourire vers Rachel tandis que le corps de Aisling était emporté par des gravités contre lesquelles elle ne pouvait plus lutter. Très lentement. Rachel elle-même était suspendue entre deux temps, les yeux écarquillés, choquée. Une gerbe de sang s'échappa de la poitrine de la femme enceinte, masquant un instant le soleil et teinta, aux yeux de Rachel, l'environnement d'une sombre couleur écarlate. Et pourtant l'homme ne perdait rien ni de sa superbe ni de son air démoniaque. Il avait eu ce qu'il voulait. Il était heureux. Et il frappa le frêle corps sans défense de la jeune sous-officière d'un coup de pied retourné avant que le temps n'ait pu reprendre ses droits.

              Ce fut Tom qui la rattrapa et Salem qui amortit la chute de sa femme. Une femme au regard désolé pour son mari. Désolé d'emporter avec elle leurs enfants. Ce qui ne l'empêcha pas de rester magnifique même dans la mort, un léger sourire aux lèvres, les douces lumières de fin d'après midi jouant sur ses joues et ses yeux. Juste avant que le voile de la Dame ne se pose sur son regard. Son visage. Son corps.

              Le cri de Salem brisa le cœur de Rachel en milliers de tessons qui se plantèrent dans sa poitrine, exacerbant les douleurs de ses blessures, des balles toujours fichées dans son corps. Mais la douleur n'était rien comparée à la peine de son sauveur fondant en larme. Une peine qui s'insinua jusqu'en elle avec la perfidie d'un serpent sadique. C'est à cette tristesse qu'elle succomba lorsqu'un poignard invisible se planta dans sa poitrine. Portant la main à son cœur meurtri, elle remarqua que son visage était baigné de larmes. Et que les bras puissants de Tom qui la berçaient dans un mouvement mécanique visant à les rassurer autant elle que lui n'y changeaient rien. Tous étaient en état de choc. Tous l'aimaient.
              Sauf cet homme. La cause de tout ça. Qui regardait son œuvre, fier.
              Et malgré tout, son sourire le quitta au moment même où Salem perdait la raison. Son visage se décomposa à l'image de tous les autres tournés vers le monstre que l'officier devenait. Vers le monstre... qu'il devenait. Le... monstre...

              Rachel arrêta de respirer.

              A cette image de Salem, embuée par les larmes et la détresse, une autre se superposa. Celle d'un cauchemar. Une autre bête, ensanglantée du sang de ses pères, se tenant face à elle dans le pauvre halo de lumière d'une lampe à huile. Un cauchemar récurrent. Qui plus que la terrifier, la terrorisait. Une image qu'on lui demandait subitement d'affronter en la personne de Salem.

              Elle ne le put.

              Ses yeux devinrent vitreux. Elle ne voyait plus rien. Son esprit venait à son tour de se fissurer en milliers d'échardes létales.
              Du combat qui sembla durer une éternité, elle ne vit rien. Elle sentit Tom la lâcher à un moment mais elle resta prostrée et immobile. Fermée au monde. Salem s'effondra sous les coups de son père, mais elle n'en sut jamais rien. Juste la lumière. Les couleurs d'un soleil rouge vif qui disparaissait progressivement à l'horizon.
              On la souleva.
              On l'emmena loin de toute cette horreur.
              On la tira à l'abri, elle ainsi que Salem.
              On la soigna.

              Et même si elle avait les yeux ouverts, de tout ça, elle n'en garda aucun souvenir.
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